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Je m'appelle Graham Henderson, et j'aimerais vous présenter Darlene Gilliland, directrice du développement des affaires pour Universal Music Canada. À ses côtés se trouve Charlie Millar, directeur du développement du secteur numérique pour Warner Music. Nous avons ensuite Loreena McKennitt, que vous connaissez tous, j'en suis sûr, puisqu'elle est une artiste célèbre et est aussi propriétaire d'une maison de disques indépendante canadienne très importante.
Grant Dexter est absent aujourd'hui, car il est coincé en Europe à cause de la fumée volcanique. Je pense qu'il est important de souligner que ce n'est pas parce qu'il travaille dans l'industrie de la musique que c'est la fumée « psychédélique » qui le retient là-bas.
C'était seulement une petite blague d'ouverture sur l'industrie de la musique.
Je suis donc président de l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement, mais avant cela, j'ai travaillé durant environ 20 ans avec des artistes, de grandes maisons de disques, des auteurs-compositeurs, divers interprètes, des étiquettes indépendantes. J'ai épousé une artiste exécutante.
Durant mes cinq dernières années à Universal, j'étais aussi chef de l'unité du commerce électronique.
Aujourd'hui, j'aimerais vous parler de ce que j'appelle les « meneurs numériques ». Ce sont les personnes qui sont à la frontière de ce que l'on appelle la révolution numérique, celles qui en sont passionnées. Je crois que depuis des années, nous sommes injustement critiqués par bien des gens, souvent insultés; on donne une image inexacte de ce que nous faisons, mais aujourd'hui, vous avez l'occasion de nous rencontrer. Et je pense que vous vous rendrez compte que nous sommes très différents de ce que vous avez pu lire à notre sujet.
Je vais commencer par cette affirmation: une société devrait être jugée — pourrait être jugée, entre autres — par la façon dont elle traite ses artistes, et je crois que cette question devrait préoccuper les membres du comité.
Cette affirmation ne vient pas de moi, mais de Jaron Lanier. J'ai apporté son livre, intitulé You Are Not a Gadget. Jaron est informaticien, compositeur et visualiste. Il est auteur, et on dit que c'est lui qui a inventé le terme « réalité virtuelle ». Il ne vit que pour la Silicon Valley. Il a été nommé l'un des 100 intellectuels les plus éminents. Il est sur la liste des 300 plus grands inventeurs de l'histoire d'Encyclopedia Britannica. Il ne faut donc pas traiter cet homme à la légère.
Je vais commencer par une citation. Voici ce qu'il dit:
Si vous voulez vraiment connaître une société ou une idéologie, regardez où s'en va l'argent. S'il sert à la publicité plutôt qu'aux musiciens, aux journalistes et aux artistes, alors la société s'intéresse davantage à la manipulation qu'à la vérité ou à la beauté. Si le contenu ne vaut rien, les gens commenceront à devenir niais et à manquer d'opinions. [Cela] a donné lieu à un nouveau genre de contrat social. L'idée de base de ce contrat est que les auteurs, les journalistes, les musiciens et les artistes sont encouragés à considérer les fruits de leur intelligence et de leur imagination comme des éléments à céder gratuitement... La réciprocité prend la forme de l'autopromotion. La culture ne doit devenir rien de plus que de la publicité.
Cela fait plus d'une décennie qu'existe cette utopie de partage démonétisé, et presque tous ceux qui font ce genre de travail collectivisé en ligne s'appauvrissent. Par exemple, il n'y a qu'une poignée d'auteurs ou de musiciens qui réussissent à gagner leur vie grâce à cette nouvelle utopie.
Il dit que l'on « ressemble de plus en plus à des paysans », et que « cela ne fera qu'empirer ».
Vous avez entendu beaucoup de témoignages de fervents supporteurs de tout ce qui est numérique. Et vous savez quoi? À notre façon, nous sommes nous aussi de fervents supporteurs de la technologie numérique, car elle nous offre des possibilités extraordinaires, et à nos créateurs également. Mais il s'agit d'une arme à deux tranchants. Ne nous y trompons pas.
Permettez-moi de vous dire que nous devons toujours modérer notre enthousiasme en faisant preuve de prudence et d'un scepticisme judicieux, éléments qui semblent presque complètement absents du discours d'aujourd'hui. Plutôt que de simplement demander à quelle vitesse cela peut évoluer et combien nous pouvons y consacrer, nous devrions aussi nous demander quelles en sont les conséquences.
Puisque votre comité aborde les questions culturelles, je vais vous parler de l'une des pierres de touche de ma vie — j'ai étudié la littérature anglaise —, c'est-à-dire de Mary Shelley. Son livre, intitulé Frankenstein, porte sur ce qui se produit lorsque la science ou la technologie est introduite dans la société sans que l'on en ait examiné en détail les conséquences.
Or, même si nous nous inquiétons des conséquences, cela ne veut pas dire que nous sommes contre la technologie, bien au contraire; cela signifie, selon moi, que nous agissons de façon prudente et judicieuse, et je crois que c'est ce que nous devons faire en tant que société.
Parlons un peu du Canada et de l'innovation numérique. Le mois dernier, on a dit au comité que tout fonctionnait très bien au Canada sur le plan numérique. L'essentiel de ce message était que le Parlement n'avait pas besoin d'intervenir.
Or, rien n'est plus loin de la vérité.
Les gens qui préconisent cette attitude insouciante l'ont adoptée depuis presque une décennie. Entre-temps, nous avons pris du retard; nous étions des chefs de file sur le plan numérique, mais maintenant, nous nous contentons de suivre.
