Je déclare la séance ouverte.
Nous entamons la 43e séance du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées.
Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 6 décembre 2010, nous étudions le projet de loi .
C'est avec beaucoup de plaisir que nous accueillons trois témoins. Deux se trouvent parmi nous, tandis que nous entendrons le troisième par vidéoconférence de Vancouver, en Colombie-Britannique.
Nous recevons aujourd'hui M. Robert Neil Kelly et M. George Vilven, de la Fly Past 60 Coalition.
Bienvenue, messieurs.
Nous entendrons également Jonathan Kesselman, professeur à l'École de politique publique de l'Université Simon Fraser.
Je vous remercie également de votre présence.
Chacun disposera d'environ sept minutes pour sa déclaration liminaire, puis nous passerons à la période des questions.
Nous commencerons par M. Kelly. Nous avons hâte de vous entendre.
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Bonjour, madame la présidente.
Je comparais devant vous pour le compte de la Fly Past 60 Coalition. Je suis ici à la demande de M. Hall, qui est dans l'impossibilité d'être parmi nous aujourd'hui.
La Fly Past 60 Coalition a été constituée par 200 pilotes d'Air Canada, anciens ou actuels, qui s'opposaient à l'âge de la retraite obligatoire et souhaitent formuler une plainte à cet égard.
Le 8 novembre 2010, nous avons obtenu une ordonnance du tribunal contraignant Air Canada à me redonner mon emploi.
J'ai également comparu dans l'affaire Thwaites, mettant en cause 70 autres pilotes d'Air Canada entre octobre 2009 et janvier 2010. Aucune décision n'a encore été rendue.
Cette affaire portait presque exclusivement sur l'interprétation de l’alinéa 15(1)c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, alinéa ainsi libellé: « [...] en appliquant la règle de l’âge de la retraite en vigueur pour ce genre d’emploi. » Pour vous replacer dans le contexte, je voudrais vous formuler sans détour quelques observations du tribunal et de la Cour fédérale sur l'application de cet alinéa.
Le point de départ de notre analyse de cet alinéa — et remarquez l'à-propos —, c'est la recommandation formulée en 1977 par le Comité permanent de la justice et des affaires juridiques afin d'ajouter à la loi la disposition 14c), l'actuel alinéa 15(1)c). Nous avons joint à notre mémoire deux pages tirées des délibérations tenues en 1977 par ce comité.
Un membre de ce comité, le député Fairweather, avait alors demandé à M. Barry Strayer, sous-ministre adjoint au ministère de la Justice si, par ce qui est devenu aujourd'hui l'alinéa 15(1)c), on tolérait la « discrimination systématique que constitue la mise à la retraite obligatoire ». C'est au bas de la page 6:21 du fascicule des délibérations de ce comité.
Le sous-ministre adjoint avait répondu que, à partir du moment où quelqu'un est obligé de prendre sa retraite au même âge que tout Ie monde dans Ie secteur de sa profession, le fait d'exiger qu'il prenne effectivement sa retraite ne constitue pas un acte discriminatoire. J'attire votre attention sur l'expression « tout Ie monde », qui aurait permis, semble-t-il, de faire taire les opposants à l'adoption de cette disposition susceptible de créer des problèmes.
Malheureusement, on semble avoir fait fi de cette expression. Lorsque l'alinéa en question a été invoqué devant le tribunal des droits de la personne ou une cour supérieure, la notion que recouvre cette expression n'a jamais été abordée jusqu'à ce que nous le fassions dans l'affaire Thwaites. À plusieurs reprises, et le tribunal et les cours supérieures ont établi que cette disposition devrait plutôt être interprétée comme étant un dénombrement statistique des personnes accomplissant le même travail. Autrement dit, l'âge de la retraite était établi non pas en fonction de la totalité des employés effectuant le même travail — « tout le monde » —, mais en fonction d'une simple majorité de ceux-ci.
La Cour fédérale a effectué une révision judiciaire de la décision rendue par le tribunal des droits de la personne en 2007, rejetant le fait que cet alinéa avait été violé puisque les pilotes d'Air Canada représentaient, selon elle, environ 54 p. 100 des pilotes canadiens.
La Cour fédérale a émis cependant de sérieuses réserves quant au libellé de cet alinéa.
Premièrement, l'expression « la règle de l’âge de la retraite en vigueur pour ce genre d’emploi » est ambiguë. Par conséquent, rares sont les employés en mesure de savoir avant la fin de leur emploi si cette règle s'applique à eux. Les employés ignorent donc quel est l'âge de la retraite pour leur genre d'emploi.
Deuxièmement, n'ayant pas accès aux statistiques sur l'emploi, les employés sont presque dans l'impossibilité de déterminer le nombre de personnes ayant le même genre de travail qu'eux. Dans l'affaire Thwaites, il a fallu signifier à plus de 30 transporteurs aériens canadiens des assignations à produire des statistiques sur leurs pilotes.
Troisièmement, les principaux employeurs, notamment Air Canada, sont effectivement en mesure d'établir la norme et de déterminer unilatéralement l'âge de la retraite, se substituant ainsi au Parlement.
Quatrièmement, la Cour fédérale accepte difficilement que la notion de discrimination en fonction de l'âge soit tolérée, lorsque cette discrimination s'exerce contre la majorité des employés, ce qui va clairement à l'encontre de la Loi canadienne sur les droits de la personne et ce qui, de l'avis de la Cour fédérale, est contraire aux valeurs canadiennes contemporaines.
En 2009, le juge a fait valoir, dans sa décision, que la solution résidait dans la charte et la décision qu'il venait tout juste de rendre. La disposition a été jugée contraire à la charte.
Cinquièmement, le juge avait fait ressortir un autre problème à l'égard de cette disposition: l'âge de la retraite peut être déterminé dans une convention collective négociée librement entre un employeur important et un syndicat, mais cette norme s'appliquerait aux employés syndiqués d'autres organisations qui n'ont rien négocié en ce sens de même qu'aux employés non syndiqués.
J'ajouterai que c'est une chose que de jouir de droits en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais que c'est une tout autre chose que de les faire respecter.
