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Madame la présidente, je crois que je vais invoquer le Règlement. J'aimerais avoir des précisions sur certaines choses avant que les témoins ne prennent la parole. Comme vous l'avez mentionné aujourd'hui, nous examinons, conformément au Règlement, les procédures et pratiques du Conseil arbitral de l'assurance-emploi.
Mais la motion — je lis le texte que M. Lessard a remis au comité — est ainsi libellée: « Que... le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées étudie le fonctionnement des procédures et des pratiques de contestations administratives entourant une décision du Conseil Arbitral de l'assurance-emploi et qu'il fasse rapport à la Chambre de ses observations et recommandations. »
Nous nous intéressons donc aux procédures et pratiques de contestation des décisions. Les témoignages devraient être axés sur cet aspect et non sur toutes sortes d'autres questions. Je crois qu'il faudrait que ce soit clair. La motion délimite le champ des témoignages. J'ai lu l'analyse faite par la Bibliothèque du Parlement du point de vue de certaines des parties, et j'ai l'impression que les exposés de certains témoins ne se conformeront pas exactement à ce cadre. Tout était de nature très générale et n'avait pas grand-chose à voir avec la motion. Je crois qu'il faudrait avertir les témoins du sujet précis que nous étudions.
J'ai également noté une chose inhabituelle. L'un des témoins, Bertrand Desrosiers — j'en ai parlé plus ou moins indirectement avec M. Savage et M. Martin, qui n'est pas ici, mais qui est remplacé par M. Godin — est l'adjoint principal d'une députée, Ève-Mary Thaï Thi Lac, qui aura en fait la possibilité de lui poser des questions. Cela en soi pourrait être embarrassant. Si cela ne l'est pas pour elle, ce le serait pour d'autres, simplement parce que le témoin travaille pour la députée. Je ne peux pas être sûr qu'il n'y aura pas de préjugés au sujet du déroulement du témoignage. Quoi qu'il en soit, c'est un sujet de préoccupation.
Il y a aussi un autre aspect que je voudrais mentionner. Si ce témoin particulier a l'intention de parler de cas particuliers, il pourrait y avoir des problèmes de confidentialité ou des difficultés du même ordre. De plus, si le témoin a des choses à dire, il faudrait qu'elles soient directement liées aux procédures et pratiques de contestation et à rien d'autre.
Par conséquent, je voudrais tout d'abord soulever auprès de la présidente et des autres membres du comité la question de savoir s'il est indiqué que M. Desrosiers témoigne. Si c'est le cas, il faudrait établir un cadre ou des limites pour s'assurer que le témoignage est circonscrit dans une zone étroite dont il ne doit pas s'écarter.
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Silence. Je vais lever la séance si cela continue. Je vous en prie...
Non, je regrette, monsieur Godin. Ce n'est pas un recours au Règlement, c'est du débat. Je veux donner à Mme Thaï Thi Lac la possibilité d'intervenir, après quoi nous pourrons entendre les témoins.
Ce n'était pas un recours au Règlement. Je regrette, monsieur Godin, vous devez éteindre votre micro. Je vais devoir lever la séance s'il n'y a pas un peu d'ordre...
M. Yvon Godin: C'est ainsi que le Parti conservateur...
La présidente: ... et, malheureusement, nous ne pourrons pas poursuivre cette étude.
Une voix: [Note de la rédaction: inaudible]
La présidente: À l'ordre, monsieur Vellacott. Merci.
Souhaitez-vous prendre la parole, madame Thaï Thi Lac?
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En effet, je voudrais répondre à ce que M. Komarnicki a dit. Premièrement, je suis fière d'être membre du Bloc québécois. Nous ne ferons certainement pas quelque chose qui ne soit pas conforme à l'éthique.
Je ne suis pas ici pour interroger mon propre adjoint. Je suis ici aussi pour l'ensemble des témoins. Je ne dispose que de cinq minutes pour discuter avec les témoins, je crois que je peux me trouver des questions pertinentes pour le comité et pour l'ensemble des autres témoins.
J'ai demandé d'être ici, exceptionnellement, pour interroger les témoins présents pendant les deux heures de la réunion. Je peux très bien agir. Ce n'était pas mon intention d'interroger M. Desrosiers, mais je suis fière que M. Desrosiers ait accepté de témoigner, parce qu'on dit souvent que le personnel politique ne peut pas témoigner.
Les conservateurs font systématiquement de l'obstruction lorsqu'on demande aux gens qui les entourent de venir témoigner. Je suis fière de dire que mon adjoint est venu aujourd'hui et vous aurez toute la latitude de lui poser les questions que vous voulez lui poser.
Je voudrais dire aux deux membres qui remplacent les membres ordinaires du comité que nous nous entendons très bien ici. Nous n'élevons pas la voix. Nous sommes respectueux et nous avons hâte d'entreprendre une bonne étude au cours des deux prochaines heures.
Je vous remercie tous de vos interventions. Je remercie tous les témoins de leur présence. J'attends avec intérêt le témoignage de M. Desrosiers sur les contacts directs qu'il a eus avec le conseil arbitral.
Je crois que nous nous entendons. Nous avions simplement besoin d'éclaircir ce point. Nous pouvons maintenant poursuivre d'une manière respectueuse, comme les Canadiens s'y attendent de notre part.
Monsieur Desrosiers, vous...
Invoquez-vous encore le Règlement?
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Bonjour à tous. C'est un plaisir et un honneur pour moi de venir témoigner aujourd'hui. Ce témoignage portera sur deux cas précis d'entreprises qui ont eu à intervenir auprès du Conseil arbitral à la suite d'une fermeture, d'un lock-out ou d'une fin de conflit.
Je parlerai d'abord de l'entreprise Olymel de Saint-Simon, qui a fermé ses portes le 20 avril 2007. Le 24 septembre suivant, 18 employés ont été rappelés au travail, dont 8 qui allaient reprendre leurs tâches immédiatement et 10 autres qui étaient sur une liste de rappel. La compagnie, par contre, voulait négocier une nouvelle convention collective pour un centre de distribution, alors que l'entreprise était une salle de coupe. Le syndicat a évidemment refusé. Devant ce refus, la compagnie a déclaré un lock-out le 16 octobre 2007. Cependant, l'usine était considérée comme officiellement fermée depuis le 20 avril 2007.
La déclaration de lock-out a eu des conséquences dramatiques pour les travailleurs rappelés au travail. En effet, lorsqu’ils ont présenté une demande d’assurance-emploi, ils se sont vu refuser l’admissibilité, parce qu’ils étaient en lock-out. Il faut dire que ces travailleurs, juste avant d’être rappelés par la compagnie, occupaient un emploi ou étaient prestataires d'assurance-emploi. Cette décision s’appliquait aussi aux 10 travailleurs qui n’avaient pas recommencé à travailler, mais qui figuraient sur la liste de rappel de la compagnie. Le syndicat a fait appel de cette décision et le Conseil arbitral, le 18 juillet 2008, a accepté unanimement la demande d’appel des prestataires.
