[Français]
Nous sommes le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Nous tenons aujourd'hui notre 52e séance.
[Traduction]
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous examinons les violences sexuelles commises envers les femmes et les enfants dans les opérations de paix, les États fragiles et les situations de conflit.
Aujourd'hui, nous avons la chance de nous entretenir par vidéoconférence, de New York, avec Margot Wallström, représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies chargée de la lutte contre les violences sexuelles dans les conflits armés.
Madame Wallström, conformément à notre pratique habituelle, nous entendrons votre déclaration, après quoi nous passerons aux questions des membres du comité. Vous pouvez commencer quand vous voulez.
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Je tiens à remercier les députés de m'avoir invitée à comparaître devant le comité, bien que ce soit à distance. J'aurais préféré être là en personne, mais comme je voyage beaucoup, ce n'était pas possible pour cette fois-ci. Merci de me donner l'occasion de participer à vos discussions par vidéoconférence.
Permettez-moi de présenter la situation dans un contexte élargi. Comme vous le savez, je suis la première personne à occuper le poste de représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la lutte contre les violences sexuelles dans les conflits armés.
Pourquoi parlons-nous de ce sujet? Je dirais que c'est à cause de la nature changeante de la guerre. Autrefois, la guerre était considérée comme un conflit entre deux armées bien disciplinées et bien entraînées qui s'affrontaient sur le champ de bataille, mais ce n'est plus le cas. Les guerres et les conflits modernes ont souvent lieu dans des États faillis ou encore, il s'agit de guerres civiles. Ces guerres intestines sont souvent menées par des groupes armés qui sont difficiles à contrôler. Femmes et enfants, c'est-à-dire de simples civils, se retrouvent sur la ligne de front, non pas en tant que soldats armés, mais en tant que victimes.
Aujourd'hui, la plupart des victimes sont en fait des civils. Il est très important de comprendre ce phénomène. D'ailleurs, dans une perspective historique, c'est même décrit dans la Bible. Songeons aussi à des histoires comme la guerre de Troie, où il est question d'enlèvement de vierges comme prix de guerre. On serait porté à croire qu'il s'agit d'un résultat inévitable de la guerre, mais c'est faux. Il est important de comprendre, avant tout, ce point.
Certains disent qu'il s'agit du plus grand silence de l'histoire. Et même de nos jours, cette question demeure entourée de silence et, je dirais, de honte. Malheureusement, ce sont les victimes qui éprouvent de la honte, et non pas les agresseurs.
Il s'agit d'un problème important, et nous l'avons ajouté au programme du Conseil de sécurité parce qu'il constitue un grave obstacle à la consolidation d'une paix durable. Il nuit à la sécurité sociale et détruit des familles et des sociétés. Ce problème empêche aussi les femmes de participer aux activités économiques et les filles de fréquenter l'école dans la plupart des cas. La confiance dans le système juridique d'un pays et dans la capacité de l'État de protéger ses citoyens est également brisée. Il s'agit donc d'un phénomène lourd de conséquences.
Comme nous l'avons vu récemment, la violence sexuelle sert d'outil politique pour punir des adversaires politiques. C'est ce qui s'est passé au Kenya ainsi qu'à Conakry, en Guinée. C'est ce qui se passe maintenant en Côte d'Ivoire. Ce problème a été reconnu il y a 10 ans dans le cadre de la résolution 1325 adoptée par le Conseil de sécurité et baptisée la « Résolution sur les femmes, la paix et la sécurité », donnant ainsi aux femmes un rôle particulier dans le contexte de la guerre, des opérations de paix et de la consolidation de la paix. Depuis, nous avons adopté plusieurs autres résolutions qui reconnaissent explicitement le recours à la violence sexuelle comme arme de guerre ou comme tactique dans les guerres modernes.
L'année dernière, le Conseil de sécurité a adopté la résolution qui a créé mon poste. La résolution 1960 nous a donné, à mon équipe et à moi, un accès aux outils dont nous avons besoin. Autrement dit, le Conseil de sécurité a fait part de sa volonté d'utiliser tous les outils disponibles, notamment des sanctions, le gel des actifs et des interdictions de visa, pour empêcher les violeurs d'avoir une carrière politique, militaire ou civile. C'est extrêmement important.
