[Français]
Aujourd'hui, le 4 novembre 2010, nous tenons la 30e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
[Traduction]
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous étudions le traitement des minorités sexuelles en Ouganda.
Aujourd'hui, nous accueillons deux témoins qui représentent l'Alliance internationale ougandaise de la fierté. Conformément à une entente préalable, à laquelle tous les membres de notre comité ont consenti, l'identité de ces deux témoins ne sera pas révélée bien qu'il s'agisse d'une séance publique. Je rappelle à tous les membres de ne pas l'oublier.
Toutefois, nous tenons à insister sur le fait que tous ceux qui sont ici prennent la question très au sérieux et que nous sommes particulièrement intéressés d'entendre le témoignage de ces deux personnes.
Pour le bénéfice de nos témoins, je rappelle que nous accordons habituellement plus ou moins 10 minutes — ne nous sommes pas vraiment rigoureux à ce chapitre — pour votre déclaration d'ouverture et après quoi nous passerons à une série de questions venant des membres de notre sous-comité. Peut-être pourrais-je demander à nos deux témoins de se partager le temps entre eux et de commencer.
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Merci monsieur le président et merci aux membres du comité.
Je tiens à vous remercier pour le privilège et l'honneur que vous nous faites d'accepter d'entreprendre une étude sur les droits de la personne en Ouganda au nom des GLBT après que je vous ai présenté les préoccupations de l'Alliance internationale ougandaise de la fierté, plus particulièrement le cas de la réinstallation collective et l'application de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ou LIPR. Cette loi apporte actuellement une grande compassion qui vient renforcer le caractère national canadien, brillamment énoncé dans la partie 2 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. C'est ma source d'inspiration.
L'Alliance ougandaise de la fierté est préoccupée par la législation homophobe de l'Ouganda, qui contribue à l'augmentation de la violence, des fausses déclarations et des fausses accusations et qui amoindri les pouvoirs des spécialistes qui peuvent intervenir auprès de la collectivité des GLBT. Un journal ougandais a publié récemment un article comprenant une liste des gais et lesbiennes les plus connus du pays — à pendre, tel que le rapportait le Washington Post, la BBC, Fox News et d'autres sources d'information.
Cette semaine, lundi, CNN a rapporté que la plupart des gouvernements qui ont versé une aide à l'Ouganda et que les groupes de défense des droits de la personne qui ont exercé des pressions considérables depuis le dépôt du projet de loi il y a un an estiment que le projet de loi a été retiré. Tel n'est pas le cas a dit Bahati, ajoutant qu'il travaille chaque jour de sa vie pour faire adopter le projet de loi.
L'Alliance ougandaise de la fierté est un groupe de soutien axé sur la collectivité. Elle a pignon sur rue au 519, rue Church, avec le centre communautaire, et compte environ 70 membres en règle. Elle soutien surtout des personnes originaires de l'Ouganda et d'Afrique de l'Est, mais des citoyens d'autres collectivités figurent aussi parmi eux.
Les difficultés liées à l'obtention de l’installation collective et du statut de réfugié ne sont pas nouvelles. Le plus récent débat a porté sur le rôle de la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés et a engagé les Canadiens. Je me suis rendu compte que le parrainage privé que favorise le gouvernement dans la Loi ne pourrait pas fonctionner pour une réinstallation de groupe, sauf pour des groupes de cinq à 10 personnes.
Chaque personne qui a communiqué avec l’Alliance internationale ougandaise de la fierté, même en sachant que l’Alliance n’était peut-être pas capable de permettre aux GLBT de fuir le danger, était désespérée et traumatisée. On m'a mis au défi de faire quelque chose par l'entremise de l'Alliance, qui n'a pas de moyens financiers. Je voulais que des organisations établies fasse le travail pour nous, mais les choses ne bougeaient pas aussi rapidement que nous aurions voulu ou encore il ne se passait rien du tout. J'ai constaté que je devais entreprendre une quête inconnue et encore moins espérer des résultats positifs, mais je l'ai fait tout de même pour démontrer qu'il faut tenter l'impossible et qu'il ne faut être pessimiste.
