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Bonjour. Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui. Comme on vient de vous l'indiquer, je m'appelle Peter Ash, fondateur et président d'Under the Same Sun, une organisation non gouvernementale internationale canadienne. Enregistré comme organisme philanthropique au Canada, notre groupe a également des bureaux à Dar es Salaam, en Tanzanie.
Comme vous l'aurez peut-être déduit par ma présence, je suis atteint d'albinisme, un trouble génétique rare qui touche une personne sur 20 000 en Amérique du Nord, mais qui est beaucoup plus fréquent en Afrique de l'Est. Cette affection est souvent mal comprise dans la société.
La Tanzanie est le théâtre d'une violation flagrante des droits de la personne. Dans ce pays, l'albinisme est bien plus fréquent, touchant une personne sur 1 000. Pour dire les choses simplement, les personnes atteintes d'albinisme sont victimes de crime contre l'humanité.
Le trouble génétique se caractérise, vous l'aurez constaté, par une absence de pigment dans mes cheveux, ma peau et mes yeux. La plupart des personnes atteintes d'albinisme ont en outre une déficience visuelle marquée.
Le problème, c'est que dans la plupart des cultures non caucasiennes, particulièrement les cultures africaines, cette affection est entourée d'un grand mythe, d'opprobre et de discrimination. En Tanzanie et dans d'autres régions de l'Est, de l'Ouest et maintenant du Sud de l'Afrique, on croit communément que les personnes atteintes d'albinisme possèdent des pouvoirs mystiques ou magiques. Cette croyance discriminatoire, selon laquelle les albinos sont des êtres inférieurs et maudits, a évolué à un point tel que dans certaines régions d'Afrique, les adeptes de la sorcellerie affirment qu'en obtenant et en utilisant des parties du corps de personnes atteintes d'albinisme avec une série de potions magiques, on peut acquérir des pouvoirs magiques. Des hommes et des femmes d'affaires, des politiciens, parfois, et des policiers feront souvent appel à des sorciers dans l'espoir d'obtenir réussite et pouvoir.
La menace qui s'est développée en Tanzanie ces deux dernières années a conduit au massacre brutal de 58 personnes atteintes d'albinisme, qui ont été mises en pièces pour leurs parties du corps. Neuf autres victimes ont été estropiées et ont perdu des membres. En outre, nous avons eu vent d'au moins 10 cas de profanation de sépultures, où les restes de personnes atteintes d'albinisme ont été volés.
Bien sûr, le problème est aggravé par le fait que l'exportation de parties du corps s'étend dans toute l'Afrique. Tout indique maintenant que plusieurs pays de l'Est, de l'Ouest et du Sud de l'Afrique, comme le Burundi, la Tanzanie, le Kenya, le Swaziland, le Mali, le Malawi et la Guinée, pour n'en nommer que quelques-uns, ont un marché noir tentaculaire. Il semble que ce genre de crime soit en pleine expansion.
Mon objectif, dans le cadre d'Under the Same Sun, consiste à attirer l'attention du monde sur ce qui est, pour reprendre les mots de Ban Ki-moon, secrétaire des Nations Unies, une violation flagrante des droits de la personne.
Je tiens à prendre quelques instants pour vous raconter une brève histoire. Elle vous aidera à comprendre, probablement plus profondément que quoi que ce soit d'autre, ce qui se passe en Tanzanie.
Je me souviens de mon premier voyage là-bas, il y a environ deux ans maintenant, et de mon arrivée dans une petite ville du Nord-Ouest du pays, où j'ai visité l'humble masure d'une famille d'agriculteurs. La mère a commencé à me raconter qu'une nuit de 2008, quatre hommes se sont approchés de leur maison. Ces hommes, aperçus dans le voisinage, avaient demandé à Mariam, une petite fille atteinte d'albinisme, où elle dormait la nuit. Évidemment, comme l'aurait fait la plupart des enfants de six ou sept ans, elle a innocemment montré sa chambre du doigt en disant que c'est là qu'elle dormait. Elle est plus tard allée au lit, comme d'habitude. Et tout à coup, au milieu de la nuit, des coups sourds ont ébranlé la porte, qui s'est ouverte avec fracas.