Le problème est survenu lorsque, par la suite, la Commission de l'assurance-emploi a contesté cette décision en appel. La cause devait être entendue le 10 octobre 2008, mais lors de la préparation de la défense des travailleurs, le procureur du syndicat s'est aperçu que ce que contenait la cassette était inaudible, et même qu'il n'y avait rien sur la face B de la cassette.
De plus, la commission a avisé le juge-arbitre qu’elle ne pouvait déposer qu’une transcription partielle. Le juge-arbitre a donc demandé une nouvelle séance devant le Conseil arbitral afin de reprendre la cause depuis le tout début. L’audition a eu lieu le 21 avril 2009. Une nouvelle demande d’audition a donc été faite au juge-arbitre. Par la suite, sans donner de raison, la commission a retiré sa demande d'appel.
Dans le cadre des appels, ce qui est le plus frustrant et le plus décevant pour les travailleurs, c'est lorsque la commission interjette appel alors que la décision est unanime et bien étoffée. Elle se sert de son pouvoir discrétionnaire pour faire appel, alors que les travailleurs qui sont engagés dans ce conflit ont entre 15 et 20 ans d'expérience.
Ce sont ces travailleurs qui font les frais de ces décisions, qui se retrouvent sans prestations et qui sont appauvris par cette décision de s’immiscer dans le conflit, en contestant la décision unanime du Conseil arbitral et en obligeant le représentant des travailleurs à se présenter de nouveau devant le Conseil arbitral à cause d’équipements désuets et défectueux.
Le deuxième cas est un cas de retour au travail. En date du 9 octobre 2009, une grève a été déclenchée chez Olymel de Saint-Hyacinthe. Le conflit s'est terminé le 18 décembre suivant et le retour au travail devait s'effectuer le 21 décembre.
À la reprise de la production, évidemment, ce ne sont pas tous les travailleurs qui ont pu retourner au travail. Plusieurs se sont adressés à Service Canada pour soumettre une demande d’assurance-emploi. À leur grande surprise, ils ont appris qu’ils n’étaient pas admissibles en vertu du paragraphe 53(1), relatif à l'article 36 de la Loi sur l’assurance-emploi, qui traite des conflits collectifs.
C'est plus de 30 travailleurs qui se voyaient ainsi privés de prestations d’assurance-emploi. Dans ce cas, non seulement le syndicat mais aussi l’employeur ont décidé de contester devant le Conseil arbitral la décision qui avait été prise. En effet, Service Canada a une interprétation plutôt ésotérique de ce qu’est la fin d'un conflit de travail. Pour cette agence, un conflit de travail est terminé lorsque 85 p. 100 de la production a repris et que 85 p. 100 des travailleurs sont de retour à leur poste. Je ne sais pas qui a inventé cette norme, mais cela n'a rien à voir avec la fin d'un conflit de travail.
Ainsi, une contestation de cette décision a été déposée devant le Conseil arbitral par le syndicat et l’employeur conjointement. En date du 28 septembre 2010, le Conseil arbitral a accueilli unanimement la requête du syndicat et de l’entreprise en fixant au 25 janvier 2010 la date officielle de retour au travail, selon les critères de la loi. Le 15 octobre suivant, la commission a déposé un appel devant le juge-arbitre. Au début de janvier 2011, la commission s'est désistée.
Ce qui est discutable dans ce dossier, c’est qu'on a créé un règlement pour l’application de l’article 36 en cas de conflits collectifs. Mais ce qui est encore plus discutable, c'est le pouvoir discrétionnaire de la commission qui, dans ces deux cas, malgré une décision unanime du Conseil arbitral et des décisions étoffées rendues par des avocats spécialisés dans l'assurance-emploi, a décidé dans un premier temps de contester la décision et, dans un deuxième temps, de cesser la contestation.
Mais quelles sont les indemnités pour les travailleurs? Quelles sont les indemnités pour ceux qui sont venus se défendre? Il n'y en a pas. Seule la commission décide de façon arbitraire ce qu'elle a à faire dans ce type de cas.
Des coûts sont rattachés à ce genre de recherches: il y a des coûts pour le syndicat et même des coûts pour la Commission de l'assurance-emploi. Elle abuse de ses droits en faisant appel devant le juge-arbitre et en se désistant par la suite. Ce sont des coûts qui pourraient être évités et dont les montants pourraient être attribués à ceux à qui cela revient, c'est-à-dire aux travailleurs.
Pour compléter mon propos, je dirai que la commission pourrait adopter la philosophie d'un juge-arbitre, qui s'inspire d'un jugement de la Cour suprême, dans la cause CUB 61301. Il dit ceci:
Comme la Loi vise à assurer des prestations aux personnes sans travail, il est justifié de donner une interprétation libérale aux dispositions relatives à la réadmissibilité aux prestations, étant donné que la Loi n'est pas conçue pour priver des avantages qu'elle confère [aux] victimes innocentes d'un conflit de travail et compte tenu également du fait que les employés cotisent à la caisse d'assurance-chômage.
Et dans le deuxième cas, celui de Saint-Hyacinthe...
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Bonjour, je m'appelle Guy Martin et je suis coordonnateur du Service juridique de la CSN.
Parlons d'abord de la question de la procédure et des règles de pratique devant le Conseil arbitral en matière d'assurance-emploi. Nous n'avons pas de reproche à faire quant à la procédure telle qu'elle est établie par la loi ni quant à son application de façon générale. Nos reproches portent surtout sur les pratiques administratives, soit du personnel entourant les conseils arbitraux, soit de la commission elle-même, relativement à des appels pendants devant le Conseil arbitral.
Le paragraphe 78(2) de la Loi sur l'assurance-emploi prévoit qu'un membre du Conseil arbitral ne peut siéger lorsqu'il est en conflit d'intérêts avec la cause qu'il a à entendre. Nous ne remettons pas cela en question. Cependant, les dossiers d'appel au Conseil arbitral sont souvent assignés aux membres du conseil le matin même de l'audience. Par conséquent, les gens qui ont un lien constatent alors qu'ils ne peuvent pas siéger pour entendre cette cause. Ce peut être le représentant patronal qui a un lien avec l'employeur, ou vice versa. Conséquemment, un des membres ne peut pas siéger. Dans de tels cas, comme la loi prévoit qu'un Conseil arbitral est valablement constitué lorsque le président du conseil est présent ainsi qu'un des membres du conseil, on demande au prestataire s'il accepte de procéder devant seulement deux membres du conseil plutôt que trois.
