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Tout d'abord, au nom du Comité de soutien à Nathalie Morin, j'aimerais remercier les membres du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international d'avoir bien voulu nous rencontrer aujourd'hui. Je vais faire une brève présentation des quatre personnes qui sont ici, et nous allons prendre la parole par la suite.
Tout d'abord, le Comité de soutien à Nathalie Morin a été fondé en décembre 2009 afin de soutenir Mme Johanne Durocher, la mère de Nathalie, dans son combat pour ramener sa fille et ses petits-enfants au Canada. Le Comité est une organisation citoyenne, sans but lucratif, regroupant des individus et ayant l'appui de nombreux groupes de femmes, de députés, de citoyens et citoyennes.
Nous commencerons notre présentation par le témoignage de Mme Durocher, la mère de Nathalie et présidente du comité de soutien, qui vous exposera sommairement les conditions de vie de Nathalie et de ses enfants depuis 2005. Elle poursuivra avec la description des actions ou inactions du gouvernement, de l'ambassade canadienne à Riyad et des services consulaires à Ottawa.
Pour la présentation d'aujourd'hui, nous avons demandé à M. Stéphane Beaulac, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Montréal, de bien vouloir nous accompagner afin de traiter des mécanismes internationaux qui sous-tendent les actions d'un gouvernement lorsqu'il doit intervenir dans un pays étranger, notamment dans les cas consulaires. Le professeur Beaulac enseigne notamment le droit international public et l'interprétation des droits humains.
Mme Christelle Bogosta, également membre du comité de soutien et diplômée en santé communautaire de l'Université de Montréal, vous parlera des conséquences sur la santé physique et psychologique de Nathalie et de ses enfants à la suite des mauvais traitements et des privations qu'ils subissent depuis plusieurs années.
Pour ma part, je suis membre du comité de soutien et adjointe de la députée de, Mme Francine Lalonde. Nous appuyons les actions de Mme Durocher depuis avril 2008. Dans ce cadre, nous avons eu plusieurs échanges avec le ministre Lawrence Cannon et les Affaires étrangères à Ottawa. Nous avons aussi rencontré l'ambassadeur d'Arabie Saoudite, M. Osamah Al Sanosi Ahmad, le 3 mai dernier à Ottawa. Je vous ferai part de ces démarches.
La parole est maintenant à Mme Durocher. Merci.
Je suis Johanne Durocher, la mère de Nathalie Morin et la grand-mère de Samir, Abdullah et Sara. Depuis décembre 2005, ma fille est détenue en Arabie Saoudite, où elle est victime de violence conjugale, de mauvais traitements et de séquestration de la part d'un conjoint violent. Mes trois petits-enfants sont aussi victimes de maltraitance. Alors que Nathalie demande de manière répétée, depuis près de cinq ans, au gouvernement canadien de la rapatrier avec ses enfants, le ministère des Affaires étrangères ne prend pas sa situation au sérieux. Il prétexte qu'il s'agit d'une affaire privée et ne met pas tout en oeuvre pour négocier avec l'Arabie Saoudite son rapatriement et celui des enfants.
L'histoire de ma fille Nathalie est une histoire simple. Si elle s'était déroulée au Canada, elle n'aurait fait l'objet d'aucune attention médiatique. En 2001, Nathalie rencontre Saeed Al Shahrani au Québec, à l'âge de 17 ans. Très vite, Nathalie a été enceinte de lui. Ils ne se sont jamais mariés. Ils n'habitaient pas ensemble. Nathalie donne alors naissance à Samir Morin. Un mois plus tard, Saeed doit quitter le Canada pour retourner dans son pays natal, l'Arabie Saoudite. Le couple entretient une relation amoureuse à distance de 2002 à 2005. Nathalie projette de fonder une famille avec lui. Quoi de plus normal?
Durant cette période, Nathalie voyage avec leur fils en Arabie Saoudite à deux occasions. En 2005, lorsqu'elle retourne en Arabie Saoudite une troisième fois, il commence à la violenter. Il la bat et, à partir de ce moment, commence à la menacer. Il exige d'elle qu'elle trouve le moyen de le faire immigrer au Canada, sans quoi il menace de la retenir contre son gré, avec son fils Samir, en Arabie Saoudite. Les menaces deviennent réalité.
