SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 11 mai 2010
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Très bien, la séance publique a commencé et je rappelle à tous les membres qu'elle est également télévisée.
Notre invité, aujourd'hui, est Luis Arriaga, directeur du Centre des droits de la personne Miguel Agustín Pro Juárez. Avant de convier M. Arriaga à nous livrer son témoignage, j'aimerais vous dire que comme nous avons été retardés par l'alarme d'incendie, je vais permettre au comité — à moins qu'il y ait des objections — de prolonger la séance de 10 minutes. Cela nous donnera assez de temps pour poser de longues questions à notre témoin.
Je laisse maintenant la parole à M. Arriaga.
Bonjour, messieurs les membres du comité des droits de la personne. C'est pour moi un plaisir que d'être ici, avec vous tous.
Je m'appelle Luis Arriaga et je suis directeur du Centre des droits de la personne Miguel Agustín Pro Juárez. Il s'agit d'une organisation de la société civile créée en 1988, au Mexique, par la Société de Jésus. Elle a pour rôle de défendre et de promouvoir les droits des personnes exclues ou vulnérables, et plus particulièrement des peuples autochtones, des migrants, des victimes de la répression sociale et des femmes.
J'aimerais donc aborder deux questions qui s'avèrent extrêmement importantes dans ce contexte. Ma principale préoccupation concerne la situation au Mexique. Je vais vous en parler du point de vue des droits de la personne — et pas sous l'angle de l'individualisme libéral — et vous présenter les activités que nous, qui nous vouons à la défense des droits de la personne, menons en prenant clairement position en faveur de ceux qui sont vulnérables et atteints dans leur dignité.
Au Mexique et en Amérique latine en général, il y a eu plusieurs réformes du système de justice afin de garantir le respect des droits de tous. Celles-ci ont été entreprises pour donner de l'assurance aux investisseurs au moment de la création d'un cadre approprié pour la protection de la propriété et le respect des obligations contractuelles.
Les réformes ont permis de corriger certaines lacunes. Elles ont été bénéfiques parce qu'elles ont créé les conditions permettant d'éviter l'intervention arbitraire des autorités. Malheureusement, ces réformes contiennent aussi des éléments qui présentent des risques d'atteinte aux droits de la personne. Au Mexique, il y a deux problèmes qui nous préoccupent grandement. Le premier, c'est le déracinement, qui est une sorte d'incarcération préventive qui peut durer jusqu'à 80 jours. Les accusateurs réunissent des preuves contre les personnes qu'ils incriminent; autrement dit, on garde des individus en détention sans avoir de preuve de leur culpabilité, simplement sur la foi de suspicions.
L'autre définition du crime organisé permet le recours arbitraire au système de justice, particulièrement contre ceux qui s'organisent, protestent et exigent le respect de leurs droits. Si une autorité décide d'emblée que quelqu'un appartient au crime organisé, celui-ci sera privé des droits les plus fondamentaux. Il semble que tout soit permis afin de garantir la stabilité à l'intérieur du pays.
Nous en avons eu la preuve très récemment à notre centre pour une affaire portée devant la Cour suprême et qui concernait deux femmes accusées d'avoir kidnappé six agents de police du bureau d'enquête fédéral.
J'aimerais également vous parler de la sécurité publique. Aujourd'hui, on nous dit de plusieurs manières que la sécurité ne figure plus parmi les grands enjeux des pays, des gouvernements et des agences, particulièrement lorsqu'il est question de financement. Alors, nous définissons et redéfinissons les menaces: les catastrophes naturelles, le terrorisme, le crime organisé, comme les guérillas, le communisme et la destruction de la civilisation. Nous ne pouvons pas nier les menaces sérieuses qui pèsent sur la vie et l'intégrité des personnes; toutefois, il n'est pas légitime d'être obsédé par la sécurité au point de sacrifier la vie de personnes que l'on ne considère pas nécessaires.
Au Mexique, on mène une guerre contre les narcotrafiquants, et la politique sur la sécurité se limite à cela. Les vies humaines qui ont été sacrifiées pour atteindre les objectifs politiques ou la stabilité sont considérées comme des pertes collatérales.
Dans ces circonstances, les droits de la personne sont inexistants. Manifestement, l'offensive quasi-guerrière conduite en vertu de la politique actuelle en matière de sécurité est inefficace, au point que c'en est alarmant. De fait, nous observons un grand nombre de violations des droits de la personne commises par les officiers militaires qui participent actuellement aux opérations gouvernementales contre les narcotrafiquants; et à cela s'ajoute le manque de volonté consistant à créer un système qui permettrait à des civils d'exercer des contrôles sur les forces armées.
Au Mexique, le contrôle des militaires est anticonstitutionnel, à certains égards, et les officiers militaires se jugent entre eux lorsqu'ils enfreignent les droits de la personne. Il y a également des infractions qui devraient être jugées par les autorités ou les instances civiles compétentes.
