Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.
Vous remarquerez comme j'ai bien patiné pour éviter d'avoir à prononcer votre nom de famille.
Je suis très heureux de comparaître à nouveau devant vous au nom de l'Office national du film. Je m'appelle Tom Perlmutter. Je suis commissaire du gouvernement à la cinématographie et président de l'ONF. Je suis aujourd'hui accompagné de Claude Joli-Coeur, commissaire adjoint, et de Deborah Drisdell, directrice générale, Accessibilité et entreprises numériques.
[Français]
L'ONF est une agence culturelle fédérale créée en 1939 pour produire et distribuer des oeuvres audiovisuelles qui sont innovatrices sur le plan de la création, qui font mieux comprendre les enjeux auxquels est confrontée la population canadienne, et qui font mieux connaître les valeurs et points de vue canadiens de par le monde.
En 70 ans, l'ONF est devenue la marque cinématographique canadienne la plus connue. L'année dernière, plusieurs pays, notamment la Chine, le Brésil, le Japon, la France, l'Angleterre et l'Irlande, ont célébré notre 70e anniversaire. Au cours de la semaine dernière, j'ai reçu des demandes officielles de la part de la Malaisie, de la Corée, de Singapour et de la Colombie, en vue d'établir des partenariats. La valeur de la marque ONF pour le Canada est inestimable.
[Traduction]
Aujourd'hui, dans un monde audiovisuel riche et diversifié, l'ONF demeure distinct en tant que laboratoire de création, leader dans l'exploration de territoires dans lesquels ne peut pas s'aventurer le secteur privé, voix pour les Canadiens sous-représentés, véhicule de premier choix pour assurer la vitalité de la culture francophone et, ce qui mérite d'être souligné tout particulièrement, il est l'un des chefs de file canadiens dans le monde numérique. Ce dernier élément joue un rôle central dans nombre des demandes de partenariats internationaux que je viens de mentionner.
La révolution numérique est explosive. Aujourd'hui, nous nous concentrons sur son incidence sur les industries culturelles, mais il est important de garder à l'esprit que la portée de cette révolution s'étend beaucoup plus largement. Elle touche tout, dans la façon dont nous organisons nos vies personnellement, socialement, économiquement, politiquement et culturellement. Il s'agit bel et bien d'une révolution, dont l'incidence et les conséquences sont aussi profondes, sinon plus encore, que celles de la révolution industrielle à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècles.
Songez au fait qu'à l'échelle mondiale plus d'un milliard d'utilisateurs sont aujourd'hui branchés sur Internet, soit près de 20 p. 100 de la planète, 20 p. 100 de tous les êtres humains, chevauchant frontières, langues et cultures. Et ce nombre croît à chaque jour. L'impact du mobile sera encore plus profond du fait de sa capacité de pénétrer là où les lignes terrestres et l'électricité ne sont pas largement disponibles. L'été dernier, j'ai traversé certaines des régions les plus isolées d'Afrique et j'ai été étonné par la mesure dans laquelle les tours de transmission ont proliféré là où il n'existe que très peu d'infrastructure autre.
[Français]
Le Canada compte parmi les plus grands utilisateurs de technologie numérique. D'après le rapport de comScore de 2009, I'univers des médias numériques a connu une croissance de 11 p. 100 au Canada au cours des trois dernières années. En moyenne, plus de 24,5 millions de Canadiens sont actifs en ligne chaque mois. Le Canada est le pays où le taux de pénétration d'Internet est le plus important. En mars de cette année, un sondage Ipsos a révélé — on a franchi une étape tellement fondamentale — que pour la première fois, la durée d'utilisation hebdomadaire du Web par les internautes canadiens est supérieure aux heures consacrées à l'écoute de la télévision.
Essentiellement, les Canadiens et les Canadiennes sont aussi les plus grands consommateurs de vidéos en ligne. Le total de vidéos vues en continu a bondi de 123 p. 100 par rapport à l'année précédente, ce qui se traduit par une moyenne de 263 vidéos par mois par spectateur.
[Traduction]
Le temps consacré à regarder des vidéos en ligne a bondi de manière encore plus marquée, avec une augmentation de 169 p. 100. À la fin de 2009, le visiteur unique moyen passait 20,6 heures par mois à regarder des vidéos. Même si YouTube a compté pour la part la plus importante de cette hausse, soit 30 p. 100, une croissance sensible est également survenue du côté des sites « long tail » — comme notre propre ONF.ca — qui ont maintenu une part de 55 p. 100.
Les effets du phénomène ont été bouleversants pour les industries culturelles canadiennes, qui ont été structurées sur la base d'un univers protégé par d'importantes barrières à l'entrée, des règlements contraignants en matière, par exemple, de quotas de contenu, et des moyens clairs de monétiser le contenu. Tout cela est de plus en plus exposé aux effets corrosifs de la technologie numérique, et à la liberté accordée aux usagers d'ignorer les frontières nationales ou les méthodes établies de livraison et de consommation de contenu.
Nous n'en sommes encore qu'aux tous débuts de cette révolution. Google a à peine 10 ans. YouTube a célébré son cinquième anniversaire la semaine dernière. Twitter a été lancé en mars 2006. Facebook ne s'est élargi au-delà de son circuit collégial original qu'il y a quatre ans. Aujourd'hui, un Canadien sur deux a une page Facebook. Voilà ce qui s'est passé en l'espace de quatre ans.
[Français]
Le fait est que l'univers numérique évolue constamment et qu'il est impossible de prédire à quoi il ressemblera dans cinq ans et qui en seront les prochains conquérants. Ce seront peut-être des acteurs qui n'ont pas encore fait leur entrée en scène, ce seront peut-être des Canadiens. Qui sait? Ce pourrait être des compagnies comme les dynamiques sociétés qui sont membres de l'Alliance interactive canadienne et leurs créateurs qui sont représentés par votre prochain témoin, un ancien collègue et ami. Et compte tenu de la richesse de créateurs canadiens, l'une des questions que nous devons nous poser, c'est pourquoi les principaux protagonistes ne proviennent-ils pas du Canada et que devons-nous faire pour y parvenir.
[Traduction]
Nous entendons beaucoup parler du fait que c'est la technologie qui est le moteur du changement. Mais cette technologie ne fonctionne pas dans un vide. Il y a quantité d'exemples de technologies qui ont offert le potentiel de créer du changement, mais qui n'ont pas abouti. Telidon a été une innovation canadienne pré-Internet des années 1980. Or, cela a mené nulle part.