Pour conclure, je vais vous présenter notre programme en cinq points.
D'abord, il faut mettre un terme à l'impunité. Ces types de crimes sont commis en toute impunité, et les auteurs bénéficient d'une amnistie. Nous devons donner aux femmes le pouvoir de prendre leur destinée en main, ce qui va de pair avec la lutte contre l'impunité. Nous devons renforcer l'engagement politique à l'égard de cette question, tant chez les femmes que chez les hommes. Il ne s'agit pas uniquement d'un problème de femmes. C'est une question liée aux droits de la personne. Nous devons repenser le viol en tant que tactique de guerre. Il nous faut mieux comprendre le phénomène. Nous devons harmoniser et mieux coordonner les activités au sein du système de l'ONU parce qu'aujourd'hui, la plupart des mandats pour nos missions de maintien de la paix contiennent une disposition sur la protection des civils. Les civils sont des hommes et des femmes, mais les femmes ont leurs besoins particuliers, et il faut en tenir compte. C'est ce que nous faisons.
Nous avons également cerné sept pays cibles. Nous devons prendre des engagements à plus long terme et de façon plus consolidée avec un certain nombre de pays. Cinq d'entre eux se trouvent en Afrique. Mais il ne s'agit pas d'un problème culturel; ce phénomène s'est également produit en Europe, comme nous le savons, durant la guerre dans les Balkans. La Bosnie-Herzégovine est l'un de nos pays cibles, tout comme la Colombie. Mais les cinq pays en Afrique sont les suivants: la République démocratique du Congo, la République centrafricaine, la Côte d'Ivoire, le Soudan et le Libéria, un pays censément en conflit. Nous devons également faire un suivi afin de voir comment cela touche un pays à long terme.
Nous travaillons à pleine vitesse pour faire en sorte qu'il existe un rôle de défense des intérêts, une meilleure compréhension et une meilleure sensibilisation à l'égard de ce phénomène. Vous pouvez être sûrs que c'est aussi ce qui se passe, malheureusement, dans les régions du Nord de l'Afrique. Cela restera un obstacle très grave à l'instauration d'une paix durable. C'est pourquoi je vous suis reconnaissante d'avoir inclus cette question dans votre programme.
Je suis maintenant disposée à répondre à vos questions.
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Monsieur le président, tout d'abord, je tiens à remercier la représentante spéciale du Secrétaire général. J'avais eu l'occasion de jeter un coup d'oeil à certaines des recommandations que vous aviez formulées, madame Wallström, et c'est pourquoi je vous ai proposée comme témoin. Je suis heureux que vous preniez part à notre débat très important sur les violences sexuelles commises envers les femmes et les enfants dans les opérations de paix, les États fragiles et les situations de conflit.
Je pense que vous avez bien expliqué la nature changeante de la guerre, qui touche maintenant les civils, et non pas les soldats, comme c'était le cas autrefois. Vous avez énuméré les cinq pays cibles en Afrique où on a entamé des activités de reconstruction d'après-guerre.
Vous pourriez peut-être nous donner une idée de ce qui se passe sur le terrain. Les choses s'améliorent-elles ou non? Je suis également préoccupé par les violences sexuelles commises envers les personnes déplacées dans certains des camps. Que fait l'ONU pour régler cette question?
Pourriez-vous nous donner un aperçu de certaines des initiatives qui ont lieu et nous dire si vous constatez des progrès? Y a-t-il des initiatives, menées non seulement par l'ONU mais aussi par des pays occidentaux, qui ont un impact considérable?
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Merci beaucoup, monsieur Silva, pour la question.
Je ne pense pas que nous puissions répondre de façon précise à la question de savoir si les choses s'améliorent ou non parce que nous venons à peine de commencer à surveiller ce phénomène particulier et à en rendre compte.