Enfin, j'aimerais parler des défenseurs des droits de la personne. Dans l'actuelle situation de violence — dont les caractéristiques ne sont pas seulement accessoires, mais aussi structurelles, à cause de la précarité institutionnelle et du manque de volonté pour mettre un terme à l'impunité —, ce sont évidemment les pauvres qui écopent le plus. Mais surtout, les pauvres vont s'organiser pour exiger que leurs droits soient respectés et pour contrer les opérations des puissants et de ceux qui sont sympathiques à leur cause.
Dans ces batailles, nous les considérons comme des défenseurs des droits de la personne, peu importe les conditions dans lesquelles ils travaillent.
Pourtant, ces dernières années, ils n'ont subi que des agressions ou des attaques destinées à saper leurs actions de solidarité. Parmi eux, il y en a qui sont détenus pour avoir aidé des migrants qui avaient des démêlés avec la police. Ceux-là ont été emprisonnés; et puis il y en a aussi derrière les barreaux parce qu'ils ont revendiqué le droit fondamental à la terre, à l'eau, à la liberté, en s'associant à certains mouvements sociaux de protestation ou de lutte; et leur clameur s'élève.
Il y a aussi ceux qui ont été agressés physiquement et psychologiquement, qui ont été tués ou assassinés parce qu'ils défendaient les droits de leur communauté. Beaucoup ont été assassinés au nom du progrès dans une société qui demeure indifférente à leurs appels.
À ce propos, le centre sur les droits de la personne aimerait exprimer sa solidarité envers ces gens — et il croit que ce qui a été dit jusqu'à présent ne fait que décrire la situation actuelle au Mexique —, en s'associant à ces voix, les voix de ceux qui réclament leurs droits et l'engagement de ceux qui ont répondu à l'appel des plus vulnérables.
Le centre Prodh représente ceux qui veulent être loyaux, et il a été créé pour rendre la société plus juste, dans la mesure du possible, et pour promouvoir la dignité en assurant la défense intégrale des personnes dont les droits ont été bafoués.
L'Amérique latine, si bien connue pour son réalisme magique, mais tellement crainte par ses populations, est une région importante. Mais souvent, la réponse ne vient pas des solutions proposées par l'extérieur. En fait, la réconciliation et la question des territoires continuent de nous préoccuper. Les gens partagent la même terre, sans oublier que ce n'est pas seulement une question de territoire et de réconciliation, mais de réponse à l'appel de ces frères et sœurs si nombreux qui nous demandent de faire de ce monde un endroit où il fait meilleur vivre, libéré de tous ces maux qui l'affligent.
Merci beaucoup.
Gracias.
Nous allons maintenant passer aux questions. Il est presque 13 h 30, ce qui nous laisse 40 minutes que l'on peut très bien diviser en quatre périodes de 10 minutes. Je vais mettre fin abruptement aux questions et réponses à la fin des 10 minutes pour m'assurer que personne ne sera privé du droit de poser ses questions.
Nous allons commencer par les libéraux, qui peuvent diviser le temps dont ils disposent,entre eux, à leur guise.
Monsieur Silva.
Merci, monsieur le président, je vais partager mon temps avec M. Cotler.
Je vous remercie beaucoup pour votre exposé.
J'aimerais parler de ce fléau sans cesse croissant dont nous entendons toujours parler dans les médias; je fais référence à la criminalité associée au trafic de drogue au Mexique et à la façon dont le gouvernement réagit au problème du narcotrafic et à la criminalité engendrée par la transformation de la drogue. Il y a eu des cas où le gouvernement a eu recours aux militaires pour s'attaquer au trafic et aux trafiquants, ainsi qu'à la violence générée par le trafic de stupéfiants.
Cela tient, pour une bonne partie, au manque de confiance à l'endroit de la police locale, parce que beaucoup de policiers locaux ont été achetés par des cartels de la drogue et certains trafiquants. Le gouvernement est donc confronté à un énorme défi quant à la façon de régler ce problème. Je sais que la situation est extrêmement complexe. Il n'y a pas de réponse simple, mais pourriez-vous me dire s'il était avisé de faire appel aux militaires? D'après ce que vous dites, il semblerait que cela n'ait fait qu'empirer les choses. Je ne sais pas quelle autre solution s'offre au gouvernement, quand on sait que des responsables locaux ont également été corrompus par les trafiquants de drogue.
Le père Luis Arriaga Valenzuela, S.J. (Interprétation):
Il y a un an, nous avons présenté un rapport sur les abus commis par les militaires lorsque Felipe Calderon était au pouvoir, et nous avons rapporté certains faits que je considère importants. En 2007, on a dénombré 54 cas d'abus perpétrés par des militaires. En 2008, ce nombre était passé à 119, et pour le premier trimestre de 2009 seulement, on avait déjà compté 115 cas. Quel est le problème fondamental? D'un côté, l'augmentation du nombre de cas de violence contre la population civile est attribuable au nombre d'officiers militaires déployés sur l'ensemble du territoire. Mais cela tient aussi à l'impunité dont bénéficient les militaires, parce que ceux-ci savent très bien qu'ils peuvent commettre ce genre de méfaits sans en subir les conséquences.