Dans les grandes régions, où il y a plusieurs conseils arbitraux, le problème est relativement simple. En effet, la remise n'a alors pas d'impact sur le prestataire, puisqu'il pourra facilement être convoqué à nouveau la semaine suivante ou la semaine d'après. Cependant, dans des régions plus éloignées, où il y a très peu de membres au sein des conseils arbitraux, cela peut entraîner un report d'audience de plusieurs jours, de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois. Un préjudice important est alors causé au prestataire qui souhaite être entendu.
Devant ce choix, qui n'en est pas un réellement, les gens acceptent souvent de procéder devant deux membres du conseil, ce qui peut avoir un impact assez important sur la décision. Les décisions du conseil sont rendues par trois membres. Parfois, une dissidence peut être rendue dans un cas de contestation. Souvent la dissidence, lorsqu'il y en a une, est plus étayée, plus étoffée quant à la preuve et quant à l'analyse du dossier, que la décision elle-même. Par conséquent, lorsqu'on prive un prestataire de cette possibilité, advenant le cas où il y a dissension au sein du conseil arbitral, cela peut hypothéquer son droit aux prestations éventuelles.
Des mesures doivent être prises pour que les conseils soient systématiquement composés de trois membres. Idéalement, il faudrait faire en sorte que l'assignation des dossiers ait lieu plus tôt, pour permettre aux membres de constater qu'ils ne pourront pas procéder dans une cause, et s'assurer que d'autres membres du conseil pourront ultérieurement siéger si un des trois membres est en conflit d'intérêts. On pourra alors substituer le membre en conflit d'intérêts par un autre. On pense que ce serait une façon de rendre plus efficace le processus devant le conseil.
Le deuxième volet touche la représentation des appelants au Conseil arbitral. Les gens peuvent être représentés par un avocat ou par un représentant qui n'est pas avocat. Peu importe, des gens très compétents, et qui ne sont pas avocats, font de la représentation devant le conseil. Cependant, un problème se pose sur le plan du respect par la commission, ou l'entourage du conseil arbitral, de l'existence ou non d'un représentant.
Dans certains cas, il serait préférable de communiquer avec le représentant désigné, ou l'avocat assigné au dossier, avant de fixer la date. Ce serait assez efficace, puisque cela empêcherait plusieurs remises inutiles. En effet, si on avait communiqué, l'audition aurait peut-être eu lieu le lendemain ou la veille, mais au moins elle aurait eu lieu. Ce serait une façon de rendre les choses plus efficaces.
Il arrive également parfois que, malgré une demande de remise du procureur pourtant envoyée par télécopieur au Conseil arbitral, l'audition se tienne. On constate que le prestataire n'est pas présent et on rend la décision. Cela oblige tout le monde à aller devant le juge-arbitre, même si la demande de remise est pendante. Une fois que la décision est rendue, on n'y touche plus tant qu'on n'a pas interjeté appel devant un juge-arbitre. On se rend ensuite devant le juge-arbitre et, plusieurs mois plus tard, on revient devant le conseil parce qu'on n'a pas été entendu. Finalement, on retarde de plusieurs mois l'issue du dossier.
De la même façon, il arrive que la commission ou le greffier du Conseil arbitral communique directement avec le prestataire sans communiquer avec son représentant ou son avocat. Quant à nous, ce comportement est inadmissible. Il ne devrait pas y avoir de communication sans d'abord contacter la personne qui représente un individu.
Je vous donne un exemple assez évocateur. À la suite d'une erreur dans le traitement de son dossier, un travailleur s'était vu imposer un trop-payé dans le cadre d'une fermeture d'une usine de papier. Le trop-payé était issu d'une mauvaise décision de la commission au départ. Son dossier était en attente d'audition et un avocat avait comparu relativement à ce dossier. Un agent de la commission a communiqué avec le salarié. Il a fait pression sur lui pour qu'il retire son appel au Conseil arbitral, à l'insu de l'avocat, en lui disant qu'on réduirait le montant qu'il doit rembourser du trop-payé s'il se désistait, et que tout serait correct. L'avocat a alors essayé de fixer l'audition devant le Conseil arbitral et il a appris que la personne qu'il représentait s'était désistée. C'est incroyable.
J'ajouterai deux choses à propos de la communication des dossiers d'appel et du manque de ressources. Les dossiers d'appel sont souvent communiqués une ou deux journées à l'avance à l'avocat, ce qui n'a pas de sens. Cela devrait être fait au moins une semaine avant.
Par ailleurs, le manque de ressources arrive souvent dans certaines régions où les gens du Conseil arbitral, les greffiers, travaillent à temps partiel ou travaillent dans plusieurs bureaux. Ils partagent donc leur temps. La demande de remise, par exemple, d'un procureur ou d'un représentant est laissée dans la boîte vocale ou est envoyée par télécopieur, mais il n'y a pas d'accusé de réception, il n'y a pas de suivi. Évidemment, cela pose problème. Cela peut faire en sorte qu'on ne sache pas exactement ce qui va arriver avant le matin de l'audition.
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Par exemple, on peut parler des dossiers d'appel, ce qui fait partie du processus même. On a constaté un manque de neutralité. En fait, on voit que les prestataires sont souvent lésés dans la façon dont le dossier est monté. Il y a déjà un préjugé favorable en faveur de la commission avant même qu'on se présente devant le Conseil arbitral. On trouve que le conseil devrait être le plus neutre possible pour que la personne puisse vraiment présenter son point de vue. En fait, le Conseil arbitral ne doit pas déjà avoir un préjugé favorable du côté de la commission avant même que le témoin soit entendu.
Au fil des années, on s'est également rendu compte que des présidents ou des membres du Conseil arbitral essaient de rendre le processus beaucoup plus protocolaire qu'il ne devrait l'être. C'est censé être un lieu plutôt sans caractère officiel pour que les personnes soient à l'aise de rendre leur témoignage.
On a vu dans plusieurs cas que des membres voulaient que cela se passe comme dans les cours de justice et que ce soit donc quelque chose de très officiel. Par exemple, dans un cas d'inconduite, une personne qui livrait son témoignage, qui racontait sa version des faits et relatait les propos de son employeur, a employé des jurons, mais c'était vraiment ce que l'employeur lui avait dit. Or, le président a interrompu la personne pour lui dire qu'on ne pouvait prononcer de jurons devant le Conseil arbitral. Dans un sens, ce que voulait en fait le président, c'est que la personne change sa version des faits, ce qui, selon nous, déforme grandement la version des faits et le témoignage des personnes. On en tient évidemment compte dans la décision.
On souhaite donc que le Conseil arbitral retrouve son mandat premier et qu'il ne devienne pas protocolaire, pour que les personnes s'y sentent vraiment à l'aise. Les prestataires sont souvent très stressés avant de se présenter, et ce, même quand on les représente. Ils ne savent donc pas vraiment à quoi s'attendre même si on essaie de leur expliquer ce qu'il en est.