D'entrée de jeu, mes travaux de recherche m'ont montré que l'information sur l'Afrique est souvent absente dans les discussions au sujet de l'octroi de l'asile aux GLBT et qu'il y a très peu de renseignements provenant de sources canadiennes pour faire une analyse complète et équilibrée de ces questions manifestement complexes. J'ai dû me tourner vers d'autres sources pour préparer mon exposé aujourd'hui de sorte que l'on puisse prendre en compte l'urgence de la réinstallation collective des GLBT d'Ouganda.
Je me suis aussi inspiré de la Note d’orientation du HCR sur les demandes de reconnaissance du statut de réfugié relatives à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre comme fondement important du renforcement de la protection des personnes exposées à des persécutions ou à des menaces fondées sur l’orientation sexuelle ou sur l’identité de genre.
La International Gay and Lesbian Human Rights Commission et asylum.org, qui sont des sources d'information crédibles, ont fait état d'une intensification des persécutions contre les GLBT. Les grandes agences d'information ont par conséquent fait état de persécutions à l'endroit des GLBT en Ouganda et ailleurs dans le monde.
Je prie le Canada d'offrir la réinstallation collective sans délai aux GLBT de l'Ouganda, ce qui peut aussi comprendre des résidents d'autres pays de l'Afrique. Il y a urgence d'apporter une réponse humanitaire à la violation des droits de la personne.
J'ai fait du lobbying auprès du gouvernement dans le cadre de ma campagne pour la réinstallation collective des GLBT persécutés de l'Ouganda alors qu'une motion présentée par le nouveau néo-démocrate Bill Siksay a été adoptée à l'unanimité des voix à la Chambre des communes le 24 mars 2010. Cette motion demande au gouvernement du Canada de continuer de dénoncer le projet de loi anti-homosexuel de l'Ouganda.
Cette campagne m'a aussi permis de communiquer avec d'autres parlementaires — mon député Peter Braid et le député Bill Siksay — et de demander aux députés de tous les partis de chercher d'autres appuis. Je tiens à remercier M. Peter Braid et son bureau, de même que M. Bill Siksay et son bureau pour leur soutien.
Le premier ministre Stephen Harper a parlé des préoccupations réelles du Canada et de la forte opposition du pays à ce projet de loi. Même la secrétaire d'État des États-Unis Hillary Clinton a dit à l'occasion du mois de la fierté des GLBT qu'à certains endroits, la loi permet d'user de violence contre les collectivités de GLBT et que cela est exaspéré par les appels publics à la violence. Cette violence insidieuse persiste même en privé.
Je me préoccupe surtout de la délivrance de visas, des critères d'admissibilité au statut de réfugié et de savoir si le parrainage du gouvernement canadien et le soutien du Programme d’aide pour la réinstallation seront accordés.
De plus, les règlements pris en vertu de l'article 150 de la LIPR exigent qu'une demande de visa de résident permanent en vue d'une réinstallation soit accompagnée d'une recommandation d'un organisme, d'un établissement du gouvernement ou d'un engagement de parrainage privé. Le but ultime est de trouver une solution durable, c'est-à-dire la réinstallation collective.
Quand il est question de GLBT persécutés, certains sont déplacés à l'intérieur du territoire et ils doivent se cacher et se déplacer d'un endroit à l'autre.
Au total, j'ai reçu 201 demandes d'aide pour le libre passage au Canada. La plupart des demandeurs ont fourni une déclaration initiale à ma demande, expliquant pour quel motif ils avaient besoin d'obtenir notre soutien. Les lignes directrices et les parties 17 et 18 du document GLBT/HIV Asylum Manual, préparé par Immigration Equality aux États-Unis, exigent que les minorités sexuelles fournissent une description de leur persécution. Cent quarante-neuf personnes ont répondu malgré les difficultés de communication et les guerres. Par contre, je n'ai pas eu de nouvelles des 51 autres demandeurs. Une personne a réussi à gagner la Suède.
