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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 003 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 25 mars 2010

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    Bienvenue à la troisième séance du Comité permanent du patrimoine canadien. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous étudions le Canada et les nouveaux médias.
    Ce matin, nous accueillons Michael Geist, président, Recherche en loi sur interéseau et commerce électronique, de l'Université d'Ottawa.
    Bonjour, monsieur Geist. Si vous voulez bien commencer votre exposé, s'il vous plaît…
    M. Rodriguez invoque le Règlement.
    Monsieur le président, à titre d'information, je voudrais savoir pourquoi nous n'avons pas eu de réunion mardi de cette semaine et jeudi dernier.
    Mardi, nous n'avions aucun témoin. Nos témoins ne pouvaient pas venir. Voilà pourquoi il n'y a pas eu de réunion.
    Et la semaine dernière? Deux réunions ont été annulées. Je voudrais savoir pourquoi.
    C'est également parce que nous n'avions pas de témoins.
    Nous avons dû réexaminer notre liste de témoins et recontacter les témoins. M. Geist est ici aujourd'hui parce qu'il était disponible. Les gens ne sont pas tous disponibles les jours où nous avons besoin d'eux. À l'avenir, nous aurons des témoins à chacune de nos réunions.
    Il n'y a donc pas de problème pour la prochaine séance?
    Non.
    Merci.
    Allez-y, s'il vous plaît, monsieur Geist.
    Comme on vous l'a dit, je m'appelle Michael Geist. Je suis professeur de droit à l'Université d'Ottawa où j'occupe la chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique. Je suis également chroniqueur dans le domaine du droit et de la technologie pour le Toronto Star et l'Ottawa Citizen. J'ai fait partie du groupe de travail national sur le pourriel; j'ai siégé, pendant de nombreuses années, au conseil d'administration de l'Autorité canadienne pour les enregistrements Internet, l'ACEI, qui régit les noms de domaine point.ca; et je siège au comité consultatif d'experts de la Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, mais je comparais aujourd'hui devant le comité à titre personnel et mes opinions n'engagent que moi.
    Le comité a posé plusieurs questions, mais je pense que deux d'entre elles touchent au cœur du problème. Premièrement, en quoi les changements survenus dans le domaine des nouveaux médias ont-ils changé le visage des médias? Deuxièmement, que peut faire le gouvernement? Je voudrais essayer d'ouvrir au moins la discussion sur ces deux sujets.
    Premièrement, quels ont été les changements? Nous sommes en train de passer d'un monde largement caractérisé comme un monde de rareté à un monde d'abondance dans lequel nous voyons les Canadiens jouer un rôle important. Des maisons de disques comme Nettwerk Records, en Colombie-Britannique ou Arts&Crafts, à Toronto ont été parmi les premières à se servir d'Internet pour faire connaître leurs artistes et à bénéficier de son grand potentiel. Malgré quelques difficultés, le marché canadien de la musique numérique a connu une expansion plus rapide que le marché des États-Unis au cours des quatre dernières années. En fait, nous nous classons au septième rang mondial des ventes de musique numérique, c'est-à-dire pratiquement au même niveau que sur le marché des ventes hors ligne où nous occupons la sixième place.
    L'industrie canadienne du logiciel de divertissement connaît une croissance rapide grâce à des investissements réguliers au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique. Ces investissements sont dictés non pas par un cadre juridique, mais plutôt par le talent, la créativité et le succès commercial. Les petits joueurs obtiennent également des bons résultats dans des nouveaux marchés comme les applications iPhone et Facebook. Le réseau de télévision canadien The Score fait figure de chef de file en Amérique du Nord pour son application en ligne. Des sociétés comme Polar Mobile fournissent maintenant des applications iPhone au marché mondial.
    Les Canadiens jouent également un rôle clé dans les nouveaux modèles de livres. Par exemple, Wikitravel est un des sites de voyages les plus appréciés sur Internet. Il a été lancé en 2003 par deux Montréalais, Evan Prodromou et Michele Ann Jenkins. Ils ont utilisé la technologie de collaboration Wiki qui a fait le succès de Wikipedia pour inviter les voyageurs à faire part de leurs observations et de leurs expériences au sujet de différents endroits dans le monde afin de créer un guide de voyage généré par la communauté internaute. Ce site a accumulé plus de 30 000 guides de voyage en 18 langues différentes grâce à 10 000 contributions hebdomadaires. Le contenu fait l'objet d'une licence Creative Commons qui permet au public de l'utiliser, de le copier et de s'en servir comme base de création. Forts de ce succès, ils ont créé Wikitravel Press. C'est une nouvelle façon d'aborder l'édition de guides de voyage grâce à des outils de collaboration Internet et à des technologies d'impression sur demande.
    Les exemples de succès ne se limitent pas aux nouveaux arrivants. Prenez l'Office national du film du Canada. Je ne m'attends pas à ce que l'ONF remplace YouTube dans l'esprit de bien des gens pour ce qui est des vidéos sur Internet, mais une série d'innovations ont souligné l'avantage de la libre diffusion et la possibilité que le contenu canadien rejoigne un auditoire mondial. L'année dernière, quelques mois avant son 70e anniversaire, l'ONF a lancé l'Espace de visionnement en ligne, un portail Internet destiné à rendre ses films plus facilement accessibles aux Canadiens et aux cinéphiles du monde entier. Pour atteindre son objectif, elle s'est engagé à être la plus ouverte, transparente et accessible possible, y compris en rendant ses films librement disponibles et intégrables dans les sites Web de tiers.
    En janvier 2009, il y a juste un peu plus d'un an, l'ONF a commencé avec 500 films. Aujourd'hui, ce chiffre a presque triplé passant à près de 1 500 films, extraits et bandes annonce et cette sélection plus importante s'est accompagnée d'une augmentation massive de l'auditoire. Il y a eu 3,7 millions de visionnements en ligne rien qu'au cours de la première année: 2,2 millions à partir du Canada et 1,5 million à partir du reste du monde. Ce chiffre va encore croître car en janvier, les films canadiens de l'ONF ont fait l'objet de 20 000 visionnements quotidiens. C'est le chiffre par jour.
    Le site se sert aussi de la technologie mobile pour améliorer l'accès du public. En octobre dernier, il y a quelques mois, il a lancé une application iPhone qui a été téléchargée plus de 170 000 fois et a permis plus d'un demi-million de visionnements sur cet appareil mobile omniprésent.
    Également, la SRC a expérimenté de nouveaux modèles de diffusion. En 2008, elle a diffusé une version de l'émission Canada's Next Great Prime Minister sans aucune protection de droit d'auteur au moyen de BitTorrent, le protocole poste-à-poste qui est souvent associé au partage illégal de fichiers. Le public a pu télécharger, copier et partager cette émission sans aucune restriction.
(1110)
    L'utilisation de BitTorrent peut étonner ceux qui ont le tort d'associer automatiquement le partage de fichiers au piratage. BitTorrent et les autres technologies poste-à-poste ont de plus en plus de succès auprès des entreprises légitimes qui apprécient cette possibilité de diffuser du contenu de façon efficace et rentable. C'est devenu particulièrement important pour les cinéastes et créateurs indépendants canadiens qui voient là une façon moins coûteuse de diffuser leurs œuvres.
    En fait, le modèle de la SRC s'est inspiré de celui de la société de radiodiffusion norvégienne. Cette société s'était servie de BitTorrent pour diffuser Nordkalotten 365, une des émissions les plus prisées du pays. Cette formule a eu du succès, car il y a eu des dizaines de milliers de téléchargement, pratiquement sans aucun frais pour le radiodiffuseur.
    Ce n'est là qu'une minuscule partie des exemples de réussite que nous constatons actuellement. Nous pourrions voir, secteur par secteur, à quel point Internet se révèle extrêmement précieux pour les créateurs, les consommateurs et les producteurs. Mais je voudrais revenir à la question de savoir ce que le gouvernement canadien devrait faire. Je commencerai par cinq éléments.
    Il y a d'abord les réseaux canadiens. Les réseaux de télécommunications canadiens faisaient jadis l'envie du reste du monde. Ce n'est plus le cas, car nous avons été largement dépassés dans pratiquement tous les classements internationaux. Il faudrait, en priorité, faire en sorte que les Canadiens aient accès à des réseaux à haute vitesse comparables à ceux des leaders mondiaux actuels comme le Japon et la Corée du Sud. Je sais qu'on considère souvent que ce problème concerne le secteur de l'industrie, mais il présente une dimension patrimoniale cruciale. Nous devons reconnaître que les politiques à l'égard des réseaux à haute vitesse et qu'une tarification concurrentielle des services sans fil sont directement reliées au succès des nouveaux médias étant donné qu'ils représentent des systèmes de distribution essentiels du contenu numérique canadien. Il y a plusieurs questions à résoudre à ce niveau-là.
    Nous avons besoin d'un accès universel afin que tous les Canadiens puissent accéder à ces nouveaux médias.
    Nous devons favoriser l'investissement dans les réseaux rapides de fibre optique jusqu'au domicile pour permettre la mise en place des modèles de distribution par Internet et éliminer le goulot d'étranglement qui est parfois causé par l'espace d'écran limité ou la disponibilité limitée des canaux qui a nui à certains créateurs canadiens par le passé.
    Il faut aider les Canadiens à participer au processus de création et de participation. Nous sommes nombreux à reconnaître que la ligne de démarcation entre les créateurs et les utilisateurs devient de plus en plus floue et nous avons besoin de réseaux qui faciliteront à la fois la participation et la consommation.
    Enfin, nous devons veiller à faire respecter des règles régissant le réseau, y compris la neutralité du Net et les lignes directrices sur la gestion du trafic Internet afin que tout le contenu soit sur un pied d'égalité et ne soit pas victime d'une limitation de l'accès en fonction du genre de contenu ou du logiciel utilisé pour le diffuser.
    La question suivante est celle de la numérisation. À mon avis, il y a peu d'enjeux qui soient aussi importants que la numérisation pour la politique à l'égard des nouveaux médias. La plupart des pays ont reconnu la nécessité de veiller à préserver le contenu national pour les générations futures et à le rendre plus facilement accessible pour le public. Toutefois, au Canada les projets ont tardé à se réaliser à tel point qu'on pourrait croire que quelqu'un a appuyé sur la touche « Supprimer » pour ce qui est des perspectives de bibliothèque numérique canadienne digne de ce nom.
    Notre incapacité à suivre le mouvement est devenue évidente ces dernières années. À titre de comparaison, en septembre 2005, l'Union européenne a lancé i2010, un plan d'action pour la numérisation. Le lancement d'Europeana a suivi quelques années plus tard. C'est un site Web qui donne directement accès à plus de 4,6 millions de livres numérisés, de journaux, d'extraits de films, de cartes, de photographies et de documents en provenance de toute l'Europe. Ce site devrait accueillir 10 millions de ces objets d'ici la fin de cette année.
    De son côté, le Canada n'a pratiquement pas franchi la barrière de départ de la numérisation. Bibliothèque et Archives Canada a été chargé de cette responsabilité, mais n'a pas pu obtenir le soutien nécessaire pour réaliser un plan d'ensemble. Le ministère du Patrimoine canadien semble tout indiqué pour lancer une stratégie visant à favoriser l'accès aux œuvres canadiennes. Il a financé quelques petits efforts de numérisation, mais s'est montré peu intéressé à adopter une vision semblable à celle que nous voyons en Europe avec Europeana.
    Vient ensuite la question du gouvernement comme utilisateur modèle. Ces dernières années, de nombreux pays, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, ont lancé des initiatives de libération des données. D'autres, comme l'Australie, ont adopté des licences ouvertes pour rendre le contenu gouvernemental plus facilement utilisable et accessible. Nous avons commencé à voir quelques initiatives de ce genre au Canada au niveau municipal. Des villes comme Vancouver, Edmonton et Toronto ont ouvert la voie.
    L'ouverture des données gouvernementales est conforme aux objectifs de transparence du gouvernement et peut avoir un excellent potentiel économique en invitant les entreprises canadiennes à ajouter de la valeur aux données publiques. La politique canadienne devrait inclure des principes tels que la libération des données de l'État, l'élimination du droit d'auteur de la Couronne et un plus grand nombre de licences ouvertes pour les données gouvernementales, y compris les vidéos du gouvernement et ce genre de chose, ainsi qu'un engagement à faire en sorte que les marchés publics donnent au moins des chances égales aux logiciels en libre accès. Le gouvernement fédéral devrait, comme c'est le cas au niveau municipal, envisager de se tourner vers des données, des normes et des logiciels libres et ouverts.
    La politique culturelle vient en quatrième lieu. La politique culture canadienne a pendant longtemps mis l'accent sur la création et la promotion de la culture canadienne. Le gouvernement a déjà commencé à réorienter une grande partie de son aide vers les nouveaux médias et les plateformes numériques. Avec le passage d'un monde de rareté, caractérisé par une bande passante limitée et la difficulté d'accéder à la culture, à un monde d'abondance où l'accès à la culture est pratiquement illimité, les politiques canadiennes doivent également s'éloigner d'une réglementation de plus en plus difficile à appliquer qui limite l'accès au contenu étranger en cherchant plutôt à soutenir la création et la promotion du contenu canadien.
(1115)
    À bien des égards, la politique culturelle est plus importante que jamais. Nous devons veiller à ce qu'elle devienne pertinente en étant efficace dans le contexte actuel. En fait, compte tenu des nouvelles enchères qui doivent avoir lieu d'ici deux ans pour la répartition du spectre, je crois qu'il faudrait songer sérieusement à réserver une partie du produit de cette vente au financement d'une stratégie numérique, y compris de la culture numérique. Nous pouvons utiliser une partie de ces recettes directement dans ce domaine.
    Enfin, et cinquièmement, je ne puis m'empêcher de parler du droit d'auteur. Il va sans dire que la politique du droit d'auteur fait partie intégrante d'une stratégie gouvernementale à l'égard des nouveaux médias. Je crois absolument indispensable que, dans le cadre de cette politique, l'équilibre qui existe actuellement à l'égard du droit d'auteur hors ligne soit préservé en ligne. Cela veut dire que les créateurs doivent recevoir une rémunération adéquate et avoir la marge de manœuvre dont ils ont besoin pour pouvoir créer. Cela veut dire que les utilisateurs doivent conserver leurs droits. Cela veut dire que la propriété intellectuelle ne doit pas causer trop de difficultés aux entreprises lorsqu'elles cherchent à innover dans ce domaine.
    Ici, je voudrais souligner trois questions clés. Premièrement, le Canada devrait mettre en œuvre les traités Internet de l'OMPI. Cela dit, ces traités laissent énormément de souplesse quant à la façon de les mettre en œuvre, surtout en ce qui concerne les règles anticontournement — les verrous numériques — comme cela a été récemment confirmé dans un rapport du Conference Board du Canada sur la propriété intellectuelle. Cela signifie que nous pouvons mettre les traités en œuvre et appliquer les règles anticontournement lorsqu'il y a effectivement violation du droit d'auteur.
    Deuxièmement, il y a la question de la responsabilité de l'intermédiaire, c'est-à-dire généralement le fournisseur d'accès Internet. À mon avis, cela ne devrait pas poser de problème. Les deux projets de loi sur le droit d'auteur à l'ère numérique que nous avons vus par le passé, le projet de loi C-60 et le projet de loi C-61 adoptaient la même approche: la double notification. Il s'agit, pour le détenteur du droit d'auteur, d'envoyer une notification au fournisseur d'accès Internet qui a alors l'obligation de transmettre cette notification à l'abonné.
    Ces notifications sont efficaces. La Business Software Alliance a souligné leur efficacité étant donné qu'un grand nombre d'usagers qui reçoivent une notification modifient leur conduite en conséquence. En fait, l'Association canadienne du logiciel de divertissement a attiré l'attention sur sa propre étude selon laquelle 29 p. 100 des utilisateurs n'ont pas répondu à la notification, ce qui veut dire que 71 p. 100 l'ont fait, ce qui est un chiffre impressionnant. Je pense que ce sont là des résultats assez convaincants.
    Troisièmement, il y a l'utilisation équitable. Nous reconnaissons tous, actuellement, que cela pose un problème. Des activités courantes comme l'enregistrement d'émissions de télévision ou le changement de support ne sont pas couvertes. Cela n'inclut pas certaines activités artistiques comme la parodie. Certaines utilisations didactiques ne sont pas couvertes et les entreprises novatrices ne peuvent pas non plus compter sur une exemption. Cela touche au cœur de la création de nouveaux médias.
    La solution que je proposerais et que je crois simple et directe, consiste à ajouter les mots « telles que » afin que la liste des utilisations équitables soit donnée à titre d'exemple au lieu d'être limitative, ce qui l'assouplirait sans compromettre l'équité, ce qui est crucial. Il s'agit d'utilisations équitables et non pas d'utilisations gratuites. L'inclusion de l'expression « telles que » engloberait toutes les restrictions qui existent actuellement à l'égard des utilisations équitables pour faire en sorte que les utilisations soient équitables, mais sans les limiter aux catégories étroites qui existent actuellement.
    Nous vivons à une époque extrêmement intéressante, pleine de potentiel pour les créateurs, les consommateurs et les entreprises canadiennes. Internet et le monde numérique offrent de nouvelles façons de relever les défis d'hier tels que le manque de temps de diffusion, la difficulté de rejoindre l'auditoire et, de plus en plus, les coûts de production élevés, surtout en ce qui concerne la diffusion.
    À mon avis, c'est une excellente chose que le comité s'attaque à cette question importante. Je suis prêt à répondre à vos questions.
(1120)
    Merci beaucoup pour cet exposé.
    La première question émane de M. Rodriguez, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Geist, merci d'être venu. C'est toujours un plaisir de vous voir.

