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Merci beaucoup, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du Comité des droits de la personne du Parlement canadien.
Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de m'avoir invité à votre Chambre honorable et de me donner l'occasion de parler des droits de la personne, qui est un enjeu qui me tient à coeur — notamment, la violence commise contre les femmes au Pakistan.
Le 11 novembre 2010, Asia Bibi a été déclarée coupable de blasphèmes et condamnée à la peine capitale par un tribunal pakistanais. En réaction, des millions de personnes de partout dans le monde se sont montrées préoccupées au sujet du traitement inhumain subi par les non-musulmans au Pakistan et ont réclamé la libération immédiate d'Asia.
Toutefois, il y a beaucoup de femmes comme Asia au Pakistan qui sont devenues les victimes du système sociopolitique et qui n'ont pas attiré l'attention de la communauté internationale.
Asia Bibi a été impliquée en raison de sa religion. Cependant, la majorité des femmes musulmanes du Pakistan sont, elles aussi, régulièrement des victimes de formes semblables de persécution, qui mènent souvent à des invalidités physiques et mentales, et parfois même, à la mort.
Dans la majorité des cas, aussi bien l'État que les parents de sexe masculin de la victime jouent un rôle dans cette persécution, ce qui fait en sorte qu'il est presque impossible d'obtenir, pour les femmes dans la société pakistanaise, un statut qui garantirait qu'on les respecte.
Le Pakistan est signataire de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes des Nations Unies, qui garantit l'égalité des deux sexes dans la société. Pourtant, plus de 70 p. 100 des femmes pakistanaises continuent d'être les victimes d'actes de violence, qui prennent de nombreuses formes: blessures, mort, crimes d'honneur, nudité forcée en public, agressions sexuelles, brûlures chimiques, mutilation, viol, boycott social, arrestation durant l'exercice de fonctions professionnelles, refus d'aide pécuniaire, et discrimination dans les établissements d'enseignement et de santé, ainsi que dans les entreprises.
De janvier à juin 2010, le taux de violence contre les femmes au Pakistan a augmenté de 13 p. 100. Selon des sources gouvernementales, plus de 9 400 cas de crimes commis contre des femmes ont été enregistrés en 2009, ce qui est une augmentation de 20 p. 100 par rapport à 2008. En 2009, les autorités d'un village au Balochistan ont décrété que quatre femmes seraient enterrées vivantes parce qu'elles voulaient épouser l'homme de leur choix. Une femme qui se sauve de son mari parce qu'il la bat est accusée d'immoralité et doit souvent subir des mutilations du nez, des yeux, des lèvres et des oreilles. Certaines sont battues à mort, et d'autres subissent des brûlures chimiques.
Selon Ansar Burney Trust, tous les sept jours, une femme est victime d'une attaque à l'acide, au Pakistan. En 2009, le nombre d'incidents d'attaque à l'acide a augmenté de 19 p. 100 par rapport à l'année précédente. Une femme qui ne paie pas une dot adéquate au marié peut être battue ou rendue victime d'un accident de bouteille à gaz, ce qui cause souvent des brûlures au troisième degré et la mort.
L'Ansar Burney Trust déclare que huit femmes, dont quatre mineures, sont violées chaque jour, au Pakistan.
L'Aura Foundation affirme que les enlèvements comptent pour près du tiers du total des affaires pénales contre les femmes de janvier à juin 2010.
L'État du Pakistan doit respecter la déclaration de l'ONU sur l'élimination de tous les types de violence contre les femmes dans la vie publique et privée. Les dirigeants doivent déployer des efforts pour améliorer leur accès à l'enseignement et à assurer l'égalité des sexes. Il doit y avoir une réforme de la police et du système judiciaire afin de répondre aux besoins des femmes. Les coutumes comme la dot doivent être déclarées illégales.
Les médias peuvent jouer un rôle positif, et les stations de radio et de télévision devraient consacrer un temps d'antenne plus important aux chercheurs religieux progressistes.
