La 36e séance du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions aujourd'hui les mesures de soutien par le gouvernement fédéral aux parents adoptifs.
Je suis très heureuse d’accueillir aujourd’hui quatre témoins qui partageront avec nous leurs expériences. Elles nous parleront principalement des mesures que le gouvernement fédéral pourrait prendre pour appuyer les parents qui adoptent des enfants et les enfants qui se font adopter.
Tout d’abord, je tiens à vous remercier chaleureusement de votre présence. Nous avons très hâte d’entendre vos récits. Toutefois, je vous demanderais, dans la mesure du possible, de vous en tenir à ces points-là. Donnez-nous une très brève description de ce que vous avez vécu. Puis, si vous pouviez nous dire quels types de mesures de soutien le gouvernement fédéral pourrait fournir, ou quelles améliorations il pourrait apporter aux appuis qu’il offre aux parents adoptifs et dans le cadre du processus d’adoption, le comité vous en serait très reconnaissant. Ces renseignements nous aideraient à accomplir notre travail.
Aux membres du comité, brièvement, vous remarquerez que selon l’ordre du jour, nous devons traiter des travaux du comité à la fin de la réunion. Toutefois, M. Lessard ne proposera pas sa motion. Ainsi, nous poursuivrons normalement jusqu’à la levée de la séance; nous traiterons de toute motion à un autre moment.
Commençons. Nous accueillons quatre témoins: Jane Blannin-Bruleigh, qui est travailleuse sociale, ainsi que Jennifer Haire, Kim Jones et Sandy Kowalko.
Encore une fois, mesdames, merci de votre présence. Je vous demanderais de vous limiter à cinq à sept minutes chacune. Si vous me surveillez, je vous ferai signe lorsque votre temps de parole tirera à sa fin. Nous sommes assez stricts par rapport au temps puisque nous en avons si peu.
Je vais commencer par Mme Jones.
Merci.
Je m’appelle Kim Jones et j’habite à London, en Ontario. Je suis mère — et fière de l’être — de deux belles petites filles extraordinaires, âgées de neuf ans et de sept ans. Les deux ont été adoptées de la Chine.
Je suis très passionnée au sujet de l'adoption et des enjeux y afférents. Depuis six ans, j’aide bénévolement des couples et des familles à s'y retrouver dans les réseaux d’adoption et de soutien après l'adoption. Je suis aussi la coordonnatrice des services post-adoption pour le programme de la Chine de Children’s Bridge dans le Sud-Ouest de l’Ontario et une agente de liaison pour les parents de l’Ontario au sein du Conseil d’adoption du Canada.
Depuis 2004, je dirige un groupe de soutien mensuel destiné aux parents adoptifs. Je suis au fait des inquiétudes, des difficultés et des défis que les familles adoptives canadiennes affrontent. Beaucoup d’enfants adoptifs sont en proie à une gamme de problèmes, qui comprennent le chagrin, la perte, la colère, les troubles de stress post-traumatique, les traumatismes et les troubles d’apprentissage. Ils ont été victimes d’abus et de négligence et, souvent, ils ont perdu leur culture et leur identité.
Par ailleurs, les familles qui adoptent ces enfants continuent à avoir besoin de soutien pour les défendre au sein du système scolaire, où il faut gérer les comportements qui découlent de nombre de ces problèmes. La formation pré-adoption, le soutien post-adoption et la formation continue sont donc essentiels au succès des adoptions et à l’épanouissement des enfants au sein de leurs familles adoptives.
En janvier 2008, le ministère de l’Ontario a rendu la formation PPSFR — qui correspond au Processus du perfectionnement et du soutien des familles-ressources — obligatoire pour tous les couples qui planifient adopter. La formation doit être suivie pour que l’étude du foyer familial soit approuvée et pour dresser un plan d’adoption. Le gouvernement fédéral devrait se pencher sur ce programme et considérer la possibilité de l’offrir partout au Canada. Il est conçu pour enseigner les connaissances et les compétences nécessaires pour devenir de bons parents adoptifs et d’accueil.
Je participe à cette formation à titre de co-formatrice parent à London. À mon avis, ces cours conscientisent les couples qui se préparent à entreprendre le processus d’adoption.
L’éducation donne du pouvoir, et maintenant, les futurs parents sont mieux préparés que jamais à anticiper et à prévenir les obstacles qui pourraient surgir, ainsi qu’à demander de l’aide. En outre, la formation donne aux couples l’occasion formidable d’établir des contacts avec d’autres personnes qui planifient adopter. Puisque le Canada n’offre pas de services post-adoption structurés, ces couples s’appuient vraiment les uns sur les autres et apprennent les uns des autres au cours du processus d’adoption et certainement après l’adoption. J’essaie continuellement de mettre des gens qui ont vécu des expériences semblables en relations, afin qu’elles puissent s’entraider au besoin.
Or, le désavantage de la formation PPSFR, c’est que le modèle a été conçu aux États-Unis. Il ne comporte donc absolument aucun contenu canadien. Les participants nous demandent toujours pourquoi tous les extraits vidéo portent sur les services d’adoption américains. Ils veulent savoir pourquoi le Canada n’a pas créé son propre modèle de formation. Ainsi, il nous faudrait une nouvelle version canadienne de la formation PPSFR, qui inclurait un manuel rempli de ressources canadiennes relatives au soutien offert après l'adoption partout au pays.
Le plus difficile pour les parents, c'est de savoir où trouver de l'aide. En effet, au Canada, il n'est pas facile de repérer les services post-adoption. Contrairement à ceux des États-Unis, la plupart de nos services d'aide à l'enfance ne fournissent pas officiellement de soutien après l'adoption. Ainsi, il incombe habituellement aux parents de trouver de l'aide. Ce serait donc formidable s'il y avait un lieu central ou un site gouvernemental que les familles pourraient consulter lorsque des problèmes surviennent et qu'elles ont besoin d'information ou de soutien.
Par ailleurs, les difficultés liées au chagrin et à la perte sont partie intégrante de l'adoption. Les enfants qui ont été abandonnés, négligés et maltraités ont des obstacles à surmonter, et pourtant, les familles qui adoptent ces enfants sont celles qui tendent le moins à se confier à leurs travailleurs sociaux lorsque des problèmes surgissent. Les parents adoptifs craignent parfois qu'on les juge trop durement ou ils sentent qu'ils ont échoué dans leur rôle de parents. Pour cette raison, plutôt que de demander de l'aide, ils continuent à se démener seuls.
Certains couples m'ont confié que des gens leur avaient dit des choses comme: « À quoi vous attendiez-vous? » ou « C’était le problème de quelqu’un d’autre et vous l'avez pris sur vous. » S'il y avait un endroit précis où les familles savaient qu'elles peuvent se rendre pour trouver des ressources et des thérapeutes qualifiés qui traitent de problèmes d'adoption dans leur région, cela représenterait un progrès énorme pour notre pays.
Je connais des familles qui n'ont réussi qu'à se sentir marginalisées après avoir posé à leurs médecins de famille des questions sur les comportements et les problèmes de santé de leurs enfants adoptifs. Par exemple, il arrive souvent que les familles qui adoptent des enfants se trouvent aux prises avec des problèmes liés à l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale, ou à l'ETCAF. Or, il faut couramment des années avant qu'elles reçoivent un diagnostic d'ETCAF, années pendant lesquelles elles éprouvent bien des difficultés causées par les comportements inexpliqués de leur enfant.
En outre, les problèmes d'attachement constituent une préoccupation réelle relativement aux enfants qui ne sont pas adoptés lorsqu'ils sont bébés. Davantage de recherches sur la question doivent être menées au Canada. De plus, les pédiatres et d'autres professionnels doivent apprendre quelles sont les différences dans la formation de l'attachement entre les enfants adoptifs et les enfants non adoptifs.
J'ai vu des familles qui éprouvaient beaucoup de difficultés et qui n'arrivaient pas à comprendre pourquoi leur enfant se conduisait mal. Ces familles ont besoin d'aide. Peut-être devrait-on considérer la possibilité de financer la formation future de parents qui pourraient diriger des groupes de soutien avant et après l'adoption.
En fait, il y a deux ou trois ans, le Conseil d'adoption du Canada a offert de la formation destinée aux parents. Il s'agissait d'un programme éducatif et instructif. Plus important encore, il a permis aux parents de se réunir pour discuter de problèmes que nombre d'entre nous avons affrontés. Nous avons cerné certaines difficultés et nous avons parlé de moyens d'aider les familles qui sont confrontées à de réels défis.
Ce genre de formation est précieux pour les parents qui tentent de contribuer à la cause en mettant en place des groupes de soutien dans leur collectivité. Pour ma part, j'ai vraiment aimé l'appui et le matériel pédagogique que j'ai reçus. Je consulte fréquemment les outils de formation qu'on nous a donnés et je les partage avec d'autres.
Il faut davantage de mentorat et de leadership entre parents au pays. Malheureusement, le financement ponctuel que le CAC a reçu pour l'aider à lancer ce programme n'était pas suffisant pour qu'il poursuive ses efforts partout au Canada.
Pourtant, si l'on ne met pas en place des groupes de soutien aux parents et si l'on ne forme pas les parents sur les questions critiques liées aux enfants et aux jeunes, les placements permanents risquent de disparaître et les enfants risquent d'être repris en charge par le système d'aide à l'enfance.
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Je vous remercie de m'avoir donné l’occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je suis parent adoptif et aussi bibliothécaire professionnelle; je suis en charge des études autochtones à l'Université d'Ottawa.
Je fais partie de la communauté d'adoption depuis 18 ans et j'ai 2 fils adoptifs. L'un était nouveau-né lorsque je l'ai adopté, et j'ai un lien de parenté avec lui. Pour l'autre, j'ai procédé à une adoption internationale, un cauchemar qui a duré deux ans et que j'ai dû compléter moi-même. Je me suis rendue au Guatemala et j'ai conclu le processus avec l'aide d'une amie guatémaltèque.
Dans le cas de mon deuxième fils, j'avais certainement besoin de temps de récupération. Or, lorsque je suis rentrée du Guatemala, j'ai dû retourner travailler dès le lendemain en raison du régime de prestations. Je me doutais que mon fils aîné avait des difficultés d'attachement et j'ai compris que j'étais en fait sa quatrième dispensatrice de soins. Toutefois, il n'y avait pas de services de soutien après l'adoption ni au Québec, ni en Ontario. C'était en 1994.
À l'époque comme aujourd'hui, les parents adoptifs sont réticents à demander de l'aide aux services sociaux par peur d'être étiquetés comme des parents inaptes et aussi de perdre leurs enfants au système. Cela soulève de réelles préoccupations.
J'ai été chanceuse de trouver un psychologue compatissant au CHEO, au Centre hospitalier pour enfants de l'Est de l'Ontario, ici à Ottawa; il m'a été d'un grand soutien. Toutefois, j'ai tout de même dû me rendre aux États-Unis, car il n'y avait pas de spécialistes de l'attachement ici; en fait, il n'y avait aucune aide dans ce domaine. En tant que bibliothécaire, j'avais au moins accès à des ressources d'information. Ainsi, je me suis rendue aux États-Unis et j'ai demandé de l'aide du Dr Dan Hughes, un psychologue spécialisé dans les questions d'attachement.
