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À l'ordre, s'il vous plaît.
Nous sommes le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Aujourd'hui, le 9 décembre 2010, nous tenons notre 38e séance.
[Traduction]
Nous poursuivons notre étude du traitement des minorités sexuelles en Ouganda.
Nous sommes très heureux d’accueillir aujourd’hui deux hauts fonctionnaires du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration qui témoigneront devant le comité. Il s’agit de Rénald Gilbert qui est directeur général de la Région internationale et Debra qui est directrice générale intérimaire des Affaires des réfugiés.
Je suis certain que notre greffière vous a déjà expliqué comment les choses se déroulent au sein du comité et, pour ce que j’en sais, vous êtes très habitués à comparaître devant les comités parlementaires. J’en vois un qui hoche la tête. C’est à force de forger qu’on devient forgeron et, bientôt, vous serez en mesure de vous acquitter de ce genre de responsabilités les yeux fermés.
Quoi qu’il en soit, nous aimerions beaucoup entendre ce que vous avez à dire. Je vous invite à commencer votre exposé.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Comme vous l’avez mentionné, je m’appelle Debra Pressé et je suis directrice générale intérimaire des Affaires des réfugiés à Citoyenneté et Immigration Canada.
[Français]
Je suis accompagnée de Rénald Gilbert, directeur général de la Région internationale de CIC.
Aujourd'hui, mes observations seront axées sur les questions des critères relatifs aux réfugiés que soulève l'étude de ce sous-comité sur le traitement des minorités sexuelles en Ouganda.
[Traduction]
Monsieur le Président, chaque année, le Canada réinstalle entre 10 000 et 12 000 réfugiés depuis l'étranger. Du fait de la réforme de notre système d'octroi de l'asile, ce nombre augmentera dans les deux à trois prochaines années pour atteindre de 12 000 à 14 500 réfugiés par année.
Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, que nous appelons le UNHCR et dont le mandat international est d'identifier les réfugiés et d'assurer leur protection, est le premier intervenant dans le cadre du processus de réinstallation.
Au Canada, des répondants du secteur privé peuvent également identifier des réfugiés qu'ils souhaitent et peuvent aider.
Au Canada, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et son Règlement définissent qui est admissible à la protection grâce à la réinstallation. Par ailleurs, la loi établit qu'il existe trois catégories de réfugiés admissibles à la réinstallation, dont la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières, qui reprend la définition de la Convention relative au statut des réfugiés de 1951.
Comme vous le savez, par définition, un réfugié est une personne qui se trouve hors de son pays d'origine et qui ne peut y retourner parce qu'elle craint d'y être persécutée du fait de sa race, de son ethnie, de sa religion, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un groupe social en particulier.
Vous remarquerez, Monsieur le Président, que la définition d'un réfugié au sens de la Convention omet le sexe et l'orientation sexuelle dans les motifs de crainte bien fondée de persécution. Toutefois, le nombre croissant de cas faisant jurisprudence à l'échelle internationale confirme que l'on reconnaît de plus en plus que la persécution fondée sur le sexe ou l'orientation sexuelle devrait être considérée comme telle sous le motif de l'appartenance à un certain groupe social. Le UNHCR recommande en effet des personnes de ce groupe aux fins de leur réinstallation au Canada.
Les deux autres catégories de réfugiés prévues par la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et son Règlement, soit la catégorie des personnes de pays d'accueil et la catégorie des personnes de pays source, ont une définition un peu plus large que celle de la convention de 1951.
La catégorie des personnes de pays d'accueil vise à protéger les personnes qui ont fui leur pays d'origine et qui ne peuvent y retourner parce qu'elles ont été gravement touchées dans leur pays et continuent de l'être à l’extérieur de celui-ci. Les difficultés qu’elles vivent sont imputables à la guerre civile ou à un conflit armé, ou encore, au fait qu'elles sont constamment victimes de violations flagrantes des droits de la personne.
Pour ce qui est de la catégorie des personnes de pays source, sa particularité réside dans le fait qu'elle vise les personnes qui sont encore dans leur pays d'origine et qui correspondraient à la définition d'un réfugié au sens de la Convention si elles pouvaient fuir ce pays. Elle vise également les personnes qui sont personnellement touchées par une guerre civile ou qui sont victimes d'une privation flagrante des droits de la personne et qui, de ce fait, sont détenues ou emprisonnées. La catégorie des personnes de pays source ne vise que les personnes qui résident dans leur pays de citoyenneté ou de résidence habituelle, si ce pays figure sur la liste de l'Annexe 2 du Règlement. Les pays en question sont ceux dont la population en général se trouve dans une situation semblable à celle de réfugiés en raison d'une guerre civile ou d'un conflit armé.