Nous avons aussi constaté au fil des ans qu'on ne tient pas compte de la jurisprudence que nous déposons lors des conseils arbitraux. Elle est tout simplement ignorée, car on dit que cela fait partie de notre argumentaire. Cette jurisprudence est évidemment en faveur du prestataire. Or, selon nous, cela ne devrait pas être fait. On devrait tenir compte de toute la jurisprudence déposée parce que c'est par rapport à celle-ci que les décisions sont rendues.
De plus, on met parfois de côté des preuves telles que des certificats médicaux, des lettres et des témoignages de personnes ne pouvant se présenter même si elles sont assermentées, car on juge que ces preuves ne sont pas pertinentes. On se demande pourquoi certains membres du Conseil arbitral ne prennent pas note de ces preuves et ne les mettent pas au dossier. Ces preuves sont tout simplement laissées de côté. On se demande si ce n'est pas pour écourter le plus possible la séance en cours, étant donné qu'ils ont un très grand volume de dossiers à traiter dans une journée, ou encore pour rattraper le retard par rapport aux audiences qui avaient pris plus de temps auparavant.
On a aussi constaté des signes d'impatience chez certains membres du conseil lorsque le témoignage est trop long, et ce, même si ce sont des témoignages pertinents et des questions pertinentes. Les membres du conseil ne veulent pas que la séance dure trop longtemps. Or, c'est à partir des témoignages et de la jurisprudence que les décisions sont rendues. Tout cela exerce de la pression sur les gens. Souvent, le témoin ne pourra pas donner toute sa version des faits. Ce seront des faits qui auront été résumés, ce qui aura évidemment un impact très grand sur les décisions rendues.
En terminant, je vais vraiment recentrer mon allocution sur le Conseil arbitral et les appels. Quand on rencontre les personnes qu'on défend, elles trouvent toujours curieux que les audiences se tiennent directement dans les bureaux de Service Canada. Pour elles, c'est comme si le conseil arbitral avait déjà un parti pris en faveur de la commission parce que ce n'est pas, selon elles, un lieu neutre. Elles se demandent si les membres du Conseil arbitral travaillent pour la commission ou sont vraiment issus de la commission. Ce qu'on leur dit, c'est qu'ils sont neutres, impartiaux et objectifs. Peut-être faudrait-il vérifier la possibilité de tenir les audiences dans un lieu plus neutre, pour assurer l'objectivité et l'impartialité face aux prestataires.
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Merci beaucoup pour ces exposés.
Nous allons commencer notre tour de questions. Je pense que nous devrons nous limiter à un tour de six minutes, plutôt que de sept minutes, parce que c'est probablement tout ce que nous pourrons nous permettre dans le temps qui nous reste.
Je rappelle aux témoins que la période prévue comprend à la fois les questions et les réponses. Par conséquent, si vous dépassez cette période, je vais vous le signaler pour que chacun des membres du comité ait la possibilité de poser des questions.
Nous allons commencer par les libéraux.
Monsieur Savage, vous avez six minutes.
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C'est un chiffre très élevé. Je vous félicite.
Des voix: Oh, oh!
M. Michael Savage: Je ne sais pas s'il en est de même dans le reste du pays.
Une voix: Ce n'est pas aussi élevé.
M. Michael Savage: Je dois admettre que n'ai pas très souvent obtenu des notes aussi élevées à l'école secondaire. C'est vraiment très bon.
Voici ce que j'aimerais savoir. Vous avez parlé du caractère officiel ou informel des auditions. En réalité, les auditions sont censées être informelles pour que les travailleurs puissent se sentir à l'aise.
L'objectif du comité est de formuler quelques recommandations sur les moyens d'améliorer le processus. Je voudrais poser une question à M. Martin, mais je crois que vous dites que les auditions devraient avoir un caractère plus informel et que les travailleurs ne devraient pas ressentir d'embarras pour qu'il soit possible de porter ce taux à 98 p. 100.
Vous avez mentionné qu'il arrive souvent que l'un des trois membres du conseil arbitral se désiste par suite d'un conflit d'intérêts ou d'une autre raison...
Entendez-vous bien les interprètes?
M. Guy Martin: Ça va bien.
M. Michael Savage: D'accord.
Vous avez dit que, dans beaucoup de cas, les auditions sont reportées, particulièrement à l'extérieur des grands centres, parce qu'un arbitre ne peut pas y assister. Avez-vous des recommandations particulières à formuler sur les moyens de remédier à ce problème?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci à vous, messieurs et madame, d'être ici pour discuter de ce dossier important.
Je poserai d'abord quelques questions pour replacer en contexte tout ce dont vous parlez. Ça peut sembler clair, mais il y a toutefois beaucoup de détails. J'aimerais que nous nous entendions tous.
Mes questions porteront d'abord sur le fonctionnement. Le Conseil arbitral relève de la Commission de l'assurance-emploi. Si une décision est prise par le Conseil arbitral, un salarié ou un employeur peut se rendre devant le juge-arbitre. Ai-je bien saisi ça jusqu'à maintenant?
Sans dire qui nomme le président, je pense qu'il est important de savoir qui siège au Conseil arbitral. Est-ce que ce sont des avocats? De façon générale, qui compose le Conseil arbitral? D'où proviennent ces gens?
Je m'excuse parce que je n'étais pas présente pendant la première partie de la réunion. Si je pose des questions que d'autres ont déjà posées, soyez indulgents ou bien dites-moi simplement de lire le compte rendu plus tard.
Je crois que le conseil arbitral avait l'habitude de transcrire les décisions, n'est-ce pas? Permettez-moi tout d'abord de vous demander si cela se fait encore uniformément? Les services de transcription ont-ils été maintenus?
Ainsi, si un certain nombre de personnes d'un même lieu de travail se présentent devant les arbitres pour contester une décision initiale... Mettons qu'il y a 30 travailleurs dans un lieu de travail. Ils pourraient tous se présenter en même temps. Les affaires ne sont pas nécessairement entendues en même temps et les décisions prises peuvent être différentes.
Je vais commencer au commencement. Que fait-on face à 30 personnes venant du même lieu de travail? Comment s'assure-t-on qu'ils obtiendront tous la même décision s'ils sont tous dans la même situation et travaillent tous au même endroit?
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Les greffiers du Conseil arbitral respectent un règlement administratif qui stipule que, lorsque l'on ajourne une audience, on se doit de la remettre dans les 45 jours qui suivent. Fréquemment, si le prestataire est représenté, le représentant n'est pas toujours disponible dans ce délai de 45 jours, ce qui a pour conséquence de retarder un peu plus l'audition du cas et d'aller au-delà du délai.