Malgré les bonnes intentions que le Parlement a manifestées en 1977 en accordant une exemption limitée de l'interdiction générale de la discrimination en fonction de l'âge lorsqu'il s'agit de déterminer l'âge de la retraite, il n'en demeure pas moins que, dans les faits, il est presque impossible au Canadien moyen d'obtenir réparation lorsqu'un employeur et un syndicat puissants et procéduriers violent ses droits à ce chapitre.
Il s'est écoulé cinq ans entre la date de ma cessation d'emploi et celle à laquelle j'ai réintégré mes fonctions à la suite d'une longue bataille judiciaire qui, en fait, n'est pas encore terminée, Air Canada interjetant sans cesse appel des décisions rendues par le tribunal et les cours supérieures. Justice différée est justice refusée. De plus, il faudrait, à notre avis, enlever toute ambiguïté au libellé de l'alinéa 15(1)c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, pour que les Canadiens ne fassent plus l'objet de discrimination en fonction de l'âge dans leur emploi.
Je serai ravi de répondre à vos questions sur mon mémoire.
Merci infiniment.
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Bonjour, madame la présidente. Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité.
Je m'appelle George Vilven. Je voudrais vous remercier de m'avoir invité à comparaître pour aborder la dimension humaine de ce projet de loi. N'ayant pas beaucoup de temps, je ferai ressortir les principaux points de mon mémoire que je vous encourage cependant à lire. Je pense que vous y découvrirez avec intérêt le traitement que nous réservent Air Canada et le syndicat des pilotes.
Lorsque j'ai déposé ma plainte en 2003, la Commission canadienne des droits de la personne m'a informé qu'il faudrait environ un an et demi avant qu'une décision soit rendue. Huit ans plus tard, j'attends toujours.
Le syndicat affirme à ses membres que tout est loin d'être terminé. Il envisage d'interjeter appel devant la Cour fédérale, la Cour d'appel fédérale, voire la Cour suprême. C'est loin d'être terminé, selon le syndicat.
De l'avis d'une partie importante de la population canadienne, l'âge de la retraite obligatoire est chose du passé. C'est loin d'être le cas puisqu'il figure encore dans le Code canadien du travail.
Je vous fais part de faits susceptibles de vous intéresser. Air Canada est le seul transporteur aérien canadien qui n'autorise pas ses pilotes à conduire un avion après 60 ans, contrairement à WestJet, à Air Transat et à Skyservice. Et certains transporteurs autorisent leurs pilotes à le faire après 65 ans. Les 45 000 pilotes de ligne américains — United, Continental et American Airlines — ont cette autorisation jusqu'à l'âge de 65 ans.
En 2006, l'OACI a modifié ses règles pour autoriser les pilotes à effectuer des vols transocéaniques jusqu'à 65 ans. British Airways, Qantas, Air New Zealand et El Al, et la liste est longue, accordent cette autorisation jusqu'à 65 ans et parfois jusqu'à un âge plus avancé.
Pourtant, Air Canada a fait parvenir, à ses employés, une lettre dans laquelle elle offre à ses employés souhaitant continuer de piloter la possibilité de le faire, jusqu'à ce qu'elle en décide autrement.
J'ai déposée une plainte, mais j'ai dû accepter d'en payer le prix: on m'a harcelé; on m'a menacé; ma famille a perdu des amis, qui, je pense, n'en étaient pas vraiment. C'est de plus en plus, au dire de ma femme, une victoire à la Pyrrhus.
J'ai raconté l'incident survenu à la fête organisée en l'honneur des retraités d'Air Canada en 2006. Cela figure dans mon mémoire. Vous pourrez lire ce dont j'ai fait l'objet à cette fête. Je crois que vous trouverez cela à la fois intéressant et triste.
J'affirme sans équivoque que, lorsqu'on m'a forcé à prendre ma retraite, j'étais un bien meilleur pilote que lorsqu'on m'a embauché. Pourquoi, me demanderez-vous? L'expérience fait foi de tout. La formation reçue et le mentorat de la part des autres pilotes viennent compléter tout ce que nous avons appris en plus de 20 ans dans la profession.
En terminant, je souhaiterais vous signaler que la majorité des pilotes d'Air Canada, des autres employés d'Air Canada et des 800 000 autres employés assujettis au Code canadien du travail s'en remettent désormais à vous.
Je serais ravi de répondre à vos questions éventuelles.
Merci, madame la présidente.
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Ce matin, j'aimerais vous parler de certains points concernant la retraite obligatoire sous l'angle de l'économie et non pas des droits de la personne. Heureusement, qu'il s'agisse d'une perspective ou d'une autre, l'analyse mène aux mêmes conclusions. Je vais donc commencer par vous parler des principales faussetés qui circulent au sujet de la retraite obligatoire et je vous présenterai ensuite les faits pertinents.
On parle souvent de la retraite obligatoire comme d'une entente de gré à gré conclue entre un employeur et ses employés. En réalité, la retraite obligatoire et le régime de pensions qui y est associé ne sont pas le fruit d'un accord entre un employé et son employeur; ils sont plutôt le résultat d'ententes qui sont généralement négociées par un syndicat et qui, si elles comportent un vote, sont imposées à tous les employés, selon la décision de la majorité. Tous les employés d'une entreprise qui impose la retraite à un certain âge sont assujettis à cette décision, peu importe la volonté de chacun.
Certains ont fait valoir que le travailleur qui ne veut pas arrêter de travailler à l'âge de la retraite obligatoire en vigueur chez son employeur peut se trouver un emploi ailleurs, mais cette option est coûteuse pour la personne, qui perd son salaire et son ancienneté. Cette option comporte également des coûts de mobilité élevés pour la personne qui vit dans une petite ville ou qui travaille dans une industrie fortement syndiquée. De plus, certains travailleurs, comme les femmes et les immigrants récemment arrivés, peuvent avoir besoin de travailler jusqu'à un âge plus avancé parce qu'ils ont moins d'années de travail à leur actif et qu'ils n'ont pas suffisamment contribué à la caisse de retraite de l'entreprise ou accumulé d'économies personnelles.
On prétend souvent que l'élimination de la retraite obligatoire empêcherait les jeunes travailleurs d'obtenir des promotions. La chose était peut-être vraie dans les années 1960 et même dans les années 1990, mais cela n'est plus le cas, étant donné l'évolution démographique du Canada. En effet, nous assistons au départ à la retraite d'un nombre croissant de baby-boomers et à l'arrivée d'un nombre plus restreint de jeunes travailleurs.