En ce qui concerne le soutien, j'ai reçu des prestations d'assurance-emploi. Je vais vous présenter ces données très rapidement, parce que vous avez les notes et les chiffres en main. Je me suis dit qu'il serait plus facile de se référer aux notes.
Mon employeur m'a donné les mêmes prestations que celles auxquelles un parent biologique a accès; j'ai donc eu droit à 12 semaines. Puis, lorsque je suis rentrée du Guatemala, j'ai dû reprendre mon emploi immédiatement et j'ai dû travailler pendant 20 semaines pour être admissible à un deuxième congé. Pour mon deuxième congé, j'ai eu droit à cinq semaines additionnelles, parce que si un enfant âgé de plus de six mois souffrait de troubles physiques, mentaux ou émotionnels à ce moment-là, on avait droit à cinq semaines supplémentaires, ce qui était mon cas.
Ensuite, j'ai dû commencer à travailler trois jours par semaine. Je ne pouvais pas bien prendre soin de mes enfants et répondre à tous leurs besoins en travaillant à temps plein. J'ai oublié de mentionner que ces deux enfants me sont arrivés sur une période de trois mois et demi; vous pouvez donc vous imaginer les défis que j'ai eu à relever.
Vous avez également demandé si j'avais reçu des prestations fédérales. De fait, j'ai reçu la Prestation fiscale canadienne pour enfants pour mes deux fils.
Or, ce sur quoi je veux vraiment me concentrer, ce sont mes recommandations relatives à la sensibilisation et à la formation. Je vous ai fourni des exemples très précis de personnes que nous devrions faire venir au Canada, selon moi, en vue d'appuyer les services de soutien après l'adoption. C'est là ma préoccupation principale.
Je propose que la toute nouvelle Commission de la santé mentale du Canada et l'Agence de la santé publique du Canada placent les informations appropriées sur leurs sites Web afin de sensibiliser la population au sujet de l'adoption — par exemple, en créant un onglet « adoption », où l'on trouverait des renseignements sur l'attachement, le chagrin, la perte et l'ETCAF.
Je recommande aussi fortement que le RHDCC finance un programme de formation des formateurs. Le North American Council on Adoptable Children l'a déjà créé et il aimerait l'offrir au Canada. Il existe déjà. Il servirait à former des parents adoptifs qui ont beaucoup d'expérience, comme moi, afin qu'ils puissent donner des présentations dans le milieu de la santé mentale.
C'est tellement important de faire passer le message qu'il faut de la sensibilisation. J'inclus ici non seulement les professionnels de la santé mentale, mais aussi les avocats et les juges. Je trouve vraiment cela très important. Ce programme pourrait aussi servir à former les enseignants dans les écoles publiques. C'est essentiel.
Par ailleurs, il y a une limite au montant de temps que les parents bénévoles peuvent donner. Si l'on pouvait les rémunérer, cela aiderait beaucoup. Nous voulons tous aider notre prochain, mais nous manquons tous de temps et nous devons gagner notre vie.
Je propose que la Commission de la santé mentale du Canada, l'Agence de la santé publique Canada ou RHDCC parraine des conférenciers qui sont des spécialistes en matière d'adoption et d'attachement. Dans mon mémoire, j'en ai nommé quelques-uns. Je les connais tous, je les ai tous entendus et ils sont excellents. La formation qu'ils offrent est aussi de très haut niveau. Elle cadrait bien avec le programme d'enseignement de nos facultés de médecine, de travail social, pour toute formation professionnelle de ce genre et aussi pour les juges. Le calibre est à ce point élevé. J'ai suivi cette formation et je la recommande fortement. Je crois que c'est vraiment important.
Je recommande aussi la création d'une campagne de sensibilisation publique nationale et le financement de messages et de films d'intérêt public. Nous avions commencé à travailler là-dessus avec le Conseil d'Adoption du Canada, mais nous n'avons pas pu continuer. Nous avions déjà trouvé une cinéaste qui avait l'expérience dans le domaine de l'adoption et qui a continué à travailler et à faire de la recherche sur le sujet, et nous l'avons aidée. Vous trouverez aussi son nom et ses coordonnées dans le mémoire.
Étant donné que je viens du milieu universitaire, je pense qu'on devrait inciter le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et d'autres organismes de financement universitaire à financer la recherche sur l'ETCAF chez les enfants adoptés. À l'Université d'Ottawa, il y a un professeur qui fait de la recherche dans ce domaine et qui a un grand intérêt pour cette question. Je vous ai aussi fourni le lien d'un autre organisme — que j'ai découvert récemment — qui traite de ces questions.
Enfin, le dernier point que je voudrais soulever est qu'on devrait encourager la participation des collectivités autochtones. J'ai remarqué que le nom de Cindy Blackstock a été mentionné jeudi dernier. Elle travaille pour la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières nations du Canada, qui offre du soutien aux familles autochtones pour les questions liées à l'adoption non seulement à l'extérieur des collectivités autochtones, mais aussi au sein de leurs propres collectivités, particulièrement par rapport au syndrome d'alcoolisation foetale.
N'hésitez pas à me contacter si vous avez besoin de plus de renseignements ou si vous avez besoin d'aide en matière de recherche, parce que je suis une recherchiste professionnelle. C'est mon métier.
Merci beaucoup.
L'adoption a toujours fait partie de ma vie. J'ai été adoptée à Victoria, selon le mode d'adoption traditionnel, alors que je n'étais qu'un nourrisson. Je suis rentrée de l'hôpital à l'âge de 11 jours. En plus d'être adoptée, je suis un parent adoptif. J'ai aussi un grade de premier cycle en développement de l'enfant et un diplôme d'études supérieures en travail social.
J'ai été membre du conseil d'Open Arms International Adoption, qui facilite les adoptions d'enfants chinois. J'ai fait cela pendant plusieurs années. J'ai fondé, à l'échelle locale, une garderie pour les enfants qui ont été adoptés dans notre collectivité, à Belleville. Je suis aussi membre du comité de planification de notre atelier annuel Jane Brown, qui est un programme de jeux pour les enfants qui participent aux ateliers; les parents prennent part à des ateliers distincts. Nous nous réunissons une fois par année, habituellement l'automne.
Une bonne analogie, quand on pense à une adoption fermée traditionnelle, serait le mariage. Supposons que le jour de votre mariage, votre conjoint vous dit soudainement: « Maintenant que nous sommes mariés, tu n'as pas besoin d'entretenir des relations avec ta famille, parce que la mienne va combler tous tes besoins. Tu n'as pas besoin d'avoir de contacts avec ta famille, et ce sera vraiment bon pour toi. » Voilà certaines des raisons pour lesquelles les enfants adoptés ont tant de problèmes par rapport à la perte de leur famille originale parce que certains d'entre nous n'ont pas de parenté que nous ne préférerions ne pas avoir, si nous sommes tous issus de familles normales.
J'ai une soeur biologique — née quatre ans après moi — qui a aussi été placée en adoption dans une autre famille. Nous nous sommes rencontrées pour la première fois grâce au registre de retrouvailles de la Colombie-Britannique, qui a fait beaucoup plus de progrès que le registre de l'Ontario, où j'habite maintenant. Ma soeur est médecin et est spécialisée en gériatrie. À l'époque où nous nous sommes rencontrées, je travaillais, à titre de travailleuse sociale, au sein de l'équipe de psychiatrie gériatrique. Lorsque nous nous sommes rencontrées, nous nous sommes demandé si c'était une coïncidence ou si c'était génétique. Je vais vous laisser y réfléchir.
Je vais vous parler un peu de l'adoption, en Chine, de notre première fille. Il n'y a plus autant d'adoptions internationales maintenant, mais Singshan avait deux ans et demi au moment de son adoption, et je pense que son histoire et sa situation ressemblent beaucoup à celles des enfants qui ont été pris en charge au Canada parce qu'ils ont été négligés et ont subi de mauvais traitements.
Lorsque j'ai rencontré Singshan en 1998, elle avait deux ans et demi. Elle portait des vêtements de grandeur 12, elle pesait 18 livres, elle ne parlait pas — ni chinois, ni anglais — et elle n'avait jamais rencontré des gens de race blanche. De son point de vue, je n'avais pas l'air normal, je ne parlais pas normalement et j'avais une drôle d'odeur. À ce moment-là, j'étais entièrement responsable de cet enfant. Nous avons toutes les deux convenu que nous étions complètement dépassées. Nous n'avions pas besoin de langage pour exprimer le fait que nous étions complètement dépassées.
Quand on parle d'adopter un tout-petit ou un enfant plus âgé, la danse est une bonne analogie. Quand vous apprenez à danser avec un nourrisson, vous commencez en même temps et vous apprenez ensemble. Mais quand il s'agit d'un tout-petit, vous savez déjà tous les deux comment danser. Si votre tout-petit est déterminé — et mes deux filles l'étaient —, vous savez tous les deux comment danser, mais différemment; vous vous marchez sur les pieds, vous tirez chacun de votre côté et vous essayez de trouver un moyen de danser ensemble. C'est un processus incroyablement frustrant pour les deux, mais vous finissez par apprendre à travailler ensemble. Cela prend beaucoup de temps.
Quand je suis revenue de Chine, mon mari et moi avons conclu qu'il était évident que notre fille avait besoin de plus de temps. Au lieu des quelques courtes semaines qui nous étaient offertes, nous avons décidé que je devrais rester à la maison à plein temps, et nous vivions avec un seul revenu. Mon mari est un ministre du culte de l'Église Unie du Canada, et les ministres ne sont pas bien payés. Nous avons fait beaucoup de choix et nous avons traversé beaucoup de problèmes de nature économique, mais nous étions convaincus que c'était vraiment important. Donc, si vous prenez cette « petite fille abandonnée », comme nous l'appelions au début, et que vous faites un saut jusqu'à aujourd'hui, vous pourrez voir qu'elle vient tout juste d'entrer en neuvième année. Elle est inscrite au programme d'art de son école secondaire, et elle a dû passer une audition pour y entrer. C'est une élève confiante et intelligente qui a été dans un programme enrichi pendant un an. C'est une musicienne et une danseuse, et elle est devenue une personne formidable. Certains jours, je me demande d'où vient cette magnifique enfant; d'autres — où elle est une adolescente normale —, je me demande d'où vient cette enfant.
À mon avis, deux choses ont contribué à cela. D’abord, Singshan possédait cet énorme potentiel. Il était là, il avait besoin d'être développé, et le temps que nous avons passé ensemble au début nous a permis de mettre en place la base solide nécessaire pour y arriver. C'était essentiel pour elle.
L'autre élément est le fait que nous avons été soutenus et encouragés par beaucoup d'amis et par la famille. On ne peut pas être parent d'un enfant adopté si on a soi-même d’importants besoins. On a besoin d'aide — parfois d’aide professionnelle —, mais tant le parent que l'enfant ont besoin d'être appuyés par de nombreuses personnes.