Je crois que le milieu universitaire a, malheureusement, une vision limitée. Le Conference Board du Canada a récemment attribué un D au Canada en innovation.
On vous a donné des exemples précis de la façon dont les artistes étaient censés réussir en donnant leur musique. On vous a parlé de Radiohead, ainsi que de Trent Reznor, des Nine Inch Nails. Mais on ne vous a pas parlé de ce que Trent Reznor a dit après son expérience. Et soit dit en passant, la décence interdit de répéter bien des choses qu'il a dites:
C'est ce que j'ai appris de Radiohead. Je ne veux pas demander à mes fans quelle valeur ils attribuent à ma musique.
Il donne ensuite un exemple d'une discussion avec un admirateur imaginaire: « J'ai travaillé là-dessus durant un an », et l'admirateur lui répond: « Eh bien, je crois que ça vaut 10 cents ».
La réponse de Trent à cela est impossible à répéter.
Il dit ensuite:
Je croyais naïvement, à l'époque, que si l'on donnait au public le choix de faire ce qu'il convient de faire ou non, il ferait la bonne chose. Cinq dollars pour un album? Et je me suis rendu compte que la plupart des gens ne sont pas prêts à le faire. Je crois que j'en ai ri et que je me suis fait critiquer par tout le monde pour m'être plaint de vouloir être payé pour mon travail. Les mesures que nous avons prises depuis nous permettent, je crois, de nous rapprocher de ce qui ressemble à un modèle de gestion. Mais cela ne fonctionne pas pour les groupes encore inconnus.
On a également signalé au comité le mois dernier que les plus petits intervenants canadiens obtiennent du succès dans les nouveaux marchés comme les applications Facebook.
En réalité, la seule entreprise canadienne dont le nom figure sur la liste de Facebook des 15 meilleures applications est Research in Motion. Et ce n'est pas une petite entreprise.
On vous a parlé d'une entreprise canadienne appelée Polar Mobile, qui vise à fournir des applications au marché du iPhone.
On vous a parlé des modèles de gestion fondés sur la culture libre.
Mais ce que l'on ne vous a pas dit, c'est que le PDG de Polar Mobile, Kunal Gupta, en est venu à la conclusion que la philosophie voulant que l'on donne gratuitement du contenu ne fonctionne tout simplement pas pour lui.
On vous a également dit que les sites BitTorrent et d'autres technologies pair à pair « plaisent de plus en plus aux entreprises légitimes ». En effet, nous avons des manières de les utiliser. Mais ce que l'on ne vous a pas dit — et ce que j'aurais cru tout à fait évident pour tous ceux qui vivent à l'extérieur de cette tour d'ivoire, et même ceux qui vivent à l'intérieur —, c'est que la quasi-totalité du contenu des sites BitTorrent est, pour être franc, du contenu volé.
C'est la conclusion à laquelle on en est arrivé dans une étude récente supervisée par le professeur Ed Felten, à Princeton — qui est sans lien avec l'industrie de la musique —, qui a constaté que 99 p. 100 du contenu partagé sur BitTorrent contrevient aux règles.
Le problème, c'est qu'une culture fondée sur le vol des biens culturels se cannibalise. Les industries créatives dépérissent, et les pays comme le Canada obtiennent un D en innovation.
Pour terminer, je vais vous parler d'un autre auteur important qui aborde ce sujet. Si vous devez établir une politique sur cette question, il faut que vous lisiez le livre de Debora Spar, intitulé Ruling The Waves: From the Compass to the Internet, a History of Business and Politics along the Technological Frontier. Dans ce livre, elle écrit:
Si nous regardons le cyberespace avec du recul... [nous voyons que] lorsque la frontière technologique dépasse un certain point, le pouvoir — et les profits — semblent passer de ceux qui enfreignent les règles à ceux qui les établissent... [L'établissement de ces règles] est une étape cruciale de la frontière technologique. Cela clarifie les relations qui ont souvent été troubles jusqu'à maintenant, et permet aux pionniers de réussir à constituer leurs firmes et leurs marchés dans un milieu plus stable, moins chaotique. C'est une étape qui est absolument essentielle lorsqu'on a des visées commerciales pour une technologie.
Sur ce, je vais céder la parole à mes collègues.
Permettez-moi seulement d'ajouter que nous demandons au comité d'appuyer l'environnement fondé sur des règles, en quelque sorte, qui existe pratiquement partout ailleurs dans le monde. Il profitera aux créateurs — comme Loreena —, aux investisseurs du milieu des affaires — comme nous —, et même aux consommateurs. Les consommateurs n'ont tout simplement pas les mêmes possibilités au Canada qu'ailleurs dans le monde.
Darlene.
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Je m'appelle Darlene Gilliland et je suis directrice du développement du secteur numérique pour Universal Music Canada. Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je compte aborder trois sujets: d'abord, je vous parlerai de notre entreprise et de la façon dont nous tirons parti des possibilités qu'offrent les nouveaux médias afin de donner de l'expansion à notre entreprise au Canada; puis, de la façon dont les défis que pose l'absence d'un climat prévisible et réglementé relativement à l'investissement dans les nouveaux médias limite la croissance de l'entreprise; et enfin, de la façon dont le gouvernement peut nous aider.
D'abord, sachez qu'Universal Music est la plus importante entreprise de musique au Canada. Nous signons des contrats d'enregistrements musicaux avec des artistes. Nous assurons également la distribution des étiquettes indépendantes dans les provinces anglophones et au Québec. Nous découvrons des talents artistiques, nous créons des enregistrements musicaux avec eux, nous les commercialisons, les distribuons, en faisons la promotion. En bref, nous créons de la musique et nous bâtissons des carrières.