Comme vous le dites, il est nécessaire de revoir la stratégie et de proposer quelque chose de nouveau qui soit rationnel et respecte les droits de la personne. Nous voulons la sécurité, mais pas au détriment des droits fondamentaux. Le gouvernement fédéral a annoncé qu'il allait changer de stratégie. Je pense que le problème essentiel, ici, comme vous l'avez indiqué, tient au fait que les données de départ sont erronées. Au Mexique, on considère que pour garantir la sécurité, il faut mener une offensive quasi guerrière. Autrement dit, on répète toujours le même discours, dans lequel on parle de combat ou de guerre contre les narco-trafiquants. Toute guerre est irrationnelle.
À ce propos, nous avons fait remarquer — en fait, c'est l'exécutif qui l'a signalé, tout comme les responsables qui essaient de nous convaincre des risques sérieux encourus — que ces éléments projettent une image très simpliste de la situation réelle au Mexique, particulièrement des conditions qui rendent possibles ces crimes dans notre pays. On ne combat pas la violence avec davantage de violence, pourtant c'est exactement ce qui se passe au Mexique. Certes, on a observé une certaine diminution de la criminalité, mais seulement pour certains types de crimes. Je pense que c'est aussi un problème fondamental.
Il y a des facteurs aggravants que le système quasi guerrier ne peut contrer en apportant des solutions aussi simplistes. Si ces mesures sont conçues sans réflexion adéquate ou au mépris du respect des droits de la personne, cela aura de graves conséquences pour les gens. Nous refusons d'accepter qu'il s'agit de dommages collatéraux. Les gens sont blessés.
J'ai deux questions, rapidement, Père Arriaga.
Récemment, le Comité des droits de l'homme des Nations Unies a effectué son premier examen à l'endroit du Mexique. Quelles ont été quelques-unes des principales recommandations émanant de ce processus? Est-ce que le Mexique les a mises en oeuvre? C'est ma première question.
La deuxième consiste à savoir ce que pourrait faire le Canada et les parlementaires canadiens pour aider le Mexique face à la situation actuelle des droits de la personne dans ce pays?
Le père Luis Arriaga Valenzuela, S.J. (Interprétation):
Je vous remercie beaucoup pour vos questions. Le gouvernement mexicain est ouvert à l'intégration économique et prêt à coopérer pour que le Mexique puisse être évalué par des organismes internationaux sur son respect des obligations au chapitre des droits de la personne.
Nous avons consolidé le système universel dont vous avez parlé, ainsi que l'examen périodique universel des Nations Unies, je veux parler de l'examen régional, qui se fonde sur le système interaméricain des droits de la personne, et les nouveaux mécanismes qui se sont greffés sur l'examen universel. Le plus connu est l'examen périodique universel. En 2009, il a porté sur le Mexique. Nous avons également renforcé les procédures spéciales, entre autres.
J'aimerais également préciser que beaucoup des recommandations faites par les États au gouvernement mexicain visaient la limitation du pouvoir militaire. À quoi fais-je référence? Je veux parler du fait que les militaires doivent s'occuper strictement des questions de discipline militaire et ne pas s'occuper des affaires de violation des droits de la personne.
Que se passe-t-il au Mexique lorsqu'un militaire viole les droits fondamentaux d'une personne? Invariablement, c'est la justice militaire qui s'applique, qui permet aux militaires de se juger eux-mêmes, et l'accès à la justice des victimes demeure une zone grise. Dans les cas de violation des droits de la personne, on ne permet pas aux victimes d'avoir accès à un tribunal indépendant et impartial, comme le prévoient les articles 8 et 25 de la Convention américaine relative aux droits de l'homme.
Je crois que le Mexique est en mesure de traiter avec les instances internationales, et à cause de son activisme, il montre en réalité deux faces: une pour la communauté internationale, et c'est celle que nous connaissons très bien et qui nous expose la situation dans le pays. Cette image internationale a été altérée. Je pense que les organisations internationales y sont pour quelque chose.
Nous voudrions que des pressions soient exercées sur le gouvernement mexicain pour qu'il se soumette aux règles de la démocratie et à la primauté du droit, qu'il se dote de mécanismes efficaces de reddition des comptes et que les officiers militaires soient jugés devant les tribunaux civils lorsqu'ils ont commis des violations des droits de la personne contre des civils. Je pense qu'il est important que le gouvernement canadien exerce des pressions dans ce sens.
Merci.
[Français]
Monsieur Arriaga, je vous remercie de venir témoigner devant ce sous-comité.
Une question a provoqué beaucoup d'émotions et a fait l'objet d'une attention particulière dans les médias d'ici, même si on en parle un peu moins depuis quelques mois. Il s'agit des assassinats de femmes dans la région de Ciudad Juárez. Je n'y étais pas, mais même le sous-comité a siégé là-bas et a fait un rapport sur la situation à cette époque. Pouvez-vous nous présenter un compte rendu de la situation actuelle? Ces meurtres de femmes se poursuivent-ils au même rythme? Le gouvernement fait-il quelque chose d'efficace pour les contrer?