Mon exposé serait incomplet si je ne mentionnais pas le statut des femmes au Gilgit-Baltistan — qui est une région stratégiquement située entre le Pakistan, l'Afghanistan, le Tadjikistan et la Chine — et qui est sous occupation pakistanaise depuis 1947. Le Gilgit-Baltistan fait partie de l'ancienne principauté du Jammu-et-Cachemire, qui continue à subir des violations des droits de la personne commises par les forces militaires oppressives du Pakistan.
Les politiques au Pakistan ont nui à la région, et les femmes de la société sont celles qui souffrent le plus de ces injustices.
Récemment, nous avons enregistré la présence d'une organisation sans but lucratif du nom de Friends of Gilgit-Baltistan, pour évaluer les préjudices causés aux victimes de l'inondation dans cette région qui ont été négligées par le gouvernement pakistanais. Éventuellement, l'organisation pourrait également mener des activités pour aborder les problèmes de la violence contre les femmes.
Selon les estimations de la Banque mondiale, le nombre d'écoles financées par le gouvernement au Gilgit-Baltistan n'équivaut pas à 5 p. 100 du nombre total de femmes dans la région.
Les établissements du secteur de la santé qui fournissent des services aux femmes du Gilgit-Baltistan sont, eux aussi, tout comme les établissements d'enseignement, négligés. Par exemple, la région de Gilgit-Baltistan compte plus de deux millions d'habitants; il n'y a qu'un seul gynécologue dans toute la région.
Les forces de la sécurité qui sont présentes dans le Gilgit-Baltistan commettent des crimes terribles contre les femmes autochtones et jouissent de l'impunité. La police et les forces de sécurité sont de véritables prédateurs sexuels et utilisent le viol en tant qu'arme psychologique pour souiller l'honneur des femmes et susciter la peur. Les femmes qui vivent dans les villages le long de la ligne de contrôle sont régulièrement victimisées par les forces de sécurité, des militants et les autorités policières.
La solution à ces problèmes est le retrait des forces de sécurité pakistanaises et des terroristes, qui ne craignent pas d'avoir à rendre compte de leurs actes et qui se promènent donc en liberté et terrorisent les femmes dans les villages le long de la ligne de contrôle.
En tant que député du Parlement européen et président des Friends of Gilgit-Baltistan, qui a, par une majorité écrasante, adopté une résolution pour réclamer des réformes politiques et économiques au Gilgit-Baltistan, en 2007, j'ai demandé au Pakistan de donner aux femmes, qui constituent plus de la moitié de la population totale du Gilgit-Baltistan, les mêmes droits qu'aux hommes, tout particulièrement un accès équitable aux établissements d'enseignement et de santé.
C'est pour cette raison que la communauté internationale devrait réclamer du Pakistan qu'il améliore les normes de vie des femmes au Gilgit-Baltistan, sans quoi il ne recevrait pas de subventions ni de fonds de développement. J'encouragerais également les membres du comité et du Parlement canadien à se pencher sur la question de la violence commise contre les femmes au Pakistan et au Gilgit-Baltistan et à prendre des mesures contre ces violations des droits de la personne.
Merci beaucoup.
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Merci, monsieur le président, de m'offrir la possibilité de prendre la parole devant votre comité aujourd'hui, afin d'aborder une question aussi importante.
Au sein du gouvernement du Canada, c'est le ministère des Affaires étrangères, plus particulièrement mon groupe, le Groupe de travail sur la stabilisation et la reconstruction, dont je suis la directrice générale, qui est responsable de la coordination à l'égard des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité.
Nous travaillons en très étroite collaboration avec nos collègues des autres agences et ministères au sein du gouvernement, dont l'ACDI, la GRC, la sécurité publique et le ministère de la Défense nationale. Comme vous l'avez déjà dit, plusieurs collègues du ministère m'accompagnent aujourd'hui pour répondre à vos questions sur des enjeux géographiques précis ou d'autres enjeux plus généraux liés aux droits de la personne.