Il peut aussi y avoir un problème en raison d'un conflit d'horaire. Un autre ajournement est alors requis jusqu'à ce que s'il y a trop de conflits d'horaire et que cela se répète trop souvent, on va tout simplement changer de région. On va demander à ce que l'audience du tribunal ait lieu dans une autre région. Selon les régions, cela implique des coûts additionnels en termes de transport pour l'individu. Je parle de ma région, Trois-Rivières et Drummondville, où on fait les deux. Il nous est déjà arrivé de siéger à Shawinigan, au-delà de Trois-Rivières. Il y avait trop de conflits d'horaires et cela faisait deux fois que l'on remettait les audiences du tribunal. À un certain moment, on a été obligés d'exiger que l'audience ait lieu à Drummondville. Sinon, dans d'autres cas, c'était un employeur qui portait une décision en appel. Il était originaire de Shawinigan et voulait que la réunion du conseil arbitral se tienne à Drummondville.
Par exemple, quand un individu part de La Tuque parce qu'il n'existe pas de bureau du conseil arbitral cette ville, cela implique pour lui des coûts de transports énormes. Même pour aller à Shawinigan, cela lui prend presque une heure et trente minutes ou deux heures. S'il doit aller à Drummondville, c'est trois quarts d'heure de plus. Cela implique donc davantage de coûts pour lui.
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Madame la présidente, j'aimerais d'abord vous remercier de m'avoir invité à témoigner.
Je représente le Conseil national des chômeurs et chômeuses. Il a mandaté l'un de ses groupes de base à se présenter devant vous étant donné son expérience relative avec les conseils arbitraux. Je travaille pour le Mouvement Action-Chômage de Saint-Hyacinthe. Nous faisons partie d'un des groupes de base du Conseil national des chômeurs et chômeuses de Montréal.
J'aimerais diviser ma présentation en trois parties. J'aimerais d'abord parler de la représentation.
Le Mouvement Action-Chômage de Saint-Hyacinthe couvre un vaste territoire: une partie du comté de Chambly—Borduas, les circonscriptions de Saint-Hyacinthe—Bagot et Shefford ainsi que le comté de Johnson. Depuis les années 2008, 2009 et 2010, il y a eu un volume beaucoup plus élevé de demandes d'assurance-emploi. Il y a eu, par conséquent, un nombre plus important de refus ou d'exclusions de demandeurs. Cela a occasionné un volume de travail de plus en plus élevé pour notre conseil depuis deux ou trois ans.
Quand on rencontre les gens, on les divise en trois catégories. Tout d'abord, il y a ceux qui ont été informés au moment même, ou presque, où la décision a été rendue que celle-ci pouvait être contestée. S'il s'agit d'une décision d'exclusion, les gens ont souvent été informés au début du processus par les agents de la commission que cette décision pouvait être contestée. Ils savent également qu'ils peuvent contester une décision par l'entremise du site du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences ou de groupes, d'avocats et ainsi de suite qui peuvent les représenter.
Il y a ensuite la catégorie des gens qui ont un peu plus d'instruction. On tente d'abord de les informer ou de leur donner une formation et de les guider pour qu'ils puissent se défendre seuls devant le Conseil arbitral. On fait quand même un suivi, mais ces personnes ont la capacité de faire un bon bout de chemin. Habituellement, cela correspond bien aux objectifs, aux critères et aux démarches du conseil en ce qui a trait à ses pratiques.
Un autre groupe comprend les gens qui ont été informés un peu plus tardivement. Le délai pour faire appel est presque terminé. À l'occasion, il arrive également que les gens se présentent à nos bureaux alors qu'ils ont déjà leur dossier d'appel entre les mains et que l'audience est prévue dans quelques jours.
On voit de plus en plus de gens de 50 ans et plus, ou de jeunes décrocheurs qui ont plus ou moins d'instruction. Il ne s'agit pas pour nous de les juger, mais c'est une réalité que l'on constate sur le terrain. Ces personnes sont souvent plus en retard au chapitre des procédures au moment où elles viennent nous rencontrer. Elles ont des problèmes de compréhension, cognitifs ou autres.
Cela occasionne automatiquement une première demande de remise de date, le temps de bien préparer le dossier et de voir si on a une cause qui se défend. Ensuite, il s'agit de trouver les éléments nécessaires pour justifier si oui ou non on va suivre ou guider la personne devant le Conseil arbitral.
Pour ce qui est du troisième groupe, peu importe si ses membres font partie du premier ou du deuxième groupe, on fait un choix parmi tous les gens qui viennent nous rencontrer pour donner la priorité à ceux qui n'ont pas droit à l'aide juridique quand il est question de se faire représenter devant le Conseil arbitral, ou à ceux qui n'ont pas les moyens de se payer un avocat. On accorde donc la priorité à ce genre de personnes. Quant aux autres, on les redirige vers l'aide juridique où ils ont droit à un avocat.
Il est légitime que les gens aient un représentant. La commission le permet et la loi le permet également. Ces gens ont donc le droit de prendre le temps nécessaire et de rechercher des éléments pour bien présenter leur cause devant le Conseil arbitral. Cela cause fréquemment des problèmes dans notre région en raison du volume et des délais que nous devons absorber de la part de l'aide juridique. Beaucoup de gens qui ont recours à l'aide juridique obtiennent des rendez-vous après 30 ou 45 jours. Si on connaît les délais fixés par le Conseil arbitral au moment où on reçoit le dossier d'appel, dans notre organisme il existe une pratique courante qui fonctionne assez bien après quelques ajustements. La date d'audience est habituellement fixée 10 jours après la réception du dossier d'appel.
Après la première remise, la greffière tente toujours de reporter la date dans un délai inférieur à 45 jours, mais même dans ces conditions, si on renvoie les gens vers l'aide juridique, on ne réussit pas, encore une fois, à respecter les délais. Ça occasionne encore des remises de dates d'audience. À un moment donné, il est légitime pour la présidence de dire que ça va être accepté une dernière fois, mais d'une façon péremptoire, ce qui cause encore d'autres problèmes, qu'on le veuille ou non. On se présente quand même à l'audience, étant donné qu'elle est péremptoire, pour redemander en personne une remise de date d'audience. La demande est souvent refusée, et le Conseil arbitral prend quand même la décision relativement au dossier. Étant donné qu'il s'agit d'un déni de justice, on conteste automatiquement auprès du juge-arbitre, ce qui pénalise le travailleur, étant donné la procédure trop restreinte. Il y a des cas où le processus a pris 14 mois. Finalement, on repasse encore une fois devant le Conseil arbitral pour présenter la cause et la gagner, dans la majorité des cas.
En ce qui a trait aux représentations, je crois qu'il y a un problème important à soulever. Le volume est lourd, les délais de l'aide juridique sont longs et la demande est élevée pour les avocats, qui sont surchargés. Ils ne réussissent pas à composer avec les dates proposées par les greffières. Cela occasionne beaucoup de remises de dates d'audience, ce qui crée des problème litigieux en ce qui concerne les dénis de justice et des dépenses inutiles pour la commission. Comme le mentionnait monsieur plus tôt au sujet des représentations, il arrive en effet fréquemment que les agents contournent les représentants. Nous faisons souvent face à ce problème chez nous, mais nous nous sommes réajustés dernièrement après avoir rencontré la responsable régionale, Mme Suzette Perreault. Cela a un peu stabilisé la situation, mais il y a encore du travail à faire dans le cadre de ce dossier.