Pour ce qui est de notre deuxième adoption, notre enfant était en bien meilleure santé. Toutefois, elle avait été avec une mère de famille d'accueil extraordinaire et elle a été atterrée de l'avoir perdue, et j'en ai été témoin; à partir de ce moment-là, je savais que cela allait être vraiment difficile. Cette petite fille en famille d'accueil était la princesse de la famille, et ses besoins étaient probablement satisfaits en dix secondes, ou moins. Et évidemment, je ne dansais pas bien avec elle, parce qu'au début, j'étais incapable de répondre à ses besoins et elle me l'a clairement fait savoir. Nous avons donc travaillé très fort pour nous unir.
J'ai demandé à Donnshai ce que je devrais vous dire au sujet de l'adoption; elle m'a prié de vous dire que:
Parfois, l'adoption est triste, c'est un travail difficile et parfois, c'est bien. Le mauvais côté, c'est que certains se moquent de vous parce que vous êtes différent. Le plus triste, c'est que vos premiers parents vous manquent. La bonne nouvelle est que ce n'est pas grave si on est adopté, parce qu'on a un coeur à l'intérieur, comme tout le monde, et qu'à l'intérieur, nous sommes tous les mêmes.
En terminant, en guise de recommandations, je crois qu'il serait bénéfique que toutes les familles aient accès au congé de maternité d'un an et aux congés pour obligations familiales; si les familles adoptives avaient un congé pour adoption — en remplacement du congé de maternité —, cela nous permettrait de consacrer une année complète à l'enfant. Notre famille a choisi de le faire, mais, en conséquence, nous nous sommes créé beaucoup de problèmes financiers.
Nous croyons également qu'il est nécessaire de mieux faire connaître l'adoption à travers le Canada, afin que nous sachions ce qui se passe, ce qui fonctionne, ce qui permet de placer des enfants plus âgés. Je voulais terminer en citant le directeur d'un orphelinat haïtien:
Je n'ai jamais entendu un enfant dire qu'il voulait passer toute sa vie dans un orphelinat, mais je ne peux même pas compter le nombre de fois où je les ai entendus dire qu'ils rêvaient et espéraient avoir une famille permanente.
Merci.
Je suis aussi une enfant adoptée, et j'ai été mise sur un piédestal pendant mon enfance. Franchement, j'ai été si choyée que je me suis sentie mal pour les enfants biologiques. C'est la stricte vérité. Je me souviens que ma mère me disait que les autres familles ne choisissaient pas leurs enfants, et qu'eux, ils avaient eu le choix. C'est dans cette atmosphère que j'ai grandi. J'en suis très reconnaissante.
Je suis également un parent adoptif. Et je suis un parent de famille d'accueil, et je le suis depuis 18 ans.
Nous avons deux fils biologiques.
L'adoption est notre premier choix. Nous n'avions pas de difficulté à avoir des enfants, mais nous savions que l'adoption allait faire partie de notre vie. Avant même que nous soyons mariés, nous nous sommes dit que l'adoption ferait partie de notre famille, indépendamment de notre capacité d'avoir des enfants.
Nous avons commencé comme parents de famille d'accueil. Nous avons accueilli notre fille — c'est la photo qui est en évidence — à l'âge de 13 mois. Elle avait 19 fractures. Elle avait le syndrome du bébé secoué et souffrait d'un retard de croissance. Nous avons suivi son état de près, avec des équipes médicales et d'évaluation, sans savoir ce que lui réservait l'avenir. Le processus judiciaire allait durer quatre ans avant qu'elle ne soit offerte en adoption. Nous sommes tombés follement amoureux d'elle dès que nous l'avons vue, alors nous l'avons accompagnée dans son épreuve, puis nous avons choisi de l'adopter.
Au fil des ans, nous avons été la famille d'accueil de 19 enfants. Et notre choix porte sur les enfants canadiens.
Nous l'avons adoptée. Elle a certains problèmes de troubles d'apprentissage. Le soutien après l'adoption que nous avons reçu ne convient pas à ses besoins. Nous avons payé pour l'envoyer à l'école privée, et ce n'est pas couvert par l'adoption. Nous avons choisi cette école parce qu'elle offrait des mesures de soutien précises pour notre fille. À part cela, les mesures de soutien après l'adoption couvrent le tutorat. Des évaluations ont été faites pour que nous puissions l'aider à réaliser son potentiel. Hier soir, elle m'a dit qu'elle a reçu un prix.
Elle est maintenant dans une école secondaire publique. Nous lui avons enseigné des stratégies afin qu'elle puisse s'aider elle-même. Elle a fait des recherches sur les sites Web des collèges où elle aimerait aller. Elle rêve de l'avenir. Nous sommes tellement reconnaissants d'avoir eu l'occasion de l'élever et de lui donner ces avantages.
Nous n'avons pas eu de temps libre, parce que nous l'avons accueillie par l'intermédiaire du placement en famille d'accueil.
L'autre photo est celle d'un petit bonhomme que nous avons accueilli quand il avait deux ans. Nous allons l'adopter. Il est atteint du syndrome d'alcoolisation foetale, et il nous est arrivé avec deux hémorragies sous-durales résultant de blessures reçues en foyer d'accueil. Il a des lésions cérébrales assez graves. Nous utilisons tout l'argent que nous recevons des services de famille d'accueil pour lui fournir les services dont il a besoin. Nous payons pour l'école privée. Nous payons pour les loisirs dans lesquels il excelle, parce que son retard d'apprentissage lui nuit. Le système paie pour des évaluations extrêmement coûteuses afin que nous puissions comprendre comment l'élever et le guider d'une manière qui favorisera sa progression à l'avenir. Nous avons suivi des cours et nous avons appris qu'il est possible d'aller de l'avant dans l'éducation des enfants atteints du syndrome d'alcoolisation foetale.
J'ai aussi placé des enfants dans des foyers adoptifs et j'ai aidé les familles qui ont adopté des enfants que j'avais accueillis chez moi.
En votre qualité de gouvernement, ce que je considère comme un besoin que vous pouvez satisfaire, c'est de nous accorder le même congé parental qu'aux autres familles. Les familles qui adoptent des enfants éprouvent, à tout le moins, de l'attachement. Les enfants, les mères et les pères ont besoin de ces semaines pour nouer des liens.
Au Canada, les enfants — s'il s'agit d'enfants qui ont été enlevés à leur famille en raison de négligence ou de mauvais traitements — ont souvent des problèmes énormes. Si nous soutenons les familles dès le début — dès qu'elles ont accepté d'accueillir les enfants — et que nous leur donnons le temps nécessaire pour s'attacher aux enfants et tisser des liens avec eux, ce sera le meilleur moyen de garantir la stabilité de la famille.
Vous fournissez une prestation fiscale aux familles. C'est en vertu de la disposition sur les « prestations de soignant ». Je serais ravie de voir qu'on en élargisse le champ d'application, qu'on permet aux familles de profiter pleinement de la période d'attachement, car elles ont souvent besoin de conseils et de bien d'autres choses. Elles peuvent avoir besoin de soins de santé, et il y a toutes sortes de choses sur lesquelles elles doivent pouvoir compter pour leurs enfants. Puis, à un autre moment — en cas de crise, parce que beaucoup de nos enfants sont aux prises avec des problèmes d'alcoolisation foetale et de problèmes découlant de la négligence, dont les répercussions se font sentir plus tard au cours de leur vie —, on pourrait, par l'adoption d'une mesure fiscale quelconque, permettre aux familles de recevoir des prestations d'assurance-emploi — jusqu'à un an — afin qu'elles puissent prendre le temps de protéger leur famille et de répondre aux besoins de leurs enfants.
Je pourrais continuer encore longtemps.
Merci.
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Merci, madame la présidente.
Mesdames, je n'ai rien à ajouter, sauf que je suis tout à fait dépassée par ce que je viens d'entendre. Que pouvons-nous dire, sinon que c'est merveilleux, en particulier dans le cas de celles qui ont vécu l'adoption comme enfants adoptés et qui veulent maintenant donner un peu de ce qu'elles ont reçu? C'est tout simplement merveilleux. Je vous écoutais, madame Kowalko — et les autres dames aussi —, et devant tant d'adversité et de problèmes, vous avez développé la flexibilité et le pragmatisme et tout ce qui est nécessaire pour accepter ce qui arrive à ces enfants, et pourtant, vous les amenez à un autre niveau.
Vous féliciter est un mot si faible, si dérisoire compte tenu de ce que vous avez vécu et de ce que certaines d'entre vous vivent encore au jour le jour.
En toute franchise, madame Kowalko, ce n'était pas vraiment nécessaire de nous apporter une photo. La description que vous avez faite toutes les quatre des difficultés, mais aussi, je pense, des joies que vous avez eues et du bonheur que vous avez certainement apporté à ces enfants parle véritablement d'elle-même. Donc, je vous remercie beaucoup de tout le travail que vous avez fait.
Nous siégeons au Parlement, et nous essayons de penser à la loi, mais en fin de compte, nous vous regardons et des gens comme vous qui ont fait tant de travail. Cela me fait me sentir — je vais parler pour moi-même — toute petite face à ce que vous avez vécu et ce que vous avez choisi de vivre tous les jours. Donc, tout ce que je peux dire, c'est merci.
Mais je vais aussi retourner à mon travail de législatrice. Vous voulez que les Canadiens soient mieux informés de ce qu'est l'adoption et des problèmes que l'on rencontre quand on adopte un enfant et bien sûr, du rôle du gouvernement fédéral. À mon avis, beaucoup de choses que vous avez suggérées semblent relever du champ de compétence des gouvernements provinciaux, mais beaucoup de ces choses devraient être prises en charge de manière très constitutionnelle par le gouvernement fédéral.
Madame Haire, plusieurs de vos recommandations touchent le gouvernement fédéral et les organismes du gouvernement fédéral de façon très concrète. Mais j'aimerais entendre l'avis de tout le monde. En matière d'adoption, lorsque vous communiquez avec le gouvernement fédéral, qu'est-ce qui fait défaut? Soyez précises. Que souhaitez-vous voir pour combler ces lacunes, pour améliorer le sort des gens qui suivront vos traces? Soyez aussi précises que possible. Ma question ne s'adresse pas à une seule personne, mais à vous quatre.
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Merci, monsieur Watson. C'est délicat de votre part.
Comme je le disais plus tôt, j'ai trouvé vos témoignages extraordinaires. J'y suis très sensible. À mon avis, nous devons considérer et traiter tous les enfants de la Terre comme nos propres enfants.
Mme Haire a dit avoir constaté en 1994 que l'Ontario et le Québec disposaient de moyens plutôt réduits en matière de soutien à l'adoption. Je pense que la situation a beaucoup évolué depuis. Vous êtes consciente, je crois, que la question des compétences est également en jeu, ici. Mme Folco l'a d'ailleurs souligné plus tôt. Ce matin, vous faites une série de recommandations relatives à l'adoption. Vous parlez notamment d'un manuel d'instructions, d'un site Web, de ressources, de thérapeutes, des problèmes de comportement des enfants, d'assumer un leadership, du mentorat, de former des liens d'attachement. Ce sont là des mesures qui doivent être prises par les provinces.
