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L'Association a été créée en 1992 et représente une centaine de maisons d'édition de langue française au Québec et au Canada. Les éditeurs francophones du Canada représentent un chiffre d'affaires qui avoisine les 850 millions de dollars annuellement et représentent 7 000 titres. Ce sont donc des sommes non négligeables pour les auteurs.
J'ai préparé ma présentation de manière à ce qu'elle réponde à vos sept questions, mais je l'ai mise en trois étapes, c'est-à-dire que dans un premier temps, j'ai regardé l'arrivée de l'ère numérique en trois phases. Celles-ci nous ont affectés diversement quant à notre industrie et à notre capacité de profiter de toutes ces nouvelles technologies pour développer nos auteurs.
Dans sa première phase, l'ère numérique a d'abord remis en question nos manières de commercialiser et introduit de nouveaux joueurs, soit les librairies en ligne, un peu comme Amazon. Heureusement, le livre était semble-t-il l'un des produits les plus achetés en ligne partout dans le monde immédiatement après le sexe et tout près du disque. Dans un premier temps, cette nouvelle ouverture a tout simplement créé une vitrine nouvelle pour nos livres physiques. Je vais insister tout au long sur les différents formats de nos livres, soit les livres physiques et les autres formats sous lesquels on peut les commercialiser.
On peut donc dire que les premiers balbutiements de l'ère numérique ont été favorables au livre. Ils ont étendu sa visibilité et ont permis de faire entrer de nouveaux joueurs pour la vente. En plus, ces joueurs ont, en général, respecté nos modèles d'affaires, nos prix de vente, etc.
Pendant ce temps, le rôle de l'éditeur restait inchangé. Pour ceux qui ne connaissent pas bien le rôle des éditeurs, nous avons à découvrir les écrivains de talent, à les développer, à créer des oeuvres de qualité et à reproduire les oeuvres. J'insiste sur ce fait parce que la reproduction est spécifique au droit d'auteur. C'est ce que protège le droit d'auteur, soit notre capacité exclusive de faire la reproduction des formats et de les mettre en marché. L'éditeur garantit, bien sûr, que toutes les reproductions respectent l'intégrité de l'oeuvre et appliquent les règles internationales pour les identifier, donc le référencement se fait selon des normes. Ensuite, il les met en marché selon une logique très particulière que vous connaissez tous, d'abord le livre-caisse, ensuite le livre de poche et certaines collections de luxe. Prochainement, tous les autres types de formats numériques vont s'inscrire dans cette chaîne qui fait partie du droit des éditeurs de commercialiser l'oeuvre de l'esprit qui est couverte par le droit d'auteur.
Bien sûr, au bout de tout cela, quand tout est très bien fait, l'éditeur est en mesure de très bien suivre toutes les utilisations qu'il y a eu des oeuvres et est en mesure de compiler l'ensemble des droits obtenus, soit par la vente ou la vente de droits. C'est ainsi qu'il arrive à payer dûment ses auteurs et à le faire en proportion des utilisations réelles qu'il y a eu de ces oeuvres.
Passons maintenant à l'arrivée des capacités de numérisation très importante. On entre dans la deuxième phase qui nous atteint depuis à peu près cinq ou six ans. On parle des bandes passantes à haut débit, des vitesses d'échange extrêmes, de l'interopérabilité des applications et, récemment, des appareils de lecture portables. Cela a touché jusqu'au rôle même de l'éditeur et des acteurs de la chaîne du livre. Elle a permis à de nouvelles entreprises devenues souvent multimilliardaires grâce au contenu culturel, à des usagers de bonne foi, à des pirates et même à nos bibliothèques d'assumer des fonctions autrefois réservées à l'édition, soit la création de formats, la cession à des tiers et d'usurper aussi une partie des fonctions qui étaient traditionnellement données à la librairie ou aux bibliothèques.
Jamais les industries culturelles n'ont vécu une offensive aussi grande dans leur champ de compétence de la part d'un secteur étranger aux réalités de l'édition. Les résultats sont connus partout. Même là où la loi était déjà en phase avec le dernier traité de l'OMPI concernant le numérique, le piratage s'est installé. On a vu des bibliothèques numériser des livres sous droits et les rendre téléchargeables gratuitement. Cela se fait au Canada, mais pas au Québec, heureusement.
On a vu des bibliothèques se faire les complices de contrefaçons en autorisant des photocopies d'oeuvres sous droits. On a vu circuler des oeuvres sous droits sur des intranets d'institutions d'enseignement, une chose qu'on peut très peu vérifier. On a vu des fabricants d'appareils entrer dans le champ des bibliothèques et des librairies. Maintenant, il n'y a pas un fabricant de liseuses qui n'offre pas aussitôt une bibliothèque complète et il y a surenchère. On parle 450 000 titres pour Kindle, 500 000 titres pour Sony Reader et le reste est à l'avenant.
En effet, on a aussi vu Google s'emparer de presque toute la chaîne du livre, numériser des millions de livres sous droits sans permission et imposer une nouvelle interprétation de l'utilisation équitable américaine. Soit dit en passant, même le United States Copyright Office considère qu'il est en plein infringement of copyrights. Il impose une définition du livre et une nouvelle manière statistique de fixer les prix de vente. Bref, cela a vraiment occupé tout le champ de la chaîne du livre, y compris la librairie en ligne, l'édition maintenant, et la distribution de livres.