[Français]

    Nous allons revenir un peu sur le sujet que nous traitons de façon très spécifique, soit les nouveaux médias. Un des éléments qui intéresse beaucoup les membres du comité, c'est l'avenir des médias traditionnels.
    Quel est l'impact de l'avènement des nouveaux médias sur les médias traditionnels et, en particulier, sur la télévision telle quelle? On constate que la télévision a des défis énormes. Les chaînes généralistes ont des défis énormes compte tenu de l'avènement de beaucoup de chaînes spécialisées. Moins de gens regardent la télévision alors que de plus en plus de gens vont sur Internet pour les mêmes besoins.
    J'ai une question simple pour commencer: quel est l'avenir de la télévision conventionnelle?

[Traduction]

    C'est une simple question.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Michael Geist: J'ai lu avec intérêt, comme tout le monde, j'en suis sûr, les conclusions du CRTC ainsi que le rapport présenté au gouvernement la semaine dernière. Je pense qu'en réalité, personne ne sait exactement à quoi il ressemble.
    Ce que nous savons, je pense, c'est que nous ne pouvons pas créer des politiques qui laissent largement de côté la réalité qu'est Internet. Si j'avais une critique à formuler à l'égard de la décision que le CRTC a rendue au début de la semaine, par exemple, c'est qu'elle ne semblait pas tenir compte du reste. C'était comme si Internet n'existait pas, comme si nous pouvions créer certaines politiques visant à soutenir certains éléments de la télévision dont vous parlez en supposant que les consommateurs iront simplement dans cette direction quel qu'en soit le coût.
    En fait, c'est précisément ce que le CRTC a fait valoir dans le rapport qui a suivi le lendemain. Il a laissé entendre que les consommateurs tienne peu compte du prix et qu'ils continueront à payer les tarifs, même s'ils augmentent.
    J'avoue être sceptique. Il est peut-être vrai que certaines catégories de Canadiens ne se laissent pas influencer par les prix, qu'ils comptent beaucoup sur la télédiffusion et qu'ils continueront de payer. Mais si vous prenez les gens plus jeunes, je crois qu'ils passent… Chacun sait qu'ils passent de plus en plus de temps en ligne. En fait, ils se servent d'Internet non seulement pour communiquer et avoir accès à la culture et à des médias sociaux comme Facebook, mais aussi pour ce qui constitue, en fait, l'équivalent de la télévision. Je me fie à l'exemple de mes propres enfants. Si vous leur demandez de choisir entre la télévision ou l'ordinateur — ils sont jeunes, ils ont onze et neuf ans — c'est un choix facile pour eux.
    C'est une excellente remarque.

[Français]

    Puisque vous avez touché à la question du CRTC, comment voyez-vous son rôle à l'avenir dans cette transition? Selon moi, le CRTC n'est pas nécessairement apte à prendre une décision concernant les nouveaux médias et le nouvel environnement.
     Par exemple, la Loi sur la radiodiffusion devrait-elle être revue? Comment voyez-vous le rôle et aussi les pouvoirs du CRTC dans ce contexte?

[Traduction]

    L'année dernière a été, bien entendu, une année très chargée pour le Conseil qui s'est penché sur la radiodiffusion de même que sur les télécommunications. Il est devenu évident, je pense, surtout dans le cadre des discussions sur les télécommunications, à propos de sujets comme la neutralité du réseau et les lignes directrices pour les fournisseurs d'accès Internet, que des organismes comme ACTRA et bien d'autres groupes de créateurs voulaient parler de l'impact que les règles régissant les télécommunications auraient sur ce que la plupart d'entre nous considérons comme de la radiodiffusion, sur la capacité de prendre le contenu et de le rendre disponible sur la totalité des diverses plateformes.
    Le Conseil a beaucoup hésité à le faire. Il a déclaré que les discussions portaient sur les télécommunications et que la radiodiffusion faisait l'objet d'audiences distinctes. Il est de plus en plus évident, selon moi, que la compartimentation de la réglementation entre la radiodiffusion et la télécommunication n'a pratiquement plus sa place. La capacité de faire la distinction entre les deux et de dire que les restrictions et les règles qui s'appliquent à un secteur ne s'appliquent pas à l'autre me semble problématique. Le CRTC se trouve souvent les mains liées à cet égard et a de la difficulté à y faire face.
    L'idéal serait de réexaminer la séparation de ces deux lois et d'élaborer une loi sur la communication d'une portée plus générale reconnaissant qu'à l'heure actuelle, et ce sera encore plus vrai à l'avenir, il est pratiquement impossible de faire la distinction entre ce que nous considérons comme la radiodiffusion traditionnelle et ce que nous considérons comme la télécommunication.
(1125)
    Il vous reste dix secondes… Très bien.
    Madame Lavallée, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Geist, d'être ici. Votre présence est très appréciée, surtout pour toutes les réflexions que vous avez faites concernant le numérique et aussi les droits d'auteurs. Elles sont très connues et appréciées.
    C'est justement pour cela que vous avez fait état de choses qu'il fallait que fasse ce gouvernement. Vous avez posé les principales bases d'une éventuelle stratégie globale de passage au numérique. Je suis heureuse que vous ayez aussi inclus les droits d'auteur à cet égard, parce que ce n'est peut-être pas évident pour tout le monde qu'on ne peut pas passer au numérique sans régler, au préalable, la question des droits d'auteurs.
    En terminant de répondre aux questions de M. Rodriguez, vous avez parlé d'un projet de loi. Ne seriez-vous pas d'avis qu'avant d'adopter un projet de loi, ce gouvernement, qui a jusqu'à maintenant mis des diachylons à droite et à gauche sur des besoins pressants, devrait plutôt élaborer une vaste stratégie globale relative au passage au numérique avec tout ce qui existe actuellement? Il devrait mettre cela ensemble pour créer une vision, de sorte que tout le monde sente qu'on s'en va dans la même direction en même temps, y compris les consommateurs qui font actuellement face à des défis importants.