Je vais maintenant me concentrer davantage sur les mesures que vous proposez et qui relèvent, il me semble, de compétences fédérales. L'une d'entre elles, qui est majeure, est le recours à la caisse d'assurance-emploi pour permettre l'octroi de congés parentaux. Nous sommes d'accord à ce sujet. Nous allons étudier cette proposition. Comme vous le savez sans doute, aussi bien l'adoption que la naissance d'un enfant permettent l'octroi de congés parentaux au Québec.
Vous proposez deux autres mesures qui, à mon avis, méritent que nous nous y attardions un peu. Vous parlez du système judiciaire et de formation qui pourrait être offerte aux avocats et aux juges appelés à intervenir devant les tribunaux dans le cadre de cas reliés à l'adoption. J'aimerais que vous nous donniez plus de détails à ce sujet.
Mon autre question s'adresse à chacune d'entre vous.
Vous avez parlé, chacune à sa manière, de campagnes de publicité nationales. Pourquoi? Que devraient-elles couvrir? Étant donné que votre expérience fait de vous des spécialistes, en quelque sorte, j'aimerais entendre vos commentaires sur ces deux sujets.
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J'ai parlé de formation destinée aux juges et aux avocats parce qu'à mon avis, ils ne sont pas nécessairement au courant de ce dont nous avons parlé aujourd'hui. Il est donc important qu'ils reçoivent une formation. Ils comprennent le processus légal de l'adoption, mais c'est tout. Ils n'en savent pas plus. Quand j'ai parlé de formation, j'ai mentionné précisément ces gens qui viennent des États-Unis parce qu'à mon avis, il est important que des gens de toutes les professions soient au courant.
Il y a deux ou trois ans, le NACAC a tenu un colloque ici, à Ottawa. J'ai fait de la publicité concernant cet événement auprès de tous les avocats et juges du Québec et de l'Ontario ainsi qu'auprès de tous les établissements d'enseignement, aussi bien anglais que français. Pourtant, presque personne n'est venu. C'est vraiment triste.
C'est lié à la suggestion que j'ai faite, à savoir qu'à l'intérieur de la Commission de la santé mentale du Canada, on fasse de la sensibilisation. À ce que je sache, cette commission est nouvelle. En général quand vous parlez d'un site, de la Commission de la santé mentale du Canada, l'adoption part de ça. C'est important. Quand on parle d'attachement — et ici, il ne s'agit pas uniquement des enfants adoptés —,
[Traduction]
nous parlons de perte, de deuil…
[Français]
Tout cela concerne l'adoption mais également la population en général. Je sais qu'il y a des compétences provinciales et fédérales, mais on pourrait quand même surmonter cela et établir des liens entre les deux.
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Merci, madame la présidente. Je remercie également nos témoins d’avoir accepté de comparaître.
Nous vous sommes, bien entendu, reconnaissants des témoignages très convaincants que vous avez apportés aujourd’hui. Je pense que vos expériences personnelles, les réussites et les difficultés que vous avez vécues au cours de votre propre périple, ont donné de précieux conseils au comité.
Je veux commencer par parler brièvement de l’AE. Bon nombre des exposés donnés au comité par les groupes d’experts qui vous ont précédé mettaient l’accent sur elle. Je présume qu’il y a deux façons de les envisager. Certains d’entre eux recommandaient que nous augmentions le nombre de semaines de congé parental afin qu’il passe à 50, ce qui signifierait vraisemblablement que des prestations de maternité seraient versées en plus — le congé parental étant prévu pour prendre soin des enfants et régler leurs difficultés d’attachement. Il faudrait que ces semaines supplémentaires soient offertes à la fois aux parents adoptifs et aux parents biologiques.
L’autre façon de procéder consisterait à laisser le congé parental tel qu’il est en ce moment, c’est-à-dire d’une durée de 35 semaines, et à accorder des prestations de maternité de 15 semaines et une sorte de congé de transition pour les parents adoptifs qui correspondrait au congé de maternité, ce qui donnerait à tout le monde 50 semaines de congé. Par contre, je présume qu’il faudrait trouver une raison logique pour accorder un congé de transition qui ne serait pas lié à l’établissement de liens affectifs avec les enfants. Ce serait pour les parents.
Vous avez beaucoup parlé des difficultés d’attachement des enfants, veuillez m’en dire davantage à ce sujet. Madame Kowalko, nous allons commencer par vous et nous allons continuer à faire intervenir les membres du groupe d’experts de cette manière. Parlez des problèmes psychologiques et des autres difficultés auxquels se heurtent les mères qui adoptent des enfants, de la raison pour laquelle vous avez besoin de ces semaines supplémentaires et de la raison pour laquelle un congé de transition serait important pour vous — parlez des difficultés que les mères adoptives doivent surmonter et que les mères biologiques ne rencontrent peut-être pas.
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Habituellement, quand les enfants sont placés dans un foyer nourricier — j’ai d’abord été un parent nourricier —, ils ne sont pas attachés à vous. Ils ne savent même pas qui vous êtes. Vous leur êtes parfaitement étranger. Lorsqu’ils arrivent, vous devez résoudre leurs problèmes d’attachement.
Il est arrivé que ces enfants soient partis de chez moi pour être adoptés par une nouvelle maman. Au début, tout est merveilleux et exaltant. Puis, lorsque les mères se rendent compte que j’ai été en mesure d’assurer la transition de ces enfants dans leur foyer, mais que ceux-ci s’ennuient de moi, elles se sentent rejetées. J’ai donc dû aider certaines d’entre elles à obtenir de l’aide, car elles sont embarrassées par la situation. Elles rêvaient d’adopter ce bébé ou cet enfant et, lorsqu’il est arrivé, il les a rejetées.
Ce n’est pas toujours le cas, mais, habituellement, la mère est la personne qui reste à la maison. Le papa arrive le soir, joue avec les enfants, et tout se passe merveilleusement bien. Toutefois, une fois la lune de miel terminée, la maman est à la maison toute la journée, et l’enfant pleure; il est bouleversé et agité parce qu’il regrette la vie qu’il menait avant.
Par conséquent, parfois, les mères ont besoin d’être soutenues afin d’obtenir l’aide qu’elles requièrent. Elles ont besoin d’un endroit où elles peuvent avouer qu’elles ne croyaient pas s’engager à cela, que les choses ne se déroulent pas comme elles s’y attendaient. Ces problèmes se règlent avec le temps.
Il y a une famille avec laquelle j’ai travaillé pendant des années. J’ai dû mettre la mère en rapport avec un spécialiste de l’attachement afin qu’elle puisse s’attacher à son enfant. J’ai donc travaillé avec des familles adoptives au moment où elles accueillaient leurs enfants, et les problèmes d’attachement qu’elles ont vécus ont été graves et cachés.
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La séance est ouverte. Je vais simplement attendre que les témoins s’assoient, puis nous serons prêts à commencer.
Pendant la deuxième heure de notre séance, nous sommes enchantés d’accueillir Julia Alarie, Tracy Clemenger, Wesley Moore et Elspeth Ross. Je vous remercie tous de votre présence.
Si vous étiez ici pendant la première heure, vous avez entendu que chacun de vous disposait de cinq à sept minutes pour donner son exposé. Si vous regardez dans ma direction, je vous indiquerai quand votre temps de parole tirera à sa fin. Nous sommes plutôt inflexibles quant à nos limites de temps.
Nous sommes impatients d’entendre vos témoignages.
Nous nous efforçons vraiment de rester concentrés sur les mesures que le gouvernement fédéral pourrait prendre pour aider les parents adoptifs. Par conséquent, nous vous demanderions d’essayer de tous vous en tenir à ce sujet, tout en nous communiquant vos expériences et l’incidence que le fait d’adopter a eue sur vous et votre famille.
Nous allons commencer par M. Moore.
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Bonjour, mesdames et messieurs.
Tout d’abord, je tiens à féliciter le comité d’avoir entrepris cette étude. En tant que parent adoptif, je suis très encouragé de voir notre Parlement et nos parlementaires s’intéresser à une question aussi importante qui touche, littéralement, la vie de milliers de Canadiens et de milliers de familles. Donc, merci beaucoup. Je vous en suis vraiment reconnaissant.
Je vous raconte mon histoire brièvement. En 2008, mon épouse et moi avons eu le sentiment que nous étions censés adopter un enfant, non pas parce que nous avions des problèmes de fertilité, mais parce que nous avions l’impression que c’était notre mission. Nous avons donc commencé à effectuer des recherches sur les adoptions internationales. Nous avons cherché des pays qui respectaient la Convention de Genève et des agences d’adoption dont la philosophie correspondait à la nôtre. C’est pourquoi nous avons choisi de nous adresser à Mission of Tears, une organisation implantée à Toronto, pour procéder à l’adoption. Au cours de l’automne 2008, nous nous sommes inscrits auprès de Mission of Tears, et nous avons décidé d’adopter un enfant d’Afrique du Sud.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que le processus d’adoption est long, réfléchi et importun. Comme vous en êtes tous bien conscients, la majeure partie du processus est réglementée par le gouvernement provincial, mais le processus lui-même est long. Il est très délibéré et, comme je l’ai dit, très importun.
Nous avons suivi le PPSFR — le Processus du perfectionnement et du soutien des familles-ressources —, qui est mandaté par le gouvernement ontarien, nous avons décidé soit de nous soumettre à une étude du milieu familial, soit de rencontrer un intervenant en adoption, et nous avons rempli les formulaires dont les autorités avaient besoin pour vérifier nos antécédents financiers, notre passé psychologique et nos casiers judiciaires, ainsi que pour s’assurer que nos noms ne figuraient pas dans les dossiers des services d’aide sociale à l’enfance, autrement dit, pour s’assurer que nous étions de bonnes personnes susceptibles de prendre bien soin d’un enfant.
Au cours de l’été 2009, nous avons présenté une demande pour la première partie du processus de citoyenneté. On nous avait dit que cette étape prendrait environ sept semaines, mais il leur a fallu environ 12 semaines pour confirmer la citoyenneté de mon épouse et la mienne. Ensuite, nous avons suivi à Toronto un cours de sensibilisation aux différences culturelles que soulève l’éducation d’un enfant africain dans une famille composée majoritairement de blancs. À l’automne 2009, nous avons reçu l’approbation de la première partie de notre demande de citoyenneté ainsi que l’approbation du ministère provincial de l’Ontario.
En octobre 2009, nous avons reçu le dossier de notre fils, Sivuyile Dlamini, et je dois avouer que cela a été l’un des moments les plus incroyables et les plus intenses de notre existence. Nous avions en main le dossier de l’enfant qui allait bientôt devenir notre fils. À l’époque, c’est-à-dire au mois d’octobre de l’année dernière, Sivuyile était âgé d’à peu près trois ans.
Le 2 novembre, nous sommes partis d’Ottawa pour nous rendre à Durban, en Afrique du Sud. Nous avons rencontré Sivuyile le matin du 4 novembre, et nous avons passé la première journée avec lui. Puis, le 5 novembre, nous nous sommes présentés devant un tribunal d’Afrique du Sud qui a déclaré que nous étions ses parents. C’est un moment que je n’oublierai jamais — un moment analogue à celui que j’ai vécu en novembre lorsque mon épouse a donné naissance à notre enfant biologique. Oui, un de ces moments inoubliables.