Le gouvernement du Canada prend très au sérieux son engagement dans le dossier des femmes, de la paix et la sécurité. Nous estimons que la mise en oeuvre intégrale des quatre résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité, soit les résolutions 1325, 1820, 1888 et 1889, constitue un important moyen d'accroître à long terme l'efficacité des interventions de la communauté internationale dans les situations de conflit ou dans les cas de fragilité; de protéger des civils dans de telles circonstances; et d'établir une paix qui respecte l'égalité fondamentale des hommes et des femmes.
En vertu de ces résolutions, les États membres et le système des Nations Unies s'engagent à réaliser un certain nombre d'objectifs et d'activités. Premièrement, ils nous demandent de tenir compte de ce que les femmes, les filles, les hommes et les garçons ne vivent pas les conflits de la même manière. En plus, ces quatre résolutions demandent aux États membres et au système des Nations Unies de mieux prévenir la violence, y compris la violence sexuelle; d'encourager la participation et la représentation active et concrète des femmes et des groupes locaux de femmes aux activités de paix et de sécurité; de protéger les droits des femmes et des filles; et de promouvoir et de garantir l'accès égal des femmes à l'aide humanitaire et à l'aide au développement ainsi qu'à la justice.
Donc, ces résolutions nous fournissent un cadre important, mais leur mise en oeuvre doit encore se poursuivre, tant à l'échelle internationale qu'ici, au Canada.
Je suis consciente que votre comité s'intéresse tout particulièrement aux aspects de ces résolutions qui touchent la violence sexuelle. Nous avons vu beaucoup de contextes où la violence sexuelle est utilisée par les belligérants qui savent très bien que cette violence entraîne des conséquences directes et graves pour les femmes et pour leur famille. Les belligérants sont aussi conscients du fait que la violence sexuelle peut détruire le tissu social des communautés entières, risquant ainsi d'en réduire la résistance et la résilience.
Adoptée en 2008, la résolution 1820 a été la première résolution du Conseil de sécurité à reconnaître la violence sexuelle comme une arme de guerre dans les conflits armés. Elle traite des conséquences particulières, des conflits sur les civils et souligne « que les femmes et les filles sont particulièrement victimes de la violence sexuelle utilisée notamment comme une arme de guerre pour humilier, dominer, intimider, disperser ou réinstaller de force les membres civils d'une communauté ou d'un groupe ethnique ».
[Traduction]
Monsieur le président, il y a de nombreuses années que le Canada est saisi de ces questions. C'est ainsi qu'il a joué un rôle important dans l'élaboration initiale de la résolution 1325 du Conseil de sécurité et qu'il a appuyé un certain nombre de résolutions ultérieures qui ont été présentées au Conseil au cours des 18 derniers mois.
Une action diplomatique énergique constitue l'un des éléments importants de nos efforts visant à mettre en œuvre ces résolutions, et j'aimerais vous donner quelques exemples d'actions que nous avons entreprises à ce sujet. Par exemple, le Canada a plaidé avec force pour que toutes les opérations de maintien de la paix des Nations Unies soient investies d'un mandat fort pour la protection des civils, y compris pour la prévention de la violence sexuelle. Par ailleurs, malgré l'importance d'un tel mandat, il n'est pas suffisant en tant que tel. Il faut aussi donner des directives opérationnelles et stratégiques claires aux opérations de maintien de la paix de façon à ce qu'elles puissent s'acquitter de ce mandat.
Ainsi, nous nous réjouissons que le Département des opérations de maintien de la paix s'efforce de mettre en place un cadre stratégique relatif aux stratégies de protection des civils propre à chaque mission. Il y a longtemps que le Canada milite en ce sens, notamment à titre de président du Groupe de travail du Comité spécial des NU sur les opérations de maintien de la paix.