Depuis 2005, ma fille Nathalie est séquestrée par un conjoint violent en Arabie Saoudite. La violence s'accroît et la détresse s'amplifie. Il la bat, la harcèle, la réveille la nuit pour l'empêcher de dormir, l'oblige à avoir des relations sexuelles non désirées. Autrement dit, il l'agresse sexuellement, et Nathalie est de nouveau enceinte. Elle aura, sous la contrainte, deux autres enfants. Il maltraite les enfants, les mord, les fouette avec des fils électriques, les brûle et leur écrase les pieds ou les mains. Nathalie et les enfants sont privés de nourriture, de contacts humains, d'affection, de soutien. Ils deviennent les otages de M. Al Shahrani.
Depuis janvier 2008, Nathalie et les enfants sont séquestrés dans l'appartement de M. Al Shahrani, c'est-à-dire enfermés dans ce lieu aux fenêtres recouvertes de papier qui laissent à peine filtrer la lumière du jour, sans possibilité d'obtenir la clé, sans moyen de communiquer avec l'extérieur de manière autonome, par téléphone ou Internet, sans visite ni soutien.
Me Julius Grey, un éminent avocat canadien, a qualifié cette situation de « détention civile ». Pendant ce temps, M. Al Shahrani ne cesse de multiplier les demandes d'argent et de biens matériels: appartement, voiture, ameublement, etc. auprès du gouvernement saoudien, alerté par la situation. Pour sauver l'honneur du pays, les Saoudiens consentent à lui accorder ces biens et de l'argent dont il profite, alors que Nathalie et les trois enfants sont mal nourris. Pendant certaines périodes, ils n'ont eu que du pain et de l'eau. M. Al Shahrani ne travaille pas. Il retire cependant des bénéfices du gouvernement saoudien du fait qu'il a une relation conjugale avec une femme canadienne et des enfants qui ont aussi la nationalité canadienne et qui demandent de quitter le pays pour cause de sévices.
Ma fille et mes petits-enfants servent donc d'instruments d'enrichissement à M. Al Shahrani, qui peut ainsi demander à son gouvernement de l'argent et des biens, censément pour améliorer les conditions de vie de la famille, alors que Nathalie et les enfants en bénéficient peu ou même pas du tout.
Depuis décembre 2005, ma fille Nathalie demande à être rapatriée au Canada avec ses enfants. Je ne cesse, depuis cinq ans, de déployer toute mon énergie pour les sortir de cet enfer. Qu'a fait le gouvernement du Canada, le ministre des Affaires étrangères, pour aider ma fille et mes petits-enfants? Durant ces cinq années, le gouvernement canadien a soit ignoré, soit minimisé la violence conjugale, les mauvais traitements et les séquestrations que vivent Nathalie et ses enfants. De plus, aucun effort sérieux n'a été déployé pour tenter de les mettre à l'abri de la violence et des mauvais traitements subis.
J'ajoute qu'à plusieurs reprises, l'ambassade canadienne a refusé que Nathalie et ses enfants trouvent refuge à l'ambassade.
Ainsi, le 4 janvier 2006, Nathalie s'est rendue à l'ambassade canadienne avec son fils Samir. Elle a demandé à être rapatriée et le représentant de l'ambassade, M. Omer ElSouri a refusé. Il a ensuite encouragé Nathalie à écrire un avis de confidentialité de son dossier et lui a conseillé d'attendre après l'accouchement de son deuxième enfant pour revenir. À ce sujet, vous avez reçu des documents provenant du ministère des Affaires étrangères. Il s'agit de notes sur le cas du 30 janvier 2006, du 28 janvier 2006 ainsi que la lettre dans laquelle Nathalie demande la confidentialité du dossier, ce qui a été fait sur les conseils de M. ElSouri.
Vous avez en main l'affidavit que Nathalie a rédigé en 2009, lorsque je l'ai visitée et qui relate d'autres faits troublants. Deux ans plus tard, elle y raconte:
Le 14 novembre 2008, Saeed était prêt à aller me reconduire avec les enfants à l'ambassade pour que j'accouche là-bas. Chuck Andeel, représentant consulaire à l'ambassade canadienne à Ryiad, m'a dit au téléphone que je ne pouvais pas venir parce que l'ambassade n'était pas capable de prendre soin d'une femme enceinte de huit mois. Nicolas Gauthier m'a envoyé un message texte sur le cellulaire de Saeed et il était écrit que je devais attendre de me rétablir physiquement et psychologiquement avant de penser à mon retour au Canada.