[Traduction]

    Nous sommes absolument d'accord pour dire que nous avons désespérément besoin d'une stratégie nationale pour le numérique. Je signale que les cinq enjeux dont j'ai parlé ne représentent pas la totalité du problème. Quand nous parlons d'une stratégie numérique, je pense que cela comprend également un certain nombre d'autres domaines.
    D'après ce que le gouvernement a dit, dans le discours du Trône ou certaines déclarations du ministre de l'Industrie, cette stratégie sera peut-être présentée. Je crois donc que nous sommes nombreux à attendre impatiemment de savoir exactement ce que le gouvernement envisage.
    Vous avez raison de dire que cette stratégie aurait dû être mise en place depuis longtemps et je ne pense pas que le gouvernement actuel soit seul à blâmer. À bien des égards, nous avons passé une dizaine d'années à tergiverser, en restant pratiquement à la case départ. Si vous jetez un coup d'oeil en arrière, nous avions une stratégie très solide pour le numérique à la fin des années 1990. Il y avait alors un ministre de l'Industrie, John Manley, qui a occupé ce même poste pendant longtemps. C'est un des grands dossiers qui ont retenu son attention, ce qui a suscité toute une série de politiques, allant de la Loi sur la protection des renseignements personnels aux initiatives permettant que toutes les écoles soient connectées à toutes sortes de choses différentes. Je pense que cela a eu des effets très positifs.
    Au cours des 10 dernières années, les gouvernements des deux partis qui se sont succédé n'ont pas fait grand-chose. À mon avis, notre recul dans le domaine des télécommunications, par exemple, en résulte directement. Nous nous sommes reposés sur nos lauriers, ou presque. Je suis donc absolument d'accord.
    Vous avez mentionné la nécessité de résoudre la question du droit d'auteur. Je suis certainement d'accord et d'après le discours du Trône, je crois que ce sera fait. Je ferais remarquer qu'une des critiques à l'endroit du dernier projet de loi, le projet de loi C-61, en dehors de sa teneur dont je me ferai un plaisir de parler, bien entendu, portait sur le manque de consultations publiques à ce sujet. Il faut reconnaître que l'été dernier, le gouvernement a mené la consultation la meilleure et la plus ouverte que nous ayons eue, selon moi, sur le droit d'auteur. Plus de 8 000 Canadiens ont pris la peine d'y participer.
    En tout cas, cela montre clairement à nos élus que c'est important, non seulement pour les groupes de créateurs et les groupes de l'industrie, mais aussi pour un très grand nombre de citoyens. Quand le gouvernement mène une consultation au milieu de l'été et que 8 000 personnes se présentent pour donner leur opinion, cela compte.

[Français]

     En passant, la consultation publique sur les droits d'auteur n'est pas allée sans mal. Effectivement, les gens de la Société canadienne de perception de la copie privée ont dû se battre pour y être invités, ce qui n'est pas très normal. Je crains que cela n'indique une tendance du gouvernement à ne pas inviter des gens qui défendraient des arguments qu'il ne veut pas entendre.
    En ce qui concerne les droits d'auteur, j'ai l'impression que la loi s'en vient assez rapidement. On dit même d'ici juin. D'après vous, dans la loi actuelle, qu'est-ce qui devrait le plus changer afin que ça s'adapte à la numérisation?
(1130)

[Traduction]