Le drame s'est déroulé au matin. Mariam dormait à poings fermés avec son frère et sa soeur. C'est à ce moment que les hommes se sont précipités vers son lit. Ils ont d'abord examiné sa soeur, qui n'a pas d'albinisme et arbore un teint sombre. Ils l'ont immédiatement délaissée pour se diriger vers la droite, à l'endroit où Mariam dormait. Ils l'ont isolée dans une autre partie de la maison et l'ont clouée au lit. Un homme armé d'une machette a alors entrepris de lui trancher la gorge d'une oreille à l'autre, après quoi les tueurs l'on retournée et ont recueilli son sang dans une casserole. Sous les yeux des autres enfants, ils ont bu son sang.
Les hommes ont ensuite sorti une autre machette, qu'un nouveau comparse a utilisée pour trancher les quatre membres de Mariam.
Les tueurs ont enfourné les membres fraîchement coupés dans un sac emporté à cette fin avant de prendre la fuite, fort d'un butin qui leur rapporterait rapidement des milliers de dollars sur le marché noir.
Sachez en outre que Mariam avait un frère, Menyasi, son cadet d'environ un an, qui est lui aussi atteint d'albinisme.
Pour une raison quelconque — les tueurs ont peut-être manqué de temps ou ignoraient où il se trouvait —, il a été laissé à lui-même à l'autre bout de la pièce. Il s'est recouvert la tête, mais cette précaution ne l'a pas empêché de tout entendre. Quand il a quitté son lit, Menyasi a vu ce qui restait de sa petite soeur, qui avait été mise en pièces.
C'est la mère qui m'a décrit la scène, récit qu'ont par la suite confirmé l'oncle et la petite soeur de Maryam.
Mais le drame ne s'arrête pas là. Menyasi est maintenant menacé, lui aussi. Sa soeur a été massacrée, et il est également atteint d'albinisme. Que peut-on faire pour lui?
Les parents ont décidé de l'envoyer dans un pensionnat situé à quelque 100 miles de là, où il vit derrière des fils barbelés avec 105 autres enfants albinos. On les y entasse, dans des conditions terribles, simplement parce qu'ils ne sont pas en sécurité dans leurs villages. Ils ne peuvent pas fréquenter l'école, marcher dehors ou même dormir en paix dans leur lit.
La situation est maintenant grave en Tanzanie, où vivent des milliers de personnes atteintes d'albinisme. L'Organisation mondiale de la santé estimait, il y a plus de dix ans, que le pays comptait environ 170 000 albinos. C'est donc toute une population qui vit dans la peur, cachée dans les buissons et évitant de dormir chez elle. Ces personnes craignent d'aller au travail ou à l'école simplement à cause de la couleur de leur peau. C'est, à l'évidence, une situation qui exige une intervention rapide du gouvernement tanzanien.
Je me suis rendu à cinq reprises en Tanzanie, où j'ai rencontré trois fois le premier ministre. J'ai également rencontré une fois le juge en chef et plusieurs autres fonctionnaires. Le gouvernement nous assure qu'il fait ce qu'il peut. L'ennui, c'est que la justice bouge trop lentement. Des 58 meurtres qui ont été commis, seulement trois ont mené à une condamnation sur une période de deux ans. Les rouages de la justice tournent trop lentement.
Il faut que vous compreniez, mesdames et messieurs, que cette lenteur s'explique par l'ostracisme et la discrimination dont sont victimes les personnes atteintes d'albinisme en Tanzanie. On ne les considère pas comme des êtres humains, voyez-vous. Ce sont des êtres inférieurs, des citoyens de deuxième classe. La situation n'est pas sans rappeler ce qui s'est passé dans le Sud des États-Unis ou même chez nous, dans le cas des Autochtones et des Premières nations. Quand on commence à déshumaniser certaines personnes et à considérer qu'elles nous sont inférieures en raison de leur culture ou de leur couleur, il est alors facile de commettre des actes d'une horreur sans nom à leur endroit. Et c'est ce qui arrive aux albinos en Tanzanie, où ils sont victimes d'isolement, de discrimination et de manque d'emploi.
Quand j'étais en Tanzanie, moi et mes collègues atteints d'albinisme nous sommes fait traiter de zeru, un mot swahili signifiant zéro, invisible ou rien. Quand je me déplace dans ce pays, je voyage sous haute sécurité, non seulement parce que je suis atteint d'albinisme, mais parce que je dénonce haut et fort les massacres et la lenteur du système judiciaire.