La liste de nos artistes canadiens comprend les noms de Bryan Adams, Diana Krall, Shania Twain, Tragically Hip, ainsi que des nouveaux artistes comme Hedley et Stereos. Nous commercialisons et distribuons aussi le matériel de vedettes internationales comme U2, Elton John et les Black Eyed Peas, ici au Canada. Nous sommes des gens de musique, tout à fait, mais nous sommes également des gens d'affaires et nous investissons dans le talent et la technologie de notre pays.
Mon rôle au sein de l'entreprise dans le domaine du développement du secteur numérique ainsi que l'équipe avec laquelle je travaille existent parce qu'Universal reconnaît le pouvoir des nouveaux médias de créer des sources de revenus pour nos artistes. Mon rôle consiste à mettre en oeuvre dans un plan stratégique de nouveaux modèles de gestion susceptibles de générer des revenus durables à long terme et de faire profiter aux amateurs d'une expérience de téléchargement légal de musique.
Ce n'est plus comme autrefois. Nous ne nous croisons pas les bras en souhaitant retrouver l'époque d'avant l'Internet. C'est plutôt le contraire; nous sommes très engagés dans la réorientation de notre entreprise, qui est confrontée à d'incroyables défis liés à la situation au Canada.
Je vais vous parler un peu des choses que nous faisons. D'abord, nous accordons des licences pour notre musique et nos vidéos de façon légale aux entreprises technologiques, aux grands et aux petits diffuseurs, aux entreprises de services mobiles et aux sites Web ici au Canada, ainsi qu'à l'étranger. Quand je parle de contrats de licence, cela veut dire un contrat qui rend la musique légalement disponible. Vous pouvez écouter de la musique sur votre iPhone grâce à nous. Vous pouvez acheter et télécharger sur votre téléphone cellulaire une bonne chanson que vous avez entendue à la radio. Vous pouvez regarder une vidéo sur votre ordinateur à la maison. Voilà ce que nous faisons. Toutes ces utilisations peuvent être accordées légalement sous licence, indemnisent le créateur et fournissent la musique aux amateurs, là où ils veulent l'entendre.
Les entreprises avec lesquelles nous travaillons pour élaborer ces modèles comprennent bien des choses. Elles savent que la musique est très importante pour leurs clients, que les créateurs doivent être rémunérés pour leur travail et que le fait de travailler directement avec nous les aide à accroître la valeur de leur entreprise.
Je tiens également à souligner que nous utilisons régulièrement les médias sociaux dans la technologie dans le cadre de nos efforts de marketing et de promotion pour prendre contact avec les amateurs. Les applications Twitter, Facebook, SMS, iPhone — toutes les nouvelles technologies sont des éléments clés de nos stratégies de marketing. Ce ne sont peut-être pas nos stratégies les plus productives pour le moment, mais elles sont très importantes sur le plan du marketing.
Je vais vous donner un exemple intéressant, pour ceux qui utilisent souvent Twitter. Nous avons collaboré avec un artiste canadien, K'naan, pour créer de nouvelles paroles pour l'une de ses chansons en utilisant les « tweets » des admirateurs sur Twitter. K'naan a ensuite enregistré une chanson uniquement à partir de ces paroles, et nous avons été félicités pour cela par le magazine Wired. C'est là où nous en sommes.
De plus, nous nous diversifions. Nous créons et gérons des sites Web d'artistes et des clubs d'admirateurs en ligne. Nous concevons des produits musicaux à valeur ajoutée, des articles VIP et des billets de concerts.
En bref, nous ne restons pas les bras croisés. Autrefois, les gens comme moi ne travaillaient même pas dans l'industrie de la musique. Nous ne fuyons pas cette nouvelle réalité, nous faisons de notre mieux pour l'accepter, pour consacrer nos efforts à créer des modèles de gestion et pour en faire profiter tout le monde dans la communauté des nouveaux médias, c'est-à-dire les créateurs, les entreprises technologiques et les consommateurs. Nous croyons que l'un n'empêche pas l'autre.
Malgré nos efforts et même si nous réussissons à poursuivre la croissance de notre entreprise numérique chaque année, notre marché numérique au Canada est en voie de plafonner bien en-dessous de notre potentiel de marché et du niveau que vont atteindre les autres marchés développés. Je vais vous donner quelques chiffres. Dans l'ensemble de l'industrie, comme le rapporte l'IFPI, pour les exemplaires physiques des CD, les ventes au Canada représentaient 10 p. 100 de celles des États-Unis. Pour le numérique, c'est 4 p. 100. C'est une différence importante. Je crois que cela permet de très bien illustrer ce point.
Nous attribuons ces résultats en grande partie à l'absence d'un régime solide de droits d'auteur et de protection des oeuvres des créateurs dans notre pays, et cette lacune est évidente lorsqu'on compare le Canada avec ses homologues étrangers. Il y a longtemps que ces derniers ont mis en place des mesures de protection.
Lorsque les entreprises spécialisées dans les technologies constatent l'ampleur du piratage qui se pratique au Canada et l'incertitude de nos lois, elles sont tentées d'aller investir ailleurs, et c'est ce qu'elles font. Les créateurs et les consommateurs canadiens se voient ainsi privés de services innovateurs dans le monde de la musique qui sont offerts ailleurs, dont au Royaume-Uni, en France, en Suède et aux États-Unis. Nous sommes donc aussi privés des emplois, des revenus, des taxes et des choix pour les consommateurs qui y sont rattachés.