Vous rendez-vous compte qu'un représentant canadien conseille à une Canadienne, qui vit de la violence et dont la sécurité est compromise, d'accoucher en Arabie Saoudite plutôt que de la rapatrier? Non seulement cette décision la maintenait dans des conditions dangereuses, mais elle réduisait ainsi ses chances de pouvoir un jour être rapatriée avec ses enfants.
Je voudrais vous citer un dernier passage de l'affidavit de Nathalie que vous avez en main.
Régulièrement, Saeed me gifle au visage, me donne des coups de pieds, des coups sur ma tête [...]. À quelques reprises, il m'a mis les doigts dans les yeux, m'a tordu le bras, m'a tourné le pouce, m'a donné des coups de poing, m'a menacé de mort avec un couteau sur la gorge, m'a donné des coups dans le dos.
Chaque jour qui passe, je suis terriblement inquiète. La sécurité de ma fille est menacée. Son état psychologique et physique, de même que celui des enfants, se détériore, et le ministre des Affaires étrangères, , continue de considérer cette situation comme une affaire privée, justifiant ainsi l'inaction honteuse du gouvernement canadien à les rapatrier sans délai. C'est non seulement inacceptable, c'est inhumain.
Cette semaine, une autre jeune Canadienne, Nazia Quazi, séquestrée et violentée par son père en Arabie Saoudite, fut libérée après deux ans d'attente. La mienne attend depuis maintenant cinq ans. Qu'attend le gouvernement canadien pour libérer ma fille et mes trois petits-enfants de leur tortionnaire?
Je suis une citoyenne, une mère qui fait tout pour rassurer sa fille que son pays, le Canada, va la rapatrier. Je ne peux pas perdre espoir et abandonner ma fille. Je demande au premier ministre et au ministre des Affaires étrangères, , de cesser de se fermer les yeux et d'agir avant la tenue du G20 en rapatriant ma fille Nathalie et mes trois petits-enfants, Samir, Abdullah et Sara. Merci.
Voici la genèse de notre intervention.
Je rappelle que je suis l'adjointe de la députée Mme Francine Lalonde.
La mère de Nathalie Morin, Mme Johanne Durocher, a contacté notre bureau à la fin du mois de mars 2008. C'est donc dire que nous travaillons étroitement sur ce dossier depuis plus de deux ans maintenant.
À l'aide des documents que Mme Durocher nous a fait parvenir, nous avons rapidement pu constater que Nathalie n'était en fait pas mariée. En effet, Mme Durocher possédait des documents en langue arabe qu'elle avait pu ramener de son premier voyage en Arabie Saoudite en 2006. Nous les avons fait traduire et nous avons constaté que ce qui devait être leur certificat de mariage était en réalité un certificat de confirmation de mariage référant à un mariage qui aurait eu lieu à Montréal en 2001. Or Mme Durocher était catégorique: Nathalie ne s'était jamais mariée en 2001 à Montréal. De plus, à cette époque, Nathalie était mineure — elle avait 17 ans. Il lui aurait fallu la permission de ses parents pour pouvoir se marier. Une recherche auprès du Directeur de l'état civil du Québec a confirmé que Nathalie ne s'était jamais mariée au Québec.
Nous avons ainsi découvert que lorsque Nathalie s'était rendue en Arabie Saoudite en 2003, l'ambassade saoudienne à Ottawa lui avait émis un visa d'épouse et avait émis un visa pour son fils Samir au nom du père, Al Bishi — pour éviter la confusion, je mentionne qu'à l'époque, il s'appelait Al Bishi, et qu'il changé son nom pour Al Shahrani dès son retour en Arabie Saoudite —, alors que Samir, en réalité, n'avait pas de père déclaré sur son certificat de naissance québécois. Il s'appelait Morin comme sa mère.
Forts de cette nouvelle information, nous avons contacté les gens du ministère des Affaires étrangères pour leur dire qu'il y avait erreur, que Nathalie n'était pas mariée et qu'elle ne devait donc pas être tributaire de la décision de M. Saeed Al Bishi pour pouvoir revenir au Canada avec ses enfants. Or les gens du ministère des Affaires étrangères nous ont fait comprendre que peu importe son statut, les Saoudiens les considéraient comme mariés. Il fallait donc respecter leurs lois et, en l'occurrence, la permission du mari était exigée. On nous a aussi dit de ne pas ébruiter cette information, parce qu'en Arabie Saoudite, cela voulait dire que Nathalie vivait dans l'illégalité, et cela pouvait lui valoir la prison. Nous avons donc retenu cette information pendant plusieurs mois, ce qui ne nous a pas empêchés de continuer à exercer des pressions auprès du gouvernement canadien en lui demandant de négocier avec les autorités saoudiennes pour leur retour, puisque nous avions reçu de sérieuses allégations de mauvais traitement, de séquestration et d'abus envers Nathalie et ses enfants.
