Je déclare la séance ouverte. Nous commençons la réunion numéro 40 du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées. Nous poursuivons notre étude des mesures de soutien par le gouvernement fédéral aux parents adoptifs.
Nous sommes très heureux d'accueillir ce matin des représentants de quatre différents ministères.
Mesdames et messieurs, vous avez peut-être suivi une partie de notre étude sur l'adoption. Notre étude et nos échanges avec les témoins ont suscité un certain nombre de questions qui relèvent de vos ministères. Nous voulions vous inviter aujourd'hui non pour que vous nous fassiez nécessairement un exposé, mais surtout pour que vous répondiez à nos questions.
Je sais que M. Sarazin, de l’Agence du revenu du Canada, veut faire un exposé. Je vais d’abord présenter les représentants des autres ministères. Nous avons des représentants de l’Agence du revenu du Canada, du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, du ministère des Ressources humaines et enfin, du Développement des compétences et du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.
Merci d’être venus nous rencontrer.
Nous allons commencer avec un bref exposé de M. Sarazin, puis nous allons passer aux questions.
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Bonjour, madame la présidente, et merci de votre invitation.
Je m’appelle Mickey Sarazin. Je suis directeur général de la politique législative à l’Agence du revenu du Canada et je suis accompagné par Nathalie Dumais, directrice générale chargée de la Direction des déclarations des particuliers.
Nous avons déposé la version longue de notre exposé afin que le comité en prenne connaissance. Donc, pour gagner du temps, je me contenterai de dire que la mission de l’Agence du revenu du Canada est d’administrer les recettes fiscales et les programmes connexes et d’assurer le respect de la législation fiscale au nom des gouvernements de tout le Canada.
En bref, l’Agence du revenu du Canada est responsable de l’administration de la Loi de l’impôt telle qu’adoptée par le Parlement, et nos observations d’aujourd'hui se limiteront à son rôle d’administration.
Le ministère des Finances est responsable de l’orientation des politiques et des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu. Nous sommes prêts à discuter du crédit d’impôt pour dépenses d’adoption prévu dans la Loi de l’impôt sur le revenu. Nous faisons remarquer qu’une fois qu’un enfant est adopté, les parents ont le droit de réclamer tous les avantages fiscaux accordés à l’ensemble des contribuables qui ont des enfants.
Nous sommes prêts à répondre à toutes vos questions ce matin.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins d'être venus nous rencontrer.
Nous avons entrepris une étude qui s’avère très intéressante. J’espère que certains d’entre vous ont eu la chance de prendre connaissance de certains des témoignages que nous recevons.
De multiples questions ont été soulevées sur le rôle du Canada, plus précisément du gouvernement fédéral, dans les questions d’adoption. Nous avons découvert quelques points intéressants. Je voudrais savoir si les ministères ont accompli du travail de leur côté, pas seulement sur les audiences de notre comité, mais sur l’adoption en général, au cours des dernières années.
L’une des questions qui reviennent souvent — et c'est peut-être M. Paquette, de Ressources humaines et Développement des compétences, qui serait le mieux placé pour y répondre — a trait aux congés parentaux ou aux congés d’adoption prévus dans le cadre du régime d’assurance-emploi. On nous a dit, entre autres, que ce serait peut-être bien d’avoir une toute nouvelle catégorie plutôt que d’essayer d’imiter les formes de congé parental déjà existantes. Nous pourrions peut-être avoir simplement un congé d’adoption. Ainsi les parents adoptifs seraient égaux, mais dans des systèmes différents, et nous n’essaierions pas d’adapter un système existant.
Je me demandais si vous ou votre ministère aviez eu la chance d’examiner cette question et si vous aviez des observations à formuler sur les conséquences de ce choix.
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Bonjour. Je suis Nicole Girard, du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.
Si je comprends bien, la question est celle qui a été soulevée par certains témoins au sujet de la transmission future, potentielle, de la citoyenneté à ces enfants qui sont adoptés à l'étranger.