    Nous entendons le même genre de choses. Pour terminer sur le sujet de ces consultations, j'estime qu'elles étaient ouvertes. Il est vrai qu'il y a eu des tables rondes, mais tous ceux qui voulaient présenter leur point de vue ont pu le faire. J'ai reçu de nombreux courriels, surtout de jeunes Canadiens disant que c'était la première fois qu'ils participaient à une consultation publique. J'ai trouvé encourageant de voir non seulement de tels chiffres, mais également la participation de jeunes qui jusqu'ici semblaient être plutôt apathiques au sujet de la politique et des processus politiques. J'ai donc trouvé que c'était une bonne chose.
    Pour ce qui est des enjeux particuliers, au cours de mon exposé, j'ai essayé d'en souligner trois. Il y a notamment les traités Internet de l'OMPI. Certaines personnes n'étaient pas d'accord, je crois, quant aux traités comme tels et à la nécessité de les mettre en œuvre. Dans un certain sens, la locomotive est en marche. Tout le monde est maintenant d'accord pour dire que nous devons donner suite à ces traités. Néanmoins, les dispositions détaillées de ces traités sont d'une importance cruciale et elles offrent énormément de latitude. Nous devons faire en sorte de les mettre en œuvre afin d'assurer une protection adéquate dans le contexte numérique, mais nous devons également veiller à ce que la souplesse de ce traité se reflète aussi dans la loi canadienne. Cela signifie, je pense, qu'il faut établir si ceux qui crochètent la serrure numérique, qui contournent les technologies commettent une violation des droits d'auteur.
    Une personne qui contourne les restrictions, disons pour protéger sa vie privée, parce qu'elle craint que quelqu'un examine ses habitudes d'écoute, par exemple, au moyen d'une serrure numérique, devrait pouvoir contourner cette serrure. Ce n'est pas une violation du droit d'auteur. C'est pour veiller à ce que sa vie privée soit bien protégée. Par contre, celui qui le fait pour pouvoir graver 1 000 DVD et les vendre au coin de la rue devrait certainement tomber sous le coup de l'application rigoureuse de la loi. Voilà pour cette question.
    La deuxième question concerne le rôle des intermédiaires, des fournisseurs d'accès Internet. Comme je l'ai mentionné, dans les projets de loi précédents, le modèle que nous avons vu est celui de la double notification et je crois qu'il s'est révélé efficace. À mon avis, la méthode qui consiste à « notifier et arrêter » en vigueur dans d'autres pays s'est révélée très problématique. Et pire encore, le modèle que certains pays ont commencé à expérimenter et qui consiste à exclure littéralement les gens d'Internet après trois infractions me paraît totalement disproportionnée. Cela va à l'encontre des politiques qu'ils essaient de mettre en œuvre du point de vue de la stratégique numérique.
    En troisième lieu, il y a la question de l'utilisation équitable. À bien des égards, cette question devient plus pertinente dans un contexte numérique. Une poursuite est en cours en Colombie-Britannique contre des créateurs qui ont parodié un journal et qui ont été poursuivis par ce journal en vertu de la Loi sur le droit d'auteur. Ces créateurs ont fait valoir qu'il s'agissait d'une parodie évidente et non pas d'une copie du journal en question. Le tribunal a déclaré que malheureusement, l'utilisation équitable ne couvre pas la parodie. Cela fait plus de 20 ans, presque 30 ans que le magnétoscope existe, mais les consommateurs ne peuvent toujours pas légalement enregistrer une émission de télévision.
    À mon avis, ce genre de choses rend la loi tout à fait anachronique. Si nous la mettons à jour dans le contexte du numérique, nous devons apporter la souplesse nécessaire à cette disposition concernant l'utilisation équitable.
    Merci.
    Vous avez un peu dépassé votre temps.
    Nous passons à Mme Leslie, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Geist. Nous avons vraiment de la chance que vous soyez ici pour partager vos connaissances avec nous. Vous êtes un expert dans différents domaines, mais je voudrais faire appel à vos connaissances concernant le monde numérique et la politique du monde numérique.
    Nous procédons à cette étude et le comité a choisi d'examiner le rôle du gouvernement fédéral. Je voudrais donc savoir ce que vous pensez de ce que nous faisons. Quels sont les écueils ou les dangers que nous pourrions éviter? Comment devrions-nous le faire? Avez-vous des conseils à nous donner sur la façon de procéder à cette étude?
    Comme je l'ai mentionné au départ, je crois que c'est une bonne chose à faire. C'est excellent. C'est un domaine important et dans la mesure où le comité peut contribuer à l'élaboration d'une stratégie numérique plus vaste, je pense que c'est très utile.
    Si nous examinons les discussions qui ont eu lieu sur le numérique au cours des cinq dernières années ou même plus, que ce soit en comité ou de façon plus générale, on a tendance, comme c'est normal, à recueillir les opinions des mêmes personnes. Il est certainement important d'entendre le point de vue des joueurs établis. Mais nous devons également reconnaître qu'une bonne partie de l'innovation qui a lieu dans ce contexte n'émane pas de ces joueurs traditionnels. En fait, un grand nombre d'entre eux ont de la difficulté à se maintenir à flot. Pour faire une étude pertinente qui examine vraiment les possibilités ainsi que certains des défis, il est absolument essentiel de dénicher certains des joueurs plus innovateurs. Dans bien des cas, ce n'est pas facile, car ce ne sont pas des entreprises que tout le monde connaît.
    Les gens ont entendu parler d'EA, Electronic Arts, la grande société de logiciel, par exemple, qui connaît un énorme succès. Polar Mobile est moins bien connue. Toutefois, la croissance des applications Facebook et iPhone représente un marché dont la croissance est extrêmement rapide, qui est très innovateur et qui présente si peu d'obstacles à l'entrée qu'il offre d'énormes débouchés pour les Canadiens. Il faut identifier ce genre de joueurs. Ce sont les petites maisons de disques ou celles qui sont plus innovatrices qui reconnaissent les défis et les énormes débouchés. Elles cherchent à intégrer Internet dans leur politique commerciale au lieu de trouver des moyens de l'en exclure.
(1135)
    Bien entendu, nous allons consulter les gros joueurs comme les petits joueurs. Mais pendant que vous êtes là, pouvez-vous nous suggérer des noms auxquels nous ne penserions pas, ici, à Ottawa? Quelles sont les personnes novatrices à qui nous devrions parler?
    Je viens d'en mentionner deux et, plus tard, je me ferai certainement un plaisir de donner au président ou aux membres du comité les noms d'entreprises de ce genre.
    Bien entendu, c'est un milieu où les choses bougent vite. L'autre signe de réussite dont vous devriez peut-être entendre parler est le nombre d'entreprises fructueuses qui ont débuté au Canada et qui ne sont plus là. Par exemple — j'ai mentionné mes jeunes enfants et je vais donc les mentionner de nouveau — pendant une brève période, mes enfants s'intéressaient beaucoup à Club Penguin et Webkinz. Ceux qui ont des préadolescents reconnaissent ces deux marques. Ce sont des joueurs dominants dans le secteur des jeux en ligne pour enfants. Ils s'adressent aux jeunes qui ne sont pas encore sur Facebook, si vous voulez. Ces entreprises connaissent un très grand succès. Webkinz est toujours une entreprise canadienne gérée par Ganz et c'est donc un excellent exemple d'entreprise canadienne qui s'est adaptée à l'environnement en ligne. Club Penguin a été rachetée par Disney.
    Pourquoi Club Penguin appartient-elle maintenant à des intérêts américains? Pourquoi StumbleUpon, qui a débuté ici, appartient-elle à des intérêts américains? Pourquoi est-ce le cas de Flickr? Prenez le secteur de la photographie. C'est un des joueurs dominants pour ce qui est de la photographie en ligne. Le joueur dominant est maintenant Facebook qui affiche littéralement trois milliards de photos chaque mois. C'est un nombre impressionnant, mais Flickr a également des milliards de photos. Elle a été lancée par des Canadiens et, bien sûr, elle a été rachetée par Yahoo.
    Si nous parlons de créer une stratégie nationale des médias numériques, nous devrions également discuter de la façon de garder au Canada les réussites et les talents canadiens. C'est une chose à laquelle je ne pense pas que nous ayons beaucoup réfléchi jusqu'ici.
    Qu'est-ce qui nous empêche, au Canada, d'inscrire la neutralité du réseau dans la loi canadienne?
    En fait, je pense que la situation est meilleure qu'elle ne l'était, disons il y a un an. J'ai trouvé les audiences du CRTC sur la neutralité du Net assez satisfaisantes. Les lignes directrices que le CRTC a proposées étaient, dans l'ensemble, assez satisfaisantes également. Les batailles qui se déroulent aux États-Unis portent principalement sur des lignes directrices qui pourraient, en fin de compte, ressembler beaucoup à celles que nous avons au Canada.
    Maintenant que ces lignes directrices sont en place, il s'agit de voir si nous allons les appliquer de façon efficace. Depuis le départ, les critiques au sujet des lignes directrices sur la neutralité du Net ou la gestion du trafic portaient sur l'efficacité de leur application. Le CRTC a fait un premier petit pas dans cette voie au début de l'année lorsqu'il s'est attaqué à la question de la divulgation. Une de ses exigences était que les fournisseurs d'accès Internet divulguent leurs pratiques. Les FAI ne les divulguent toujours pas de façon appropriée et le CRTC leur a écrit pour leur dire que cela doit changer.
    Aujourd'hui encore nous avons toutes sortes de pratiques de gestion du trafic que je crois problématiques et qu'il faudrait mettre à l'épreuve. Nous avons ces lignes directrices exigeantes, mais nous devons les appliquer pour de bon afin de voir si elles peuvent résoudre certaines de ces pratiques problématiques. Nous n'avons pas encore la réponse et cela exiger des mesures d'application, ce que nous espérons voir cette année.
    Merci.
    Monsieur Rajotte, bienvenue au comité.
    Merci beaucoup, monsieur le président. J'apprécie certainement d'être ici.
    Monsieur Geist, je trouve toujours intéressant de vous écouter. Merci beaucoup pour vos observations d'aujourd'hui.
    J'ai beaucoup apprécié quand vous avez parlé de la compartimentation des télécommunications et de la radiodiffusion. Vous avez parfaitement raison. Pour ce qui est des jeunes qui s'intéressent activement à la question du droit d'auteur, je peux dire que c'est certainement vrai dans ma circonscription. Je sais que beaucoup de gens se sont intéressés activement au projet de loi C-60 et au projet de loi C-61.
    Je sais que vous êtes un farouche adversaire du projet de loi C-61. Certains ont eu l'impression que vous vous opposiez à toute mesure concernant le droit d'auteur. Toutefois, comme vous l'avez dit ce matin, en fait, vous êtes pour la mise en œuvre de la politique de notification de l'OMPI à l'égard de l'utilisation équitable. J'apprécie vos observations. Je pense que vous recommandez au gouvernement que le projet de loi soit plus petit, plus simple et neutre du point de vue technologique.
    À propos du droit d'auteur, vous avez également parlé des créateurs et des utilisateurs. Dans le nouveau contexte en ligne, il est vraiment difficile de faire en sorte que les créateurs soient rémunérés pour leur travail, qu'ils écrivent une chanson, qu'ils soient producteurs ou qu'ils travaillent dans n'importe quel domaine.
    Pourriez-vous nous dire comment faire en sorte que les créateurs soient rémunérés dans le nouvel environnement en ligne?
(1140)
    C'est une excellente question qui est très importante. Des gens essaient de la résoudre depuis un certain temps. Je vais diviser ma réponse en deux éléments.
    Dans l'environnement en ligne, les créateurs sont notamment rémunérés à l'intérieur du marché. Nous devons reconnaître que les nouveaux médias n'exigent pas un régime gouvernemental collectif complet pour faire en sorte que les créateurs soient payés dans le monde en ligne de la même façon qu'ils sont payés dans le monde hors ligne. En fait, je crois que de nombreux créateurs trouvent d'énormes débouchés dans le monde en ligne. Ils sont parfois rémunérés de la façon traditionnelle. D'autres fois, ils sont payés de façons très différentes.
    Les réussites exceptionnelles comme celles de Nine Inch Nails, Radiohead et d'autres musiciens, sont des exemples de plus en plus courants de gens qui font cadeau d'une partie de leur propriété intellectuelle. Vous pouvez utiliser leurs œuvres ou y avoir accès parce qu'ils reconnaissent qu'ils peuvent gagner beaucoup plus d'argent ailleurs. Les politiques qui visent à protéger la propriété intellectuelle au maximum sont souvent à courte vue. Si l'objectif est d'augmenter le plus possible les recettes qui peuvent être générées, il est souvent efficace de fournir ou de donner une œuvre. Je pense que cela offre d'excellentes possibilités.
    En même temps, cela peut jouer un autre rôle. En cas d'échec sur le marché, il n'est pas rare qu'une licence collective soit octroyée. Il serait utile, je pense, de voir si les dispositions actuellement en place à l'égard de l'octroi de licences collectives sont encore efficaces dans le nouveau contexte. Avant de commencer à établir toutes sortes de droits supplémentaires, nous devons veiller à ce que la structure fonctionne bien. Je ne suis pas absolument opposé aux redevances potentielles ou aux nouveaux systèmes collectifs. Je pense qu'ils ont un rôle à jouer si le marché s'effondre vraiment et qu'ils peuvent offrir une meilleure solution de rechange.
    C'est ce que je voudrais approfondir. Par le passé, on a supposé que si les gens achetaient des cassettes vidéo ou audio, ils s'en serviraient pour enregistrer. Ils violeraient le droit d'auteur, pour reprendre cette expression, et un droit, une taxe ou une redevance devait donc être imposée.
    Des nouvelles propositions ont été faites pour étendre le régime du droit d'auteur aux lecteurs MP3, aux IPhone, iPod, téléphones cellulaires, etc. N'a-t-on pas tort de supposer que si les gens achètent ces produits, ils violent le droit d'auteur et doivent donc payer une redevance, une taxe ou un droit?
    Bien entendu, c'est une question controversée sur le plan politique compte tenu de la motion qui a été présentée au comité et du projet de loi d'initiative parlementaire que nous avons vu. Je pense qu'une redevance sur la copie privée présente un certain intérêt. J'ai quelques objections à l'égard des propositions qui ont été formulées.
    Premièrement, à mon humble avis, ce ne sont pas les gens qui font ces propositions, mais ceux qui demandent aux élus d'appuyer une redevance sur la copie privée qui manquent d'honnêteté. D'une part, ils disent que l'on fait beaucoup de copie et que les créateurs doivent être rémunérés. Les gens peuvent le comprendre et cela semble logique, mais nous reconnaissons tous qu'il s'agit surtout de copie de poste à poste. Pourtant, ces mêmes groupes disent que ce n'est pas la reproduction de poste à poste qui est en cause, mais les autres formes de copie. Ce n'est pas tout à fait honnête, selon moi.
    Si nous imposons une redevance visant la reproduction proprement dite, tenons un débat à ce sujet. Établissons une redevance raisonnable, qui ne créera pas de distorsion des prix comme c'est le cas, à mon humble avis, et qui ne sera pas d'application trop générale comme celle qui est proposée. Toutefois, tenons au moins un débat ouvert.
    Je pense que l'on cherche à gagner sur les deux tableaux. D'une part nous voulons toutes sortes d'indemnisations pour la reproduction, y compris la reproduction sur un nouveau dispositif. En même temps, nous persistons à qualifier de « pirates » ceux qui font ces copies. Nous ne pouvons pas gagner sur les deux tableaux. Si les gens doivent payer, imposons une redevance qui réglera véritablement ces problèmes et s'attaquera à la reproduction. Ne nous leurrons pas. La source du problème n'est pas celui qui achète un CD pour le copier sur un iPod. Il s'agit de s'attaquer à la reproduction de poste à poste. Pourtant, les groupes qui soutiennent ces mesures persistent à dire que ce n'est pas ce qu'ils recherchent.
    Il ne vous reste plus de temps, monsieur Rajotte.
    Nous passons à M. Simms, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur Geist. C'est un plaisir de vous revoir.
    Nous essayons, vous et moi, d'aborder cette question dans la même optique. Bien entendu, vous êtes beaucoup plus expert que moi en la matière, mais nous avons tous deux pour habitude d'examiner non seulement le contenu de ce que nos enfants regardent, mais également, la façon dont ils regardent ce contenu.
    J'ai un fils de 15 ans. Je n'ai cessé de répéter, au comité et ailleurs, qu'il est possible de légiférer pour réduire le contournement. Il faudra environ un an pour le faire. Mon fils mettra environ 48 heures à contourner ces restrictions.
    J'ai toujours entièrement souscrit à ce que vous avez dit plus tôt: c'est à titre d'exemple et non pas une liste complète. Allons-nous dans cette direction pour nous doter d'une loi reflétant ce qui se passe actuellement en Europe? Il s'agit de lignes directrices pour la protection du droit d'auteur. Cela crée un système plus souple qui non seulement protège les droits d'auteur, mais autorise aussi une utilisation équitable et permet aux gens d'accéder à l'œuvre afin qu'ils puissent s'en servir comme base de création.
    Quelles sont les lacunes du projet de loi C-60 et du projet de loi C-61 à cet égard et que devrions-nous faire pour obtenir ce genre de loi plus souple? Je suis entièrement d'accord avec vous au sujet des traités OMPI. Nous sommes largement en retard et nous avons du rattrapage à faire.
(1145)
    En fait, je pense que vous avez évoqué deux problèmes. Vous parlez des mesures anticontournement et de l'utilisation équitable qui sont, comme je l'ai dit, deux enjeux d'une importance cruciale.
    En ce qui concerne les mesures anticontournement, je dirais, une fois de plus, que nous devons les mettre en œuvre, ne serait-ce qu'à cause des pressions politiques des autres pays et au moins pour signaler que nous essayons de mettre notre régime à jour. Toutefois, comme vous venez de le mentionner, nous disposons d'une certaine latitude pour la mise en œuvre. Nous pouvons respecter entièrement ces traités tout en cherchant à préserver, dans le monde numérique, le même genre d'équilibre que celui que nous avons dans le territoire analogique.
    En ce qui concerne l'utilisation équitable et la recherche de la souplesse, ces dernières années, nous avons vu d'autres pays — Israël en est un bon exemple — adopter le modèle d'utilisation équitable des États-Unis. J'estime qu'il ne suffit pas d'adopter les dispositions américaines. Certains ne seront pas d'accord avec moi… même s'ils semblent partager mes idées; non, nous voulons une utilisation équitable.
    Je crois nettement préférable de reconnaître que nous avons maintenant des années de jurisprudence concernant l'utilisation équitable qui soulignent…
    Il y a un précédent que vous citez constamment; s'agit-il du jugement de la Cour suprême contre CCH?
    Oui.
    Cette décision pourrait-elle servir de base à notre nouvelle loi sur le droit d'auteur et pensez-vous que ce devrait être le cas?
    Oui, c'est ce que je pense.
    La cause CCH a très clairement signalé que le droit d'auteur doit respecter l'équilibre entre les droits du créateur et les droits de l'utilisateur et elle a cherché à orienter l'application et l'interprétation du droit d'auteur de façon équilibrée. Je pense que c'était la bonne chose à faire.
    En ce qui concerne l'utilisation équitable, je pense que les tribunaux ont indiqué que l'utilisateur a ce droit. Il fait partie intégrante de la Loi sur le droit d'auteur et doit être interprété avec souplesse. Mais il y a quand même des limites. Les tribunaux canadiens ont donc établi des limites signalant que le régime doit non pas laisser chacun libre d'agir à sa guise, mais être équitable pour tous.
    À mon avis, cette souplesse donne un certain nombre de résultats. Premièrement, elle se conforme au jugement du tribunal. À mon avis, c'est très avantageux pour les créateurs, les utilisateurs et les entreprises qui essaient d'innover. Cela règle également la question soulevée tout à l'heure quant à savoir pourquoi cela prend si longtemps ou trop de temps. Si nous cherchons des solutions ponctuelles en ce qui concerne l'utilisation équitable…
    À peu près tout le monde conviendra, je pense, que nous devons résoudre la question de la parodie. Nous devons régler celle de l'écoute en différé et de l'enregistrement des émissions de télévision. Nous pourrions sans doute trouver une demi-douzaine de choses sur lesquelles pratiquement tout le monde serait d'accord.
    En réalité, dès que cette loi sera adoptée, des gens viendront vous voir pour vous dire que vous n'avez pas réglé leur problème. Nous avons besoin de mesures ponctuelles supplémentaires et nous consacrerons une décennie à tenir ce genre de débats. Une approche souple et tournée vers l'avenir ne cherche pas à définir précisément les catégories, mais à assurer un processus équitable pour les deux parties.
    Est-ce sur ce plan que le projet de loi C-61 s'est fourvoyé?
    À mon avis, le projet de loi C-61 s'est fourvoyé sur un certain nombre de plans. C'est un des domaines dans lesquels il s'est fourvoyé. Par exemple, il a légalisé l'enregistrement d'une émission de télévision, mais en imposant 12 conditions. Ces conditions étaient notamment que l'enregistrement ne pouvait être conservé que pendant une période limitée. Une seule personne pouvait le voir. Vous pouviez seulement enregistrer l'émission une fois et il fallait donc éviter de régler le magnétoscope pour qu'il enregistre tous les épisodes, car s'il enregistrait une reprise vous étiez en infraction. Et le tout était assujetti à un verrou numérique.
    En ce qui concerne l'utilisation équitable, il s'est fourvoyé en prévoyant des mesures ponctuelles et en étant beaucoup trop restrictif, beaucoup plus que la définition actuelle que la loi donne de l'utilisation équitable.
(1150)
    C'était beaucoup trop détaillé.
    À mon avis, cela l'a rendu pratiquement impossible à appliquer.
    C'est, je crois, un aspect important. Les gens parlent souvent de la nécessité de respecter le droit d'auteur en affirmant qu'aujourd'hui toute une génération ne le respecte pas. Je dois dire que cela vaut pour les uns comme pour les autres. Une loi qui déclare illégal d'enregistrer une émission de télévision ou qui vous oblige à respecter 12 conditions pour que ce soit légal n'engendre pas le respect à l'égard du droit d'auteur.
    Pour favoriser ce respect, il nous faut des lois tournées vers l'avenir, mais aussi donner confiance au public que nous allons le traiter en adulte, que nous proposons un certain régime et que ce régime laisse une certaine latitude. Autrement, les gens estimeront que cette loi est complètement ridicule.
    Je vous remercie.
    Monsieur Pomerleau, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Merci d'être venu, monsieur Geist.
    Il est évident qu'on assiste actuellement à une époque extrêmement prometteuse avec l'arrivée de toutes ces technologies, une époque qui nous ouvre des perspectives extraordinaires.
    Toutefois, il y a encore des gens qui sont exclus de tout ce processus. Je pense aux gens de ma génération, ou à mon père, qui ont énormément de difficulté à apprivoiser l'utilisation de ces systèmes. Il y a également des gens qui, comme moi, vivent dans des milieux ruraux extrêmement éloignés où l'on n'a pas accès à Internet. Des gens sont donc exclus et en subissent les contrecoups.
     Moi, j'utilise le BlackBerry depuis un an et je me rends compte à quel point c'est payant. C'est payant parce qu'on a l'information immédiate et parce qu'on prend des décisions de façon immédiate. Ceux qui possèdent ces outils ont certainement un avantage sur ceux qui n'en ont pas, surtout dans le domaine des affaires.
    Il y a donc des gens exclus, mais dans le monde, il y a aussi toutes les nations qui n'ont pas accès à ces systèmes. Comment voyez-vous l'évolution de cette situation, à long terme, compte tenu du problème des gens qui sont exclus?