Le Canada entre dans une ère de rareté de travailleurs et de pénurie de compétences dans de nombreuses professions et secteurs d'activité, une ère au cours de laquelle les jeunes travailleurs auront accès à des promotions plus rapidement. Certains avancent que le Canada devra augmenter de beaucoup l'immigration de jeunes travailleurs pour répondre aux besoins de l'économie. Toutefois, la retraite obligatoire, qui donne lieu à la mise au rancart des compétences et de l'expérience des travailleurs plus âgés qui désirent continuer de travailler, est une politique à courte vue et un gaspillage économique. Elle sous-entend également que l'économie offre un nombre fixe d'emplois; or, cela est faux et il a été prouvé que le nombre de travailleurs et la somme des compétences disponibles sont des facteurs importants dans la taille d'une économie productive.
On a également affirmé que la retraite obligatoire est nécessaire pour permettre aux employeurs de se débarrasser facilement de travailleurs plus âgés dont le rendement a fléchi. Cet argument voudrait donc dire que les employeurs n'ont pas de bons systèmes pour évaluer le rendement des travailleurs de tous âges et pour renvoyer ceux qui ne donnent pas un bon rendement, peu importe l'âge. Seule une entreprise mal gérée aurait besoin de la retraite obligatoire à 65 ans pour se débarrasser, un jour, d'un travailleur plus jeune, comme un travailleur de 40 ans, qui ne donne pas le rendement recherché.
De la même façon, on a fait valoir que la retraite obligatoire permet aux entreprises de mettre à la retraite les travailleurs plus âgés qui sont trop payés par rapport à leur productivité. Là encore, cela laisse entendre que les employeurs n'ont pas les systèmes adéquats pour évaluer leurs employés et n'ont pas la souplesse nécessaire pour les rémunérer en fonction de leur rendement personnel.
On a dit de la retraite obligatoire qu'elle était uniquement une question d'ordre privé qui relevait des travailleurs et de leurs employeurs; une question qui ne concernait aucunement la population en général ni la politique publique. C'est là une erreur, puisque la retraite obligatoire comporte des répercussions pour les gouvernements et les contribuables. Les travailleurs qui sont forcés de prendre leur retraite à cause de leur âge alors qu'ils voudraient continuer de travailler imposent divers coûts au Trésor public. En effet, ils paient moins d'impôt parce qu'ils gagnent moins ou qu'ils ne gagnent plus rien; ils retirent plus d'argent des régimes de pensions publics qui sont calculés en fonction des revenus; et ils constituent un fardeau plus lourd pour les réseaux publics des soins de santé, parce qu'ils éprouvent généralement davantage de problèmes de santé à la retraite, tout spécialement lorsque la retraite a été forcée.
Si on modifie la loi pour interdire la retraite obligatoire dans les entreprises assujetties à la Loi canadienne sur les droits de la personne, on permettra simplement au gouvernement fédéral de rattraper les réformes déjà mises en place dans toutes les lois provinciales des droits de la personne, et ce, bien tardivement.
Il y a 25 ans, en 1986, le gouvernement canadien a mis fin à la retraite obligatoire dans la fonction publique fédérale. La même année, le gouvernement américain a également interdit la retraite obligatoire partout dans le pays. Beaucoup d'autres pays avancés ont fait la même chose depuis. Or, les conséquences négatives prévues par les partisans de la retraite obligatoire ne se sont fait sentir de façon marquée nulle part.
D'un point de vue économique, la retraite obligatoire n'a donc plus l'utilité qu'elle a déjà pu avoir. L'économie et les travailleurs plus âgés auraient avantage à ce que cette pratique soit interdite en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Merci. Je suis prêt à répondre à vos questions.
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Merci, madame la présidente.
Je désire souhaiter une fois de plus la bienvenue à MM. Vilven, Kelly et Kesselman.
C'est la première fois que je vous rencontre et, comme vous le savez, c'est moi qui ai déposé le projet au Parlement, alors soyez les bienvenus.
Quelqu'un m'a demandé pourquoi nous travaillons à ce projet de loi et pourquoi j'ai déposé ce projet de loi au Parlement. En fait, nous nous sommes réellement sentis interpellés par le fait que, lorsque le juge La Forest a rendu sa décision, il a déclaré que la question était complexe et qu'elle devait être résolue par les législateurs. C'est vraiment ce que le juge La Forest a dit.
Nous avons jugé qu'il serait non seulement utile mais également important que les législateurs au Canada donnent suite à cette décision, parce que la balle était vraiment dans notre camp. Voilà donc pourquoi nous discutons de cette question aujourd'hui.
J'ai plusieurs questions. J'aimerais poser tout d'abord une question aux anciens pilotes de ligne, si je le peux.
Combien y a-t-il de personnes dans le groupe — je ne sais pas si je peux parler d'une association — que vous représentez? Quel pourcentage les membres de votre groupe représentent-ils par rapport au nombre total de pilotes de ligne qui ont soit atteint l'âge de 60 ans ou qui devraient l'atteindre dans les cinq prochaines années?
Je pose la question à l'un de vous deux, et peut-être à M. Kesselman.
Monsieur Kelly.
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Oui, je vais y répondre si vous m'en donnez la permission.
Nous représentons environ 200 pilotes, dont certains sont à la retraite et d'autres arriveront bientôt à cette étape. J'aurais tendance à croire qu'un pourcentage considérablement plus élevé de gens de l'industrie surveillent l'avancement de nos démarches et n'ont pas envie de se mouiller pour régler le problème, qui le sera de toute façon lorsqu'ils auront atteint notre âge.
En fait, je suis de retour au travail maintenant. À cause du retard accusé dans ma réintégration, je vole en qualité de co-pilote, étant donné que j'ai plus de 65 ans. J'ai été capitaine pendant 23 ans avant cela.
Mon retour au travail suscite très peu de réactions négatives dans les équipages avec lesquels je vole; en fait, la réaction est presque entièrement positive, et un grand nombre de personnes qui ne figurent pas sur la liste m'ont manifesté du soutien. Il est intéressant de constater que nous recueillons l'appui d'un nombre de gens probablement beaucoup plus grand que le nombre de ceux que nous représentons.