Le gouvernement peut nous aider de deux façons importantes: premièrement, le gouvernement doit investir dans les nouveaux médias, comme dans toute industrie, en vue de créer un environnement réglementé et prévisible dans lequel les entreprises peuvent investir, et dans lequel les investissements faits aujourd'hui par l'industrie de la musique peuvent se poursuivre; deuxièmement, le gouvernement doit reconnaître que la rémunération des artistes et l'évolution de la plate-forme des nouveaux médias ne sont pas fondamentalement incompatibles. Nous pensons qu'il est possible de bâtir ce marché, un marché dans lequel les technologies sont mises à profit et les créateurs peuvent gagner leur vie, à l'aide des protections appropriées.
La société Universal investit dans la musique et dans la culture et le talent canadiens, et notre gouvernement investit dans la musique et dans la culture et le talent canadiens, mais nos lois créent un climat dans lequel le produit de nos investissements est en concurrence avec la gratuité des services.
Pendant des années, le problème a peut-être semblé compliqué; mais il n'a pas à l'être. Nous ne pourrons pas être concurrentiels sans l'aide du gouvernement, qui devra s'assurer que les oeuvres des créateurs bénéficient du même niveau de protection grâce aux droits d'auteur que celui que reçoit une entreprise technologique qui fait breveter l'écran tactile de son téléphone.
Toutes les industries de la propriété intellectuelle dépendent des mécanismes mis en place par le gouvernement pour favoriser l'innovation, encourager les investissements et protéger les créateurs. Nous ne faisons pas exception à la règle.
Nous ne demandons pas au gouvernement de nous ramener dans l'ancien temps. Nous ne baissons pas les bras: nous voulons bâtir ce marché et nous avons ce qu'il faut pour le faire, mais nous vous demandons de nous aider à y arriver.
Merci beaucoup.
Je m'appelle Charlie Miller. Je travaille aussi comme directeur au développement du commerce numérique.
On m'a demandé de vous parler aujourd'hui de ce que je fais, et de la façon dont mon travail est relié aux médias numériques et aux nouvelles technologies. Je vous parlerai plus précisément de mon expérience, des raisons qui m'ont poussé à me lancer dans l'industrie du contenu, le rôle que je joue, et les raisons pour lesquelles je suis ici aujourd'hui. Finalement, je vous ferai le résumé de la façon dont le gouvernement pourrait appuyer mon travail du point de vue de l'industrie du contenu numérique.
Avant de joindre les rangs de Warner Music Canada, je travaillais comme conseiller économique pour KPMG. Mes secteurs de prédilection étaient les technologies et les marques pharmaceutiques. Après KPMG, j'ai travaillé pour une société de marketing qui se spécialisait dans la vente et la conception de programmes de commercialisation de marques auprès des consommateurs. Telus était un de nos clients. J'ai en fait participé au lancement du service Internet de Telus, dans l'Ouest, il y a environ six ans.
Pourquoi me suis-je lancé dans l'industrie du contenu? Comme j'ai joué dans plusieurs petits groupes de musique au fil des ans, il était évident pour moi que la musique, ou le contenu, jouait un rôle vital dans le développement des nouvelles technologies et de la nouvelle génération des modèles de monétisation de la musique. Donc, avec mes antécédents en économie et mon amour de la musique, il était logique pour moi de joindre les rangs d'une compagnie de disques et de travailler dans le domaine de la musique numérique.
Mon rôle chez Warner Music Canada est d'intégrer des occasions de commerce numérique dans la compagnie. Je travaille également avec des entreprises canadiennes afin de les sensibiliser à ce nouveau commerce, et j'ai aussi la tâche de délivrer des licences de contenu à ces entreprises. Je collabore avec elles pour veiller à ce qu'on utilise un modèle d'affaires profitable et durable pour la distribution des oeuvres de nos artistes. Je travaille plus précisément avec de nombreux fabricants de logiciels pour voir à ce qu'ils obtiennent des licences de contenu et qu'ils mettent en place des modèles d'affaires qui sont durables pour les oeuvres des artistes à long terme et qui leur procureront des affaires profitables. C'est très important.
Finalement, j'établis des liens avec des fournisseurs de services Internet (Telus, Rogers et Bell), des fabricants d'appareils (RIM, HTC et LG), ainsi qu'avec des fabricants de logiciels. Ce sont d'importants partenaires d'affaires pour nous. On ne peut négliger ces partenaires, car ce sont eux qui appuieront nos lois sur la scène internationale et ici, au Canada. Ces compagnies offrent des perspectives d'affaires prometteuses, et ensemble nous allons créer de nouveaux outils qui permettront aux compagnies de disques de monétiser leur contenu. Tout cela est très stimulant. Ces services deviendront essentiels dans l'ère numérique du monde de la musique.
Je vais maintenant vous parler des raisons de ma présence ici aujourd'hui.
Warner Music est un acteur important de l'industrie. Il a engagé des intérêts commerciaux nationaux et a toujours une longueur d'avance sur l'industrie de la musique enregistrée en ce qui a trait au revenu numérique. Nous avons trois priorités fondamentales, et j'aimerais vous les expliquer pour que vous compreniez comment se raccordent selon nous ces priorités au monde de la musique numérique.
Nous voulons étendre notre leadership au commerce de base des téléchargements. Vous penserez peut-être au service iTunes, mais nous nous concentrons surtout sur quatre « P » du marketing: le produit, le prix, la promotion et le placement.