Du 6 au 28 novembre, nous avons attendu la fin de la deuxième partie du processus de citoyenneté, prévu par le projet de loi C-14, ainsi que la délivrance de son passeport canadien temporaire. Le 28 novembre, muni de son passeport canadien, un petit passeport temporaire blanc, il a pris l’avion pour le Canada et, le 29, il est arrivé à la maison où ses grands-parents l’attendaient impatiemment.
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Bien sûr, je le ferai avec plaisir. En fait, j’ai d’autres photos, alors je serais heureux de le faire.
Très rapidement, en ce qui concerne le soutien que le gouvernement fédéral pourrait apporter, je recommanderais que les enfants adoptés à l’étranger aient la même capacité juridique que les enfants biologiques ou les enfants adoptés au Canada.
Il y a trois mesures que j’aimerais vous proposer aujourd’hui. Premièrement, je préconiserais d’augmenter le crédit d’impôt pour frais d’adoption afin de le faire passer de sa valeur actuelle de 10 000 $ à une valeur minimale de 20 000 $. Ce chiffre serait plus conforme au coût véritable des adoptions internationales. Elles varient de 20 000 $ à 50 000 $, selon le pays d’adoption et la province où vous résidez.
Je recommande également que vous veilliez à ce que les enfants adoptés à l’étranger puissent transmettre leur citoyenneté, tout comme les enfants biologiques et les enfants adoptés au Canada. Par exemple, nous avons maintenant un enfant adopté et un enfant biologique. Si mon enfant biologique vit à l’étranger et conçoit un enfant ou en adopte un, ce dernier héritera de sa citoyenneté canadienne. Par contre, si mon enfant adopté réside à l’étranger, il ne pourra pas léguer sa citoyenneté. En tant que parent de ces deux enfants, je trouve cela embarrassant et préoccupant.
Troisièmement — et je sais que vous avez tous entendu cela avant —, je propose de prolonger les prestations d’AE. Comme j’ai entendu M. Watson le mentionner déjà, je préconiserais que l’on mette des semaines de côté pour les parents adoptifs, au lieu de prolonger le congé parental. Donc, maintenez la distinction entre les deux…
Pour résumer, je recommande de traiter tous les parents et les enfants canadiens de manière équitable, de reconnaître les coûts véritables que l’adoption internationale occasionne à la famille moyenne… En passant, je tiens à indiquer que les coûts des adoptions internationales sont trop élevés pour la famille moyenne de Joe, le plombier — comme on l’appelait lors des dernières élections aux États-Unis. Les adoptions internationales ne sont pas abordables pour les gens. Ceux-ci ne sont pas en mesure d’y avoir recours, ce qui est très malheureux.
La citoyenneté et les prestations d’AE ne devraient pas dépendre de l’endroit où votre enfant est né. L’adoption internationale est un moyen de remédier aux difficultés démographiques du Canada, tout en veillant à ce que les Canadiens soient élevés dans le respect des valeurs canadiennes.
Je vous remercie beaucoup d’avoir pris le temps de m’écouter. Je me réjouis à la perspective de répondre à vos questions.
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J’aimerais également remercier le comité de prendre le temps d’étudier les mesures visant à soutenir les parents adoptifs.
Ma partenaire et moi nous sommes mariées légalement en 2005. L’adoption demeure notre seul moyen d’acquérir simultanément des droits parentaux à l’égard de notre famille.
En 2006, nous avons entrepris d’adopter des enfants précis, soit une paire d’enfants de mêmes parents, âgés de neuf et onze ans respectivement, en nous adressant à la Société de l’aide à l’enfance d’Ottawa. Nos enfants nous ont été confiés en février 2007 et leur adoption a été officialisée un an plus tard.
En avril, ma partenaire donnera naissance à un enfant biologique que nous avons conçu par insémination artificielle à la maison au moyen du sperme d’un donneur connu. Je le mentionne parce qu’après sa naissance, je chercherai à l’adopter afin d’être reconnue légalement comme le deuxième parent de notre fille.
Ma partenaire a également suivi le programme offert par le Conseil d’adoption du Canada, et nous avons fondé ensemble le seul groupe de soutien postadoption dont disposent les familles de gais, de lesbiennes, de bisexuels, de transsexuels et d’indécis d’Ottawa. Bien que nous ayons perdu notre financement, nous continuons d’offrir ce soutien bénévolement au sein de la collectivité.
Lorsque nos enfants actuels sont venus vivre avec nous, l’un d’eux avait de graves problèmes de comportement qui nous ont finalement obligés à l’inscrire à un programme d’une année axé sur la résolution des problèmes comportementaux et scolaires. Les deux enfants avaient grandement besoin d’être soutenus et d’apprendre, car ils savaient à peine lire et écrire malgré leur grande intelligence. Mon fils pouvait additionner mentalement six rangées de nombres de sept chiffres mais, à neuf ans, il n’avait pas encore appris à lire le mot « chien ».
Tous d’eux ont reçu des services de counselling pour les aider à surmonter l’instabilité, la peine, le profond sentiment de vide et le rejet qu’ils ont connus au cours de leur courte vie. Lorsqu’on leur a demandé séparément ce dont ils avaient besoin pour être heureux dans notre famille, chacun d’eux a prononcé le mot « sécurité », et non le mot « amour ». Ils voulaient simplement savoir que nous n’allions pas…
Lorsqu'on leur a demandé séparément ce dont ils avaient besoin pour être heureux dans notre famille, chacun d'eux a utilisé le mot « sécurité ». Ils ne demandaient pas à être aimés, ils voulaient seulement s'assurer que nous n'allions pas les renvoyer. À partir de ce moment, nous avons surtout entrepris de les aider à établir des liens solides au sein de notre famille et de leur apprendre à entretenir des relations saines et enrichissantes avec les autres. C'était il y a quatre ans et aujourd'hui, ils sont débordants de santé, ils sont aimés et en sécurité, et mon fils a lu son premier livre la semaine dernière.
Le soutien que nous avons reçu du gouvernement fédéral s'est limité aux 32 semaines de congé parental dont mon partenaire a pu profiter au moment de l'adoption grâce aux prestations d'assurance-emploi. Nous ne pensons pas avoir eu accès aux mêmes ressources auxquelles les parents biologiques ont droit et dont je vais vous parler. J'ai eu amplement le temps de me pencher sur la question en tant que parent adoptif et membre de la communauté des LGBTQ.
En réponse à la question, j'aimerais offrir les recommandations suivantes.
Tout d'abord, offrir plus de crédits d'impôt fédéral aux familles adoptives. Les Canadiens peuvent présentement profiter des crédits d'impôt fédéral, mais j'aimerais que le gouvernement fédéral envisage d'augmenter le nombre de dépenses admissibles par l'Agence du revenu du Canada pour les crédits d'adoption afin d'inclure les dépenses raisonnables et nécessaires des parents pour se prévaloir de services d'aide après l'adoption d'enfants plus âgés. Ces dépenses comprennent, par exemple, les consultations psychologiques, les coûts reliés aux tribunaux et les dépenses juridiques et administratives associées aux adoptions par le deuxième parent.
Je recommanderais ensuite que le gouvernement fédéral finance les services de soutien aux parents après l'adoption. Une fois l'enfant adopté, le soutien provincial cesse, car ces services dépassent le mandat des sociétés d'aide à l'enfance. On a besoin de financement pour être en mesure d'offrir des services post-adoption aux parents adoptifs et à leurs enfants adoptés afin de les aider à réussir la transition dans leur famille. L'absence de ce type de soutien aux familles augmente le risque d'interruption tôt dans le processus d'adoption et le risque que les enfants retournent sous la tutelle de l'État, ce qui est particulièrement préjudiciable aux enfants plus âgés, car leurs chances d'être adoptés sont déjà plus faibles bien avant une adoption interrompue. Sur les trois familles supervisées par notre travailleur social au moment où nous avons adopté nos enfants, seule la nôtre n'a pas connu d'interruption du processus d'adoption.
Ma troisième recommandation serait d'élargir la définition de « déficience » et lorsqu'elle s'applique aux lignes directrices de l'ARC, elle devrait englober les besoins des enfants qui sont exposés aux drogues, car les enfants adoptés provenant du domaine public sont beaucoup plus à risque. Comme beaucoup d'autres vous l'ont dit, modifier les prestations d'assurance-emploi pour augmenter la durée du congé parental aidera, surtout dans le cas de l'adoption d'un enfant plus vieux, la coordination nécessaire des services lors de la transition dans une famille et souvent dans une nouvelle école et dans de tout nouveaux milieux sociaux. Ces services aident les parents qui souffrent de la dépression post-adoption; ils aident à composer avec le manque de sommeil dont vous avez entendu parler. Par exemple, mon fils n'a pas dormi pendant ses deux premières années avec nous et il lui a fallu un an avant de pouvoir dormir quatre heures par nuit.
Donc, les occasions que nous avons pour élever des enfants adoptés, nous attacher à eux et obtenir le soutien dont ils ont besoin sont extrêmement importantes pour leur réussite plus tard. Personnellement, je ne m'attends pas à la parité avec une mère biologique et les prestations d'assurance-emploi, mais je m'attends à ce que mes enfants adoptés, peu importe leur âge, puissent profiter des mêmes chances d'avoir une mère ou un père, ou simplement d'avoir un parent pendant leur première année avec une famille, comme cela aurait été le cas si les circonstances avaient été différentes pour eux.
Ma cinquième recommandation vise à empêcher les provinces ou les territoires de faire preuve de discrimination envers les parents LGBTQ et leur droit d'adopter et à introduire des mesures législatives qui empêchent une province ou un territoire de refuser l'adoption à des parents en s'appuyant sur l'identité ou l'orientation sexuelle. Cette question doit être traitée de la même façon partout au pays.
Enfin, je recommande que le gouvernement fédéral s'occupe des difficultés relatives à l'adoption interprovinciale. Premièrement, si une famille est approuvée pour l'adoption dans une province, elle devrait pouvoir déménager dans une autre province ou un autre territoire sans devoir tout recommencer. Le processus actuel constitue un gaspillage inutile des ressources publiques et retarde le moment où un enfant peut être adopté de façon permanente. Deuxièmement, le gouvernement fédéral devrait créer une base de données nationale qui aiderait le jumelage interprovincial pour que les enfants soient jumelés de la meilleure façon possible selon leur situation. Cela signifie qu'un enfant vivant dans une province pourrait être adopté par une famille vivant dans une autre si cette famille lui convenait mieux. C'est très important afin de placer dans une situation plus stable les enfants et les jeunes qui sont mis de côté dans le système de placement familial, comme ceux qui s'affichent LGBTQ, surtout les jeunes transsexuels.
Merci.
Madame la présidente, membres du comité, je veux vous remercier de m'avoir invitée. Je suis très contente d'être ici.
J'ai un plan pour les enfants en attente d'adoption au Canada.