M. Yves Lessard: C'est exact.
Mme Nicole Girard: En effet, c'est le régime de la présente loi qui traite de façon égale les enfants qui sont nés de Canadiens à l'étranger et les enfants qui sont adoptés à l'étranger par des Canadiens et qui accèdent à la citoyenneté par voie directe. Également, les enfants nés de Canadiens au Canada et les enfants de citoyens qui sont naturalisés, qui sont nés à l'étranger, sont traités de façon égale en ce qui concerne la transmission de la citoyenneté.
Cela découle de deux changements subséquents à la Loi sur la citoyenneté, qui sont assez récents. En 2007, il y a eu les changements apportés par le projet de loi qui ont donné un accès direct à la citoyenneté aux parents adoptifs d'enfants à l'étranger. Auparavant, il y avait un processus en deux étapes. Il fallait d'abord parrainer un enfant pour qu'il obtienne la résidence permanente au Canada et faire ensuite une demande de citoyenneté. Comme les parents ont demandé un accès plus direct et plus rapide à la citoyenneté, la loi a été changée pour permettre aux parents de passer directement à une demande de citoyenneté sans passer par l'étape de la résidence permanente. Lorsque la loi a changé une deuxième fois, plus récemment en avril 2009, le 17 avril de l'année dernière, ces changements à la loi ont créé une limite à la première génération d'enfants nés ou adoptés à l'étranger, encore une fois pour minimiser la différence entre le traitement des enfants nés de Canadiens à l'étranger et celui des enfants adoptés par des Canadiens à l'étranger, de façon à ce qu'ils accèdent à la citoyenneté par voie directe.
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J’aimerais formuler quelques observations à cet égard, et j’inviterai mon collègue, M. Gilbert, à y ajouter les siennes.
Nous n’avons pas nécessairement entendu parler de ce type de problème, mais j’aimerais préciser quelques points. Un, les enfants adoptés peuvent venir au pays à deux titres distincts. Il peuvent se voir accorder la citoyenneté par voie directe, ou ils peuvent entrer en tant que résidents permanents. Une fois que l’enfant est devenu résident permanent, les parents peuvent soit présenter immédiatement une demande de citoyenneté pour cet enfant ou attendre. Ils peuvent aussi laisser le choix à l’enfant, qui présentera la demande une fois adulte s’il le souhaite. Cela peut se produire si l'enfant vient d’un pays qui ne reconnaît pas la double citoyenneté. Il est alors privé de sa citoyenneté première s’il devient Canadien. Les parents peuvent aussi procéder ainsi pour un éventail de raisons.
Un enfant qui devient citoyen canadien ne peut pas être expulsé. Il est Canadien pour le reste de ses jours. C'est la première chose. L’autre chose, c'est qu’un enfant qui arrive en tant que résident permanent et dont les parents, pour une raison ou une autre, ne lui enlèvent pas immédiatement sa citoyenneté première, quand il devient adulte, cet enfant est assujetti à la loi au même titre que toute autre personne.
Le comité doit être conscient qu’un résident permanent peut se voir expulser du Canada s’il commet un crime grave. C'est un point important. On ne parle pas ici de vol à l’étalage. Les résidents permanents peuvent être expulsés du Canada s’ils ont commis un crime passible d’une peine maximale de 10 ans d’emprisonnement ou pour lequel ils ont purgé une peine d’au moins six mois dans un établissement carcéral.
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Vous n’avez malheureusement plus de temps, M. Watson. Je vous remercie.
Nous allons maintenant passer à un tour de table de cinq minutes, mais, auparavant, j’aimerais poser quelques questions. J’aimerais donner suite à ce qu’a dit Mme Girard.