Air Canada compte environ 3 000 pilotes. Comme vous le savez probablement, il est impossible de déposer une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne tant que l'acte de discrimination allégué n'a pas été commis; il est donc impossible pour un pilote de déposer une plainte avant sa retraite. Or, lorsque vous êtes à la retraite, vous n'êtes plus membre de l'Association des pilotes et vous n'êtes plus représenté par elle. L'Association en fait s'oppose activement à nous, et cela rend tout le processus extrêmement difficile.
Au niveau mondial, l'âge fixé pour la retraite obligatoire des pilotes est bien au-delà de 65 ans maintenant. Beaucoup de pays ont carrément abandonné la retraite obligatoire. L'Australie et la Nouvelle-Zélande ont probablement été les premières à le faire. Le Canada n'a eu aucune limite d'âge pour les pilotes de lignes aériennes pendant environ 26 ans. Transports Canada est d'avis qu'il vaut beaucoup mieux effectuer des évaluations individuelles qu'imposer des restrictions générales pour l'âge et le ministère refuse d'appliquer les limites d'âge imposées par l'organisme international au Canada.
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Je dirais brièvement que cela dépend beaucoup du type d'industrie. Celle qui a été la plus étudiée aux États-Unis est celle de l'enseignement supérieur, où les professeurs travaillent souvent jusqu'à la soixantaine avancée et même après 70 ans, notamment parce qu'ils aiment leur travail et jouissent d'excellentes conditions d'emploi.
De façon plus générale, je crois qu'il faut que certaines entreprises resserrent leurs méthodes d'évaluation du rendement. Il semble, à tout le moins, qu'un problème se pose à cet égard. Évidemment, l'amélioration de ces évaluations peut être avantageuse tant pour l'employeur que pour les employés, pas seulement quand ces dernier approchent de 65 ans, mais également quand ils ont 40 ou 25 ans. Les deux parties peuvent en profiter, car on peut ainsi permettre aux employés ayant un problème de s'améliorer et récompenser les employés performants.
Plus récemment, une autre question est venue à l'avant-plan, particulièrement au Canada: c'est celle des avantages sociaux, comme l'assurance-vie et l'assurance santé prolongée. Dans ce domaine, les taux de mortalité indiquent que l'on risque davantage de mourir à 67 ans qu'à 57 ou 27 ans; les primes d'assurance-vie augmentent au fil du temps. On assiste à une augmentation du coût de l'assurance santé prolongée et particulièrement de l'assurance invalidité. Si j'ai bien compris, dans la plupart des provinces, les tribunaux ont autorisé la différence de traitement pour les personnes de plus de 65 ans dont l'assurance-vie et l'assurance invalidité sont couvertes par l'employeur. Oui, c'est une forme de discrimination. Mais cette mesure permet d'éviter qu'il devienne si cher d'employer un travailleur âgé que l'employeur préfère s'en départir.
De façon générale, l'adaptation s'est assez bien passée. Ce n'est rien d'insurmontable ou de particulièrement difficile. C'est, somme toute, quelque chose de faisable. Ce n'est pas une question qui devrait vous empêcher d'aller de l'avant avec le projet de loi dont vous êtes saisis.
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Merci, madame la présidente.
Bien entendu, j'accueille favorablement une grande partie de vos propos, et j'ai généralement soutenu l'objectif du projet de loi. Toutefois, celui-ci entraîne un certain nombre de conséquences inattendues. Fait étonnant, M. Martin en a mentionné quelques-unes. Par exemple, certains des contrats et des conventions collectives en place ont été négociés avec acharnement. En raison de cette structure, les pilotes d'Air Canada se trouvent dans une situation plutôt différente de celle d'autres pilotes, comme ceux de Jazz ou de WestJet. Impossible de les mettre en contraste, car cela reviendrait à comparer des pommes et des oranges.
M. Kesselman a soulevé certains aspects de la réflexion que je vais entreprendre, comme les prestations de retraite, l'assurance-maladie, l'assurance-invalidité et l'assurance-vie — naturellement, si l'âge de la retraite est repoussé, les coûts de ces avantages augmentent de manière exponentielle pour ceux qui sont soumis à la convention collective et pour d'autres. Je vais commencer par l'affirmation suivante: il serait juste d'affirmer, surtout chez Air Canada, que l'échelle salariale augmente de manière exponentielle avec l'âge et, si j'ai bien compris, un employé peut probablement atteindre l'échelon salarial supérieur vers l'âge de 55 ou de 60 ans. Êtes-vous d'accord?
En deuxième lieu, les salaires dépendent de la grosseur de l'avion piloté. Vous avez fait allusion au Boeing 777. Un pilote âgé de 55 à 60 ans aux commandes d'un Boeing 777 aura-t-il atteint le plafond de l'échelle salariale?
:
Merci, madame la présidente.
En ce qui concerne les remarques de Tony à propos des syndicats, je sais que Mme Folco a consulté plusieurs organisations syndicales, dont la FTQ, qui appuie le projet de loi.
Une voix: La CSN.
M. Michael Savage: La CSN et d'autres organisations syndicales aussi.
Ma question s'adresse à M. Kesselman, je pense, étant donné qu'il a avancé cet argument économique.
Nous sommes tous au courant de la crise démographique qui guette le Canada. Les statistiques de L'Association des collèges communautaires du Canada sont intéressantes: à l'heure actuelle, 44 p. 100 des Canadiens ne font pas partie de la population active — ce sont les personnes âgées, les enfants et les sans-emploi —, mais cette proportion dépassera 60 p. 100 d'ici 2031, ce qui présente des obstacles évidents pour le Canada.
De façon générale, dans quelle mesure pourrons-nous combler certains écarts de compétences si nous abolissons la retraite obligatoire ou envisageons sérieusement de le faire?
:
Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité permanent.
[Français]
Je vous remercie de me permettre de vous parler du projet de loi que vous étudiez en ce moment. Comme la présidente vous l'a dit, je suis venu avec M. Philippe Dufresne, notre directeur des services du contentieux et avocat-conseil.
[Traduction]
Imposer aux gens de prendre leur retraite à un certain âge est discriminatoire. La Commission canadienne des droits de la personne demande l'abrogation des dispositions relatives à la retraite obligatoire contenues dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, et ce, depuis 1979, à peine un an après l'ouverture de ses bureaux. En 1979, peu de gens partageaient l'opinion de la Commission. Il n'y a pas si longtemps, dans les années 1990, la Cour suprême a statué que la retraite obligatoire était discriminatoire, mais qu'elle constituait une limite permise par la Charte canadienne des droits et libertés.
