SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 3 février 2011
[Enregistrement électronique]
[Français]
Nous entamons maintenant la la 41e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
[Traduction]
Avant de céder la parole à nos témoins, je voudrais régler quelques questions d'organisation. La première concerne la réunion de mardi prochain. J'ai parlé à quelques membres du comité, mais pas à tous, de la possibilité d'inviter un ministre étranger actuellement en visite au Canada. Il s'agit du ministre pakistanais des Minorités, qui est disposé à comparaître comme témoin, si nous voulons bien l'inviter. C'est une suggestion que je fais. Vous n'avez pas à l'accepter.
Est-ce que le sous-comité est d'accord?
[Français]
Oui, monsieur le président. Pour ma part, ça me convient, mais on pourrait peut-être demander le consentement unanime pour ce qui est de réserver du temps pour discuter des travaux futurs. Je trouve que ça va très vite et qu'il y a un peu de confusion concernant les prochains sujets qui seront abordés.
[Traduction]
J'ai en fait lancé l'idée de réserver du temps en dehors de notre programme habituel. Vous vous souviendrez peut-être que je l'ai mentionné avant l'interruption de Noël. Nous pourrions même réserver une réunion à cette fin, si nous le souhaitons.
Non, je craignais simplement que cela nous prenne du temps au moment de la comparution du ministre pakistanais. Toutefois, si nous parlons d'une réunion distincte, je suis bien d'accord.
J'aimerais m'assurer que nous nous entendons. Les membres sont-ils d'accord pour tenir une réunion distincte? Nous essaierons de trouver un moment qui convienne à tout le monde. Êtes-vous d'accord? Très bien. Nous procéderons ainsi. Je reprendrai contact avec chacun d'entre vous plus tard pour proposer une date et une heure.
Le point suivant que je voudrais aborder très brièvement, c'est que M. Devolin, qui siège avec nous aujourd'hui, a présenté une motion qui devrait être débattue à la Chambre sous peu. Elle traite des réfugiés nord-coréens. Je vais demander à la greffière de la faire circuler pour que vous puissiez tous y jeter un coup d'œil. C'est simplement pour votre gouverne.
Enfin, notre analyste a rédigé un document sur le traitement des minorités sexuelles en Ouganda, et particulièrement sur le récent meurtre de M. David Kato dans ce pays. Ce document sera également distribué. Je ne propose pas de tenir une discussion à ce sujet. Je vous avertis simplement que vous allez recevoir ce texte qui concerne un sujet dont le comité s'occupe en ce moment.
Cela étant dit, je passe maintenant aux témoins d'aujourd'hui. Nous avons le Dr Norbert Vollertsen et M. Kyung B. Lee. Mme Kim est de retour aujourd'hui. Pour cette réunion, nous entendrons comme témoins le Dr Vollertsen et M. Lee.
Il est prévu que le Dr Vollertsen parlera en premier, pendant 15 minutes, de la question de la famine provoquée. Ensuite, ce sera le tour de M. Lee. Il a une pétition relative à des résolutions parlementaires.
Nous allons donc commencer par le Dr Vollertsen.
Honorable président, mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir invité.
Je voudrais tout d'abord m'excuser de vous imposer ce mauvais accent de médecin allemand. J'espère que vous pourrez me comprendre. Vous avez beaucoup de documents dans vos trousses. Vous pouvez constater que ce n'est pas une vente de garage, comme on vient de me le demander. Ce sont mes documents et mes preuves. J'aimerais vous les montrer. J'ai tant de choses à dire, mais si peu de temps. Je vais donc accélérer.
Je suis un urgentiste allemand. J'ai fait des études de médecine. J'ai vécu en Corée du Nord pendant un an et demi. J'étais membre du groupe d'urgentistes allemands Cap Anamur. Nous nous occupions de cinq hôpitaux, de 10 orphelinats et de plusieurs centaines de jardins d'enfants.
Quand je suis arrivé en Corée du Nord, j'ai fait l'expérience du néant: il n'y avait pas d'arbres, pas d'oiseaux, pas de riz, pas de viande. Rien que la population affamée d'un État défaillant. Quand vous pensez à la famine, la plupart d'entre vous voient l'Afrique. C'est un peu comme l'Afrique, sauf qu'il fait froid dehors, aussi froid qu'au Canada maintenant. Cela tue les gens en Corée du Nord: le froid de l'hiver sans nourriture, sans calories, sans chauffage. Pendant l'été, c'est la diarrhée à cause de l'eau contaminée. Il y a de la contamination partout, et les gens meurent par suite de la propagation des infections.
Pour ce qui est de la situation dans les hôpitaux, le premier mot de coréen que j'ai appris, c'est obsomida: « Nous n'avons rien, nous n'en avons pas. » Imaginez un hôpital sans eau courante, sans système de chauffage alors qu'il fait froid dehors, aussi froid qu'au Canada en ce moment. Imaginez un hôpital sans savon, sans médicaments et sans malades. Tous les bâtiments sont vides. Quand je suis arrivé, il n'y avait pas de malades. Pourquoi iraient-ils à l'hôpital s'il n'y a pas de médicaments?
Le principal diagnostic médical que j'ai fait en Corée du Nord, c’est la famine, l'absence de médicaments, la tuberculose et les maladies infectieuses. Mais ma principale observation, comme médecin et comme omnipraticien ayant fait ses études en Allemagne, porte sur la dépression. Tous les gens avaient l'air d'en avoir assez, ils avaient l'air épuisés, sans avenir, sans espoir de changement, abreuvés de propagande des premières heures du jour jusqu'au soir, à regarder parade après parade. Ils en avaient marre. Il y a beaucoup d'alcoolisme et de désespoir.
Le fait d'être Allemand était très commode pour moi en Corée du Nord parce que je pouvais parler allemand sans passer par un interprète officiel. Il y avait beaucoup de Nord-Coréens qui avaient fait leurs études dans l'ancienne Allemagne de l'Est. Il y avait des médecins nord-coréens qui parlaient avec un accent est-allemand. C'était drôle. Je pouvais parler en allemand avec les professeurs d'université, parfois en secret le soir. Quelques verres de bière ou de soju suffisaient pour délier les langues. Ils me parlaient du gouvernement. Vous pouvez imaginer ce qu'ils me disaient. Ils n'aimaient pas Kim Jong-il. Ils savaient que c'était principalement sa faute s’il n’y avait pas de médicaments, d'eau ou de nourriture.