De la même manière, le Canada a été à l'avant-garde des efforts qui ont été déployés dans le but d'aborder le problème de la violence sexuelle dans les crises humanitaires, notamment grâce au soutien qu'il a apporté à la capacité permanente de protection des NU et au projet d'Équipe volante de spécialistes de l'égalité des sexes. De plus, le Canada a toujours soutenu les mécanismes de justice pénale internationale, comme la Cour pénale internationale et le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, des instances ayant pour objectif de tenir les auteurs d'actes de violence sexuelle responsables de leurs agissements. Le Canada joue également un rôle important pour ce qui est de la reconnaissance de la violence sexuelle comme crime de guerre et comme crime contre l'humanité.
À New York, le Canada a aussi joué le rôle de président du Groupe des amis des femmes, de la paix et de la sécurité, et du Groupe des amis des enfants touchés par un conflit armé. Ces groupes élaborent des stratégies avec des pays ayant des vues similaires pour obliger le système des Nations Unies et les États membres à rendre des comptes quant à leurs engagements, puis ils formulent des recommandations concrètes à l'intention de divers organismes des Nations Unies. De fait, en septembre dernier, le ministre Cannon a coprésidé une réunion du Groupe des amis avec le secrétaire général des Nations Unies.
Finalement, en ce qui concerne notre engagement à l'échelle mondiale, j'ai pensé qu'il serait intéressant de souligner le travail que nous avons fait pour appuyer les efforts de la société civile afin de mettre en œuvre les programmes portant sur la situation des femmes, la paix et la sécurité. Ce travail inclut, par exemple, un appui à des organisations de femmes au Burundi, au Sri Lanka, au Timor Leste et en Ouganda pour faire la promotion et la mise en œuvre de la résolution 1325. Nous avons aussi fortement appuyé le Groupe de travail des ONG sur les femmes, la paix et la sécurité, qui fait le suivi de la mise en œuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité et milite en faveur d'actions en son nom au siège des Nations Unies à New York.
En plus de nos travaux à l'échelon multilatéral et sur le plan stratégique mondial, nous nous sommes aussi efforcés d'intégrer ces préoccupations à nos activités propres à chaque pays. Nous avons appuyé une vaste gamme d'interventions visant à éliminer les inégalités et la violence sexuelle dans des pays comme l'Afghanistan, la République démocratique du Congo, Haïti, le Soudan, le Burundi, entre autres. Nous avons notamment appuyé des mesures visant à améliorer la surveillance et la déclaration de la violence sexuelle envers les femmes, à fournir de la formation sur les méthodes d'enquête et les droits de la personne aux forces de maintien de la paix et aux forces de sécurité locales, à garantir que des services existent pour les survivantes de cette violence, et à renforcer les capacités des organisations de femmes, dans ces pays, à prévenir la violence sexuelle et à lutter contre elle.
Je m'en suis tenue aux grandes lignes des types d'activités que nous menons dans diverses régions géographiques, et j'espère que nous aurons l'occasion d'en discuter plus en détail pendant la période de questions et de réponses.
Monsieur le président, si vous le permettez, j'ai pensé prendre quelques minutes pour parler seulement du plan d'action adopté le 5 octobre par le gouvernement. Comme vous le savez tous, j'en suis sûre, le gouvernement a élaboré un plan d'action national pour la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité. Ce plan d'action se situe dans le prolongement du travail que nous avons effectué à ce jour et vise à améliorer la capacité du Canada de protéger et de soutenir les femmes et les filles pendant toutes les étapes des opérations de paix ainsi que pendant les efforts de reconstruction après un conflit. Le plan reflète les résultats de consultations particulièrement vastes avec la société civile.
Le plan va inspirer notre façon d'élaborer les politiques et la doctrine, notre manière de sélectionner et de déployer le personnel à l'étranger, qu'il s'agisse de policiers canadiens, de membres des Forces armées canadiennes ou de civils canadiens qui travaillent pour des ministères, et de nous assurer que nos ressources humaines possèdent les bonnes connaissances et les bonnes directives pour mettre efficacement en œuvre les politiques canadiennes sur le terrain.