Les événements que je vais vous raconter ici m'ont été rapportés d'abord par Mme Durocher. Puis, Nathalie les a rapportés de la même façon, mais avec plus de détails, dans l'affidavit que Me Julius Grey lui a demandé de rédiger à l'été 2009 — vous retrouverez cela dans les documents que vous avez en mains et qui ont été traduits dans les deux langues officielles. Les deux versions concordent parfaitement. Puis, à la suite d'une demande d'accès à l'information que j'avais déposée auprès du ministère des Affaires étrangères, j'ai reçu près de 2 000 pages de notes sur ce dossier, et celles-ci corroboraient les versions de Nathalie et de sa mère, quoique adoptant le point de vue des acteurs du gouvernement. Je vais vous rapporter ici quelques-uns de ces événements, avec documents à l'appui, en espérant que vous acceptiez de les recevoir.
J'aborde maintenant ce qui s'est passé en janvier 2006. D'abord, je vous rappelle que Nathalie arrive en Arabie Saoudite pour s'y installer en mars 2005. En décembre 2005, alors que Nathalie est enceinte de son deuxième enfant, sa mère va la visiter et constate que sa fille est battue et maltraitée par M. Al Shahrani — il la bat même devant Mme Durocher. Elles portent plainte auprès de l'ambassade canadienne à Riyad.
À l'ambassade, M. ElSouri dit à Mme Durocher de le rappeler dans deux jours, qu'il va trouver une solution pour ramener Nathalie et Samir au Canada. Quand Mme Durocher rappelle le jour convenu...
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Quand Mme Durocher rappelle, le jour convenu, M. ElSouri est parti en vacances pour deux semaines. Mme Durocher est contrainte de revenir au Canada seule, sans sa fille. Le 23 janvier 2006, il y a dans les papiers un rapport de M. ElSouri intitulé « Change of travel plans » dans lequel celui-ci indique que Nathalie et Saeed en sont venus à une entente et que Nathalie a accepté d'accoucher en Arabie Saoudite. Il ajoute que Nathalie contrôle sa vie, qu'elle peut s'entendre avec son mari et qu'elle est sûre qu'elle va pouvoir voyager l'été suivant avec ses deux enfants.
Cinq jours plus tard, le 28 janvier, M. ElSouri envoie à Mme Lavigueur, à Ottawa, une lettre écrite par Nathalie dans laquelle elle demande aux Affaires étrangères de ne plus discuter de son cas avec sa mère, qu'elle est assez grande pour savoir ce qu'elle fait. Or, dans l'affidavit écrit par Nathalie en juillet 2009, dont vous avez copie, elle parle de cet indicent à la page 2. Elle dit que la lettre fut écrite en présence de M. ElSouri, de sa femme et de Saeed dans un restaurant d'Al Khobar. Elle dit qu'ils lui auraient dit que ce serait mieux si sa mère ne se mêlait pas de ses affaires personnelles. Ils l'ont convaincue de rédiger cette lettre. Ils lui auraient même dit de mettre une fausse date sur la lettre.
Quand on fait le suivi dans les notes de l'ambassade, on s'est en effet rendu compte que la date sur la lettre ne correspondait pas à la date à laquelle M. ElSouri rapporte avoir rencontré Nathalie et Saeed. Il mentionne les avoir rencontrés le 9 février, ce qui laisserait supposer que Nathalie n'a pas rédigé la lettre en sa présence. Par suite de cette lettre de Nathalie, Mme Durocher n'a pu intervenir dans le dossier de sa fille, et celle-ci a accouché d'Abdullah en Arabie Saoudite en juin 2006. Elle n'a jamais pu revenir au Canada avec ses deux garçons après l'accouchement, ainsi que promis par Saeed.