Bien entendu, c'est le résultat des guerres et des conflits. Durant ma visite à la République démocratique du Congo, les femmes m'ont sans cesse répété que c'était dû à la guerre. À leurs yeux, il s'agit d'un phénomène qui survient en période de guerre ou en situation de conflit — et c'est ce que nous observons au Libéria. Mais malheureusement, des choses comme les viols collectifs ou les violences sexuelles très brutales continuent de survenir dans la société une fois que les armes cessent de retentir, comme c'est le cas au Libéria. Les agressions contre les enfants et les viols collectifs, des crimes qui étaient inconnus avant la guerre, se poursuivent toujours. Le viol continue d'être le crime le plus fréquent. La société en est profondément touchée.
Selon moi, ces actes continuent d'être commis dans les régions où il y a un conflit actif. Ce qui est nouveau dans ce phénomène, c'est qu'on l'utilise en guise de punition, c'est-à-dire dans le contexte politique, par rapport aux élections. En Angola, nous avons observé le phénomène dans le cas de l'expulsion des immigrants illégaux.
Voilà pourquoi je ne pense pas qu'on puisse donner une réponse claire à la question de savoir s'il y a eu amélioration ou pas. Nous espérons qu'une attention sera portée à cette question, et le fait que les médias en parlent et qu'il existe une grande volonté politique nous aidera à améliorer la situation. À mon avis, l'impunité est au coeur de cette question. Si ces actes sont commis presque en toute impunité et qu'il n'y a aucune conséquence pour de tels agissements envers les femmes, alors je doute que nous soyons en mesure de régler efficacement le problème.
En ce qui concerne les personnes déplacées dans des camps à l'intérieur du territoire, nous avons établi un répertoire des meilleures pratiques de maintien de la paix. Beaucoup d'efforts ont été déployés de façon ponctuelle et sur le terrain dans un certain nombre de pays. Nous colligeons l'information dans un répertoire que nous avons présenté l'année dernière. Maintenant, nous faisons un suivi de la formation des Casques bleus pour nous assurer qu'ils peuvent protéger les civils de façon efficace, grâce à ces méthodes — allant de l'établissement d'équipes conjointes de protection qui s'engagent avec la société civile à la fourniture d'un plus grand nombre de fourneaux économes en combustible pour que les femmes n'aient pas à se rendre trop loin pour chercher du bois de chauffage ou de l'eau. Ces pratiques se sont avérées efficaces.
L'aménagement des zones de camp est également très important. Les femmes ont besoin d'une protection particulière. Elles ont besoin de douches séparées. Tous leurs besoins doivent être comblés. Je pense que cela se fait étape par étape. Il y a une meilleure compréhension de leurs besoins. Mais ce n'est pas parfait, comme nous l'avons vu en Haïti, par exemple, où il existe toujours beaucoup de problèmes liés au harcèlement sexuel et au viol.
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J'ai une petite question avant de passer à M. Cotler.
Vous avez une obligation et une responsabilité de dénoncer ceux qui commettent ces atrocités, y compris les chefs de certains pays. Nous parlons beaucoup d'impunité, et je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus, mais nous ne pouvons pas permettre à ces gens de s'en tirer.
En tant que conseillère spéciale, vous avez une responsabilité, je crois, de dénoncer les gens qui commettent ces crimes particuliers.
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Merci, monsieur le président.
Je vais m'adresser à vous en français, madame. Je voudrais tout d'abord vous remercier d'être présente pour nous parler de votre mission. C'est un poste relativement nouveau, car il a été créé l'année dernière. C'est ce que vous avez mentionné dans votre allocution. Vous nous avez aussi dit que la résolution — dont le numéro m'échappe — vous donnait des outils pour empêcher les agresseurs de commettre leurs crimes. Vous avez aussi fait mention de cinq objectifs.
Pour atteindre ces objectifs, j'aimerais savoir de quelle façon vous travaillez. Comment arrivez-vous à coordonner vos efforts et votre travail compte tenu de la présence des organisations de la société civile sur le terrain dans les pays où sont commis ces conflits et ces actes? De quelle façon arrivez-vous à avoir une certaine influence sur le gouvernement?