Étant médecin, il était très facile pour moi d'approcher les gens. Ils avaient toujours besoin d'aide, de médicaments et d'amitié. J'essayais d'être différent. Je ne voulais pas agir comme ces occidentaux snobs qui prétendent tout savoir, surtout les Allemands. Je ne voulais pas agir comme un étranger. Je voulais nouer de vraies amitiés. C'était une occasion unique de le faire.
Comme les hôpitaux nord-coréens manquaient de tout, il n'y avait pas de médecine avancée. Il n'y avait ni équipement d'amputation ni rien d'autre. Il n'y avait pas d'unité de traitement des brûlés. À un moment donné, un ouvrier brûlé par du fer en fusion est arrivé à l'hôpital. Évidemment, il n'y avait pas de traitement. On l'a juste caché dans une chambre. Kibun. Les Nord-Coréens ne voulaient pas nous laisser voir qu'ils ne pouvaient pas le traiter. Ils en avaient honte. Je me suis donc précipité dans la chambre pour essayer de faire quelque chose. Bien sûr, nous faisions notre possible pour utiliser nos connaissances occidentales.
Les Nord-Coréens recouraient à des greffes de peau dans les cas de ce genre. Ils donnaient leur propre peau. C'étaient des scènes incroyables. Tout le personnel de l'hôpital, y compris médecins, assistants et infirmières faisaient la queue pour donner des greffons. J'ai pensé que c'était l'occasion pour moi de nouer de vraies amitiés: nous allions créer un patchwork nord-coréen avec de la peau nord-coréenne et un peu de peau occidentale. C'est ainsi que ma collègue et moi avons également fait don de notre peau. Bien sûr, c'était une opération assez sanglante presque sans désinfection ni anesthésie. Mais nous nous sommes fait des amis.
Une semaine plus tard, on nous a demandé de le faire de nouveau. Et voilà, encore une fois, tout le personnel de l'hôpital qui faisait la queue. Tout le monde était là. Nous l'avons fait encore, mais la télévision d'État était présente. Les manipulations nord-coréennes ont alors commencé. Les médias de l'État ont raconté l'histoire de deux étrangers qui ont fait don de leur peau — quel héroïsme! — pour montrer leur gratitude envers Kim Jong-il, pour faire son éloge. C'était la première fois que j'avais affaire à la propagande nord-coréenne. Mais il ne faut pas s'en faire.
Nous avons été récompensés. Un mois plus tard, on nous a décerné la fameuse Médaille nord-coréenne de l'amitié. C'était un grand honneur. Nous étions les premiers étrangers à recevoir cette décoration. Je n'en fais pas grand cas car je ne suis pas le genre de personne qui aime arborer des médailles. Par contre, j'ai trouvé ce papier beaucoup plus intéressant. C'est ce que j'appelle un passeport VIP nord-coréen. Ce papier dit simplement que je suis titulaire de la Médaille de l'amitié. J'ai aussi obtenu un permis de conduire. Quelle aubaine! Vous savez ce qu'il en est en Corée du Nord. Habituellement, vous êtes toujours accompagné d'un guide qui vous surveille, vous conduit partout et s'occupe de vous. Vous n'êtes pas censé aller tout seul n'importe où.
J'ai pris des risques. J'ai appris qu'il ne faut jamais poser de questions stupides en Corée du Nord. J'ai pris mon passeport et je suis allé à Nampo et à Wonsan. Bien sûr, s'il y a un barrage de police ou de soldats sur la route, on ne passe pas. Mais j'ai essayé. J'ai montré ceci. Imaginez ce qui est arrivé. Aussitôt qu'ils voyaient ce papier, ils me laissaient passer. Ça a marché. Mes collègues est-allemands m'avaient bien dit que ça marcherait. Ils connaissaient bien les « anges gardiens », les policiers et les soldats, qui ne communiquaient jamais les uns avec les autres en cas d'incident. J'ai probablement abusé de mes atouts. Je me suis promené partout, à bicyclette, dans le métro de Pyongyang et en voiture partout dans le pays. J'ai pu faire de nombreuses observations. Grâce à ma Médaille de l'amitié, j'ai été invité à visiter de très nombreuses installations, y compris la maison d'honneur de Kim Jong-il, et à assister à des parades militaires. J'ai pu rencontrer de hauts responsables nord-coréens et prendre connaissance de l'image de marque que veut projeter la Corée du Nord.
Je me suis rendu compte qu'il y avait une élite à Pyongyang, une élite qui avait accès à des sushis japonais, à du caviar russe et à du champagne français et qui roulait en Mercedes dans la capitale nord-coréenne. À certains moments, j'avais l'impression d'être chez moi à Pyongyang. J'ai alors compris que deux mondes très différents s'y côtoyaient.
À la campagne, j'ai vu des enfants affamés dans les hôpitaux. Ils restaient là sans nourriture, sans médicaments, dans un état qui me fendait le cœur. J'étais très ému. J'ai pensé qu'il fallait peut-être changer d'attitude. On peut rester en Corée du Nord pendant 10 ans sans savoir ce qui s'y passe vraiment. Normalement, vous êtes accompagné partout. On vous fait visiter tous les monuments et on vous fait faire toutes les tournées officielles. Une fois arrivé devant le monument, vous assistez à des cérémonies organisées. Les enfants sont alignés, ils ont même un peu de maquillage et de rouge à lèvres et poussent des acclamations: « Merci, kamsahamnida, pour vos dons de produits alimentaires. »
Je me suis demandé si cette image était réelle. Quand on est urgentiste, on doit parfois intervenir dans des cas d'urgence et se précipiter à l'hôpital en portant sur le dos la victime ensanglantée d'un accident.
Je me précipitais donc à l'hôpital, mais il n'y avait plus de médicaments. Il n'y avait pas de nourriture. Nous avions pourtant fait des dons la veille ou la semaine précédente. Je m'interrogeais sur ce qui se passait. Où donc allait l'aide internationale, l'aide allemande, canadienne, américaine? Il y avait des drapeaux américains sur les sacs. Où sont-ils? Qu'en a-t-on fait?
