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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 038 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 7 décembre 2010

[Enregistrement électronique]

  (0845)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte la séance numéro 38 du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées.
    Mesdames et messieurs les membres, nous avons quelques travaux du comité à expédier à la fin de la séance d'aujourd'hui, et donc au lieu d'accorder une heure complète au premier groupe de témoins et devoir ensuite abréger l'audition du deuxième groupe, je vais probablement accorder 50 minutes environ au cours de la première heure, 50 minutes au cours de la deuxième, et nous pourrons alors passer à nos travaux du comité.
    Nous sommes très heureux de recevoir aujourd'hui Cindy Blackstock, de la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières nations du Canada. Mme Blackstock en est la directrice générale.
    Nous sommes heureux également de recevoir Conrad Saulis. Conrad est le directeur de la politique à l'Association nationale des centres d'amitié.
    Nous sommes réellement reconnaissants de votre présence aujourd'hui. Comme vous le savez, nous menons une étude sur les soutiens fédéraux qui sont offerts, et devraient être offerts, aux parents adoptifs. Nous savons que les enfants autochtones, et les mécanismes d'adoption autochtones, représentent un élément très important de cette problématique, et nous sommes donc ravis de vous recevoir ici.
    Nous vous invitons chacun à faire un exposé d'environ cinq à sept minutes. Il nous restera ainsi du temps pour poser des questions.
    Madame Blackstock.
    Mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour.
    Vous avez aujourd'hui l'occasion de faire une différence dans la vie de milliers d'enfants des Premières nations.
    Les Canadiens sont si souvent atterrés par les désavantages que connaissent les enfants des Premières nations, des Métis et des Inuits, et par le fait qu'ils durent depuis si longtemps, que d'aucuns se demandent si des remèdes sont possibles. Je vous assure que oui. Le remède est l'équité à fondement culturel pour tous les enfants du pays. C'est aussi simple que cela.
    L'une des premières choses à comprendre est la raison pour laquelle l'adoption, comme madame la présidente l'a fait remarquer, est une question tellement cruciale dans le cas des enfants autochtones. C'est parce qu'ils sont sur-représentés dans le système d'aide à l'enfance, enlevés à leurs familles dans des proportions de six à huit fois supérieures à celles des enfants non autochtones, comme l'indique la vérificatrice générale du Canada dans son rapport de 2008, et la raison pour laquelle on les enlève n'est pas qu'ils sont maltraités, mais plutôt qu'ils sont délaissés, en butte à la pauvreté, à la vétusté du logement et à l'abus de substances de la personne qui en a la charge.
    La bonne nouvelle c'est qu'il est possible de porter remède à tous ces facteurs. La mauvaise nouvelle, c'est que les enfants autochtones dans les réserves, comme la vérificatrice générale l'a confirmé en 2008 et comme de nombreux rapports d'experts l'ont établi au cours des 10 dernières années, reçoivent des services à l'enfance et à la famille inéquitables qui ne permettent pas de les laisser au domicile familial en toute sécurité.
    Beaucoup autour de cette table savent que le Canada fait actuellement l'objet d'une plainte au Tribunal canadien des droits de la personne pour discrimination raciale envers les enfants des Premières nations sur le plan des services d'aide à l'enfance. Nous tenons à ce que cette cause soit jugée sur le fond, avant tout afin que les enfants aient une possibilité égale de demeurer chez eux. Le Canada cherche à s'extriquer de cette audience en invoquant des subtilités juridiques. Nous pensons que c'est là une question d'importance primordiale: la justice envers les enfants autochtones, en 2010, ne doit jamais être tributaire de subtilités juridiques. C'est pour le Canada une question de conscience, de morale et de respect de l'engagement pris dans les excuses présentées par le premier ministre et plus récemment par le gouvernement lorsqu'il a signé la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
    Si l'on remédiait aux raisons qui font que tant d'enfants des Premières nations sont confiés aux services de protection de l'enfance, nous pourrions alors nous attaquer de façon beaucoup plus efficace et sensible à la question de l'adoption.
    Il existe plusieurs formes d'adoption. Il y a l'adoption à l'occidentale, qui crée réellement un lien entre un enfant et un parent. Ce type d'adoption a été imposé aux sociétés autochtones. Vous êtes nombreux à savoir qu'au cours d'une période appelée « la rafle des années 60 », des enfants autochtones ont été massivement enlevés à leurs parents et placés en adoption dans des foyers non autochtones, souvent de manière permanente, et ce au Canada et aux États-Unis, un procédé si fréquent qu'il a amené le juge Edwin Kimelman en 1983 à publier un rapport d'étude intitulé « No Quiet Place » dans lequel il a conclu que toute cette pratique équivalait à un génocide culturel. Il est compréhensible, dans ces conditions, que de nombreuses Premières nations aient voulu imposer un moratoire sur l'adoption, voyant combien d'enfants autochtones étaient enlevés à leur famille, souvent parce qu'on leur refusait le même accès aux services élémentaires dont jouissent les autres Canadiens.
    Au cours des 20 dernières années, les Premières nations se sont réappropriées leur faculté, leur forme d'adoption traditionnelle. Les collectivités autochtones, dans tout le pays, pratiquaient l'adoption depuis des milliers d'années. Simplement, on appelait cela autrement. Il n'existe pas réellement de mot pour la désigner, car dans la conception autochtone, c'est l'adoption d'un enfant par la communauté. Elle consiste à entourer l'enfant de multiples gardiens et à créer un filet de sécurité tel que si l'un de ces pourvoyeurs n'est plus en mesure de s'occuper de l'enfant, d'autres adultes dans le cercle, qui connaissent et comprennent leurs responsabilités et leur amour et relation à cet enfant, vont prendre le relais.
    Dans le mémoire que je vous ai remis, je donne en exemple la Yellowhead Tribal Services Agency en Alberta. Le gouvernement fédéral n'offre malheureusement pas de financement systématique pour les programmes d'adoption des Premières nations, ni pour soutenir les parents autochtones désireux d'adopter ou ayant placé leurs enfants en adoption. Mais cette collectivité a reçu du gouvernement albertain des fonds pour un projet pilote. C'est un programme très holistique. Il offre un soutien non seulement aux parents biologiques et aux parents adoptifs, mais aussi aux familles élargies et nations. Il intervient avant, pendant et après l'adoption. Tout cela est fondé sur les conceptions coutumières de l'adoption et de la relation avec les enfants de la Yellowhead Tribal Services Agency.
    Ce qui est si extraordinaire dans ce programme, c'est que plus de 100 enfants ont été placés, dont beaucoup n'étaient pas des bébés mais des enfants ayant des besoins spéciaux — votre enfant de huit ans souffrant de syndrome d'alcoolisme foetal — ou des adolescents. Pas une seule adoption n'a été un échec. C'est sans précédent dans la vaste majorité des agences d'adoption non autochtones. Cela a valu à l'agence plusieurs prix d'excellence à l'étranger. L'agence a généreusement partagé son modèle avec d'autres Premières nations, notamment les tribus Cowichan en Colombie-Britannique, qui bénéficient d'un mentorat de la YTSA et qui parviennent actuellement à recréer avec grand succès ce modèle dans leur culture particulière.

  (0850)  

    Je vous soumets que l'une des choses que le gouvernement fédéral devrait faire serait d'appuyer ces pratiques exemplaires, car nous savons qu'elles donnent de bons résultats pour les enfants des Premières nations et leurs familles et les parents adoptifs.
    Un autre aspect concerne l'adoption internationale. Alors que l'on reconnaît de plus en plus l'importance de souligner l'identité des enfants autochtones placés en adoption, que ce soit dans la société générale ou auprès d'Autochtones, il n'existe absolument aucun mécanisme pour déterminer si les enfants venant d'autres pays placés en adoption chez nous bénéficient d'une reconnaissance de leur patrimoine ancestral.
    Réfléchissez à cela pendant un instant, membres du comité. La plus grande population autochtone du monde se trouve en Chine. Beaucoup d'enfants venant de ce pays sont adoptés chez nous. Le deuxième plus grand pays du monde sur le plan des peuples autochtones est l'Inde et pourtant ces enfants ne sont pas identifiés comme indigènes et ne bénéficient d'aucun soutien.
    Je vais juste vous renvoyer à la dernière page de mon mémoire, la page 6, où je présente une série de recommandations.
    La première est d'offrir des soutiens équitables et culturellement adaptés aux enfants dans leur propre famille. Les enfants ne devraient pas être placés en adoption parce que leurs familles sont privées de chances égales de les élever correctement en leur sein.
    L'autre est que le gouvernement fédéral devrait établir un partenariat véritable avec les Premières nations, dans les réserves et en dehors, de façon à fournir des soutiens holistiques, similaires à ceux offerts par Yellowhead Tribal Services, aux parents adoptifs, aux enfants et aux collectivités, de même qu'à leurs familles naturelles. Le gouvernement fédéral doit également oeuvrer avec des organisations telles que l'Association nationale des centres d'amitié pour assurer que ces services soient offerts hors réserve, car actuellement les programmes autochtones hors réserve sont très clairsemés.
    La dernière recommandation est en rapport avec le principe de Jordan. Ce dernier a été adopté par le Parlement en 2007 sous forme d'une motion d'initiative parlementaire. Il suppose que les enfants des Premières nations et leurs familles ne soient pas privés des services offerts aux autres Canadiens pour cause de conflits de compétence entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Le gouvernement fédéral, depuis son adoption, a choisi de l'appliquer de façon étroite, exclusivement aux enfants présentant des besoins médicaux complexes. Ce n'est pas ce que prévoit le texte original de la motion, ce n'est pas ce qu'exige le principe de Jordan. Il s'applique à tous les services gouvernementaux. S'il était suivi, chaque famille autochtone disposerait des mêmes soutiens à l'adoption que les autres Canadiens.
    Merci, madame la présidente.

  (0855)  

    Merci beaucoup, madame Blackstock.
    Nous passons maintenant à M. Saulis. Vous disposez de sept minutes. Je vous ferai savoir lorsqu'il ne vous restera qu'une minute. Merci.
    Je veux vous remercier, ainsi que les membres du comité, de nous avoir invités à comparaître sur ce sujet très important et sérieux, comme Cindy vient de le souligner avec éloquence.
    Lorsque je prépare les exposés que je présente devant les divers comités auxquels l'ANCA comparaît, je fais toujours mes propres petites recherches. En l'occurrence, je n'ai rien trouvé qui soit une bonne nouvelle ou un bon scénario, ni rien de positif. Je suis tombé surtout sur des choses décevantes en cherchant à me renseigner sur la problématique de l'adoption d'Autochtones en milieu urbain. J'airais voulu trouver des choses plus positives. Mais en revanche, comme Cindy l'a dit avec grande éloquence, je pense qu'il y a une occasion à saisir. Il y a toujours des occasions.
    Les occasions sont fonction de notre volonté propre de dialoguer les uns avec les autres, de nous écouter, d'apprendre auprès des autres et auprès d'experts comme Cindy pour voir quelles sont les pratiques exemplaires dans le domaine. Il en existe dans les réserves et, en dépit de leur nombre limité, les organismes de service à l'enfance et aux familles en milieu urbain et les organismes de service aux enfants et aux familles métis ont eux aussi leurs pratiques exemplaires.
    J'ai découvert au cours de mes recherches — et je songe là en particulier à l'Ontario — que l'un des obstacles les plus difficiles à franchir est de savoir reconnaître ce qu'est l'adoption coutumière, avec ses caracréristiques propres à chaque collectivité autochtone. Il semble exister le désir dans le système établi de la société d'aide à l'enfance d'ériger des compartiments et de les transposer d'une collectivité à une autre.
    Nous sommes toujours fiers des particularités de nos collectivités. Même si nous appartenons à une nation donnée — que ce soit la Nation ojibway ou la Nation oneida — les collectivités au sein de ces nations sont distinctes. La même chose est vraie en zone urbaine, bien qu'il y ait davantage de mélanges. En outre, dans chaque cas il se pose des problèmes spécifiques.
    Comme je l'ai dit, cela a été l'un des sujets de recherche les plus désolants que j'aie rencontrés.
    Je suis un ancien travailleur social au sein de ma collectivité autochtone de Tobique, au Nouveau-Brunswick. J'y étais le directeur-superviseur de l'agence d'aide à l'enfance à l'époque, au début des années 1980, et j'ai donc quelques connaissances. J'ai eu l'occasion, il y a quelques années, d'animer une table ronde ici, à Ottawa, avec quelques parents adoptifs d' enfants autochtones. Ils ont expliqué avec éloquence, grande tristesse et, souvent en fondant en larmes, combien ils étaient frustrés par le système.
    Malheureusement, ce que je dis ne figure pas dans mon mémoire. Mais je pense qu'il importe de vous faire savoir les difficultés que les parents adoptifs rencontrent auprès du gouvernement fédéral, et en particulier du ministère des Affaires indiennes — et dans une certaine mesure de la Direction de la santé des Premières nations et des Inuits, au titre des prestations de santé non assurées  — pour accéder aux services et pouvoir s'occuper correctement de l'enfant, s'il s'agit d'un enfant autochtone inscrit.
    En milieu urbain, nous avons un tel mélange d'Autochtones. Nous avons beaucoup de gens des Premières nations, beaucoup de Métis, particulièrement dans l'Est, à Montréal et à Ottawa, et aussi beaucoup d'Inuits.