[Traduction]
Le père Luis Arriaga Valenzuela, S.J. (Interprétation):
Merci beaucoup. L'année dernière, le Mexique a été montré du doigt à cause de la situation dans les plantations de coton et de l'assassinat de femmes à Ciudad Juárez. Il nous semble que nous avons une grande dette envers ces femmes. Il n'y a pas que les femmes de Ciudad Juárez qui ont été victimes de torture et de violences commises par l'État, il y en a beaucoup d'autres ailleurs.
Je ne crois pas que la violence contre les femmes ait été totalement éradiquée et que l'on ait mis en place les mécanismes appropriés pour que les victimes puissent faire valoir leurs droits, de façon à ce que ces femmes ou leur famille aient accès à la justice.
J'aimerais mentionner que le centre que je représente a défendu 11 femmes torturées il y a quatre ans à San Salvador Atenco. Ces femmes ont été violées par des membres des forces policières, et jusqu'à aujourd'hui, aucun policier n'a été accusé ou reconnu coupable de quoi que ce soit.
L'affaire est maintenant devant la Commission interaméricaine des droits de l'homme. L'État du Mexique a déjà été saisi du dossier, et ces femmes continuent d'attendre qu'on leur rende justice pour la torture qu'elles ont subie.
[Français]
Vous parlez des femmes qui ont témoigné et qui ont protesté, mais je ne pense pas que tous les meurtres de femmes ont été commis par des policiers ou des militaires. Est-ce que je me trompe?
Je pense qu'il y a d'autres types d'organisations civiles qui se livrent à ces tortures et à ces assassinats. Est-ce que vous pouvez nous décrire un peu l'organisation ou ce qui motive ces meurtres?
[Traduction]
Le père Luis Arriaga Valenzuela, S.J. (Interprétation):
Je crois que même si l'État n'est pas responsable de beaucoup de ces homicides, il a quand même le devoir de faire toute la lumière sur les faits, pour que la vérité soit connue et qu'une enquête impartiale, professionnelle et efficace soit menée afin de punir les coupables. C'est une obligation internationale dont doivent s'acquitter tous les États, conformément aux engagements internationaux auxquels ils ont souscrit au fil du temps et qui incluent l'accès à la justice. Quant à votre question sur la violence contre les femmes et les causes de cette violence, je dirais qu'il est très important de bien savoir que cela se produit dans des situations où les inégalités et les déséquilibres sociaux sont plus grands qu'ailleurs. La majorité des Mexicains vivent dans la pauvreté, et je crois que c'est ce qui est peut-être à l'origine de la violence que subissent les femmes, violence qui ne s'exprime pas seulement par ces assassinats et ces homicides, mais de diverses autres manières.
[Français]
Le 8 avril dernier, le sénat mexicain a approuvé certaines réformes de la Constitution dans des domaines touchant les droits de la personne. Du point de vue de votre organisme, quels peuvent être les effets de ces réformes au Mexique? Faudrait-il adopter d'autres réformes pour la protection des droits de la personne?
[Traduction]
Le père Luis Arriaga Valenzuela, S.J. (Interprétation):
C'est une très bonne question. Je suis ravi que vous l'ayez posée, parce que c'est un sujet extrêmement important. En 2008, il y a eu une réforme de l'appareil judiciaire. Nous nous sommes réjouis des progrès apportés par cette réforme. Nous considérons très positif d'avoir un système accusatoire et adversatif fondé sur des témoignages oraux. Ce système est maintenant en place et traverse une période de transition. Nous avons éliminé les situations très absurdes où l'on retenait les gens pendant trois jours après la perpétration d'un crime. Ce qui est très positif, c'est que nous voyons l'apparition de ce que nous appelons des juges d'instruction, qui veillent à ce qu'il y ait une enquête légale et que le procureur puisse prendre des mesures qui pourront être revues par une instance différente de celle qui aura rendu le jugement à l'égard d'une personne accusée de crime. Je pense que cela constitue un progrès.
Nous avons également vu des progrès dans la défense des droits des citoyens; on vise maintenant une défense de qualité, précisément dans un pays où le système de justice a choisi d'amener devant les tribunaux les plus pauvres parmi les pauvres, des gens qui n'ont aucune ressource pour se défendre légalement. C'est très important d'avoir la garantie de bénéficier de procès équitables. Ceci est reconnu dans la Constitution ainsi que dans d'autres instruments internationaux, tout comme la présomption d'innocence, le droit au silence, le principe de la preuve légale et le droit à ne pas être torturé. Ces droits sont déjà reconnus dans la Constitution.
Bien sûr, certains doivent être respectés. Il faut également corriger certains détails. À ce propos, je crois que nous utilisons le mot arraigo; je ne peux trouver de traduction pour ce mot, mais cela fait référence au fait d'être retenu captif. Lorsque vous combattez le crime organisé, ce qui arrive... eh bien, je vous mets derrière les barreaux et après, je vais enquêter sur vous. C'est irrationnel et, bien sûr, dommageable pour la présomption d'innocence et la liberté individuelle. En réalité, il s'agit d'une mesure rétrograde. C'est une réforme inachevée, en quelque sorte, qu'il convient de bonifier.