Mes collègues m'ont dit: « Norbert, tu es un imbécile. » Ils avaient raison. Ils m'ont dit: « Norbert, tu es tellement naïf. » Mes collègues venaient de l'ancienne Allemagne de l'Est. Ils m'ont dit qu'étant originaire de l'Allemagne de l'Ouest, je n'avais peut-être jamais connu la corruption d'un État communiste où chacun veille à ses propres intérêts, où chacun doit le faire pour survivre. Ils m'ont dit que la situation en Corée du Nord était semblable à ce qu'elle était en Allemagne de l'Est, une société mafieuse. Il y a des enfants qui meurent de faim à la campagne et une élite à Pyongyang, ville-vitrine où on peut bien vivre. Pour m'en rendre compte, je me suis adressé au marché noir. J'ai vu qu'on y vendait des sacs de riz portant encore le drapeau américain. J'ai vu nos médicaments offerts en vente dans un hôtel. J'ai vu les chandails offerts par l'Allemagne aux jardins d'enfants. Ils étaient vendus dans un magasin diplomatique.
Comme médecin, je vivais à Pyongyang parmi les gens de la communauté internationale. J'ai habité dans le complexe diplomatique, en compagnie de nombreux collègues d'Europe, du Programme alimentaire mondial, de l'Organisation mondiale de la santé et d'autres organisations. Je suis omnipraticien, mais je pratique la psychologie comme passe-temps.
À Pyongyang, on me demandait souvent de l'aide psychologique. C'était le cas de certains de mes collègues du Programme alimentaire mondial. Il y avait un type qui voulait se suicider parce qu'il n'en pouvait plus: les dons alimentaires au pays disparaissaient, mais il ne pouvait pas en parler à son siège social parce qu'il risquait de gros ennuis.
Il y avait aussi une femme membre de l'organisation française Action contre la faim. Elle voulait s'en aller parce que la « goutte de lait » organisée dans le nord de la Corée du Nord ne pouvait pas distribuer du lait aux gens ordinaires: le gouvernement l'avait interdit car la population n'était plus assez obéissante. Elle a été témoin d'un soulèvement, mais elle ne pouvait en parler ni devant les journalistes ni à son siège social parisien.
J'étais donc le conseiller psychologique de certains de ces gens qui s'effondraient. Ils faisaient des dépressions nerveuses parce qu'ils n'en pouvaient plus de mentir à leur siège social, de mentir au monde au sujet de ce qu'ils faisaient en Corée du Nord.
C'est seulement à ce moment que j'ai pu me rendre compte, après un an et demi, que Kim Jong-il se servait vraiment de la nourriture comme arme contre son propre peuple. J'ai alors complètement changé d'attitude. J'ai pensé que je devais en informer le monde. Il fallait que je prenne des photos. Je suis allé un peu partout. J'ai pris une vidéo, que vous trouverez dans votre trousse. J'ai pris toutes les photos qui sont dans ce livre, et j'ai invité des journalistes à des visites privées. Quand Mme Albright est venue en Corée du Nord en 2000, elle était accompagnée de nombreux journalistes de CNN, de la BBC et d'autres chaînes. Je les ai emmenés faire une visite privée. J'avais un permis de conduire. Pourquoi pas? Ils étaient douze, et je leur ai servi de guide. Je leur ai montré la face de Pyongyang que Mme Albright n'avait pas pu voir. Cela a fait la manchette du Washington Post du lendemain, ce qui était très insultant pour les autorités nord-coréennes. J'ai été expulsé... ou plutôt j'ai été menacé d'une expulsion immédiate, mais j'ai été sauvé par une protestation du ministère allemand des Affaires étrangères. J'ai donc été autorisé à rester.
J'ai tenu un journal pour documenter tout ce qui se passait. J'ai pris beaucoup de photos et de vidéos. J'ai rédigé une protestation, un énoncé de principes humanitaires. Je l'ai donné à Tony Hall, membre de la Chambre des représentants des États-Unis, lors de sa visite en Corée du Nord.
La semaine suivante, j'ai découvert le cadavre d'un soldat jeté sur la route. De toute évidence, il avait souffert de malnutrition. Il avait peut-être 17 ou 18 ans, mais on aurait pu croire que c'était un garçon de 10 ans. Il avait été battu. Je ne suis pas expert en torture. Je ne suis qu'un médecin généraliste.
Ma collègue est-allemande était membre d'Amnistie Internationale. Elle avait soigné des gens qui avaient longtemps été détenus au camp de prisonniers est-allemands de Bautzen. Elle m'a montré des brûlures de cigarettes, des traces de coups et des lacérations faites par un fouet.
Je ne suis qu'un imbécile naïf. J'ai voulu prendre une photo, mais on m'a immédiatement entraîné plus loin, on m'a confisqué mon appareil photo et on a détruit la pellicule. Ce fut la fin de l'amitié. J'ai été expulsé.
En décembre 2000, j'ai quitté le pays. Au lieu de rentrer chez moi et de reprendre mes activités habituelles, je suis allé en Corée du Sud. J'ai donné des interviews à des journalistes. J'ai présenté des conférences. Je voulais informer le monde, et surtout les étudiants sud-coréens, la jeune génération. Jusqu'ici, j'ai écrit quatre livres.
Étant Allemand, je connais l'histoire de l'Allemagne et la tragédie des réfugiés. Je me suis dit que je devais me faire une image réelle de la situation, peut-être aller en Chine. J'ai entendu parler des réfugiés nord-coréens. Pendant que je vivais dans le pays, je n'avais jamais entendu parler de réfugiés. Bien sûr, on ne m'a jamais autorisé à visiter un camp de concentration comme celui où se trouvait Mme Kim.
Je ne savais rien de la situation. J'étais naïf. Certains activistes m'ont invité à aller en Chine, à la frontière sino-coréenne. J'ai rencontré de nombreux réfugiés. Je leur ai posé des questions, mais je leur ai surtout donné des soins médicaux. J'ai quand même pu leur parler en recourant à un interprète.
Je suis allé au Cambodge, au Vietnam, au Laos, en Thaïlande. Je me suis consacré de plus en plus à l'aide aux réfugiés. Je suis resté au moins sept ans en Corée du Sud et en Asie du Sud-Est pour prendre soin de ces gens.
Je me suis rendu compte que je ne savais vraiment rien de la Corée du Nord. En vivant dans ce pays, on ne peut pas voir le tableau d'ensemble. Il faut parler à des témoins tels que Mme Kim.
J'ai également pris conscience de la puissance des médias. Je crois aux astuces publicitaires. Ayant décidé d'informer le monde, j'ai compris que les médias ont besoin de nouvelles pouvant frapper l'imagination du public.
Nous avons décidé d'envahir quelques ambassades occidentales. Cela avait donné des résultats dans le cas des réfugiés est-allemands à Prague et en Hongrie. Nous avons pensé que cela pouvait aussi marcher pour les Nord-Coréens. Nous avons donc pris d'assaut l'ambassade d'Espagne à Beijing, accompagnés de 27 réfugiés et en présence de CNN. Cela a peut-être marché.