  (0900)  

    Cela met sous forte pression les rares organismes d'aide à l'enfance qui existent. Il y en a un à Toronto, Native Child and Family Services of Toronto, et aussi à Vancouver, l'Aboriginal Child and Family Services Society. Je suis certain que celui de Toronto s'occupe d'adoptions.
    Il se pose un certain nombre de problèmes. J'aimerais vous lire un extrait d'un article sur lequel je suis tombé au cours de mes recherches. Il est intitulé « La crise de l'adoption ». On y lit:
    
En avril 2007, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a publié un rapport intitulé « Les enfants: des citoyens sans voix ». Il constatait l'existence d'une crise de l'adoption au Canada. Il appelait « les gouvernements canadiens à reconnaître la crise de l'adoption sévissant au pays et de s'y attaquer, plus particulièrement en ce qui touche les enfants autochtones ». Bien que les familles autochtones soient plus portées à adopter que les non-Autochtones, il reste une pénurie chronique de parents d'accueil et adoptifs autochtones.
    
Depuis, un rapport de mai 2008 de la vérificatrice générale du Canada a conclu que le gouvernement fédéral ne fournit pas aux organismes de services à l'enfance et aux familles des Premières nations un financement suffisant pour répondre au nombre ou aux besoins des enfants sous garde.
    Et voici quelques faits saillants:
    
Le rapport indiquait que la formule de financement n'a pas été révisée depuis 1998, et n'a pas été rajustée selon l'inflation depuis 1995.
    
Plus tôt cette année, la Commission canadienne des droits de la personne a ouvert une enquête sur une plainte concernant les enfants des Premières nations placés sous la garde de l'État.
    
En Ontario, 9 200 enfants sont actuellement disponibles pour adoption. Sur ce nombre, 1 191 (13 p. 100) sont des enfants d'origine autochtone.
    Je crois que je vais m'arrêter là.
    Merci. C'est parfaitement chronométré. Merci à tous deux de votre présentation.
    Je crois que nous allons commencer par des tours de cinq minutes, et nous verrons si nous avons le temps d'accorder des tours de trois minutes. Les cinq minutes comprennent les questions et les réponses. Encore une fois, je vais surveiller l'heure, alors si vous me regardez, je vous ferai savoir combien de temps vous avez pour répondre à la question.
    Nous allons commencer avec les libéraux, avec Mme Folco, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    Madame Blackstock, monsieur Saulis, permettez-moi de vous dire combien j'ai apprécié vos exposés, pour toutes sortes de raisons. L'une d'elles est que vous n'êtes pas venus pour dire: « Voilà les problèmes ». Vous nous avez aussi apporté les solutions. Je pense que le moment de se pencher sur les problèmes, si je puis exprimer les choses ainsi, est réellement passé. Nous savons quels sont les problèmes; il nous appartient en tant que législateurs, des deux côtés de la table, de voir comment mettre en oeuvre les suggestions et les recommandations que vous avez formulées dans ce domaine.
    Je suis totalement d'accord avec vous lorsque vous parlez de suicide culturel. J'ai travaillé avec divers groupes autochtones, particulièrement au Québec, et je sais ce qui se passe lorsque les enfants sont enlevés de leur environnement familial et transposés dans une culture et une langue totalement différentes. Je suis donc très heureuse que vous ayez dit cela haut et clair.
    J'aimerais savoir tout d'abord comment se passe l'adoption traditionnelle, au sein du groupe autochtone particulier auquel l'enfant appartient en premier lieu. Est-ce que le gouvernement fédéral ou provincial a un rôle à jouer? Voilà ma première question, et j'en aurai d'autres.
    Je laisse répondre qui veut.

  (0905)  

    Merci.
    Le gouvernement fédéral a la responsabilité de financer et d'appuyer adéquatement les programmes d'adoption coutumiers élaborés par les Premières nations. À ce stade, il ne le fait pas de façon systématique, pas plus qu'il n'a de stratégie en partenariat avec les Premières nations pour appuyer les parents adoptifs ou les parents naturels dans les réserves. Cela serait pourtant crucial car, comme vous l'avez fait remarquer, madame, cela fait déjà des décennies que l'on a réalisé combien il importe que les enfants autochtones soient placés au sein de leur communauté chaque fois que possible. Alors, pourquoi ne fait-on pas tout le nécessaire pour créer les conditions rendant cela possible en aidant ces parents?
    Quant aux provinces, dans plusieurs d'entre elles et dans les territoires il existe actuellement des dispositions prévoyant la reconnaissance des adoptions coutumières. Les dispositions varient, mais en général elles requièrent qu'un ancien puisse dire « c'était notre forme traditionnelle d'adoption » devant un tribunal provincial pour que cette forme soit reconnue. Plusieurs provinces et territoires bougent — des provinces, par exemple, comme la Colombie-Britannique — et ont ces dispositions en place depuis un certain nombre d'années, mais elles n'ont pas été rendues opérationnelles à cause d'un manque de financement et de soutien fédéral aux programmes d'adoption.
    Il est moins difficile de comprendre cela lorsqu'on parle d'un milieu rural, des réserves. Que se passe-t-il en milieu urbain, où il n'existe pas nécessairement une communauté homogène dans la ville, grande ou petite? Comment cela fonctionne-t-il? Je vous pose la question à tous deux.
    En zone urbaine, les difficultés sont évidemment plus grandes à cause de la composition de la population autochtone urbaine. Mais je pense qu'il y importe tout autant de placer les enfants autochtones sous la garde de parents autochtones, qu'ils soient des parents nourriciers ou adoptifs.
    Importe-t-il à quel groupe autochtone ils appartiennent, dans un tel cas?
    Il serait préférable de trouver soit un parent adoptif soit un parent nourricier originaire de la même nation. S'il s'agit d'en enfant métis, trouvez un parent métis. Si c'est un enfant des Premières nations, trouvez des parents des Premières nations. Si tout va bien, s'il s'agit d'un enfant ojibway, trouvez des parents ojibway. Mais sinon, trouvez au moins des parents autochtones pouvant s'occuper de cet enfant.
    En milieu urbain, quelle est l'agence? Existe-t-il une agence à part la vôtre, un organisme gouvernemental? Est-ce que ce sont les autorités provinciales ou plutôt les fédérales qui travaillent avec vous dans l'environnement urbain?
    Des organismes provinciaux et territoriaux travaillent avec la Native Child and Family Service Agency of Toronto. Ils travaillent avec la Société d'aide à l'enfance et le gouvernement provincial, et c'est la même chose à Vancouver. Cela relève de la législation et de l'autorité provinciale.
    Monsieur Lessard.

[Français]

    Merci, madame Blackstock et monsieur Saulis, d'être ici aujourd'hui pour nous éclairer dans la poursuite de cette étude qui porte, je le rappelle, sur des mesures de soutien par le gouvernement fédéral aux parents adoptifs. Je pense que vous me voyez déjà venir, je tenterai de ramener la discussion à l'objectif de notre présente étude. Je crois que vous le faites bien aussi, madame Blackstock, dans le rapport que vous avez soumis.
    Dans ce rapport-là, vous dites notamment, et cela va de pair avec ce que vous avez soulevé un peu plus tôt:
On reconnaît que le parent biologique a un don spécial et unique d'apporter une contribution à l'enfant qui ne peut pas être fournie par d'autres membres de la collectivité, de sorte que des mesures actives sont prises pour veiller à ce que l'enfant connaisse son ou ses parents, sa famille élargie et son clan.
    Vous revenez donc constamment à ce sentiment d'appartenance qui doit accompagner l'enfant jusqu'à l'âge adulte par rapport à ses lieux d'origine et, particulièrement, à ses parents biologiques.
     Ma première question s'adresse à vous deux. En fonction de cette préoccupation que vous avez d'abord d'apporter un soutien à la famille pour que l'enfant reste dans la famille, quelles sont ces mesures concrètes qui peuvent être appliquées, mais qui sont, si vous les connaissez, de compétence fédérale?
    Vous le dites bien aussi dans votre rapport et je pense aussi que nos analystes nous l'ont rappelé. Depuis 1951, des compétences ont été léguées aux provinces, particulièrement au sujet de la santé, du bien-être, de l'éducation, mais en partie aussi, de l'adoption. J'aimerais vous entendre là-dessus.
    Quels sont les services très précis sur lesquels nous devons nous pencher en ce qui concerne les obligations du gouvernement fédéral?

  (0910)  

[Traduction]

    Merci beaucoup de votre question, monsieur Lessard.
    À mon avis, c'est très simple. Le gouvernement fédéral a l'obligation, dans les réserves, de financer de façon adéquate et souple les services à l'enfance et à la famille, qu'il s'agisse d'adoption ou du bien-être de l'enfance, et ce à un niveau équitable et culturellement adapté. Ce n'est pas là ma norme que j'énonce, c'est celle du ministère des Affaires indiennes.
    Selon le rapport de la vérificatrice générale de 2008, il n'a pas respecté cette norme. En dépit du lancement de ce que l'on appelle un modèle de financement majoré, sa propre évaluation, effectuée en 2010 par le ministère des Affaires indiennes lui-même, reprend le constat de la vérificatrice générale, qui disait que ce n'est pas équitable.
    La bonne nouvelle, c'est qu'il existe une solution. Déjà en 2005, un rapport d'experts rédigé par plus de 20 universitaires éminents de tout le pays, dont cinq économistes, avait chiffré le déficit des services à l'enfance et à la famille dans les réserves. À l'époque, il en aurait coûté moins d'un demi pour cent de l'excédent budgétaire fédéral pour donner à ces enfants une chance équitable de rester en toute sécurité dans leur famille. Le gouvernement fédéral a choisi de ne pas donner suite, et n'a pas mis en oeuvre cette solution jusqu'à ce jour.
    Nous demandons donc au gouvernement fédéral de prendre des mesures immédiates pour assurer aux enfants et à leurs familles des services équitablement et culturellement adaptés, sur le plan de l'adoption et de la protection de l'enfance dans les réserves.
    Merci de la question.
    Hors réserve ou en milieu urbain, avec la répartition des pouvoirs entre les gouvernements fédéral et provinciaux, la collaboration possible et souhaitable entre le gouvernement fédéral et les autorités provinciales pour répondre aux besoins de la population autochtone urbaine est complexe. Mais je considère que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer. Je pense qu'il existe des responsabilités fédérales envers les Autochtones, quel que soit leur lieu de résidence.
    L'un des problèmes que ne cessent d'évoquer les Autochtones est la transférabilité de leurs droits. Ces droits n'existent pas seulement dans les réserves ou collectivités des Premières nations, ils continuent d'exister où que vivent les Autochtones. Les Métis se sont toujours battus pour que le gouvernement fédéral continue d'assumer et d'accroître la responsabilité juridictionnelle fédérale. Je pense que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer en collaboration avec les autorités provinciales et territoriales.
    Merci. C'est excellent.
    Nous passons à M. Martin.
    Merci d'être venus nous rencontrer aujourd'hui et de partager avec nous vos idées et recommandations.
    Cindy, je vous ai entendu dire à plusieurs reprises qu'un plus grand nombre d'enfants autochtones sont actuellement placés dans des foyers non autochtones qu'il n'y en a jamais eu dans les écoles résidentielles. Vous avez dit que la raison en est la négligence dans bien des cas, et que la pauvreté est à l'origine du problème. Peut-être pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet. Se passe-t-il là quelque chose de plus sinistre que simplement le fait que le pays cherche à prendre soin de quelques enfants très pauvres?