Si on se fie à la logique de convergence qui s'impose à tous les formats, on peut s'attendre à ce que, d'ici peu, on puisse trouver, par exemple, nos livres en format audio, en fichier MP3 ou par le biais d'iTunes, et ce, à 99 ¢. Des livres qui peuvent coûter jusqu'à 70 000 $ à produire et à mettre en marché pourraient être vendus au prix de 99 ¢, et ce, dans un avenir très proche. Les livres audio sont maintenant, la plupart du temps, en voie de numérisation. Il faut imaginer jusqu'où irait cette convergence pour voir combien notre milieu a été touché.
Par ailleurs, selon nous, les éditeurs, l'ère numérique a entraîné temporairement une série de ruptures. Je dis « temporairement », parce que l'on a réagi assez rapidement et on est en train de rééquilibrer les forces. Ces ruptures avec les manières de faire du domaine de l'édition sont les suivantes.
J'insiste sur un fait, chaque révolution des moyens de reproduction entraîne ce type de déséquilibre et, pendant une période donnée, on doit se redéfinir. Il y a eu une rupture dans l'identification des oeuvres, parce que tout le monde numérisait et rendait disponible des oeuvres, si bien que l'on ne sait plus quelles oeuvres correspondent vraiment aux oeuvres originales. On n'est pas en mesure de mesurer la qualité de ce qui circule. On ne sait pas si les oeuvres sont complètes, si elles sont intégrales et si elles respectent les volontés de l'auteur. Bref, il y a une perte sur le plan de la qualité et de la traçabilité des oeuvres, ce qui met actuellement en péril le droit moral des auteurs et notre capacité à leur remettre des paiements à la hauteur de leur utilisation.
Il y a aussi une rupture dans la fiabilité des livres. De ce point de vue, je trouve que c'est assez grave. Beaucoup de gens auront probablement accès à des livres numériques, sans savoir exactement s'ils ont affaire à l'oeuvre véritable. En laissant trop aller le marché, ne sommes-nous pas en train de perdre le lien de confiance, comme ce qui arrive présentement dans le milieu de la musique? Les différents formats ont tellement circulé en musique que les gens retournent à l'achat de disques, parce que le son devient horrible à force d'être copié et téléchargé de toutes sortes de plateformes de plus ou moins grande qualité. La qualité des oeuvres, leur intégrité et notre capacité de la garantir aux lecteurs est une chose dont les gens discutent très peu dans l'univers numérique, mais cela finira par nous atteindre à un moment donné.
L'autre rupture est dans la logique de mise en marché. On commençait par mettre sur pied les livres cartonnés et on passait au livre de poche quand un livre avait déjà fait ses frais. On essayait de réduire graduellement les coûts. Plus un livre était nouveau, plus il était cher. Par la suite, des mesures de mise en marché faisaient en sorte que les livres devenaient de plus en plus accessibles au fur et à mesure qu'ils étaient disponibles dans de nouveaux formats.
Maintenant, tout le problème vient du fait qu'il faut savoir à quel moment, dans cette séquence, on mettra le livre en format numérique. Certains ont tenté de le publier en même temps que le livre, et il s'est bien vendu. On sait maintenant que le livre numérique se vend partout par Internet et que les ventes sont égales. Ce sont les mêmes genres de titres, les mêmes palmarès que pour le livre physique. On ne peut pas dire que l'accès aux livres numériques a permis à de nouveaux créneaux de se développer, ou à l'espèce de longue traîne de se démarquer. Ce sont toujours les mêmes best-sellers qui reviennent au palmarès.
Ensuite, il y a eu une rupture du lien entre les coûts de production et les prix de vente, ce qui est assez grave pour l'industrie et sa capacité à maintenir des emplois dans le domaine de la création et, bien sûr, à payer ses auteurs. Après la chanson à 99 ¢, on a eu les livres de Kindle à 9,99 $. De plus en plus intervient une logique nouvelle, une logique de grands volumes. Il y a une surenchère sur le nombre de volumes disponibles, sur le nombre de volumes qui viennent avec l'achat de certains appareils, etc.
Jamais auparavant autant d'oeuvres n'ont été accessibles. Pourtant, tout le monde pense qu'il y a un problème d'accessibilité. Souvent, on entend dire que les livres ne sont pas accessibles et qu'il y a un problème d'accessibilité à l'ère numérique. C'est faux, il n'y a jamais eu autant d'ouvrages disponibles dans tous les formats. Si on considère tous les autres modes de marketing de livre et de disponibilité du livre — des livres usagés jusqu'au bout de la chaîne — on se rend compte que jamais l'accessibilité n'a été aussi grande. En fait, le problème est que l'on confond systématiquement accessibilité et gratuité.
Alors que la...
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Merci beaucoup de m'avoir invité à participer aux audiences. C'est un honneur pour moi d'être ici et je suis très heureux de vous voir en personne alors que nous ne vous voyons d'habitude qu'à la télévision ou dans les journaux. Merci encore de votre invitation.
Je m'appelle Jeff Anders et je suis cofondateur et PDG de The Mark News, un éditeur en ligne d'articles d'opinion et d'actualité rédigés par des penseurs et décideurs canadiens s'intéressant à tout ce qui touche la politique, les affaires, les sciences et les arts au Canada et dans le monde entier.
Notre objectif est d'offrir une tribune à la communauté globale d'experts canadiens et d'offrir au public canadien l'accès aux gens et aux idées qui sont en première ligne et qui prennent les décisions qui font la nouvelle. De ce fait, nous n'engageons pas de journalistes ou de rédacteurs et nous ne rapportons pas de faits. Nous publions des analyses produites par des gens comme vous.