[Traduction]

    Certainement. Vous avez souligné deux sortes de fractures numériques, dans un certain sens. Vous avez parlé d'une fracture numérique au niveau des compétences qui dépend parfois seulement de l'expérience de vie, de la démographie, et ainsi de suite. Il y a des gens qui sont tout à fait à l'aise avec cette technologie. Je pense encore une fois à mes enfants, ou même à mes étudiants ou plus encore aux récents diplômés, à ceux qui sont maintenant dans la trentaine ou la quarantaine et qui ont grandi avec Internet. Nous oublions; nous parlons encore du service… d'une certaine façon, cette technologie n'en est qu'à ses débuts. Toutefois, tous ceux qui, disons, sont entrés à l'école secondaire ou même à l'école intermédiaire depuis le milieu des années 1990 ou avant, il y a 15 ans, il y a près de 20 ans, se souviennent à peine de l'époque où Internet n'existait pas et certainement pas de celle où l'ordinateur personnel n'existait pas. Au fur et à mesure que les années passent, ici comme ailleurs, il y a de plus en plus de gens qui possèdent ces compétences et qui sont à l'aise avec cette technologie.
    Cela dit, la question de la stratégie numérique a été soulevée tout à l'heure et je pense que le développement des compétences, l'alphabétisation numérique doit également en faire partie. Il ne s'agit pas seulement d'avoir un réseau. Il faut aussi assurer le niveau d'habileté des gens qui arrivent dans le monde du travail, mais surtout de ceux qui font la transition entre des emplois, par exemple. Nous devons nous attaquer à ce genre de problème. En fait, la controverse ou l'erreur survenue il y a une huitaine de jours au sujet du programme d'accès communautaire… au moyen duquel le gouvernement finance le soutien à l'accès dans de nombreuses collectivités, dans des milliers d'endroits, souvent dans des bibliothèques. En fait, c'est l'un des principaux endroits où bien des gens obtiennent ce genre de compétences et de formation. C'est un programme important et je me réjouis de la poursuite de son financement.
    Pour ce qui est du fossé entre le milieu rural et le milieu urbain, vous avez parfaitement raison. C'est un problème dont nous sommes conscients et que nous essayons de résoudre depuis longtemps. Nous devons certainement reconnaître que même si c'est laissé entièrement au marché — et il y a certainement des incitatifs pour que les grandes sociétés de télécommunications et de câblodiffusion connectent le maximum de gens — certains resteront privés de service. Je ne pense pas qu'on puisse dire que la technologie sans fil va résoudre ce problème. Je ne crois pas que la vitesse soit suffisante pour l'éducation permanente, pour tout un éventail de nouveaux services, pour certains des services de santé qui vont commencer à apparaître. Je ne pense pas non plus que le satellite soit la solution. Il faudrait obliger tous ceux qui s'imaginent que le satellite est une bonne solution de rechange à l'utiliser, car ils verraient dans quelle mesure il est vraiment efficace.
    Le gouvernement a sans aucun doute un rôle à jouer pour s'assurer qu'aucune collectivité n'est oubliée. Il y a plusieurs décennies, nous parlions du service universel dans le contexte du téléphone. Aujourd'hui, le principe du service universel devrait s'appliquer à la large bande.
(1155)

[Français]

    Je veux revenir sur le sujet des redevances sur les iPods. Comme vous le savez, c'est moi qui ai soumis la motion, ici, à cette table, qui l'ai déposée et l'ai ensuite fait adopter. Je l'ai fait pour une raison, entre autres: les artisans doivent effectivement être payés pour leur travail. Quand vous dites que ce n'est pas grave, car s'ils ne sont pas payés pour la musique enregistrée, ils seront payés pour les spectacles qu'ils donneront éventuellement, cela me rend très mal à l'aise. C'est comme si quelqu'un était embauché comme professeur d'université, qu'il n'était pas payé, mais qu'on disait que, puisqu'il a ce titre de professeur d'université, il pourra offrir des conférences et être payé de cette manière.
    Cela crée un malaise et ça n'a pas de sens. C'est clair que, grâce à une redevance sur les iPods, les artistes ne compenseraient pas toutes leurs pertes, et on ne s'attend pas à cela non plus. Car beaucoup d'œuvres musicales téléchargées dans les iPods le sont correctement, mais il y a quand même toutes les autres possibilités offertes aux gens par le MP3...

[Traduction]

    La question doit être brève, car nous en sommes déjà à cinq minutes et demie. Et je voudrais une brève réponse.

[Français]

    Je voulais seulement émettre ce commentaire. Qui plus est, il y a les écrivains et les auteurs qui méritent aussi d'être payés. On sait que leurs œuvres se retrouvent dans de tels appareils. C'était mon commentaire.
    Je ne poserai pas de question car on manque de temps.

[Traduction]