La vague actuelle de technologie numérique frappe fort car elle vise deux besoins impérieux des auditoires, des consommateurs et des citoyens: premièrement, la nécessité d'exercer un plus grand contrôle sur nos propres vies; et, deuxièmement, le désir irrépressible de nous exprimer nous-mêmes et d'être des joueurs, et non pas simplement des observateurs.
Il s'agit, je pense, là de l'un des plus puissants moteurs de la croissance et de la vigueur continues des réseaux sociaux, qui comptent aujourd'hui pour plus de 40 p. 100 de la consommation Internet des Canadiens.
Voici le noeud de l'affaire. Le réseautage social englobe aujourd'hui également une part importante de marketing, de consommation et de création culturels, encore une autre occasion à saisir par les industries culturelles du Canada. Par exemple, la totalité de la salle nationale de visionnement de l'ONF est renfermée dans Facebook, permettant aux usagers d'interagir avec nos vidéos tout en poursuivant leurs activités de réseautage social.
Mais autant les consommateurs veulent saisir le contrôle, autant les vecteurs de la technologie veulent la reprendre. La récente controverse entourant Facebook et la protection de la vie privée nous ramène à la même question exactement. Qui détient le contrôle et a le droit d'exploiter les données que j'affiche, en tant qu'individu, sur le Net? Il est essentiel de comprendre que les renseignements téléchargés en amont par moi ou par n'importe quel autre Canadien ne sont pas versés sur quelque système neutre et transparent. Ces renseignements s'inscrivent à l'intérieur d'un cadre préexistant. Ce peut être Facebook, Twitter, YouTube de Google ou MySpace de Murdoch. En tant que Canadiens, nous entrons peut-être dans YouTube.ca ou Facebook.ca, mais il faut savoir qu'à la base les informations peuvent toujours, potentiellement, être contrôlées par les auteurs, et c'est souvent le cas.
Nous sommes uniques au monde en ce que notre engagement en tant que Canadiens vise presque exclusivement des sites non canadiens--c'est-à-dire des sites américains. Aucune compagnie à propriété et à contrôle canadiens ne figure parmi les dix premières destinations Web. Cela a peut-être changé récemment avec la télévision en ligne de rattrapage de CTV, mais ce serait pour des émissions télévisuelles américaines.
Cela diverge de la situation au Royaume-Uni, en Australie, en France, en Italie et dans de nombreux autres pays. L'un de nos cadres chefs de file du numérique dans le secteur privé a dit des Canadiens qu'iils sont « des porteurs d'électricité et des coupeurs de largeur de bande ». Nous sommes en danger de reproduire la situation qui existe à l'heure actuelle dans le domaine de la radiodiffusion, où de vastes montants d'argent partent vers le sud pour acheter des émissions, et le contenu canadien est le parent pauvre.
[Français]
Je tiens à préciser qu'il n'est pas question ici de développer un argument en faveur des jardins clos ni de restreindre les choix des consommateurs. Il s'agit plutôt d'aborder le problème de façon lucide et réfléchie, et de trouver des solutions novatrices qui permettront d'optimiser la créativité et la productivité canadiennes dans la sphère numérique.
[Traduction]
Alors même que nous savons que le changement pointe, je crains que nombre des discussions que j'entends soient toujours ancrées dans la terminologie d'un univers médiatique traditionnel. La justification a été que la télévision demeure dominante sur le marché pour ce qui est du nombre de téléspectateurs et des revenus gagnés. Il y a cette concession qu'il nous faut tenir compte des médias numériques, mais seulement dans la mesure où nous pouvons livrer le vieux vin dans de nouvelles bouteilles et toucher autant pour le vin que pour les bouteilles.
En ce qui concerne la première question, même si la télévision maintient sa place — voire même affiche de légères augmentations pour certains publics —, l'utilisation d'Internet a connu une croissance supérieure, surtout chez les jeunes âgés de moins de 18 ans, notre auditoire de demain.
Pour ce qui est de la deuxième question, il est vrai que la télévision conserve encore la part du lion en dollars, mais nous constatons un transfert des dollars pour la publicité en faveur du monde en ligne. Il n'y a là aucun équivalent à la substitution simultanée de la radiodiffusion, alors 60 p. 100 des recettes de publicité en ligne vont présentement chez notre voisin du sud. Cela signifie qu'aucune part de ces 60 p. 100 n'est disponible pour développer une industrie à contenu canadien, et, au fil des quelques années à venir, cette perte de revenu touchera durement les façons dont nous finançons la production culturelle.
En ce qui concerne la troisième question, celle de savoir quel genre de contenu dominera, il y a certainement beaucoup de visionnement de médias traditionnels sur Internet, mais il n'y a aucune garantie que cela continuera d'être le format dominant d'ici cinq ou 10 ans.
[Français]
Dans la conclusion de son plus récent sondage sur les médias dans le monde, PricewaterhouseCoopers admet que la télévision demeure prédominante, mais ajoute que les plateformes Internet et mobiles ne cessent de gagner du terrain. Dans un paysage qui se transforme constamment, malheureusement, notre réaction a été essentiellement de nous mettre la tête dans le sable.
[Traduction]
Nous travaillons sur la base de l'hypothèse de changements progressifs et gérables. Or, il pourrait survenir quelque chose de très différent. Au lieu de changements progressifs, nous avançons peut-être vers un point de basculement où — bang — tout serait défait à la vitesse grand V.
Je ne peux pas annoncer avec certitude que tel sera le cas, mais, que la transition soit plus longue ou plus courte, il nous faut déterminer comment nous préparer à cette éventualité. Or, notre discours a tendance à porter sur la façon de protéger le commerce des calèches alors qu'on est en train d'assembler des moteurs à essence à piston dans les hangars à bois.
Quelles sont certaines des choses qui pourraient nous amener à ce point de basculement? Permettez que je vous en donne un ou deux exemples. Il y a un centre de gravité compétitif qui est en train de se déplacer vers l'est. Je suis revenu la semaine dernière de MIP, le plus important marché de télévision du monde. La présence dominante de l'Asie, avec des délégations de Chine, de Corée et de Singapour, était incontournable. Les participants ne parlaient pas simplement de médias traditionnels. Ils étaient concentrés sur le numérique.
Singapour, par exemple, est en train d'engloutir des quantités incroyables de ressources dans le secteur des médias, et tout particulièrement dans le numérique. On y offre une portée de trois milliards de personnes à l'intérieur d'un rayon de cinq heures autour de Singapour. Il s'y trouve 5 600 entreprises de médias — dont 1 000 étrangères, y compris le siège social asiatique de marques mondiales comme Discovery et National Geographic. Il s'agit d'un centre de banc d'essai pour l'innovation numérique et la production stéréoscopique. On y est progressivement en train d'installer un réseau à fibres optiques pour desservir chaque habitation, offrant des vitesses d'un gigabit par seconde. Singapour vise à conquérir le monde.