Je n'ai aucune garantie de pouvoir rejoindre les 149 personnes qui sont toujours en contact avec nous. C'est une mission humanitaire que j'aimerais mener à bien pour la réinstallation collective des GLBT. Je cherche à obtenir l'assurance que le Canada interviendra et mettra à exécution son programme de protection d'urgence pour répondre aux 200 demandes référées par l'Alliance.
Je tiens des dossiers sur chacun des GLBT que j'ai pu identifier. Il me reste à rencontrer des GLBT du Kenya voisin pour préparer leurs demandes de résident permanent, surtout dans le cas surtout des personnes qui n'ont pas accès à un ordinateur. Bien que, normalement, les agents des visas intervieweraient les demandeurs au cas par cas, conformément aux dispositions de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, le groupe des GLBT présente une demande d'asile collective.
De toute évidence, la réinstallation collective convient mieux aux GLBT. Le processus est beaucoup plus rapide puisqu'il permet à l'Alliance ougandaise et au Canada d'identifier rapidement un grand nombre de réfugiés qui fuient les persécutions et qui sont assujettis à des conditions similaires et parce que ces personnes sont toutes membres d'un groupe particulier. Le Canada s'est servi de cette approche dans le cas des réfugiés du Karen et du Bhoutan. Le Canada dispose d'un programme de protection d'urgence pour répondre aux demandes urgentes de l'Alliance ougandaise, même si nous ne sommes pas une ONG très connue. C'est la raison pour laquelle j'en appelle au gouvernement et aux divers députés pour les prier de soutenir la demande de réinstallation collective.
Les GLBT qui ont besoin d'une protection urgente et qui peuvent formuler des craintes graves en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre devraient avoir droit à une admission accélérée ou à un traitement direct d’admission en vertu des règles du Canada concernant le statut de réfugié. La plupart des réfugiés admissibles qui demandent leur réinstallation au Canada sont censés le faire en vertu de la Convention de Genève. Toutefois, le comité devrait être en mesure de reconnaître que les personnes déplacées doivent fuir leur résidence, mais que contrairement à d'autres réfugiés elles restent à l'intérieur des frontières de leur propre pays. Une fois que les GLBT de l'Ouganda peuvent franchir les frontières internationales, ils auraient le statut de réfugié, particulièrement si le Haut-commissariat du Canada établi au Kenya devait traiter les demandes de visa de résidence permanente pour la réinstallation.
Pour résumer, disons que le sénateur des États-Unis Kirsten Gillibrand, de New York, membre du Comité des relations étrangères du Sénat, s'est adressé à la secrétaire d'État Hillary Clinton pour lui demander ceci: « Là où les conditions ne sont pas sécuritaires, les États-Unis et les Nations Unies doivent travailler avec les groupes de réfugiés et de défense des droits de la personne pour accélérer le passage des réfugiés vers des lieux sécuritaires ». Et dans une lettre le ministre des Affaires étrangères Lawrence Cannon a invoqué le fait que la politique étrangère intégrale du Canada favorise la promotion et la protection des droits de la personne.
Dans ces circonstances, dans quelle mesure votre comité est-il disposé à soutenir le passage de l'Ouganda vers le Canada des GLBT qui demandent l'asile? À quel moment est-il approprié pour le Canada de faire une intervention humanitaire et d'agir dans le but de protéger les GLBT contre une catastrophe, des persécutions et des crimes contre l'humanité? Les réfugiés qui ont fui les répercussions sur la base de leur orientation sexuelle sont parmi les plus vulnérables, puisque les persécutions les suivent souvent au-delà des frontières. Pour certains, la réinstallation est la seule solution viable.
Je demande donc à votre comité de recommander au ministre la réinstallation de groupe des GLBT de l'Ouganda
Merci beaucoup.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens aussi à remercier les témoins de leur présence et de nous présenter un dossier probant et non seulement de nous parler de ce qui se passe en Ouganda. Je pense que nous conviendrions tous nous sommes un peu étonnés par le projet de loi que l'on cherche à faire adopter et aussi par les lois punitives qui existent à l'endroit des gais et des lesbiennes.