    Permettez-moi seulement de répondre et si j'en ai le temps plus tard, je pourrais peut-être aborder la question des auteurs, car elle est également importante.
    Je reconnais qu'il faut rémunérer les artistes. Toutefois, je ne suis pas nécessairement d'accord pour dire qu'il faut imposer une redevance sur les iPod. Je pense que ce sont deux choses différentes.
    Vous dites qu'il y a beaucoup de copie. C'est exact. Malheureusement, tel qu'il est libellé actuellement, le projet de loi ne dit pas clairement que ce genre de copie est maintenant légal. Par conséquent, si nous créons un régime pour légaliser les chose, il faudra au moins autoriser cette reproduction et ce n'est pas ce que propose la redevance sur les iPod. La redevance sur les iPod cherche à rémunérer les auteurs pour les copies d'un CD à un iPod.
    J'estime qu'une personne qui a acheté un CD devrait avoir le droit de transférer cette musique sur son iPod sans payer de redevance. Le fait est que la plupart des gens que je connais achètent le CD et n'écoutent jamais la musique sur le CD comme tel, mais sur leur iPod. Si cela représente une valeur ajoutée, alors il faut l'inclure dans le prix du CD.
    Je vous remercie.
    Monsieur Bruinooge, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis d'accord avec Mme Leslie pour dire que nous avons beaucoup de chance de bénéficier de vos connaissances ici aujourd'hui.
    Je serais tenté de poursuivre la discussion sur le point de vue opposé de Mme Lavallée, mais je vais laisser cela de côté et aborder simplement certaines des questions que je voudrais poser.
    Dans une de vos interventions, vous avez parlé brièvement du fait qu'il deviendrait impossible de faire la distinction entre la radiodiffusion dans la large bande et l'accès, grâce à Internet, à l'information que nous recevons par les différents réseaux. Comme il devient possible d'accéder à la large bande au moyen de la technologie sans fil — c'est généralement le cas aujourd'hui même si nos maisons ont encore certains câbles — une fois que les boîtiers décodeurs qui nous livrent nos émissions de télévision et notre contenu Internet à la maison pourront avoir accès aux réseaux sans fil, envisagez-vous un environnement dans lequel tous les appareils que nous avons chez nous nous permettront d'avoir accès à ces réseaux sans fil, y compris à ceux de l'étranger? Si c'est le cas, pouvez-vous nous donner une idée de ce qu'il faudrait prévoir pour imposer des restrictions à l'égard du contenu?
    Il y a là plusieurs éléments que je vais essayer de démêler.
    Premièrement, je ne pense pas que nous allons renoncer de sitôt à la technologie câblée en faveur du sans-fil. Nous allons probablement voir les deux coexister comme c'est le cas aujourd'hui, mais avec des vitesses plus rapides. Il y a, je pense, dans l'espace sans fil, des limites physiques qui ne lui permettront pas d'offrir dans les foyers les gigaoctets que Google propose d'offrir à l'essai dans certaines localités des États-Unis. Nous n'en arriverons pas là.
    Tant que la demande de vitesse de plus en plus rapide existera, je pense que la fibre aura un rôle à jouer pour la technologie câblée dans les foyers. Il y a aussi, sans aucun doute, une demande de vitesse rapide dans l'espace sans fil, car je pense qu'Internet mobile représentera une part importante de l'utilisation d'Internet. Il est clair, selon moi, que ces technologies continueront de coexister, qu'elles deviendront plus rapides et joueront un rôle de plus en plus important dans nos vies.
    Vous avez soulevé la question de la réglementation du contenu en provenance de l'étranger. J'ai fait brièvement allusion, dans ma déclaration préliminaire, à la difficulté d'adapter les politiques culturelles pour la transition de la rareté à l'abondance. Tout est là, dans un certain sens. Dans un monde de rareté, vous pouviez éliminer certains types de contenu; vous pouviez maintenir la rareté, ce qui rendait les choses plus faciles à réglementer. Aujourd'hui, nous vivons dans un monde d'abondance où il est tout simplement impossible d'empêcher l'entrée du contenu, ce qui crée de sérieux défis pour ceux qui veulent une réglementation fondée sur cette rareté. Je crois donc très difficile de filtrer le contenu.
    Toutefois, cela ne veut pas dire forcément que la loi ne s'applique plus. Je pense par exemple aux lois contre le pourriel ou les discours haineux ou à toutes sortes de règles différentes. Elles disent que si vous êtes au Canada, ces lois continuent de s'appliquer. Si vous êtes hors de nos frontières, il nous sera effectivement très difficile de les appliquer, mais nous allons au moins veiller à ce que les Canadiens respectent les lois qui sont en place et que nous pouvons appliquer.
    Je ne crois donc pas qu'Internet soit une zone de non-droit où rien ne s'applique. La loi continue de s'appliquer. Mais nous savons depuis 15 ans, je pense, que la capacité de réglementer le contenu étranger est presque inexistante à moins de vouloir essayer de faire comme la Chine.
(1200)
    Je vais peut-être aborder maintenant les idées qui sont les vôtres, je crois, quant à la façon dont le marché devrait pouvoir répondre aux besoins des créateurs de contenu.
    Je suppose que c'est ma propre conception du commerce. Je n'irais pas dire que c'est aussi la vôtre, mais lorsque quelqu'un crée quelque chose — dans ce cas, une œuvre artistique — ou n'importe quel type d'œuvre qui devient numérique, si un consommateur peut obtenir gratuitement le même type de contenu, en théorie, il n'y a pas de marché.
    Toutefois, si cet artiste peut se différencier au point ou son contenu est désirable, c'est seulement alors qu'il peut en extraire une valeur et avoir un marché. Malheureusement, c'est le genre d'idéologie où nous en sommes en ce qui concerne Internet.
    Est-ce de cela dont vous parliez?
    Bien entendu, il est difficile de concurrencer ce qui est gratuit, mais je ne pense pas que ce qui est disponible gratuitement empêche de créer un marché. Par exemple, iTunes a vendu plus d'un milliard de chansons et toutes ces chansons sont disponibles gratuitement en ligne. Ne nous leurrons pas. Vous pouvez les obtenir de poste à poste. Vous pouvez y avoir accès… Si mes enfants et les autres enfants veulent écouter de la musique, ils l'écoutent sur Youtube. En fait, cela fait l'objet d'une licence, mais ils écoutent la chanson. C'est tout ce qu'ils voulaient faire de toute façon, écouter la chanson.
    Il y a des tas de façons d'obtenir cette chanson, certaines payantes et d'autres gratuites. En réalité, une valeur est associée à la façon dont vous obtenez une chanson, par l'entremise d'iTunes ou d'un CD afin que vous puissiez concurrencer ce qui est disponible gratuitement.
    Le plus vieil exemple qu'on cite souvent est qu'on peut obtenir un verre d'eau gratuitement, mais qu'un tas de gens se promènent avec une bouteille d'eau Dasani, Perrier ou d'une autre marque qu'ils paient pour obtenir à peu près la même chose. Ils la paient deux ou trois dollars ou même plus.
    Mais ce n'est pas aussi bon que cette eau.
    Voilà.
    Le fait est que vous pouvez concurrencer ce qui est disponible gratuitement si vous ajoutez une valeur. Une des caractéristiques vraiment intéressantes d'Internet est que les innovateurs trouvent toutes sortes de façons différentes d'ajouter de la valeur et d'inciter le client à payer.
    Merci.
    Madame Dhalla, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup d'être venu.
    J'ai jeté un coup d'oeil sur certains de vos travaux au sujet du droit d'auteur et de la neutralité du Net et je pense que vous méritez nos félicitations pour votre perspicacité et vos opinions.
    Je voudrais seulement connaître vos idées sur certains sujets. Étant donné toutes vos connaissances et votre sagesse, je pense que notre comité pourrait en bénéficier. Une des choses que vous avez écrites par le passé au sujet de la politique culturelle porte sur une nouvelle idée novatrice au sujet de l'Autorité canadienne pour les enregistrements Internet et le financement qu'elle reçoit. Vous avez notamment proposé que chaque Canadien devrait pouvoir obtenir gratuitement un nom de domaine Internet afin d'augmenter le nombre de personnes qui participent en ligne.
    Vous pourriez peut-être nous en parler et nous dire quelle direction vous croyez que les nouveaux médias prendront au cours des trois à cinq prochaines années. Dites-nous ce que vous pensez que notre comité et le gouvernement pourraient faire dans ce but, pour que les Canadiens de tous les groupes démographiques, socioéconomiques, culturels et linguistiques puissent participer à l'évolution des nouveaux médias.
(1205)
    Merci. Ce sont d'excellentes questions.
    Je me réjouis que vous souleviez la question de l'ACEI et des noms de domaines « point.ca ». J'ai siégé à ce conseil pendant six ans. Je pense que c'est un organisme bien géré, qui fait un excellent travail. Plus d'un million de noms de domaines point.ca sont enregistrés.
    Nous devons reconnaître que cela génère d'importantes sommes d'argent. Vous enregistrez un nom de domaine et vous payez année après année pour le renouvellement de la licence. Comme les coûts du registre sont relativement bas, cela génère d'importants fonds excédentaires.
    À mon avis, il faudrait faire quelque chose de positif avec ces fonds excédentaires. Le gouvernement joue encore un rôle. Il siège au conseil de l'ACEI en tant que membre d'office. J'ai effectivement proposé de donner un nom de domaine gratuitement à tout le monde. Ce serait à la fois un moyen d'inciter les Canadiens à aller en ligne… Je pense que cela stimulerait l'investissement dans l'entreprise, car si les gens ont un nom de domaine, ils veulent commencer à s'en servir. C'est donc une bonne chose dans ce sens.
    Du point de vue de l'ACEI, je ne pense pas que cela réduira ses recettes étant donné qu'il y aura toujours des entreprises qui voudront des noms de domaines supplémentaires pour lesquels elles devront payer. À mon avis, ce serait pour le Canada une façon agréable et tangible d'augmenter sa présence en ligne sous la forme du point.ca.
    Voilà donc pour la proposition point.ca. Quant à ce que le gouvernement peut faire, permettez-moi de revenir un instant sur une des questions dont on ne voit pas toujours le lien immédiat avec les nouveaux médias. C'est la question du gouvernement ouvert.
    Une des choses que le gouvernement devrait faire pour préparer les Canadiens pour ce nouveau monde serait de se préparer lui-même. En réalité, nous parlons de toutes ces nouveautés passionnantes, mais c'est dans le secteur privé qu'a lieu l'innovation. On s'attend de plus en plus à ce que le gouvernement s'engage dans la même voie afin que les consultations se déroulent dans le même esprit d'ouverture que celui qu'adoptent les entreprises et les groupes publics. On s'attend à ce que le gouvernement essaie de faire le même genre de choses, à ce qu'il rend son propre contenu disponible afin que les gens puissent l'utiliser, le réutiliser et le développer à des fins culturelles, économiques et politiques et pour toutes sortes d'usages différents.
    Dans certains de ces domaines, l'objectif est à portée de main. L'idéal, selon moi, serait d'éliminer simplement les droits d'auteur de la Couronne. Je ne trouve pas normal d'avoir à demander la permission d'utiliser des documents du gouvernement. Toutefois, si nous ne sommes pas prêts à le faire, nous pouvons, comme les Australiens, opter pour la licence Creative Commons disant que tout le monde peut utiliser les documents du gouvernement, particulièrement à des fins non commerciales, sans avoir à demander la permission.
    Il n'est même pas nécessaire de changer la loi. Il nous suffit de modifier la politique afin que le gouvernement commence à faire le même genre de choses que ce qui se fait dans le secteur privé, qu'il joue un rôle plus utile dans la vie des Canadiens et qu'il se prépare lui-même pour ce monde des nouveaux médias.
    Pour en revenir au droit d'auteur, vous avez mentionné tout à l'heure que le projet de loi sur le droit d'auteur pose de nombreux problèmes.
    Comme nous ne disposons que d'une minute, peut-être pourriez-vous suggérer trois choses dont il faudrait tenir compte pour élaborer une nouvelle loi sur le droit d'auteur.
    Bien entendu, j'ai parlé un peu des détails. Pour ce qui est du principe, je dirais que la loi doit d'abord être tournée vers l'avenir. Nous devons reconnaître que certaines propositions qui ont été faites et qui sont très fortement préconisées datent des années 1990. Il y a une dizaine d'années ou plus, nous parlions de politiques qui, il faut bien le dire, se sont révélées inefficaces. Nous avons besoin d'un projet de loi qui ne sera pas périmé dès qu'il sera adopté ou même déposé.