Nous avons entendu le témoignage d’un père. Sa femme et lui ont adopté un enfant à l’étranger, en Afrique du Sud, je crois. Très peu de temps après, ils ont eu un enfant biologique. Par conséquent, cet homme a pu établir une comparaison entre les deux situations. Voici ce qu’il a déclaré: « J’ai deux fils, mais ils ne sont pas traités sur un pied d’égalité. Quand ils seront adultes, un des deux pourra transmettre sa citoyenneté canadienne à ses enfants, mais l’autre ne pourra pas le faire. »
Pour nous, les membres de ce comité, il semble y avoir un problème sur le plan de l’égalité. Quand des parents adoptent un enfant, nous souhaitons qu’ils puissent avoir droit à l’égalité.
Je ne sais pas s’il existe une solution à ce problème, mais vous pourriez peut-être y réfléchir. Pendant notre réunion, vous pourriez nous dire si, selon vous, il serait possible de remédier à la situation sans avoir à remanier complètement notre Loi sur l’immigration. Cette question nous préoccupe.
À brûle-pourpoint, auriez-vous une réponse à cela?
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J’aimerais faire quelques observations. C’est assurément une façon de voir les choses. À CIC, nous sommes au courant de ces préoccupations.
Il faut aussi savoir que la loi prévoit l’égalité de traitement, mais que cela dépend des groupes de comparaison. À l’heure actuelle, en vertu de la Loi sur la citoyenneté, comme j’essayais de l’expliquer plus tôt, mais peut-être pas assez clairement, sont traités sur un pied d’égalité, en ce qui concerne leur capacité de transmettre leur citoyenneté, ceux qui sont nés au Canada et ceux qui sont naturalisés au Canada. Si leurs enfants sont nés à l’étranger, ils sont citoyens canadiens. Sont aussi traités sur un pied d’égalité en vertu de la loi ceux qui sont nés de parents canadiens à l’étranger et ceux qui sont adoptés à l’étranger et qui empruntent la voie directe vers la citoyenneté.
Il faut aussi savoir que, dans bien des cas, les parents adoptifs peuvent profiter d’une option qui n’est pas offerte aux Canadiens qui vivent à l’étranger. Dans le cas des Canadiens vivant à l’étranger, s’ils sont nés ou s’ils ont été naturalisés au Canada, leur enfant né à l’étranger est automatiquement citoyen canadien et ils sont visés par la limite de la première génération. Un parent qui vit au Canada et qui décide d’adopter un enfant à l’étranger peut demander que l’enfant vienne au Canada en tant que résident permanent du Canada — si l’enfant est naturalisé de cette façon, il peut transmettre sa citoyenneté à ses descendants — ou il peut demander la voie directe vers la citoyenneté, auquel cas l’enfant est assujetti à la limite de la première génération. Cette option n’est pas offerte aux parents dont les enfants sont nés à l’étranger, car ils obtiennent la citoyenneté à la naissance. Toutefois, ils sont visés par la limite de la première génération.
Je ne sais pas si c’est plus clair, mais j’espère avoir pu brosser un tableau plus général de la question.
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Six provinces ont adopté l’approche axée sur la prévention accrue, soit l’Alberta, la Nouvelle-Écosse, la Saskatchewan, le Québec, l’Île-du-Prince-Édouard et le Manitoba. Comme il est assujetti à l’accord sur les services d’aide de 1965, l’Ontario n’utilise pas la directive 20-1. Dans le cadre de cet accord, la province offre toutefois des services de prévention.
La Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve et le Yukon n’ont pas encore fait la transition. À Terre-Neuve et au Yukon, les services sont fournis par les autorités gouvernementales provinciales ou territoriales, et nous leur remboursons les dépenses réelles liées à la prise en charge des enfants.
Dans le cadre de l’approche axée sur la prévention accrue, nous avons mis en place trois secteurs de financement: le fonctionnement, la prévention et l’entretien. Nous avons également ajouté des mécanismes de soutien dans chacun de ces secteurs, puis il incombe aux bénéficiaires de gérer leurs activités en fonction du financement obtenu.
Dans les six provinces où nous avons déjà commencé à agir, nous investissons 100 millions de dollars de fonds supplémentaires dans les services d’aide à l’enfance des Premières nations à l’intérieur des réserves. Grâce à cette approche, nous rejoignons environ 68 p. 100 des enfants des Premières nations qui habitent dans les réserves.