Pour vous mettre en contexte, vous devriez avoir reçu, dans les deux langues officielles, le premier magazine national portant sur la question. Je suis co-auteure de l'article à propos des 30 000 enfants canadiens qui se qualifient pour l'adoption. Mes commentaires reposent sur un texte plus long comprenant des recommandations détaillées, que j'ai d'ailleurs déjà remis au greffier.
Après des années d'enquêtes et de discussions avec les gens qui travaillent pour le bien-être des enfants, je peux avancer que les gens plongés dans cette aventure qu'est l'adoption sont enthousiasmés par cette étude — mais en même temps, ils n'attendent pas après le gouvernement pour régler les problèmes graves. Ma devise est « l'enfance ne peut pas attendre qu'on règle les problèmes graves ». Une partie de mon projet de soutien post-adoption repose donc sur une base bénévole et englobe l'enrôlement immédiat de Canadiens. Le but premier est de combler certaines carences très fondamentales au point de départ pour ce qui est de la sensibilisation à l'éducation et du recrutement.
Cela dit, l'aide du gouvernement est toujours requise. Une partie de mes activités de soutien post-adoption était dans la recherche. Les organismes publics, les commissaires provinciaux, les chercheurs et ceux qui travaillent pour le bien-être des enfants conviennent, dans l'ensemble, qu'on a besoin d'une vision et d'une étude à l'échelle nationale, et d'un plan d'action national coordonné à tous les paliers de gouvernement. En effet, le Sénat demande depuis trois ans la nomination d'un commissaire national à l'enfance.
En tant que citoyenne, universitaire, recherchiste au Parlement et mère, j'ai appris que les décisions ne se prennent pas en fonction de la quantité d'information disponible, mais de sa qualité. C'est très important pour les 30 000 enfants canadiens et les milliers d'autres sous la tutelle de l'État qui sont vos ayants cause. Mais ils font partie des ayants cause qui dépendent des autres pour faire valoir leurs droits. Pour moi, une mère adoptive fait valoir les droits de tous les enfants et non seulement des siens. C'est ce que j'entends par « être un parent adoptif avisé ».
Aborder mon rôle parental à partir de rien ne signifiait pas seulement me rendre compte du manque criant de ressources en santé et en éducation, mais également de l'absence d'information nationale correcte à propos de l'adoption au pays. J'en ai été très étonnée. Je voulais savoir si les députés recevaient au moins une certaine formation afin d'être en mesure de répondre aux questions simples. Au début de mon enquête, 18 000 enfants étaient en attente d'être adoptés. Cinq ans plus tard, ce nombre est passé à 30 000 enfants, ce qui est, en proportion, 260 p. 100 plus élevé qu'aux États-Unis. C'est pourquoi, sur le terrain, on parle d'une « crise ».
Si vous deviez vous occuper du dossier sur l'adoption ou sur le bien-être des enfants au Canada, vous vous rendriez vite compte que vos plus simples questions à propos des enfants canadiens resteront sans réponse dans la fonction publique. Combien d'enfants sont sous la tutelle du gouvernement? Combien d'entre eux sont en foyer d'accueil? Combien pourraient être adoptés? Combien y a-t-il de garçons et combien y a-t-il de filles?
Pour obtenir de l'information sur le plan national, vous devriez passer par une chaîne de restauration rapide. La plupart des ONG comptent sur la Fondation Dave Thomas pour l'adoption pour se faire une idée de la situation de l'adoption au Canada, et ils ne font pas nécessairement un suivi des services post-adoption. Il s'agit d'un effort louable par le fondateur, Dave Thomas, lui-même adopté, mais c'est aussi un rappel de la situation au niveau fédéral quant à la façon dont on gère les priorités et la planification.
Les députés fédéraux ou les Canadiens ne peuvent pas obtenir de l'information nationale correcte, car il n'y pas — et j'espère que vous êtes bien assis sur vos chaises — de normes nationales qui s'appliquent à la définition d'un enfant et ce n'est même pas une définition universelle. En plus, la définition d'un enfant change d'une province à l'autre, de même que la définition de besoins spéciaux et de ce qui est ancien — et ce n'est que le début.
Il n'existe aucune norme nationale pour la transférabilité. On dit que les enfants et les familles prêts pour l'adoption doivent faire face à ce qu'on appelle un « cauchemar bureaucratique » s'ils doivent changer de province, ou même de comté, dans certains cas.
Il n'existe pas non plus de normes nationales pour les services. Il existe un ensemble fragmenté d'agences régionales qui opèrent de façon indépendante et où on travaille aussi fort que possible. D'après ce que je constate, elles ne disposent pas toutes de nouvelles lois ou de commissaires, et leurs plans d'action ne vont pas tous dans le même sens.
Quant aux services, les jeunes âgés de 16 ans dans une province ou un territoire ne peuvent pas avoir accès aux mêmes services dans une autre province ou territoire où ils doivent avoir 18 ans. L'absence de normes nationales permet la création d'inégalités entre les enfants dès le départ.
Sur les plans administratif et financier, il n'existe aucune norme concernant le coût total engendré par le soin d'un enfant. De plus, on n'a aucune idée de ce qu'il en coûte sur les plans social et financier pour s'occuper des enfants qui n'ont pas pu profiter d'un foyer stable où l'on prend soin d'eux. Je pourrais vous en dire long à propos de ma conversation sur le sujet au Bureau du vérificateur général.
Afin de vous aider à saisir à quel point l'information est dispersée, j'ai réalisé une expérience sur l'accès à l'information, comme nous aimions le faire quand je travaillais au Parlement. Je me suis adressée à votre propre comité des ressources humaines pour avoir accès à de l'information précise et pertinente provenant du cahier d'information de DSC qui est remis aux ministres quand ils entrent en fonction. J'ai posé des questions très simples. Juste pour rire, demandez-moi ce qui est arrivé.
On m'a dit de m'adresser à Santé Canada pour obtenir des réponses à mes questions simples. Je me suis rendue dans six provinces. Certaines avaient les renseignements, et c'est l'Alberta qui m'a donné la réponse la plus troublante. Les enfants les plus vulnérables du Canada nous en disent beaucoup sur nous en tant que société. Ils nous en disent sur le chômage, les finances, la dignité, les droits humains, la citoyenneté et l'immigration, les services publics, la pauvreté, le sans-abrisme et la détérioration des compétences parentales et de l'éducation. Ils sont la pointe de l'iceberg de bien des problèmes sociaux que nous avons présentement.
Au Canada, les enfants ne sont pas l'une des priorités nationales pour ce qui est des renseignements que l'on recueille. Je crois que nous pouvons faire mieux. Chacun de nous devra y mettre du sien pour que les enfants canadiens aient un foyer et pour qu'ils aient tous les mêmes chances.
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Je m'appelle Lauren Clemenger. J'ai 10 ans. J'ai été adoptée et j'en suis fière.
La première fois que j'ai entendu des gens dire des choses négatives sur l'adoption, c'était à l'école maternelle. Je n'ai pas pris la peine de leur dire que j'étais adoptée. Cela ne me tentait pas, mais je les plaignais.
Ma soeur est arrivée à la maison lorsque j'étais en troisième année. À l'école, à l'heure du cercle, les enfants ont demandé à l'enseignante ce qu'est l'adoption. Angus a dit qu'il avait adopté une tortue au zoo en Géorgie et quelqu'un d'autre a dit qu'il s'agissait du nettoyage des fossés. Mon ami Camden a dit que l'adoption était quelque chose de spécial et que ce n'était que pour les enfants. Comme tout le monde était tellement enthousiaste à l'idée de rencontrer Kate, j'ai finalement dit à mes amis que j'avais été adoptée moi aussi. Lorsque les enfants ont demandé à l'enseignante de leur dire quelle réponse était la bonne, elle n'a rien dit. Elle n'a pas dit que donner de l'argent pour nourrir des tortues, c'était du parrainage, et que nettoyer des fossés était lié à la protection de l'environnement.
J'étais triste ce jour-là, car elle n'a pas dit la vérité. Les enfants ont dit que Camden et moi ne connaissions rien de l'adoption. C'est à ce moment-là que nous avons commencé à être victimes d'intimidation. Désormais, nous étions apparemment les deux enfants stupides qui ne connaissaient rien de l'adoption et de bien d'autres choses également. Une de mes amies a demandé à mes parents s'ils voulaient l'adopter. C'est une enfant à la clé. Ce jour-là, j'ai appris que les écoles ont besoin de bons livres dans lesquels on explique ce qu'est l'adoption.
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Je m'appelle Elspeth Ross. Je suis parent adoptif et éducatrice dans les domaines de l'adoption, de la garde permanente et de l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale, de Rockland en Ontario. Je suis accompagnée de mon mari. Pour notre famille et bien d'autres, je vais vous parler de ma famille et de mon travail, de ce qui ne va pas bien dans le domaine de l'adoption, de l'aide du gouvernement fédéral en matière d'adoption et de la question de la citoyenneté et de l'adoption: les deux voies et l'expulsion.
Mon mari et moi avons adopté nos enfants, qui viennent des nations crie et de Saulteaux de la Saskatchewan; nous avons adopté le premier en 1981, à l'époque où nous vivions à Aylmer au Québec, et les autres, en Ontario. Ils étaient âgés de 19 mois, de 3 ans et demi et de 11 ans, et ils ont maintenant 28, 31 et 34 ans. Depuis cinq ans, nous éduquons le fils de notre fille, qui est âgé maintenant de 12 ans, grâce à un accord de prise en charge par la parenté. Ils avaient tous des besoins particuliers. Nos garçons ont été victimes des effets de l'alcoolisation foetale. Notre petit-fil est atteint de traumatisme et d'anxiété et il est continuellement suspendu de l'école. Les garçons se débrouillent bien. Les deux ont terminé leurs études secondaires et l'un d'eux a un diplôme collégial; les deux ont un travail saisonnier et ils vivent ensemble dans notre sous-sol. Ils sont également en contact avec leur famille naturelle. Je les amène encore chez le médecin et je les aide à faire leur épicerie, même s'ils sont dans la trentaine.
En 1981, lorsque nous avons eu notre premier fils, on nous a dit qu'il avait été victime de l'alcoolisation foetale et on nous a conseillés d'obtenir toute l'aide possible. Cela a porté ses fruits. La plupart des familles ne sont pas aussi bien informées. Nos enfants et notre petit-fils ont été ballottés au sein de leur famille naturelle et des familles d'accueil, et entre les deux. Nous faisons encore face aux conséquences que cela a eues sur eux, qui se traduisent par des problèmes d'attachement, des problèmes de comportement et des problèmes à l'école. Nous avons obtenu l'aide de groupes de soutien...
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Nous avons eu l'aide de groupes de soutien, de la Open Door Society et du NACAC, North American Council on Adoptable Children, et de l'aide sur le Web. Le Wabano Centre for Aboriginal Health nous aide avec notre petit-fils présentement. Il y a également les Services de santé non assurés pour les Premières nations et les Inuits de Santé Canada, et il y a l'avantage additionnel que nos enfants sentent qu'ils sont membres d'une Première nation.