Vous devez également comprendre qu'en Tanzanie, la sorcellerie n'a jamais autant fait d'adeptes. Une enquête que Pew a menée récemment indique que 93 p. 100 des Tanzaniens croient à la sorcellerie. Les sorciers sont donc des membres puissants et influents de la communauté. Compte tenu de l'importance de la sorcellerie et des sorciers, qui laissent croire que les parties du corps ont des pouvoirs magiques, nous sommes aux prises avec un ennemi terrible.
Je demande donc au gouvernement du Canada d'adopter une position claire et ferme en matière de droits de la personne et de s'élever à la défense des êtres faibles et vulnérables en envoyant un communiqué officiel au gouvernement de la Tanzanie par l'entremise d'une résolution de la Chambre des communes condamnant officiellement ces crimes. Le gouvernement américain s'est prononcé en adoptant la résolution 1088, et l'Union européenne a fait de même en 2008.
Je demande au gouvernement du Canada de condamner cette violence de façon claire et sans équivoque, et de prendre position en aidant le gouvernement de la Tanzanie à poursuivre plus rapidement et efficacement ceux qui commettent ces crimes contre l'humanité.
Merci.
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Pour répondre à votre première question au sujet de ce que le gouvernement de la Tanzanie fait, pour résumer, je dirais qu'il parle beaucoup, mais qu'il agit peu. Je le répète, j'ai rencontré le premier ministre à quelques reprises. La société et le gouvernement de la Tanzanie comptent de très bonnes personnes qui s'opposent vraiment à ces meurtres et qui considèrent les personnes atteintes d'albinisme comme des membres à part entière de la société. Or, nombre d'autres ne sont pas du même avis.
La meilleure analogie serait probablement la période de ségrégation et de discrimination que le Sud des États-Unis a connue à l'époque du mouvement pour la défense des droits civiques. Il y avait beaucoup de bonnes personnes blanches qui croyaient sincèrement à l'égalité des Noirs et qui s'opposaient à la discrimination qu'ils subissaient. Un autre groupe de Blancs, le Ku Klux Klan et ses alliés, croyait que les Noirs n'étaient pas humains et qu'ils ne méritaient pas les mêmes droits que lui, et ces Blancs se faisaient un plaisir de les brûler sur des croix. Enfin, il y avait un troisième groupe formé de personnes qui discriminaient dans une certaine mesure contre les Noirs, mais qui ne les auraient pas nécessairement tuer.
À l'époque, si vous aviez demandé aux représentants des États du Sud leur avis sur les Noirs, que pensez-vous qu'ils auraient répondu? Ils auraient tous dit que les Noirs sont égaux et qu'ils méritent d'être bien traités, et ils auraient déclaré être contre ces crimes. Pourtant, on brûlait tout de même des Noirs sur des croix.
La situation est très semblable en Tanzanie. Officiellement, le gouvernement de la Tanzanie, ce qui comprend le président Kikwete et le premier ministre Pinda, s'oppose aux meurtres des personnes atteintes d'albinisme; on affirme qu'ils doivent cesser et que ces personnes ne devraient pas faire l'objet de discrimination. Si vous téléphonez ou si vous écrivez à n'importe quel membre du gouvernement de la Tanzanie, c'est ce qu'on vous dira.
Or, ce qui se produit en réalité est tout autre chose. Pour vous donner un exemple, je parlais de nos activités de protection des droits de la personne à une foule de 32 000 personnes réunie dans le cadre d'un service religieux tenu à l'extérieur, en Tanzanie. Je m'exprimais en anglais, et le pasteur de l'église, un Tanzanien, traduisait vers le swahili. J'ai expliqué que les personnes atteintes d'albinisme sont des êtres humains égaux et j'ai dit que nous ne sommes pas « zeru, zeru », un terme péjoratif associé aux personnes atteintes d'albinisme.