Le plan d'action est tourné vers l'avenir. Nous étions tout à fait conscients, à mesure que nous l'élaborions, que nous ne pouvions pas tout simplement cocher tous les éléments du plan d'action comme s'il s'agissait de dispositions que le gouvernement était en mesure de prendre. Le plan d'action nous forcera à sortir des sentiers battus et à agir différemment. Je tiens à dire au comité, bien humblement, que nous savions, quand nous avons élaboré le plan, que nous ne disposions actuellement pas de tous les mécanismes et outils, et de toutes les stratégies dont nous avons besoin pour le mettre en œuvre. Cependant, il démontre clairement notre engagement.
L'acquisition de ces capacités constituera une partie importante de la mise en œuvre. Au cours des premières années de la mise en œuvre, nous espérons constituer une base de données fondamentales de façon à ce que nous puissions continuer à nous améliorer au fil du temps.
Le plan d'action n'est pas un projet spécifique à mettre en œuvre de façon indépendante. Nous avons donc fait de nombreux efforts pour nous assurer que les ministères et organismes comprennent qu'il s'agit d'un document déterminant, qui servira à influencer toutes leurs activités en ce qui concerne les femmes, la paix et la sécurité. Quand ils interviendront dans des États fragiles ou touchés par un conflit, ou dans d'autres situations d'urgence, ils seront censés prendre en considération et utiliser l'information énoncée dans le plan.
Vous remarquerez donc qu'aucun montant d'argent précis n'a été mis de côté. Ce que nous essayons de faire, c'est de nous assurer que toutes nos activités s'en inspirent. Par exemple, les mesures prises par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et par l'ACDI en matière de programmes et d'élaboration de politiques devront tenir compte du plan d'action national. Il faudra aussi en tenir compte dans le contexte du déploiement du personnel militaire et civil canadien dans le cadre d'opérations de paix internationales.
Vous aurez remarqué que, dans la mesure du possible, nous avons prévu des indicateurs pour mesurer plus facilement les progrès réalisés dans des domaines comme la formation, l'élaboration et l'analyse de politiques, l'élaboration de programmes, la participation des femmes, la défense des intérêts et la production de rapports. Ces indicateurs vont jouer un rôle crucial pour ce qui est de cerner les lacunes de nos interventions. Le Canada est l'un des premiers pays à inclure des indicateurs dans son plan d'action. Nous nous sommes inspirés de la décision récente des Nations Unies d'élaborer des indicateurs pour améliorer la reddition de comptes à ce sujet. La communauté internationale dans son ensemble apprend donc de cette initiative, et nous en profitons aussi.
Le gouvernement prévoit produire un rapport annuel au cours de la période visée par le plan d'action, qui prend fin en mars 2016. Le MAECI réunira régulièrement les membres d'un groupe de travail interministériel et coordonnera les activités avec nos collègues d'autres ministères, en plus d'examiner les données qualitatives et quantitatives fournies par chaque organisme. La publication du premier rapport est prévue pour l'exercice 2011-2012. Nous avons aussi intégré au plan d'action un processus d'examen à mi-parcours, qui nous donnera l'occasion de faire le point et de déterminer s'il faut ajouter de nouveaux éléments au plan et s'il faut en redéfinir l'orientation.
Chacun des organismes et ministères du gouvernement sera responsable de la mise en œuvre des volets du plan d'action qui le touchent et est, par conséquent, responsable de l'élaboration de ses politiques et processus internes permettant d'y arriver. On espère aussi qu'il réussira, par la même occasion, à en extraire des leçons et des pratiques exemplaires dont il pourra faire part au comité interministériel.