Je suis allé au fleuve Tumen, et j'ai vu tous les cadavres dans l'eau. J'ai vu les gens abattus à la frontière. Encore une fois, j'ai été choqué. Je me rendais compte de plus en plus que la Corée du Nord était un État défaillant dirigé par une bande de mafieux.
Vous connaissez tous l'histoire de l'Allemagne. Nous, Allemands, sommes responsables d'Auschwitz, Treblinka, Dachau. Chaque fois que je visite le Musée de l'holocauste à Washington, j'ai honte d'être Allemand, et j'espère que personne parmi les étudiants présents ne reconnaîtra mon accent allemand.
Après Dachau, Treblinka et Auschwitz, nous autres Allemands avons dit au monde: « Plus jamais! » Mais ça arrive encore, aujourd'hui même. Mme Kim le sait. Nous autres Allemands avons été accusés de n'avoir rien dit, de n'avoir rien fait faces aux atrocités commises contre les Juifs. Je dois donc parler de ce qui se passe vraiment en Corée du Nord. Je dois parler de la famine provoquée, des crimes contre l'humanité, des massacres d'aujourd'hui. Je parlerai même du génocide inconnu parce que Kim Jong-il se sert de la nourriture comme arme contre son propre peuple. Je peux le prouver.
J'ai pris ces photos dans un hôpital d'enfants de Corée du Nord. Ce ne sont pas des photos d'Auschwitz ou de Treblinka. C'est la réalité de la Corée du Nord d'aujourd'hui. Si ce sont là des enfants dans un hôpital nord-coréen, pouvez-vous imaginer quelles conditions règnent dans le camp de concentration où se trouvait Mme Kim?
Ces enfants semblaient tellement tristes, tellement désespérés.
Que puis-je faire? Je suis médecin. Aurais-je dû leur donner des antidépresseurs, une injection quelconque, pour les faire sourire à nouveau? Non, je ne peux pas le faire.
Je dois prendre position au niveau politique. Je dois essayer de changer les choses. C'est la raison pour laquelle je suis là devant vous, parce que mon propre pays, l'Allemagne, ne semble malheureusement pas se soucier de la situation. Peut-être les Allemands ignorent simplement ce qui se passe en Corée du Nord. Je suis ici, au Canada, et j'implore la population et les politiciens du Canada de faire quelque chose. Les enfants de la Corée du Nord attendent votre aide.
Je vous remercie.
Je m'appelle Kyung B. Lee. À titre de représentant du Council for Human Rights in North Korea, organisation indépendante, non partisane et sans but lucratif ayant son siège à Toronto, je voudrais remercier sincèrement les membres du Sous-comité des droits internationaux de la personne de m'avoir donné l'occasion de présenter cette pétition officielle. Merci, monsieur le président et honorables membres du comité.
Aujourd'hui et avant-hier, le Dr Vollertsen et Mme Kim ont parlé de l'horrible situation qu'ils ont vécue et que j'ai pu voir de près en Corée du Nord, cette situation qualifiée de « pire du pire » par le Freedom House de Washington. Pour dire les choses simplement, la République dite populaire démocratique de Corée est un État défaillant qui n'a ni les moyens ni le désir de nourrir et de protéger son propre peuple.
C'est aussi un État voyou car, sur le plan interne, il commet des crimes contre son propre peuple tandis qu'à l'étranger, il fait du terrorisme et finance des activités terroristes, commet des actes d'agression et met au point des armes de destruction massive, y compris des armes nucléaires et des missiles à longue portée qui menacent la paix dans la région et dans le monde.
Autrement dit, la Corée du Nord n'est plus un État sur le plan de la moralité et de la sécurité humaine. Elle a perdu son caractère d'État. Elle continue cependant à constituer un État sur le double plan militaire et idéologique grâce à sa politique axée sur les militaires et à sa doctrine du juche.
Lorsqu'elle pense à la Corée du Nord, la communauté internationale se soucie davantage des questions de sécurité que des questions touchant les droits de la personne, les premières éclipsant souvent les secondes. Elle le fait peut-être à juste titre parce que nous avons tendance à nous préoccuper d'abord de notre sécurité nationale ou régionale avant de penser à la sécurité humaine des autres.
L'histoire nous apprend que les nations qui respectent les droits de leurs citoyens sont moins susceptibles de recourir à la belligérance comme premier recours. L'inverse est également vrai. Comme l'a dit Jay Lefkowitz, envoyé spécial pour les droits de la personne en Corée du Nord sous le gouvernement Bush: « Avec Hitler, Staline et les autres, la tyrannie intérieure a précédé l'agression internationale. »
Par ailleurs, les démocraties qui valorisent la liberté et les droits de la personne ne s'attaquent jamais les unes aux autres. Les relations entre le Canada et les États-Unis en sont un bon exemple, je crois. Nous, Canadiens, ne nous sentons pas menacés par les États-Unis, qui possèdent pourtant des centaines sinon de milliers d'armes de destruction massive, parce que nos deux pays partagent les mêmes valeurs de liberté, de droits de la personne et de démocratie.
En d'autres termes — je vais encore citer Lefkowitz —, « le fait de valoriser les droits de la personne va bien au-delà d'un simple impératif moral ». Selon Lefkowitz, c'est également un moyen pratique de régler les problèmes de sécurité.
Je sais que le Canada a beaucoup fait pour les droits de la personne en Corée du Nord, dans un cadre tant multilatéral que bilatéral, en coparrainant la résolution des Nations Unies, en participant à l'examen périodique universel et en soulevant la question au niveau des ambassadeurs.
Aujourd'hui, sur la base des témoignages présentés, je voudrais déposer une pétition demandant que d'autres études soient menées, si nécessaire, au nom de la communauté canado-coréenne de Toronto, pour que le Canada en fasse davantage. Je voudrais en particulier exhorter le sous-comité à proposer une résolution parlementaire sur la situation des droits de la personne en Corée du Nord. Je crois que le Canada a l'obligation morale de le faire, à titre de leader international en matière de droits de la personne et de défenseur de la liberté, des droits de la personne, de la démocratie et de la primauté du droit dans le pays et à l'étranger.
Il y a une soixantaine d'années, le Canada a participé à titre volontaire à la guerre de Corée pour défendre les mêmes valeurs. Cette mission n'est pas encore terminée puisque la partie septentrionale de la péninsule coréenne ne connaît toujours pas la liberté et la démocratie.