Pardonnez-moi d'employer ce mot, mais pour les personnes atteintes d'albinisme, le terme « zeru » est analogue à celui de « nègre » pour les Noirs. L'expression est inacceptable, mais elle est employée en Tanzanie pour désigner les personnes atteintes d'albinisme. Même le pasteur, qui m'a donné une tribune pour parler du dossier, a employé le terme « zeru, zeru » pour me décrire. Nous avons donc là un homme très instruit qui s'intéresse à la question, mais qui est si mal informé et qui est imprégné de la discrimination exercée par sa culture envers les personnes atteintes d'albinisme depuis si longtemps que même lui utilise le terme.
Comme je l'ai déjà dit, les résultats sont éloquents: il y a eu 58 meurtres, enregistrés par leurs propres services de police. Or, en plus de deux ans, seulement trois de ces affaires ont abouti devant les tribunaux. Voilà donc toute l'importance qu'on attache au dossier.
Lorsque je demande pourquoi les affaires avancent si lentement, on me répond entre autres qu'il y a un manque de ressources. La Tanzanie est un pays pauvre, qui compte un nombre limité de palais de justice et de juges. Tout cela est vrai. La Tanzanie est bel et bien un pays pauvre, et elle nécessite véritablement davantage de tribunaux et de juges. Toutefois, dans l'histoire du pays, d'autres groupes ont été la cible de meurtres, des citoyens noirs ordinaires, et dans ces cas-là, la justice a suivi son cours environ 10 fois plus rapidement.
Je me suis adressé à des membres du gouvernement de la Tanzanie et je leur ai demandé: « Si 58 enfants noirs tanzaniens ordinaires étaient assassinés et démembrés de cette façon sur une période d'un an et demi, pensez-vous qu'il faudrait deux ans pour obtenir trois condamnations? » On ne me répond que par le silence, car les faits parlent d'eux-mêmes.
À mon avis, le gouvernement de la Tanzanie ne fait que nous donner un os à ronger. Il nous offre quelques condamnations. Il dénonce vigoureusement les meurtres. Cependant, je crois que des membres du gouvernement utilisent de la sorcellerie. Certains l'admettent publiquement; ce n'est donc pas juste une conjecture de ma part.
La sorcellerie a beaucoup de pouvoir. Il faut comprendre que pour que le gouvernement de la Tanzanie redresse la situation, il devra dénoncer des politiciens qui ont peut-être recours aux services de sorciers qui utilisent ces membres et ces organes.
Il y a donc beaucoup de corruption.
L'un des points que je devrais souligner, c'est que le Canada fournit bel et bien des fonds à la Tanzanie par l'entremise de l'ACDI. La dernière fois que je m'y suis rendu, en avril, j'ai discuté avec le haut-commissaire du Canada en Tanzanie, Robert Orr. Le Canada affecte beaucoup de fonds de l'ACDI à la Tanzanie, environ 40 millions de dollars, si je ne m'abuse. C'est un des pays de l'Afrique qui reçoit du financement.
Je pense donc que, de ce fait, nous pouvons exercer une certaine influence, car la Tanzanie dépend beaucoup de ce genre de contributions extérieures. Selon moi, nous pouvons rappeler cette réalité au gouvernement de la Tanzanie.
Une solution concrète mise en oeuvre par Under the Same Sun, qui est une ONG canadienne, comme vous le savez, c'est la production d'un documentaire d'une heure. En fait, nous avons embauché Cité-Amérique, une entreprise basée à Montréal, au Québec, pour ce faire. Elle a collaboré avec nous, et nous avons créé un film documentaire d'une heure au sujet des meurtres perpétrés en Tanzanie et de la discrimination dont les albinos sont victimes. C'est un film fantastique. Nous l'avons présenté à Vancouver samedi, et je serais heureux d'en offrir une copie à chacun des membres du comité. Il a été produit en anglais, en français et en swahili.
Nous allons créé ces films et les distribuer partout en Tanzanie, notamment dans les écoles et les bureaux gouvernementaux. L'ACDI pourrait collaborer avec Under the Same Sun pour produire et distribuer ces films en Tanzanie; elle pourrait aussi nous aider sur le plan des programmes d'éducation.
Under the Same Sun a un bureau en Tanzanie et nous tentons d'aider à sensibiliser la société, car quand les gens comprendront que les personnes atteintes d'albinisme sont des être humains égaux et non des fantômes et des malédictions, les meurtres finiront par cesser.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Ash, je vous souhaite la bienvenue. Cela fait quatre ans que je siège au comité, et c'est la première fois que j'entends un témoignage aussi convaincant et déchirant. Il est inconcevable qu'un enfant puisse être traité de la façon dont vous l'avez décrit plus tôt. Nous ne voulons tout simplement pas penser à ce qu'il est advenu de cet enfant.