  (0915)  

    Merci, monsieur, de votre question.
    Il importe de réfléchir à ce qu'est le délaissement. Trop souvent, nous, les Canadiens, pensons que c'est lorsqu'un parent ne remplit pas son rôle correctement. Mais lorsque vous considérez la pauvreté et la vétusté des logements, particulièrement chez les Première nations, vous voyez que ce sont des facteurs qui échappent au contrôle des gens vivant en réserve, car ils ne sont pas propriétaires de leur domicile. Leur développement économique est restreint par la Loi sur les Indiens. Ainsi, ce que nous avons créé, avec les services inéquitables dans les réserves, c'est ce que j'appelle souvent une « tempête parfaite de désavantages ». Si vous placez n'importe quel enfant dans ces conditions, les parents auront du mal à s'en occuper correctement.
    La bonne nouvelle, c'est que le gouvernement fédéral possède le contrôle sur le logement dans les réserves. Il contrôle la Loi sur les Indiens. Il pourrait promouvoir le développement économique. Il pourrait assurer l'équité des services à l'enfance. Si cela était fait, monsieur, je suis convaincue que nous pourrions finalement tourner la page du désavantage des enfants autochtones. Nous aurions un fondement solide sur lequel créer d'autres opportunités. D'aucuns pourront demander: Eh bien, Cindy, est-ce que cela va régler tous les problèmes? Bien sûr que non. Mais cela donnerait la meilleure perspective de réussite.
    Ce n'est pas pour rien que l'iniquité n'est pas un déterminant de l'aide. Nous, en tant que Canadiens et particulièrement vous, les responsables du gouvernement fédéral, avons tous l'occasion de faire en sorte que cette génération grandisse en sachant ce que c'est que d'être traité équitablement, soutenu et respecté par le gouvernement du Canada.
    Lorsque vous avez parlé de Yellowhead Tribal Services en Alberta, vous avez dit que plus de 100 enfants avaient été placés et qu'aucune de ces adoptions n'a échoué. L'agence a-t-elle pu placer tous les enfants qui en avaient besoin dans cette collectivité, ou bien a-t-il fallu en envoyer ailleurs par manque de ressources ou de capacité? Est-ce qu'elle a assumé toute la tâche à elle seule?
    Il s'agit là d'un programme pilote financé par le gouvernement albertain. Malheureusement, lorsque j'allais voir parfois cet étonnant programme, ses responsables se demandaient littéralement s'ils n'allaient pas devoir fermer leurs portes le lendemain, si ce serait la dernière cérémonie d'adoption pour ces enfants. Cette incertitude n'est réellement pas nécessaire. Les besoins sont grands, et vu que le programme marchait si bien, vous pouvez imaginer que les membres de la communauté le voient comme un soutien important pour la collectivité, leurs enfants et leurs familles.
    La crainte de cette agence est que les priorités provinciales ne changent et, en l'absence d'un plan fédéral, que ces enfants soient de nouveau adoptés en milieu non autochtone, lequel n'a pas très bien su tendre la main aux Premières nations, aux Métis ou Inuits pour ce qui est des programmes d'adoption et des services et succès enregistrés par Yellowhead Tribal Services.
    Il vous reste environ une minute.
    Conrad, vous avez mentionné qu'il n'y a pas moyen de suivre ce qu'il advient des enfants autochtones dans la société générale. Des témoins antérieurs nous ont dit que même dans le domaine plus large de l'adoption, il n'existe pas de registre des enfants adoptables ou de familles désireuses d'adopter. Il n'y a pas moyen de relier les deux. Peut-être pourriez-vous préciser un peu votre remarque lorsque vous disiez que c'est encore pire dans la collectivité autochtone.
    Vous avez environ 30 secondes, monsieur.
    D'accord. Malheureusement, et c'est triste à dire, monsieur Martin, cette réalité s'applique à la plus grande partie des données sur la population autochtone urbaine. La plupart des statistiques sur la santé, les conditions de vie, et les déterminants sociaux de la santé proviennent d'études réalisées dans les réserves, et les problèmes sanitaires et sociaux de la population autochtone urbaine sont moins bien connus et documentés.
    Je pense qu'il y aurait de grandes possibilités de faire ce travail, en collaboration avec l'organisation de Cindy et la nôtre et d'autres encore. Nous offrons certainement notre aide. Mais à l'heure actuelle, comme elle le dit dans son exposé, il y a une grave pénurie de renseignements sur la population urbaine.

  (0920)  

    Monsieur Vellacott.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'attendais avec grande impatience cet exposé d'aujourd'hui. Cindy, en particulier, votre réputation d'experte vous a précédée et diverses personnes vous ont recommandée comme une riche ressource pour notre comité.
    Je vais aller droit au but car je veux comprendre et voir les choses en perspective. J'ai toujours du mal avec ce thème de la pauvreté, que l'on met à l'origine de tous les problèmes et ainsi de suite. Je viens d'une famille à faible revenu, d'une famille pauvre, pourrait-on dire. Si nous avions su ce qu'était le seuil de pauvreté dans notre famille, il aurait été tellement au-dessus de ce que nous avions qu'il aurait été totalement inatteignable. Mais nous ne savions même pas qu'il existait un seuil de pauvreté.
    J'étais l'aîné de cinq garçons et une fille. Mon père a connu des périodes de chômage. Si ma mère et mon père tombent sur le Hansard, ils liront peut-être ce que je dis aujourd'hui. Selon les normes d'aujourd'hui, même notre maison, comparée aux maisons des Autochtones et ainsi de suite, aura été tout au bas de la gamme, ou peut-être même condamnée. Je sais qu'elle a été démolie ultérieurement. Mais elle était chaude en hiver. Nous avions de la nourriture, beaucoup de légumes du jardin et ainsi de suite.
    Malgré tout, la pauvreté n'a pas fait éclater notre famille. Très peu de nos désirs étaient satisfaits, mais la plupart de nos besoins l'étaient, même si nous en doutions parfois.
    Je dis cela simplement pour faire savoir que je ne pense pas que la pauvreté en soi soit le facteur déterminant de la dissolution des familles. Elle ne l'a certainement pas été dans notre cas, au contraire, elle nous a rapprochés. La foi était un élément important et l'éducation était soulignée. Nous avions ce type de soutien.
    Quoiqu'il en soit, sur cette toile de fond...
    Madame Minna, lorsque vous aurez la parole...
    [Note de la rédaction: Inaudible]
    Non, désolée, vous bavardiez. Je vous ai demandé à maintes reprises de bien vouloir respecter ceux qui ont la parole.
    Parfois je demande un éclaircissement.
    Je respecte cela, mais je vous demande simplement de respecter la personne qui a la parole.
    Merci.
    Je veux sincèrement et honnêtement cerner ce problème et en comprendre les facteurs. Oui, l'insuffisance du revenu et ainsi de suite est parfois un facteur, mais il s'y ajoute d'autres problèmes encore, manifestement.
    Comme c'était le cas à mon époque, je sais qu'aujourd'hui beaucoup de familles ignorent ou n'ont pas accès aux services à l'enfance et à la famille. J'ai donc besoin, Cindy, que vous m'en disiez un peu plus sur les services à l'enfance et à la famille. Je veux sincèrement et réellement savoir ce que l'on entend par-là. La plupart des Canadiens n'en bénéficient pas et ne savent pas grand-chose à leur sujet. Ce peut même être terrifiant si les services à l'enfance et à la famille doivent intervenir. Expliquez-moi ce que vous entendez par-là.
    Aidez-moi ensuite en dressant une liste des « services ». Je suppose qu'il peut s'agir de choses comme l'éducation, la santé, etc. Mes réserves ont des écoles et il y a peut-être des différences de qualité, encore que d'aucuns le contesteraient. Mais quoi qu'il en soit, aidez-moi avec toute cette question des services, et de la pauvreté en particulier.
    Merci beaucoup, monsieur.
    Les études ont largement démontré que la pauvreté est un facteur déterminant qui conduit les enfants entre les mains des services de protection de l'enfance. Elle est l'une des meilleures variables explicatives. Même si des familles comme la vôtre ont pu s'en sortir, on ne peut fonder une bonne politique publique sur les exceptions. Une bonne politique publique fait de la réussite la règle. Lorsque vous avez un groupe culturel, les Autochtones, qui est surreprésenté non seulement dans les services de protection de l'enfance mais aussi dans les facteurs, comme la pauvreté, dont la recherche nous apprend qu'elle pousse les enfants dans les services de protection, alors il faut créer les conditions de leur réussite.
    L'un des impératifs est de leur donner au moins une chance de réussir égale à celle des personnes à plus haut revenu, qui sont typiquement les Canadiens non autochtones. Je ne connais aucune étude qui indique que si vous prenez une population défavorisée et lui offrez des services inéquitables, vous allez obtenir de meilleurs résultats avec les enfants.
    À ce sujet, Cindy, voulez-vous dire précisément qu'ils ne reçoivent pas les bons niveaux de services éducatifs, sanitaires?
    Merci de cette question.
    Nous savons d'après le rapport de la vérificatrice générale qu'il y a un manque éducatif et nous savons d'après la recherche sur le principe de Jordan qu'il se pose des problèmes de santé.
    Ce que je suis venue vous dire précisément, c'est que nous devons prêter attention à tous ces facteurs, y compris les services de protection de l'enfance. Un service de protection de l'enfance, lorsqu'il faut intervenir dans un famille, a pour obligation première d'assurer la sécurité et le bien-être de cet enfant dans son foyer familial.
    Donc, les types de services qui pourraient être offerts sont le counselling familial, le counselling individuel de l'enfant, les soutiens aux enfants ayant des besoins spéciaux, les services d'intervention d'urgence, parfois des services d'aide ménagère et parfois des services de garde d'enfants. Tout dépend des besoins particuliers de l'enfant. Tout ce que je dis, c'est qu'il faut considérer toute la gamme des services et veiller à ce qu'ils soient équitables.
    Bien.
    Pour poursuivre sur cette question... Et je veux signaler que j'ai un neveu et une nièce chéris qui sont des Autochtones adoptés. Ils ont eu leurs difficultés — syndrome d'alcoolisme foetal — et ainsi de suite. Je pense que les parents auraient été ravis de les remettre en contact avec leur culture si cela avait été possible. C'était après ce que l'on appelle la « rafle des années 1960 ». Ils ont renoué aujourd'hui le lien avec leur culture, mais ils sont dans la vingtaine avancée et au début de la trentaine. Mais ils ont du mal à s'en sortir et ont eu leur lot de difficultés au fil des ans.

  (0925)  

    Monsieur Vellacott, si vous pouviez...
    Voici ma question. En Saskatchewan particulièrement, où 85 p. 100... Nous savons qu'il se pose là un gros problème très inquiétant, et vous le savez bien. Aussi, s'il existe des façons... et je suppose que c'est difficile...
    Monsieur Vellacott, votre temps est déjà expiré, alors posez rapidement votre question et j'aimerais ensuite entendre...
    D'accord.
    Les collectivités de la Saskatchewan ont du mal à réintégrer leurs propres Autochtones. Est-ce de nouveau à cause de l'insuffisance des services? Ils ne sont pas réaccueillis dans ces foyers, du moins pas en grand nombre.
    Vous savez, il n'existe que deux programmes de rapatriement dans tout le pays, en dépit des méfaits de la « rafle des années 1960 » et maintenant des effets multigénérationnels du placement des enfants. Le gouvernement fédéral ne fait rien pour aider les collectivités des Premières nations, des Métis ou des Inuits à réintégrer les membres de la communauté qui ont été placés en dehors. C'est certainement un domaine qui mérite l'attention de votre comité, et je suis sûre que les nombreux Autochtones qui ont été adoptés en dehors, ainsi que leurs familles et leurs collectivités, vous en seraient reconnaissants.
    Merci beaucoup.
    Nous allons avoir des tours de questions très courts, de trois minutes, soit le temps pour un membre de chaque côté de poser une courte question et recevoir une réponse brève.
    Nous allons commencer avec M. Savage, pour trois minutes, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    Il est agréable de vous revoir tous deux. Et comme tous les membres du comité, je vous félicite de l'excellent travail que vous faites pour le compte de tous les Canadiens, franchement.
    Madame Blackstock, je vous ai entendu parler longuement, et avec passion et éloquence, du principe de Jordan et de son impact potentiel. Il a été adopté par la Chambre des communes, mais il n'a guère fait l'objet de mesures d'exécution.
    Je veux savoir précisément comment la politique de l'enfant d'abord serait appliquée à l'adoption. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Merci, monsieur, de votre question.
    Vous savez peut-être que les provinces et territoires sont nombreux à avoir opté pour ce que l'on appelle le soutien aux parents adoptifs. Ils sont offerts parce que certains des enfants ayant le plus besoin de foyers et familles permanents présentent de lourds besoins spéciaux, comme l'autre député l'a évoqué, notamment du fait du syndrome d'alcoolisme foetal. Mais sans services spécialisés, certaines familles n'ont pas les moyens financiers d'adopter.
    Ces provinces ne voulaient pas que l'argent soit un obstacle à l'adoption des enfants les plus nécessiteux, et elles ont donc mis en place une série de services offerts aux parents hors réserve pour le soin des enfants après l'adoption. Ces services ne sont souvent pas disponibles dans les réserves du fait de la non-exécution du principe de Jordan. Les provinces considèrent ces services comme une responsabilité fédérale, et le gouvernement fédéral se décharge sur les provinces. Malheureusement, ce sont les enfants et leurs familles qui sont régulièrement les perdants.
    Je pense que ce serait merveilleux si le principe de Jordan était pleinement appliqué. Après tout, il s'agit simplement d'assurer que la race ne soit pas un facteur dans la prestation des services publics. C'est quelque chose qui pourrait être fait et qui ferait une grosse différence.
    Merci beaucoup.
    Il vous reste encore une minute.
    Merci.
    Vous avez parlé du respect des droits culturels et linguistiques par rapport aux adoptions internationales. Vous avez mentionné la population indigène de la Chine et de l'Inde.
    Pourriez-vous nous dire un peu plus ce que le Canada devrait faire à cet égard et ce qui manque?
    Eh bien, le gouvernement fédéral, bien entendu, par le biais de la politique d'immigration et d'autres facteurs, joue un rôle de premier plan en matière d'adoption internationale. J'aimerais que le gouvernement fédéral rende obligatoire que, si un enfant étranger est autochtone, son groupe d'origine soit documenté et que les parents adoptifs soient tenus de familiariser cet enfant avec son identité indigène et, chaque fois que possible, de nourrir cette relation par la suite. À l'heure actuelle, ces enfants sont simplement considérés comme Chinois, par exemple, par opposition à indigènes.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Komarnicki, vous disposez de trois minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Un certain nombre de témoins nous ont dit que les parents adoptifs et les enfants sont confrontés au chagrin, au traumatisme, à la perte de culture et d'identité. J'ai été frappé par le fait que certains enfants sont adoptés à la sortie de l'hôpital, en quelque sorte, certains à un âge plus avancé, certains à l'intérieur du pays et d'autres à l'étranger. Il semble que certains aient besoin de plus de soutien que d'autres, juste du fait de la nature des circonstances.
    Ils ont mentionné également que des enfants sont en attente d'adoption et que des parents attendent d'adopter, mais que les deux groupes ne se rencontrent jamais. J'ai été frappé par le fait qu'il n'existe pas de moyen de les mettre en rapport. Je crois savoir que 30 000 enfants qui pourraient adoptés ne le sont pas, et que l'on va chercher des enfants pour adoption à l'étranger — et donc cela ne se fait pas.
    Vous dites que les enfants autochtones sont surreprésentés. Existe-t-il un système pour identifier des parents d'accueil et adoptifs potentiels dans le cadre de l'adoption coutumière autochtone, si on veut l'appeler ainsi? A-t-on les moyens de savoir qui ils sont afin de mettre en rapport les deux, pour commencer. Ils auront manifestement besoin de soutiens, mais à la base, possède-t-on ce genre d'information dans les provinces?