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Merci beaucoup, madame Hoeppner.
Bonjour. Je vous remercie de me donner l’occasion de vous présenter des renseignements sur l’adoption au Canada.
Je vais présenter un survol de la question. Mon exposé sera axé uniquement sur l’adoption au Canada.
Les questions touchant l’adoption sont très complexes et comportent différentes facettes. Elles ont trait aux politiques, aux services, aux données et à la recherche. Je me contenterai de souligner les questions clés, qui portent sur le leadership fédéral.
Comme vous le savez, l’adoption fait partie d’un éventail de soins familiaux prodigués aux enfants, de la naissance à l’âge de 17 ans, qui comprennent le placement en famille d’accueil, les soins dispensés par des membres de la famille, la tutelle, le placement en famille d’accueil aux fins d’adoption, l’adoption ouverte, l’adoption subventionnée et l’adoption personnalisée dans les collectivités autochtones.
Des progrès ont été réalisés dans l’élaboration de cet éventail de soins destinés aux enfants qui ont besoin de soins à l’extérieur de leur foyer. De plus, des principes fondamentaux font l’objet d’un consensus croissant et de travaux de recherche nouveaux. Voici ces principes: les enfants sont uniques et nécessitent une réponse individualisée à leurs besoins; par l’entremise de leur famille, les enfants doivent entretenir des liens avec leur race, leur culture et leur identité; pour pouvoir s’épanouir, les enfants doivent ressentir un sentiment d’appartenance — de l’amour — dans le cadre de relations stables et prévisibles.
Nous savons qu’au Canada, il n’y a pas assez de familles pour s’occuper des enfants qui ont besoin de soins à l’extérieur de leur foyer. En dépit des efforts remarquables déployés par de nombreuses personnes, familles et organisations d’aide à l’enfance, un nombre croissant d’enfants grandissent dans des milieux inappropriés où ils ont été placés. Ils ne peuvent pas tisser de liens familiaux, n’ont aucun sentiment d’appartenance et ne sont pas fiers de leur identité. Leur vie manque de stabilité. Ces enfants grandissent dans des foyers surpeuplés, dans des abris ou, pire encore, dans des chambres d’hôtel, où des travailleurs temporaires prennent soin d’eux.
En outre, nous savons que des groupes d’Autochtones et des services d’aide à l’enfance ne s’entendent pas quant aux moyens les plus efficaces de prendre en charge les enfants autochtones qui doivent être adoptés.
Ce matin, au cours de mon exposé, je vais tenter d’aborder les deux questions dont ce comité a été saisi, à savoir: la situation actuelle de l’adoption au Canada et la possibilité que le gouvernement fédéral joue un rôle de premier plan à cet égard. En guise de conclusion, je soumettrai à votre attention un certain nombre de recommandations.
Tout d’abord, j’aimerais parler de la situation actuelle de l’adoption au Canada. Cette question a été examinée récemment par le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, présidé par l’honorable Raynell Andreychuk. Son rapport final exhaustif, intitulé « Les enfants: des citoyens sans voix », a été publié en avril 2007. Un chapitre complet est consacré à l’adoption et à l’identité. À la page 120, en guise de conclusion, « le comité demande aux gouvernements canadiens de reconnaître la crise de l’adoption sévissant au pays et de s’y attaquer, plus particulièrement en ce qui touche les enfants autochtones ».
La Ligue pour le bien-être de l’enfance du Canada souscrit à cette conclusion et aux recommandations formulées par le comité. En fait, la situation concernant les soins pour les enfants à l’extérieur du foyer est inadéquate, sous-financée, fragmentée et aux prises avec des difficultés depuis des années au Canada. Je travaille dans le système d’aide à l’enfance depuis 41 ans, et je peux dire que la situation est encore la même aujourd’hui, comme elle l’a d’ailleurs presque toujours été au cours de ces années.