[Français]
La commission est au courant des motifs de la cour à l'époque. L'avancement professionnel, la sécurité et les pensions étaient des enjeux importants et le sont toujours. Toutefois, la commission demeure convaincue qu'il n'est pas nécessaire de perpétuer une pratique discriminatoire pour satisfaire à ces exigences.
[Traduction]
À l'exception du gouvernement fédéral et du Nouveau-Brunswick, dans une certaine mesure, toutes les administrations publiques compétentes du Canada ont aboli la retraite obligatoire. Au fil des ans, de nombreux employeurs sous réglementation fédérale et la fonction publique fédérale l'ont abolie de leur propre chef.
Rien n'indique que cette mesure aurait largement nui aux employeurs, aux pensions, à la sécurité ou à l'avancement professionnel.
Le jour où une personne fête ses 65 ans, ou n'importe quel âge, ne peut pas devenir synonyme de perte de compétences professionnelles. Selon nous, lorsque vient le temps de décider si une personne peut occuper un poste, la seule question pertinente à se poser est de savoir dans quelle mesure elle satisfait aux exigences du poste.
Il est tout à fait légitime de se préoccuper des répercussions possibles de l'abolition de la retraite obligatoire pour les emplois critiques sur le plan de la sécurité. Certains vous demanderont peut-être si on doit laisser un pilote de 75 ans aux commandes d'un avion. À mon avis, ce n'est pas la question qu'il faut se poser. La véritable question à laquelle on doit répondre est de savoir si cette personne est en état de piloter cet avion. La capacité de piloter peut être compromise par une foule de facteurs qui n'ont rien à voir avec l'âge, comme le manque de sommeil, le stress ou les problèmes de santé.
Sur le plan du respect des droits de la personne, il faut évaluer chaque cas individuellement pour vérifier si la personne a la capacité d'exécuter les tâches requises par son poste. Cette évaluation devrait se faire, quel que soit l'âge de la personne.
Dans certaines circonstances, il peut être nécessaire d'imposer une exigence fondée sur un motif de distinction illicite pour certains emplois. Dans ces cas, la Loi canadienne sur les droits de la personne permet d'invoquer une exigence professionnelle justifiée (ou EPJ). Par exemple, les chauffeurs d'autobus doivent avoir une bonne vue. Cette exigence discriminatoire à l'endroit des personnes ayant une déficience visuelle constitue une forme de discrimination acceptable pour ce poste.
En vertu de la Loi, pour invoquer une EPJ, un employeur doit aussi démontrer qu'il subirait une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité si on l'obligeait à prendre des mesures d'adaptation pour les personnes qui ne satisfont pas aux exigences du poste. Par conséquent, si le projet de loi est adopté, la limite d'âge pourrait être repoussée dans certaines situations d'emploi sans être considérée comme discriminatoire si l'employeur réussit à invoquer une EPJ.
Des témoins qui m'ont précédé vous ont parlé d'affaires ayant mis en cause des pilotes d'Air Canada. Ces affaires sont un bon exemple d'EPJ. La Cour fédérale a maintenu la décision du Tribunal canadien des droits de la personne selon laquelle la disposition sur la retraite obligatoire dans la Loi canadienne sur les droits de la personne contrevenait à la Charte. Dans son jugement, la Cour fédérale a aussi renvoyé la cause au Tribunal pour qu'il détermine si l'exigence d'Air Canada liée à l'âge des pilotes constituait une exigence professionnelle justifiée.
On ne doit pas oublier que la retraite obligatoire n'est pas une simple question d'âge. Elle a une incidence démesurée sur certains groupes de la société canadienne. Par exemple, elle désavantage particulièrement les femmes qui ont accumulé moins d'années de service ou qui ont élevé leurs enfants avant de faire des études supérieures. De plus, les néo-Canadiens et les personnes ayant une déficience peuvent être doublement désavantagés par cette exigence.
[Français]
La cour fédérale a notamment tenu compte de ces facteurs dans l'affaire Air Canada et s'en est servi pour étayer sa conclusion voulant que la disposition sur la retraite obligatoire dans la Loi canadienne sur les droits de la personne n'était pas justifiée.
[Traduction]
La Commission appuie le projet de loi tel qu'il a été adopté en deuxième lecture et vous remercie de nous donner l'occasion d'exprimer cet appui.
Merci. Je suis prêt à répondre à toutes vos questions.
:
Merci, madame la présidente.
Les Employeurs des transports et communications de régie fédérale, les ETCOF, représentent 586 000 employés régis par des lois fédérales.
Je dois d'abord dire que les membres de cette organisation appuient dans son principe l'abrogation de la disposition qui, dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, autorise la mise à la retraite obligatoire. Le temps était venu de le faire. Les provinces ont adopté ce principe dans leurs lois et règlements sur les droits de la personne. D'ailleurs, la plupart des sociétés relevant de la compétence fédérale et membres des ETCOF ont déjà adopté le principe selon lequel on peut travailler après 65 ans.
Aujourd'hui, au fond, nous venons aider le gouvernement du Canada à élaborer une nouvelle loi et de nouveaux règlements qui répondront aux complexités découlant d'un changement de régime. Nous voulons d'une loi meilleure, qui résistera à l'épreuve du temps et qui s'attaquera convenablement aux problèmes.
Le secteur fédéral comprend les transporteurs interprovinciaux et internationaux, c'est-à-dire le transport aérien, le contrôle de la circulation aérienne, le transport maritime, les chemins de fer et le camionnage, notamment, où la nature du travail fait que l'on s'interroge sur les risques notables pour la sécurité publique.
L'abrogation des dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui autorisaient la mise à la retraite obligatoire privera les employeurs fédéraux d'un mécanisme important qui leur permettait de traiter avec dignité leurs employés dont les performances diminuaient avec l'âge. Les problèmes de gestion dus à ces employés, notamment dans les milieux de travail où la sécurité est importante, ne disparaîtront pas pour autant et on ne peut pas en faire fi. Les ETCOF craignent que le projet de loi ne prive les employeurs d'orientation ou d'aide pour leur résolution.