  (0930)  

    La réponse brève est non. Certaines collectivités individuelles font un bon travail de recensement.
    Je pense qu'il est réellement important de mettre de nouveau en lumière Yellowhead Tribal Services. Lorsque les services non autochtones s'occupaient des adoptions, on disait qu'il n'y avait pas de parents autochtones disponibles. Mais lorsque Yellowhead Tribal Services a pris les choses en main et assuré l'accompagnement, le soutien et l'étude du milieu familial sans compromettre la qualité, ils ont constaté que beaucoup de familles de la collectivité étaient prêtes à accueillir des enfants. C'est pourquoi il y a eu tant d'adoptions réussies.
    Il n'y a donc pas que le recensement, il faut un accompagnement convivial, tel que les gens se reconnaissent un rôle pour aider les enfants au sein d'un foyer d'adoption, étant donné les stigmates laissés, très franchement, par la « rafle des années 1960 ». Il faut donc offrir une alternative dans laquelle les gens se reconnaissent.
    Je comprends.
    Pour en revenir au recensement, comment pouvez-vous déterminer réellement qui est disponible? Deuxièmement — et je vous pose la question à tous deux — si vous aviez cette information, quelle est la proportion d'enfants disponibles pour adoption comparée aux parents potentiels dans une situation d'adoption coutumière?
    Si nous fournissons les soutiens voulus, nous pouvons faire en sorte que pratiquement chaque enfant trouve une place dans un foyer autochtone. Si nous n'avons pas les soutiens voulus, je ne sais pas quelle serait cette proportion.
    Comment faire ce recensement? Il faudrait créer une base nationale de données sur les enfants autochtones à problème. Je ne peux même pas vous dire exactement combien d'enfants autochtones sont entre les mains des services de protection de l'enfance dans ce pays. Nous pourrions facilement créer une base de données nationale qui repérerait les enfants et les familles disponibles, comme vous le préconisez, de façon à saisir toutes les occasions d'offrir à ces gamins des soins de bonne qualité. Le Canadas n'a pas fait cela jusqu'à présent. Il en existe des exemples aux États-Unis qui montrent les possibilités, au moyen de différents systèmes de bases de données.
    Merci beaucoup. Vous avez certainement confirmé ce que nous avons déjà entendu de toutes parts — à savoir qu'il n'y a pas de système d'information à l'échelle du pays, ni pour les Autochtones ni pour les non-Autochtones.
    La parole est à Mme Beaudin. pour trois minutes, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci à vous d'être ici, aujourd'hui.
    C'est un honneur de vous entendre et de voir à quel point vous connaissez très bien votre dossier.
    J'ai d'abord une question en vue d'améliorer ma compréhension du sujet.
    Vous avez parlé, entre autres, des causes qui font en sorte que les enfants autochtones doivent être adoptés. Par exemple, cela peut être la condition du logement, l'alcoolisme et la négligence.
    Sauf erreur, si nous agissions sur ces causes, nous diminuerions le nombre d'enfants autochtones qui doivent être adoptés?

[Traduction]

    Toutes les recherches montrent que tel serait le cas. Nous ne verrions pas un renversement à court terme, mais à plus long terme nous pourrions nous attendre à voirle nombre d'enfants autochtones placés refléter le pourcentage des enfants dans la population si nous avions un système de protection de l'enfance robuste.
    Par exemple, en Alberta, 9 p. 100 des enfants sont Autochtones, et nous devrions donc voir 9 p. 100 d'Autochtones dans la population d'enfants en placement. Hors, à l'heure actuelle, 64 p. 100 des enfants placés en foyer nourricier sont Autochtones dans cette province, et la même situation existe dans les autres régions du pays.
    Toutes les recherches — les meilleures indications — disent que si l'on s'attaque à ces facteurs, nous pourrons offrir les conditions optimales pour la sécurité des enfants.

[Français]

    Je suppose qu'il faut intervenir lorsque les enfants sont le plus jeunes possible. Vous n'avez pas à me convaincre du fait qu'il s'agit d'une collectivité où les enfants peuvent se sentir bien. Quand tout le monde se sent concerné dans une collectivité face à ses enfants, cela les aide.
    Cependant, je comprends également que vous avez développé une pratique exemplaire, un programme qui a fait ses preuves. Je suppose que ce programme, associé à des centres d'amitié, avec les conditions gagnantes réunies, pourrait permettre d'aider les enfants. Ce programme a été subventionné, c'est une pratique exemplaire. S'il était mis en oeuvre également ailleurs, on pourrait donc aider les enfants autochtones.

  (0935)  

[Traduction]

    Oui, j'en suis persuadée. Il n'y a pas que Yellowhead Tribal Services. Mi'kmaq Family and Children's Services en Nouvelle-Écosse est un autre programme exemplaire. Nous voyons que lorsque les Premières nations contrôlent leurs propres services d'adoption, les résultats pour les enfants sont meilleurs. Cela est confirmé par beaucoup de recherches effectuées à l'université Harvard, à l'université de Colombie-Britannique et à l'université de Victoria. Donnez les moyens aux collectivités et elles vont s'occuper de leurs enfants.
    Merci beaucoup.
    Madame Wong, vous avez des questions.
    Merci, madame la présidente, et merci beaucoup aux témoins de leur présence.
    Je m'intéresse particulièrement à l'adoption internationale. Nous savons tous que ce processus fait intervenir également l'immigration. Ce n'est pas aussi simple qu'une adoption canadienne.
    Dites-vous que le patrimoine linguistique et culturel des enfants autochtones devrait être maintenu dans la famille, que ces enfants devraient être adoptés par des Chinois d'origine autochtone, ou bien dites-vous que... J'aimerais juste que vous précisiez comment cela pourrait se faire.
    Je pense qu'il est important que l'enfant sache qui il ou elle est. C'est là son patrimoine. C'est de là qu'ils viennent. Comme vous le savez, madame, il y a une grande diversité au sein de chaque groupe culturel, et cela fait la richesse de la population de notre pays. Si cet enfant est un Autochtone d'une autre partie du monde, il a le droit de le savoir. S'agissant du placement, au moins cela peut être considéré comme un facteur dans le foyer adoptif. Les familles adoptives ont alors plus de renseignements pour pouvoir nourrir le patrimoine culturel de cet enfant.
    Des experts comme la Dre Jeannine Carrière nous apprennent que l'une des clés de réussite de l'adoption au Canada est que ces enfants sachent d'où ils viennent et aient la possibilité d'établir des liens. Ce sont là des Autochtones adoptés dans des foyers soit non autochtones soit autochtones. Ce peut être un peu plus difficile en milieu international, mais ils ont néanmoins le droit de savoir qui ils sont.
    Dites-vous que les parents qui aimeraient adopter ces enfants devraient être tenus par la loi de faire cela ou qu'on devrait les y encourager? J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet.
    Les normes internationales dans la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones disent que les enfants ont le droit à leur culture ancestrale. Je pense que les parents adoptifs, tout comme les pays, ont l'obligation de faire en sorte que les enfants sachent qui ils sont et, par le biais de cette connaissance, d'avoir l'occasion d'établir des contacts avec des membres de leur groupe et ainsi de mieux comprendre qui ils sont.
    Vous ne dites pas que les enfants autochtones devraient être adoptés par des parents autochtones, que les enfants autochtones venant de l'étranger devraient être adoptés uniquement par des parents d'origine autochtone?
    Je ne dis pas que ce devrait être le cas exclusivement, mais je me demande s'il ne vaudrait pas mieux en savoir autant que possible sur l'enfant afin de trouver la meilleure famille adoptive? Si vous savez que l'enfant est Autochtone, et si vous avez deux familles — l'une qui provient de ce groupe culturel ou d'un autre apparenté au groupe culturel de l'enfant, et une qui n'est pas dans cette situation — n'est-il pas logique de tenir compte au moins de ce facteur? Je ne dis pas qu'il faut exclure les autres familles, mais je dis que plus d'information vaut toujours mieux, et pour l'enfant et pour le parent adoptif, et certainement aussi pour les parents naturels.
    Merci beaucoup.
    Madame Minna, vous avez une question.
    Oui, très rapidement, pour madame Blackstock.
    J'ai été particulièrement intéressée plus tôt lorsque vous avez parlé de cette organisation au Manitoba, Yellowhead. J'ai été particulièrement frappée lorsque vous avez mentionné tous les âges. L'une des choses abordée ici — l'on nous a dit que les enfants plus âgés sont difficiles à placer, et il en existe un très grand nombre dans le pays. Après un certain âge, on dit qu'ils sont trop vieux et ils ne... Mais vous avez dit que ce programme marche avec tous les groupes d'âge.
    Pourriez-vous m'expliquer comment cela fonctionne dans le cas des enfants plus âgés? C'est l'un des aspects dont nous avons discuté, et il semble poser un problème ailleurs.
    L'ingrédient crucial dans leur cas est que l'agence fournit ce soutien holistique. L'enfant est réellement adopté par la communauté toute entière.
    J'ai assisté à l'une des cérémonies d'adoption, madame. Il y avait là six enfants. Un seul était un bébé. Les autres avaient entre six et 16 ans, et certains avaient des besoins spéciaux.
    La famille biologique, la famille naturelle étendue, l'enfant, la famille adoptive et la famille adoptive étendue, tous ont bénéficié de services de soutien avant l'adoption. C'est donc comme si tout le monde était pris en charge et appuyé pendant tout le processus.
    La cérémonie d'adoption elle-même se passe devant toute la population réunie. Ce n'est pas un secret. C'est une fête. L'enfant est honoré parce qu'il donne aux adultes la possibilité d'avoir une famille étendue en expansion. C'est comme si deux familles s'alliaient par mariage. Et l'enfant est honoré parce qu'il rend cela possible. L'enfant apporte de plus grands soutiens aux adultes de la collectivité. C'est cela qui est merveilleux dans ce modèle. Et je crois que c'est pour cela qu'il marche si bien.

  (0940)  

    Merci beaucoup.
    Merci.
    Vous avez brossé là un très joli tableau. Nous avons entendu quelques témoignages de jeunes enfants, en fait, qui se voient parfois intimidés ou à qui l'on fait honte parce qu'ils sont adoptés. Il est donc très agréable d'avoir connaissance de ce processus où l'on honore les enfants. Je vous en remercie.
    Je tiens à vous remercier tous deux encore une fois d'être venus nous rencontrer.
    Je vais suspendre la séance pendant trois minutes le temps que les témoins suivants prennent place. Merci encore.

    


    

    La présidente: Nous reprenons la séance. Nous n'avons que 45 minutes, car nous avons aussi des travaux du comité à expédier. Je demande aux témoins et aux membres de prendre leur place et nous allons commencer.
    Nous sommes heureux de recevoir aujourd'hui quelques témoins qui vont partager avec nous leur expérience personnelle de l'adoption d'enfants autochtones. Nous retrouvons Laura Eggertson. Mme Eggertson a déjà comparu ici. Elle est là aujourd'hui comme représentante du Conseil d'adoption du Canada mais aussi pour nous faire part de son expérience personnelle de l'adoption d'enfants.
    Nous sommes très heureux de vous recevoir.
    Nous avons également Joy et Dan Loney, ainsi que Jennifer Lewis.
    Encore une fois, mesdames et monsieur, veuillez garder l'oeil sur moi qui surveille le temps. Le temps nous est vraiment compté. Je n'aime pas vous interrompre, mais nous respectons tous certaines règles. J'aimerais que vous ne dépassiez pas cinq à sept minutes. Je vous ferai savoir lorsqu'il vous restera environ deux minutes. Vous saurez alors que vous devez réellement conclure.
    Laura, voulez-vous commencer avec votre histoire? Merci.