Voici quelques informations à mon sujet. Je suis originaire de Montréal où j'ai passé la majeure partie de ma vie. Après avoir obtenu un baccalauréat en commerce à McGill, j'ai été pendant cinq ans consultant en gestion chez Mercer Oliver Wyman. Juste avant de lancer The Mark, il y a environ deux ans, je terminais un MBA au MIT et, à Harvard, une maîtrise en administration publique axée sur la manière dont l'émergence d'une économie du savoir dans les pays en développement change le monde des affaires, et sur ce que doivent faire des pays comme le Canada pour s'adapter et rester concurrentiels.
J'ai travaillé dans des entreprises émergentes en Inde et en Chine, ce qui m'a permis de voir la transformation de près et de constater que ce que disent les penseurs à ce sujet est vrai: le Canada doit innover. L'innovation, c'est simplement la formulation et la promotion d'idées nouvelles.
Dans mon esprit, The Mark est avant tout une entité qui récolte des idées canadiennes et les diffuse sur un marché mondial. Voici ce que nous faisons. Nous sélectionnons des experts canadiens et leur offrons une tribune pour publier ce qu'ils veulent, quand ils veulent. Ils peuvent rédiger des articles ou réaliser des entrevues enregistrées ou filmées avec nos rédacteurs. Ceux que cela intéresse peuvent également animer leurs propres émissions vidéo ou audio dans lesquelles ils accueillent des invités, mènent des entrevues et publient des comptes-rendus sur themarknews.com.
Par exemple, puisque vous êtes des acteurs gouvernementaux, l'un d'entre vous pourrait fort bien animer sa propre émission de radio ou de vidéo sur themarknews en accueillant des invités pour communiquer le message qu'il souhaite communiquer au public canadien.
The Mark a aujourd'hui plus de 700 experts dans son écurie. Dans le domaine politique, ces dernières semaines, nous avons publié des articles de Rob Nicholson, Stockwell Day, Lawrence Cannon, Kim Campbell, Michael Ignatieff, Jack Layton, Bob Rae, Alex Himelfarb et deux douzaines d'autres.
Notre communauté comprend également une communauté globale de militants plus jeunes qui sont des gens extraordinaires et sont les nouveaux acteurs de notre politique étrangère. Ce sont les gens qui influeront sur le monde de demain et nous en sommes très fiers.
La mission de The Mark est de nourrir la conversation, laquelle est souvent lancée par les acteurs les plus influents. Juste avant la reprise de la session parlementaire, nous avons demandé à des leaders politiques et autres de nous donner une seule idée sur ce que devrait faire le gouvernement pour rétablir la confiance des Canadiens envers la chose gouvernementale. Quelques semaines plus tard, nous avons publié une série d'articles rédigés par des leaders canadiens sur leurs modèles politiques et sur les leçons que peuvent en tirer les leaders d'aujourd'hui. Nous avons ainsi lancé la conversation.
L'essentiel de notre mission est d'engager le public canadien. Un article récent à The Mark examinait la question des femmes en politique. L'un des commentaires à la suite de l'article posait la question suivante: « Où est Martha Hall Findlay dans cette discussion? » Quelques heures plus tard, Martha Hall Findlay elle-même faisait part de son point de vue sur la question.
La plate-forme peut aussi être utilisée de manière informelle. Nous avons entrepris des discussions avec le ministère fédéral sur la possibilité d'organiser sur The Mark un débat consacré à l'élaboration des politiques publiques. De fait, avant de comparaître aujourd'hui, j'ai lancé un appel sur la page de The Mark sur Facebook pour recueillir des suggestions d'idées que je vous communiquerai aujourd'hui, comme exemple de crowd-sourcing, c'est-à-dire d'approvisionnement par la foule.
Notre grand projet actuel est de lancer The Mark en français. Je ne veux pas trop en parler encore mais vous pouvez imaginer un site Web sur lequel des Canadiens francophones et anglophones pourraient discuter dans leur langue maternelle. Nous voulons que The Mark devienne le pont permettant aux deux communautés de discuter à grande échelle.
Je tiens à souligner que The Mark n'est pas marqué idéologiquement. Nous choisissons nos collaborateurs uniquement en fonction de leur crédibilité professionnelle et de leur connexion avec le Canada. Nous ne leur demandons pas où ils vivent, pour qui ils votent ou quelle langue ils parlent, et nous ne leur disons certainement pas quoi dire. Notre seul but est de permettre l'expression des points de vue sur les questions qui comptent pour les Canadiens du monde entier.
The Mark repose en fin de compte sur l'idée qu'il y a des milliers de Canadiens — ou plutôt des millions — dans le monde qui connaissent bien les pays dans lesquels ils travaillent et qui cherchent une tribune crédible pour partager leurs connaissances avec un public national. The Mark est leur tribune.
Les résultats de cette initiative lancée il y a un peu moins d'un an, après avoir obtenu des sources de financement privées et mis au point le site beta, sont extraordinairement positifs. Notre public augmente de manière spectaculaire. Entre février et mars, la consultation du site a augmenté de 80 p. 100.
Notre communauté de collaborateurs augmente de douzaines de personnes chaque semaine. L'émission radio hebdomadaire de The Mark est aujourd'hui diffusée par sept stations de radio du pays. Nous commencerons aujourd'hui — dans environ une demi-heure — un partenariat avec Canada.com qui va publier des articles rédigés par les collaborateurs de The Mark, ce qui élargira d'autant leur lectorat.
Ce que nous avions envisagé au début comme un site Web de commentaires sur l'actualité devient peu à peu un organisme médiatique produisant des émissions originales pour le Web, la presse écrite, la radio et la télévision.