La réforme dont vous avez parlé, monsieur Dorion, prévoit également la détention préventive d'individus accusés d'appartenir au crime organisé, un processus qui, comme nous l'avons déjà signalé au centre Prodh, crée deux systèmes pénaux. Un système qui reconnaît les droits fondamentaux, dont j'ai déjà parlé, comme la présomption d'innocence, le droit de garder le silence, la légalité des preuves, et cetera. Mais il y a un autre système que ne laisse aucune marge — celui qui consiste à rendre un jugement en se fondant sur des impressions personnelles ou voulant qu'une personne ne soit pas digne de respect. Nous avons déjà vu cela dans le cas de deux femmes qui avaient fait l'objet de discrimination pour la simple raison qu'elles étaient autochtones et pauvres. Elles ont été des victimes du système judiciaire. Elles ont été accusées d'avoir kidnappé six agents des services d'investigation fédéraux, qui sont l'équivalent mexicain du FBI.
Voilà donc ce que j'avais à dire au sujet des lacunes de l'administration publique et du système judiciaire. Nous espérons bien sûr être en mesure de réaliser certains progrès dans des États comme le Nuevo León, Chihuahua, Oaxaca, et Mexico. Il va de soi que tout ce processus de réforme s'amorce à peine et que nous estimons important de préciser qu'il faudra encore du temps pour évaluer pleinement la portée de cette réforme et les mesures déjà prises dans d'autres États.
Il y a certains éléments qui demeurent préoccupants, comme je vous l'ai déjà indiqué.
Merci.
Je vous ai permis de poursuivre une minute après la fin du temps alloué parce que votre réponse me semblait particulièrement bien étoffée.
Monsieur Marston.
Monsieur le président, je crois que vous avez pris la bonne décision parce que, comme vous le dites vous-même, il est toujours avantageux pour nous d'obtenir des renseignements additionnels.
Señor, je vous souhaite la bienvenue.
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez souligné que l'on parle de guerre contre le trafic de drogues ou de guerre contre le terrorisme. J'ai l'impression qu'un peu partout sur la planète, il y a beaucoup de dommages collatéraux — d'innocents qui sont tués — au nom de ces soi-disant guerres. L'impunité dont jouissent les militaires est donc extrêmement préoccupante.
Je vais donc vous poser une question très directe. À votre avis, y a-t-il des groupes militaires ou paramilitaires qui se rendent coupables de meurtres dans votre pays?
Le père Luis Arriaga Valenzuela, S.J. (Interprétation):
Oui. Il y a des cas documentés de telles violations des droits de la personne. Nous avons bien sûr des cas d'homicide qui sont aussi bien documentés. Je pourrais vous remettre ces dossiers si vous le désirez. Nous avons produit différents rapports pour montrer aux gens que la stratégie consistant à confier la protection civile aux militaires n'est pas nécessairement celle qui convient le mieux. Cela projette une image belliqueuse et plutôt irrationnelle qui peut s'apparenter à celle de la guerre elle-même. Il devient alors plutôt facile de justifier tous les excès. Le triomphe recherché semble faire en sorte que tous les moyens peuvent être justifiés, même si l'objectif final ne l'est pas nécessairement. En fait, il n'est pas question ici de dommages collatéraux comme ces gens l'ont fait valoir. Il est question d'êtres humains qui souffrent dans leur dignité. Cette tactique dédaigneuse voulant assimiler cette souffrance à des dommages collatéraux revient à affirmer que les droits de la personne n'existent plus en situation de guerre. C'est le genre d'affirmations qui nous préoccupent tout particulièrement. Il nous semble que l'on applique ici une logique plutôt simpliste: nous sommes en guerre et tous les moyens sont bons pour que les combattants l'emportent. Nous croyons que c'est très dangereux. Il suffit qu'un groupe considère qu'il est du bon côté des choses pour qu'il s'estime légitimé et, par le fait même, autorisé à commettre des actes arbitraires de toutes sortes. Cela nous inquiète au plus haut point.
Nous trouvons la situation d'autant plus troublante du fait que de nombreux cas de violation des droits de la personne n'ont pas été résolus. Dans bien des dossiers où les militaires se rendent coupables de telles violations, ils sont jugés par des tribunaux militaires, alors que leurs victimes n'ont pas accès à la justice. Il n'y a qu'un seul cas où un militaire a été incarcéré pendant neuf mois pour un homicide. Dans la plupart des autres situations, il n'y a eu aucune conséquence.
Cette année, trois causes seront soumises à la Cour interaméricaine des droits de l'homme. Ce sont donc des dossiers importants dont deux concernent des femmes qui ont été torturées et violées par des soldats. Il s'agit de deux femmes autochtones. Dans l'autre cause, deux environnementalistes qui avaient dénoncé des coupes forestières à Tultitlán ont été incarcérés et torturés par l'armée. Nous espérons que la Cour interaméricaine réglera comme il se doit ces trois causes en permettant à l'État mexicain d'imposer des sentences et en lui ordonnant de modifier ses lois de telle sorte que les tribunaux civils puissent juger les violations des droits de la personne commises par des militaires.
Je vous remercie.