Il est malheureux qu'en ce siècle il y ait toujours un si grand nombre de pays dans le monde où le simple fait d'être soi-même, le fait d'être gai et le fait d'être lesbienne signifie également que vous êtes considérés comme des criminels et que vous risquez d'être punis en vertu de diverses lois.
Selon moi, votre exposé est important — et j'aimerais que nous ayons un débat plus approfondi à ce sujet — parce que vous avez dit au Canada qu'il ne s'agit pas simplement de ce qui se passe en Ouganda, mais aussi ce que le Canada et le gouvernement du Canada peuvent faire pour aider les personnes qui fuient la persécution parce qu'elles sont gaies.
En tant que comité, nous pourrions probablement déterminer si nous pouvons intercéder en votre nom auprès de la CISR et aussi auprès du ministre de la Citoyenneté pour que les personnes qui fuient puissent obtenir une audience complète et appropriée, et que l'on tienne aussi compte que leur situation en Ouganda qui est plutôt alarmante pour les gais et les lesbiennes.
Je sais que le ministre Kenney a également travaillé de très près avec les gais et les lesbiennes qui fuient l'Iran et qui passent par la Turquie, particulièrement ceux et celles qui ont été désignés comme réfugiés et à qui on a autorité l'accès au Canada. Nous en sommes très heureux.
Je pense que la présente situation est aussi mauvaise, sinon pire. Le gouvernement fédéral et nous tous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour aider à faire entrer au Canada les personnes qui fuient la persécution, et leur accorder le statut de réfugié légitime.
Je me demande si vous pouvez nous parler brièvement de deux choses. D'abord, y a-t-il des organisations ou des partenaires en Ouganda avec lesquels nous pouvons travailler et qui pourraient faciliter le traitement des demandes d'asile au Canada? Deuxièmement, vous avez tenu des discussions avec d'autres organisations, par exemple celle que j'ai mentionnée, et qui s'occupent de faire venir au Canada des Iraniens qui fuient la persécution?
Je suis en contact avec plusieurs organisations en Ouganda, mais elles ne me donnent pas d'idée claire de ce qu'elles veulent que l'on fasse. J'ai communiqué avec le gouvernement, avec votre comité et avec le Parlement parce je reçois de nombreuses demandes de particuliers. Au début, ce sont cinq personnes qui ont communiqué avec moi. Puis, il y en a eu dix, et le nombre s'est accru, passant de 20, à 30, à 50, et ainsi de suite.
À cette époque, je leur disais que nous étions incapables de les aider faute d'argent. Nous ne sommes qu'un groupe social au Canada et nous ne savions pas comment nous pourrions aider.
Néanmoins, alors même que nous étions incapables de les aider, les demandes de statut de réfugié continuaient d'affluer. Cela m'interpellait. Que pourrions-nous faire à ce sujet? J'ai approché certaines organisations ici au Canada qui, je l'espérais, pourraient nous aider. Malheureusement, je n'ai pas eu de réponse. Amnistie Internationale m'a dit ne pas pouvoir demander à un gouvernement quelconque d'expédier le transfert de réfugiés. Tout ce que l'organisme peut faire est de demander au gouvernement de faciliter l'attribution du statut de réfugié aux personnes qui sont déjà au pays, de leur donner une audience équitable et de traiter leur demander dans des délais raisonnables.
Quand j'ai pris conscience que je n'obtenais pas les réponses dont j'avais vraiment besoin — le nombre des personnes qui communiquaient avec moi était passé à 100 — j'ai commencé à explorer d'autres avenues afin de trouver comment aider ces personnes. Il s'agissait de gens comme moi. Ce n'étaient pas des activistes que tout le monde cherchait de défendre. Par conséquent, ma campagne a toujours été de savoir comment aider ces personnes à venir au pays, une tâche difficile.