Au début de la semaine, nous recevions une représentante d'une ONG qui travaille actuellement sur la situation au Soudan avec des femmes. Elles essaient de faire changer les lois qui ne reconnaissent pas le viol ou les agressions à l'égard des femmes comme des actes criminels. C'est très difficile pour elles, parce qu'elles n'ont pas, ou peu, d'entrées auprès du gouvernement. Elles travaillent donc avec la société civile, avec les femmes du Nord et du Sud. Il leur est très difficile de faire pression sur le gouvernement. Quel serait votre rôle auprès de ces femmes?
Vous avez aussi mentionné que vous travaillez avec sept pays, ou que vous avez ciblé sept pays, dont cinq se trouvent en Afrique. On parle de pays en conflit ou de pays qui ont été touchés par un grave séisme. Ce peut être, par exemple, Haïti. De quelle façon travaillez-vous aussi avec les femmes en Haïti, surtout celles qui se trouvent dans des camps de réfugiés où on déplore beaucoup de cas de violence à l'égard des femmes?
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Merci beaucoup, madame la députée.
[Traduction]
En ce qui concerne la façon dont mon équipe et moi travaillons, nous sommes neuf dans mon équipe. Nous travaillons sur le plan politique, au sein du système des Nations Unies, pour influer sur tout, de la façon dont les mandats sont formulés à celle dont nos Casques bleus travaillent sur le terrain. Notre rôle est très politique. Aussi, comme vous le savez peut-être, c'est le domaine dans lequel j'ai de l'expérience.
J'ai l'obligation d'entamer des dialogues avec les gouvernements et je vise toujours l'échelon le plus élevé. Je tente de rencontrer des présidents, des premiers ministres et des ministres pour les mobiliser et travailler avec eux à ces dossiers. Par exemple, la dernière fois que j'ai visité la RDC, j'ai réussi à obtenir un long entretien avec le président Kabila.
Nous devons absolument faire en sorte que les gouvernements assument la responsabilité et soient obligés de rendre des comptes par rapport à ce dossier. Sans le travail des ONG et des organisations de la société civile, nous en saurions peu sur la question. Nous dépendons du travail que ces organisations accomplissent et nous le trouvons très encourageant. Elles nous aident aussi à rendre compte de ce qui se passe sur le terrain.
Je suis d'accord avec vous que la situation au Soudan est extrêmement difficile, comme nous l'avons appris grâce à nos rencontres avec des représentants du gouvernement soudanais. Ils ont souligné qu'ils prennent le viol tellement au sérieux qu'il faut quatre témoins — quatre hommes — pour signaler un viol. Bien sûr, cela signifie que les viols ne seront jamais signalés puisqu'il est très rare qu'il y ait quatre témoins pour rendre compte d'un tel crime.
Par ailleurs, votre description des défis en Haïti est aussi exacte. Nous devons décider des mesures à prendre, car pour mon équipe et moi, la situation n'est pas vraiment liée à un conflit. L'ensemble des Nations Unies travaillent à trouver des solutions. Elles discutent aussi avec des pays donateurs et d'autres, des organisations actives sur le terrain, pour voir ce qu'on pourrait faire pour prévenir la violence sexuelle et le viol.
Je crois que les solutions possibles sont nombreuses. Elles comprennent les patrouilles de nuit et le fait de veiller à obtenir la permission d'entrer dans les camps pour mieux maintenir l'ordre et surveiller la situation, avec la possibilité d'intervenir. Les femmes et les enfants d'Haïti se font violer surtout par des éléments criminels civils. Haïti ne nous a pas été confié à titre de pays prioritaire, mais, bien sûr, mon équipe et moi surveillons la situation. Nous tentons de recueillir le plus de renseignements possible de toutes les régions du monde où l'on a recours à la violence sexuelle.
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Merci, monsieur le président.
Madame, je tiens à vous féliciter d'avoir accepté d'affronter ce problème de taille et d'avoir décidé d'aider à lutter contre cet horrible crime contre la dignité humaine. La tâche est énorme et intimidante.