Dans ces trois définitions, la personne ne doit avoir aucune possibilité de trouver une solution durable dans un délai raisonnable.
Nous reconnaissons que la liste des pays sources ne constitue pas un outil particulièrement souple, car elle est incluse dans le Règlement. Elle comprend actuellement six pays, dont certains ne correspondent déjà plus à la définition précédente. Ce sont la Colombie, le Salvador, le Guatemala, la République démocratique du Congo, le Soudan et la Sierra Leone.
Monsieur le Président, le Comité nous a également demandé d'expliquer les programmes de protection d'urgence et de réinstallation de groupe.
Le Canada, tout comme plusieurs autres pays offrant une réinstallation, ont passé avec l’UNHCR des accords officiels par lesquels ils acceptent d'octroyer annuellement une protection d'urgence à un certain nombre de réfugiés sur lesquels pèse une menace réelle et immédiate pour leur vie, leur liberté ou encore leur sécurité.
La réinstallation de groupe, ou le traitement de groupe, comme nous l'appelons, est un accord administratif conclu avec l’UNHCR afin de pouvoir évacuer plus efficacement un grand nombre de personnes d'un camp de réfugiés.
Revenons maintenant à la question des minorités sexuelles. À notre connaissance, environ 86 pays ou près du tiers de toutes les nations de la planète interdisent actuellement toujours l'homosexualité masculine. Un plus petit nombre interdit également les relations sexuelles entre femmes.
Dans la plupart de ces pays, les peines vont de quelques années de prison à l'emprisonnement à vie et, dans un petit nombre d’entre eux, cela va jusqu'à la peine de mort.
[Français]
Le ministre de la Citoyenneté, de l'Immigration et du Multiculturalisme a vivement exprimé sa préoccupation à l'égard du traitement réservé aux minorités sexuelles et de leur situation précaire.
Cet été, lors de sa tournée canadienne de promotion du Programme de parrainage privé de réfugiés, il a encouragé les organisations et les particuliers à parrainer des personnes, notamment des Iraniens, qui ont été contraintes de fuir la persécution en raison de leur orientation sexuelle.
[Traduction]
Le programme de parrainage privé de réfugiés est d'un volet essentiel de notre programme de réinstallation des réfugiés, dans le cadre duquel les citoyens canadiens et les résidents permanents du Canada peuvent se regrouper pour parrainer des réfugiés vivant à l'étranger, afin de les aider à obtenir une protection au Canada et à s'y bâtir une nouvelle vie.
Pour conclure, je tiens à mentionner que notre bureau des visas à Nairobi traite dix demandes de réinstallation de ressortissants ougandais tant dans le cadre du Programme de réfugiés pris en charge par le gouvernement que dans celui du parrainage privé. Aucune de ces personnes n'a déclaré être persécutée en raison de son orientation sexuelle.
Je tiens également à souligner que le programme canadien de réinstallation est mondial: chaque année, nos agents se rendent dans plus de 40 pays afin de s'entretenir avec des réfugiés de plus de 60 nationalités.
Il n'existe aucune limite quant au nombre de demandes d'immigration pouvant être soumises au Canada. Cela signifie qu'aujourd'hui, dans notre mission de Nairobi qui dessert une douzaine de pays d'Afrique, plus de 7 000 demandes présentées seulement par des parrains privés sont en attente.
[Français]
Merci.
Nous pouvons maintenant répondre à vos questions.
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Il s'agit d'une très bonne question.
[Traduction]
Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, l'outil n'a pas été aussi flexible que nous l'avions souhaité au moment de la création de la catégorie en 1998. La liste n'a pas été mise à jour périodiquement. Son dernier examen remonte à 2003, et on n'y a apporté aucune modification.
La réglementation stipule que pour figurer sur la liste, un pays doit vivre une situation où l'ensemble du pays se retrouve dans une situation semblable à celle des réfugiés. Aussi, pour être sur la liste — et c'est paradoxal, même s'il s'agit d'une situation semblable à celle des réfugiés où il y a une guerre civile et un conflit armé en cours —, le pays doit être assez sécuritaire pour que les agents d'immigration canadiens puissent s'y rendre et faire leur travail de tous les jours sans mettre leur vie — ou celle des personnes qu'ils essaient d'aider — en danger. Bien peu de pays du monde satisfont à ces critères. Il faut aussi que ce soit un pays qui ne nuirait pas aux objectifs globaux du gouvernement aux Nations Unies.