Normalement, dans les pays occidentaux comme le Canada, une telle brutalité est associée à une forme de maladie mentale grave. Comme vous l'avez dit, la société a déshumanisé ces victimes à un point tel que la population en est venue à accepter toutes ces atrocités. Il est horrible de penser qu'une société puisse en arriver là.
En temps de guerre, par exemple, durant la Seconde Guerre mondiale, les militaires ont donné des surnoms aux groupes — geek, gook, kraut, jap ou autre — afin de les aider psychologiquement à commettre certains actes de guerre souvent nécessaires, étant donné qu'ils doivent s'engager dans un combat corps à corps avec l'ennemi. Mais si on revient en arrière et qu'on se met à penser que de tels actes peuvent être commis sur un enfant — il est même difficile d'en trouver les mots pour en parler.
Comme vous l'avez laissé entendre, les croyances sont bien enracinées dans la société. Alors qu'un homme avec qui j'ai travaillé pendant 30 ans, un militant pour la paix, payait à un comptoir, il a demandé qu'on lui remette les 5 ¢ qui lui manquaient dans sa monnaie en déclarant, à la blague : « that's so hymie of me ».
Cet homme ignorait que « hymie » était un terme péjoratif pour désigner les Juifs. Il voulait simplement dire qu'il était pingre. Cela n'avait rien à voir avec la communauté juive.
Cette culture est profondément ancrée dans la société tanzanienne. C'est pourquoi il est primordial d'éduquer la population.
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Tout est dans la sensibilisation de masse, soit l'un des deux mandats d'Under the Same Sun. Nous sommes la seule organisation non gouvernementale internationale en Tanzanie qui se consacre à la défense des albinos. Récemment, nous avons eu la chance d'établir des partenariats avec la Croix-Rouge et UNICEF, qui nous ont toutes deux affirmé leur appui dans cette cause.
Notre objectif, comme je l'ai dit plus tôt, est d'éduquer les gens en diffusant notre film. Le plus grand réseau de médias privés en Tanzanie appartient à un homme du nom de Reginald Mengi, qui est devenu un bon ami. Il est un ardent défenseur des droits de la personne et de la communauté des personnes handicapées, et il m'a dit qu'il allait diffuser notre film sur la télévision tanzanienne aux heures de grande écoute.
Nous avons établi de solides relations avec les médias. La Tanzanie jouit d'une liberté de presse. C'est d'ailleurs l'une des belles choses à propos de ce pays; dans certains pays d'Afrique, la liberté de presse est inexistante. Elle a d'ailleurs constitué un atout majeur pour nous. Peu importe où j'atterris en Tanzanie, il y a toujours une dizaine de journalistes qui m'attendent pour m'interviewer.
Nous poursuivons un travail constant de sensibilisation auprès de la population. Nous soulignons la réussite des personnes atteintes d'albinisme en Tanzanie comme, par exemple, un de nos collègues qui est avocat et doyen d'une faculté de droit dans ce pays. Il est albinos et n'hésite pas à exprimer son point de vue.
Vous avez raison, tout est dans la sensibilisation à grande échelle. La situation ne changera pas du jour au lendemain. Comment Hitler a-t-il pu convaincre tout un pays de tuer des millions de Juifs? Parce qu'il est parvenu à faire croire aux gens que les Juifs n'étaient pas comme eux, qu'ils étaient inférieurs. On a pratiqué des expériences sur eux à des fins de recherche médicale parce qu'au fond, on les considérait comme des animaux. Il est intéressant de constater que la même dynamique évolue en Tanzanie.
La sensibilisation occupe donc une grande place dans notre travail, soit par l'entremise de nos programmes d'information, de nos dépliants, de nos films, etc. À notre bureau en Tanzanie, il y a 10 personnes atteintes d'albinisme qui font partie de notre personnel, et elles ont toutes un diplôme universitaire.