Vous pourriez dire qu'il s'agit d'un auditoire différent et d'une population d'un type différent, mais songez à ceci. Le mois dernier, Statistique Canada a publié ses projections quant à la diversité de la population canadienne. Notre pays est en train de vivre une transformation majeure. La population des grands centres urbains sera composée de ce que nous appelons aujourd'hui des minorités visibles — Toronto et Vancouver à 60 p. 100; Calgary et Ottawa à 35 p. 100; Montréal, Edmonton et Winnipeg à près de 30 p. 100. La chose n'est pas uniforme à l'échelle du pays, mais ces centres urbains tendent à être les moteurs de nos industries culturelles et médiatiques. Très peu de cette diversité est reflétée dans nos médias traditionnels. Si je suis sino-canadien, je voudrais peut-être interagir avec le monde d'une manière différente, car je souhaite voir un monde qui reflète davantage qui je suis. Le numérique m'offre des options que ne m'offrent à l'heure actuelle pas les médias traditionnels.
Deuxièmement, au fur et à mesure que nous adoptons une infrastructure numérique plus pointue, le changement devient qualitatif. Des vitesses de connexion d'un gigabit par seconde viendront modifier l'univers. Cela correspond à un point de basculement. Ce sont des changements technologiques de cette envergure qui sont intervenus entre Web 1.0 et Web 2.0 et qui ont déclenché la vague de bouleversements que nous vivons à l'heure actuelle. Les changements à venir sont susceptibles d'être encore plus révolutionnaires.
M'inscrivant ici du côté de la création de contenu, et étant donné le désir de l'ONF d'innover, je peux vous dire que nous sommes à la veille de quelque chose de tout à fait radical. Il n'est pas seulement question ici de plates-formes. Nous sommes les témoins de la naissance d'une nouvelle forme artistique qui sera immensément transformationnelle — plus puissante que l'a été le mouvement vers la télévision dans les années 1950.
Soit dit en passant, notre intention, à l'ONF, est d'être à l'avant-garde de ces nouvelles formes de création, non seulement pour le Canada, mais bien pour le monde. Je suis, par exemple, heureux de souligner que nous sommes en ce moment en lice pour cinq prix Webby. Les Webbys sont les Oscars du monde numérique.
[Français]
Je pense que les initiatives que l'ONF a entreprises dans son virage numérique sont un exemple susceptible d'inspirer les Canadiens face à ce défi, et que les occasions pour les Canadiens d'innover dans ce domaine sont extraordinaires. J'en parlerai brièvement ici, mais nous avons détaillé plusieurs de nos initiatives dans l'annexe de notre présentation, que nous avons remise au greffier.
[Traduction]
Depuis le lancement de la salle de visionnement nationale de l'ONF au début de l'année dernière, nous avons enregistré plus de cinq millions de visionnements de films de l'ONF. En octobre, nous avons lancé notre application iPhone, qui s'est rapidement fait des adeptes. iTunes a dit de cette application qu'elle comptait parmi les 10 meilleures de l'année. En l'espace de moins de six mois, 700 000 films ont été visionnés sur iPhone. Nous sommes prêts à nous lancer sur le iPad lorsque celui-ci arrivera au Canada.
ONF.ca a été la première plate-forme en Amérique du Nord pour le visionnement d'oeuvres en langue française réalisées par des créateurs francophones. Il nous faut assurer
[Français]
... et on va le faire, que la vitalité de la culture francophone permettra l'épanouissement de cette créativité francophone.
[Traduction]
Nous avons fait en sorte que les films soient disponibles gratuitement grâce à leur diffusion en flux. Nous continuerons de faire cela. Il s'agit d'une décision d'intérêt public, mais elle a, paradoxalement, été une saine décision commerciale.
Nous sommes en train de reprendre le contact avec les Canadiens et de revigorer cette relation, mais nous sommes sur le point de passer au second stade, celui de la mise à l'essai de différents modèles de production de revenu: des ententes commerciales avec des partenaires comme YouTube et d'autres sites syndiqués, des transactions en ligne, des micropaiements, et toute une gamme d'autres possibilités.
Je n'ai aucun doute qu'au fur et à mesure de l'évolution des modèles, nous trouverons des solutions économiques. Dans l'intervalle, cependant, un certain nombre de questions d'importance critique se posent pour le Canada et pour les industries culturelles. Il est clair qu'il nous faut mettre à niveau notre infrastructure, tant pour Internet que pour le mobile. Il nous faut un investissement massif dans la formation. Notre propre expérience a montré qu'il n'est pas possible de transférer aisément des modèles de production linéaire à la production numérique. Cela suppose des manières radicalement différentes d'organiser la budgétisation, les procédés de travail, et les flux de travail, et cela requiert des compétences techniques additionnelles et différentes, la base artisanale qui est au coeur de toute forme artistique fondée sur la technologie.
Il nous faut examiner la législation en matière de droits d'auteur et équilibrer les intérêts des créateurs de propriété intellectuelle et ceux des consommateurs et des citoyens.
Il nous faut comprendre quelles sont les barrières à l'investissement et pourquoi les réussites canadiennes ne débouchent souvent pas sur des réussites mondiales à la Facebook ou Twitter — car nous avions ce potentiel. Prenez l'exemple de Flickr, innovation qui a vu le jour au Canada en 2004. Un an plus tard, Flickr a été acheté par Yahoo, et tout le contenu a migré de serveurs canadiens vers des serveurs américains. Il nous faut réfléchir à la façon de veiller à ce que la vaste richesse de contenu existant généré par les secteurs public et privé, souvent avec des subventions publiques, puisse être numérisée et mise à la disposition des Canadiens.
Nous ne devrions en la matière pas adopter une approche morcelée. Il nous faut faire deux choses.
Premièrement, il nous faut élaborer une stratégie numérique nationale qui s'inscrive dans une perspective à plus long terme. De nombreux pays ont fait précisément cela, comme la Grande-Bretagne avec Digital Britain et la France avec France numérique, ainsi que la Nouvelle-Zélande et l'Australie, pour ne citer que ceux-là. Le processus réunirait de nombreux secteurs très divers: innovation technologique, finance, industries culturelles, industries des communications, et ainsi de suite.