Après la naissance d'Abdullah, Nathalie est de plus en plus dépressive. Ses conditions de vie se sont détériorées et sa santé est fragile. Nathalie redonne son consentement afin de divulguer l'information à sa mère en septembre. En octobre 2006, Saeed accepte d'amener Nathalie à l'ambassade, mais sans les enfants. De là, les agents consulaires organisent son départ par Barhein, un pays voisin, vers Montréal. Après son départ, il y a un échange de courriels entre Ottawa et l'ambassade. Voici un extrait d'un courriel daté du 19 octobre:
[Traduction]
Lorsque je lui ai parlé la dernière fois, juste avant son départ pour Bahreïn, je lui ai suggéré d’effacer les cinq dernières années et de redevenir une jeune femme de 17 ans. Elle reconnaît que ses enfants lui manqueront, mais elle veut poursuivre sa vie. Si quelqu’un exerce des pressions pour rapatrier les enfants c’est Johanne, pas Nathalie. Une fois que Nathalie aura refait sa vie à Montréal, loin de sa mère, elle pensera peut-être à reprendre ses enfants avec elle, mais je ne crois pas que ce sera dans un avenir prochain.
[...] Nous arriverons peut-être à rapatrier les enfants au Canada, pour qu’ils soient avec leur mère de 22 ans, diplômée du secondaire, sans emploi. Peut-être, et je dis bien peut-être, que les enfants sont mieux ici.
[Français]
Six semaines après son retour au Canada, Nathalie reprenait l'avion, à l'insu de sa mère, pour aller rejoindre ses enfants en Arabie Saoudite. Elle lui a laissé une note sur la table de la cuisine en lui disant qu'elle ne savait pas si elle pourrait revenir au Canada, mais qu'elle se sacrifiait pour ses enfants.
En juin 2008, Nathalie fait parvenir par courriel à l'ambassade canadienne sa première plainte de mauvais traitements du 19 février 2008. Dans les jours qui suivent, elle envoie des plaintes similaires à plusieurs organismes de droits humains en Arabie Saoudite. En juin 2008, l'ambassade organise une visite consulaire à Jubail pour rencontrer Nathalie et Saeed. Nathalie est enceinte de son troisième enfant à la suite de relations sexuelles non désirées et violentes de la part de Saeed. En d'autres termes, elle a été violée. À la suite de cette visite, nous avons demandé à plusieurs reprises une copie du rapport. La seule information que nous avions eue l'avait été par les médias saoudiens, qui en avaient fait un compte rendu à partir du témoignage de Saeed. Nous avons finalement eu ce rapport dans les notes du ministère des Affaires étrangères reçues grâce à la Loi d'accès à l'information, en juillet 2009, soit un an plus tard. Je vous invite à le lire. C'est un rapport très éloquent quand aux conditions de vie de Nathalie et des enfants.
C'est un autre des documents que j'aimerais vous remettre. Il est rédigé en anglais.
Malgré nos nombreuses pressions auprès du ministère afin que Nathalie puisse revenir accoucher au Canada, Nathalie a accouché de sa fille Sara en Arabie Saoudite, le 18 novembre 2009. Pourtant, trois jours avant l'accouchement, Saeed était prêt à aller mener Nathalie et les enfants à l'ambassade à Riyad. Nathalie a appelé l'agent consulaire, M. Nicolas Gauthier, pour lui demander de les recevoir. Nous avons aussi écrit au ministre Cannon afin qu'il intervienne pour que l'ambassade offre refuge à Nathalie et ses enfants en attendant de négocier leur départ avec les autorités saoudiennes, mais en vain. M. Gauthier a envoyé un message texte SMS à Nathalie en lui disant que ce serait mieux pour sa santé physique et psychologique si elle accouchait en Arabie Saoudite. Ils avaient pourtant de nombreuses preuves des mauvais traitements que Saeed leur faisait endurer. Nathalie raconte cet épisode dans son affidavit, à la page 3.
Le 22 décembre 2008, M. Deepak Obhrai, , se rend en Arabie Saoudite et rencontre Nathalie et Saeed. Là encore, les Affaires étrangères ne nous informent pas de cette visite. De son côté, Mme Durocher n'a plus de contacts avec sa fille depuis quelques semaines. Elle ne sait donc pas que celle-ci a reçu cette visite importante du Canada. Nous l'apprenons dans les jours suivants dans les journaux saoudiens.