Nous avons droit à la version CNN des événements. Nous voyons ces personnes assassinées en pleine rue, victimes de règlements de comptes entre gangs criminels. On se demande alors combien de ces victimes n'étaient que de simples passants malchanceux. Il y a quelques années à Montréal, un jeune garçon a été tué par une bombe dans le contexte d'un conflit entre gangs de motards.
J'aimerais savoir si ces gens ont eu recours à des tactiques d'intimidation à l'égard de votre centre ou de vous-même. Je constate que vous avez produit un ouvrage très détaillé sur les violations des droits de la personne et que vous en parlez avec beaucoup de passion. Vous ne manquez certes pas d'attirer l'attention de certains.
Le père Luis Arriaga Valenzuela, S.J. (Interprétation):
Lorsqu'il est question de défendre les droits de la personne, nous estimons important de dire les choses comme elles sont. Si on est confronté à des crimes aussi graves, il ne faut surtout pas se taire et rester résigné. Différents groupes et individus travaillent à la promotion des droits de la personne en s'employant à faire en sorte que tous puissent vivre dans la dignité et bénéficier d'une bonne qualité de vie, conformément à la Déclaration universelle des droits de l'homme — autrement dit, que tous puissent être à l'abri de la peur et de la pauvreté et profiter pleinement de leurs droits fondamentaux. Ces défenseurs des droits jouent un rôle indispensable. Tout régime démocratique digne de ce nom a besoin d'un certain degré de dissidence. Mais les défenseurs des droits de la personne doivent composer avec de nombreux obstacles. De par les positions qu'ils adoptent et les points de vue qu'ils expriment dans la défense de ces droits, on peut facilement les considérer comme des indésirables et les présenter comme des individus dangereux constituant un risque pour le pays. Nous en avons eu un exemple en octobre dernier. Le Bureau mexicain du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a présenté un rapport intitulé « Human Rights Defense: Between Commitment and Risk ». On y fait référence aux actes de violence dont sont victimes les défenseurs des droits de la personne et aux différentes barrières qu'ils doivent surmonter. Je suis d'accord avec cette perspective adoptée par le Bureau du Haut-Commissariat. Autrement dit, défendre les droits de la personne est une activité présentant un risque élevé.
Nous constatons également avec beaucoup de préoccupation que les autorités nationales n'enquêtent pas suffisamment sur les agressions à l'endroit des défenseurs des droits.
C'est formidable. J'en suis absolument ravi.
Je tiens à vous féliciter pour le travail que vous accomplissez. De toute évidence, bien que vous souhaitiez vous montrer discret à ce sujet, il y a beaucoup d'intimidation à l'égard des activistes des droits de la personne dans bien des pays.
Notre comité s'est penché sur l'examen périodique devant être effectué pour le Canada. Les membres de la société civile se sont notamment interrogés sur la façon dont ils pouvaient composer et collaborer avec le gouvernement en réponse à l'examen mené par les Nations Unies. Je me demandais s'il y avait eu au Mexique une forme quelconque de stratégie coordonnée ou si des groupes de la société civile avaient collaboré avec le gouvernement en réponse à l'examen périodique.
Le père Luis Arriaga Valenzuela, S.J. (Interprétation):
Je crois que nous nous sommes efforcés d'assurer la mise en oeuvre des recommandations formulées à l'intention du Mexique. Le problème vient du fait que les recommandations concernant la juridiction militaire n'ont pas été acceptées par l'État mexicain. Nous croyons donc que la situation ne se prête pas au suivi de ces recommandations qui ont été formulées, mais n'ont pas été acceptées. Par ailleurs, je crois également que chaque pays a ses propres mécanismes de suivi. Je ne suis pas ici pour vous parler des politiques publiques ou des lois qui s'appliquent au Canada. Ce n'est pas mon rôle. Ma compétence se limite à l'État mexicain. Pour bon nombre de ces problèmes, la solution réside dans le dialogue qui peut s'engager entre la société civile et les instances gouvernementales — pour autant, bien sûr, que les exigences de base soient remplies.
Merci beaucoup.
Pour les conservateurs, nous allons débuter avec M. Hiebert avant de poursuivre avec une question de M. Sweet.
Merci, monsieur le président.
Merci à notre témoin pour sa présence aujourd'hui.
À la lecture des documents de votre centre, je vois ressortir un thème au sujet duquel j'aimerais que vous nous en disiez davantage, si cela est possible. Je vais d'abord vous lire quelques brefs extraits.
On peut lire qu'« aucune institution civile n'exerce de contrôle significatif sur le fonctionnement de l'armée ». Il est écrit plus loin qu'« en vertu de la Constitution mexicaine, les tribunaux militaires n'ont pas compétence dans ces dossiers, mais en raison du pouvoir de l'armée, les autorités civiles renoncent à leur compétence, et permettent aux procureurs et aux tribunaux militaires d'assumer la charge des dossiers ».