Présentement, il y a beaucoup de gais et de lesbiennes en Ouganda, mais je m'intéresse surtout à ceux qui ont communiqué avec moi parce que ce sont des personnes déprimées, stressées, traumatisées. Je suis sûr que plusieurs autres personnes n'ont même pas communiqué avec moi parce qu'elles ne savent pas qui peut les aider. Selon un article paru récemment dans un journal, ces gens demandent aux citoyens des États-Unis de présenter une pétition au département d'État pour l'émission de visas à ces 100 personnes. Nous ne savons pas ce qu'il adviendra de cette démarche.
Présentement, je suis déconcerté. Tout ce que je puis faire est de vous demander, à vous les membres du comité, de demander en notre nom au gouvernement d'accélérer ce processus d'admission. Et je pense ici à ces 200 personnes. Bien que je ne sois même pas certain que je pourrai communiquer avec ces 200 personnes — je n'en suis pas certain — je dirais que si nous parvenons à faire venir 150 personnes au Canada, ce serait merveilleux. À tout le moins, nous aurons fait une bonne oeuvre.
Pour répondre à la question iranienne, je n'ai pas eu de contact avec quiconque pour savoir qui fait quoi pour les gais et lesbiennes d'Iran. Non, je n'ai pas eu de contact avec eux, donc je ne puis me prononcer.
Il n'y a pas de réponse facile à votre question. Il existe plusieurs théories pour expliquer comment cela s'est produit. J'aimerais pouvoir écrire une thèse en réponse à votre question et vous fournir les diverses réponses.
Le problème est que récemment — cela a même été rapporté sur CNN ce député, lui-même, a dit qu'il ferait tout en son pouvoir pour que ce projet de loi puisse être adopté. Comme je l'ai écrit dans mes notes d'allocution, la plupart des gouvernements qui ont accordé une aide à l'Ouganda et les groupes de défense des droits de la personne qui ont exercé des pressions considérables depuis le dépôt de ce projet de loi, il y a un an, estimaient que le projet de loi avait été mis en suspens. C'est ce que nous pensions tous. Puis, tout à coup il y a eu la publication dans les journaux des noms de 100 personnes, les représailles, les personnes qui se cachent.
Le gouvernement lui-même ne met aucune mesure de l'avant. Il se contente de dire aux gouvernements occidentaux qu'il fait tout ce qu'il peut pour protéger ces particuliers. Sur le terrain, rien ne se fait. Les gens font leur propre loi.
Vous pouvez dire que ce comportement est traditionnel, vous pouvez aussi dire que c'est la faute des prêches religieux issus des États-Unis qui cherchent à dire que l'Afrique servira d'exemple au reste du monde, qu'ils ne sont pas d'accord avec les problèmes des gais et des lesbiennes.
Honnêtement, il est difficile de répondre à votre question. Le problème c'est que nous ne savons pas vraiment ce qui se produira. Si des gens sont persécutés, même aujourd'hui, et si le gouvernement n'adopte aucune mesure pour les protéger, peut-être s'agit-il au mieux d'une attitude barbare.
Je tiens à vous dire que votre courage m'impressionne, et surtout votre présence devant notre comité aujourd'hui — bien que nos travaux ne soient pas télédiffusés, le compte rendu en témoignera — et la compassion dont vous faites preuve à l'endroit de ces bonnes âmes dans ce pays.
Vous avez mentionné dans votre exposé qu'il y a 201 personnes qui pourraient souhaiter venir spécifiquement au Canada. Dans l'ensemble, combien de personnes au total pourraient, dans un avenir prévisible, chercher à quitter le pays en raison de la situation qui y règne? C'est ma première question. Ensuite je vous soumettrai quelques autres éléments et vous pourrez peut-être me répondre.
Vous avez utilisé le mot « barbare » il y a un moment. Je me demande comment une société peut en arriver là. J'ai 63 ans. Quand j'étais enfant, je me rappelle que les gais et les lesbiennes étaient l'objet de blagues et de « ricanements » et de toutes ces petites choses subtiles, mais nous n'en sommes jamais arrivés là, du moins pas dans ma collectivité, au point où ces personnes étaient à risque de préjudice corporel. Peut-être que cela pouvait se produire ailleurs, mais notre pays a fait beaucoup de chemin.