[Français]
Depuis plus d'un an, à titre de commissaire du gouvernement à la cinématographie, j'ai fait la promotion de la mise en place d'une stratégie nationale sur le numérique. J'ai ainsi réuni un groupe de personnes clés, autant du secteur privé que du secteur public, pour susciter une réflexion à cet égard. Je suis ravi d'avoir lu, des propos mêmes de notre ministre devant votre comité, que s'apprêtait à mettre en place un processus de consultation pour une telle stratégie, et que le fruit de notre réflexion pourra être partagé à cette occasion.
[Traduction]
Mais il nous faut également une stratégie de transition. Comment veillez à tirer profit de nos industries médiatiques traditionnelles et de leurs forces, à ne pas cannibaliser leur base de revenu et à bâtir rapidement les nouvelles entreprises numériques de demain? Ce qu'a fait le ministre Moore avec le Fonds des médias du Canada est un pas dans la bonne direction.
Une dernière chose: nous parlons de la révolution numérique principalement dans le contexte d'une stratégie économique et de la compétitivité mondiale, mais il y a plus encore. Autant le numérique démocratise les médias, autant il est un solvant, qui dissout la cohésion sociale. Le numérique facilite la création de communautés d'intérêts tout autant que de communautés. Le paradoxe du monde virtuel est l'isolement de la connectivité. Il nous faut, alors que nous sommes tournés vers l'avenir, comprendre qu'il y a quelque chose de vaste et de critique qui est en jeu ici. Cela a à voir avec l'édification d'une nation. Si nous garons cela à la porte, nous nous trahissons nous-mêmes et notre pays.
Les Canadiens aspirent ardemment à tisser des liens au-delà de leurs intérêts individuels. Nous avons constaté la chose dans le déversement phénoménal de fierté pendant les Jeux olympiques de Vancouver. Cela correspondait à un besoin profond. Je pense que nous avons également vu cela un petit peu hier soir, et je vois certainement cela ici, ce genre de fierté dans la victoire, avec le gilet de M. Galipeau. Si nous reconnaissons cela, alors le numérique pourra aussi devenir un puissant outil pour créer la cohésion sociale. Il est question ici d'assurer l'espace public dans un monde en ligne.
L'une des choses les plus intéressantes pour nous, à l'ONF, a été l'expression de commentaires par nos auditoires, de toutes les catégories d'âge, au sujet de NFB.ca. Pour la première fois, les gens ont retrouvé en un seul endroit, facilement accessible et à loisir, une vision unique de notre pays, traversant les barrières temporelles, géographiques ainsi que culturelles et techniques. Ils y sont venus et ont vu quelque chose que nous oublions souvent: l'incommensurable beauté et la merveille qu'est notre pays. Nos publics ont vu, compris et pris la chose à coeur. Et, je peux vous le dire, leurs coeurs ont été gonflés de fierté. Nous le savons car ils n'ont pas hésité à le clamer sur les toits.
Merci.
:
Thank you very much for the opportunity to appear before you today. I apologize for not making my presentation also in French. J'appuie, certes, nombre des choses dont mon estimé collègue a parlé ici et sa grande vision, fort poétique, pour l'avenir des médias canadiens. J'aimerais vous donner un petit aperçu de l'industrie des médias interactifs, qui réunit les personnes qui créent le contenu et les services sur les plates-formes nouvelles et émergentes.
Je porte deux chapeaux. Mon travail bénévole est celui de président de l'Alliance interactive canadienne, ou Canadian Interactive Alliance, qui regroupe les sept organisations professionnelles régionales existantes représentant les entreprises de médias numériques interactifs au Canada. Mon travail à temps plein est celui de président-directeur général d'Interactive Ontario, l'une de ces organisations professionnelles membres. Ensemble, nous représentons plus de 1 000 sociétés de partout au pays. Nos membres couvrent toute la gamme, allant de très grosses sociétés de médias à plates-formes multiples à des boutiques d'une ou deux personnes seulement. La majorité de nos membres sont ces petites entreprises indépendantes mues par de nouvelles visions pour des approches novatrices au contenu.
Nous avons fait un petit peu de travail pour définir notre industrie. Nous pensons qu'il est important de nous attarder sur ce qui distingue les médias interactifs des médias linéaires traditionnels. J'aimerais vous livrer une définition que nous avons élaborée: il s'agit de contenu et d'environnements numériques avec lesquels les usagers peuvent activement interagir, ou qui facilitent la participation collaborative entre usagers multiples, aux fins de divertissement, d'information ou d'éducation, et qui sont couramment livrés via internet, des réseaux mondiaux, des consoles de jeu ou des dispositifs d'entreposage de médias.
Pour ce qui est de la composition de notre industrie, nous menons un projet de recherche, qui est la seule mesure exhaustive de l'industrie des médias interactifs au Canada et qui s'appelle le Profil de l'industrie interactive canadienne. Notre industrie ne fait pas encore l'objet d'une étude exhaustive de Statistique Canada. Les codes SCIAN et NAPS n'ont pas encore été attribués. Je sais que le processus est en cours.
Dans le cadre de notre dernière étude, en 2008, nous avons déterminé que l'industrie englobe quelque 3 000 entreprises à l'échelle du pays et emploie plus de 50 000 Canadiens. Il s'agit de compagnies de médias interactifs qui s'identifient en tant que telles. Il y a, bien sûr, de nombreux autres Canadiens qui travaillent dans le domaine des médias interactifs dans le cadre de leurs emplois dans d'autres industries telles que la radiodiffusion, la publicité, voire même les services financiers.
Pour ce qui est de l'industrie elle-même, sur le plan régional, le Québec possède l'industrie la plus mûre. C'est lui qui compte, en moyenne, les entreprises les plus anciennes, suivi par la Colombie-Britannique, puis l'Ontario. Nous autres en Ontario n'avons pas l'habitude d'arriver troisième. C'est une situation quelque peu intéressante. Nous nous démenons pour rattraper les autres.
Pourquoi cette concentration sur les médias interactifs séparément des médias traditionnels? Je pense que cela est nécessaire. Il nous faut nous y concentrer car ordinateurs et réseaux permettent pour la première fois aux usagers de vivre des expériences culturelles électroniques d'une manière unique et porteuse. L'interactivité est un nouveau mode d'expression créatrice, peut-être aussi important que l'invention du montage pour le cinéma. C'est ce qui a établi le cinéma comme étant plus qu'une simple combinaison de photographie et de théâtre.
Les processus de production dans les médias interactifs font la synthèse de la créativité et de la technologie, requérant une approche intégrée en ce qui concerne le produit, l'entreprise et le développement du secteur. Les médias interactifs, du fait de la nature des plates-formes de distribution, sont en même temps nationaux et internationaux. L'industrie des médias interactifs est aujourd'hui l'un des plus gros secteurs culturels au Canada; or, c'est elle qui bénéficie le moins d'appui gouvernemental au niveau fédéral.