Dans un troisième document, un rapport produit par votre centre, on peut lire:
Le manque flagrant de contrôle civil sur les forces armées, surtout le recours inconstitutionnel à la juridiction militaire pour enquêter sur les crimes contre les droits de la personne, et la militarisation accrue des villes et des collectivités, ont mené à une impunité encore plus importante. Celle-ci masque des abus de plus en plus fréquents perpétrés par les forces militaires à l'endroit de civils, étant donné que le système actuel ne permet pas à des autorités indépendantes et impartiales de procéder à des enquêtes.
Le thème récurrent est certes le fait que les forces militaires ne sont pas assujetties à la surveillance constitutionnelle des autorités civiles. Je me demande comment on a pu en arriver là. Et que peut-on faire pour changer le cours des choses de telle sorte que les autorités civiles reprennent le rôle qui leur revient?
Le père Luis Arriaga Valenzuela, S.J. (Interprétation):
L'an dernier, soit en août 2009, nous avons demandé à la Cour suprême de se prononcer sur la question de la juridiction militaire dans une situation qui était survenue avant 2009. Autrement dit, nous souhaitions que l'on impose certaines limites à cette juridiction militaire. La Cour suprême a décidé, dans le cadre d'un vote partagé, de ne pas trancher sur le fond de cette question. Le Prodh Centre avait demandé que l'on déclare inconstitutionnel l'article 57 du Code de justice militaire permettant aux militaires d'être jugés par leurs pairs. La Cour suprême a refusé d'acquiescer à cette demande. En fait, le vote a été partagé. Cinq juges étaient favorables à une étude approfondie, et six étaient d'avis contraire. Alors, ils ne l'ont pas fait.
Il y a 11 juges qui siègent à la Cour suprême. Même si le vote n'a bien évidemment pas été unanime, je crois que notre requête a donné lieu à un plus vaste débat public, sans compter les recommandations émanant des instances internationales.
Il ne faut pas oublier que Human Rights Watch et Amnistie internationale ont publié quatre rapports à ce sujet. Le débat n'est donc pas terminé et les discussions se poursuivent. Parallèlement à cela, la situation doit évoluer. Plus précisément, il convient de réformer l'article 57 du Code de justice militaire qui ne permet pas aux victimes d'avoir accès à un tribunal indépendant et impartial. Je pense que c'est là que réside tout le problème.
Il ne faut pas en conclure que les organisations de défense des droits de la personne comme la nôtre s'opposent à l'armée. Là n'est pas la question. Le problème c'est que l'armée doit se soumettre aux règles d'un état démocratique. Et, pour ce faire, elle doit rendre des comptes. Cela veut dire qu'elle ne peut pas juger elle-même des cas de violation des droits de la personne. Elle doit soumettre ces cas à un tribunal indépendant. À cet égard, il est très important que la question soit également réglée sur de plus vastes tribunes, à savoir à l'échelle internationale, pour redonner son droit de cité à la démocratie.
Je vous remercie pour votre excellent travail.
J'aimerais savoir si vous avez accès aux hauts fonctionnaires du gouvernement mexicain pour plaider la cause des personnes dont vous défendez les droits.
Le père Luis Arriaga Valenzuela, S.J. (Interprétation):
Oui. Notre organisation a toujours oeuvré pour la défense des droits en suivant les voies institutionnelles. Autrement dit, dans les cas de violation des droits de la personne, nous faisons les démarches nécessaires auprès des tribunaux mexicains pour avoir accès à la justice. Nous appliquons en effet les normes les plus élevées en matière de protection des droits de la personne dans le cadre d'une stratégie judiciaire fondée sur l'utilisation à bon escient des arguments et des instruments que la Constitution et les lois du Mexique mettent à notre disposition. C'est la façon de faire que nous préconisons. Nous sommes partisans d'un dialogue sain et respectueux entre le gouvernement et la société civile. C'est ce que nous recommandons. Il arrive cependant que la situation ne se prête pas à un dialogue semblable. C'est la raison pour laquelle nous estimons que ce dialogue devrait être assorti d'objectifs clairement définis en matière de démocratie, plutôt que de servir de simple tribune de réflexion où les échanges n'aboutissent à aucun progrès véritable.
Concernant l'examen périodique universel, je crois vous avoir entendu répondre que le gouvernement mexicain n'a pas vraiment donné suite aux recommandations qui en ont découlé. Il semble être ressorti de votre dialogue avec le gouvernement que celui-ci justifie la militarisation continue du seul fait que les autorités locales, les instances municipales, la police, ne disposent pas des ressources nécessaires pour déployer une capacité suffisante à cette fin.
Avez-vous pu constater un effort de bonne foi de la part de l'administration mexicaine pour renforcer la police locale de telle sorte que cette militarisation à outrance devienne moins nécessaire? Est-ce que la police locale au sein de vos municipalités relève des instances civiles?
Le père Luis Arriaga Valenzuela, S.J. (Interprétation):
Je vais d'abord répondre à la première partie de votre question. Après avoir évalué les recommandations formulées à l'occasion de l'examen périodique universel tenu le 10 février à Genève, avec la participation d'un représentant de l'État de Mexico et de représentants de la société civile — sous la direction du Secrétaire de l'Intérieur — l'État mexicain a engagé un dialogue interactif avec les autres membres d'un conseil auquel 54 délégations ont participé. Les états membres du conseil ont formulé 91 recommandations à l'intention du gouvernement mexicain. L'une d'elles traitait précisément du recours à la juridiction militaire. Comme j'y ai déjà fait référence, je ne vais pas répéter ce que j'ai dit.