La Corée du Nord dédaigne ordinairement les résolutions des Nations Unies, les qualifiant de complots politiques dirigés par les États-Unis pour renverser un régime socialiste hautement respecté. Dans ces circonstances, une résolution canadienne adoptée par le Parlement, qui n'a aucun intérêt militaire direct dans la péninsule coréenne, aurait un grand impact sur la communauté internationale et exercerait de très fortes pressions sur le régime nord-coréen.
Quant au contenu d'une telle résolution, nous pouvons nous inspirer des résolutions adoptées par l'Assemblée générale des Nations Unies, des recommandations formulées par le Canada lors de l'examen périodique universel, des recommandations de l'ancien rapporteur spécial des Nations Unies, des recommandations adoptées par la Coalition parlementaire internationale pour les réfugiés nord-coréens et les droits de l'homme, des motions déposées par trois députés, M. Barry Devolin, l'honorable Judy Sgro et M. Peter Julian, de deux résolutions que notre conseil a adoptées au forum nord-coréen des droits de la personne qui a eu lieu il y a deux ans, ainsi que de notre pétition au Parlement pour le démantèlement des goulags nord-coréens. J'espère que toutes ces résolutions, recommandations et pétitions seront intégrées dans la résolution parlementaire qui, je l'espère, sera proposée par le sous-comité.
Nous, représentants du Council for Human Rights in North Korea, serions très heureux de participer à la rédaction de cette résolution, si nous y sommes invités, en présentant un mémoire écrit.
[Le témoin s'adresse au sous-comité en coréen.]
Merci beaucoup, monsieur le président et honorables membres du comité.
Nous avons assez de temps pour un tour de questions et réponses de cinq minutes. J'invite les membres à ne pas oublier que la période de cinq minutes comprend les réponses, de sorte qu'il est toujours bon d'être concis en posant une question.
Toutefois, avant de passer aux questions, je voudrais dire au Dr Vollertsen que, d'ordinaire, lorsque des témoins présentent des documents au comité, comme il l'a fait aujourd'hui, nous leurs demandons de les déposer. Si notre greffière peut prendre contact avec vous après la réunion pour faire faire des copies de ces photos, nous vous en serions très reconnaissants. Nous pourrions alors les verser au compte rendu du comité.
À vous, monsieur Silva.
Monsieur le président, je veux commencer par remercier le Dr Vollertsen et M. Lee de leur présence, de même que Mme Kim dont nous avons entendu le témoignage mardi dernier. Je crois que nous avons tous été émus par ses propos, tout comme nous le sommes aujourd'hui tandis que nous poursuivons l'étude de cette question.
Nous voulons, une fois de plus, remercier les témoins de nous avoir éclairés sur un sujet très obscur. Comme l'a dit le Dr Vollertsen, très peu d'entre nous savent ce qui se passe là-bas, et c'est tout à fait délibéré. Le gouvernement nord-coréen ne veut pas que nous soyons au courant de la réalité. Il ne veut pas que son propre peuple le sache.
Je suis choqué par les témoignages et par l'intensité des souffrances du peuple coréen. J'en suis très ému. Nous voulons savoir ce que nous pouvons faire. En même temps, j'aimerais connaître le point de vue du Dr Vollertsen et de M. Lee, parce qu'ils en savent plus que nous sur la situation là-bas.
Nous avons vu ce qui s'est passé ces derniers temps au Moyen-Orient. Les gens se sont soulevés contre les dictateurs. Je veux savoir si une révolution populaire s'annonce en Corée. Y a-t-il à votre connaissance des groupes dissidents? Est-il possible, à votre avis, que le peuple se soulève contre ce régime totalitaire?
Vers le milieu de 1999, j'attendais en face du métro à Pyongyang. Il y avait une grande manifestation de masse, avec beaucoup de soldats, à l'occasion de l'anniversaire de Kim Il-sung ou d'un autre événement... Les célébrations étaient très fréquentes à Pyongyang. Les gens étaient donc alignés. C'était après minuit. Des milliers et des milliers de personnes voulaient rentrer chez elles. Il y a eu une bousculade. Les gens en avaient assez de cette longue parade militaire et des acclamations organisées par le régime. Personne ne voulait rester plus longtemps. La foule essayait donc d'avancer, mais les policiers et le personnel du métro voulaient bien entendu rétablir l'ordre. Tout à coup, il y a eu quelques bagarres, des échanges de coups de poings, des gens qui poussaient, puis quelqu'un avec le nez ensanglanté. Comme je suis médecin, je voulais me rendre utile. J'ai essayé d'aider une vieille dame qui était en train de tomber. Ensuite, il y a eu une vraie pagaille... Je n'avais jamais rien vu de pareil. C'était probablement un peu comme ce qui se passe en Égypte actuellement, avec la foule et des gens comme Anderson Cooper qui sont pris au milieu.
C'était comme le début d'une révolution. Les gens se battaient contre les policiers, qui ne pouvaient plus arrêter la foule. Les gens essayaient d'atteindre le métro pour rentrer chez eux. Bien sûr, des soldats sont arrivés, mais les gens ne semblaient pas s'en soucier. Ils ont déchiré des uniformes, ont sorti des couteaux ou autre chose... pas de mitraillettes, bien sûr. Cela s'est produit cinq minutes plus tard. Quand les hommes armés de mitraillettes sont arrivés, l'ordre s'est rétabli.
C'est l'expérience que j'ai vécue. Cela peut se produire n'importe quand en Corée du Nord. Il y a des gens qui sont très en colère contre le gouvernement. Il y a des gens qui savent ce que vous pensez. Ils sont au courant de ce qui se passe dans le monde. Ils écoutent la radio. Quand mon interprète venait à notre bureau, la première chose qu'il demandait, c'était si nous avions des journaux allemands et s'il pouvait écouter en secret la BBC, CNN, la Voix de l'Amérique ou autre chose. Il voulait avoir des informations.
Et vous savez quoi? J'étais une fois invité à l'un de ces dîners chics auquel assistait également un haut dignitaire du régime dont j'ai oublié le nom. Il était assis là et nous disait que les choses devaient changer, qu'il fallait des réformes économiques et autres, mais qu'elles étaient impossibles à cause du boycottage imposé par les étrangers. Il a ajouté qu'il y avait une catastrophe naturelle très réelle. Les Nord-Coréens parlent toujours de catastrophes telles que les inondations, les sécheresses, etc. Cet homme a donc dit qu'il y avait une catastrophe naturelle très réelle que rien ne pouvait arrêter. Ce faisant, il a jeté un regard derrière lui. Comme dans chaque local nord-coréen, il y avait là deux portraits, l'un de Kim Il-sung, fondateur du pays, et l'autre de Kim Jong-il. Il a regardé ces portraits et a dit: « Cette catastrophe naturelle, nous ne pouvons pas l'arrêter. » C'était son point de vue sur la situation, le point de vue d'un haut dignitaire du régime.