Je pense qu'il est également important que nous envisagions les médias interactifs comme faisant partie de l'écosystème de l'industrie culturelle dans son ensemble. Certes, les formes nouvelles et émergentes de médias puisent largement dans le savoir, les compétences et les formats des médias traditionnels. Les producteurs de médias interactifs s'entendent aujourd'hui sur la nécessité de mieux livrer des expériences narratives et émotives plus engageantes. Il existe des possibilités formidables pour les créateurs de contenu de chevaucher les plates-formes pour livrer aux usagers finaux des expériences globales et multidimensionnelles.
Nous croyons qu'il nous faut créer davantage de possibilités et d'incitatifs pour la collaboration entre les secteurs industriel, culturel et technologique. Nous estimons que le Fonds des médias du Canada constitue une excellente première étape.
Le Canada est un chef de file mondial émergent dans la création de contenu et de services de médias interactifs. Selon la récente étude effectuée par l'Association canadienne du logiciel du divertissement, qui va, je pense, comparaître ici la semaine prochaine, le Canada occupe aujourd'hui le troisième rang mondial parmi les créateurs de contenu de jeux vidéo, employant plus de 14 000 Canadiens dans des postes de l'économie du savoir bien rémunérés.
Notre industrie des jeux augmente quant à elle d'environ 30 p. 100 par an. Une grosse partie de cette activité est le fait d'importantes multinationales. Je suis certain que nous allons discuter de cela un petit peu plus tard. Nous avons cependant le vent dans les voiles et jouissons de plus en plus dans le monde d'une très solide réputation en tant que milieu très novateur pour la création de contenu de jeux vidéo.
Nous croyons qu'armé d'une stratégie visant l'accès au capital et la capacité d'attirer les meilleurs talents, le Canada pourra asseoir sa place en tant que centre chef de file mondial pour la production de contenu, de services et de technologies de médias interactifs.
Vous vouliez être renseignés au sujet de nos réussites. Elle sont nombreuses, et l'ONF en est certainement une dont nous sommes très fiers.
Tom a mentionné le fait qu'il n'y a pas beaucoup de grosses compagnies canadiennes qui aient eu un grand retentissement, mais il y en a tout de même eu quelques-unes. Plusieurs d'entre elles ont été rachetées, mais j'aimerais vous raconter l'histoire de quelques-unes d'entre elles. Distinctive Software Inc., à Burnaby, en Colombie-Britannique, a, en 1991, été achetée par Electronic Arts et a ainsi fait du Canada le plus important studio d'arts électroniques du jeu au monde.
Xenophile Media, de Toronto, a remporté un prix Emmy international et heures de grande écoute pour son travail en matière de jeux réalité de rechange, conjointement avec la télévision.
Il a tout à l'heure été fait mention de Flickr, qui a été fondé par Stewart Butterfield et Caterina Fake, de Vancouver. La chose a en fait résulté d'un investissement par le fonds de nouveaux médias de Téléfilm Canada. Même si cet investissement n'a pas visé expressément Flickr, c'était un jeu en voie d'élaboration. Comme cela a été mentionné, Flickr a été vendu à Yahoo pour plus de 30 millions de dollars.
Club Penguin, lui aussi créé à Kelowna, en Colombie-Britannique, a été acheté par Disney pour 700 millions de dollars en 2007. Lorsque Disney l'a acheté deux années seulement après son lancement au Canada, Club Penguin avait déjà 12 millions de comptes et 700 000 abonnés, produisant un revenu annuel de 40 millions de dollars.
Puis, en 2008, BioWare, une compagnie de jeux informatiques fondée par deux médecins à Edmonton, a été achetée par Electronic Arts pour 860 millions de dollars.
Je pense qu'il y a des leçons à tirer de tout cela. Lors de la création de médias interactifs, il est parfois impossible de déterminer, comme cela a été le cas avec Flickr, si la plus grande valeur PI réside dans le contenu ou dans les technologies habilitantes, et ces dernières sont au coeur de l'offre de contenu et de l'expérience culturelle. Nos plus grandes réussites sont en règle générale à l'heure actuelle achetées par des sociétés étrangères qui disposent du capital nécessaire pour investir dans le vol du produit ou du service. Mais ces acquisitions étrangères ne sont pas toujours forcément de mauvaises choses, car le capital accru nous accorde une plus grosse empreinte sur le plan de l'emploi. Nous avons tendance à conserver les emplois ici, et nous avons tendance à retenir dans le pays le talent créatif. Les fondateurs de ces compagnies ont tendance à poursuivre sur leur lancée et à créer encore d'autres compagnies ici au Canada. Comme dans le cas de Paul Lee, d'Electronic Arts, ces gens qui investissent dans le domaine du capital-risque comprennent l'industrie. Ce qui est survenu à San Francisco, je pense, est ce cercle vertueux de fondateurs qui bâtissent des compagnies, puis qui en sortent, et qui lancent et financent de nouvelles sociétés.
Que vous indique l'horloge?
Je pense que c'est ma documentation qui a compté pour une partie du problème ce matin. Je m'en excuse. Ce n'était qu'une série de notes de conférencier.
Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité. Je suis le PDG de MoboVivo. Nous sommes une société albertaine qui permet aux réalisateurs et aux diffuseurs de commercialiser et de distribuer des émissions de télévision sur les téléphones cellulaires, les ordinateurs portatifs et les téléviseurs connectés à Internet.
Ce que nous faisons c'est leur permettre de monétiser, de souscrire et de distribuer par le truchement de divers circuits de vente et appareils. Ce petit survol de la société correspond à une petite partie de mon topo. Je souhaitais me concentrer davantage sur ce qu'est en train d'étudier le comité.
En réalité, il est question ici de médias sociaux, ou du Web, dans la mesure où les deux convergent, et de la télévision sur Internet, chose que nous n'avons pas encore beaucoup vue, mais que nous verrons certainement très prochainement. Si vous vous rendez dans un magasin Best Buy, vous verrez exposé un de ces appareils. Il y a, bien sûr, les applications mobiles et les ordinateurs.
Ce que notre société permet aux gens de faire c'est de changer d'écran et de basculer vers n'importe lequel de ces dispositifs, qu'il s'agisse d'ordinateurs, de téléphones mobiles, de diffuseurs de médias mobiles, de dispositifs de médias sur télévision ou de télévisions sur Internet. Le défi est tout particulier. Il y a, derrière, une technologie, un bel algorithme que nous avons mis au point, un brevet que nous avons déposé et certaines choses qui plaisent bien aux investisseurs. Nous avons donc mis l'accent là-dessus, et avons présenté le résultat de cela de diverses façons, en vue d'amener monétisation, syndication, commercialisation et distribution de contenu.