Mes remarques de conclusion — il ne me reste que quelque minutes — porteront uniquement sur les entités à but lucratif et celles qui peuvent espérer devenir financièrement indépendantes. Elles ne concernent pas les organismes ou projets culturels qui ont une autre valeur.
The Mark est une société à but lucratif. Mon cofondateur, Ali Rahnema, et moi-même avons toujours considéré que The Mark ne pourrait survivre que sur la base d'un modèle commercial durable.
En qualité de représentant d'une communauté dynamique de nouvelles entreprises commerciales, je peux vous dire que la vie est dure sur le terrain. Il est très difficile de financer les nouvelles entreprises, surtout dans le monde des médias et de la formation. L'offre de capital-risque est à son niveau le plus bas depuis plus d'une décennie.
Le financement gouvernemental, s'il est abondant, semble hors d'atteinte, ce qui est frustrant. Par exemple, après avoir examiné au moins 70 programmes différents de subventions, The Mark a constaté qu'il est admissible à très peu d'entre eux. Si nous étions une entité à but non lucratif, si nous avions besoin de faire de très gros investissements en équipement ou si nous décidions de publier sur papier, nous pourrions avoir accès à une multitude de subventions et de prêts, mais ce n'est pas ce que nous sommes, ce n'est pas ce que nous faisons.
il y a un décalage étonnant entre les objectifs du Canada — investir d'urgence dans tout ce qui est numérique — et les incitatifs offerts aux innovateurs et aux entrepreneurs tels que The Mark. Nous n'avons pas besoin d'équipement, nous avons besoin de soutien opérationnel, c'est-à-dire de fonds qui nous permettront de continuer à expérimenter pour trouver le bon modèle économique. Nous avons besoin de fonds pour assurer le succès du numérique, pas d'encouragement à créer un journal. Nous n'avons pas besoin de protection mais d'encouragement et de propulsion.
Le Fonds des médias du Canada est une extraordinairement bonne nouvelle . Il fournira les ressources dont les nouveaux médias et les nouveaux organismes culturels ont besoin pour lancer de nouveaux projets qui, sinon, ne verraient pas le jour. Il va changer considérablement les choses.
Cela dit, j'ai entendu des membres de la communauté des jeunes pousses critiquer les sommes prévues pour aider les radiodiffuseurs à diffuser en ligne. Il est déjà difficile aux petites entreprises de faire concurrence aux radiodiffuseurs et aux énormes ressources dont ils disposent. Ces entrepreneurs estiment que ce financement rehausse les coûts de tout le secteur et détourne les talents, ce qui fait que les petits ont encore plus de mal à être compétitifs.
Je ne partage pas cette opinion. Si nous voulons que le Canada adopte la stratégie du numérique dont nous avons besoin, l'appui doit être généralisé. L'innovation viendra de toutes les organisations, quelle que soit leur taille. Ce qu'il faut, c'est collaborer. En ligne, la concurrence est mondiale et les organismes canadiens sont des alliés naturels.
Je tiens à remercier le comité de s'intéresser à cette question d'une importance cruciale, non seulement pour perpétuer la culture canadienne mais aussi pour protéger la prospérité générale du Canada. C'est avec plaisir que je contribuerai à cet effort et je suis prêt à collaborer avec vous tous à cet égard.
Merci à nouveau de m'avoir invité aujourd'hui.
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Merci de me donner l'occasion de témoigner devant le comité.
Comme je suis quelqu'un qui n'a jamais voté pour une personne ayant réussi à se faire élire, je suis heureux de participer au processus démocratique. Toutefois, puisque le Parti pirate vient d'être officiellement reconnu, vous feriez bien de vous méfier tous.
Je m'appelle Brett Gaylor et je suis un cinéaste et un producteur du Web basé à Montréal. Je partage mon temps entre une société de production cinématographique appelée EyeSteelFilm — l'une des sociétés de production de documentaires qui connaissent le plus de succès au Canada — et la Fondation Mozilla, qui a créé le fureteur Firefox.
Mon dernier film, Rip! A Remix Manifesto, porte sur bon nombre des questions dont votre comité est saisi. Malgré ce que je viens de dire au sujet de mes collègues du Parti pirate, Rip ne recommande pas le piratage informatique. Je ne suis pas en faveur de l'abolition du droit d'auteur et je ne la recommande pas.
Dans la tradition des documentaires d'opinion canadiens, Rip n'est pas du journalisme. Ce n'est ni équitable ni équilibré. C'est mon plaidoyer personnel et passionné pour une réforme du droit d'auteur. J'ai commencé à réaliser ce film il y a huit ans parce que je croyais alors, comme aujourd'hui, que notre régime de droits d'auteur est foncièrement brisé. Il n'a aucun sens pour ceux d'entre nous qui sommes nés dans le monde du numérique. Dans le cadre juridique actuel, toute une génération de gens qui vivent la culture d'une manière qui leur semble aussi naturelle qu'ouvrir un robinet a le sentiment de commettre chaque fois un acte criminel. En outre, ce cadre criminalise et, dans certains cas, lorsque cela est associé aux technologies de gestion des droits numériques, empêche la réutilisation créative et l'expression de la culture.