Après examen des recommandations, la délégation mexicaine s'est engagée à prendre les mesures nécessaires pour donner suite à 83 des 91 recommandations formulées, y compris celles visant l'harmonisation par voie législative, c'est-à-dire la prise de mesures législatives pour harmoniser toutes les dispositions des traités internationaux concernant la non-discrimination, la violence contre les femmes, la réforme judiciaire, etc. Le gouvernement a par ailleurs pris en délibéré les huit autres recommandations qui visaient principalement à assurer la primauté du droit civil sur le droit militaire. Cela concerne le troisième élément.
À la lumière des recommandations formulées, je crois que l'examen périodique universel a été une excellente occasion pour les organisations de la société civile de mettre en valeur le travail effectué et les progrès réalisés dans un large éventail de dossiers touchant les droits de la personne au Mexique. Nous regrettons que ces huit recommandations n'aient pas été acceptées, car elles ont tout à fait leur raison d'être dans le contexte que nous connaissons actuellement.
Pouvez-vous me rappeler quelle était votre deuxième question?
La deuxième question concernait les forces de police locales. Je voulais savoir si vous constatiez un effort véritable de la part du gouvernement pour réduire la militarisation.
Le père Luis Arriaga Valenzuela, S.J. (Interprétation):
Oui. Depuis l'arrivée de Felipe Calderón comme président, l'intervention militaire en matière de sécurité publique a toujours été considérée comme temporaire, mais on n'a jamais dit quand on allait retirer les forces militaires. Plutôt qu'une augmentation de la capacité des agents de police, nous constatons à l'opposé une plus grande participation des militaires à la protection publique, mais aussi une plus large interférence avec le pouvoir civil. C'est une situation qui nous préoccupe. Un plan d'action pour une période de 5 à 10 ans vient d'ailleurs d'être rendu public par le responsable des forces armées afin d'assurer une certaine continuité dans la participation des militaires à la lutte contre les trafiquants de drogues. On veut ainsi consolider cette participation en donnant un statut juridique à une fonction déjà assumée sur le terrain par l'armée qui s'acquitte de ces différentes tâches... Comme vous l'avez indiqué, ces tâches devraient relever des agents de police.
À cet égard, nous avons préconisé la présentation d'une loi d'urgence qui nous permettra de poser de nouvelles questions. D'abord et avant tout, existe-t-il une stratégie clairement définie? C'est un sujet plutôt délicat, mais on ne peut pas vraiment parler de situation provisoire lorsqu'on établit un plan de 10 ans, par exemple, et que nous ne constatons pas de progrès véritables pour ce qui est de la formation des agents de police. Nous ne pouvons donc pas compter sur des agents disposant des compétences requises pour lutter efficacement contre le crime organisé.
Combien de temps faudra-t-il pour élaborer une vaste stratégie permettant d'assurer une véritable participation citoyenne pour passer d'un régime de sécurité publique — qui est considéré comme relevant de la raison d'État — à un régime où la sécurité est également l'affaire des citoyens dans le cadre d'un dialogue ouvert avec les forces policières? Il me semble que cela reste à faire.
On n'est pas parvenu à consolider les forces policières de manière efficiente. Le délai fixé dans le plan d'action récemment présenté indique non seulement un manque d'information au sujet de la situation, mais aussi une volonté de rendre permanente une situation censée être temporaire. Cela nous semble particulièrement risqué, car en approuvant une telle interférence permanente des forces militaires, on pourrait s'exposer à des conséquences encore plus graves ou à davantage de violations des droits de la personne.
Il faut ici également se demander si l'on peut lutter contre l'illégalité en utilisant des mesures illégales. C'est tout au moins la façon dont nous avons pu percevoir les choses à la lumière des nombreuses violations des droits de la personne perpétrées par des militaires. Nous avons d'ailleurs documenté ces cas. La Commission nationale des droits de la personne en a fait tout autant. Cela est d'autant plus inquiétant que des mesures semblables n'ont pas leur place au sein d'une société démocratique.
Je vous prie de nous excuser, mais nous sommes vraiment arrivés au bout du temps à notre disposition. Comme la période des questions a débuté à la Chambre, nous allons devoir conclure dès maintenant. Toutes nos excuses encore une fois, mais nous n'avons jamais terminé une séance aussi tard.
Permettez-moi de mentionner brièvement, en remerciant le Père Arriaga, qu'il était accompagné aujourd'hui par Mary Jo Leddy. Nous ne lui avons pas posé de questions, mais je tenais tout de même à souligner sa présence, car elle accomplit elle aussi un travail remarquable pour la défense des droits de la personne.
Je vous remercie tous de votre présence et de votre patience. Je remercie plus particulièrement le Père Arriaga pour sa comparution et son excellent témoignage.
Merci beaucoup.
La séance est levée.
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