    Nous avons besoin d'une loi tournée vers l'avenir. Il faut qu'elle soit neutre sur le plan technologique. Le projet de loi C-61, par exemple, faisait précisément mention des vidéocassettes au sujet de la reproduction sur support numérique d'une œuvre sur vidéocassette. C'est ridicule. Ce n'est pas tourné vers l'avenir. Vous devrez aller explorer votre sous-sol à la recherche de vidéocassettes.
    Nous avons donc besoin d'un projet de loi tourné vers l'avenir, neutre sur le plan technologique et nous ne devons pas oublier la question de l'équilibre. Tout le monde vous dira que le droit d'auteur est une question d'équilibre. Nous devons reconnaître que nous risquons très facilement, si nous ne sommes pas prudents, de créer une distorsion en transposant dans le monde en ligne l'équilibre qui existe dans le monde hors ligne. Si nous verrouillons tout sans établir un juste équilibre comme dans le monde hors ligne, nous créerons une distorsion dans le monde numérique qui est le principal endroit où la plupart des gens vont consommer et créer, comme nous le reconnaissons tous, je pense.
    Merci.
    M. Rajotte posera la question suivante et ce sera ensuite à Mme Leslie.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Geist, je voudrais revenir sur la question de la numérisation et du gouvernement comme utilisateur modèle. Je vais seulement vous poser une série de questions.
    En ce qui concerne la numérisation, pouvez-vous nous expliquer ce que nous ne numérisons pas? Vous avez donné quelques exemples comme celui de l'Office national du film qui numérise un grand nombre d'œuvres.
    Également, pour ce qui est du gouvernement comme utilisateur modèle, je dois dire que vos observations m'étonnent un peu. À mon avis, un grand volume d'information est publié en ligne. Même les consultations, et vous avez qualifié les consultations sur le droit d'auteur — je pense que vous les avez décrites comme les meilleures et les plus ouvertes… Également, toutes les consultations budgétaires sont en ligne depuis l'année dernière et les nouvelles consultations sur la pension de retraite seront toutes en ligne, bien entendu. C'est certainement une bonne chose. Je crois que tout le monde en conviendra.
    Peut-être pourriez-vous simplement nous expliquer ce que le gouvernement devrait faire de plus en tant que modèle à suivre. BizPal est un exemple pour les petites entreprises. Pourriez-vous nous expliquer ce que le gouvernement devrait faire de plus en tant qu'utilisateur modèle et aussi quelles autres choses nous devrions numériser?
(1210)
    Je vais commencer par la deuxième partie concernant le gouvernement.
    Depuis un certain nombre d'années, nous avons vu le gouvernement en ligne en tant que gouvernement électronique livrant des services gouvernementaux en ligne. C'est une excellente chose. En fait, le Canada était considéré comme étant à l'avant-garde. Aujourd'hui, de nombreux pays insistent sur ce qui n'est peut-être pas considéré comme un gouvernement électronique, mais plutôt un gouvernement ouvert en disant que nous pouvons avoir accès à un grand nombre de séries de données gouvernementales qui ne portent pas toutes sur des questions de politique. Cela va des données météorologiques — des données classiques que nous trouvons normal d'obtenir — aux données produites par le gouvernement et aux écosystèmes économiques qui se basent sur ces données. Toutefois, pour le moment, il y a encore beaucoup de données — des données démographiques, des données sur la main-d'œuvre, des données de Statistique Canada et d'Industrie Canada, dans des séries de données qui ne sont pas facilement accessibles.
    Dans d'autres pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni, nous voyons qu'on essaie de mettre ces données en ligne et de permettre de les mélanger et de les réutiliser librement afin que le public puisse y ajouter une valeur. Je ne peux pas vous dire tout ce que cela donnera si ce n'est que cela va permettre de créer certaines choses.
    À Vancouver, la municipalité publie toutes ses données, que ce soit sur la collecte des ordures ou d'autres types de services municipaux et vous dit que vous pouvez en faire ce que vous voulez. Ce matin, j'ai participé à une réunion sur le gouvernement ouvert et une des initiatives dont on a parlé était VanTrash. Pour une raison que j'ignore, Vancouver modifie chaque mois les dates de la collecte des ordures. Je ne comprends pas pourquoi, mais apparemment, c'est ce que fait la municipalité. En quoi consiste cette initiative. En fusionnant Google Map et les données fournies par les autorités municipales, on permet aux citoyens de voir où ils en sont et ils reçoivent un avis par courriel la veille du jour où leurs ordures sont ramassées. C'est le genre de choses auxquelles le gouvernement électronique nous fait généralement penser, mais en fait, ce n'est pas le gouvernement qui fournit ce service, mais le public qui utilise ces données pour obtenir des renseignements complémentaires.
    Je pense donc que cela va largement se répandre et que ce sera très utile.
    En ce qui concerne la numérisation, il y a un certain nombre d'initiatives à cet égard. L'Université de l'Alberta essaie de mettre en ligne certains éléments de notre patrimoine culturel. L'initiative de numérisation la plus connue est celle de Google. Bien entendu, elle consiste à numériser des livres.
    L'initiative de Google est une excellente initiative, mais si la seule source de numérisation importante est Google, cela pose un problème. Nous devons reconnaître que notre pays est relativement petit. Si nous le voulions, nous pourrions créer une bibliothèque numérique nationale dans laquelle tout serait numérisé. Nous pourrions commencer simplement par les ouvrages qui sont dans le domaine public. Si vous voulez commencer par ce qui n'est pas controversé, qui n'est plus protégé par le droit d'auteur et numériser tout ce qui est du domaine public, vous pourrez ensuite trouver le moyen de commencer à numériser toutes les autres œuvres.
    L'Allemagne essaie de s'orienter dans cette voie en prévoyant un mode de paiement lorsque les œuvres sont utilisées. Toutefois, si vous le faites, y a-t-il un meilleur moyen de permettre aux Canadiens et au reste du monde d'avoir accès à la culture canadienne qu'en la rendant accessible sous une forme numérique?
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
    Oui, il vous reste 30 secondes.
    Je sais que vous avez écrit un article au sujet de la présence d'Amazon au Canada et c'est un sujet très d'actualité. Je me demande si vous pourriez simplement préciser au comité ce que le gouvernement devrait faire à ce sujet.
    J'ai eu l'occasion d'écrire un article et ensuite de participer à un débat à ce sujet à l'émission de radio Q de la SRC. À mon avis, une réglementation canadienne soutenant les auteurs canadiens et les éditeurs canadiens a un rôle à jouer. En fait, il n'y a pratiquement pas un livre publié au Canada qui ne bénéficie pas du soutien du public par l'entremise de divers programmes, et c'est absolument essentiel.
    Je suis moins convaincu que le même genre de réglementation soit nécessaire pour les libraires, et encore moins pour la filière de distribution d'une librairie en ligne. En réalité, un des principaux obstacles auxquels les auteurs canadiens ont été confrontés ces dernières années était le manque d'espace sur les étagères. Cela n'avait rien à voir avec la propriété étrangère de l'entreprise. Les librairies, surtout les plus petites, disposent d'un espace limité et elles vendent certainement des œuvres canadiennes, mais elles vendent aussi celles de J.K. Rowling, Dan Brown et de tous les autres auteurs célèbres parce qu'elles sont là pour vendre les livres que leurs clients veulent acheter.
    Amazon et les autres grands joueurs jouent un rôle utile pour les auteurs et les éditeurs canadiens, parce que cela règle le problème du volume de présentation.
    M. Simms a un exemplaire d'un des livres que j'ai publiés au sujet du droit d'auteur qui s'intitule In the Public Interest: The Future of Canadian Copyright Law. Je crois que c'est un bon ouvrage et vous pouvez le télécharger gratuitement. Toutefois, si vous allez chez Chapters ou dans une petite librairie, vos chances de l'y trouver y sont pratiquement nulles. Ce livre ne se vend pas beaucoup. Toutefois, vous pouvez le trouver chez Amazon et donc Amazon joue un rôle utile pour moi, pour mes coauteurs et en fait pour la majorité des auteurs canadiens qui ont surtout du mal à sortir de l'obscurité en trouvant un marché. L'idée voulant qu'Amazon nous cause du tort ne correspond pas à ce que nous avons constaté jusqu'ici.
(1215)
    Merci.
    Madame Leslie, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais poser deux questions de suite afin de pouvoir vous céder le reste du temps.
    Vous avez mentionné BitTorrent comme un exemple d'énorme réussite. À mon avis, les fournisseurs d'accès Internet ne seraient pas d'accord. Pouvez-vous me dire ce que vous pensez de leurs prédictions selon lesquelles ce sera catastrophique?
    Vous avez également mentionné les entreprises canadiennes qui quittent le pays. Était-ce le cas de Webkinz?
    Webkinz est encore là, mais Club Penguin l'a rachetée.
    Club Penguin est partie, par exemple.
    Pour ce qui est du contenu canadien, que pouvons-nous faire vraiment pour promouvoir le contenu canadien sur Internet, en plus de garder nos entreprises chez nous?
    Je préciserais simplement que pour ce qui est de BitTorrernt, en fait, j'ai dit que l'utilisation de BitTorrent était une grande réussite pour la SRC même s'il est évident que BitTorrent est un protocole qui connaît un grand succès en ce sens que beaucoup de gens l'utilisent, même si quelques personnes ont des difficultés avec certaines de ses utilisations.
    Je dois toutefois mentionner — et je parlerai à la fois des utilisateurs et des fournisseurs d'accès Internet — que certains des groupes qui se sont le plus exprimés devant le CRTC lors des audiences sur la gestion du trafic, à propos des FAI, étaient des groupes de créateurs. C'était des documentaristes, l'ACTRA et l'ACPFT qui nous disent qu'à leurs yeux, un protocole comme BitTorrent est un nouveau mode de distribution très rentable et également un moyen de diffuser leurs œuvres. On reconnaît de plus en plus que c'est utile à bien des égards. Bien entendu, il y a certaines activités illégales, mais il y a aussi beaucoup d'activités autorisées.
    Pour ce qui est de l'attitude des FAI à l'égard de ce genre de contenu, je pense qu'ils sont assez ambivalents. Bien entendu, si vous prenez les FAI qui proposent des vitesses de plus en plus rapides et qui vous disent que vous pouvez télécharger plus rapidement, ce n'est pas de la blague. Il ne s'agit pas seulement d'une page Web ordinaire comme celle d'un journal ou de mon site Web, mais de la capacité d'accéder au contenu, qu'il soit diffusé en continu ou parfois disponible par l'entremise de protocoles comme BitTorrent. Cela attire certainement les clients, mais augmente aussi l'utilisation de la large bande.
    Le problème que cela soulève dans le contexte des FAI — sans revenir encore une fois sur les audiences du CRTC — est qu'un grand nombre de FAI ont également une filière vidéo, de vidéo sur demande ou de câblodistribution. Il risque d'y avoir une concurrence entre ce service vidéo et les autres moyens de distribution, y compris la diffusion en continu et BitTorrent. Si vous voulez faire en sorte que les créateurs indépendants, par exemple, puissent utiliser ces nouveaux systèmes de distribution, vous devez veiller à ce que la plateforme soit traitée de façon suffisamment neutre. Il ne faut pas que le fournisseur ait intérêt à promouvoir sur une voie plus rapide certains types de contenu en reléguant le reste à une voie plus lente ou en le diffusant au ralenti comme nous le constatons aujourd'hui. C'est, je pense, un sérieux problème.
    Pour ce qui est de promouvoir le contenu canadien, reconnaissons qu'il y a une quantité sans précédent de contenu canadien en ligne. Mais il y a également un volume sans précédent de contenu américain, français et britannique, tout simplement parce qu'il y a actuellement un volume de création sans précédent. C'est une bonne nouvelle. La difficulté est, en effet, de trouver certains contenus. Y a-t-il des programmes auxquels nous pourrions penser? Il y en a certainement. En réalité, les réussites sont parfois le fruit du travail et parfois le fruit du hasard. Il y a toutes sortes de facteurs à l'origine d'un succès fulgurant. Quand je pense aux Têtes à claques et d'autres genres de choses, elles ont eu un grand succès et cela en ligne. Si la conception traditionnelle de la politique culturelle canadienne était de favoriser la création de contenu canadien, je pense que ce contenu est créé. À certains égards, nous connaissons un grand succès actuellement sur ce plan.
(1220)
    Merci.
    Nous passons maintenant aux libéraux. Monsieur Rodriguez et ensuite monsieur Simms.
    Je ne prendrai qu'une minute et je passe ensuite la parole à M. Simms, car M. Rajotte a soulevé la question d'Amazon.