Je crois que cette réutilisation créative, cette réexpression et cette recontextualisation de la culture au moyen de la technologie numérique représentent une compétence importante pour les nouvelles générations de Canadiens. C'est une expression d'une société qui connaît bien les médias et qui est née avec un moyen d'expression qui n'est pas autoritaire, vénal ou unidirectionnel comme la télévision ou la radio. C'est un moyen d'expression bidirectionnel, participatif et interactif. Des sites Web comme Wikipédia et YouTube, et des productions audiovisuelles créatives qui combinent ou remixent le paysage médiatique, sont des exemples du genre d'expression démocratique que nous devrions célébrer de la part des jeunes d'aujourd'hui, alors que nos lois les criminalisent et les interdisent. Que vous partagiez ou non mon point de vue sur la réforme du droit d'auteur, je pense que tous les partis devraient savoir qu'il y a un argument économique en faveur de la réforme du droit d'auteur et, en particulier, de l'utilisation équitable.
Revenons un peu en arrière. Rip a été créé par notre société privée à but lucratif, EyeSteelFilm, à Montréal. Outre Rip, nous avons produit plusieurs films qui ont obtenu des prix et ont été distribués nationalement et internationalement, qui sont passés dans des cinémas et qui se sont vendus en DVD, comme Up The Yangtze, Taqwacore et Last Train Home. Rip est aussi le fruit d'une coproduction avec l'Office national du film du Canada. Nous avons également obtenu des fonds supplémentaires de conseils des arts et de radiodiffuseurs privés qui avaient acheté la licence du film avant sa réalisation.
Depuis sa sortie en 2008, mon film, Rip, est passé dans plus de 25 grands festivals cinématographiques internationaux, a été télédiffusé dans au moins 20 pays et est passé dans des salles de cinéma de tout le pays ainsi que des États-Unis, du Royaume-Uni, d'Australie et d'Europe. Il est actuellement disponible dans les magasins de Blockbuster et de Rogers et a récemment été sélectionné pour les Prix Génie par l'Académie canadienne du cinéma et la télévision.
Le film a aussi été diffusé sous une licence commune créative, ce qui veut dire que le public est libre de le télécharger et de le remixer. En fait, nous avons utilisé ce type de licence avant même d'avoir réalisé le film, de façon à solliciter des remixages et des contributions qui constituent une bonne partie du film lui-même. Grâce à cette licence, on peut trouver ce film aussi bien sur des chaînes de télévision commerciales que sur des portails comme Hulu aux États-Unis, et aussi par le truchement de réseaux de partage de fichiers et d'agrégateurs comme le célèbre Pirate Bay.
Grâce à cette approche, nous estimons que le film a maintenant été vu par quelque six millions de personnes dans le monde entier, si ce n'est beaucoup plus. C'est un succès sur tous les plans, aussi bien financièrement que du point de vue de la diffusion mondiale de contenu canadien.
Je suis fier de ce résultat mais, en même temps, je suis inquiet, et voici pourquoi. Ce film est un invraisemblable cauchemar sur le plan juridique. Rip pratique ce qu'il recommande, tant sur le plan du style que sur celui du contenu. Pour montrer que le remixage est une technique qui existe depuis toujours, et que la culture se construit toujours sur ce qui a précédé, nous avons raconté l'histoire au moyen du remixage. Pour montrer que Blanche-Neige de Walt Disney partait d'une histoire du domaine public, nous en avons inclus un extrait dans le film. Pour montrer comment Walt avait créé Steamboat Willie et, ainsi, le personnage de Mickey Mouse, en parodiant Steamboat Bill, de Buster Keaton, nous avons montré les deux films. Nous avons aussi montré des exemples innombrables de contributions de nos collaborateurs sur un site Web appelé opensourcecinema.org que nous utilisons pour faciliter la collaboration.
Notre problème est que nous sommes canadiens. À la différence de nos collègues cinéastes des États-Unis qui peuvent se fonder sur le principe de l'utilisation équitable, qui protège cette forme d'expression et prévoit des exceptions à la législation du droit d'auteur pour permettre la critique, la parodie et la satire, nous sommes tributaires d'un paysage juridique canadien beaucoup plus trouble. Nous ne savons pas si les exceptions actuelles d'utilisation équitable concernant les études et la presse s'appliquent à nous. En effet, nous sommes une forme hybride unique de l'art et du journalisme et c'est un gros problème pour ceux d'entre nous qui veulent toucher un vaste public. La raison en est que notre travail doit être couvert par l'assurance erreurs et omissions si nous voulons qu'il passe à la télévision, dans les festivals, dans les cinémas et dans d'autres établissements commerciaux.
Or, pour souscrire une assurance erreurs et omissions, l'avocat doit attester que le film ne contrevient pas à la Loi sur le droit d'auteur, ce qui l'exposerait à une poursuite judiciaire. Bien que nous pensions que Rip était un cas d'utilisation équitable, notamment au vu de l'arrêt CCH Canadienne Limitée c. Barreau du Haut-Canada, bon nombre d'avocats pensent le contraire, et il n'y a pas beaucoup de jurisprudence à ce sujet.
Ce qui complique les choses, c'est que, pendant que nous en étions au montage du film, le gouvernement a déposé le projet de loi C-61. Bien que celui-ci ne contienne rien sur l'utilisation équitable, il prévoit de lourdes amendes en cas d'infraction aux logiciels de gestion des droits d'auteur numériques, ce qui était un processus nécessaire pour me permettre d'extraire du matériel d'archives de DVD et d'autres formats. En donnant ce logiciel à mon collaborateur, pour faire ça, je risquais l'incarcération. Je ne pense pas que quiconque ici préfère l'incarcération d'un cinéaste canadien à sa présence aux Génies.