Nous proposons deux possibilités. La première serait d'autoriser les employeurs à appliquer l'âge de retraite obligatoire de manière raisonnable, dans certaines circonstances, uniquement dans certaines professions où le risque pour la sécurité du public et celle des autres employés est élevé.
Deuxièmement, on devrait insérer dans la Loi canadienne sur les droits de la personne une disposition selon laquelle il n'est pas discriminatoire, pour l'employeur, d'imposer des tests périodiques pour mesurer les aptitudes et les compétences des employés d'un certain âge qui occupent des postes où la sécurité est importante.
Ces mesures bien ciblées soulageraient les employeurs d'un fardeau qui risque d'être particulièrement lourd et elles ne brimeraient pas les droits à l'égalité des employés. En effet, dans certains secteurs tels que le camionnage, on exige l'examen médical annuel des chauffeurs de plus de 65 ans. Nous avons entendu plus tôt que des exigences particulières s'appliquent à l'aviation commerciale.
Passons maintenant aux conséquences de la suppression de la retraite obligatoire sur les régimes de pension et d'avantages sociaux.
En ce qui concerne les pensions, le projet de loi ne dit pas comment la suppression de la retraite obligatoire se conciliera avec les régimes de retraite conçus pour être intégrés au Régime de pensions du Canada, ce qui est un problème pratique que nous devons résoudre.
Le projet de loi ne tient pas compte de l'effet qu'aura l'abrogation de l'âge de retraite obligatoire sur la transition en cours, dans beaucoup de lieux de travail, vers des systèmes de retraite échelonnée qui permettent aux employés d'avoir accès aux prestations de retraite accumulées tout en continuant d'en acquérir, du fait de la modification de leur statut d'employé.
Quant aux prestations, le projet de loi ne dit rien du traitement qui sera accordé aux programmes de prestations et d'assurance après l'interdiction des politiques de retraite obligatoire. Diverses provinces, comme la Colombie-Britannique, l'Alberta, la Saskatchewan, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse ont promulgué des exemptions qui autorisent les employeurs à continuer de distinguer les employés en fonction de l'âge, dans l'administration des pensions, des prestations et des régimes d'assurance.
Ces exemptions répondent aux craintes légitimes des employeurs, c'est-à-dire que le coût du financement de certains régimes d'assurance ou de prestations des employés augmentera, dans le cas des vieux employés qui choisiront de continuer à travailler après le prétendu âge normal de la retraite.
Pour les ETCOF, le Parlement doit répondre de même aux craintes légitimes des employeurs relevant de la compétence fédérale concernant les prestations telles que d'assurance-vie, de soins médicaux prolongés, dont les coûts augmentent considérablement avec l'âge, et les prestations d'invalidité, dont les coûts augmentent de façon spectaculaire, du fait de la prolongation des périodes de prestations et de l'augmentation de la fréquence des demandes de prestations.
Les ETCOF observent que, sous sa forme actuelle, le projet de loi aura un impact sur le Règlement sur l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne aux régimes de prestations.
Il faut dire que, dans sa version actuelle, le règlement s'applique à un régime différent, qui est en train de disparaître. Le gouvernement du Canada a donc beaucoup de pain sur la planche pour la rédaction d'un nouveau règlement adapté à la nouvelle loi. Nous, les employeurs, nous tenons à participer à ce processus, pour que ce règlement puisse résister à l'épreuve du temps.
Pour terminer, l'abrogation de la retraite obligatoire risque de modifier sensiblement ce qu'il en coûte aux employeurs fédéraux pour les indemnités d'accident du travail, ce qui est un autre problème. Les prestations en question sont gérées par les provinces, pour le compte des employeurs. À mesure que les employés prennent de l'âge, leur coût augmentera sûrement, de même que la probabilité de blessure et celle, pour l'employé, de ne pas pouvoir guérir et revenir au travail, en raison de son âge. Nous devons trouver le point d'équilibre entre le vieillissement des employés et les régimes d'indemnisation des victimes d'accident du travail gérés par les provinces. C'est un problème pratique très réel.
En ce qui concerne l'indemnité de cessation d'emploi, les ETCOF craignent que le projet de loi n'ajoute une ambigüité inutile aux dispositions du Code canadien du travail régissant la cessation d'emploi. Nous ne sommes pas convaincus que la façon dont vous traitez cette disposition est suffisamment claire, du point de vue technique, pour prévenir d'éventuels problèmes.
D'abord, l'article 235 du Code canadien du travail devrait préciser que tout employé qui décide volontairement de prendre sa retraite et qui, ainsi, met fin à une relation d'emploi n'a pas droit à l'indemnité réglementaire de départ. Les dispositions en vigueur ne permettent pas nécessairement de saisir cela immédiatement.
Deuxièmement, les ETCOF croient que les employés fédéraux devraient avoir le droit de continuer d'imposer des âges raisonnables de retraite obligatoire, dans telle profession, quand il y va d'un risque important pour la sécurité du public. Dans les cas où un âge légitime de retraite obligatoire est en vigueur et qu'un employé prend sa retraite, en atteignant cet âge, avec droit aux prestations de retraite, la position des ETCOF est que l'employeur devrait continuer d'être soustrait à l'obligation de lui verser l'indemnité réglementaire de départ.
Quelles sont nos conclusions? Les ETCOF appuient l'initiative du gouvernement du Canada, qui a cependant besoin d'être accompagnée d'exceptions législatives qui continueront de permettre le maintien de politiques raisonnables de mise à la retraite fondées sur l'âge, dans certaines circonstances limitées. Plus précisément, et en outre, les ETCOF...
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Merci, madame la présidente.
[Traduction]
Je remercie la Commission canadienne des droits de la personne ainsi que les Employeurs des transports et communications de régie fédérale, les ETCOF.
J'ai tout d'abord, monsieur Farrell, trois remarques à faire. La première, c'est que le projet de loi ne vient pas du gouvernement; il est dû à l'initiative d'un député. Il importe vraiment de comprendre ce qu'un projet de loi d'initiative parlementaire est en mesure d'opérer. Comme vous le savez sans doute, il ne peut pas entraîner de conséquences financières, ce qui exigerait qu'il reçoive la sanction royale.