Bien sûr, les applications mobiles constituent un élément. Il s'agit d'un espace très intéressant à l'heure actuelle; je n'en ai jamais assez sur mon nouveau iPad. C'est ce que l'on commence à constater avec les applications mobiles: on commence à envisager tout un potentiel futur, et qui pourrait se réaliser très rapidement.
Voilà donc un petit aperçu de l'entreprise. Pour vous donner un peu plus de contexte, nous avons également des bureaux à Toronto et à Halifax.
La partie suivante de mon exposé est un petit peu plus dense. Je vais la parcourir rapidement. J'espère que vous avez les versions anglaise et française. Ce n'est pas quelque chose que je présente aux investisseurs; j'évite ce degré de densité avec eux. J'espère que vous pourrez vous y retrouver.
La situation est la suivante: il y a sur le marché beaucoup de dispositifs. Les consommateurs sont en train de changer, ils manifestent une certaine volonté à payer pour du contenu, et les modèles fondés sur la publicité reculent chaque année. La récession que nous venons tout juste de vivre a peut-être véritablement accéléré cette évolution.
Il y a plusieurs points de données. Apple est en train de vendre un grand nombre d'émissions de télévision — je suis certain qu'il s'agit de contenu tant canadien qu'américain — à des Canadiens et, bien sûr, partout dans le monde.
Des sondages nous ont appris que de plus en plus de gens sont prêts à payer pour éviter la publicité. C'est ce que nous constatons lorsque nous nous rendons dans une boutique de location de vidéos. Nous voyons des tonnes d'émissions de télévision sur les étagères. Ces émissions comptent pour 49 p. 100, par rapport à 30 p. 100, il y a quelques années. Il y a beaucoup de raisons à cela. Les gens sont nombreux à les regarder sur plus d'un dispositif.
Je vais sauter par-dessus quelques points de données; vous les avez dans vos notes.
Je vais me concentrer sur une donnée simple — malheureusement américaine —, soit que 73 p. 100 des Américains regardent des émissions sur plus d'un dispositif. L'une des activités qui connaissent la croissance la plus vive sur Internet... Il s'agit ici d'un point de données tiré d'un sondage Pew de 2008 sur l'utilisation d'Internet, et c'est encore un chiffre américain. L'évolution a peut-être été encore plus rapide au Canada, je ne sais pas, car nous n'avons pas le même genre de données sur cette question.
Quoi qu'il en soit, plus que les réseaux sociaux, plus que n'importe quoi d'autre en 2008, ce qui a connu la plus forte croissance a été le téléchargement télé — pas la télé en mode continu, pas les applications, pas les réseaux sociaux, mais le téléchargement télé. En 2008, un très grand nombre d'applications ont été proposées. Le téléchargement télé est une activité très importante.
Comment cela se fait-il? Je pense que l'une des raisons en est que l'actuel système de radiodiffusion est en train de se faire attaquer par des modèles de distribution révolutionnaires, ne faisant pas appel aux systèmes par câble empruntant Internet. Ce sont des modèles assurés par des applications. Une chose qui est tout à fait possible est que l'application qui livre un canal avec des émissions de télévision... L'application qui livre la SRC ou CTV ou l'ONF remplacera un canal de télévision. Bientôt, vous n'aurez plus à changer de canal. Si vous vous rendiez aujourd'hui chez Best Buy, et si vous avez derrière votre télévision une connexion Internet, alors vous pourriez faire en sorte de ne plus avoir à changer de canal. Vous n'auriez plus qu'à lancer des applications.
À l'heure actuelle, ce ne sont pas toutes ces applications qui existent, et il ne s'y trouve pas beaucoup de contenu, mais il s'agit d'une chose qui est très facile à développer. D'ici quelques années — voire même peut-être 18 mois — ce pourrait être une activité et une façon très populaires de consommer du contenu.
La question, bien sûr, est de savoir quand cela va venir. C'est la question que me posent sans cesse mes investisseurs, ainsi que mes investisseurs potentiels. Malheureusement, je ne peux pas leur donner de réponse non plus, car je n'en ai pas. Il est très malheureux que je n'aie pas cette réponse pour eux. Je pense que mon travail serait alors beaucoup plus facile.
Alors que nous regardons le contenu groupé, notre modèle actuel d'abonnement au câble, il y a envers la chose du ressentiment et des attitudes changeantes. Nous avons une plus forte incidence de diffusion des mêmes émissions sur de multiples canaux, ce dont vous avez sans doute déjà entendu parler. Nous avons également d'autres pressions, comme la haute définition en direct gratuite. Et la haute définition en direct gratuite sera de meilleure qualité que ce qui est offert par câble. En fait, sa qualité est déjà supérieure. Elle est déjà livrée à une résolution d'environ 1080p. Nos câblodistributeurs chefs de file livrent le même contenu, contre paiement, à 720p. « Vous venez tout juste de vous acheter un nouveau téléviseur et vous voulez le top du top? Si vous voulez une qualité supérieure, vous pouvez obtenir davantage gratuitement ». Voilà le genre de choses qui se passe.
Il y a également beaucoup de fragmentation sur le marché, et de groupement de contenu. Encore une fois, je pense qu'une part du ressentiment concerne ce que nous construisons au fil de notre transition vers la haute définition.
La fuite des dollars de publicité vers les États-Unis a déjà été mentionnée.
J'ai suivi certaines des audiences du comité. Une chose qui n'a pas encore été mentionnée, que je sache, est la question des droits non utilisés. Les droits au contenu ne sont pas pleinement exploités pour les monétiser en entier. Cela a, bien sûr, une incidence sur notre entreprise. Cela a une incidence sur les consommateurs canadiens, mais ce que cela alimente surtout, c'est la consommation illégale. Si vous ne pouvez pas obtenir ce que vous voulez d'une source légale et que vous souhaitez consommer le produit sur votre téléphone ou votre ordinateur, il existe une source illégale toute faite de ce contenu, et qui est relativement facile à utiliser et laisse de l'argent sur la table.
C'est le manque de clarté en matière de droit d'auteur qui alimente cela. Si le consommateur canadien ne sait pas que cette activité devrait être désapprouvée... Je ne voudrais pas que les gens se sentent comme des criminels, mais j'aimerais qu'ils apprécient suffisamment le contenu pour payer pour.