Comme je l'ai dit, nous pensions que Rip était légal selon notre interprétation de l'utilisation équitable mais, comme vous pouvez le voir, je suis un militant des droits d'auteur et j'ai donc dû consacrer beaucoup de temps à cette étude. Mes collègues canadiens réalisant des documentaires ont assez de problèmes à régler sans être obligés de devenir des experts du droit d'auteur.
Ce problème est devenu une préoccupation majeure de DOC, les Documentaristes du Canada. Selon un sondage interne que vous pouvez consulter sur le site Web de l'organisme, 85 p. 100 des répondants estiment que le droit d'auteur leur est plus préjudiciable que bénéficiaire. Le sondage a été effectué en 2005 et, à ce moment-là, le coût d'affranchissement du droit d'auteur pour de la musique et de la musique archivée représentait jusqu'à 25 p. 100 du budget de nombreux documentaires. Quatre-vingt-deux pour cent des répondants ont affirmé que la législation canadienne du droit d'auteur est un facteur de dissuasion pour la production de documentaires. Aucun n'a déclaré qu'elle la favorise. Cela s'explique évidemment par le fait que les réalisateurs de documentaires doivent obtenir l'accès à des documents historiques pour asseoir leur argumentation, exposer les préoccupations de la société contemporaine et interpréter le paysage médiatique dans lequel nous vivons.
Le sondage a également révélé que neuf films de l'Office national du film du Canada ont été retirés de la circulation en 2005 à cause du coût prohibitif de renouvellement des droits d'auteur. Je sais que renouveler les droits d'auteur empêche de nombreux films d'être diffusés en flux sur le site Web extrêmement populaire de l'ONF.
En réponse, et toujours à la lumière de l'arrêt CCH qui invitait les communautés d'utilisateurs à définir leurs propres pratiques exemplaires, DOC a précisément élaboré un tel document sur les pratiques exemplaires et l'utilisation équitable dans lequel on trouve des lignes directrices pour les cinéastes qui souhaitent exercer l'utilisation équitable dans leurs films. Le document a été préparé en collaboration avec l'Université d'Ottawa et après une large consultation de l'industrie cinématographique, non seulement des documentaristes mais de tous les secteurs.
Hélas, je n'en ai reçu un exemplaire que ce matin. Sinon, nous vous l'aurions remis pour qu'il soit traduit. Je serais cependant très heureux de l'envoyer aux membres du comité qui voudraient le consulter.
En utilisant ce document, nous espérons voir de nombreux documentaristes repousser les limites de l'utilisation équitable. D'ailleurs, outre Rip, nous avons déjà vu un autre film populaire, Reel Injun, se prévaloir de l'utilisation équitable et obtenir une assurance erreurs et omissions. C'est le type de film qu'il serait impossible de réaliser sans avoir accès à du matériel protégé par le droit d'auteur. Il s'agit d'une critique de la représentation des peuples autochtones par Hollywood. Honnêtement, comment ce réalisateur aurait-il pu réaliser ce film sans montrer les films qu'il critique? Tout comme moi, Neil Diamond, le réalisateur, a dû assumer de gros frais et a dû exposer ses collègues, ses bailleurs de fonds et lui-même à des risques pour raconter cette histoire.
En ce qui concerne ce que vous, parlementaires, pourriez faire pour nous aider, je suis ici pour vous implorer de modifier la législation de l'utilisation équitable, c'est-à-dire pour adopter un texte correspondant aux types d'exceptions que la loi pourrait autoriser plutôt qu'un texte exhaustif. Cela laisserait suffisamment de place aux innovations dont les documentaristes ont besoin pour maintenir leur tradition d'excellence.
Le secteur du documentaire est extrêmement efficient. Avec un appui public minime, nous produisons des oeuvres vertes, originales et imaginatives. Nous faisons appel à un large éventail de Canadiens et notre travail crée un dialogue et rehausse l'intérêt envers la chose publique. Je vous recommande vivement de lire notre document sur les pratiques exemplaires d'utilisation équitable et d'appuyer une réforme raisonnable de la législation pour nous permettre de faire notre travail.
Je vous remercie de votre attention.
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C'est certainement arrivé à John Greyson et à son film lorsqu'il a utilisé
Mack the Knife. Même si
Mack the Knife fait partie du domaine public, on a menacé de le poursuivre s'il présentait son film n'importe où. Pourtant, McDonald a pris
Mack the Knife sans demander d'autorisation pour produire une publicité télévisée. Donc, John est un criminel en puissance.
Madame Côté, j'ai écrit trois livres et j'ai aussi été éditeur de revue. Je suis donc aussi attaché que vous à la qualité du travail. Je suis d'accord avec vous. J'ai un nouveau projet de livre et on me dit de le mettre en ligne. Je pourrais bien mais, à mes yeux, ce ne serait pas un vrai livre. Je suis peut-être de la vieille école.
Mme Lavallée a montré certains produits et j'aimerais donc moi aussi montrer les miens. Si ça intéresse quelqu'un, vous pourrez les acheter en passant à mon bureau.
Voici une chose intéressante. J'ai cinq livres. Deux d'entre eux sont sur Google Books. J'ai été assez choqué de les voir sur Google. Deux d'entre eux y sont et, pour deux autres, nous avons décidé de ne pas les y mettre parce que le photographe a dit — j'ai travaillé avec un photographe — qu'il est très facile de copier les photos diffusées sur Internet et que cela dévalorise l'oeuvre complète.
Google a donc deux options. Vous pouvez les poursuivre ou vous pouvez en sortir. Nous avons donc choisi de ne pas y mettre ces livres. Nous avons dit que non, nous ne les voulons pas sur Google parce que les photographies pourraient être facilement copiées.