Si je peux faire une petite parenthèse, sachez que c'est une année d'élections en Tanzanie. Les élections présidentielles se tiendront le 31 octobre. On a souvent recours à la sorcellerie en période d'élections. Les candidats croiront augmenter leurs chances d'être élus en consultant des sorciers. Il y a un candidat atteint d'albinisme qui se présente comme député du parti de l'opposition. Son adversaire, le député sortant, n'est pas atteint de la maladie. Ce député et son directeur de campagne ont déclaré publiquement que les gens atteints d'albinisme ont une mémoire déficiente et une capacité de réflexion inférieure en raison du manque de vitamine C, que le soleil les affecte et qu'ils n'ont pas les idées claires. Ils ont déclaré à la population de ne pas voter pour le candidat albinos parce que « les albinos ne réfléchissent pas clairement ».
Nous avons eu la merveilleuse occasion de tenir une conférence de presse au cours de laquelle nous avons invité notre collègue avocat atteint d'albinisme. Il a déclaré: « Je peux vous assurer, monsieur, que ma mémoire fonctionne à merveille. Je suis le doyen d'une faculté de droit, et je peux vous garantir que les gens atteints d'albinisme se souviendront longtemps de ce que vous avez dit. »
Par conséquent, il faut faire évoluer les états d'esprit si on veut mettre fin à la discrimination. Dans la mesure où le haut-commissaire canadien en Tanzanie joue un rôle à nos côtés et nous appuie dans cette initiative, nous pourrons réellement améliorer la situation sur le terrain.
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Il existe une loi en Tanzanie à cet effet. Si je ne me trompe pas, il s'agit de la loi sur la sorcellerie établie en 1928. Il y en a une autre qui traite du trafic d'organes.
Le trafic d'organes est déjà considéré comme une infraction en vertu du Code criminel de la Tanzanie. C'est déjà illégal. C'est d'ailleurs l'une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés dans les poursuites criminelles. Étant donné que les individus sont souvent accusés de meurtres, si on n'arrive pas à...
Comme vous le savez, le fardeau de la preuve dans le cas d'un meurtre qualifié est très lourd. Par conséquent, si on n'arrive pas à prouver l'implication d'un individu dans un meurtre, comme dans plusieurs cas où des individus s'en sont tirés pour des raisons que nous ne pouvons expliquer...
Et bien, j'ai une explication. La sorcellerie est tellement ancrée dans la culture que la possession de parties du corps d'animaux, ou parfois d'humains, pour réaliser des sacrifices, fait partie intégrante de la société.
Ce qu'il faut savoir ici, c'est que des gens influents et très puissants peuvent dépenser des milliers de dollars pour obtenir une partie du corps d'un albinos. Ce ne sont pas les agriculteurs tanzaniens pauvres et analphabètes, mais plutôt les riches hommes d'affaires et les politiciens instruits qui achètent ces parties du corps.
Si vous étiez un député et que vous achetiez une partie du corps d'un albinos pour 3 000 $ à votre sorcier local, exerceriez-vous des pressions auprès du ministère de la Justice pour qu'il poursuive les criminels? Qu'en pensez-vous? Lorsqu'on appréhendera ce sorcier et qu'on lui demandera, devant le tribunal, de nommer les personnes qui ont commandé des parties du corps, qu'adviendra-t-il? Certains politiciens sont eux-mêmes impliqués dans ce crime. Les sorciers nous ont dit que quelques-uns de leurs clients étaient politiciens. D'autres politiciens m'ont dit qu'ils en connaissaient qui consultaient des sorciers, mais ils n'ont pas donné de noms.
On prend donc part à une conspiration du silence parce qu'il y a des gens très puissants qui sont adeptes de la sorcellerie. Si ce scandale venait à se savoir, il éclabousserait le gouvernement tanzanien, et peut-être même le cabinet.
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Le problème s'étend sur tout le continent africain. Les personnes atteintes d'albinisme font largement l'objet de discrimination partout en Afrique, et ce, depuis des centaines d'années.
On a rapporté 15 meurtres au Burundi, qui est limitrophe de la Tanzanie. En fait, je suis triste de vous annoncer que samedi au matin, j'ai appris que cinq meurtriers tanzaniens avaient traversé la frontière du Burundi, quelques jours plus tôt, pour kidnapper un jeune garçon de neuf ans. Nous croyons que les hommes l'ont ramené en Tanzanie pour le tuer, le démembrer, puis jeter son corps dans une rivière séparant le Burundi et la Tanzanie. Un assassinat est donc survenu il y a à peine quelques jours.