Toutefois, je suis aussi heureux d'apprendre que vous disposez de certains outils qui n'existaient pas auparavant. Selon moi, les conflits qui sévissent dans les pays que vous avez nommés durent depuis nombre de générations. Ce que je trouve très troublant, c'est le fait qu'il semble très clair que la mémoire institutionnelle de ces pays commence à accepter l'agression sexuelle en soi, tant durant qu'après les conflits.
Par rapport à ce qui se passe actuellement dans le monde, dans un sens, la situation en Libye m'encourage, car ce que les Nations Unies semblent tenter de mettre au premier plan, c'est un sentiment de la responsabilité de protéger les citoyens non combattants innocents.
J'aimerais savoir si, à votre avis, ce sentiment de responsabilité s'étend à l'agression sexuelle. Dans les pays où cela semble maintenant faire partie de la culture, y a-t-il des organismes religieux qui ont pris position contre cette pratique ou la tolèrent-ils d'une façon ou d'une autre?
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Les deux questions sont très importantes et pertinentes.
La violence sexuelle est-elle aussi acceptée après les conflits? Elle survit certainement aux conflits, et ce fait a une grande incidence sur les sociétés qui ont connu de longues guerres civiles. Bien sûr, la situation ne sera jamais plus la même dans un pays où de nombreux jeunes ont été recrutés et sont devenus enfants soldats, par exemple, et ont peut-être dû violer un membre de leur famille, leur mère ou leur soeur, puis tuer leur mère ou leur soeur devant le reste de leur famille et leur village, ou à perpétrer d'autres gestes violents contre leur famille. De tels événements survivent pendant des générations.
Toutefois, c'est également important de reconnaître le progrès. Le Conseil de sécurité a décidé d'inclure la question dans le programme en matière de paix et de sécurité. Il est prêt à utiliser toutes ses armes pour lutter contre ce problème. Aussi, les résolutions proposent des solutions. La protection des civils est maintenant incluse dans presque tous les nouveaux mandats des Casques bleus. Nous formons les Casques bleus. Nous reconnaissons plus que jamais que nous sommes aux prises avec un fléau que nous devons maîtriser.
À mon sens, la question concerne à la fois le rôle des femmes et le respect des droits de la personne. C'est important de reconnaître que le problème ne touche pas seulement les femmes, comme je l'ai déjà dit; il touche également les droits de la personne. Ce n'est pas culturel. Ce n'est même pas sexuel. C'est criminel, et c'est sous cet angle que nous devons aborder le dossier.
Vous avez également raison de mentionner le rôle des chefs religieux. Ils deviennent de plus en plus actifs dans le dossier. Nous arrivons aussi à mobiliser un plus grand nombre d'hommes dans la lutte contre la violence sexuelle. Jusqu'à maintenant, cela a grandement posé problème, car les femmes victimes de violence sexuelle sont écrasées de honte et sont condamnées par la société. Très souvent, leur famille ou leur communauté les rejette. Elles sont extrêmement traumatisées par les événements. Nous tentons aussi de nouer un dialogue avec les chefs religieux, les chefs des communautés et des villages, pour parler avec eux de ce qu'ils peuvent faire pour régler le problème de la condamnation sociale. Nous n'avons pas encore eu beaucoup de succès sur ce plan, mais nous continuons à cibler les organismes religieux puisqu'ils jouent un rôle central dans nombre des pays concernés.
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Comme vous le savez, les différentes sections des Nations Unies sont très spécialisées. Certaines sont chargées des personnes déplacées, des camps et de la conception des camps. Je crois que ce travail est toujours en cours. Cette tâche ne m'incombe pas directement, mais, bien sûr, nous nous penchons sur la question et sur le recours à la violence sexuelle par rapport, par exemple, à l'expulsion de personnes qui vivent dans les camps et dans les environs. Ce sont les Casques bleus et les personnes qui travaillent à la conception des camps qui doivent s'attaquer à ce problème. Nous tentons de nous occuper du reste.