Étant donné qu'il ne me reste qu'une minute, je vais aborder le point le plus important...
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Merci, madame la présidente.
Je vous remercie de nous avoir invités à exprimer notre opinion sur le Conseil arbitral et les procédures. Je tiens tout de suite à vous dire que plusieurs points que nous allons soulever au sujet des procédures sont périphériques. Je risque donc d'entendre quelques rappels au Règlement durant ma présentation.
La question de la nomination a été soulevée, et je n'y reviendrai pas. Je dis que c'est périphérique parce que ça peut avoir des répercussions. Dans le mémoire que je vous ai fait parvenir, j'ai donné comme exemple celui d'un président de conseil arbitral — et je ne révélerai pas le nom que je lui donne dans la vie de tous les jours — qui est totalement perdu. On lui dit à quelle page on est rendu et il tourne les pages pendant une demie heure. Il n'arrive pas du tout à suivre, à un point tel que les autres membres du conseil doivent se lever et lui indiquer la page. Quand on lui mentionne qu'il serait temps de se concentrer sur le dossier compte tenu qu'on est dans la salle depuis une heure et demie, l'agressivité fait surface. Comme je l'ai mentionné dans le dossier, les autres membres du conseil arbitral ont dû à deux occasions demander un ajournement de la rencontre parce que j'étais sur le point de passer par-dessus la table. Les critères de nomination ont été mentionnés, mais je pense que les facultés cognitives d'un président de conseil devraient aussi être évaluées.
J'aimerais aussi parler des rares dossiers que je ne gagne pas. Un président de conseil arbitral a été nommé, mais curieusement, lors de la dernière campagne électorale, ce monsieur était candidat pour le Parti conservateur...
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Je vais m'en tenir à cela. Je vais seulement dire, au sujet des procédures, qu'il importe de respecter certaines règles de justice. L'impartialité en est une. Si on dit à un journaliste « je suis contre le système de l'assurance-emploi », on n'est pas impartial.
[Français]
Excusez-moi, mais je vais revenir à ma langue première.
Plus tôt, on a mentionné rapidement les manipulations d'information dont font l'objet certains dossiers que nous défendons. La commission monte le dossier et le Conseil arbitral le traite. C'est nous qui faisons appel, mais c'est la commission qui monte le dossier.
Dans le cas d'une personne qui est retournée aux études à temps partiel pendant qu'elle recevait des prestations d'assurance-emploi, la commission a écrit que selon la jurisprudence, la non-disponibilité ne pouvait être réfutée que dans des circonstances exceptionnelles. Or c'est faux. En réalité, la jurisprudence dit « par des circonstances exceptionnelles ». Toute une liste est établie par la jurisprudence. Les dossiers sont très souvent manipulés.
J'ai recours à une jurisprudence dans tous les dossiers traitant de questions d'inconduite. La commission et le Conseil arbitral ont dit, parce que c'était écrit dans le dossier, que le juge avait rejeté la cause. Or dans la fameuse affaire CUB 28711, le juge a écrit que l'appel du prestataire avait été accueilli et que la décision de l'exclure des bénéfices avait été annulée. C'est donc une question de procédure. Quand un conseil arbitral part de données erronées, on est certain de perdre. C'est encore une question liée à l'influence de la commission.
On a mentionné plus tôt que les gens essayaient parfois d'entrer en contact avec nous. Pourtant, c'est le contraire. Les gens de la commission n'essaient jamais de m'appeler. En 26 ans de pratique, je n'ai jamais reçu d'appel de la part d'un agent. Ils ne veulent pas me parler. J'ai abordé la question de l'influence. Quand le président d'un conseil arbitral, durant une audience, me dit qu'un représentant de la commission est venu le voir et que je devrais présenter de la jurisprudence plus récente, c'est illégal. C'est écrit dans le rôle du Conseil arbitral et dans la Loi sur l'assurance-emploi. La commission n'a pas à interférer dans les dossiers. Si ces gens pouvaient démontrer que les cas de jurisprudence que je présente devant un conseil arbitral ont été déboutés par une instance supérieure, ils pourraient le faire dans le cadre de leur dossier, mais ils ne devraient pas appeler un président de conseil arbitral. C'est de l'influence indue.
Pour ce qui est de la prestation de compassion d'assurance-emploi, j'ai de la difficulté à comprendre comment peut agir un conseil arbitral lorsqu'on lui remet un cas de déontologie de médecins du Québec. Selon une lettre écrite par le président de l'ordre des médecins, on n'a pas le droit d'utiliser un document disant que la personne va mourir d'ici 26 semaines. La commission déclare que s'il n'est pas prouvé que cette personne va décéder au cours des prochaines 26 semaines, celle-ci n'a pas droit aux prestations. Le médecin n'a même pas le droit de faire cela de façon légale. On impose des règles, et le conseil ne tient pas compte des preuves.
Vous avez mon mémoire, qui contient des recommandations. L'idée est de rendre le système du conseil arbitral indépendant de la commission. Pour terminer, je vais vous lire une phrase tirée d'un document que j'utilise beaucoup lorsque je défends mes dossiers. Intitulé La justice arbitrale en assurance-emploi, ce document est utilisé dans le cadre de la formation des membres du conseil arbitral. Il a été écrit par Philippe Garant et son frère, deux sommités en matière de justice arbitrale.
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Tout d'abord, j'aimerais m'excuser de mon retard. J'ai eu un petit problème. Je me suis perdue.
Je suis coordonnatrice du Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi, un regroupement québécois d'organismes de défense des droits des chômeurs et chômeuses. On compte une quinzaine de membres au Québec. Ils sont appelés à représenter des citoyens et des prestataires devant les conseils arbitraux.
Un de mes collègues était censé m'accompagner. Malheureusement, il a eu un empêchement. Donc, je vais transmettre ce qu'il voulait vous dire aujourd'hui.
Il existe des problèmes en ce qui concerne les conseils arbitraux. Cependant, j'aimerais d'abord souligner que nos membres apprécient le caractère assez informel du Conseil arbitral et le fait que la procédure ne soit pas trop lourde. C'est donc plus facilement accessible aux citoyens.
Par ailleurs, pour ce qui est des problèmes, il y a la question de la formation des membres des conseils arbitraux. On s'interroge sur le fait que la formation soit donnée par la Commission de l'assurance-emploi. Pour cette raison, il peut y avoir un manque de neutralité ou d'impartialité chez les membres des conseils arbitraux. On se demande également comment sont nommés les membres de ces conseils, sur quelles bases et en fonction de quels critères.