  (0945)  

    Merci beaucoup, madame la présidente, de votre nouvelle invitation.
    Je vais parler de mon expérience, moi qui ne suis pas Autochtone, de l'adoption de deux enfants autochtones.
    Tout d'abord, je tiens à dire ma fierté d'être la mère de deux jeunes femmes ojibway. J'ai adopté ma première fille, Miranda, lorsqu'elle avait huit ans. À l'époque, elle était en foyer d'accueil non autochtone à Kenora. J'ai vu sa photo dans Canada's Waiting Children, qui est un répertoire national de photos géré par le Conseil d'adoption du Canada. Elle a été la première personne adoptée par le biais de cette liste, bien que je ne le savais pas à l'époque.
    Je suis adoptée moi-même, et j'ai donc toujours envisagé l'adoption comme un moyen de construire une famille. En ma capacité de journaliste, j'avais couvert beaucoup de sujets autochtones et visité de nombreuses collectivités des Premières nations, où j'ai vécu des expériences très positives. J'étais résolue à adopter un enfant autochtone et à promouvoir la culture et le patrimoine de cet enfant. Mes enfants savent qui ils sont et j'en suis fière.
    Ma maison a toujours été remplie d'oeuvres d'art et de livres autochtones et je nouais des contacts avec les collectivités autochtones chaque fois que possible, là où je vivais. Ici, à Ottawa, j'ai reçu un grand soutien de la part du Wabano Centre for Aboriginal Health. Lorsque j'ai adopté, la travailleuse sociale de Miranda à Kenora m'a dit que sa bande avait été informée qu'elle était une pupille de l'État offerte en adoption. Sa communauté avait ainsi l'occasion de dresser un plan pour elle, mais n'y est pas parvenue. Aujourd'hui, en tant que parent non autochtone, je ne serais probablement pas autorisée à adopter Miranda.
    Le climat politique entourant l'adoption d'enfants autochtones par des parents non autochtones est difficile. Vous en avez déjà eu quelques échos aujourd'hui. Je peux vous dire que le fait d'être assise là m'a mis très mal à l'aise. Quelques sous-entendus planaient, soit que comme non-Autochtone je suis un parent inférieur pour mes enfants autochtones. Je dois dire que cela me met mal à l'aise car je ne crois pas que ce soit vrai. Ce n'est pas idéal, mais je ne pense pas que nous devrions fonder des familles sur la base de la race, perçue comme barrière, pas plus qu'il ne faudrait les fonder sur une base raciale.
    Sachez également que j'ai ramené Miranda dans sa communauté d'origine à l'âge de 16 ans et qu'elle a depuis renoué contact avec sa famille naturelle. J'espère que si vous invitez des témoins jeunes, elle aura l'occasion de vous en parler. Je pense qu'elle avait besoin de renouer ce contact, même si cela n'a pas été une expérience facile pour personne.
    Cinq ans après avoir adopté Miranda, j'ai adopté ma deuxième fille, qui appartenait à la Première nation Aamjiwnaang, également connue comme les Chippewas de Sarnia. Cette procédure d'adoption a été sensiblement différente et j'ai rencontré à l'époque des représentants de sa bande. Sans vouloir approuver par écrit l'adoption par une famille non autochtone, ils ne s'y sont pas opposés. Dans la pratique, ils ont donné leur consentement tacite, sans le mettre par écrit.
    La position du Conseil d'adoption du Canada est que, tout d'abord, le gouvernement fédéral devrait, ainsi que Cindy Blackstock l'a dit, financer les agences de protection de l'enfance autochtones au moins aussi bien que les agences provinciales afin qu'elles puissent appuyer les familles et éventuellement empêcher que des enfants autochtones — comme on le souhaite à tous les autres enfants — doivent être placés en garde. Cependant, une fois que les enfants autochtones sont placés en garde, il faut faire plus pour recruter des familles adoptives autochtones. Nous pensons également qu'il faut donner la priorité à la recherche de familles aimantes, qualifiées, permanentes, quelle que soit leur race. Les familles non autochtones devraient être encouragées et aidées à établir des plans culturels en vue de nourrir la culture de leurs enfants. Quantité de parents adoptifs merveilleux sont Autochtones et quantité de merveilleux parents adoptifs ne le sont pas, et ils élèvent des enfants autochtones.
    Il y a quelques années, la merveilleuse Joan Glode, des Mi'kmaq Children and Family Services en Nouvelle-Écosse, a raconté à un groupe de parents adoptifs, dont j'étais, que lorsqu'elle travaillait avec la Nouvelle-Écosse à un projet de loi portant sur l'adoption, l'on y a défini une famille autochtone comme comptant un ou plusieurs membres autochtones. Cela m'a mis les larmes aux yeux et c'est ainsi que je décris aujourd'hui ma famille. Nous sommes devenus une famille autochtone lorsque j'ai adopté mes enfants. Dans certaines régions de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, les Premières nations reconnaissent ce principe d'inclusion. Elles ont en fait adopté des parents non autochtones, les accueillant par une cérémonie de la couverture. Je crois que l'une de ces agences, dont on vous a parlé aujourd'hui, est Yellowhead. C'est là l'approche que j'aimerais voir les particuliers, les collectivités et les autorités fédérales et provinciales et leurs agences adopter à travers le pays. Au lieu d'exclure, incluons.
    Merci.

  (0950)  

    Merci beaucoup.
    Il vous restait en fait un peu de temps, et je vous remercie. Nous allons le partager avec les autres autour de la table.
    Je donne maintenant la parole à M. et Mme Loney.
    Merci de nous donner cette occasion de parler.
    Ce matin, lorsque nous nous sommes tous réveillés, 30 000 enfants se sont réveillés aussi sans famille à eux. Pourquoi cela me perturbe-t-il, et pourquoi cela devrait-il vous perturber? Parce que ce sont là des enfants canadiens. En tant que mère de 14 enfants, cela m'attriste de savoir qu'un seul enfant dans ce pays étonnant puisse ne pas avoir sa famille à lui.
    Je me nomme Joy Loney, et mon mari Dan et moi avons 14 enfants. Il y a 12 ans, nous avons ouvert notre foyer pour devenir des parents d'accueil. Nous ignorions alors l'impact que cela aurait sur nos vies. Au cours des six prochaines années, notre famille s'est accrue de six enfants, dont nous avons eu le privilège d'adopter quatre. Trois d'entre eux sont des enfants autochtones inscrits.
    De toutes les familles sondées au Canada, 43 p. 100 disent qu'elles envisageraient d'adopter un enfant. Cela signifie qu'il existe un foyer pour chaque enfant qui attend d'être adopté ici même, au Canada, aujourd'hui. Il existe plus qu'un nombre suffisant de foyers attendant d'adopter des enfants, mais de nombreux obstacles se dressent sur le chemin de ces adoptions potentielles. Les statistiques américaines montrent que 51 p. 100 des enfants qui restent sans être adoptés et qui sortent du système d'accueil finissent chômeurs, 30 p. 100 reçoivent l'assistance publique et 25 p. 100 sont sans domicile. Tout porte à croire que les résultats au Canada sont similaires. Le fait de ne pas placer ces enfants dans des foyers qui vont les soutenir, qui vont les aider à éviter ces résultats comporte un coût évident pour notre société.
    En tant que mère, je vous apporte la passion d'un coeur maternel pour tous ces enfants qui attendent d'être adoptés au Canada. Nous avons besoin que le gouvernement fédéral contribue aux solutions à cette crise nationale.
    Mon mari, Dan, va maintenant parler de la manière dont cette crise nationale peut être résolue et de ce qu'il faut faire au niveau fédéral.
    Comment résoudre cette crise? Nous pensons que la seule façon est d'écarter les goulots d'étranglement dans la procédure d'adoption et de s'attaquer à la peur, à la frustration et aux contraintes financières qui entourent l'adoption.
    La peur peut être éradiquée par des programmes fédéraux offrant un soutien aux familles adoptives, en les familiarisant avec toutes les difficultés qu'elles vont rencontrer, depuis les problèmes de trouble de l'attachement jusqu'au syndrome d'alcoolisme foetal et les difficultés d'apprentissage. Nous recommandons que le gouvernement fédéral crée un centre de ressources basé sur l'Internet pour répondre aux questions et renseigner sur toutes les épreuves que les parents adoptifs vont rencontrer. Nous suggérons des séminaires en ligne pour assurer une éducation continue et aider les familles adoptives à résoudre les problèmes bien avant qu'ils surviennent au cours du développement de l'enfant adopté. Cette ressource pourrait comprendre aussi des blogues interactifs dans lesquels les parents adoptifs pourraient former des groupes de soutien en ligne à l'intention de toutes les familles adoptives. Le but de ces initiatives serait de lever les craintes que de nombreuses familles éprouvent devant la perspective d'adopter des enfants canadiens.
    Les lourdeurs bureaucratiques, source de frustration, doivent être minimisées de façon à accélérer la procédure d'adoption et réduire le délai actuel qui est de un à trois ans. Notre propre adoption de nos quatre enfants a pris plus de quatre ans et le processus a été émotivement éprouvant du fait de la longue incertitude et de la crainte que l'adoption soit refusée. Pouvez-vous imaginer être enceinte pendant quatre ans et devoir gérer les montagnes russes émotionnelles de l'attente que l'arrivée de votre enfant dans la famille devienne réalité?
    Nous avons besoin d'une base de données centrale de tous les enfants admissibles à l'adoption au Canada au niveau fédéral, afin de pouvoir suivre les statistiques et les progrès en matière d'adoption. À ce stade, il n'existe pas de point central au niveau fédéral qui suive les enfants canadiens en foyer d'accueil et disponibles pour adoption. C'est pourquoi nous ne savons jamais réellement combien d'enfants au total sont dans le système. Au niveau provincial, les enfants se perdent dans le système en changeant de province, et les provinces ne communiquent pas entre elles pour suivre la trace des enfants exposés à risque. Nous trouvons cela très alarmant.
    Les finances tendent à être un énorme souci pour les familles intéressées par l'adoption. On croit souvent, à tort, qu'adopter des enfants au Canada peut être très cher et coûter entre 10 000 $ et 30 000 $, comme dans le cas des adoptions étrangères. D'autres craintes sont que les parents ne pourront pas soutenir financièrement les frais occasionnés par les enfants adoptés au long de leur vie.
    Nous recommandons que le gouvernement fédéral envisage d'offrir des crédits d'impôt pour la nourriture, les vêtements et les frais de transport de façon à compenser les frais accrus encourus par les familles adoptives.
    Le logement tend à être le plus gros coût et la plus grande préoccupation des familles, et nous demandons à ce comité d'envisager un prêt hypothécaire de la Banque du Canada au taux directeur pendant la vie d'un enfant jusqu'à l'âge de 21 ans, afin de réduire les coûts de logement d'une famille en expansion.
    De nombreuses familles s'inquiètent grandement du financement de l'éducation postsecondaire, une inquiétude qu'amoindrirait une bourse pour les enfants adoptés. Ce soutien de l'État serait un gros encouragement pour les familles à adopter des enfants, en contribuant à minimiser leurs soucis financiers.

  (0955)  