Étant donné l'intérêt particulier que le comité porte au problème de la violence sexuelle, j'ai pensé que je conclurais en mentionnant certains éléments particuliers du plan d'action qui traitent spécifiquement de cette question. L'un des éléments majeurs est l'importance que nous avons essayé d'accorder à la formation. Nous devons nous assurer que le personnel déployé possède les capacités requises et affiche l'attitude appropriée pour s'acquitter de ses responsabilités tout en tenant compte du vécu différent des hommes et des femmes, des garçons et des filles, en période de conflit. Cette prise de conscience préparera notre personnel à réagir adéquatement quand il sera témoin de violence sexuelle ou quand il fera face à des situations de violence sexuelle.
Par exemple, le point 17 du plan d'action exige une formation adaptée à chaque région et à chaque mission relativement à la violence et à l'exploitation sexuelles, ainsi qu'à la traite des personnes. Le point 2 décrit la nécessité d'inclure systématiquement des modules sur les femmes, sur la paix et sur la sécurité dans tous les programmes de formation canadiens destinés au personnel militaire, policier et civil affecté à des opérations. Cette obligation inclura une formation spécifique sur les codes de déontologie, la sensibilisation aux différences culturelles, le VIH/sida, la traite des personnes et le droit canadien et international applicable aux droits de la personne et à la protection des femmes et des filles.
En conclusion, je veux répéter encore une fois que le Canada s'est engagé à appuyer les mesures visant à prévenir la violence, y compris la violence sexuelle, envers les femmes et les filles dans des conflits, et à les protéger ainsi que leurs droits dans de telles situations.
Nous croyons que le plan d'action du Canada va accroître la collaboration existante du gouvernement du Canada ainsi que l'efficacité de nos interventions. Nous allons nous inspirer de ce plan pour orienter nos politiques et nos programmes à l'échelle du gouvernement. Nous avons beaucoup de pain sur la planche d'ici 2016 si nous voulons respecter le calendrier prévu par la première version du plan d'action, qui est un calendrier de mise en œuvre ambitieux, à notre avis, mais nous sommes déterminés à réaliser des progrès.
Merci beaucoup.
Je vais commencer par la deuxième question puisqu'il s'agit de ma responsabilité au sein du groupe de travail pour la stabilisation et la reconstruction.
En réalité, il y a très peu de pays que nous pourrions encore qualifier d'État en déroute. À l'échelle internationale, par exemple au sein du CAD de l'OCDE et au sein des Nations Unies, on préfère parler de pays « vulnérables » ou « fragiles », ce qui permet de reconnaître le fait que chaque situation exige une approche particulière. Quand on dit d'un pays qu'il est fragile et vulnérable, cela signifie qu'il risque de ne pas être capable de gérer les pressions exercées à l'interne ou à l'externe par le crime organisé ou la violence armée.
Ce qui rend un pays vulnérable ou fragile dépend d'un enchevêtrement complexe de motifs, et il nous revient de concevoir nos stratégies de façon à pouvoir réagir efficacement à ces motifs. Nous préférons donc parler d'États vulnérables et fragiles parce que cela reflète plus précisément le contexte auquel ces gouvernements font face, d'après nous. Ces États peuvent avoir un gouvernement élu, un gouvernement national solide, mais celui-ci peut ne pas avoir le contrôle d'une région géographique particulière du pays. Nous dirions alors qu'il s'agit d'un État fragile, parce qu'il y a de l'agitation à l'interne. Un pays peut être tout à fait apte et solide, mais être confronté à une catastrophe naturelle à la suite de laquelle il devient vulnérable. Tout dépend donc du contexte dans lequel nous intervenons.
En ce qui concerne certaines des difficultés auxquelles nous faisons face et auxquelles la communauté internationale fait face, je dois dire que ce sont des difficultés que vous connaissez très bien. Il y a évidemment les difficultés propres à un pays, qui dépendent du contexte dans lequel vous travaillez. Il y a les enjeux sociaux et culturels contre lesquels on doit lutter et qu'il faut très bien connaître avant de s'engager dans une situation particulière dans un pays. Pour nous, le simple fait d'établir les grandes lignes de nos approches actuelles, de savoir ce que nous faisons déjà, constitue un enjeu, puis nous devons rassembler toute l'information en un point central, nous assurer que nous savons très bien quelle part de nos programmes en tiennent compte, par exemple, et le faire de façon très systématique. Une fois que tout cela est fait, nous pouvons mesurer nos progrès à partir de ce moment.