Malgré tout, on peut observer des exemples frappants d’innovation, de créativité et d’élaboration de pratiques exemplaires. Toutefois, ces projets sont surtout réalisés à l’échelle locale, ils ne font pas l’objet d’un soutien adéquat et ils ne sont pas reproduits ailleurs. Il s’agit notamment de programmes de placement en famille d’accueil et d’adoption, de programmes d’adoption subventionnée et de programmes d’adoption dans des provinces comme l’Alberta et le Nouveau-Brunswick.
À mon avis, un éventail complet de soins familiaux n’a jamais été mis sur pied au Canada, point de vue qui est généralement partagé par les professionnels de l’aide à l’enfance et étayé par les travaux de recherche limités qui existent à ce sujet.
Voici certaines des constatations du comité sénatorial: environ 76 000 enfants étaient pris en charge en 2007; plus de 22 000 enfants étaient en attente d’adoption; moins de 1 700 enfants sont adoptés chaque année au Canada; plus de la moitié des enfants en attente d’adoption au Canada sont Autochtones. Bien qu’il n’existe pas de données nationales à jour sur ces situations, il est probable que ces estimations tiennent toujours. De plus, compte tenu de la récession économique mondiale, ces chiffres sont fort probablement encore plus élevés maintenant.
Les données les plus récentes sur les services d’aide à l’enfance au Canada sont tirées de l’Étude canadienne sur l’incidence des signalements de cas de violence et de négligence envers les enfants. Cette étude est financée par l’Agence de la santé publique du Canada, dans le cadre du programme national de surveillance de la santé des enfants. On y apprend que 235 000 cas de maltraitance d’enfants ont fait l’objet d’une enquête en 2008 et que ce nombre n’a pas vraiment changé par rapport à la période de signalements de cinq ans précédente, qui a pris fin en 2003.
Examinons maintenant la responsabilité du gouvernement fédéral dans ce domaine. La situation au Canada est très différente de ce qu’elle est aux États-Unis pour ce qui est de la prestation des services d’aide à l’enfance. Aux États-Unis, le gouvernement fédéral joue un rôle plus direct dans la législation, les politiques et le financement. Au Canada, le gouvernement fédéral joue un rôle plutôt indirect au moyen de mesures comme le Transfert canadien en matière de programmes sociaux, le TCPS, et de mécanismes de surveillance en vertu de l’Entente-cadre sur l’union sociale, l’ECUS. Comme on le sait, les provinces jouissent donc d’une autonomie beaucoup plus grande. Cependant, le TCPS et l’ECUS sont deux instruments importants, mis à la disposition du gouvernement fédéral pour qu’il puisse exercer un rôle plus important de chef de file.
Tout cela m’amène directement aux recommandations. Nous recommandons au gouvernement fédéral de continuer à assumer un rôle de chef de file dans ce domaine. À cet égard, nous formulons cinq recommandations précises.
Premièrement, nous recommandons la mise sur pied d’un centre d’échange de connaissances sur les soins familiaux. Il s’agirait d’un centre soutenu par le gouvernement fédéral, qui aurait pour mandat de promouvoir l’échange de renseignements et de pratiques exemplaires à la grandeur du Canada, d’appuyer la recherche stratégique et la formation et, évidemment, de contribuer à la collecte de données nationales.
Deuxièmement, nous recommandons d’améliorer la capacité actuelle de l’ECUS en ce qui a trait à la surveillance, à la mesure des résultats et à l’établissement de rapports sur les données concernant l’aide à l’enfance.
Je vais mentionner rapidement les deux dernières recommandations. Troisièmement, nous recommandons de mettre sur pied un comité consultatif fédéral sur les enfants et les adolescents, qui se composerait de jeunes de 12 à 18 ans. Ces jeunes se feraient véritablement l’écho des enfants à cet égard.
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Merci, madame la présidente.
Je m’appelle Will Falk. Je suis un homme d’affaires et le père de deux garçons qui avaient été placés en famille d’accueil.