    Pourquoi cette question suscite-t-elle autant de passion chez moi? Trois de nos enfants adoptés sont des Autochtones canadiens enregistrés et ces gamins sont tout pour nous. Cela nous fait penser à tous les autres enfants, tout comme eux, qui se voient refuser des familles adoptives à cause de leur statut d'Autochtone. Quelle tristesse. C'est véritablement scandaleux.
    En 2007, les enfants autochtones placés en foyer nourricier étaient trois fois plus nombreux qu'il n'y en avait dans les écoles résidentielles à leur apogée.
    Notre nation ne peut se permettre de perdre encore une autre génération d'enfants autochtones. Nos trois propres enfants autochtones sont en passe d'entamer leur vie adulte en bonne santé physique et psychique, munis de diplômes d'études secondaires et de la possibilité de réaliser leurs rêves en suivant des études supérieures. Nous considérons que nos enfants adoptés ont de la chance. Ils grandissent aimés et en sécurité. Ils sont prêts à s'attaquer à la vie et à se frayer leur propre chemin vers la réussite. C'est l'espoir que nous nourrissons pour chaque enfant en attente d'adoption.
    Chaque enfant au Canada va grandir un jour et devenir soit un contribuable soit un fardeau fiscal. Aujourd'hui, nous avons l'occasion d'apporter des changements qui vont donner à chaque enfant le soutien dont il ou elle a besoin pour devenir un contribuable qui contribue à cette étonnante vie canadienne, au lieu d'être un fardeau fiscal.
    Aujourd'hui, chaque enfant canadien mérite des parents dans leur coin, pour les applaudir et les encourager et croire en eux. Ne laissons pas perdurer ce scandale de 30 000 enfants délaissés. C'est véritablement un problème canadien qui doit être résolu immédiatement. Les enfants dépendent de nous. Notre nation dépend de vous et attend que vous nous aidiez à trouver quelques solutions.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous passons à Mme Lewis, je vous prie.
    Je me nomme Jennifer Lewis et je suis réellement reconnaissante de l'invitation à comparaître aujourd'hui pour vous faire part de l'histoire de ma famille.
    Je suis mariée et mère de quatre enfants, dont trois naturels et un adopté. Mon mari et moi avons toujours souhaité adopter un enfant; notre idée était, à un moment donné de notre vie conjugale, d'ajouter une petite fille chinoise à notre famille. Après la naissance de trois enfants naturels et une attente d'une adoption internationale de presque quatre ans, nous avons pesé la possibilité et considéré l'âge de nos enfants, notre souhait étant d'éviter un trop grand écart d'âge.
    Nous avons alors entendu parler d'un jeune garçon dont la situation nous a touchés. Sa mère était une jeune célibataire qui n'était pas tout à fait prête à jouer son rôle de mère. Faire la fête lui souriait bien plus que de s'occuper de son enfant en permanence. Son fils avait presque deux ans et il était sérieusement négligé.
    La Société d'aide à l'enfance avait reçu plusieurs appels à son sujet, mais estimait qu'il n'était pas en danger, que sa situation n'était simplement pas idéale. Elle avait trop de cas à traiter pour se pencher sur celui d'un enfant négligé, car elle devait se concentrer sur les cas extrêmes.
    La mère savait que son enfant était en détresse et elle a pris la décision de rompre le cycle de négligence et de mauvais traitements qui marquait alors sa vie. Elle a lancé un appel à l'aide, demandé si quelqu'un était prêt à le prendre avant qu'elle lui fasse du mal. Elle est l'une de mes héroïnes.
    Nous avons dit oui. Mais nous étions naïfs. Nous n'étions pas qualifiés, mais nos coeurs étaient grand ouverts. C'était un enfant magnifique, mais plein de rage, profondément blessé et totalement incapable de faire confiance à quiconque. Il n'avait pas encore deux ans et il faisait son lit, se coupait les ongles tout seul, il lavait lui-même la vaisselle qu'il avait utilisée, non pas parce qu'il était intelligent — et il l'était — mais parce qu'on l'y obligeait.
    Nous nous sommes lancés dans cette démarche sans hésiter. Nous n'avions aucune idée de ce qui nous attendait, au plan juridique, mental, affectif ou matériel. La mère nous a choisis; elle savait que son enfant était en danger et voulait qu'il fasse partie de notre famille. Nous avons cherché un avocat — c'est pour dire à quel point nous étions mal renseignés. Notre recherche nous a menés à une agence d'adoption privée où ils nous ont dit, après avoir pris connaissance de la situation de l'enfant et de la nôtre, qu'ils pourraient nous aider rapidement en accélérant le processus et les séances d'évaluation familiales.
    Deux semaines après le premier coup de téléphone, c'est-à-dire l'appel à l'aide, nous rencontrions le travailleur social et assistions à la dissection de notre famille, de notre mariage, de nos enfants et de nos antécédents. Nous avons passé quatre mois sous un microscope. On a mis en question nos motifs, notre communication, notre mariage et les rapports avec nos enfants. Nous sortions habituellement de ces rencontres vidés et complètement à nu, sachant, pendant tout ce temps, que l'enfant était dans la même situation difficile, qu'il était toujours aussi délaissé. Parfois l'inquiétude m'empêchait de dormir. Il était l'un de mes bébés. Je le savais avant même de l'avoir tenu dans mes bras.
    Nous n'étions pas les seuls à vivre le stress de la transition. Sa mère naturelle, qui avait déjà décidé de le donner en adoption, voulait juste en finir car ces adieux prolongés étaient de plus en plus pénibles pour elle. Vers la fin, elle n'a plus été capable d'attendre et a renoncé à ses droits avant même qu'on nous autorise à emmener l'enfant chez nous en toute légalité.
    Il a fallu réagir en urgence et trouver des personnes pour le prendre en charge toutes les nuits pendant deux semaines, jusqu'à ce que nous obtenions l'approbation nécessaire. Nous ne savions pas quand ce serait le cas. Des amis nous ont offert des pièces libres afin que l'enfant puisse passer la journée avec nous et dormir ailleurs que dans notre maison afin de ne pas compromettre le processus d'adoption. C'était très éprouvant pour nous tous. Mais une fois ces lits trouvés, sa mère naturelle a choisi la journée de la transition, un jour que je n'oublierai jamais.
    Personne n'arrivera à me convaincre que les enfants ressentent moins les choses que les adultes. Parfois, ils sont même plus conscients de ce qui se passe. Je sais que cela était vrai de notre petit garçon. Il savait qu'elle le quittait pour toujours et il a réagi en conséquence. Je n'ai jamais entendu un cri comme celui qui est sorti de ce petit corps ce jour-là — jamais avant, et jamais depuis. Il a tremblé et pleuré à gros sanglots, pleinement conscient de cette perte, et une partie de son coeur s'est brisée. C'est l'impression qu'il donnait, et six ans plus tard, nous devons encore composer avec cette situation de temps à autre: un coeur brisé plus enclin à repousser l'amour plutôt qu'à le recevoir, et à mettre les autres à l'épreuve plutôt qu'à leur faire confiance.
    Une fois nos droits parentaux établis, deux semaines après le « jour du départ », nous avons cru qu'il pourrait s'intégrer doucement dans notre famille. Pendant un an nous avons pensé cela tous les jours, et tous les jours, par ses gestes, il nous suppliait de le rejeter.
    On l'avait arraché au seul vécu qu'il avait jamais connu et il voulait nous le faire payer. Quand nous l'embrassions, il mordait; si nous le félicitions, il explosait. Il se tapait la tête contre les murs et se jetait en bas des marches. Il se roulait par terre d'un bout à l'autre de la pièce en hurlant pendant des heures et des heures, et parfois pendant tout le temps où il était éveillé.

  (1000)  

    Nous l'aimions, nous pleurions, nous despérions et nous nous sommes cramponnés avec encore plus de ténacité. On nous a dit qu'il souffrait d'un trouble de l'attachement, mais ce n'était pas nécessaire puisque nous le vivions. En me rappelant combien j'avais été proche de mes enfants biologiques, je me suis souvenue du temps passé à les tenir dans mes bras lorsqu'ils étaient bébés, à les bercer et à les border. Alors, nous l'emmaillotions et le prenions dans nos bras. Et il hurlait. Et nous le gardions dans nos bras encore plus longtemps.
    Le stress était intolérable. La barre pour l'adoption avait été mise si haut que nous avions l'impression d'avoir tout juste reçu l'approbation nécessaire pour être parents. Nous avions l'impression de faillir. Nos enfants étaient stressés. Ils avaient tous attendu avec impatience l'arrivée d'un petit frère, mais il les avait rejetés tour à tour. En tant que famille, nous avons décidé de dresser la liste de toutes ses qualités afin de pouvoir les crier au milieu de ses crises. Il avait un rire incroyable. Il gloussait. Il adorait aider. Il nous faisait rire. Quand il s'éloignait de nous, ces choses nous aidaient à tenir bon.
    Six ans plus tard, car c'est là une histoire d'espoir et d'amour, ce petit bonhomme adore toujours rire et nous faire rire. Il a fait beaucoup de chemin.
    Notre première année dans le rôle de parents adoptifs a été remplie de stress, d'amour, de larmes, de victoires, de tragédies et de triomphes, elle a exigé notre attention sans partage, et tout notre temps. Nous avions besoin de cette période de transition pour créer un sentiment d'appartenance chez ce petit garçon qui avait tant souffert. Nous en avions besoin pour devenir une famille. Pendant cette période, nous avons été confrontés à des choses auxquelles rien ne nous avait préparé, et nous en sommes sortis plus forts que nous aurions pu imaginer.
    Les enfants ont besoin de toute l'aide que nous pouvons leur apporter et les parents qui, d'un mouvement du coeur, décident de prendre un enfant avec eux doivent être en mesure de lui donner toute l'attention voulue. Nous formons une famille complète, non pas parfaite, mais unie, et nous n'aurions pas pu arriver à ce résultat sans y consacrer le temps et les efforts nécessaires. C'est un investissement qui en vaut la peine.
    Je crois que la force d'un pays repose sur celle de ses familles, et son avenir sur la santé et le bien-être de ses enfants. Je suis persuadée qu'en gardant cela à l'esprit, le gouvernement peut faciliter cette période de transition pour les parents adoptifs et leurs enfants en éliminant certains facteurs de stress nuisibles aux plans financier et social.
    Je suis bien consciente des difficultés de légiférer sur une question qui relève principalement des provinces. Je suis néanmoins persuadée qu'au Canada nous pouvons tomber d'accord sur une décision en faveur des enfants sans être entravés par les questions de compétence fédérale-provinciale — un congé transitionnel pour les parents et un effort à l'échelle nationale en vue d'unifier les stratégies d'adoption, qui diffèrent grandement d'une province à l'autre — car c'est un beau voyage que celui qui mène de la fracture à la guérison, et nous devrions tous l'entreprendre et le faciliter.
    Merci.

  (1005)  

    Merci beaucoup.
    Je tiens à vous remercier tous de nous avoir fait part de vos histoires. Ce sont des émotions très intenses que vous avez vécues, et que nous vivons en vous écoutant, mais ce sont des histoires d'espoir et je pense qu'il est important que nous les entendions, aussi éprouvantes soient-elles. Nous n'avons pas l'habitude de nous laisser aller à ces émotions ici, et je pense que c'est bon pour nous tous. Merci.
    Nous aurons quelques questions pour vous. Je crois que nous allons commencer par un tour de cinq minutes, durée qui comprend et les questions et les réponses.
    Nous allons commencer avec M. Savage, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Nous ne sommes pas physiquement dans les édifices du Parlement, mais nous sommes au Parlement et une bonne partie de ce que nous faisons semble déconnecté de ce qui se passe réellement à l'extérieur. Lorsque nous écoutons des gens comme vous, qui expliquez comment vous avez été touchés et comment vos familles se sont formées, c'est très touchant pour nous tous.
    Pendant que vous parliez, madame Lewis, j'ai vu d'autres membres du panel écouter et, je crois, refouler des larmes en songeant à leur propre vécu. Je vois des gens dans notre auditoire aujourd'hui, et même des membres de ce comité, qui connaissent ce que vous évoquiez. Pour ceux d'entre nous qui, comme moi, ont deux enfants, il est difficile d'imaginer ce que c'est que d'en avoir quatre, et moins encore 14.
    Il semble qu'il existe une liste de 30 000 enfants en attente d'adoption. Pouvez-vous les prendre tous?
    Elle le fera.
    Des voix: Oh, oh!
    Je soupçonne que vous en prendriez autant que vous le pourriez.
    Vous avez 14 enfants. Vous avez mentionné que trois sont des Autochtones. Combien sur les 14 sont adoptés?
    Quatre.
    Quatre, au total, sont adoptés?
    Oui.
    Vous avez 10 enfants, plus quatre adoptés?
    Non, nous y englobons cinq enfants en placement familial permanent.
    Cinq enfants en placement familial permanent.
    L'un est émancipé.
    D'accord. Quatorze, c'est toute une famille. Comment va se passer Noël chez vous?
    Ce sera animé.
    Comme le dit un ami, Noël c'est comme chez Walmart.
    J'imagine que vous connaissez tous des moments merveilleux à Noël et lors d'autres fêtes. Il est étonnant d'entendre combien un coeur peut s'ouvrir et combien il peut embrasser. C'est une inspiration pour nous tous.
    Madame Lewis, quelles difficultés traversent ceux qui adoptent? Qu'est ce qui les pousse à adopter? Vous nous l'avez dit. Je pense que cela représente un important volet de notre étude. À la toute fin, vous avez recommandé que « le gouvernement facilite cette période de transition pour les parents adoptifs et leurs enfants en éliminant certains facteurs de stress nuisibles aux plans financier et social ». Les Loneys ont mentionné des centres de ressources sur Internet, l'accélération de la procédure d'adoption, une base de données centrale, des crédits d'impôt relatifs aux frais, les coûts hypothécaires, des bourses, ce genre de choses. D'autres personnes nous ont dit que nous manquons de données nationales qui seraient susceptibles de faciliter l'adoption. On nous a dit et répété qu'il est même plus facile au Canada d'adopter un enfant étranger qu'un enfant d'une autre province. Il y a l'idée de la base de données centrale. Est-ce là l'une des mesures à prendre, afin que les gens sachent quel est le besoin, quel est le potentiel? Est-ce que cela rendrait l'adoption plus facile pour les gens? Je pose la question à tous les témoins.

  (1010)  

    Nous sommes tombés sur une situation personnelle. Certains savent que s'ils changent de province, ils échappent à la surveillance des autorités et organismes de protection de l'enfance. Nous pensons que des travailleurs sociaux encouragent des parents maltraitants à déménager dans une autre province car cela va alléger leur charge de travail. Ces enfants passent sous le radar. Ils arrivent dans une autre province où nul ne sait qu'il y a un problème dans la famille. Nous pensons qu'il faudrait établir un système national d'identification des enfants en péril ayant besoin d'être adoptés. Lorsqu'ils changent de province, tout repart de zéro.
    Je veux juste vous souhaiter à tous un excellent Noël et de merveilleux moments. Je sais que c'est toujours une grande occasion chez moi, avec deux enfants. Ça doit être exponentiellement plus merveilleux avec 14, et peut-être en aurez-vous plus que cela d'ici Noël. Qui sait?
    Nous cherchons à en adopter deux de plus. Nous vivons certaines des frustrations que d'autres témoins ont exprimées ce matin. Nous avons deux petits garçons en Colombie-Britannique qui sont frères des quatre enfants que nous avons déjà adoptés. Nous rencontrons de la résistance de la part, croyons-nous, d'un fonctionnaire provincial, qui a enrayé l'adoption. Ainsi, les enfants restent en placement familial et les deux garçons ne cessent d'être déplacés d'un foyer nourricier à l'autre. On les a renvoyés dans la réserve, retirés de la réserve et remis en foyer nourricier. Pendant tout ce temps, nos quatre demandent « Papa et maman, quand nos petits frères vont-ils venir chez nous? » Il y a des moments de joie intense et des expériences merveilleuses, mais il y a aussi une frustration durable. Nous voulons juste être des parents. Nous voulons juste aimer les enfants. Nous voulons prendre soin d'eux. Nous voulons faire ce qui vient naturellement dans une situation familiale. Parfois, traiter avec la bureaucratie peut être exaspérant et vous drainer psychiquement.
    Merci.
    Madame Beaudin.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    Bonjour à vous. Merci d'être ici.
    C'est effectivement très touchant de vous entendre ce matin. Vous êtes des êtres humains et des parents exemplaires, c'est fort agréable.
    J'ai une ou deux questions importantes en ce qui concerne les solutions que vous avez apportées afin de vous aider et de vous apporter du soutien. Je veux d'abord savoir si vous avez accès à des réseaux d'entraide, des réseaux de soutien entre parents adoptifs. Je sais qu'il y avait de tels réseaux au conseil canadien. Il me semble que vous aviez dit la dernière fois que son financement avait cessé, mais existe-t-il d'autres types de réseaux?
    Madame Lewis, vous avez des enfants biologiques et vous en avez adopté aussi. Le congé, ou le temps d'arrêt de travail, a-t-il été le même dans les deux cas? Pourriez-vous commencer, madame Lewis? Ensuite, vous pourrez me parler des réseaux d'entraide.