Nombre de Casques bleus, par exemple, viennent de l'Inde, de l'Afrique du Sud, de l'Ouganda, du Pakistan et du Bangladesh, et ils sont envoyés dans la jungle de la RDC. Ils ne parlent aucune langue locale. Tout à coup, ils voient une femme à moitié nue sur la route de terre. Elle s'approche de leur véhicule et semble les supplier de l'aider. Que sont-ils censés faire dans une situation pareille? Ils ne comprennent pas ce qu'elle dit, mais elle semble avoir besoin d'aide. Ils savent que s'ils la font monter à bord de leur véhicule, ils pourraient être accusés eux-mêmes d'exploitation et d'agression sexuelle. La fréquentation de prostituées et les accusations d'agression sexuelle par les Casques bleus font l'objet d'un débat très animé. Ils ne peuvent pas la laisser là. Ils comprennent que la situation est risquée.
C'est exactement le genre de formation que nous donnons maintenant: de la formation basée sur des situations sur le terrain. Nous tentons d'aider les Casques bleus à maîtriser les différentes situations. Nous travaillons aussi en collaboration avec les personnes qui ont conçu les camps.
Lorsque nous avons visité l'Angola, nous avons parlé aux personnes sur le terrain de ce qui se passe par rapport à l'expulsion des gens. Cette situation est-elle due au fait que la chaîne de commandement ne fonctionne pas? Les services de police et de contrôle frontalier permettent les expulsions, peut-être en raison du chaos qui règne dans nombre de ces situations. Nous devons veiller à ce que le système fonctionne, à ce que toute la chaîne de commandement fonctionne, et à ce que l'impunité ne soit pas la règle.
Nous devons aborder les problèmes de manière parallèle, simultanée et efficace. Ma tâche n'est pas liée directement et précisément aux camps, mais la question concerne certainement les Nations Unies. Il faut en tenir compte dans la conception des camps de secours dressés en période de guerre. Par ailleurs, je suis certaine qu'il existe des calculs employés pour déterminer combien il faut de personnes et de tel ou tel service.
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Par exemple, l'une des mesures dont nous avons constaté la grande importance, c'est l'augmentation du nombre de femmes qui occupent des postes de policières et de Casques bleus.
J'ajouterais un dossier dont je n'ai pas parlé dans ma déclaration: celui des minéraux des conflits. Par exemple, en RDC, on extrait le coltan et le tungstène, des minéraux rares utilisés dans la fabrication de téléphones cellulaires. L'extraction de ces minéraux contribue au conflit et continuera à l'alimenter. Malheureusement, les pauvres de la RDC n'en tirent aucun avantage.
Il faudrait pouvoir déterminer l'origine des minéraux. Espérons qu'un jour, nous pourrons établir un régime mondial, comme celui des diamants, ce qui nous permettra de lutter efficacement contre la violence sexuelle.
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Je vais tenter d'aller droit au but. Ce que je voulais savoir, madame, c'est si vous aviez une demande précise à nous proposer, demande que notre comité pourrait présenter au gouvernement du Canada.
Vous savez peut-être que le Parlement a rejeté le projet de loi , en vertu duquel les sociétés minières canadiennes auraient eu à respecter les mêmes règles à l'étranger qu'ici. Des élections seront bientôt déclenchées, mais je vous dis tout de suite que dans le cadre de la prochaine législature, si je suis réélu, je vais présenter à nouveau ce projet de loi et faire une autre tentative, surtout dans le domaine des minéraux des conflits.
Le comité sera probablement dissous dans les 48 heures. Habituellement, lorsque le nouveau Parlement est formé, on examine les études menées par les comités et on en reprend certaines. Je crois que nous voudrions reprendre l'étude en cours.
En attendant, si vous pensez à quelque chose que vous voudriez demander au comité d'ajouter au rapport, je vous prie de nous en informer.
Je n'ai pas de question précise.
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La dernière question est aussi très importante. Je dois réfléchir pour y répondre sérieusement et adéquatement.
Bien sûr, cela dépend des circonstances, mais très souvent, un tel acte mine les possibilités d'un enfant, et surtout celles d'une jeune fille. Dans de nombreux cas, la victime ne peut pas aller à l'école; elle ne peut pas non plus avoir d'enfants, ce qui influe manifestement sur toute sa vie.