En ce qui concerne les difficultés associées au renforcement des capacités, je dirais, encore une fois, que cela dépend beaucoup du pays dans lequel nous nous rendons et de la mesure dans laquelle les enjeux sont connus dans ces pays. Par la suite, nous concevons nos programmes de formation et de mentorat sur le renforcement des capacités en tenant compte de tout cela. Les programmes de mentorat et de formation offerts au Soudan, par exemple, seront bien différents de ceux que nous offrons dans des pays comme l'Afghanistan, et ce, pour des raisons diverses et nombreuses. Cela peut dépendre du degré d'alphabétisation des personnes à qui s'adresse la formation, de même que du contexte social et culturel. Ce sont tous là des défis que nous devons relever.
Sur le plan international, si vous regardez ce qui s'est fait au cours des 10 dernières années, depuis l'adoption de la résolution 1325, vous constaterez qu'il y a eu un nombre important d'améliorations. Vous verrez que les termes employés dans la résolution sont de plus en plus utilisés. Vous verrez des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies qui accordent une attention particulière, en fonction de la géographie, aux risques auxquels font face les femmes et les filles. Vous constaterez que les responsables de missions du Conseil de sécurité rencontrent de plus en plus souvent des groupes de femmes quand ils se rendent sur le terrain. Cependant, il y a encore un écart entre nos aspirations et celles de la communauté internationale, qui sont décrites dans les diverses résolutions sur les femmes, la paix et la sécurité et notre capacité de leur permettre de se concrétiser sur le terrain. Encore une fois, tout cela dépend d'un vaste ensemble de raisons, qui peuvent être associées aux ressources humaines ou être d'ordre technique, socioéconomique ou financier.
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J'ai vécu pendant six mois en Arabie saoudite dans les années 1970 — nous pourrons en parler une autre fois — et mon expérience ne ressemble pas du tout au portrait que l'on fait de ce pays.
Vous avez peut-être trouvé, madame Golberg, que j'avais l'air inquiet quand vous avez commencé votre témoignage. Je crois que je vous dois des explications. Nous avons, à titre de comité, entendu un témoignage à propos du massacre des albinos. Plus récemment, nous avons entendu parler de la « danse des garçons » en Afghanistan, une pratique selon laquelle de jeunes garçons sont déguisés en femme et vendus au plus offrant.
Au début de votre intervention, vous abordiez, de toute évidence, cette question de très haut, et vous sembliez, à un certain moment, analyser chacun des mots. Pour être bien honnête avec vous, au départ, je prenais mes distances par rapport à votre témoignage. Puis vous avez commencé à parler un peu plus de ce qui se passe sur le terrain.
Je me rends compte que vous devez vous occuper de ces choses à un niveau très élevé. Nous parlons de viol de femmes et d'enfants et du fait que, dans certains pays, ces viols deviennent d'horribles armes de guerre. D'après les témoignages que nous avons entendus, c'est une pratique qui semble se répandre, surtout dans les pays africains.
Mais j'aimerais maintenant revenir à votre plan d'action canadien. Je me trompe peut-être à ce sujet, mais il semble que certains détracteurs, au gouvernement, répètent sans cesse que nous n'en avons pas eu pour notre argent avec le plan d'action pour le Canada. J'ai eu l'impression que vous disiez un peu la même chose quand vous avez dit que vous élaborez actuellement un plan, mais que vous n'obtenez pas beaucoup de résultats pour l'instant. Est-ce que l'argent est mal investi? Un témoin, encore une fois, nous disait qu'il ne savait pas où irait l'argent et se demandait quel serait le budget dans l'avenir puisqu'il n'y a aucun indice à ce sujet.
À quel point croyez-vous que vous serez vraiment en mesure d'apporter des changements importants dans le cadre de ce plan?