Comme je vous l'ai dit, certaines personnes devenaient très loquaces après quelques verres de soju, de whisky ou de bière. Elles me disaient en allemand qu'elles détestaient Kim Jong-il, que c'était un playboy gâté qui ne méritait pas d'être le chef de l'État. Elles me disaient qu'il était responsable. Je peux vous garantir qu'un jour, vous verrez en Corée du Nord, à Pyongyang, la même situation qu'en Égypte. J'en suis sûr et certain.
Mais il faut un déclencheur. Les Coréens ont besoin d'informations, ils ont besoin de savoir que vous vous souciez d'eux. Il y a des Allemands de l'Est, des réfugiés est-allemands, des membres de ma famille qui m'ont dit que le plus grand encouragement du mouvement est-allemand pour la liberté a été d'apprendre qu'il bénéficiait d'un appui réel à l'étranger, qu'il y avait des gens qui se souciaient de l'Allemagne de l'Est et qui s'attaquaient à Honecker.
Il faut donc que des gouvernements s'attaquent aussi à Kim Jong-il.
Malheureusement, le temps de parole de M. Silva est écoulé.
[Français]
Madame Deschamps, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président. Cinq minutes, c'est très court quand autant de questions nous viennent à l'esprit.
Dr Vollertsen, j'ai été estomaquée par votre témoignage. En tant que personne issue d'une société où prévalent la richesse et l'abondance, je me demande, assise dans ce fauteuil, comment il se fait qu'il y ait encore de la famine sur cette planète et que des enfants meurent de faim alors qu'on réussit à envoyer des vaisseaux spatiaux dans l'espace, sur Mars et sur la Lune. Je suis vraiment renversée par ce que j'ai vu aujourd'hui. La question principale qui me vient à l'esprit est la suivante.
Monsieur Lee, on dit que la communauté internationale, dont le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, a offert des outils et du soutien à la Corée du Nord. Celle-ci, en bonne délinquante qu'elle est, a toujours refusé la main que lui tendait la communauté internationale. À ce jour, comment se fait-il que la communauté internationale n'ait pas usé de représailles contre la Corée du Nord qui, bordée par la Corée du Sud et la Chine, demeure une délinquante? Ce pays où la population connaît une famine presque provoquée, ce régime délinquant porté sur le terrorisme doit, d'une façon ou d'une autre, être soutenu par des forces amies de l'extérieur.
[Traduction]
Tout d'abord, la Corée du Nord reconnaît officiellement qu'elle a une politique qui favorise les militaires en premier. Tout ce qu'elle possède va d'abord à l'armée. La communauté internationale fournit de l'aide, vêtements, produits alimentaires, etc. Elle envoie ces choses à titre humanitaire, mais il arrive souvent que l'aide reçue par le régime nord-coréen se transforme en aide militaire. Tout va à l'armée en premier. Il ne reste rien pour les gens qui souffrent. Voilà le dilemme. Nous devons pourtant nous soucier des gens affamés.
J'ai rencontré beaucoup de réfugiés de Corée du Nord. La plupart d'entre eux disent que nous devrions cesser de fournir de l'aide qui va directement aux militaires. Certains affirment, comme Mme Kim l'a dit l'autre jour, que l'aide devrait consister en aliments pour le bétail, et non en riz ordinaire, parce que les gens du peuple mangent les aliments pour animaux. Je ne suis pas allé là-bas, mais j'ai beaucoup entendu parler de cela.
[Français]
Est-ce que l'aide humanitaire transite directement avec le gouvernement ou est-ce que des organisations de la société civile ou des ONG provenant d'autres pays assurent sur place le relais de façon à ce que la nourriture soit distribuée aux personnes qui en ont le plus grand besoin?
[Traduction]
En Corée du Nord, tout appartient au régime. Autrement dit, les gens sont la propriété de Kim Jong-il. Les aliments, la terre, tout appartient à la famille de Kim. Il n'y a donc pas de société civile comme nous en avons ici. Les universités, les hôpitaux et tous les établissements appartiennent à l'État, qui est lui-même la propriété de Kim Jong-il.
Tout est très différent de ce que nous avons ici. Je vais vous donner un exemple. On m'a dit qu'en Corée du Nord, on n'a pas le droit de se suicider. En régime socialiste, les gens en ont assez du gouvernement. Si le gouvernement est incapable de les nourrir, les gens devraient avoir le droit d'avoir des activités économiques, comme un petit commerce ou un petit jardin dans leur cour. Ils n'ont cependant pas ce droit. Les gens le font quand même, mais ce n'est pas autorisé.
En situation désespérée, ils envisagent le suicide et certains vont jusque-là. En Corée du Nord, le suicide est un crime contre l'État. Pourquoi? Parce que les êtres humains sont de la main-d'œuvre. L'État a besoin de la main-d'œuvre, mais non des êtres humains. Par conséquent, à titre de biens de l'État, les gens n'ont pas le droit de se détruire eux-mêmes. Si on se suicide, c'est un crime qui mérite une punition. Les suicidés étant eux-mêmes morts, qui est tenu pour responsable? Ce sont les membres survivants de la famille. Le gouvernement ne nourrit pas les gens, mais ils n'ont quand même pas le droit d'exercer une activité économique. Ils n'ont pas le droit de se suicider. La seule façon de perdre la vie, c'est mourir de faim. C'est le seul droit qu'ont les gens. Voilà la situation.
Monsieur Lee, nous collaborons depuis deux ans maintenant. J'ai le plus grand respect pour votre organisation, le Council for Human Rights in North Korea, et pour vous à cause des idées que vous avez avancées ces deux dernières années. Nous avons travaillé ensemble à l'occasion de conférences des médias et d'événements du même genre.
Je voudrais mentionner un projet de loi de Peter Julian, du NPD. M. Barry Devolin a également déposé un projet de loi. Il invite la Chine à autoriser les réfugiés nord-coréens à se rendre en Corée du Sud à travers son territoire. Nous avons souvent entendu parler de rapatriements en Corée du Nord et de ce qui se passe dans ce cas.