En même temps, il faut reconnaître que ce crime est commis non seulement contre des enfants, mais aussi contre des femmes adultes, et il ne faut pas minimiser ce fait. J'appelle la comparaison une fausse hiérarchie des horreurs de la guerre. On dit que les hommes se font torturer et tuer; qu'est-ce donc qu'un viol? Il faut en comprendre les conséquences pour une femme adulte. L'avenir d'un enfant peut être entièrement déterminé et détruit par un viol, très souvent un viol violent et brutal, ou par le fait d'être recruté et de devenir enfant soldat.
J'ai rencontré des grands-mères en RDC. Elles m'ont parlé de choses tout à fait horribles. Elles m'ont dit qu'elles avaient supplié ces jeunes hommes, qu'elles leur avaient dit qu'ils étaient du même âge que leurs petits-enfants — qu'ils pourraient être leurs petits-enfants — et qu'elles leur avaient demandé pourquoi ils faisaient cela à des femmes comme elles. Elles ne croyaient pas avoir à vivre une telle expérience à l'âge de 70 ans. Les victimes perdent leur estime de soi. Il y a aussi la honte liée à cet acte. C'est affreux.
Très souvent, les femmes sont à la base de l'économie de leur société, et après avoir vécu une telle expérience, nombre d'entre elles souffrent de dépression et de problèmes physiques, de troubles de santé comme des problèmes fistulaires. C'est difficile pour elles d'avoir d'autres enfants.
Les conséquences subies par les enfants et les femmes adultes sont nombreuses et diverses.
Pour revenir sur l'autre question, je sais que je dois peser mes mots compte tenu de l'instabilité de votre situation politique; je ne vais donc pas prendre parti afin d'éviter de m'attirer des ennuis. Ce que je vais dire, c'est que j'espère vraiment que d'autres pays suivront l'exemple des États-Unis. Comme vous le savez, dans le cadre de leur programme de réforme financière, ils ont adopté une mesure législative sur les minéraux des conflits. Je ne dis pas qu'elle est parfaite, mais ils travaillent actuellement à la mettre en oeuvre.
Pour être efficace, le régime doit être mondial. J'encourage tous les États membres — j'encourage l'Union européenne et le Canada à se pencher sur la question des minéraux des conflits, sur la façon d'en déterminer l'origine et peut-être même sur le processus de certification. Toutefois, comme point de départ pour régler le problème, il pourrait être très important de suivre le modèle que les États-Unis créeront.
Il est fort probable que la séance actuelle soit la dernière de la législature. D'un ton élégiaque, j'aimerais tout d'abord vous remercier.
[Français]
Merci à tous les membres du comité. C'est un grand plaisir de travailler avec un groupe comme le vôtre, de façon non partisane. C'est l'exception ici, sur la Colline du Parlement, et je vous remercie tous.
[Traduction]
Je voudrais aussi prendre un instant pour remercier d'autres personnes. En notre qualité de députés, nous avons l'habitude de nous voir attribuer le mérite de plein de choses, que nous en soyons dignes ou non. Il n'en est pas de même pour les interprètes et le personnel technique, et nous leur sommes très reconnaissants de tout diriger de manière très compétente, en coulisse. Merci.
Je vois M. Hiebert applaudir.
Il en est de même pour nos analystes; nous comptons parmi nous deux excellentes analystes. J'ai très souvent l'occasion de travailler avec elles. Melissa Radford et Erin Shaw sont vraiment formidables.
Enfin, nous avons changé de greffières à maintes reprises en peu de temps, et elles étaient toutes très bonnes. Je tiens à remercier Julie Prud'homme, notre première greffière de la législature, Julie Pelletier et enfin Mariane Beaudin de leur travail, que l'on pourrait qualifier d'excellent même selon les normes de qualité élevées auxquelles nous nous attendons ici sur la Colline parlementaire en ce qui touche les services de la Bibliothèque du Parlement et des greffiers. À mon avis, toutes ces personnes ont accompli un travail remarquable, et je les en remercie.
Des voix: Bravo!
Le président: La séance est levée.