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J'aimerais préciser certaines choses. D'abord et avant tout, je suis tout à fait au courant de la gravité de ces enjeux puisque j'ai moi-même été en service dans un pays où ces enjeux sont au premier plan. Avant d'entrer dans mes fonctions actuelles, je représentais le Canada à Kandahar, ce qui signifie que je faisais face à ces enjeux chaque jour.
De fait, c'est d'un point de vue multilatéral mondial que nous essayons de nous attaquer à la question des femmes, de la paix et de la sécurité, ce qui signifie que nous établissons des normes de façon à pouvoir obliger les pays à rendre des comptes et à pouvoir les aider à mettre en place des pratiques exemplaires. Nous nous attaquons aussi à ces enjeux en fonction des circonstances propres à chaque pays par l'entremise de nos ambassades et par des activités ciblées dans le cadre de nos interventions avec les organisations internationales et les ONG.
Je ne voulais pas abuser du temps du comité, mais nous avons toutes sortes de mesures précises propres à divers pays. Nous appuyons la participation des femmes comme médiatrices aux processus de paix. Nous nous assurons qu'elles peuvent participer aux processus de paix. Nous avons notamment exercé de grandes pressions pour permettre aux femmes de participer au processus de paix dans la République démocratique du Congo et, au Soudan, au processus de paix sur le Darfour.
Nous avons offert des ressources pour faciliter les mécanismes de division des terres. L'une des plus grandes difficultés auxquelles les femmes sont souvent confrontées dans leur pays à la suite d'un conflit ou d'une catastrophe, c'est qu'elles n'ont pas de droits d'occupation des terres. Nous avons donc, dans un certain nombre de pays, des projets bien précis qui aident les femmes à ce sujet.
Une part importante de nos activités en Afghanistan, dans la République démocratique du Congo et en Colombie a été consacrée aux enquêtes sur la violence sexuelle et la violence fondée sur le sexe, par exemple. En Colombie, nous avons mis sur pied un certain nombre de projets qui visaient plus particulièrement les problèmes d'impunité puisque c'était des problèmes dont personne ne s'occupait.
Je pourrais vous donner toute une liste de ce que nous faisons, mais je suis tout à fait d'accord avec vous: nous nous occupons beaucoup, ici à Ottawa, du volet pratique, avec nos manches retroussées, comme le font tous nos collègues de partout dans le monde.
Est-ce que je pense que nous pourrons accomplir quelque chose grâce au plan d'action? Oui, parce que c'est déjà le cas. Ce qui est particulier, avec le plan d'action, c'est qu'il nous permet d'essayer de regrouper toutes ces mesures pour la première fois au sein d'un unique plan cohérent. Il sert à déterminer l'ordre de priorité des mesures que nous allons prendre. Il nous aide à déterminer les grandes lignes de tout cela.
Pour revenir à la question de M. Dorion au sujet des finances, nous partions de la prémisse selon laquelle le Canada dépense déjà beaucoup d'argent dans les situations de conflit armé et de crises humanitaires. Nous nous sommes donc d'abord demandé: comment pouvons-nous nous assurer que l'argent qui est déjà dépensé est utilisé pour les femmes, la paix et la sécurité? En analysant la situation, nous pouvons cerner certains endroits où les besoins sont plus importants.
Au sein même de mon organisation, j'ai examiné nos chiffres pour les derniers mois. C'est moi qui administre le Fonds pour la paix et la sécurité mondiales et, au cours de la dernière année — si l'on comprend votre interprétation de la paix et de la sécurité des femmes — nous avons consacré environ 32 millions de dollars à des projets qui visent directement les femmes et les filles en situation de conflit armé. De ce montant, un million de dollars vise des projets liés précisément à la résolution 1325, et 5,7 millions de dollars visent des projets de lutte contre la violence sexuelle et la violence fondée sur le sexe. Le reste de l'argent est consacré à faire connaître les enjeux liés aux femmes, à la paix et à la sécurité.