Maintenant, ces autres livres sont destinés au pilon, et voici le problème. Quand un livre est destiné au pilon, sa valeur est nulle. S'il y avait un bon petit éditeur, je suis sûr qu'il téléphonerait à l'auteur pour lui demander de venir prendre tous les exemplaires restant à l'entrepôt. Sinon, ils seront envoyés à la décharge ou seront envoyés dans des librairies pour être soldés à deux dollars, trois dollars ou cinq dollars, et l'auteur ne recevra rien.
J'ai donc deux livres sur Google et on peut aller les y chercher. Si quelqu'un veut les acheter, il peut le faire sur Amazon. Je suppose que je pourrais probablement dire que... Si je disais que je ne veux pas appuyer la révolution Google, ça aiderait peut-être mon livre de poche. Ma femme écrit aussi et, chaque fois que je rentre à la maison, je trouve cinq livres sur la table. Quand je lui demande d'où ils viennent, elle me dit: « Oh, je faisais une recherche, j'ai trouvé ce livre épuisé et je suis allée l'acheter sur Amazon. » Ce à quoi je réponds : « Mais tonnerre de Brest, la dernière fois que je suis rentré,il y avait déjà cinq livres rares que tu venais d'acheter. »
Comment pouvons-nous donc... J'aime bien le modèle qu'a choisi le Québec. Vous avez décidé que vous n'aimez pas le modèle Google et que vous allez produire le vôtre. Est-il possible d'entretenir une plate-forme pour permettre aux gens de trouver des livres épuisés qui, sinon, iraient au pilon, afin qu'ils puissent les chercher et les trouver? Pensez-vous que votre modèle soit un modèle raisonnable pour les auteurs du Québec ou est-ce quelque chose pour lequel nous allons devoir continuer à nous tourner vers des législateurs comme nous pour essayer de vendre?
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il y a plusieurs questions là-dedans.
Tout d'abord, comment existons-nous? J'ai déménagé à Toronto en janvier 2008 avec une idée et je me suis dit que j'allais essayer de construire ça, une société de médias qui allait créer du contenu canadien, cibler le marché canadien, à un moment où la bourse chutait de 40 p. 100. Les gens m'ont littéralement ri au nez. Ils m'ont dit: « Pourquoi veux-tu investir au Canada? Ne peux-tu pas en faire une chose globale? » Je ne trouvais pas le moindre sou pour financer cette idée.
Des amis et des membres de ma famille m'ont donné un peu d'argent, essentiellement pour me permettre de survivre quelques mois pendant que je faisais de la consultance dans mon sous-sol.
Finalement, nous avons trouvé un groupe d'investisseurs privés prêts à mettre un peu d'argent dans mon idée parce qu'ils pensaient qu'il y avait un certain potentiel dans la construction d'une plate-forme. Ils avaient constaté, pour la mobilisation d'une communauté d'experts, qu'il existe aux États-Unis un modèle ayant fait ses preuves, The Huffington Post. Ils avaient vu que cette chose peut grandir et devenir rentable. Sans cet élément, cela n'aurait jamais pu se faire. À l'époque, nous n'avions pas de modèle commercial. Nous avions des idées que nous souhaitions incuber et mettre à l'essai, et ils y ont cru. Voilà comment nous avons commencé.
Comment gagnons-nous de l'argent? Actuellement, nous n'en gagnons pas. En fait, nous n'avons quasiment aucune recette. Il ne nous reste que quelque mois avant de disparaître. Nous faisons cependant un certain nombre de choses qui, je pense, auront beaucoup de succès. L'une d'entre elles est la publicité, de la publicité standard mais pas standard, parce que nous pouvons accueillir des conversations sur The Mark où les gens qui contribuent à cette conversation sont vraiment intéressants et nous pouvons attirer beaucoup de monde. Donc, comme modèle publicitaire, c'est un peu différent.
Nous pouvons vendre du contenu. Selon nous, nous pouvons attirer des communautés pour les universités et pour d'autres compagnies ayant des communautés de gens qui produisent du contenu.
Par exemple, nous avons un partenariat avec Amazon.com. Si quelqu'un écrit pour notre site Web, il y a sur sa page un lien vers Amazon.com pour trouver ses livres. Donc, vous publiez quelque chose aujourd'hui sur The Mark au sujet de l'actualité et, boum, vos lecteurs vont sur votre page chez Amazon, vos livres se vendent et nous obtenons une commission.
Il y a beaucoup d'autres choses que nous pouvons faire comme société de médias pour réaliser des profits. Nous ne sommes pas encore là, nous en sommes même encore très loin, mais nous nous en rapprochons très rapidement.
Si je peux distiller mes remarques en résumé, je dirais que la seule manière pour nous de survivre est de démontrer à des investisseurs très exigeants que nous allons être capables de créer quelque chose qui s'autofinancera, qui exploitera les tendances et qui tiendra le coup.
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J'apporte une note un peu discordante.
Toute forme d'exception, pour nous, devrait être balisée. Un élargissement, comme celui que propose la motion de M. Angus, par exemple, ouvre la porte à un tas de litiges à résoudre en cour et à un engorgement total. Cela transformerait les créateurs en surveillants de marchés. Ce serait assez terrible.
Par ailleurs, nous ne sommes pas contre certaines ouvertures. Nous, les éditeurs, sommes les plus grands acheteurs de droits. Les gens ne s'en rendent pas compte. Un peu comme les cinéastes, on doit acheter beaucoup de droits. Dans le milieu scolaire, on dépense des millions de dollars en droits que l'on cède à des photographes, des illustrateurs et des gens de tous les autres métiers artistiques.