Comme vous le savez, j'en suis l'auteur. Je disposais donc d'un champ de manoeuvre très limité. Tous les parlementaires savent très bien que, pour être finalement approuvé, le projet de loi d'initiative parlementaire ne peut aucunement demander la sanction royale. Cela va contre les règles.
Néanmoins, vous avez présenté des éléments importants. Je dirais que si le projet de loi aboutit, il y aura encore beaucoup de travail à faire par la suite. Je m'y attaquerai certainement, mais le projet de loi ne peut toucher à cet aspect. C'était la limite à ne pas franchir.
Je tenais à ce que vous le sachiez.
Monsieur Langtry, vous avez mentionné la suppression de la retraite obligatoire dans les professions où la sécurité est importante. J'ai eu l'impression que cela constituait un élément extrêmement important de votre exposé et j'ai pensé que cela faisait une transition très intéressante avec celui de M. Farrell. Dans mon esprit, le projet de loi devait également servir de transition.
J'aimerais aborder un autre sujet. Pendant mon étude de la question, j'ai appris que, malgré les victoires des deux anciens pilotes d'Air Canada, devant le Tribunal canadien des droits de la personne et d'autres instances, leurs collègues qui voudraient travailler après 60 ans devraient répéter depuis le début la même démarche qu'eux. Arrêtez-moi si je me trompe, mais les décisions ne s'appliquent qu'à ces deux pilotes.
Pouvez-vous m'expliquer pourquoi?
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Merci, madame la présidente. Je veux aussi vous remercier, messieurs, d'être ici ce matin.
Je vais parler d'abord de l'inquiétude ou de l'appréhension exprimée par M. Farrell. À notre avis, il faut faire la distinction entre ce qui relève du projet de loi et ce qui relève des conventions collectives ou des ententes entre les parties. Lorsqu'il n'y a pas de syndicat, par exemple, c'est la Loi sur le salaire minimum ou la Loi sur les normes du travail qui s'applique. Vous avez une préoccupation en ce qui concerne les retraites. Si une personne a plus de 60 ans ou plus de 65 ans — selon l'âge prévu par l'employeur pour la retraite — et qu'elle demeure au travail, elle va continuer à verser des cotisations au régime de retraite et ne recevra pas de prestations tant qu'elle n'aura pas quitté son emploi, à moins que les parties ne s'entendent autrement. Ainsi, les deux parties continuent de verser des cotisations de retraite comme cela se ferait dans le cas de tout autre salarié. Les prestations de cette personne vont être supérieures lorsqu'elle va quitter son emploi à l'âge de 68 ans plutôt que qu'à celui de 65 ans, en raison d'une contribution supplémentaire d'une durée de trois ans. C'est la même chose en ce qui concerne les autres avantages sociaux, entre autres les congés de maladie. Je crois comprendre que vous parlez particulièrement des congés prévus par la convention collective ou des congés qui sont aussi prévus dans la Loi sur les normes du travail.
Cela n'ajoute pas aux coûts parce que la personne qui quitte son emploi est habituellement remplacée par une d'autre aux mêmes coûts. Ce qui peut parfois différer, ce sont les absences pour des raisons de santé. Toutefois, pour avoir déjà été l'employeur de 120 personnes, je peux vous dire que ce ne sont pas nécessairement les plus âgés qui prennent le plus de congés de maladie. Il y a donc un préjugé en ce qui concerne l'âge. Je ne vous accuse pas d'avoir des préjugés, mais c'est le genre de considération qui vient souvent à l'esprit.
Ce projet de loi me semble intéressant et je crois qu'on va l'appuyer. Il y aura probablement lieu de soumettre des amendements, à la lumière de ce que vous soulevez. Cependant, je ne crois pas que les amendements présentés suivront votre ligne de pensée, monsieur Farrell. Nous parlons d'une discrimination fondée sur l'âge. Dans toute entreprise, qu'une personne ait 30 ans ou qu'elle ait 40 ans, si elle devient inapte à assumer sa fonction, l'employeur garde cette prérogative de pouvoir s'en séparer, de la rétrograder ou de lui offrir un autre poste. Cela peut se produire aussi dans le cas d'une personne de 65 ans. On peut lui dire qu'on a modifié son poste qui demande maintenant des connaissances techniques qu'elle n'a pas, qu'on ne peut pas lui offrir la formation nécessaire, qu'elle ne pourra pas s'adapter et qu'elle doit quitter son emploi. Tous les employeurs vont conserver cette prérogative, que la personne ait 40 ans ou 68 ans. Je pense qu'il faut bien saisir cet aspect.
Il y a un autre aspect, et ce sera le sujet de ma question. Y a-t-il un âge pour la retraite alors que l'on dit qu'il ne faut pas qu'il y ait de discrimination fondée sur l'âge? Je donnerai l'exemple du Sénat canadien. Les sénateurs vont y siéger jusqu'à l'âge de 75 ans. Une décision a été prise récemment par le Sénat de ne pas débattre du projet de loi qui a pourtant été adopté par la Chambre des communes. J'ai vérifié le vote et je peux vous dire que ce ne sont pas les plus anciens qui ont refusé de faire le travail. Les sénateurs sont nommés par une personne et sont allés à l'encontre de la décision de ceux élus par 33 millions de citoyens.
Cette analyse nous amène à la question que ma collègue posait plus tôt aux pilotes d'avion. Qu'est-ce qui détermine à quel moment quelqu'un doit quitter son travail? Je vais faire une affirmation: c'est encore et toujours la capacité de cette personne de pouvoir assumer correctement ses fonctions. Êtes-vous d'accord?
Si vous l'êtes, on va s'appuyer sur ce principe.
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Il y a beaucoup de contraintes à respecter pour dire ce que l'on veut ici. Merci beaucoup de me permettre de prendre un peu plus que le temps qui m'avait été accordé.
La raison pour laquelle nous avons besoin de prendre notre temps, c'est, au fond, notre conviction de nous trouver actuellement dans la bonne voie. Nous apportons à la loi une modification nécessaire, qui doit être faite convenablement. Il faut dialoguer sérieusement et ne pas agir avec précipitation pour faire adopter une loi par le Parlement. Je pense que nous devons nous assurer de l'étudier convenablement et de prendre les bonnes décisions. Ainsi, nous éviterons des problèmes plus tard. Et c'est pourquoi nous ressentons le besoin de faire ces recommandations.