Docteur, la passion que vous manifestez dans vos activités vient du fond du cœur. Vous n'avez rien à vous reprocher et personne de votre génération n'a rien à se reprocher pour ce qui est arrivé en Allemagne dans le passé. D'après ce que j'ai entendu aujourd'hui, vous avez rendu des services inestimables au peuple nord-coréen en faisant connaître la situation dans le pays.
Vous avez parlé de famine. Vous avez évoqué la question des anciens camps de la mort. Y a-t-il des indices quelconques établissant qu'il y a autre chose que de la négligence? Il n'y a pas vraiment de camps de la mort dans lesquels les gens sont envoyés pour mourir ou pour être mis à mort?
L'autre question que je vais essayer d'aborder le plus rapidement possible, c'est que vous attendez quelque chose du comité. Vous savez, d'après le témoignage d'hier, que l'examen périodique universel du Canada a abouti à des recommandations particulières, dont certaines sont importantes, je dois le reconnaître. Vous proposez en outre que le Parlement du Canada adopte une importante motion. Avez-vous un moyen quelconque de mesurer ou de connaître les résultats de l'examen périodique universel du Canada? Y a-t-il eu une réaction à ce moment? Et qu'attendez-vous de notre motion?
Je voudrais tout d'abord vous remercier tous de nous avoir écoutés. Le simple fait d'écouter constitue peut-être le premier pas à franchir avant de faire quelque chose.
Je ne peux pas parler de camps de la mort ou de rien de semblable. Comme je vous l'ai dit, quand on vit en Corée du Nord, on ne sait rien. On n'est au courant que de choses superficielles. On n'a pas la moindre idée de ce qu'une Mme Kim peut avoir enduré. Elle est l'experte dans ce domaine. Je n'ai eu connaissance de ces choses que par la suite lorsque j'ai rencontré des réfugiés. Mme Kim pourrait peut-être avoir des choses à nous dire au sujet des camps de la mort.
J'aimerais beaucoup que le comité tienne d'autres réunions. Nous avons le plus grand respect pour cette motion et tout ce qui peut découler de vos travaux. Je suis heureux que le Canada agisse.
J'ai entendu parler hier d'un nouveau Musée de l'holocauste à Winnipeg. J'ai visité une fois le Musée de l'holocauste de Washington. J'y ai vu une exposition spéciale sur ce qui se passait au Soudan. Peut-être qu'un jour, il y aura une exposition sur ce qui se passe au Moyen-Orient et en Égypte. Hier, j'ai eu une idée. J'ai constaté qu'un très grand nombre d'étudiants visitent votre Parlement. Pourquoi ne pas organiser une exposition spéciale sur la Corée du Nord dans ce nouveau Musée de l'holocauste?
Les Nord-Coréens ont besoin d'informations. Nous avons visité la frontière nord-coréenne, du côté de la Corée du Sud, près de Panmunjom. Nous avons simplement gonflé des ballons portant de petites radios bon marché fabriquées en Chine. Les gens ont été heureux. Comme je vous l'ai dit, mon interprète m'a demandé s'il pouvait lui-même avoir une radio chinoise. Les gens sont avides de nouvelles. Ils veulent tout savoir à propos du monde extérieur.
Mon rêve a toujours été de voir se réaliser ce que j'ai dit aux Nord-Coréens lorsqu'ils m'ont expulsé: « Un jour, nous nous reverrons à la Cour internationale de justice de La Haye. » C'est peut-être aussi une solution à envisager. Nous avons besoin de quelqu'un qui puisse faire ce qu'on a fait dans le cas de Milosevic à La Haye. Nous avons besoin de quelqu'un qui demandera des comptes à Kim Jong-il. Il est toujours là, comme chef d'État, et se rend coupable de génocide contre son propre peuple. Je vous en supplie, faites-en davantage.
Si vous le permettez, monsieur le président, je voudrais dire qu'il y a un mouvement ici, au Canada, destiné à construire un monument. La mission de Tribute to Liberty, l'organisation à laquelle j'appartiens, est d'ériger un monument à Ottawa.
Je voudrais ajouter une autre chose. La plupart des gens désespérés disent qu'il n'y a rien à faire pour résoudre le problème, non seulement à cause des caractéristiques du régime nord-coréen, mais aussi parce que le régime a un frère indulgent, la Chine. Nous ne pouvons pas affronter efficacement la Chine. C'est un trop gros morceau pour nous.
Toutefois, la situation évolue aussi bien en Chine qu'en Corée du Nord. Il y a une nouvelle génération de Chinois. J'ai entendu dire qu'il y en a parmi eux qui sont engagés. La jeune génération, en Chine, se soucie de la façon dont elle est perçue par le monde extérieur. Jusqu'ici, les gens n'étaient pas au courant de ce qui se passait ailleurs. Aujourd'hui, ils commencent à s'intéresser à ce que pensent les pays occidentaux. Cela signifie que nous avons une chance de réussir. Nous pouvons demander au gouvernement chinois de faire quelque chose. Si nous le faisons assez souvent, je crois qu'il réagira.
Pour ce qui est de la Corée du Nord, un réfugié m'a dit que le régime compte sur l'armée parce que celle-ci est isolée. Si les militaires se montrent loyaux, c'est parce qu'ils ne reçoivent aucune information extérieure et ne savent donc pas ce qui se passe. Les soldats nord-coréens appartiennent à la génération qui a connu, dans son enfance, la période de famine de la fin des années 1990. Ils savent que leurs grands-parents et leurs parents sont morts de faim. Si quelque chose se passe, ils sont capables d'agir contre le régime, même s'ils font partie de l'armée.
Nous parlons ces jours-ci de la crise en Égypte. Il y a des points communs et des différences entre la Corée du Nord et l'Égypte. Si on subit une dictature pendant si longtemps, quelque chose finit par arriver. En d'autres termes, à défaut de mesures préventives, la crise et le chaos qui en résultent peuvent être très coûteux. Nous devons le reconnaître.
Il y a maintenant beaucoup de téléphones portables en Corée du Nord. Les gens aisés s'en servent couramment. Il y a même de hauts dignitaires du régime qui passent en Corée du Sud ces jours-ci. Le gouvernement de Séoul n'en parle pas pour ne pas provoquer le régime nord-coréen. Beaucoup de responsables de l'armée et de la bureaucratie prennent la fuite en Corée du Sud. Je ne connais pas le nombre, mais je sais qu'il y en a beaucoup.