Nous voulons rétablir l'équilibre entre les aspects promotionnel et commercial au sein des réseaux sociaux. C'est très intéressant. Nous avons des contacts avec YouTube. Nous en avons aussi avec des réseaux financés par la publicité. Nous tâchons d'éliminer les idées fausses à propos du concept de la gratuité, et nous encourageons les entreprises à adopter des modèles d'affaires durables. Les modèles des réseaux financés par la publicité sont au stade de l'économie émergente en ce moment, pas à celui d'une économie durable.
Nous élaborons et entretenons de nouveaux modèles d'affaires en ciblant des occasions de masse. Ce que cela signifie, c'est que nous incitons les réseaux et les fabricants de systèmes à regrouper les services par la vente d'appareils et de connexions Internet.
J'en reviens au marché numérique. Celui-ci comporte trois principaux segments de consommateurs. Beaucoup de recherches ont été faites aux États-Unis sur ces segments de consommateurs, et elles nous serviront d'exemples pour les consommateurs canadiens. Nous collaborons toutefois avec l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement pour mener notre propre recherche sur les besoins des consommateurs.
Le premier segment de consommateurs se compose des auditeurs traditionnels. On fait ici référence à des auditeurs de la radio ou à des consommateurs de disques compacts. Ce sont des consommateurs dit « passifs »: ils écoutent la radio ou ils insèrent un CD dans leur lecteur. Ce sont des produits ciblés que l'on doit offrir à ce segment de consommateurs. Il faut offrir des moyens aux adeptes de CD pour les inciter à passer à l'ère du numérique, comme des cartes-cadeaux.
Le deuxième segment se compose de collectionneurs de contenu numérique. Ces consommateurs sont très « proactifs »: ils ont des ordinateurs, plusieurs écrans, des téléphones portables, et ils sont des clients du service iTunes. Pour ce segment de consommateurs, nous devons nous pencher sur la gestion des produits. Encore là, les quatre « P » du marketing nous aident dans ce domaine, et c'est là que nous portons notre attention. Mais il faut aussi offrir à ce segment des produits et des services innovateurs, notamment pour les services d'abonnement. Le terme « nuage numérique » est de plus en plus à la mode.
Le troisième et dernier segment est composé des pirates. Ce sont des consommateurs également proactifs, qui représentent un échantillon de tous ces comportements. Pour contrer ce mouvement, il faut des mesures de dissuasion omniprésentes mises en place par le gouvernement, ainsi que des mesures de contrôle intégrées aux différents réseaux.
En résumé, comment le gouvernement peut-il intervenir?
Au niveau des ventes pour le développement du commerce numérique, le gouvernement peut, premièrement, prendre des mesures qui contribueront à décourager le piratage; deuxièmement, il peut appliquer des contrôles gouvernementaux généralisés pour que le Canada et toutes ses provinces puissent offrir un milieu favorable aux entreprises et aux services du monde numérique; et troisièmement, il peut créer un endroit propice aux investissements étrangers directs et/ou au développement de technologies de nouvelle génération qui sont prêtes à l'exportation.
Pour ce qui est d'un marché libre, l'industrie est prête à vendre le talent du Canada au monde entier, et elle dispose des moyens pour le faire, mais il est essentiel que le gouvernement établissent des règles de base appropriées pour que le commerce de la musique numérique soit florissant.
Merci beaucoup de m'avoir accordé de votre temps.
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Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui. Je reconnais que les membres du comité ont devant eux une tâche colossale à accomplir dans ce dossier.
Comme certains d'entre vous le savent peut-être, je suis auteure-compositeure et interprète, et l'unique propriétaire de l'étiquette Quinlan Road, une compagnie de production audio-visuelle qui représente une seule artiste.
On a souvent dit de moi que j'ai été l'une des premières artistes à mener une carrière indépendante, que j'ai entreprise en 1985 en chantant dans les rues de Toronto. Après cinq années à fonctionner avec les moyens du bord, j'ai décidé de signer un contrat de licence. Je compte maintenant un mélange de contrats de licence et de distribution aux quatre coins du monde avec différentes compagnies. Elles ont ainsi vendu plus de 13 millions de disques. À l'heure actuelle, non seulement je continue à évoluer en tant qu'artiste, mais je gère également les aspects créatifs et commerciaux des activités quotidiennes de Quinlan Road, et ce, à l'échelle mondiale.
Si je suis ici aujourd'hui, c'est pour vous faire part de mes inquiétudes à l'égard des créateurs d'aujourd'hui et de demain de toutes les disciplines, ainsi que des infrastructures de leurs industries respectives.
J'ai eu la chance, tout au long de mes 25 années de carrière, d'être propriétaire de ma propre compagnie et d'avoir le dernier mot sur tout ce qui a trait à mes disques et à mon image. Je ne tire pas seulement mes revenus de la vente de CD ou de fichiers numériques, mais aussi de mes prestations et des contrats de licence que j'ai conclus. Parce que j'ai investi dans ma carrière et dans mon entreprise de cette façon, j'ai pu demeurer propriétaire de mes bandes maîtresses et octroyer directement des licences d'utilisation de mes oeuvres pour des films, des pièces de théâtre, des spectacles de danse, et d'autres types de médias. De la même manière, rien ne m'empêche d'accorder des permissions sans frais dans des circonstances particulières.