Il y a aussi des préoccupations concernant les décisions rendues. Habituellement, elles le sont le jour même. On se demande si suffisamment de temps est consacré à la rédaction des décisions. En fait, souvent, on considère que les comptes rendus sont incomplets. Par exemple, à la suite d'une décision, il arrive souvent qu'on ne dise pas, dans le rapport écrit, pourquoi tel élément de preuve n'a pas été pris en considération. Dans le fond, la décision n'est pas assez étoffée et pas assez claire. Il y manque des éléments. C'est ce qu'on m'a transmis.
Nos groupes membres observent aussi une grande rotation au sein du personnel des conseils arbitraux et ils se demandent pourquoi. À Montréal, entre autres, il y a vraiment un changement continu de personnel. Les mandats ne sont pas renouvelés. Cela peut entraîner des problèmes parce que, souvent, ce sont des gens expérimentés qui partent. Leur mandat n'est pas renouvelé et on se retrouve donc peut-être avec des gens de moins d'expérience. On se demande pourquoi ces postes ne sont pas renouvelés.
On soupçonne également un manque d'objectivité ou d'impartialité de la part de certains membres des conseils arbitraux. Certains de nos organismes membres m'ont dit à plusieurs reprises qu'ils pouvaient prévoir à l'avance s'ils allaient perdre ou gagner une cause devant le Conseil arbitral en raison des personnes qui y siègent. Par exemple, si c'est telle personne qui préside le conseil, ils savent qu'il n'y aura rien à faire ou presque. Dans certains cas aussi — par exemple pour contester un congédiement pour raison d'inconduite —, certains savent que si tel ou tel membre siège au Conseil arbitral, la cause sera perdue parce que, systématiquement, toutes les causes portant sur l'inconduite sont perdues devant ces personnes-là en particulier. Alors, des questions se posent concernant la neutralité des membres du Conseil arbitral.
C'est à peu près tout ce que j'avais à dire.
Je remercie les témoins de leur présence, surtout Mme Arruda, qui est arrivée par ce froid pour nous présenter son point de vue.
Je vais essayer d'en arriver à quelques recommandations précises.
Monsieur Bergeron, vous nous avez présenté quelques très bonnes recommandations. Quelques-unes sont assez générales, d'autres sont très précises.
J'aimerais revenir à une question qu'au moins deux d'entre vous ont soulevée. Qui doit donner la formation aux membres des conseils arbitraux?
Dans l'une de vos recommandations, monsieur Bergeron, vous dites que la formation devrait être donnée par un organisme indépendant.
Madame Arruda, vous avez mentionné la question de la formation tant dans le cas des membres existants que dans le cas des membres expérimentés qui s'en vont et qui sont remplacés par des nouveaux.
Je vais laisser de côté la question de savoir comment les membres seront nommés pour éviter de perturber M. Komarnicki, mais je voudrais juste vous demander qui, à votre avis, devrait s'occuper de la formation. De quelle façon devrait-on former les membres des conseils arbitraux?
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Ma première intervention portait sur la capacité des gens d'être représentés.
J'aimerais maintenant souligner que lorsqu'un travailleur demande à être représenté, un travail plus fastidieux doit être fait. Une personne qui se représente elle-même va faire son travail au moment où elle reçoit le dossier d'appel et doit aller chercher ses documents. Normalement, ça convient et on les guide aussi un peu.
Toutefois, quand il y a des représentations, il y a des délais incontrôlables, autant pour le représentant que pour le prestataire. Si on va chercher des documents médicaux, des témoignages, un rendez-vous à l'aide juridique ou autres, c'est involontaire pour toutes les parties. Si le prestataire lui-même demande une remise, c'est légitime. S'il veut assumer le retard de l'audience, c'est son choix.
Il est légitime que la commission veuille faire procéder les gens le plus rapidement possible pour leur permettre d'être entendus. C'est une bonne chose. Cependant, si la personne est prête à retarder l'audience pour avoir une meilleure défense et une meilleure représentation, c'est également légitime. S'il y a des éléments incontournables parce qu'on veut faire un bon travail de défense, on en est responsables. Lorsque les présidents prennent une décision de façon péremptoire, il faut se présenter. On demande quand même une remise encore une fois, même si on a peut-être un peu la tête dure. Si c'est une décision qui porte sur la décision, on va contester le tout devant le juge-arbitre, ce qui occasionne des frais inutiles à la commission.
Je recommanderais des délais un peu plus souples à cet égard au moment d'être représenté.
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Bien que votre première et unique mission soit de défendre les chômeurs et chômeuses, c'est quand même assez surprenant que vous ne receviez aucune somme d'argent provenant du fédéral pour les défendre, contrairement aux gens de la commission. Merci beaucoup.
Je vais vous poser trois questions. Je vous invite à y répondre par la suite.
La première question porte sur une question que M. Komarnicki a soulevée. Sauf erreur, les statistiques relatives aux jugements unanimes ne sont pas transmises à vos organismes malgré que vous les demandiez. Est-ce vrai? Serait-ce souhaitable que vous puissiez les obtenir? Nous feriez-vous cette recommandation?
Deuxièmement, lorsque quelqu'un accepte que sa cause soit entendue devant seulement deux commissaires, si l'un se prononce en faveur et l'autre contre, la cause va-t-elle automatiquement devant l'autre tribunal? Ce serait encore une fois nettement désavantageux pour le travailleur.
Je considère que l'assurance-emploi a été conçue d'abord et avant tout pour permettre à des travailleurs sans emploi de se donner des moyens de retourner chercher un emploi. Cependant, le temps que le travailleur passe à préparer son appel, il ne le consacre pas à se trouver un emploi. C'est plutôt contre-productif et ça va à l'encontre de la mission première de l'assurance-emploi, qui est de demander à un travailleur de se chercher un emploi. On lui demande plutôt de préparer des causes qui vont être présentées à une audience.
Y a-t-il eu des cas où le travailleur, après 14 mois d'attente, a eu gain de cause alors qu'il avait déjà trouvé un emploi? Dans ces cas, puisqu'il serait retourné au travail depuis un bon moment, a-t-il dû rembourser les sommes de prestations d'assurance-emploi auxquelles il avait droit? Ce scénario est-il arrivé dans des causes que vous avez défendues?
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On aimerait bien avoir les statistiques. Dans le cadre de mon travail, je fais de la représentation devant le Conseil arbitral, devant le juge-arbitre. Je prépare également des dossiers pour la Cour d'appel fédérale. Cependant, on a aussi un volet politique. On revendique des améliorations. Cela nous permettrait de démontrer que ce qu'on avance est vrai. Dans le fond, on aurait des appuis.