Comment étouffe-t-on l'innovation? Cela a déjà été mentionné aujourd'hui. Si nous accusons encore le moindre retard sur le plan de la vitesse sur bande large, de la pénétration ou de l'abordabilité, il y aura, je pense, de ce fait, d'énormes risques pour des sociétés comme la nôtre, et d'autres encore. Ces compagnies iront assurément chez notre voisin du sud, où ces situations sont plus simples, et l'incidence du côté du consommateur sera elle aussi, bien sûr, évidente. J'ai parlé du fait que le contenu HD n'est pas appuyé, et des coûts élevés du sans-fil.
Je vais peut-être clore là-dessus. Il n'est vraiment pas possible, pour deux principales raisons, pour un YouTube d'émerger au Canada en l'état actuel des choses. Il n'y a pas suffisamment de capital-risque. Il n'y a pas suffisamment de bande large peu coûteuse.
Peu importe ce que nous aurions voulu faire, ce que j'aurais voulu faire en tant qu'entrepreneur, ou ce que qui que ce soit d'autre aurait voulu faire, nous n'aurions pas pu créer YouTube avec la situation de ce pays en ce qui concerne le capital-risque et les services à large bande.
Je vais m'arrêter là. Vous avez les notes traitant d'autres choses. J'espère que cela vous convient.
Merci.
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Merci, monsieur le président, et merci également aux membres du comité et au personnel.
Je m'appelle Richard Paradis, et je suis président-directeur général du Groupe CIC, un cabinet d'experts-conseils en communications et en télécommunications qui a son siège à Montréal, avec des clients dans la radiodiffusion, les télécommunications et le secteur culturel. Je donne, tant à l'Université de Montréal qu'à HEC Montréal, des cours sur la politique en matière de communications, la méthodologie en recherche sociale et l'histoire des médias. Pendant ma carrière, j'ai également travaillé à Bell Canada, au CRTC, au ministère des Communications à Québec, et à Patrimoine canadien, ici à Ottawa.
Dans l'intérêt du temps, je vais sauter par-dessus une partie de mon texte portant sur la perspective historique.
Beaucoup de choses ont changé depuis les débuts de Bell Canada au Canada, et il nous faut tous convenir que la vitesse à laquelle la technologie des communications évolue est absolument époustouflante. Néanmoins, je suis certain que vous conviendrez que la vitesse de l'évolution survenue dans le domaine des communications est de plus en plus difficile à comprendre, tant dans son incidence sur chacun d'entre nous en tant que personne, mais, plus largement, sur notre bien-être socio-économique et culturel. Le défi pour nous tous est de déterminer le plus rapidement possible comment harnacher toutes ces innovations technologiques dans l'intérêt de l'entreprise canadienne, des industries culturelles canadiennes et des consommateurs canadiens d'un bout à l'autre du pays.
Comme le sait le comité, les communications sont aujourd'hui au coeur de presque tout ce que nous faisons, depuis notre réveil le matin et la vérification de nos courriels et appels sur notre téléphone cellulaire, jusqu'à l'écoute des bulletins de nouvelles ou de nos émissions de télévision préférées sur notre iPhone ou notre iPad, en passant par l'écoute de musique sur notre téléphone mobile ou notre iPod.
À quelle vitesse les choses évoluent-elles? Eh bien, comme vous l'auront dit nombre des témoins qui ont comparu devant vous, elles évoluent à très grande vitesse, et cela ne se limite pas au réseau à fibres optiques qui se rapproche de plus en plus chaque jour de votre maison.
Mais venons-en à ce que le comité est en train d'essayer de démêler dans le cadre des consultations qu'il tient à l'heure actuelle. Je vais parler brièvement de chacune des questions soulevées dans le cadre de votre mandat.
Premièrement, quels sont les impacts de l'évolution des médias numériques et émergents sur les industries culturelles canadiennes?
Eh bien, je pense que plusieurs des groupes qui m'ont précédé, dont l'Office national du film, qui a comparu tout à l'heure, conviennent que les médias numériques émergents offrent au secteur culturel canadien de formidables possibilités; cependant, la question la plus importante à examiner dans ce contexte est celle de savoir comment nous allons faire pour offrir un volume de présentation et un contenu canadiens suffisants dans ce nouvel environnement électronique, qui semble ne connaître aucune limite quant à sa profondeur et à sa portée.
Les industries culturelles doivent se démener pour s'adapter à la technologie, et ce encore davantage aujourd'hui, alors que tout le monde est dépassé par l'assaut des différentes technologies de communications, technologies qui sont au coeur et à l'avant-scène de notre économie et de notre mode de vie. La bonne nouvelle est la multiplication des fenêtres ou des plates-formes disponibles pour la distribution de produits culturels, mais ce qui est moins évident est la capacité de maintenir des flux de rentrées pour le secteur culturel en provenance de chacune des nouvelles options de distribution.
Oui, la technologie multiplie les possibilités de consommer des produits culturels, mais elle est également en train de fragmenter les publics, ce qui pourrait avoir une sérieuse incidence sur la valeur d'un produit culturel d'une plate-forme à une autre et sur sa valeur économique d'ensemble sur le marché.
Que peuvent faire les industries culturelles canadiennes pour tirer profit des développements dans les médias numériques et émergents? La réponse courte est qu'il nous faut veiller à continuer de développer du contenu canadien et, ce qui est plus important, à accéder aux différentes plates-formes.
Y a-t-il moyen de s'assurer que les créateurs de contenus artistiques et culturels soient convenablement rémunérés pour leur travail? Oui, grâce à des changements longuement attendus au régime de droits d'auteur au Canada, de manière à refléter ce qui se passe en Europe depuis plusieurs années déjà.
Comme je le dis souvent à mes étudiants à l'université, l'important est toujours de garder à l'esprit le respect des droits des auteurs et des créateurs. Je leur explique de quelle façon de nombreuses personnes peuvent véritablement bénéficier de la création culturelle d'un écrivain, d'un cinéaste, d'un auteur-compositeur, d'un chorégraphe. Lorsqu'un créateur produit son oeuvre, il s'instaure alors un effet multiplicateur, ce qui crée de nombreux emplois dans l'économie.
L'essentiel est qu'il nous faut veiller à ce que nos lois en matière de droits d'auteur assurent une rémunération appropriée aux auteurs pour leurs oeuvres qui sont disponibles sur des plates-formes multiples, qu'il s'agisse du mobile, du Web ou de radiodiffusion conventionnelle.
Que faire pour doter les Canadiens, y compris ceux qui travaillent dans les industries culturelles, des compétences voulues? Eh bien, je pense qu'il existe à l'échelle du pays plusieurs bons programmes d'études pour développer des talents créateurs et, surtout, des futés de la technologie, capables d'interpréter des idées originales pour en faire des productions.