Pour en revenir à l'Ouganda, il me semble que pour qu'une loi en arrive aussi loin dans le processus d'adoption, il faille un consensus beaucoup plus large contre les gais et lesbiennes dans la collectivité. J'aimerais bien avoir vos observations sur l'ampleur du phénomène.
Si ces personnes devaient venir au pays, je suppose qu'il y a des organisations établies dans les collectivités gaies au Canada qui pourraient les aider. Peut-être pourriez-vous nous parler de certaines d'entre elles, de celles que vous estimez pouvoir jouer un rôle quand ces gens arriveront chez nous.
Je m'en tiendrai à cela pour le moment, parce qu'il y a plusieurs éléments et que je veux vous laisser la chance de répondre.
Les rapports nous indiquent que les gais et lesbiennes font couramment l'objet de harcèlement et de discrimination et sont souvent emprisonnés. Cela se produit depuis un certain temps déjà.
Vous nous avez soumis une série de points très importants et de détails très techniques, et le président et moi avons parlé de certains de ces points. Demain, notre comité devra probablement déposer une motion qui permettrait d'aborder certains de ces points techniques.
Bien que nous n'ayons pas cette motion dès aujourd'hui, nous espérons être en mesure de travailler avec le personnel afin d'en arriver à une solution. En collaborant avec vous, nous pourrions également arriver à une motion qui aborderait certains de vos points techniques, ceux que vous avez soulevés aujourd'hui. En tant que comité, c'est ce que nous pourrions faire. Je vous demanderais de rester en contact avec nous.
J'aimerais également que vous nous fournissiez une description de ce qui se produit et aussi de la façon dont ces opinions ont pu être formulées. Cela m'intéresse particulièrement, à titre de gai, parce que j'ai parfois beaucoup de mal à comprendre. Les médias ont publié des articles sur le fait que les Ougandais estiment que l'homosexualité leur est venue des puissances occidentales. Il y a aussi ceux qui disent que la situation est le fait de certaines des églises évangéliques chrétiennes aux États-Unis et qui alimentent le problème. De manière générale, les Africains ont une perception négative de l'homosexualité. Qu'en est-il au juste? Nous avons entendu bien des choses différentes à ce sujet, mais nous ne savons pas exactement où se situe la vérité, parce qu'il s'agit surtout de ouï-dire.
Pour répondre à votre question, je pourrais commencer par la façon dont les Britanniques ont criminalisé l'homosexualité; c'est un argument en soi. Ensuite, nous pourrions parler des évangélistes eux-mêmes, qui sont fort nombreux à se rendre en Ouganda. Ils y sont présents. Il faut également tenir compte du fait que l'Ouganda est un pays chrétien, très chrétien. J'ai été élevé comme chrétien et comme catholique de sorte que j'ai une assez bonne idée de ce qui se passe au sein de la collectivité.
Il y a aussi un élément que je ne saisis pas bien. Je ne comprends pas d'où vient cette haine. Il y a aussi des cas de chantage: « Si tu ne me donnes pas d'argent, je te rapporterai aux autorités ». Vous êtes alors à la merci de la personne qui fait du chantage. D'autre part, si vous ne voulez pas souffrir la honte — vous avez un travail à protéger, vous avez des études à terminer — vous pouvez soit céder au chantage, soit souffrir des conséquences d'être rapporté aux autorités et d'être emprisonné, par exemple, et être obligé de fuir le pays.
Il y a donc plusieurs éléments qui entrent en ligne de compte et tout le monde a sa propre opinion. Les évangélistes eux-mêmes sont très puissants. Ils ont de grosses églises, amassent des dons importants et disent que la situation est terrible. Ils donnent des vêtements à ces gens, parce qu'ils ont de l'argent. On leur inculque que c'est mauvais et que c'est ce que dit la Bible.
Mais je comprends très bien la Bible. Je l'ai étudiée de près pour savoir à quel endroit dans la Bible on condamne homosexualité et ainsi de suite. Les gens sont naïfs parce qu'ils croient comprendre des choses qui ne sont que des enseignements. Personnellement, quand je parle à des gens individus et que je leur dis que Sodome et Gomorrhe font référence à cette situation particulière, ils semblent émerveillés par l'information que je leur fournis, parce que les soi-disant écoles du dimanche ne vous donnent pas ces renseignements-là. On ne vous donne que les renseignements de base.