Dans notre région, on n'a pas ce problème de représentation par deux membres d'un conseil arbitral. Cela dit, c'est vrai qu'il peut arriver qu'il n'y ait que deux personnes. Tout à l'heure, j'ai donné l'exemple d'un président et d'une représentante d'employeur qui sont souvent là. Si ces deux personnes sont toujours ensemble, la troisième est toujours dissidente. On sait qu'en présence de ces deux-là, on perd toujours. On sait qu'ensuite on va se retrouver devant une instance, en l'occurrence le juge-arbitre.
C'est vrai que le délai de préparation demande du temps au prestataire. J'ai été surpris d'entendre plus tôt qu'il y a des gens qui disposaient de 10 ou 15 jours. Je n'ai jamais plus que sept jours avant la comparution. Au moment où je reçois la convocation et le dossier, j'ai sept jours pour rencontrer le prestataire. S'il s'est trouvé un emploi, on oublie ça. On a de la difficulté à se rencontrer. Je travaille de soir et de nuit.
Je peux vous parler des délais d'attente de 14 mois. Je vais rapidement vous donner un exemples que j'ai eu à traiter. C'était le cas d'un travailleur forestier. On s'est présenté quatre fois devant le Conseil arbitral, quatre fois devant le juge-arbitre, une fois la Cour d'appel fédérale et, malgré tout, la commission va encore en appel. Cette personne doit payer.
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Je remercie les témoins de leur présence au comité aujourd'hui.
Je voudrais prendre la suite de M. Savage, sauf que j'aborderai la question sous un angle un peu différent. Il s'agit du caractère relativement officiel ou informel des auditions. Vous avez dit que certains travailleurs sont représentés et d'autres pas. Parmi ceux qui le sont, il y en a qui comptent sur l'aide juridique.
J'ai toujours apprécié le fait qu'on puisse présenter soi-même des arguments sans être représenté, ce qui rend le processus extrêmement accessible. Pour moi, c'est un aspect vraiment important. Je comprends bien sûr qu'à certaines occasions, la représentation est particulièrement avantageuse.
Pouvez-vous me dire de quelle façon, si on vous chargeait de refaire le système, vous maintiendriez l'accessibilité tout en veillant à ce que les gens soient représentés pour qu'ils puissent aboutir à un résultat équitable?
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Bien entendu, il serait préférable qu'une entité indépendante du conseil arbitral ou de la commission prépare le dossier d'appel. Pour le moment, ce sont les gens de la commission qui le font. Les prestataires ou les personnes qui contestent une décision ont donc automatiquement un doute.
De plus, l'audience se tient normalement dans les bureaux de la commission, ce qui remet encore davantage en question l'impartialité du conseil arbitral. Il faut chaque fois rassurer les gens, même quand on les rencontre. On leur dit qu'il s'agit du conseil arbitral et que ce sont des gens de la population. On leur explique toute la situation, mais même s'ils nous font confiance, c'est quand même dans les bureaux de la commission qu'il faut se rendre et c'est par cette dernière que le dossier a été préparé. C'est difficile. Il subsiste toujours un petit doute dans la tête des gens.
J'aimerais aussi parler des décisions que rend le conseil arbitral, notamment dans les cas d'un montant payé en trop. Dans de telles circonstances, si la décision est refusée, la commission procède automatiquement au recouvrement. Elle reçoit l'information et, à l'interne, le recouvrement est mis en oeuvre à l'intérieur d'un délai de deux ou trois jours. On a vu certains cas de ce genre chez nous. Or, la personne, de son côté, ne reçoit pas la décision du conseil arbitral avant cinq ou sept jours. Quand on lui fait part de la décision, elle a 60 jours pour la contester, mais il reste que le processus de recouvrement est déjà enclenché par la commission. La personne n'a pas le temps de réfléchir et d'aller rencontrer des gens pour déterminer s'il vaut la peine de contester la décision devant le juge-arbitre. La commission a déjà mis en branle le processus de remboursement. Au moment où la personne ira contester, que ce soit 15 jours ou 3 semaines plus tard, elle aura déjà reçu des avis de dette qui seront payables de toute façon. À ce stade-là, ces personnes sont déjà aux prises avec des problèmes financiers depuis un bon moment. Elles ont perdu leur emploi. Il leur a fallu du temps pour contester la décision et passer devant le conseil arbitral. Tout ça s'ajoute à leurs problèmes et, à un moment donné, ça peut avoir un effet de boule de neige. Ces gens peuvent alors souffrir d'anxiété, devenir malades et finir, dans bien des cas, par avoir recours à l'assurance-emploi pour cause de maladie.
À l'intérieur de la période de 60 jours pendant laquelle la contestation est possible, la commission peut d'abord prendre 21 jours pour émettre son avis. Il faudrait au moins que le prestataire soit informé de la décision en même temps que la commission, soit pendant le délai de sept à dix jours au cours duquel la commission doit rendre sa décision. Il devrait avoir du temps, comme la commission, pour analyser la situation avant de décider s'il conteste ou non la décision. Par la suite, si on déterminait qu'il y a une période de 21 jours, comme pour la commission, et si cette dernière voulait procéder au recouvrement, elle pourrait mettre en oeuvre le processus. Ça permettrait au moins aux gens de vérifier auprès d'un comptable, d'un avocat, d'un conseiller ou de quelqu'un d'autre s'il vaut la peine de continuer pour se rendre éventuellement jusqu'au juge-arbitre et, le cas échéant, comment le faire.
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On demande souvent aux agents ou à la commission qu'à partir du moment où un représentant est assigné à un dossier, celui-ci doit nous parler en premier. Malheureusement, il est déjà arrivé qu'un agent qui avait besoin d'informations supplémentaires après l'appel — il faisait une deuxième vérification après l'appel — rappelle directement le prestataire. Ils ont refait ensemble des vérifications pour voir s'ils pouvaient changer la première décision négative. Ce n'est pas ce que je préfère. J'aime mieux que l'agent m'appelle et qu'il me pose des questions. Je vérifie avec le prestataire et je rappelle par la suite l'agent responsable du dossier .
Dans certains cas, j'ai constaté, en faisant des vérifications relatives à une décision de ce genre après un gain au conseil arbitral, que le demandeur obtenait une nouvelle décision défavorable ou d'exclusion à cause de la discussion que nous avions eue pour régler la période qu'on avait récupérée. On pénalisait donc à nouveau le travailleur à cause d'une modalité de la loi.
Après le deuxième rencontre au conseil arbitral, en vérifiant à nouveau la période qu'on avait récupérée, on a encore exclu le travailleur à cause d'une autre modalité de la loi. Tout au long de cette procédure, le travailleur avait, à la base, un problème de santé psychologique. L'agent pouvait donc lui faire dire à peu près n'importe quoi sans le vouloir. Dans tous les cas, nous avons gagné les trois causes grâce au même argument de base. Il s'agissait d'un problème de dépression majeure. C'est pourquoi on demande que la représentation soit respectée par les agents de traitement du dossier.