Tout d’abord, je tiens à féliciter le comité de faire preuve de leadership à l’égard de cette question importante. Les politiques sociales ne tiennent pas compte de l’adoption de pupilles de la Couronne. Pourtant, dans ce domaine, le leadership peut vraiment améliorer la qualité de vie de chaque enfant.
J’ai eu l’occasion d’écouter ou de lire 10 heures de délibérations de votre comité. Je pense qu’on pourrait parler plutôt de 11 heures, puisque j’ai écouté la première heure de votre réunion d’aujourd’hui. Je suis impressionné par votre maîtrise du sujet — car, à bien des égards, c’est une question complexe — et par la façon dont vous travaillez ensemble pour régler les problèmes. Il est bien de voir que vous semblez vous élever au-dessus de la partisanerie politique. Je suis aussi content de constater votre volonté de faire preuve de leadership à l’égard d’une question qui, selon bien des gens, ne constitue pas une des principales préoccupations du gouvernement fédéral.
Je tiens à préciser que je reconnais que le système d’aide à l’enfance est bel et bien une responsabilité qui relève avant tout des provinces. Toutefois, les résultats de nos systèmes défaillants actuels sont la responsabilité de tous les ordres de gouvernement. Au bout du compte, nous en subissons tous les conséquences.
Nous connaissons les chiffres au sujet de la situation au Canada et aux États-Unis. Ainsi, nous savons que 45 p. 100 des jeunes sans abri ont déjà été placés en famille d’accueil et qu’un pourcentage élevé des détenus ont été pris en charge dans leur enfance. Nous savons qu’environ 36 p. 100 des hommes et 14 p. 100 des femmes en prison ont été maltraités pendant leur enfance. Nous savons aussi que les pupilles de la Couronne sont 25 p. 100 plus susceptibles d’avoir une grossesse à l’adolescence, qu’ils sont 30 p. 100 plus susceptibles de commettre un crime violent, qu’ils sont 2,5 fois plus susceptibles de consommer de façon excessive de l’alcool, qu’ils sont 3,8 fois plus susceptibles d’être toxicomanes et, enfin, que 80 p. 100 des enfants ayant été maltraités et négligés maltraiteront et négligeront à leur tour leurs propres enfants. Vous vous penchez donc sur le cercle vicieux de la pauvreté, ce qui est formidable. Ce problème est une préoccupation nationale, et la responsabilité de passer à l’action incombe à plusieurs intervenants. Je vous remercie donc d’avoir reconnu l’importance de cette question.
J’ai fait partie du Groupe d’experts en matière d’infertilité et d’adoption qui était présidé par David Johnston, l’actuel Gouverneur général du Canada. J’étais coprésident du groupe de travail sur l’adoption. Il y a eu un rapport sur la situation en Ontario, dont un résumé, en français et en anglais, vous a été remis.
Notre équipe de citoyens a examiné en détail la situation en Ontario et formulé des recommandations pour que la province puisse améliorer son système d’adoption. Comme le chapitre du rapport concernant l’adoption compte plus de 60 pages, je dispose d’environ quatre secondes et demie par page pour en parler à partir de maintenant.
Permettez-moi de soulever quelques points précis. Premièrement, nous avons recommandé de fixer l’objectif visant à doubler les adoptions des pupilles de la Couronne en l’espace de cinq ans en Ontario, pour le faire passer de 800 à 1 600. Peter a parlé de certains des chiffres à l’échelle nationale. Au cours de la première année, simplement en sensibilisant davantage la population à cette question, ces chiffres ont augmenté de 21 p. 100, et la plupart des intervenants estiment que cette tendance pourra se poursuivre.
L’expérience américaine nous enseigne qu’il est possible de doubler le nombre d’adoptions. Lors de son témoignage, Susan Smith vous a dit que ce nombre avait triplé. Par conséquent, il est tout à fait possible de doubler le nombre, puis de poursuivre les efforts. Pour y arriver, il faut pouvoir compter sur un leadership solide à l’échelle nationale.