On comprend la problématique de l'achat de droits. On se demande si on doit affaiblir le droit d'auteur chaque fois qu'on a un problème ou si on ne doit pas plutôt trouver du financement pour s'assurer que les droits sont respectés.
J'aimerais insister sur une autre chose. Si on s'ouvre à des exceptions qui restent très précises, pour permettre certaines utilisations demandées par d'autres industries, il faut que ce soit sans affaiblir et sans engorger les cours.
D'autre part, le mot clé est l'argent. Avec la numérisation, on est dans un univers de mondialisation. Les autres pays investissent massivement, à coup de centaine de millions de dollars, pour appuyer leurs créateurs, protéger leur réseau et acheter des droits. Nous en sommes encore à nous comparer. Le financement, chez nous, est à peine 1, 2, 3 ou 5 p. 100 du financement que l'on trouve ailleurs. Les ministres et les premiers ministres des autres pays interviennent pour se plaindre des agissements de Google. Notre premier ministre et notre ministre de la culture ne l'ont pas fait.
On n'a pas senti d'appui ici, au Canada, dans cette espèce de jungle sauvage qu'est devenu le numérique au cours des cinq dernières années. On a trouvé des solutions. On voit de plus en plus clair, mais, pour nous, il est évident que l'argent va être un mot clé, si on veut concurrencer les autres pays qui, eux aussi, s'intéressent à nos livres et viennent jouer dans nos marchés.
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Je suis très impressionné, monsieur Uppal.
Des voix: Oh!
M. Brett Gaylor: Vive Google!
Homelessnation.org est un autre projet que mes collègues ont lancé pour essayer de combler le fossé du numérique. Nous travaillons avec des foyers de personnes sans abri et avec d'autres personnes qui travaillent avec des Canadiens sans abri ou vivant dans la pauvreté afin de les aider à acquérir une litéracie numérique, plus ou moins. Nous les aidons à produire des blogs, à réaliser des petits films, à créer des oeuvres audio.
Il s'agit évidemment d'un projet qui ne repose pas sur un modèle commercial. Ce n'est pas l'objectif. Le projet a bénéficié de l'appui de programmes de notre gouvernement qui n'existent plus. Je crois qu'ils ont été intégrés à Service Canada et à l'Office national du film.
Le problème est que le financement s'est finalement épuisé. Toutefois, le site Web continue de fonctionner. Les gens à qui nous avons enseigné ces compétences ont décidé de continuer à l'exploiter eux-mêmes. C'est un site très dynamique qui a plus de 5 000 usagers. Les responsables ont dû relever beaucoup des défis dont parlait M. Anders pour bâtir une communauté d'utilisateurs. C'est grâce à cette aide au décollage que nous avons réussi à lancer ça. C'est un exemple intéressant d'innovation sociale.
En ce qui concerne opensourcecinema.org, c'est le site que nous avons créé pour réaliser Rip. C'était un site Web par lequel je diffusais, de manière non conventionnelle, le matériau source — si je peux dire — de mon documentaire en invitant les autres à participer à une création collective. Nous voulions créer un processus de type Wikipédia pour créer un documentaire.
Dans ce cas encore, nous avons reçu un certain appui du Centre canadien du film et d'un fonds mis sur pied par Telus. Ensuite, nous avons eu des fonds d'origine privée. Les défis ont certainement été ceux des organismes traditionnels, c'est-à-dire que nous ne pouvons souvent avoir accès aux fonds qu'après avoir obtenu un radiodiffuseur, et c'est un modèle en évolution.
Il est intéressant que Jeff ait mentionné Flattr car je pense que c'est pour beaucoup de gens un mécanisme très raisonnable de rémunération de certains auteurs. Il est intéressant de souligner que ce projet a été lancé par les fondateurs de Pirate Bay. Je le répète, ce sont des gens à qui beaucoup d'entre nous dans cette salle, surtout les créateurs, auraient beaucoup de choses à reprocher.
Pour réaliser Rip, j'ai dû étudier l'histoire du droit d'auteur et son intersection avec la technologie. Il y a dans pratiquement chaque génération un groupe qu'on appelle des pirates et que la génération suivante appelle des amiraux. Cette bataille a été livrée au sujet de la radio, au sujet du piano mécanique et, bien sûr, c'est particulièrement célèbre, au sujet du magnétoscope, lequel a donné naissance à toute une industrie. Je pense qu'elle est en train de se livrer au sujet de l'Internet.
Il y a des gens vraiment brillants qui ont beaucoup réfléchi à la manière de rémunérer les auteurs à un âge où les livres vont être numérisés et où la musique va être totalement accessible. Il s'agit pas de savoir si ça va se faire, ça se fait déjà, en ce moment même. Nous pouvons bien discuter entre nous de la question de savoir si c'est légitime, il n'empêche que ça se fait déjà.
Je pense que votre devoir est de nous aider à créer des environnements qui permettront à des modèles commerciaux adéquats d'émerger, au lieu d'essayer constamment de les bloquer ou même, en fait, dans le cas du projet de loi , de briser les mesures de protection technologiques. Dans le cas des enregistrements sonores, il s'agissait de protéger une technologie que l'industrie avait en fait abandonnée.
Donc, je pense qu'il faut créer des environnements très souples. Nous devons avoir la main relativement légère mais nous devons réellement faire quelque chose.
M. Tim Uppal: Tout à fait.
Merci.