Il est très difficile de prédire l'avenir des nouvelles technologies numériques sans établir un solide consensus sur la valeur réelle de la propriété intellectuelle et déterminer qui en est réellement propriétaire. Pendant des années, il était clairement établi et accepté que les créateurs sont propriétaires de leurs oeuvres, et que le média qui les véhicule ne peut rien changer à ce principe.
Cela m'amène à vous parler des romans et du nouveau terme qu'est « droits d'usage ».
À mon avis, il faut être extrêmement prudent avec ce genre de langage, car dans les faits, il ne s'agit pas de droits d'usage, mais de permissions. Quand on aura établi clairement qu'il n'existe pas de droits d'usage, ou que les consommateurs ne sont pas propriétaires de la musique achetée sur CD ou par téléchargement numérique, on pourra arrêter de s'inquiéter de la meilleure façon de retrouver l'équilibre entre les différents droits. Les permissions d'usage et les conditions d'utilisation à des fins personnelles permettent au public de faire à peu près tout ce qu'il veut avec les produits qu'il achète.
Dans mon entreprise, nous nous efforçons de faire front aux nouvelles réalités tous les jours. Nous travaillons fort pour offrir de nouveaux produits par des moyens différents de façon à tirer profit des nouvelles technologies. Je suis toutefois ici pour vous dire qu'il est impossible de faire des prédictions et d'encourager les investissements sans qu'il n'y ait une certaine stabilité dans la reconnaissance et la protection fondamentales de la propriété intellectuelle.
Il n'y a pas que ma propre source de revenus qui soit touchée. Il y a aussi les emplois de nombreux gens de talent que j'ai embauchés au fil des ans. J'aimerais vous en donner un aperçu.
Je parle notamment d'un grand nombre de studios d'enregistrement qui n'existent plus aujourd'hui; les ingénieurs qui se spécialisent dans l'enregistrement d'instruments classiques ou acoustiques; les techniciens, leurs fournisseurs et leur personnel administratif; les concepteurs graphiques; les photographes; les maquilleurs; les entreprises de matriçage; les fabricants de disques compacts, comme Americ Disc à Québec; les grands et les petits détaillants, beaucoup de ces établissements sont maintenant fermés, comme Sam the Record Man; les imprimeurs, comme le Stratford Beacon Herald; les publicistes; les agents de voyage; les compagnies aériennes; les fournisseurs d'équipement musical; les compagnies d'assurance; les points de vente publicitaire dans les médias locaux; les traiteurs; et ainsi de suite.
Je sais que certains préconisent un modèle d'affaires selon lequel les artistes seraient constamment en tournée. Cette proposition ne serait pas toujours viable au point de vue monétaire — ni au point de vue humain, quand les gens commencent à fonder une famille —, car pour bien des artistes, comme moi, les tournées sont menées à perte pour faire la promotion de leurs albums. Certains secteurs de l'industrie des tournées commencent à voir les effets de l'érosion de leurs entreprises. Cela a eu des répercussions sur les salles de spectacle, les promoteurs, les équipes locales, les vendeurs de maïs soufflé, et tous ont maintenant du mal à survivre.
Aussi, il ne faudrait pas confondre gloire et viabilité commerciale, parce que bien des artistes rendus célèbres par les nouvelles technologies n'arrivent pas encore à gagner convenablement leur vie grâce à leur art. Il est difficile de considérer la chose comme un modèle d'affaires.
C'est peut-être bien vu dans certains coins de la ville de dire que les arts ne créent pas d'emplois et qu'ils ne rapportent pas vraiment à la société, mais si je pense à ma petite entreprise, qui a déjà compté 15 employés et qui en compte maintenant cinq, et que je transpose le phénomène à l'ensemble de l'industrie, j'estime que la portée de cette calamité qui nous frappe en ce moment ne doit pas être sous-estimée.
Comment en sommes-nous arrivés à autant de dévastation? Bien que certaines personnes aimeraient vous faire croire le contraire, ce n'est pas parce que les droits d'auteur sont devenus désuets, un peu comme une voiture tirée par des chevaux, et que les détenteurs de propriété intellectuelle devraient se faire une raison. S'il est vrai que nous, les créateurs, avons mis du temps à faire respecter nos droits de propriété, nous comptions toutefois sur les organisations qui nous représentent, le système juridique et les responsables de politiques pour protéger nos droits fondamentaux et veiller à ce que nos obligations internationales à cet égard soient aussi respectées.
Peu importe les détails de la réglementation, selon la forme actuelle de la loi, tout enregistrement est frappé de droits d'auteur et ceux-ci reviennent au créateur même. À moins de détenir une licence ou d'avoir obtenu l'autorisation du créateur, personne d'autre ne peut réclamer de droits de propriété sur une oeuvre. Si quelqu'un ose se risquer, attendez-vous à nous voir faire des pieds et des mains pour les récupérer.
Permettez-moi de vous donner un bref aperçu de ma situation en ce qui concerne les réseaux d'échange de pair à pair.
Vous avez peut-être une copie de l'outil de recherche appelé « isoHunt ». Ce site fait la promotion de l'inventaire complet de mon catalogue audio et vidéo. C'est en fait un portail qui permet aux internautes de télécharger ma musique gratuitement. Comme beaucoup d'entre vous le savent, le modèle d'affaires de bien des sites Web consiste à offrir du contenu qui ne leur coûte rien ou qu'ils obtiennent à peu de frais, mais qui a une grande valeur pour le public. De cette façon, ils peuvent vendre les espaces publicitaires sur les bandes latérales de leur site.