[Traduction]

    Je crois que vous demandez s'il serait avantageux de bénéficier d'un congé prolongé pour adoption. Absolument. Je ne pense pas que le caractère émotionnel ou le stress de l'adoption soient pris en considération sur le plan du congé ou du congé parental. Je sais que cette désignation est actuellement controversée et comporte une dimension juridique, mais je crois aussi que l'adoption... Vous savez, on se remet d'un accouchement. Mais le processus d'adoption laisse une meurtrissure. Je ne sais pas comment l'exprimer autrement. On est psychiquement stressé. L'adoption s'accompagne d'une angoisse, car le processus peut s'enrayer à tout moment. Cela jette une ombre écrasante.

[Français]

    Pardon, le congé parental a-t-il été de la même durée?

[Traduction]

    Non, et pour dire les choses comme elles sont, je vous fais part de ce que j'ai vécu pendant la transition, mais à ce stade j'étais déjà au foyer et je n'y aurais pas eu droit. Il ne s'agit pas ici de mon propre vécu, mais d'établir quelque chose qui rendra l'adoption plus facilement envisageable, quelque chose qui encouragera les gens à participer au processus au lieu d'être écrasés par les obstacles.

  (1015)  

[Français]

    Merci.
    Oui?

[Traduction]

    Pourrais-je juste répondre à la question sur les ressources et les réseaux, madame la présidente? Je sais que Cindy Blackstock a fait état de quelques étonnants soutiens post-adoption que nous sommes censés avoir mais qui n'existent pas pour les parents autochtones dans les réserves. Il y a un manque général de soutien post-adoption partout. Je crois que la Nouvelle-Écosse vient d'engager un travailleur de soutien en post-adoption pour toute la province, mais il en existe généralement très peu. Il y a des réseaux de parents, et des groupes de soutien parentaux, principalement gérés par des bénévoles et nous, au Conseil d'adoption du Canada, disposons de quelques ressources. Nous faisons un peu ce que Dan préconisait. Nous sommes une sorte de plaque tournante pour les informations et les ressources et nous adorerions pouvoir en offrir davantage, telles que des webinaires et des séminaires, et abriter une base de données comme celle dont nous parlions, mais nous n'avons pas de crédits fédéraux ni aucune sorte de financement en ce moment pour cela.

[Français]

    Merci.
    Selon vous, quel est le plus grand défi, avant, pendant et après l'adoption? Si vous aviez à déterminer les plus grands défis à relever pour que l'on puisse intervenir, comme gouvernement, quels seraient-ils?

[Traduction]

    Notre plus gros défi a été juste le facteur de peur, lorsque vous devez traiter avec tant de niveaux différents pour réaliser cette adoption. Dans notre cas, nous avions les enfants chez nous, mais parce qu'ils étaient autochtones... Lorsque les procédures d'adoption ont commencé, des enfants autochtones étaient retirés des familles d'accueil où ils étaient. Ces enfants étaient emmenés dans les réserves. Dans notre cas, les enfants sont arrivés chez nous comme nouveau-nés. Nous avions eu ces enfants comme nouveau-nés, et nous courrions le risque que la bande nous refuse la possibilité de les adopter. Cela fait très peur.
    Certaines nuits, vous ne dormez pas, parce que vous tenez ces enfants... Personne ne peut garantir que l'adoption se fera, et vous voulez faire ce qu'il y a de mieux pour les enfants. Si vous vous faites remarquer... et parfois nous disions que nous allions simplement continuer comme parents nourriciers, sans faire de vagues, afin que les enfants puissent rester. Mais ce n'est pas dans le meilleur intérêt des enfants. Les enfants ont besoin de leur propre identité. Oui, ils sont Autochtones et doivent avoir cette identité, mais ils ont besoin de papa et maman. Ils ont besoin de se détendre. Les résultats scolaires de nos enfants sont devenus meilleurs, leurs crises plus rares. Ils sont chez eux, et c'est ce que mérite chaque enfant, de grandir et de devenir des membres en bonne santé et bien adaptés de nos collectivités.
    Merci.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Je vous souhaite également de très joyeuses fêtes en famille.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Martin.
    On nous a beaucoup parlé ces dernières semaines des besoins. On nous a parlé d'un prolongement du congé — du congé parental — pour les parents adoptifs et des réseaux de soutien et toute cette sorte de chose. Aujourd'hui, je pense que nous sommes engagés dans une discussion un peu différente, selon deux perspectives, celle du groupe précédent et vous, sur l'importance de garder les enfants au contact de leurs racines.
    J'ai quatre enfants. Vous avez mentionné des bourses éducatives. Je pense que, comme parents, nous donnons à nos enfants deux choses, parmi beaucoup d'autres. L'une est leur identité — leurs racines, leur culture et tout cela — et l'autre, bien sûr, ce sont leurs ailes, c'est-à-dire leur éducation. Nous pouvons espérer qu'en leur donnant ces deux choses, ils vont se frayer leur voie.
    Je suppose qu'il nous faudra, manifestement, pousser plus avant un débat constructif avec nos Autochtones, qui craignent de perdre leurs enfants et de perdre leur culture s'ils perdent leurs enfants. Cela a des répercussions sur les parents et les collectivités. De l'autre côté, vous êtes désireux d'entourer de soins et d'élever ces enfants et de leur donner l'occasion de faire quelque chose de leur vie.
    Aimeriez-vous m'en dire un peu plus à ce sujet?

  (1020)  

    Joy, ma femme, est d'origine cherokee, et je pense donc qu'elle est représentative de cela. Nous avons toujours, chez nous, fait place à la culture autochtone. Elle a été élevée dans cette culture comme enfant, et je pense que c'est très important.
    Je suis un Canadien irlandais ou d'origine irlandaise-écossaise. Et nous célébrons cela dans notre famille, tout comme nos enfants adoptés. Ils ne sont pas seulement autochtones. Leur mère est hondurienne. Nous célébrons dans notre famille la culture maya, la culture latino, car nos enfants sont à moitié honduriens. C'est très important.
    Vous ne pouvez nier votre culture. Elle vous donne vos racines. Je crois aussi que c'est ce qui fait la force de notre nation. Nous sommes une société multiculturelle et nous n'avons pas besoin d'avoir des différences. Nous devons embrasser ces différentes cultures, et c'est ce qui fait l'unité et le tissu de notre nation.
    Monsieur Martin, j'aimerais parler également de cela, si vous le permettez.
    Nous n'avons pas besoin que l'on nous dresse les uns contre les autres, or c'est ce que fait le climat politique en ce moment, de part et d'autre. Ce n'est la faute de personne en particulier. Je comprends totalement et sympathise avec les Premières nations, qui ne veulent pas perdre leurs enfants et leur culture.
    Ce que je sais, c'est que si mon enfant doit être enfermé dans un placard par sa mère — sa mère biologique — pour sa sécurité, elle est exposée à un risque. Et elle a besoin de soins, et de permanence et de sécurité si sa mère naturelle ne peut les lui assurer. Voilà la crise que connaissent en ce moment nombre de nos enfants. C'est la réalité.
    Savez-vous quoi? La négligence fait encore plus de tort que les sévices de nature physique ou sexuelle, dans bien des cas. C'est ce que montre la recherche. Ce n'est pas de la négligence parce que les gens négligent intentionnellement leurs enfants.
    Ils ont absolument raison. Cindy et les autres témoins que vous avez entendus ce matin ont absolument raison quand elles parlent de la nécessité de la prévention et de la lutte contre la pauvreté et du soutien aux personnes et familles autochtones. Mais il faut aussi assurer la sécurité de ces enfants. Nous ne voulons pas avoir dans notre pays de barrière légale au mariage interracial. Pourquoi avons-nous des barrières légales et politiques aux familles interraciales? Nous pouvons être inclusifs.
    J'ai juste une courte...
    Je crois qu'il vous reste environ 50 secondes, monsieur Martin.
    Vous avez 14 enfants. J'en ai quatre. Où trouvez-vous les moyens de les élever?
    J'ai ma propre entreprise. Je suis expert-conseil et nous avons la grande chance que notre entreprise fournisse les moyens. Notre famille reçoit également des versements à l'égard des enfants que nous hébergeons.
    Il faut dire aussi que l'âge des enfants va de 31 à huit ans. Ils ne sont pas tous à la maison.
    Est-ce que nous en avons huit à la maison en ce moment?
    Des voix: Oh, oh!
    M. Dan Loney: Ils rentrent tous pour Noël. Avec les petits-enfants, nous sommes environ 32 à la table de Noël.
    Cela comprend les grands-parents et les petits-enfants.
    Avant de donner la parole à M. Watson, puis-je demander combien de petits-enfants vous avez?
    Nous en avons six.
    Voyez ces jeunes et beaux grands-parents. Eh bien, c'est merveilleux.
    Allez-y, monsieur Watson, je vous prie.
    Merci, madame la présidente, et merci à nos témoins. J'adore toute cette discussion sur les enfants. Ma femme est la plus jeune de huit. Son père est maintenant grand-père à l'âge de 56 ans, et d'autres petits-enfants sont en route. C'est excellent — 14 enfants — mais je me laisse égarer.
    Madame Lewis, merci de m'avoir aidé à me défaire complètement de côté-ci de la table pendant votre témoignage.
    Dans le peu de temps dont je dispose, j'aimerais aborder plusieurs choses et je vais vous demander de répondre brièvement, si possible, et je tâcherai de poser des questions concises.
    Il est un domaine ici qui appelle une exploration un peu plus poussée, celui de la mesure transitionnelle pour adoption — le congé transitionnel, ou une prestation de ce type.
    Dans le régime d'assurance-emploi, le congé parental est fondé sur les notions d'attachement et de soin des enfants, et il peut être partagé entre les parents, le père et la mère. Le congé de maternité est considéré comme à part puisqu'il vise, comme les tribunaux l'ont établi, les aspects physiologiques de l'accouchement et le temps nécessaire au rétablissement, par exemple. C'est pourquoi les mères biologiques qui donnent leur enfant en adoption ont droit au congé de maternité mais non au congé parental.
    Si l'on va établir une sorte de congé transitionnel ou d'adoption, ou quelque soit le nom qu'on va lui donner, je présume, selon mon optique, qu'il va falloir établir les raisons pour lesquelles les parents adoptifs ou les pourvoyeurs de soins en ont besoin, par opposition au congé parental.
    Madame Lewis, je pense que votre témoignage a déjà donné une réponse.
    Madame Eggertson, je ne sais pas si vous avez des enfants naturels en sus de vos enfants adoptés. Quelle est la différence du point de vue d'un parent? Quelles sont les difficultés particulières que vous rencontrez en tant que parent, peut-être sur le plan psychologique, que vous n'avez pas connues avec vos enfants naturels? Si vous le pouvez, sondez un peu les profondeurs de cela pour nous.