Mme Durocher apprend par Mme Huda Alsunnari, la procureure de la Commission des droits humains d'Arabie Saoudite qui était présente à la rencontre, que Nathalie pleurait et demandait à M. Obhrai de la ramener au Canada avec lui, que sa vie est un enfer. M. Obhrai lui a dit qu'il connaissait son histoire et qu'il était venu pour tenter de trouver une solution avec son mari. Puis, il s'est adressé à Saeed uniquement en anglais. Par la suite, les médias canadiens ont questionné M. Obhrai sur cette visite. À la question: « Comment avez-vous trouvé Nathalie lors de votre visite? », sa réponse fut « Nothing stood out of concern to me ». On peut voir pour cela le rapport de la visite de M. Obhrai dans les notes des Affaires étrangères datées du 24 décembre 2008 et le compte rendu de Nathalie dans son affidavit, à la page 3.
Le 22 septembre 2009, des gens l'ambassade se rendent chez Nathalie à la demande de Saeed.
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Vous voulez dire le commentaire fait aux médias?
M. David Sweet: Oui.
Mme Marie-Ève Adam: Je vais le répéter en anglais. À la question du journaliste lui demandant comment Nathalie se sentait quand il l'a rencontrée, M. Obhrai a répondu que rien de préoccupant dans son apparence ne sautait aux yeux.
[Français]
Le 22 septembre 2009, l'ambassade se rend chez Nathalie à la demande de Saeed. Avant leur arrivée, Saeed enferme Nathalie et les enfants dans une chambre, de sorte qu'elle n'assiste pas à la rencontre. Nous avions été mis au courant de cette rencontre par Saeed qui m'avait appelée au bureau pour me dire qu'il était prêt à laisser sortir Nathalie et les enfants sans condition, mais qu'il voulait d'abord parler à l'ambassade.
Le lendemain de la rencontre, Nathalie Tenorio-Roy, responsable du cas aux Affaires étrangères à Ottawa, appelle Mme Durocher. Celle-ci m'a aussitôt fait un compte rendu de cette conversation dans un courriel — que je voudrais vous remettre — daté du 24 septembre 2009. On y apprend alors que Saeed a demandé 300 000 $ américains en échange de la libération de Nathalie et des enfants. De plus, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international Canada refuse d'utiliser cette information, ce qui, pour nous, représente clairement une demande de rançon pour négocier avec les autorités saoudiennes le retour de Nathalie et des enfants.
Ce n'est que le 22 octobre que Mme Tenorio-Roy finit par mettre cette information par écrit — consultez le courriel du 22 octobre. Elle y ajoute que le ministère a vérifié la légalité de cette demande en Arabie Saoudite et qu'un article de la charia le permet. Nous avons demandé à recevoir cet article de loi. Il s'agit d'une pratique de remboursement de dot, qu'une épouse peut remettre à son mari lorsqu'elle lui demande le divorce. Or Nathalie ne s'est jamais mariée, elle n'a jamais reçu de dot et, de plus, elle n'a même jamais demandé le divorce, car en Arabie Saoudite, si elle demandait le divorce, elle perdrait la garde de ses enfants dès qu'ils atteindraient l'âge de 7 ans et elle ne pourrait pas les sortir du pays.
En terminant, je voulais vous informer que Mme Francine Lalonde, députée de , et moi-même avons été reçues à l'ambassade d'Arabie Saoudite le 3 mai dernier par l'ambassadeur, M. Osamah AI Sanosi Ahmad. Celui-ci nous a d'abord dit qu'il avait rencontré l'ambassadeur du Canada à Riyad et qu'ils avaient parlé ensemble de Nathalie Morin. Il a dit que jamais l'ambassadeur du Canada ne lui avait dit que Nathalie était battue et séquestrée par son conjoint, ni qu'elle voulait revenir au Canada avec ses enfants. Quand nous avons insisté pour dire qu'il existait de multiples témoignages écrits de Nathalie concernant ses conditions de vie en Arabie Saoudite, il a finalement dit que si on lui transmettrait de l'information à ce sujet, son gouvernement agirait.
Je vais passer maintenant la parole à M. Stéphane Beaulac.
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M. Al Shahrani, depuis le tout début, désire venir au Canada. Pour lui, l'excuse, c'est de venir visiter ses enfants. Alors, quand je lui ai tout simplement demandé, à brûle-pourpoint, si je pouvais aller voir Nathalie, il m'a répondu avec fierté qu'en Arabie Saoudite, on reconnaissait les droits de la famille, qu'il n'y avait aucun problème, que son pays m'accueillerait, qu'on me donnerait un visa et que je pourrais aller voir Nathalie et les enfants. C'est certain qu'il me passait un message pour bien paraître. Évidemment, j'y suis allée seulement une semaine. C'était suffisant, car je vivais dans la même maison que lui.