Chassés par des jugements rendus contre eux aux États-Unis, les administrateurs d'isoHunt ont décidé de traverser la frontière canadienne et d'intenter des poursuites pour que leur entreprise qui aide et encourage le piratage soit déclarée légale ici. Dans le vide actuel que crée l'incertitude entourant la réforme des droits d'auteur, nombreux sont les exploitants qui réclament des droits sur quelque chose qui ne leur appartient tout simplement pas.
J'aimerais aussi vous parler du site Mininova. Quand on m'en a parlé en novembre dernier, on pouvait également y retrouver mon catalogue audio et vidéo dans son intégralité. Ce site nous a été d'une grande d'aide, car il affichait fièrement un chiffrier pour faire mousser les ventes de publicité, et celui-ci indiquait que mon répertoire complet de 10 titres avait été téléchargé plus de 4 100 fois au cours des 53 derniers jours. Évidemment, on ne fait pas état des téléchargements de fichier simple, ni du reste de l'année, ni des années précédentes, ni des autres sites employant ces pratiques au Canada et à l'étranger.
Il est intéressant de noter qu'à la fin novembre, le site Mininova a été forcé par une décision de la Cour d'Utrecht de revoir complètement son modèle d'affaires pour n'offrir que les oeuvres des créateurs qui acceptaient de leur plein gré que leur musique soit distribuée sans frais, ou autrement dit gratuitement. Aujourd'hui, une recherche de Loreena McKennitt vous conduira vers les titres de plusieurs albums, tous redirigés vers les liens correspondants sur Amazon, où les consommateurs peuvent les acheter en toute légitimité.
Vous voyez donc qu'il est possible de faire avancer les choses. Il faut absolument éviter que le Canada ne soit perçu comme la capitale du piratage; et pour éviter que cela se produise, il faut réglementer en conséquence et reconnaître tous les avantages que les nouveaux médias ont à nous offrir. Ce n'est pas acceptable qu'un changement des règlements vienne soudainement dévaluer les fruits d'années de formation et les importants investissements faits par des particuliers, des entreprises et les gouvernements.
Nous ne devons pas non plus permettre qu'une manipulation habile des mots et des médias suffise à semer le doute dans l'esprit des consommateurs, à savoir quels sont les vrais enjeux, surtout si ce manège est orchestré par des gens qui ont des intérêts directs non déclarés dans l'entreprise, ou encore qui évoluent en théorie dans ce monde et non pas dans la réalité concrète des affaires.
Nos « chiens de garde » doivent faire fi de l'écran de fumée qu'essaient de créer ceux qui exploitent les oeuvres des créateurs sans avoir obtenu leur permission, ni même leur verser de remise. Leur stratégie consiste à prendre tout ce qu'ils peuvent prendre avant de se faire pincer.
En terminant, je tiens à remercier une fois de plus le comité pour son bon travail et pour toute la diligence dont il fait preuve. Je suis disposée à répondre à vos questions.
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Il est rafraîchissant de vous entendre, vous les artisans et les artistes, sur les problèmes que vous avez avec les nouvelles technologies numériques. En fait, je considère ceux-là davantage comme des défis.
Justement, nous, au Bloc québécois, nous reconnaissons votre situation. Même que nous convenons de presque toutes les constatations que vous faites. Nous avons trois principes sur lesquels nous nous appuyons pour aborder tous ces problèmes dont vous parlez. Entre autres, vous dites que la musique n'est pas gratuite et que quand on écoute une oeuvre, on la consomme et on doit donc payer ceux qui l'ont faite. Pour nous, au Bloc québécois, c'est très clair.
Nous abordons la transition numérique à partir de trois principes. D'abord, il s'agit d'encourager et de favoriser la création et de faire en sorte que les artistes et les artisans soient payés. Ensuite, il faut encourager la diffusion. Il faut qu'il y ait encore plus de possibilités pour que les artistes professionnels puissent se faire valoir sur des scènes technologiques professionnelles — stage en anglais. Finalement, il faut aussi décourager le piratage sous toutes ses formes.
Cependant, pour ce faire, il y a des solutions dont on discute actuellement. Je ne vous ai pas beaucoup entendu sur cet aspect et c'est ce sur quoi j'aimerais vous entendre. Premièrement, les télécommunications et la radiodiffusion, c'est de plus en plus pareil. Il faudrait songer sérieusement à fusionner les deux lois pour régler le problème des téléphones sans fil, par exemple. Deuxièmement — je ne sais pas si vous êtes familier avec la Loi sur le droit d'auteur —, il y a ce qu'on appelle, en anglais, « notice on notice ». Troisièmement, il y a la loi des trois fautes,the three-strikes en anglais. Enfin, il y a les redevances à verser pour les fichiers musicaux MP3 de iPOD.
J'aimerais vous entendre sur les solutions concrètes qui sont avancées et discutées un peu partout.
C'est le premier qui parle qui a la parole.
D'après nos témoins d'aujourd'hui — et je crois qu'il incombe à notre Parlement d'assumer ses responsabilités et de faire le nécessaire lorsque le prochain projet de loi sur les droits d'auteur sera déposé — le problème viendrait de la distribution illégale. Une fois ce problème réglé, le marché fonctionnerait bien.
Relativement à ce que j'ai appelé la taxe sur la mémoire numérique, M. Angus et d'autres ont été sensibilisés au fait que l'industrie de la musique au Canada vit actuellement une situation désespérée. Ces gens vont prendre tout l'argent qu'on pourra leur donner. Ils préféreraient avoir un système fondé sur des règles. Nous avons reçu l'autre jour un témoin qui nous a dit que les bonnes clôtures font les bons voisins.