Il se peut qu’il y ait des nuances et des facteurs typiquement canadiens, mais la gouvernance partagée est possible, comme nous l’avons constaté dans les dossiers de l’assurance-emploi, de la santé et de l’immigration. Je vous encourage donc à poursuivre dans la même veine.
Permettez-moi maintenant de parler un peu des recommandations contenues dans le rapport Johnston, en Ontario.
On devrait assurer l’organisation et la coordination centrales du système d’adoption en l’assortissant de normes et de délais précis pour les familles et les enfants en ce qui concerne l’entrée dans le système, la formation et l’examen du milieu familial.
Les systèmes centraux devraient être beaucoup plus efficaces dans la promotion des enfants et des familles disponibles. La concordance fait défaut, et nous devons faire en sorte que les sites Web et les échanges de ressources en matière d’adoption soient beaucoup plus efficaces.
Nous devons supprimer les obstacles résultant des ordonnances du tribunal portant sur le droit de visite des familles biologiques.
Enfin, nous devons financer les subventions pour l’adoption normalisée et régulière des pupilles de la Couronne âgés d’au moins deux ans, ainsi que des pupilles de la Couronne ayant moins de deux ans et des besoins spéciaux. Dans le rapport Johnston, nous avons recommandé d’accorder des subventions oscillant entre 50 et 80 p. 100 du taux actuel appliqué aux familles d’accueil. Il semble qu’AINC se dirige dans cette direction dans au moins deux provinces. Alors, exerçons des pressions à l’échelle nationale pour voir s’il est possible d’atteindre cet objectif.
L’objectif global est de doubler le nombre en cinq ans.
Il s’agit d’une bonne politique publique humanitaire, qui est aussi très efficiente. Les données américaines laissent entendre que les économies par enfant adopté sont de l’ordre de 124 000 $ tout au long de sa vie.
En Ontario, la prise en charge d’un enfant coûte 40 000 $ en moyenne. Dans le cas des foyers de groupe à Toronto, le coût est de 175 à 200 $ par jour. Ces enfants sont adoptés en bas âge dans des foyers permanents, et les fonds sont débloqués. Sans tenir compte des économies pouvant découler des coûts liés au cycle de la pauvreté, nous estimons que les économies pourraient être de l’ordre de 26 millions de dollars par année en Ontario après la cinquième année de mise en œuvre, soit au cours de la sixième année. Ces données sont étayées par les données américaines. Mesdames et messieurs, nous investissons l’argent au mauvais endroit. Nous devons envoyer l’argent ailleurs pour réaliser des économies et pour améliorer les conditions de vie de ces enfants.
Qu’on ne s’y trompe pas, ces enfants relèvent de notre responsabilité en tant que société. Les droits parentaux n’existaient plus. Ce sont des pupilles de la Couronne. Il nous incombe d’élaborer une stratégie nationale en matière d’adoption, d’en faire le point de discussion central d’une réunion des ministres, puis d’en saisir les premiers ministres. Vous pouvez trouver le temps et l’attention nécessaires. Vous pouvez accroître les mécanismes de soutien à l’adoption. Le gouvernement du Canada devrait modifier les règles fédérales en matière d’assurance-emploi pour que les parents biologiques et adoptifs soient traités sur un pied d’égalité. C’est ce que nous avons recommandé. J’ai entendu une partie de vos discussions aujourd’hui, et nous pourrions peut-être parler de cela lors de la période des questions. Augmenter le maximum des dépenses déductibles, étendre les services post-adoption... offerts par l’entremise d’AINC. Nous avons entendu parler de cela un peu plus tôt.
Il faut élargir le protocole interprovincial en matière d’adoption en fonction du modèle entre États américains. Pour ce faire, il faudra peut-être investir plus d’argent dans des programmes et des organismes comme la Ligue pour le bien-être de l’enfance du Canada afin de pouvoir disposer des mécanismes de soutien nécessaires. Il faut mettre en place une base de données nationale contenant des renseignements sur les pupilles de la Couronne. Nous devons savoir comment se portent ces enfants. Ils relèvent de notre responsabilité. En tant que leaders du gouvernement, ils relèvent de notre responsabilité.
Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez consulter le site www.actiononadoption.ca. Comme il s’agit d’un compte Facebook, il se peut que le gouvernement en bloque l’accès, mais les députés peuvent le consulter.
Je vous remercie beaucoup de votre attention aujourd’hui.
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Je parlerai de la situation en Ontario.
[Traduction]
Je ne vais pas vous ennuyer avec mon terrible accent français.
Nous avons évoqué deux obstacles: l'un était la géographie, dont j'ai parlé, et l'autre la question des ordonnances portant sur le droit de visite.
Dans la pratique, les enfants à qui une ordonnance donne le droit de rendre visite à leur famille biologique sont considérés par les gens qui travaillent dans le système comme impossibles à adopter. Cela ne devrait pas être le cas, mais dans la pratique, c'est ainsi, en ce moment. Il y a un grand nombre de braves gens dans le système qui le pensent pour toute une série de raisons de nature pratique.
Le troisième obstacle est celui des coûts.
Madame Beaudin, prenons le cas en Ontario d'une famille qui, après s'être engagée à s'occuper d'un enfant à long terme souhaite l'adopter. Il y a fort à parier que la famille perdra les subventions à taux fixe défini pour les familles d'accueil que la commission qui décide des placements lui accorde. Aussi sera-t-elle récompensée d'adopter un enfant placé en perdant l'argent qu'elle recevait avant. Ces fonds ne s'envoleront peut-être pas la première année, parce que la majorité des directeurs exécutifs font du bon travail à cet égard, mais probablement la deuxième ou troisième année.
C'est tout simplement scandaleux. Si vous adoptez l'enfant de 14 ans qui vit avec vous depuis quatre ou cinq ans, il n'est pas logique que la province vous prive alors des fonds que vous receviez avant.
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J'aurais bien deux ou trois commentaires à faire.
D'abord, ces chiffres ont été tirés du rapport intitulé Youth Leaving Care: How Do They Fare? publié en septembre 2005. Vous pouvez le consulter sur le site Web: www.childhelp.org. Vous y trouverez certains de mes chiffres. Je donnerai tout cela au greffier de comité.
Ensuite, il faut bien voir que pendant que le groupe d'experts présidé par M. Johnston faisait son travail, nous avons creusé la question, monsieur Martin. Et nous en sommes arrivés à la conclusion que, étant donné qu'en Ontario en particulier, la population dont nous parlions était vraiment à risque, vivait dans la pauvreté et représentait une fraction importante des personnes incarcérées et sans abri, si nous nous occupions d'un enfant à la fois, nous nous montrions très efficaces.
Sur le terrain, nous avons découvert des programmes édifiants. Celui dont je vous parlerai en particulier est le programme Wendy's Wonderful Kids offert par la Fondation pour l'adoption Dave Thomas. Nous lui accordons notre appui par l'intermédiaire de la Fondation de l'aide à l'enfance. Les adoptions par leur intermédiaire coûtent entre 20 000 et 25 000 $ par enfant. Ils embauchent des employés et adoptent des enfants. Certains d'entre nous parmi les philanthropes en sont arrivés à la conclusion que ce n'est pas compliqué de collecter des fonds de cette manière. Oubliez ce que le gouvernement fait. Nous accordons notre appui à sept employés, et nous nous limitons à cela parce qu'ainsi, pour 25 000 $ l'année, nous parvenons à placer des enfants dans des familles d'accueil de manière permanente et à les retirer du système auquel ils coûtaient 40 000 $par an.
Les calculs ont de quoi faire peur. L'argent n'est pas au bon endroit. Nous déboursons 100 000 $ par an pour que certains de ces enfants soient logés dans ces proverbiales chambres d'hôtel, alors qu'on pourrait utiliser l'argent autrement.