Cependant, nous ne pouvons pas espérer pouvoir faire cela en sabrant dans le financement de nos écoles de cinéma, comme l'a récemment fait le gouvernement fédéral, ce qui a eu une sérieuse incidence sur les activités de l'INIS à Montréal et a amené la fermeture, ici à Ottawa, du Réseau d'ateliers cinématographiques canadiens, pour ne citer que deux exemples.
Voilà une illustration de ce qu'il ne faut pas faire face au changement technologique et à la nécessité de veiller à offrir des choix de programmation attractifs aux Canadiens et, en bout de ligne, à un auditoire mondial.
Que faire pour assurer que tous les Canadiens, où qu'ils vivent et quelle que soit leur situation socioéconomique, aient accès aux médias numériques et émergents? Eh bien, il nous faut développer, comme plusieurs le demandent depuis quelques mois déjà, y compris l'ONF ce matin, une stratégie numérique nationale. L'une des choses les plus importantes que nous devons faire c'est veiller à ce que tous les Canadiens aient accès à Internet haute vitesse. Ce doit être une priorité nationale. D'autres pays, la Grande-Bretagne, par exemple, et les pays de la communauté européenne — ont récemment élaboré une stratégie numérique claire. L'accès Internet haute vitesse doit être perçu à la manière d'un service d'utilité publique, un incontournable pour tous les ménages canadiens, peu importe où ils vivent et travaillent.
L'accès Internet haute vitesse pourrait être une composante essentielle d'une stratégie de développement économique et culturelle efficace dans toutes les régions du Canada, tant dans les villes que dans les campagnes. L'accès Internet haute vitesse sera, à bien des égards, plus important pour notre développement socioéconomique et culturel régional et national que ne l'a été le train dans les premières années de notre merveilleux pays. Grâce à l'accès Internet haute vitesse, le talent créateur local pourra se développer et accéder rapidement à des marchés éloignés grâce à une multitude de plates-formes numériques.
Quelles politiques le gouvernement fédéral pourrait-il adopter? Il faudra très prochainement que le gouvernement et le Parlement examinent ce qui est en train d'être envisagé par la Commission européenne, soit quelque contribution financière par les utilisateurs d'Internet à l'appui de secteurs culturels locaux, ce en vue du développement de contenu pour toutes les applications de médias numériques. Exception faite des États-Unis, où le secteur audiovisuel est le plus important exportateur du pays, la plupart des économies développées dans le monde ne savent pas trop par quel moyen financer la création et la distribution de contenu culturel original local à l'intérieur du nouvel univers numérique.
Quel serait l'impact des changements dans les règles régissant la propriété étrangère? Plutôt catastrophique. Notre approche historique à la propriété canadienne dans ce domaine est directement liée au développement social, culturel et économique du pays et ne devrait à mon sens pas être cédée à des intérêts étrangers sans une sérieuse réflexion sur ce qui nous a amenés là où nous en sommes et, ce qui est plus important, vers quoi nous voulons nous diriger à l'avenir.
Pourquoi songe-t-on à ouvrir la porte à une plus importante propriété étrangère? Nos compagnies de télécommunications souffrent-elles d'un manque d'investissement? Se trouvent-elles confrontées à des revenus et à des profits rétrécissants? Les revenus de l'industrie canadienne des télécommunications pour 2008 étaient de 40,3 milliards de dollars, avec un excédent brut d'exploitation, ou EBE, déclaré de 6,3 milliards de dollars et une marge d'EBE de 29,1 p. 100. Pour le secteur du câble, dont il est également parfois question lorsqu'on parle de propriété étrangère, les données les plus récentes publiées par le CRTC font état d'une augmentation des recettes de 11,9 p. 100 en 2009, avec des revenus de 11,4 milliards de dollars, un profit avant intérêts et taxes de 2,3 milliards de dollars et une marge de ce même profit de 25,1 p. 100. Ce ne sont pas là des entreprises qui souffrent de difficultés à obtenir du financement.
Alors pourquoi, après avoir pendant des décennies investi comme pays dans le développement d'un des secteurs de télécommunications et de radiodiffusion les plus impressionnants au monde, voudrions-nous céder tout cela à d'autres? Plus important encore, comment allons-nous veiller à obtenir le meilleur de notre secteur des communications si ses décisions d'affaires sont prises à Dubaï, à Chicago ou à Beijing? L'ultime facteur dans la décision doit être la réponse à la question que voici: qu'est-ce qui offre le meilleur rendement sur l'investissement? Certainement pas les priorités ou les préoccupations sociales et culturelles du pays hôte.
Mais laissons cela de côté pour le moment et examinons la nécessité de revoir les lois existantes, question qui a été soulevée plus tôt. Je suis de ceux qui croient fermement que dans le monde de convergence qui est le nôtre aujourd'hui, le gouvernement devrait prendre au sérieux les nombreuses demandes de révision des lois actuelles en matière de radiodiffusion et de télécommunications qui se font entendre, ce afin de refléter la convergence qui s'est installée avec les grosses sociétés, qui non seulement ont concentré la propriété, mais qui sont également extrêmement intégrées, tant verticalement qu'horizontalement.
Que l'on parle de Rogers, de Shaw, de Québécor, de Bell ou de Telus, toutes ces sociétés livrent une gamme de services de communications aux consommateurs canadiens. Elles sont tantôt radiodiffuseurs ou télédiffuseurs, tantôt éditeurs de journaux, tantôt fournisseurs de services de téléphone IP local, offrant service de téléphone mobile et contenu audiovisuel.
Plus important encore, ces sociétés sont devenues des gardes-portes entre fournisseurs de contenu et consommateurs. Dans certains cas, elles sont également des compétiteurs au niveau du contenu. Cela les place en bout de ligne en situation de conflit d'intérêt, du fait du pouvoir de vie ou de mort qu'ils exercent sur les nouveaux services de programmation canadiens.
Pourquoi devrions-nous nous en inquiéter? Parce que cela représente un virage dans la fonction de réglementation, et, bien que ce soit le CRTC qui délivre les licences, les entreprises de distribution de radiodiffusion peuvent, en bout de ligne, décider du sort des nouveaux titulaires de licence, voire même décider de privilégier leurs propres services de programmation, avec très peu d'intervention réglementaire efficace en vertu des règles actuelles. Le président du CRTC a comparu devant le comité deux fois pour demander des changements à la Loi sur la radiodiffusion, et il a récemment répété sa supplique devant le comité de l'industrie.
Voilà qui met fin à ma déclaration, monsieur le président.