Monsieur Henderson, vous avez fait valoir aujourd'hui que nous devrions établir les limites et permettre aux gens de comprendre quelles lois s'appliquent, après quoi ils vont les respecter. Je serais plutôt d'accord avec vous à ce sujet. Il faudrait aussi fermer quelques-uns des sites qui, en toute franchise, volent le contenu, ou permettent qu'il soit volé, et le marché s'en portera mieux.
Pour ce qui est des redevances, auxquelles mon gouvernement et moi-même nous opposons de tout coeur, je vous demande simplement si vous ne jugeriez pas préférable d'instaurer un système qui fonctionne, avec des limites bien définies, au sein duquel des personnes comme Mme Gilliland et M. Millar pourront travailler sur ces nouvelles plateformes, lesquelles pourront également accueillir les oeuvres de Mme McKennitt qui touchera ainsi une rémunération. N'est-ce pas ce que vous demandez?
D'après moi, c'est ce que l'industrie veut vraiment.
Vous pouvez tous répondre à tour de rôle.
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D'abord, monsieur Henderson, vous avez parfaitement raison; il faut former les jeunes. Je le sais. Mme Gilliland a dit qu'elle le faisait déjà et c'est une belle initiative. Mais je pense qu'en effet, c'est immensément important d'informer la population et peut-être de former les jeunes parce que vous vous êtes sans doute déjà aperçu, si vous faites des sondages, que ce sont surtout les jeunes qui téléchargent gratuitement. Or, à partir du moment où ils ont des revenus et qu'ils sont autonomes financièrement, ils comprennent qu'ils doivent payer pour la musique. Au Québec, en tout cas, c'est un principe que tout le monde admet: il faut payer la musique, il faut rémunérer les créateurs qui la font.
Je reviens sur le sujet des redevances car on s'est peut-être mal compris. Je veux seulement ajouter que les redevances sont, comme vous l'avez dit, M. Henderson, une mesure de soutien auxiliaire. C'est en effet le cas. C'est déjà inscrit dans la loi. Quand on considère imposer des redevances sur les MP3 ou les iPOD, il s'agit simplement de moderniser la loi. Mme McKennitt, par exemple, doit certainement déjà recevoir des redevances de la part de la Société canadienne de perception de la copie privée.
À tous les trois mois, je crois, on émet un chèque aux artistes à partir des redevances sur les cassettes audio vierges — dont on se sert beaucoup moins — et les CD vierges. Il y a 24 cennes de redevances pour l'un et 29 cennes pour l'autre. Il s'agit simplement de moderniser la loi. Ce n'est pas la seule source de revenus qu'on prévoit pour les artistes, au contraire, mais cela fait partie de ce qu'on appelle l'exception de la copie privée. Elle est déjà prévue dans la loi et elle est une mesure auxiliaire comme vous l'avez si bien dit.
Depuis 1987, il y a 180 millions de dollars qui ont été distribués de cette façon à 97 000 artistes et artisans de tout genre par la Société canadienne de perception de la copie privée. Cet organisme, par un mécanisme très sophistiqué, redistribue l'argent de la meilleure façon possible, ce qui fait l'affaire de tout le monde. Donc, c'est simplement une mesure auxiliaire.
Cela dit, ça m'étonne que vous ne soyez pas en faveur de ça parce que je pourrais rapidement vous faire une liste d'une quinzaine d'organismes qui sont d'accord: l'ACTRA, la SODRAC, la SOCAN, la Société canadienne de perception de la copie privée, la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec, la Fédération américaine des musiciens du Canada, l'UDA — au Québec, c'est l'équivalent de l'ACTRA —, l'ADISQ — au Québec, c'est l'équivalent des JUNO. De plus l'Union des consommateurs est non seulement d'accord, mais souhaite aussi ces redevances.
Allez-y. Je vous laisse répondre
Cette discussion est fort instructive. Ce que vous faites aussi, chez Warner et Universal, est vraiment intéressant.
Loreena, j'aurais aimé que le groupe de musiciens dont je faisais partie soit aussi bon que le vôtre. Je ne serais probablement pas ici, en veston et cravate, en train de vous rendre la vie difficile.
Graham, quand nous étions enfants, nous n'avions que le rock and roll et le hockey pour nous amuser. Rien d'autre. Mes enfants achètent des CD, des DVD, des jeux Wii. Le marché a changé à tout jamais. J'ai beaucoup de mal à dire que ce n'est que du piratage. Tout est changé. Nous avions l'habitude de jouer dans des bars six soirs sur sept. Aujourd'hui, c'est un soir, le jeudi, et il n'y a que deux personnes dans la salle. Plus rien n'est pareil.
Les politiciens ont tendance à s'agiter, à s'empresser d'adopter des lois, ainsi de suite. Mais le fait est que l'industrie a subi de profonds changements.
J'ai acheté un livre qui s'intitule: Appetite for Self-Destruction: The Spectacular Crash of the Record Industry in the Digital Age. On y précise que, d'après un éditorial rédigé en 1997, la mort du disque de 45 tours constituerait la plus grande erreur commise par l'industrie de la musique au XXe siècle. C'est là où tout a commencé. Les jeunes étaient obligés d'acheter des CD au prix de 25 $ pour deux petites chansons des Backstreet Boys.
Napster est arrivé — on appelait cela « la revanche du 45 tours » — à l'époque où les jeunes ne voulaient acheter qu'un chanson. On avait alors l'option de...
On peut ne pas aimer le livre, mais il est fascinant.