Le changement n'a pas à prendre la forme d'une explosion. Il vaudrait mieux que ce soit une implosion douce et progressive. La communauté internationale devrait se préparer en vue de ce changement qui se produira tôt ou tard. Le Canada est l'un des principaux pays qui puissent agir.
J'ai laissé cette période se prolonger considérablement.
Monsieur Devolin, vous pouvez poser les dernières questions.
Merci, monsieur le président.
Je veux remercier les témoins, le Dr Vollertsen et M. Lee, de leur présence aujourd'hui. Je veux aussi remercier Mme Kim d'être revenue nous voir.
J'ai moi aussi eu l'occasion de vous connaître tous deux, messieurs, ces derniers mois. J'ai deux questions à vous poser. Premièrement, nous parlons de deux choses: ce qui se passe à l'intérieur de la Corée du Nord, où les goulags sont essentiellement des prisons à l'intérieur de la grande prison que représente le pays... Beaucoup d'entre nous s'interrogent sur ce qu'il est possible de faire pour influencer la Corée du Nord, que ce soit directement le gouvernement ou le peuple, pour que la situation évolue. Vous nous avez donné quelques bonnes idées aujourd'hui.
La seconde chose dont nous parlons, c'est ce qui arrive quand un Nord-Coréen prend la fuite. La Chine est la destination la plus évidente et la plus facile, à cause de la frontière terrestre entre les deux pays. Nous avons parlé de la possibilité d'exercer des pressions ou d'amener la Chine à mieux traiter les demandeurs du statut de réfugié et les citoyens nord-coréens qui fuient leur pays.
Lorsque j'ai écouté Mme Kim l'autre jour, le plus choquant, pour moi, c'est qu'après avoir quitté la Corée du Nord, les choses sont allées tellement mal en Chine qu'elle a pu être obligée à rentrer en Corée du Nord. Je peux imaginer à quel point elle était effrayée et se sentait impuissante pendant son séjour en Chine.
Ma motion et d'autres visent à inciter la Chine à faire quelque chose plutôt qu'à influencer la Corée du Nord, parce que nous avons l'impression d'avoir des chances de réussir à Beijing, mais que nous n'en avons aucune à Pyongyang. Convenez-vous que c'est peut-être la voie à emprunter à titre de citoyens du monde et de dirigeants politiques? Vaut-il mieux concentrer les efforts sur la Chine pour améliorer le sort de ceux qui quittent la Corée du Nord ou bien faut-il essayer d'agir directement auprès du régime nord-coréen?
Je poserai ma seconde question s'il reste du temps.
Du temps des boat people du Vietnam, il y avait un programme dit de « premier asile » dans le cadre duquel des pays comme le Cambodge et les Philippines ont établi des refuges temporaires pour accueillir les réfugiés. Là, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a pu les interroger pour déterminer s'ils étaient de vrais réfugiés. S'ils étaient acceptés, on leur attribuait une destination, qu'il s'agisse des États-Unis, de l'Australie ou du Canada.
Nous ne devrions pas seulement demander au gouvernement chinois de faire quelque chose. Nous ne devrions pas condamner les Chinois parce qu'eux aussi ont des problèmes à cause de ces réfugiés. Ils disent qu'il s'agit de migrants clandestins. C'est vrai, certains le sont. Il faut donc essayer de comprendre la position de la Chine.
Nous devons faire quelque chose pour atténuer le fardeau. La politique de « premier asile » peut constituer un moyen. La communauté internationale peut organiser une alliance et proposer collectivement cette solution au gouvernement chinois, en précisant qu'il n'aurait à subir aucun préjudice en aidant des gens qui souffrent et qu'en fait, il pourrait même en profiter. Ne pouvons-nous pas agir ainsi?
Je suis tout à fait d'accord. Nous devrions établir un programme d'aide aux réfugiés s'adressant directement à la Chine.
Venant d'Allemagne, je sais qu'un programme de ce genre peut marcher. Lorsque le gouvernement allemand a aidé la Hongrie à ouvrir la frontière, il a demandé aux Hongrois de mettre tous les réfugiés est-allemands à bord d'un train qui a traversé toute l'Allemagne de l'Est pour aboutir en Allemagne de l'Ouest.
L'Allemagne de l'Ouest avait aidé la Hongrie à ouvrir la frontière. Il s'agissait d'une aide financière et logistique pour l'organisation des convois, etc. Faisons de la Chine la Hongrie d'Extrême-Orient. Elle peut obtenir de l'aide de la communauté internationale. L'Allemagne voudra peut-être prendre un certain nombre de réfugiés nord-coréens. On peut espérer que le Canada, les États-Unis et d'autres le feront aussi. Les Chinois voudront sauver la face car, comme l'a expliqué M. Lee, beaucoup de jeunes Chinois se soucient aujourd'hui de ce que le monde pense d'eux.
Oui.
Nous avons eu l'occasion hier de nous entretenir avec le premier ministre Harper. Pendant la réunion, il nous a mis au défi — et vous aussi — de présenter des solutions possibles. Vous avez eu 24 heures pour y penser. À votre avis, y a-t-il quelque chose que les parlementaires et le gouvernement du Canada peuvent faire immédiatement et directement à l'égard de la Corée du Nord?
Tout d'abord, nous nous sommes entretenus brièvement avec le premier ministre hier. Je crois cependant que c'est un événement vraiment important parce qu'on peut l'interpréter comme signifiant que le Canada reconnaît officiellement le statut des réfugiés nord-coréens. Fuir la Corée du Nord constitue un crime contre l'État pour lequel on est exécuté ou envoyé au goulag. Toutefois, au Canada, le premier ministre a officiellement reconnu la situation des réfugiés et leur a accordé son appui. C'est un événement significatif. Je crois qu'il aura désormais un grand effet parce qu'un chef de gouvernement a reconnu la légitimité de notre action.
Je pense que c'est un bon début. Si nous pouvions obtenir une résolution du Parlement canadien, ce serait également très important. Jusqu'ici, les États-Unis ont adopté une loi sur les droits de la personne. Il y a eu une brève résolution au Japon et une autre au Parlement européen. Si le Canada se joint à eux...
Le Canada est vraiment différent. Lorsque les États-Unis ou le Japon agissent au sujet de la Corée du Nord, le régime dit que c'est un complot politique parce que les deux pays ont des intérêts militaires et économiques dans la péninsule coréenne. Toutefois, le Canada est indépendant et objectif. Il se soucie uniquement des droits de la personne. Les Nord-Coréens respectent donc ce que nous faisons. Je crois que ça marchera.
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