L'Afghanistan n'est pas sur la liste parce que nous ne pouvons pas y travailler quotidiennement et l'Iraq n'y figure pas non plus parce que les Canadiens ne peuvent pas y entrer; toutefois, à première vue, ce sont des pays où l'on retrouverait le plus grand nombre de réfugiés.
Modifier la liste s'est avéré difficile. L'approbation du Cabinet est nécessaire. Il faut passer par le processus réglementaire, ce qui nécessite l'accord de plusieurs ministères. C'est un processus de consultation élargi. En toute franchise, la liste contient des pays qui devraient en être retirés, mais nous ne voulons pas gaspiller le temps précieux des députés en retirant des pays s'il ne nous est pas possible d'en ajouter d'autres parce que les pays que les gens voudraient qu'on ajoute aujourd'hui ne sont pas des pays dans lesquels nous pourrions travailler.
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Ma réponse comportera deux volets.
Tout d'abord, il est question des ressources. D'ailleurs, cette année, en 2010, on a ajouté des ressources pour la mission de Nairobi. On a dépêché sur place sept personnes de plus pour aider la mission, en grande partie en raison du grand territoire à couvrir, cependant ce n'est pas la seule raison. En réalité, on reçoit plus de demandes en Chine en un mois qu'on en reçoit dans toute l'Afrique en un an. Donc, ce n'est pas une question de territoire, mais ce sont les communications qui sont souvent difficiles. Dans des bureaux comme ceux de Nairobi — ce n'est pas le seul endroit qui vit cette situation —, on a besoin de plus de personnel pour traiter le même nombre de demandes. Voilà qui répond à une partie de la question.
La deuxième partie de la question a déjà été abordée par ma collègue, je crois. Un certain nombre de réfugiés sont acceptés par année. Donc, le fait qu'on ait plus ou moins de personnel change peu de chose, au bout du compte. Si on nous demande de nous occuper de 2 000 réfugiés dans l'année, c'est ce qu'on va faire. Si l'on déplaçait des ressources, par exemple, de Damas à Nairobi, il faudrait en même temps qu'on change le nombre de réfugiés qu'on accepte aux deux endroits.
Donc, c'est un élément qui explique le délai de 50 mois. En fait, ce n'est pas que ça prenne 50 mois, mais c'est parce qu'il y a déjà une longue file et qu'on traite les demandes qui ont été soumises auparavant.
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La réinstallation de groupe est une opération administrative que nous mettons en place en collaboration avec l’UNHCR quand il est question d’un grand nombre de personnes qui se trouvent dans un camp précis. Prenons les Bhoutanais comme exemple.
C’est quelque chose que nous avons toujours fait avec d’autres pays, nous ne le faisons jamais seuls. Huit pays ont décidé de retirer près de 70 000 des 100 000 réfugiés bhoutanais qui vivaient dans un camp précis depuis 1990. Les Bhoutanais ont tous quitté le Bhoutan en même temps et pour la même raison, se sont tous retrouvés au même endroit au Népal, et y sont tous restés. Il n’y a eu aucun mouvement d’aller-retour.
En temps normal, l’UNHCR ou un organisme de parrainage privé nous fournit un document très long — 20 à 30 pages — sur la vie du réfugié. Dans le cas de la réinstallation de groupe, nous avons dit à l’UNHCR que nous accueillerions 5 000 de ces 70 000 réfugiés. Plutôt que de leur demander de nous donner 5 000 formulaires de 30 pages chacun, parce que nous savions que ces 5 000 faisaient partie d’un recensement complet et exhaustif — que nous avions reçu —, nous avons demandé un formulaire plus court.
Plutôt que d’aller dans les camps au Népal de deux à quatre fois par année pour traiter quelques dossiers à la fois, le Canada y va une fois par année pour mener des entrevues auprès de 1 000 personnes à la fois à l’aide des formulaires courts. Les arrivées sont échelonnées. Ce n’est pas plus rapide; ce n’est qu’une façon d’utiliser nos ressources plus efficacement. Huit pays sont présents au camp, et nous ne pouvons pas utiliser toutes les génératrices en même temps, nous y allons donc à tour de rôle.
Pour ce qui est des 200 Ougandais, la réinstallation de groupe est ce que nous utilisons quand nous avons un groupe identifié. Nous avons une description physique. Nous savons qui ils sont et où ils sont, et personne d’autre ne va faire semblant d’être ces personnes. Lorsque nous ne savons pas où ils sont...