Je travaille au Conseil d'adoption du Canada depuis 1991, année où il a été établi, en tant que membre du personnel, membre du conseil et chercheuse bénévole. Présentement, je fournis des services de sensibilisation sur le serveur de liste du Conseil d'adoption du Canada, mais je travaille plus activement sur l'ETCAF; j'envoie des courriels aux serveurs de liste dans le monde, je gère un groupe de soutien au CHEO et je siège à des comités.
Qu'est-ce qui ne va pas bien dans le domaine de l'adoption au Canada? S'il y avait du recrutement, de la formation et du soutien, 30 000 enfants du système d'aide à l'enfance pourraient être offerts en adoption. Ils se promènent d'une famille d'accueil ou d'un foyer de groupe à un autre, ils changent d'intervenant, et ils sortent du système lorsqu'ils ont l'âge d'aller vivre en appartement.
Nous avons besoin d'un changement de paradigme pour croire que l'adoption fonctionne, et d'une vision pour rendre cela possible, mais les provinces n'agissent pas. L'Ontario n'a rien fait pour mettre en oeuvre les recommandations qu'un groupe de spécialistes a faites en août dernier, et il est étrange que les associations d'aide à l'enfance ne parlent pas vraiment d'adoption. L'an dernier, une conférence sur l'adoption a réuni des spécialistes de l'Australie et de l'Irlande pour parler de garde permanente, mais on n'a pas du tout mentionné le mot « adoption ».
Oui, les gens adopteront des enfants plus âgés et n'abandonneront pas, tout comme les gens qui arrivent de l'Europe de l'Est avec des enfants qui ressemblent beaucoup aux nôtres. Il est plus facile d'adopter à l'international que dans notre propre pays. Certaines provinces ne s'occupent pas du tout d'adoption. Les familles adoptives ont besoin de renseignements et de formation, de soutien et de compréhension, de services et d'orientation, et bon nombre d'entre elles ont besoin d'aide financière. Tant les familles qui choisissent l'adoption nationale que celles qui choisissent l'adoption internationale font face à des troubles de santé mentale. C'est difficile. On estime que 70 p. 100 des enfants canadiens qui sont aux prises avec l'ETCAF ne vivent pas avec leur famille naturelle, mais dans une famille d'accueil, avec des parents adoptifs ou de la parenté. Les familles adoptives pourraient faire une énorme différence en élevant des enfants qui sont aux prises avec un problème comme l'ETCAF.
Je vous ai fourni une liste, une bibliographie, qui vous donne des renseignements à ce sujet; un professeur qui fait de la recherche.
Nous en savons peu sur l'adoption au Canada, et c'est...
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Trois minutes, c’est suffisant.
Je fais les mêmes recommandations que le Conseil d’adoption du Canada, en raison du manque d’information : les statistiques, les publications, etc. Mais, j’ai d’autres recommandations à vous faire.
Tout d’abord, je recommande que le gouvernement appuie, ou encore mieux, qu’il adopte le projet de loi du député John Rafferty réclamant une stratégie nationale relative à l’ETCAF pour engager le gouvernement à élaborer un plan national pour le traitement et la prévention, ce que nous n’avons pas à l’heure actuelle.
Concernant la citoyenneté, le projet de loi de 2007, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté, a été applaudi, car il assurait l’égalité des enfants adoptés. C’est l’inverse qui s’est produit. Les avocats de l’Association du Barreau canadien ont recommandé que les parents adoptifs suivent la voie de la résidence permanente plutôt que la voie directe de la citoyenneté, car il n’y a aucun appel pour la nouvelle voie la plus rapide. Maintenant, les défenseurs de l’adoption ont de nouveau recommandé la résidence permanente, car la citoyenneté crée un système à deux vitesses. Je recommande la même chose que le Conseil d’adoption du Canada avait recommandée : modifier les règlements qui accompagnent le projet de loi pour que les enfants adoptés à l’étranger aient le même statut juridique que les enfants nés au Canada et qu’ils puissent transmettre leur citoyenneté à leurs descendants nés à l’étranger.
L’une des bonnes choses qu’a apportées le projet de loi , c’est qu’on ne peut plus expulser les enfants adoptés qui ont commis des actes criminels si leurs parents n’ont pas obtenu leur citoyenneté. Devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration en juin 2006, une représentante du CIC a dit ce qui suit: « afin de prendre en considération la Charte, toutes les personnes adoptées pourraient acquérir la citoyenneté, même si elles suscitent des préoccupations en matière de criminalité … ». Elle a dit que c’était une question d’équité.
En juin 2008, le premier d’un certain nombre d’enfants adoptés menacés d’expulsion a obtenu la citoyenneté canadienne. Quelques-uns d’entre nous ont protégé Gilberto Currie, qui a été adopté du Brésil. Nous l’avons protégé pendant cinq ans et avons empêché son expulsion au Brésil jusqu’à l’adoption du projet de loi. Nous ne savons pas combien d’enfants adoptés auraient pu être dans la même situation.
Parce que des gens choisissent encore la voie de la résidence permanente pour l’adoption internationale, il y a un risque pour les parents qu'on refuse d'accorder la citoyenneté à leurs enfants, ce qui peut créer de graves difficultés si l'adoption échoue. Les enfants qui viennent au Canada pour se faire adopter et dont le processus d'adoption échoue avant qu'ils obtiennent la citoyenneté sont encore menacés d'expulsion aujourd'hui. Cela doit cesser. Le Canada ne doit pas amener des enfants au pays par l'adoption internationale pour ensuite les renvoyer dans un pays qu'ils n'ont pas vu depuis leur enfance, où ils ne connaissent personne et dont ils ne parlent pas la langue.
Mario Perez est venu du Mexique pour se faire adopter au Canada à l'âge de cinq ans et on l'a expulsé au Mexique en 2006 alors qu'il avait 22 ans. Les efforts déployés pour empêcher que cela se produise ont échoué, et il veut toujours revenir. Nous appuyons présentement Tina Desrosiers, qui est venue au Canada...
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Merci, madame la présidente.
Je veux remercier les témoins. Nous avons entendu des témoignages convaincants aujourd'hui. Il est certain que c'est une question qui suscite beaucoup d'émotions pour les gens qui ont suivi le processus, soit en ayant été adopté, ou comme dans votre cas, en adoptant eux-mêmes des enfants; certains ont vécu les deux expériences.
Lauren, même si tu es la plus jeune personne qui soit venue témoigner devant tous, tu es l'une des meilleures que nous ayons entendues. Tu as très bien fait cela.
J'ai un frère qui a adopté une petite fille de la Chine. J'ai une soeur qui a adopté deux enfants en Ontario, et je suis le fier parrain de l'un d'entre eux — une petite fille qui est aux prises avec l'ETCAF et qui se porte très bien. Il est très clair que nous adoptons de tous les pays du monde des enfants de tous âges, de toutes les tailles, et dont l'état de santé varie de l'un à l'autre. Il n'y a probablement pas qu'une seule solution. On nous dit que nous pourrions faire des choses précises qui seraient utiles dans bien des cas. Votre témoignage est très utile.
Je veux revenir sur deux ou trois questions, si c'est possible.
Monsieur Moore, je crois que c'est vous qui avez dit... Au cours de la comparution du groupe de témoins précédent, Jeff Watson a parlé de la prestation parentale paternelle. Je crois que ce que vous proposez, c'est d'oublier cela et de verser une prestation pour parent adoptif. Est-ce que c'est ce que vous proposez?
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Je crois qu’en comparaison, les États-Unis ont un secteur bénévole qui s'y prend différemment dans ce dossier.
Un des programmes dont nous faisons la promotion, du moins dans le cadre de ce qui constitue actuellement notre monde, pour mon mari et moi... Mon mari dirige un consortium d'environ 39 églises protestantes au Canada. Il y a plus de 80 affiliés, comme Vision mondiale, etc. Nous cherchons à mobiliser ces églises pour que ce dossier figure parmi leurs principales priorités. Les dirigeants se réunissent chaque année, le jour du président, pour discuter de ces questions. Mon mari a donc eu la chance de s’occuper de ce dossier et de diffuser l’information sur le terrain. Il va collaborer avec des catholiques et des anglicans. Ce travail aboutira à une trousse d’information très générique et facile à comprendre. Encore une fois, l’objectif est d’amener les gens à passer outre les mythes qui, d’après nous, entourent largement ce domaine. Quand j'ai essayé de présenter notre parcours — en partie, je crois, parce que nous avions choisi l'adoption —, les gens ont essayé de nous en dissuader avec beaucoup de vigueur.
Nous avons donc tâté le terrain pendant un certain nombre d’années. En fait, quand nous parlons directement aux gens des obstacles qui les empêchent d'adopter, la première chose que nous constatons, c’est le manque d'information et de sensibilisation. Vous verrez d’ailleurs que, dans ma première recommandation, je vous implore d'inclure la promotion de ce dossier dans vos recommandations pour qu'on s'en occupe quelque part dans l'appareil gouvernemental. J’en vois les preuves tous les soirs en écoutant les nouvelles. Je vois que le gouvernement canadien prend toutes sortes de mesures.
Nous croyons que les mythes jouent un grand rôle là-dedans. À nos yeux, les objectifs sont empreints de peur. C’est cet aspect qui nécessitera le plus d’efforts, parce que l’échec systémique dont vous allez entendre parler est attribuable, en partie, au fait que nous avons essentiellement un système qui repose sur des préjugés.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci à vous d'être là, bienvenue.
J'essaie de faire le résumé des principaux besoins. On a reçu d'autres témoignages avant les vôtres. Est-ce que je me trompe en disant que les principaux défis auxquels vous devez faire face sont particulièrement ceux qui viennent après l'adoption? Vous n'êtes peut-être pas d'accord. On y reviendra et vous me répondrez.
J'ai compris que vous n'avez pas de groupes de soutien et que vous devez faire du réseautage. Vous souhaitez que les parents adoptifs soient considérés comme les parents biologiques à l'égard des prestations d'assurance-emploi.
Je m'adresse à celles et ceux qui en ont bénéficié: le taux assurable de 55 p. 100 est-il suffisant? Je sais qu'au Québec les prestations vont jusqu'à 70 p. 100 du salaire assurable. On a même un salaire assurable maximum de 62 500 $. Au fédéral, ce salaire maximum est d'environ 43 000 $. Je voulais aussi savoir si ce taux assurable était suffisant pour vous ou si vous souhaitiez davantage. Je pense que c'est le cas.
L'autre question que j'avais est pour Mme Ross. Vous avez parlé du projet de loi , qui a pour but d'accélérer le processus d'adoption et d'obtention de la citoyenneté. À vous entendre, j'ai l'impression qu'il ne répond pas tout à fait à son objectif. J'aurais aimé vous entendre plus en détail aussi sur ce projet de loi.
Je vous écoute, monsieur Moore, à propos des principaux besoins.
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Premièrement, comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, le projet de loi comporte une faille. Nous avons emprunté la voie prévue dans ce projet de loi au moment d’adopter, l’année dernière, notre fils en Afrique du Sud. C'était une expérience formidable, parce que nous sommes revenus avec un passeport canadien. Nous sommes rentrés chez nous, munis d’un passeport temporaire tout neuf, et nous en étions reconnaissants.