Il est donc très difficile de mettre le doigt sur le problème. Je ne sais pas jusqu'où le problème remonte, mais je puis vous dire qu'il est bien ancré dans la collectivité. Si vous faites un peu de recherche, vous verrez que c'est bien le cas.
On a rapporté que l'un de nos rois locaux, décédé il y a longtemps, était gai et se cachait. Il avait l'habitude de faire venir des garçons chez lui. Vous voyez le genre. Mais il était roi. Peut-être était-il exceptionnel en ce sens parce qu'il était roi.
Il est très difficile de mettre le doigt sur le problème.
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Merci, monsieur le président.
Je pense que nous cherchons tous à parler de la situation des membres de la collectivité des GLBT en Ouganda. Je comprends cela. Mais en ce qui a trait au ton des échanges, je dois vous préciser, avant même de poser quelque question que ce soit, que de nombreuses personnes adhèrent à la foi chrétienne et qu'elles pourraient être en désaccord avec le style de vie en cause, mais qui n'iraient jamais jusqu'à poser un geste répréhensible ou à persécuter ou à faire quoique ce soit d'autre. Je pense qu'il est important de le préciser. De fait, plusieurs personnes en sont convaincues et chercheraient à défendre les témoins qui sont ici de même que la collectivité qu'ils cherchent à défendre. J'estime que cela doit être établi clairement.
Je suis préoccupé par les personnes qui vous appellent, mais je suis aussi préoccupé par la situation à plus long terme en Ouganda, par le sort de la collectivité des gais et des lesbiennes, des bisexuels et des transgenres. De même je sui spréoccupé par les conséquences à long terme pour le gouvernement, et aussi pour les divers niveaux de gouvernement et la police dont vous parlez, qui semblent être en mesure de manipuler l'opinion publique.
Mes collègues vous ont posé des questions au sujet de l'application de la loi. Il me semble qu'il y a une vague culturelle contre la collectivité des GLBT, et que les policiers manipulent très bien l'opinion publique. Y a-t-il un réseau croissant d'ONG à travers le monde qui travaillent non seulement à défendre la collectivité des GLBT, mais qui luttent également pour que l'on apporte des changements au sein de la collectivité et aux lois elles-mêmes?
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Merci de poser cette question, monsieur Sweet.
Oui, il y a bien quelques ONG qui tentent de faire tout le bien possible dans la collectivité, mais nos efforts pour tenter de faire adopter une loi, pour que l'on apporte certains changements ont été un échec. Nous avons dû quitter le pays.
Un de ceux qui ont quitté le pays, celui qui a pu se réfugier en Suède, avait une clinique. Je n'ai pas les détails du financement qui lui était accordé, mais je pense qu'il obtenait un financement quelconque pour l'aider à soutenir la collectivité des GLBT à faire face au VIH et à d'autres maladies. Cette clinique soutenait la collectivité des GLBT. Il a dû abandonner sa clinique. Il ne pouvait plus l'exploiter parce qu'il était pourchassé, parce qu'il était victime de harcèlement. Il a été détenu à quelques reprises, il a été exclu trop souvent et il a été humilié dans sa propre collectivité et auprès de sa famille. Soit dit en passant, il est musulman. Par conséquent, vous pouvez imaginer ce qu'il a dû subir. Il s'agit donc de quelqu'un qui avait une clinique, qui pensait pouvoir faire beaucoup de bien et aider la collectivité, mais son travail était entravé. Il a dû quitter et tout abandonner.
Ce n'est pas le premier à avoir été obligé de le faire. Comme plusieurs autres avant lui qui ont quitté le pays, et même ceux qui s'y trouvent toujours, chacun fait sa petite part pour que le changement survienne. À tout le moins, les activistes sont un peu protégés au cas où les choses empireraient, car ils peuvent se rendre rapidement à l'ambassade des Pays-Bas, à l'ambassade de France et y demander une protection immédiate, parce que ce sont des personnes déjà connues. Ce sont plutôt les personnes silencieuses qui ne sont pas connues et qui sont vraiment celles qui souffrent.