  (1025)  

    Lorsque nous avons adopté les quatre, deux sont arrivés comme nouveau-nés. C'était facile. Vous n'avez pas là de problème d'attachement. Les enfants qui vous arrivent entre l'âge de deux ans et demi et quatre ans et demi ont des problèmes d'attachement. Ils sont fâchés, et ce n'est pas de leur faute. Il est émotionnellement épuisant de tenir ces enfants en pleurs. Ils n'ont pas de mots pour décrire leurs sentiments. Vous ne savez jamais si vous faites exactement ce qu'il faut et vous ne pouvez que continuer et espérer, et juste aimer et aimer et aimer encore.
    C'est un processus et une expérience qui vous meurtrissent. Je crois qu'il n'y a pas d'autres mot pour le dire. Chaque fois que vous faites un pas en avant, vous essuyez une rebuffade. Je sais que ce n'est pas de la faute de l'enfant, mais il y a carrément une incapacité de ces enfants à recevoir l'amour. Ils ne font pas confiance à l'amour. Ils n'escomptent certainement pas que l'amour soit continu, qu'il va se maintenir. C'est presque comme s'ils cherchaient à vous forcer la main.
    Dans nos interactions avec notre fils, nous pouvions lui dire: « Oh, quel joli dessin », et il nous regardait et le déchirait en mille morceaux, parce que même cette petite louange était plus qu'il ne pouvait accepter. Je crois...
    Est-ce que les parents ont de la difficulté à s'attacher aux enfants?
    Oui, absolument, et je pense qu'il faut en parler plus franchement parfois, car lorsque vous vous faites cracher dessus chaque jour, bien que l'amour ne s'en aille jamais, il est extrêmement difficile de rester debout au milieu de tout cela. Lorsque vous avez l'impression de ne pas donner ce qu'il faut à l'enfant, il est facile de céder à ce sentiment si vous n'avez pas autour de vous des soutiens vous disant de persister. Ce soutien est primordial.
    Je ne sais pas si vous avez connu cela, mais il y a eu des jours où je pensais que je n'étais pas à la hauteur, et je n'ai pas honte de le dire. C'est une situation pour laquelle j'étais mal équipée. Je crois que c'est le meilleur terme. À chaque pas en avant, comme je l'ai dit, on vous force à reculer. C'est un niveau tel qu'on ne peut le comprendre si on ne l'a pas vécu. Savoir que d'autres ont vécu la même chose vous aide à garder la tête claire, mais il est difficile de s'attacher à un enfant qui refuse de s'attacher.
    Merci.
    Merci, monsieur Watson. Votre temps est écoulé.
    Malheureusement, nous n'avons pas le temps d'un autre tour, mais avec l'indulgence du comité Mme Minna a une très courte question pour obtenir un éclaircissement. Si le comité le permet, je vais l'autoriser à la poser très vite.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Loney, si je puis, vous avez mentionné tout à l'heure le crédit d'impôt pour la nourriture, les vêtements et ainsi de suite, et puis vous avez mentionné des hypothèques de la Banque du Canada pour le logement. Seraient-elles destinées à faciliter l'adoption d'enfants autochtones, ou bien de tous les enfants?
    Tous les enfants.
    Sans distinction. Je voulais juste clarifier cela.
    Madame la présidente, sur un rappel au Règlement, avant que les Loneys ne partent, pourraient-ils donner le nom de leurs 14 enfants, pour le procès-verbal?
    Je veux savoir si vous vous souvenez de tous ces noms.
    Des voix: Oh, oh!
    Je réussirais l'épreuve des noms. J'échouerais à l'épreuve des dates d'anniversaire.
    Pourriez-vous nous dire les noms de vos enfants?
    Oui. Aaron, Andrea, Sean, Daniel, Stephen, Tia, Silas, Sarah, Josiah, Jenny, Kendra, DJ, Jesse et Chris.
    C'est tout?
    Des voix: Bravo, bravo!
    C'était excellent. C'était une bonne suggestion, monsieur Savage.
    Merci infiniment à tous. Comme je l'ai dit, nous sommes des politiques et nous faisons toutes les choses politiques qui nous incombent et nous pensons parfois que nous sommes des leaders, mais lorsque je vous regarde, dans notre pays, les grands leaders, c'est vous. Je tiens à vous remercier tous infiniment d'être venus. Merci de ce que vous faites, et au nom de nous tous, Joyeux Noël et une merveilleuse nouvelle année. Merci encore.
    Nous allons suspendre la séance pendant quelques instants, avant d'aborder les travaux du comité. Merci.

    


    

  (1030)  

    Mesdames et messieurs, nous avons quelques travaux à expédier et nous avons jusqu'à 10 h 45. Je ne pourrai pas rester plus longtemps, aussi je demande à tout le monde de s'asseoir.
    Nous ne sommes pas à huis clos. Nous en sommes en séance publique.
    Monsieur Martin, vous aviez une motion à présenter.
    Je vais réserver la motion pour le moment, madame la présidente, si vous le voulez bien.
    D'accord. Merci beaucoup.
    Nous avons ensuite une motion de M. Savage. Voulez-vous la présenter?
    Merci, madame la présidente.
    Je suis prêt à ne pas la mettre en délibération maintenant si le comité préfère... Je suis prêt à la réserver également pour le moment.
    Dois-je en faire lecture? Que suggérez-vous?

  (1035)  

    Si vous n'allez pas la présenter, il n'y a aucune raison de le faire. Je me demande simplement si nous ne devrions pas entamer la discussion. Dites-vous que vous serez prêt à la présenter jeudi?
    Non. Si M. Martin réserve la sienne, alors je vais lire la mienne et nous pourrons avoir une discussion.
    Nous avons 10 minutes. Pourquoi ne pas commencer la discussion, et il nous faudra la conclure jeudi.
    Monsieur Lessard, avez-vous un rappel au Règlement?

[Français]

    Ce n'est pas un rappel du Règlement, madame la présidente. Il s'agit de la motion de M. Martin que vous avez déposée devant nous. Je serais du même avis que M. Savage. Je crois qu'il serait bon que le débat soit reporté. Au moment où nous avons demandé à la Chambre des communes de renvoyer le projet de loi C-304 au comité, nous avions convenu de préparer un amendement.

[Traduction]

    M. Martin n'a pas présenté sa motion, et donc nous ne nous occupons pas aujourd'hui de la motion de M. Martin.

[Français]

    Vous aviez parlé de la motion de M. Martin, c'est pour ça. Je m'excuse.

[Traduction]

    Désolée. Non, il a décidé de ne pas le faire. Il ne la propose pas aujourd'hui, et nous en sommes donc à la motion de M. Savage.
    Nous avons environ 10 minutes. Allez-y, je vous prie.
    Merci, madame la présidente. Je vais lire la motion.
    Oui, allez-y.
    Voici la motion:
Le comité demande que le ministre des Ressources humaines et Développement des compétences comparaisse devant le comité pour une période d'une durée de deux heures dès que possible pour discuter de la nouvelle politique du gouvernement conservateur visant à éliminer la capacité des aînés à soustraire des sommes du Fonds enregistré de revenu de retraite (FEER) du calcul de l'admissibilité au SRG au moyen de la « disposition relative à l'option », comme le prévoit la Loi sur la sécurité de la vieillesse, et des impacts que cela aura sur les aînés qui reçoivent des versements de supplément de revenu garanti (SRG).
    Cela résulte de l'information qui a été divulguée, ou davantage diffusée, il y a quelques semaines, à savoir que les personnes âgées seront considérablement pénalisées si leur admissibilité au SRG et les montants qu'ils percevraient au titre du SRG seraient réduits par des retraits prélevés sur leur FEER. Je connais des personnes âgées qui sont extrêmement pauvres, selon toutes les normes, et les appauvrir davantage en réduisant leur SRG me paraît particulièrement punitif.
    La ministre a indiqué à la Chambre qu'elle allait revoir cela. Mais il nous faut déterminer comment cela a pu être décidé en premier lieu. Apparemment, c'est un changement qui a été apporté dans le plus grand silence et il touche énormément de gens, parmi les aînés les plus pauvres du pays. Je pense donc qu'il vaut la peine d'avoir une discussion à ce sujet et de demander à la ministre de venir en parler.
    Merci, monsieur Savage.
    Monsieur Komarnicki.
    Il ne fait aucun doute qu'un changement administratif avait été apporté. La ministre a été très claire dans ses réponses. Je pense que d'autres ont indiqué en réponse à des questions à la Chambre que ce changement a été réexaminé et la décision prise de revenir à la situation telle qu'elle était en mai 2010, je crois. Dans la mesure où cela a suscité des préoccupations, elle n'a certainement pas été approuvée au niveau du Cabinet ou au niveau ministériel comme politique future. Il est clair que la décision, dans la mesure où elle a été prise, a été inversée. Dans ces conditions, pourquoi vouloir insérer cette question maintenant dans nos travaux, en plein milieu d'une étude sur l'adoption qui va nous prendre plusieurs réunions, et je n'y souscris certainement pas.
    Il me semble que la question a été réglée. Elle a été soulevée, je crois, par un membre du parti de M. Savage. Lorsque vous soulevez un problème, vous vous attendez à ce que le ministre ou le gouvernement l'examine et réagisse. Il me semble que le fait que la question a été soulevée et que la ministre ait réagi aussi rapidement pour régler le problème... Ce n'est pas quelque chose qui devrait être un sujet de discussion et d'examen dans ce comité, du moins pas à ce stade.
    Si d'autres développements intervenaient, et peut-être à notre retour au début de la nouvelle année — je sais qu'il ne semble pas exister de besoins nouveaux apparents de débattre de cette question à ce stade. Pour cette raison, je pense que nous n'avons rien à gagner, à moins que les motifs soient autres. Mais je considère que cette motion et cette demande ne sont pas appropriées à ce stade, surtout étant donné les assurances claires et non équivoques données à la Chambre par les personnes compétentes. Très franchement, si je me souviens bien, la question à la Chambre ne demandait pas seulement un réexamen mais des actes, c'est-à-dire que l'on rétablisse la situation antérieure. C'est effectivement ce qui a été fait, en un laps de temps relativement court. C'est sans équivoque. C'est clair. Il me paraît donc inapproprié à ce stade de procéder à cette audition, voilà mon point de vue.

  (1040)  

    Merci.
    M. Lessard, puis M. Savage.

[Français]

    Pour pouvoir nous prononcer, madame la présidente... Je vais attendre que M. Komarnicki porte attention parce que j'ai une question pour lui.
     Pour pouvoir nous prononcer, madame la présidente, nous souhaiterions avoir des réponses à deux questions. Une question sera posée à M. Komarnicki et une autre question à M. Savage.
    Monsieur Komarnicki, nous annoncez-vous ce matin que le ministre a définitivement renoncé à mettre cette mesure en place? Si votre réponse est affirmative, je vais maintenant adresser l'autre question à M. Savage. Est-il toujours opportun ou nécessaire d'avoir cette motion si on nous annonce ce matin que la mesure est définitivement retirée?

[Traduction]

    Monsieur Savage, permettez-vous à M. Komarnicki de répondre? Vous êtes le suivant sur la liste, et vous pouvez donc...
    Étant donné que l'une des questions venait de moi, je vais prendre la parole et il pourra l'avoir plus tard, au cas où nous manquions de temps. Mais je suis impatient de connaître sa réponse.
    Oui, c'est vraiment une nécessité. La question est de savoir ce qui s'est passé et si cela va se reproduire. Comment des décisions comme celles-ci qui pénalisent les plus pauvres d'entre les pauvres du pays sont-elles prises? Si cette décision n'a pas été prise au niveau du cabinet ou au niveau ministériel, il est d'autant plus important de déterminer comment cela a pu arriver et durer si longtemps.
    Il est à porter au crédit de Gerry Byrne d'avoir soulevé cette affaire à la Chambre et de l'avoir mise sous les projecteurs. Il en a été félicité à juste titre.
    Mais la question est de savoir comment cela a pu se produire. Fait-on la même chose avec l'AE? Fait-on la même chose avec le crédit d'impôt pour personnes handicapées? Il est bien joli de remercier le Parti libéral d'avoir levé ce lièvre et d'assurer qu'on va régler le problème dans ce cas-ci, mais que s'est-il produit? Nous devons déterminer ce qui s'est passé dans ce cas-ci et comment une décision aussi préjudiciable à des personnes qui ont très peu de choix a pu être prise.
    Comment savons-nous que cela ne va pas se reproduire avec d'autres mesures, dans d'autres secteurs de cet énorme ministère? C'est l'un des plus gros ministères du gouvernement, qui prend des décisions sur l'éducation et beaucoup d'autres aspects qui se répercutent sur la vie des Canadiens handicapés, âgés, démunis. La question est de savoir ce qui s'est passé et pourquoi.
    Je pense qu'il incombe au comité et, franchement, je pense que cela fait partie de sa responsabilité fiduciaire, de déterminer ce qui s'est passé dans un cas aussi grave.
    Monsieur Komarnicki, voulez-vous répondre à la question?
    Certainement. Il ne fait aucun doute, sans équivoque possible, que la politique a été annulée. Elle n'existe plus. Pour répondre directement à la question de M. Lessard, c'est un fait; voilà la réponse.
    Cela fait de cette affaire une autre question. Si M. Savage veut poser une question et avoir une réponse de la ministre, il en a parfaitement le droit et peut le faire en inscrivant une question au Feuilleton. Il peut utiliser ce moyen, s'il le veut.
    Le fait est que nous sommes évidemment tous préoccupés par les conséquences que cela aurait pu avoir pour les personnes âgées. Nous nous soucions de nos personnes âgées dans ce pays. Elles ont joué un rôle vital, et continuent de jouer un rôle vital.
    Nous savons que dans la conjoncture économique actuelle, avec la récession que nous avons connue et ainsi de suite, c'est particulièrement délicat, et nous nous sommes montrés particulièrement sensibles, et nous avons pris un certain nombre de mesures...
    Monsieur Komarnicki, je vais devoir vous arrêter, mais vous gardez la parole jusqu'à la prochaine fois. Nous sommes arrivés à la fin de la séance et un autre comité attend que nous cédions la place. Nous reviendra là-dessus jeudi.
    Nous aurons également une motion de M. Lessard, et peut-être celle de M. Martin. Nous terminerons avec celle-ci et ensuite nous nous attaquerons à nos autres motions, ainsi qu'au formulaire long du recensement.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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