Le hic, c’est que ce projet de loi empêche la transmission de la citoyenneté par filiation. Comme je l'ai dit, nous avons un fils biologique qui a maintenant presque quatre mois et un fils adoptif de trois ans. Si, plus tard, notre fils biologique devait vivre à l'extérieur du pays, il pourrait transmettre sa citoyenneté à ses enfants, ce qui est très bien. Par contre, si notre fils adoptif, originaire de l'Afrique du Sud, devait vivre à l'étranger, il ne pourrait pas transmettre la citoyenneté à sa progéniture. C'est un problème de taille. La capacité juridique au Canada est donc différente, et il faut remédier à cette situation.
Mon cas est peut-être particulier puisque que je n'ai pas eu besoin de beaucoup de soutien postadoption. Je sais que l’adoption apporte son lot de problèmes, surtout lorsqu'on adopte des enfants plus âgés. Je sais que vous avez entendu beaucoup de récits. Pour vous dire franchement, ce qui constitue, selon moi, un gros problème en matière d'adoption internationale, ce sont les coûts initiaux. L'adoption internationale coûte, comme je l'ai indiqué, 20 000 $ à 50 000 $. Par exemple, dans notre cas, nous avons dû passer presque un mois en Afrique du Sud. C'était un endroit formidable où rester pendant un mois, mais n’empêche que c'était un mois à l'étranger. Si vous adoptez un enfant de la Russie, vous devez vous rendre là-bas deux ou trois fois durant le processus d'adoption. Ce n’est pas donné. L'adoption internationale coûte cher.
Comme je l'ai mentionné, il y a 30 000 enfants, alors cela dépend de votre vocation: c'est à vous de juger si vous préférez adopter un enfant au pays ou à l’étranger. C'est un choix personnel.
Merci d'être des nôtres ce matin. J'ai appris pas mal de choses grâce aux témoignages, comme c'est toujours le cas au comité. Je n'ai que cinq minutes pour m'attarder sur un sujet en particulier, mais j'aimerais poser plein de questions.
Nous avons entendu, une fois de plus, que 30 000 enfants attendent d’être adoptés et qu'il n'y a pas de registre, et nous essayons de comprendre où en sont les choses dans ce dossier. On a également beaucoup parlé de mythes et de peurs entourant l'adoption.
Votre exposé, Julia, m'a particulièrement intéressé, parce que je doute que nous entendions un autre témoignage semblable dans le cadre de notre étude. Je veux en savoir un peu plus sur la question des familles LGBT qui essaient d'adopter. Nous recherchons des familles et de la sécurité pour ces enfants. Il y a maintenant des familles LGBT qui veulent adopter. Vous pourriez peut-être nous dire quelques mots sur certaines des difficultés qui s'y rattachent. Lauren nous a parlé de certains des renseignements erronés, des mythes et des craintes qui existent à l'école. Vous en avez sûrement observé quelques-uns, vous aussi, dans votre contexte. Vous pourriez peut-être nous en parler.
La première difficulté réside dans la façon dont l'assurance-emploi est définie pour nous. Si on prend l'exemple de ma famille, qui compte deux mères, dès le départ, les prestations de maternité ne sont pas autorisées dans le contexte de l'adoption. Alors, quand on a affaire à des employeurs, il devient très difficile pour les deux mères de vivre cette expérience parce qu'elles n'ont pas droit au supplément. C'est l'un des domaines où on doit se battre.
Mais si on va plus loin, dans le cas d'une famille où les deux parents sont des hommes, le congé de maternité n'est même pas une option. Du fait de leur sexe, ils n'ont accès qu'au congé parental, même s'ils ont les mêmes besoins.
Le problème est lié au système; en effet, quand on examine la façon dont RHDCC interprète actuellement les dispositions sur les prestations d'emploi, on constate que cette interprétation, telle que rédigée, concerne la mère et le père. Nous essayons d'interpréter la loi et de déterminer comment elle s'applique à nous, mais nous avons beaucoup de mal à comprendre où est notre place dans tout cela.
Pour ce qui est de notre capacité d'adopter en Ontario, le système est assez progressiste; d'ailleurs, Ottawa présente l'un des meilleurs bilans. Sur les 96 adoptions publiques faites il y a deux ans, le tiers avait été auprès de familles LGBTQ. Notre expérience a donc été très positive.
Le défi dans le soutien postadoption, c'est que nous devenons des défenseurs des besoins de notre enfant à la fois dans le système d'éducation et dans le système médical, tout en essayant de sensibiliser les autres au fait que notre enfant pourrait ne pas avoir des parents de sexes opposés et venir d'une famille dont les parents sont des homosexuels. Dans le cas d'enfants plus âgés, il y a une difficulté supplémentaire: quand on adopte un enfant aux besoins spéciaux qui a vécu dans des familles d'accueil, celui-ci pourrait avoir été endoctriné de telle sorte qu'il ne soit pas nécessairement ouvert à l'idée de vivre avec des parents homosexuels. Alors, non seulement on doit composer avec la question prédominante de l'attachement chez les enfants pris en garde, mais on doit aussi faire face à leur homophobie intériorisée, tout en essayant de les aimer et de leur procurer de la stabilité.
Surmonter ces obstacles est, pour nous, un problème très réel, d'où le besoin de soutien postadoption, surtout pour la communauté LGBTQ.
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Merci, madame la présidente.
Merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui. Je vous remercie beaucoup de vos témoignages et de vos recommandations bien précises. Sachez que vous faites du très bon travail pour ce qui est de fournir au comité les renseignements nécessaires en vue d'examiner comment le gouvernement fédéral peut jouer un rôle de soutien dans le domaine de l'adoption.
Jusqu'à présent au cours de nos audiences, nous avons entendu un certain nombre de témoins nous recommander, d'une façon ou d'une autre, que le gouvernement fédéral assume un rôle de premier plan en ce qui concerne la promotion de l'adoption. Je suppose que n'importe quel type de promotion nécessiterait, à sa base, une infrastructure pour faire en sorte que l'adoption soit bel et bien viable. Comme on l'a dit, 13 gouvernements provinciaux et territoriaux offrent des services d'adoption. Il y a beaucoup de différences dans la gamme de services offerts — avant, pendant et après l'adoption — à la grandeur du pays.
J'ai deux questions. Premièrement, pouvez-vous nous dire où — c'est-à-dire dans quelle province ou dans quel territoire — on trouve certaines des meilleures pratiques ou certains des meilleurs services de soutien sur lesquels nous devrions nous pencher?
Deuxièmement, appuieriez-vous l'idée d'une réunion entre le ministre fédéral pertinent et ses homologues provinciaux et territoriaux dans le but de travailler en collaboration pour accroître la gamme de services dans l'ensemble des provinces, si la volonté est là, je suppose? Devrait-on entamer des pourparlers à cet égard?
Je vais commencer par ces deux questions.
Madame Ross.
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Je suis catégorique. Selon mon expérience, au sein du gouvernement, je crois que l'adoption et les familles d'accueil ne sont pas des priorités et ne font pas partie des plans. Lorsque j'ai vu les gens du ministère des Ressources humaines, j'avais deux questions à leur poser. Premièrement, recueillez-vous expressément des renseignements concernant les adoptions? J'ai fait une demande d'accès à l'information en utilisant les mots « adoption » et « famille d'accueil ». Deuxièmement, si le ministère recueillait les renseignements, je voulais savoir si ces données se rendaient aux décideurs, à vous. On m'a répondu que non.
En fait, j'ai demandé au ministère des Ressources humaines le cahier d'information de Monte Solberg pour y trouver des éléments qui auraient pu expliquer au ministre responsable des RHDCC la situation dans les secteurs de l'adoption et des familles d'accueil à l'échelle nationale. On m'a répondu qu'il n'y avait rien dans son cahier d'information. Donc, comment réussissez-vous à accomplir votre travail sans avoir d'études semblables? Je recommande, entre autres, que nous élargissions la portée des études.
J'ai été voir Santé Canada. Les gens m'ont dit: « Eh bien, nous ne recueillons pas les données de cette manière. Désolés. Pourriez-vous s'il vous plaît aller demander aux gouvernements provinciaux? » J'ai demandé à six ministères provinciaux si je pouvais voir le contenu du cahier d'information des ministres responsables de ce domaine. J'ai obtenu une réponse des plus surprenantes de l'Alberta. Après bon nombre d'échanges, les responsables albertains m'ont dit essentiellement: « Nous recueillons les données. En voici un échantillon. En ce qui concerne votre demande d'accès pour savoir de quelle manière nous communiquons les renseignements au ministre responsable... » — blablabla — « ... sécurité nationale. » Ils ont refusé de me donner l'information.
À ce moment, je me suis dit que c'était carrément ahurissant que nos responsables ne recueillent pas expressément de données sur ce sujet à l'échelle nationale. Ensuite, s'ils le font, ils ne communiquent même pas les données... Le premier ministre du Canada sait-il au moins que 30 000 enfants sont dans cette situation? C'est un fardeau que ma fille et moi partageons. Je me demande si l'information se rend bel et bien jusqu'à vous.
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Oui. Elle concerne l'expulsion de ce que j'appelle les cas d'adoptions ratées: les enfants qui sont venus au Canada dans le but d'être adoptés, mais dont l'adoption s'est soldée par un échec.
Dans le cas de Mario, sa mère adoptive l'a fait venir au Canada en même temps que sa soeur cadette; elle a gardé la soeur cadette, mais a placé Mario en famille d'accueil. Personne n'a rempli de demande de citoyenneté pour Mario. Le projet de loi C-14 ne l'a pas aidé. Il a été expulsé.
Nous aidons maintenant Tina DesRosiers, qui a quitté le Brésil en 1984 à l'âge de neuf ans pour venir au Canada afin d'être adoptée. Elle a été placée en famille d'accueil. Je crois que sa mère adoptive l'a abandonné dans les deux ou trois premières semaines après son arrivée. Elle a été placée dans 27 familles d'accueil, et personne n'a rempli de demande de citoyenneté canadienne pour Tina. Aujourd'hui, 26 ans plus tard, Tina a un casier judiciaire et elle est menacée d'expulsion, parce qu'elle est un soi-disant « fardeau pour la société » et qu'elle reçoit des prestations du POSPH.
Nous ne savons pas le nombre potentiel de cas comme celui-là, mais Tina a passé la première étape. Elle a reçu une approbation de principe pour son statut de résidente permanente pour des raisons d'ordre humanitaire. C'est une très bonne nouvelle.
Le processus pour demander la citoyenneté canadienne est incroyablement compliqué. Les gens adoptés et ceux dont l'adoption s'est soldée par un échec ont beaucoup de difficultés et ont besoin d'aide. Par conséquent, voici ma septième recommandation: il faut nous assurer que CIC collabore avec l'ASFC pour éviter que les gens dont l'adoption a avorté et qui n'ont pas la citoyenneté canadienne ne soient expulsés et que CIC collabore avec le ministère des RHDCC et les directeurs du bien-être à l'enfance pour mettre en place des procédures pour aider ces gens à obtenir leur citoyenneté canadienne.