[Français]

    Je ne pense pas que le problème porte sur l'existence ou le rôle d'Amazon, parce qu'on reconnaît qu'il joue un rôle important et utile. Il porte plutôt sur l'établissement d'une présence matérielle d'Amazon au Canada. Dans ce cas-ci, ce serait simplement par le biais d'un entrepôt, pas d'une vente directe mais d'un entrepôt. Donc, les Canadiens pourraient commander leurs livres en ligne, et cela proviendrait de l'entrepôt canadien.
    Cependant, beaucoup de gens se disent que c'est une façon d'entrer par la porte arrière, de contourner la loi actuelle qui ne permet pas à des intérêts étrangers d'être des libraires et de vendre. Donc, commencer par installer simplement un entrepôt et, par la suite, en venir à faire de la vente directe aux Canadiens, ce serait une façon de contourner la loi actuelle.
    Êtes-vous d'avis que cela ne serait pas une mauvaise chose et qu'on devrait éventuellement modifier la loi pour permettre à des compagnies étrangères de détenir, par exemple, des librairies et de vendre directement au Canadiens?

[Traduction]

    Premièrement, je crois qu'Amazon est la deuxième plus grande librairie en ligne. Je pense que Chapters/Indigo occupe toujours la première place. Si vous demandiez aux Canadiens qui ont fait des achats sur Amazon.ca s'ils savent si Amazon a une filière de distribution au Canada, je pense que pratiquement personne ne connaîtrait la réponse. Par conséquent, pour qui est de savoir si Amazon devrait pouvoir venir ou non… Amazon est bien là et cela depuis huit ans. Peu importe aux consommateurs si elle a une filière de distribution établie au Canada. Comme je l'ai dit, sa présence ici a été bénéfique pour les auteurs et les éditeurs parce que leurs œuvres sont disponibles.
    Le risque qu'Amazon s'établisse matériellement au Canada est inexistant. Tout d'abord, je ne pense pas que ce soit un risque. Je ne pense pas qu'il soit forcément mauvais d'avoir davantage de concurrents. Étant donné qu'Amazon n'a jamais, à ma connaissance, établi de véritable magasin où que ce soit, je ne vois pas pourquoi elle commencerait à le faire au Canada. Tout son modèle se fonde sur l'absence de présence matérielle. Tout son modèle consiste à profiter de l'efficience de la vente en ligne. L'idée selon laquelle ce serait un moyen détourné d'établir un magasin Amazon va tout à fait à l'encontre de ce que cette entreprise fait depuis 15 ans.
    Mais ce ne serait pas forcément Amazon. Cela pourrait être une autre entreprise, mais qui s'en servirait pour pénétrer le marché. Je pose la question, car c'est ce que disent certaines personnes.
    Vous avez raison. D'autres le font peut-être.
    Pour le moment, il s'agit de voir ce dont nous avons peur exactement. La présence des grands vendeurs, y compris Chapters/Indigo et ce genre d'entreprise a des avantages et des inconvénients. Un grand nombre de petits éditeurs et d'auteurs ont de nombreuses plaintes à formuler contre certains de ces grands magasins tandis que d'autres apprécient le fait qu'ils rendent leurs livres facilement accessible.
    Cela fait peut-être un peu cliché, mais pendant les Jeux olympiques, j'ai vu le Canada se conduire comme un pays fier, sûr de lui où les gens n'avaient pas peur de s'affirmer comme Canadiens. C'était fantastique. Nous avons tous adoré cela. J'aimerais voir autant d'énergie et de confiance dans d'autres domaines et selon moi, une politique qui s'inquiète sérieusement à l'idée qu'un étranger pourrait être propriétaire d'une librairie et que cela puisse causer du tort à un auteur ou à un éditeur canadien va totalement à l'encontre de l'image du pays sûr de lui que nous avons vue à Vancouver, le mois dernier.
    Nous n'avons rien à craindre. Les auteurs et éditeurs canadiens sont de calibre international. Je pense qu'ils sont bien établis et nous n'avons aucune raison de croire qu'une librairie étrangère y changera quoi que ce soit.
    Monsieur Simms.
    Merci.
    La numérisation pose un problème dans ma région. Le programme d'accès à large bande en régions rurales ne la couvre pas entièrement. Nous en avons déjà parlé. La culture numérique représente un énorme problème à mes yeux, en ce sens que le gouvernement devient plus ouvert et se sert du gouvernement électronique. On nous dit que maintenant, les citoyens demandent l'assurance-emploi en ligne et que nous n'avons pas besoin de ces… Pourtant, il y a beaucoup de gens que cela isole parce qu'ils ne maîtrisent pas la culture numérique, si je puis dire.
    C'est une simple observation pour savoir ce que vous en pensez.
    En deuxième lieu, et je m'arrêterai là, vous utilisez beaucoup de modèles internationaux qui semblent tout à fait logiques. Vous avez mentionné la double notification comme un exemple de modèle utilisé avec succès en Europe et le fait que « notifier et arrêter » n'a pas donné de si bons résultats. Nous sommes en train de conclure un accord commercial global avec l'Europe et j'ai l'impression que notre retard sur le plan du droit d'auteur augure mal pour ces discussions ou toute autre discussion faisant partie d'un accord commercial global.
    Ce sont deux questions entièrement différentes, mais…
(1225)
    En ce qui concerne les compétences, dont nous avons eu l'occasion de parler tout à l'heure, je suis entièrement d'accord. Toute stratégie numérique doit inclure le développement des compétences et reconnaître que le fossé numérique se rapporte à la fois à l'accès, à la capacité d'accéder au réseau et à la capacité d'utiliser le réseau. Je suis donc entièrement d'accord.
    Je préciserais simplement que la double notification a cours actuellement au Canada. Ce n'est pas un modèle européen, mais un modèle canadien.
    N'avez-vous pas dit que ce modèle était utilisé avec succès ailleurs ou parliez-vous de notre propre pays?
    Non, on s'en sert avec succès chez nous. On l'a fait dans le cadre d'une entente officieuse entre les FAI et les détenteurs de droits du Canada depuis quelques années.
    Je reçois assez régulièrement des courriels de gens qui ont reçu une de ces notifications disant, par exemple, qu'ils sont présumés avoir téléchargé un film et qui veulent savoir ce qu'ils doivent faire. Vous leur expliquez alors ce qu'il en est.
    Ce régime est déjà en place au Canada et il a donné des bons résultats. C'est donc un modèle canadien que d'autres pays envisagent et déclarent assez efficace.
    Je suis content que vous ayez soulevé la question de l'Entente commerciale Canada-Union européenne. Je dois également mentionner l'ACRC, l'Accord commercial relatif à la contrefaçon. Je dirais que ces deux accords posent un énorme défi pour notre souveraineté nationale si nous voulons régler certaines de ces questions avec des solutions canadiennes.
    En ce qui concerne l'ACRC, dont le texte intégral a fait l'objet d'une fuite au début de la semaine, les changements qu'il exigerait invalideraient la plupart des propos que nous venons de tenir. En fait, les réunions secrètes qui se déroulent à différents endroits dans le monde dicteraient la politique canadienne à l'égard du droit d'auteur au lieu de nous permettre d'adopter une véritable solution canadienne.
    Pour ce qui est du traité européen, la situation est encore pire. Si vous consultez mon blog, sans doute demain, vous y trouverez probablement un lien avec des renseignements qui ont transpiré. Quelqu'un me les a envoyés au début de la semaine — je vous l'avoue franchement — et il s'agit de tout le chapitre sur la propriété intellectuelle, du moins tel qu'il se présente actuellement.
    Est-ce pour les négociations en cours?
    Oui. Il semble y avoir des fuites. J'ignore qui en est la source; c'est une source anonyme, mais quelqu'un m'a fourni ces renseignements.
    Je peux vous dire que cela transformerait complètement non seulement le régime des droits d'auteur, mais également celui des brevets et des marques de commerce. À bien des égards, les Européens exigent que le Canada modifie ses lois sur la propriété intellectuelle dans tous les domaines de façon à refléter presque entièrement ce qu'ils ont fait eux-mêmes, aussi bien en prolongeant la durée du droit d'auteur qu'en assurant des nouveaux niveaux de protection pour toutes sortes de brevets et en nous demandant de signer des nouveaux traités.
    Il s'agit du changement le plus radical à la législation canadienne régissant la propriété intellectuelle que nous ayons jamais vu. Et pourtant, les négociations avec l'Union européenne retiennent très peu l'attention pour le moment et peu de gens reconnaissent que ce dont nous discutons surtout depuis une heure et demie, un modèle canadien nous permettant de répondre aux besoins des créateurs et des consommateurs du Canada, fait l'objet de négociations dans le cadre de ces deux accords commerciaux sans que qui que ce soit ait son mot à dire.
    Me reste-t-il du temps?
    Il vous reste du temps pour une très brève question. Je suis généreux.
    Je vais m'arrêter là. Ma question est beaucoup plus longue que cela.
    Très bien. Votre dernière question était longue.
    J'ai juste une ou deux choses à dire en tant que président. J'aimerais avoir un peu de temps.
    J'ai parlé à Ian Wilson à plusieurs reprises. C'est l'ancien dirigeant de Bibliothèque et Archives Canada. Non seulement il a regroupé les deux entités, mais il a essayé de numériser le contenu de la bibliothèque et des archives.
    Cela dit, j'espère que ce genre de projet pourra être réalisé. Je pense que cela se rapporte à certaines des choses que vous avez dites tout à l'heure.
    Comme je siège au Comité du patrimoine depuis environ sept ans, je sais que l'OMPI a comparu je ne sais combien de fois devant le comité. Je crois que le traité a été signé en 1996 ou 1997.
    Faudrait-il que ce traité de l'OMPI soit signé avant que nous n'allions plus loin?
(1230)
    Non. À bien des égards, certaines des choses proposées par l'OMPI sont déjà périmées. Je ne pense pas qu'il ait bien travaillé. Cela dit, je reconnais qu'il y a des pressions dans ce sens. Nous avons signé le traité. Cela ne nous oblige pas à faire quoi que ce soit d'autre, mais en réalité, nous devons aller de l'avant.
    Pour faire en sorte d'avoir une bonne loi sur le droit d'auteur, une loi durable afin de ne pas avoir à débattre encore pendant sept ans de ces mêmes questions, nous devons y aborder non seulement les questions touchant l'OMPI, mais également d'autres questions comme l'utilisation équitable.
    Je ne saurais trop insister sur le fait qu'il ne suffit pas de dire que nous nous conformons à l'OMPI; nous devons nous y conformer en essayant de préserver un juste équilibre. À mon avis, il y a une bonne façon de mettre en œuvre le traité, mais aussi une façon très dangereuse qui modifierait cet équilibre.
    Adoptons les traités de l'OMPI, mais faisons-le selon une formule canadienne qui sera conforme à nos obligations internationales tout en cherchant à préserver les principes et les valeurs fondamentales que nous avons également associés au droit d'auteur.
    Merci beaucoup.
    Je dois dire que cette réunion a été très intéressante. Je vous remercie pour vos franches réponses.
    La séance est levée.
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