Nos principales recommandations sont vraiment comme suit:
Dans les postes où la sécurité est importante, nous devons avoir la flexibilité qui permet d'étudier ces questions convenablement et de prendre des décisions qui permettront de protéger les Canadiens. Nous voulons que la loi permette aux employeurs de régie fédérale de se conformer aux normes internationales applicables qui sont assorties de mesures obligatoires. Nous ne pouvons pas faire fi du fait que nous fonctionnons dans une économie mondiale.
Nous tenons à faire inclure des dispositions qui reconnaissent aux employeurs le droit de distinguer les employés d'après leur âge, en ce qui concerne les mécanismes de pension, les prestations et d'autres régimes d'assurance, parce que la structure de ces prestations dépend de l'âge. Il est naturel, pour les régimes de prestations, d'évoluer en fonction de l'âge et de la durée des prestations. Je ne voudrais pas me retrouver dans une situation où nous avons perdu toute flexibilité dans la gestion avisée de nos effectifs et de nos régimes de retraite. Vous constatez que, actuellement, les employeurs adoptent graduellement les comptes de gestion des dépenses-santé, grâce auxquels les employés de différents âges peuvent profiter de différentes options pour gérer leurs affaires. Nous ne voulons pas nous retrouver avec des employés qui prétendent être victimes de discrimination de notre part.
Une autre recommandation est que nous tenons à une disposition qui permet explicitement aux employeurs de mettre en place des programmes permettant de tester les aptitudes et les compétences du personnel et dont la fréquence peut augmenter à mesure que les employés avancent en âge, parce que nous voulons éviter une situation où nous croyons que, à mesure que les employés avancent en âge, nous devons nous assurer qu'ils possèdent les compétences voulues. Nous ne voulons pas soumettre à ces tests tous les employés de 20 à 75 ans... pour vraiment nous assurer que les aînés démontrent les capacités physiques et mentales pour faire leur travail.
Nous voulons inclure des dispositions transitionnelles qui permettront aux employeurs et aux syndicats d'apporter des corrections graduelles aux politiques des ressources humaines, aux régimes de pensions et d'avantages sociaux et aux conventions collectives pour assurer le respect des amendements en question. Nous voulons la mise en vigueur d'une disposition qui accorde aux employeurs un délai important pour apporter les modifications nécessaires pour se conformer à la loi modifiée. Nous voulons que la loi dise explicitement que l'employé n'a droit à la prime de départ que s'il perd son emploi de façon indépendante de sa volonté, parce que le libellé actuel n'est pas aussi clair à ce sujet.
Les ETCOF suggèrent respectueusement d'être autorisés à engager des discussions constructives avec le comité et d'autres parlementaires pour s'assurer que, dans la transition vers la nouvelle loi, nous en comprenions les ramifications pour les sociétés du secteur fédéral. Avez-vous parlé de la restructuration de la loi à Air Canada, aux Chemins de fer nationaux canadiens, à NAV-CANADA, aux exploitants de silos-élévateurs de grain? Tous ont des problèmes qu'il faudra prendre en considération et tous souffriront des conséquences d'un amendement qui sera boiteux au départ.
C'est fondamentalement la position que nous tenons.
J'aimerais m'adresser aux deux avocats. En ce qui concerne l'affaire du Nouveau-Brunswick, j'imagine qu'on a fait témoigner des experts pour démontrer un lien de cause à effet entre l'âge et les avantages sociaux et les prestations de retraite, entre autres. Savez-vous quels experts ont été appelés à témoigner?
Dans le même ordre d'idées, M. Farrell a laissé entendre, si je ne me trompe pas, que nous devrions inclure une disposition explicite dans la loi que nous étudions, je présume, afin de permettre aux employeurs de mettre en place des programmes visant à évaluer les capacités des travailleurs de plus en plus fréquemment à mesure qu'ils prennent de l'âge, une pratique qui serait discriminatoire en soi. Mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Aussi, savez-vous si des lois le permettent déjà?
J'aurais une troisième et dernière question à vous poser. Plus on se penche sur la question, plus elle nous apparaît complexe. Les employeurs peuvent toujours prouver que certaines exigences sont raisonnables, mais je présume que ce serait beaucoup plus difficile pour eux de le faire de façon objective ou subjective que s'ils pouvaient s'appuyer sur une loi qui prévoit spécifiquement ce genre d'exception, comme M. Farrell l'a suggéré.
Voulez-vous commencer, Christopher? Nous pourrons ensuite entendre Philippe à ce sujet. J'avais trois questions.
Pour ce qui est de la décision du Nouveau-Brunswick, je l'ignore. Honnêtement, je ne sais pas exactement quelle était la nature de la preuve d'expert présentée.
Toutefois, je dirais que dans ce cas-là on s'est surtout intéressés au fait qu'il existe des régimes de pension extrêmement complexes qui reposent sur la présomption que les gens prendront leur retraite à 65 ans. Le tribunal devait donc trouver un certain équilibre entre les craintes légitimes des employeurs et les structures en place, et le droit des employés d'être traités sans discrimination. C'est pourquoi il a tranché que le critère à suivre était la bonne foi des intentions de l'employeur. L'employeur ne peut pas utiliser un régime de pension comme prétexte pour pousser les gens à la retraite à 65 ans.
Quant à votre deuxième question, et je pense que votre troisième question s'y rapportait également, vous avez parlé de la possibilité de faire une certaine distinction entre les employés en fonction de leur âge, que ce soit à l'aide de tests de compétences ou d'examens médicaux. Vous vouliez savoir s'il serait préférable d'inclure dans la loi une disposition spécifique à ce sujet, plutôt que de tenter de prouver le bien-fondé d'une exigence professionnelle. Selon nous, oui, ce serait préférable de prévoir une exception précise à cet égard, et ce, afin d'éviter de traîner pendant cinq ans des litiges qui visent à déterminer si les tests imposés sont oui ou non... Comme nous l'avons entendu, ces tests existent déjà. Dans l'industrie du transport aérien, ils sont plus fréquents à partir de 40 ans. Il est important que ni les employeurs ni les employés ne fassent appel aux tribunaux pour tenter de justifier la validité ou l'invalidité de ces lois chaque fois qu'un problème se pose.