Je suis allée là-bas avec mon fils. Seulement une fois, on a réussi à le faire sortir avec mon fils pour que je me retrouve seule avec Nathalie. On a pu filmer dans le salon. Quand on entendait du bruit dans le passage, j'arrêtais la caméra, puis je la redémarrais. Pendant la nuit, Nathalie a rédigé avec moi l'affidavit que vous avez entre les mains. On passait nos nuits réveillées, Nathalie et moi — car le jour, Saeed était toujours là —, pour que je puisse lui donner de l'information, la questionner. Une semaine, c'est court.
Celle qui a signé l'affidavit comme témoin à chacune des pages, c'est Mme Huda Alsunnari, qui est la représentante de la Commission des droits humains d'Arabie Saoudite. Ainsi, elle sait très bien que Nathalie a composé ça pour le Canada, même si elle n'a pas pu le lire parce qu'elle ne comprend pas le français. Elle était témoin.
C'est aussi Mme Alsunnari qui est venue me voir à l'aéroport et qui m'a remis, pliées dans sa main — sans que Saeed s'en aperçoive —, des copies de toutes les plaintes faites par Nathalie en Arabie Saoudite. Elle me les a données en cachette et en me demandant de ne pas dire que c'est elle qui me les avait données.
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Merci, monsieur le président.
Je vous souhaite la bienvenue.
C'est une histoire très pénible. Pour moi, c'en est presque devenu une affaire personnelle parce que j'ai passé six mois en Arabie saoudite en 1979. Dans les cinq jours qui ont suivi mon arrivée, un criminel présumé a été décapité. Il y a eu des amputations. C'était un choc culturel absolument terrible.
À bien des égards, nous sommes en fait partie d'un choc culturel ici. L'Arabie saoudite est une royauté et dans ce pays, les droits de l'homme l'emportent sur les droits de la femme. Nous n'adhérons évidemment pas à ces idées, mais si nous prenons en compte ce qui se passe... Si on compare certains éléments avec ce qui se passe au Canada, lors d'un différend familial, si un conjoint ou une conjointe veut faire sortir un enfant d'une province, il ou elle doit en demander l'autorisation.
J'écoute les témoignages et il m'apparaît que les documents en Arabie saoudite semblent très embrouillés. Quelqu'un a fait des erreurs, involontairement ou de manière délibérée.
Quand je vivais là-bas, j'ai pu constater qu'il a y une journée pendant laquelle le roi tient audience et reçoit tous les Saoudiens qui souhaitent lui présenter une requête. Ce qui me frappe, c'est que la seule solution qui nous reste peut-être bien, c'est une requête directe au roi.
Madame Adam, vous avez dit, je pense, que des négociations étaient en cours. Suggériez-vous que le gouvernement canadien est en train de négocier d'une manière ou d'une autre avec le gouvernement saoudien? Savez-vous qui y participe?
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C'est pourquoi j'essaie d'en venir aux contradictions.
Je voudrais souligner une autre contradiction. C'est dommage que nous ne disposions pas de plus de temps parce que j'aimerais en entendre plus et discuter plus avant.
Voici l'affidavit, rédigé par Nathalie, que vous avez distribué. Dans votre déclaration, madame Adam, vous dites que Nathalie a eu une conversation avec le secrétaire parlementaire, M. Obhrai, et vous avez affirmé clairement que M. Obhrai a déclaré qu'il ferait son possible pour l'aider, est-ce exact? Et pourtant, dans cet affidavit à la page 3, on lit le contraire.
Je vais encore une fois me répéter; j'ai travaillé dans ce domaine pendant de nombreuses années. Très souvent, une histoire a deux versions pour la même histoire et quelque part entre les deux se trouve la vérité, étayée par tous les faits et observations qui ont été rassemblées. Je voudrais découvrir la vérité aujourd'hui parce qu'il y a là un certain nombre de contradictions, je pense. Je n'ai pas le temps d'aborder les autres, mais je veux mentionner deux choses qui ont été dites et qui sont, encore une fois, incohérentes.
Nous avons évoqué l'état de l'appartement qui était sordide, et pourtant, cette vidéo d'Enquête au Québec dont parle M. Dorion prouve clairement que cet appartement, bien que de taille modeste, n'est absolument pas sordide. En fait, j'ai vu des endroits...