Voilà donc la situation actuelle.
:
Merci, madame Deschamps. Vous posez une très bonne question.
J'ai consulté les critères pour l'obtention d'un visa de même que la réglementation en vigueur. Il n'y a rien qui permette à un réfugié de se présenter dans une mission pour demander l'asile. Il n'y a presque rien. Au moment même où je cherche à amener ces 200 personnes au Canada, le problème qui se pose est tellement technique que cela en est frustrant. Si j'avais été dans la même situation il y a longtemps et que j'avais tenté d'obtenir un visa pour aller au Canada, ma demande n'aurait jamais été traitée. Le processus est tellement obscur. Tout est caché. Vous ne pouvez rien obtenir.
Je vous ai parlé de l'article 150 et des règlements. Si vous faites une demande de visa pour obtenir l'asile, sachez que le règlement est très clair à ce sujet. Vous devez accompagner le formulaire d'une demande de résidence permanente. Si vous faites une demande de résidence permanente, vous devrez y annexer une déclaration et vous devrez y ajouter d'autres éléments — si vous savez ce que vous faites.
C'est la raison pour laquelle je vous demande de m'autoriser à aller dans le pays voisin, le Kenya, pour aider ces personnes. J'ai déjà préparé les dossiers de ces personnes parce que je sais ce qu'il faut faire. Mais pour ce qui est autres personnes... Je ferai entrer les 200 personnes, mais qu'arrivera-t-il des 200 autres et des 500 autres? Elles trouveront les démarches quasi impossibles à mener à terme.
Quand j'ai moi-même pris contact avec la collectivité et avec des organisations établies, plusieurs personnes étaient démunies, n'avaient aucune information et ne savaient pas comment procéder.
M. Silva a mentionné l'Iran. Certains ont fait beaucoup de travail en Iran. Les renseignements n'étaient pas faciles à obtenir. Même les renseignements sur les réfugiés actuels, sur la façon dont ils ont été amenés ici, sur les réfugiés bhoutanais sont très obscurs. Je dois me rendre à l'université pour faire des recherches, pour trouver des renseignements. C'est un travail très technique.
Pour ce qui est de se rendre dans une mission canadienne pour demander l'asile, je vous dirais que certains l'ont fait, mais on leur a refusé le droit d'asile parce qu'ils avaient soumis le mauvais formulaire. Vous cherchez à obtenir l'asile et vous avez apporté une demande de visa. L'agent des visas étudiera ce qu'il aura devant lui. Peut-être aura-t-il une certaine marge de manoeuvre. Si je suis agent des visas et gai, je pourrais exercer mon pouvoir discrétionnaire et dire à cette personne « Oui, je comprends, et vous devriez faire ceci, cela et cela ». Mais personne n'est disponible pour vous donner l'information. Tout est trop technique. Oui, il devrait y avoir une disposition quelque part pour encourager les gens à s'adresser à une mission pour obtenir de l'aide.
J'ajouterais que ces missions peuvent être intimidantes, compte tenu des mesures de sécurité qui l'entourent. Vous devez franchir un, deux, trois barrages. On vous demande pour quelle raison vous vous présentez là et vous devez répondre que c'est pour un visa, pour quoi toute autre raison. Déjà, vous devez divulguer des renseignements sur ce que vous souhaitez obtenir de la mission. Le personnel vous intimidera. J'aurais peur de divulguer à un agent des visas de la mission que je veux faire une demande d'asile. On ne me laisserait pas aller plus loin.
C'est ce dont je discute avec le professeur LaViolette à l'Université d'Ottawa. Elle reconnaît ces problèmes. Il y a beaucoup à faire, mais si le Canada peut m'aider avec le PPU, le Programme de protection d'urgence, je sais ce qu'il faut faire: il faut faire venir les 200 personnes. C'est fantastique. Je sais maintenant ce qu'il faut faire.