On a également signalé des meurtres au Swaziland, en Afrique du Sud, ce qui nous préoccupe beaucoup, étant donné que c'est une toute autre partie du continent. Deux enfants albinos âgés de 11 ans ont été tués il y a environ un mois. En Guinée, en Afrique occidentale, trois albinos ont été assassinés au cours des trois derniers mois. Au Kenya, une mère a assassiné son propre nouveau-né. Il y a également un homme du Kenya qui a attiré un ami albinos à la frontière de la Tanzanie pour le vendre à des sorciers. On l'a dénoncé et les policiers l'ont arrêté.
En effet, il s'agit d'un problème transcontinental. Les membres d'albinos sont en très grande demande dans d'autres pays. Un homme a été arrêté il y a près d'un an et demi avec la tête d'un bébé albinos dans sa valise. C'était un homme d'affaires tanzanien qui comptait se rendre dans la République démocratique du Congo, où les acheteurs étaient nombreux, selon ses dires, pour y vendre sa tête au poids.
Effectivement, il s'agit d'un problème panafricain. On doit s'y attaquer également au-delà des frontières de la Tanzanie. Pour l'instant, nous nous concentrons sur ce pays puisque c'est là qu'on nous rapporte le plus grand nombre d'assassinats.
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Premièrement, en ce qui concerne la commission africaine, nous n'avons pas encore entrepris de démarche. Cette situation nous tient très occupés. Nous avons comparu devant de nombreux gouvernements et comités, mais nous ne nous sommes pas encore adressés à cette commission.
Pour répondre à votre deuxième question, oui, nous avons témoigné devant le Conseil des droits de l'homme à Genève, en septembre 2009. Vous pouvez d'ailleurs regarder une vidéo de ma déclaration sur notre site Web. La vidéo se trouve également sur le site Web de l'ONU.
Quand je suis allé à Genève l'an dernier pour faire ma déclaration, j'ai eu l'occasion de rencontrer les ambassadeurs de plusieurs pays africains et de leur parler du sort qu'on réserve aux personnes atteintes d'albinisme. Ce qui est intéressant à cet égard, c'est que plusieurs m'ont répondu que ce phénomène n'avait pas lieu chez eux. Certains se plaisent à dire qu'on ne rapporte pas autant de cas dans leur pays, et ils sont heureux de ne pas être autant concernés par le problème.
Ce qu'on a découvert, c'est que souvent, des meurtres sont commis, mais ils ne sont pas signalés. Comme vous le savez, de nombreux pays africains n'ont pas une grande liberté de presse. Dans les pays où la liberté de presse est plus limitée ou encore que la presse craint les critiques du gouvernement, les meurtres rituels et ceux liés à la sorcellerie surviennent, mais ils sont gardés secrets. Par conséquent, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de rapports de police qu'il faut conclure que la discrimination et les persécutions n'existent pas.
La Tanzanie jouit d'une très grande liberté de presse. Et c'est Vicky Ntetema, chef de bureau de BBC qui, en 2008, a révélé au monde entier la tragédie des albinos.
En effet, il faut sensibiliser les gens à la grandeur de l'Afrique. Et nous faisons de notre mieux à ce chapitre.
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Merci, monsieur le président.
La situation semble encore plus difficile pour ce continent qui, en plus de devoir faire face à une vague de meurtres atroces, est aux prises avec de nombreux problèmes tels que le sida, la malaria et un manque d'infrastructures et d'eau potable.
Monsieur Ash, je tiens à vous remercier, vous et tous vos collègues et bénévoles, pour le travail exceptionnel qu'accomplit l'organisation Under the Same Sun, autant ici qu'en Afrique.
Monsieur le président, j'aimerais simplement présenter la position officielle du gouvernement, et je demanderai ensuite à mes collègues de s'entendre sur la motion proposée par M. Ash. Aux fins du compte rendu, j'aimerais lire la politique officielle du gouvernement par rapport à cette situation:
Le Canada condamne avec la plus grande énergie possible les violations des droits humains dont sont victimes les personnes atteintes d'albinisme.
Le Canada appuie les mesures prises pour atténuer les violations des droits des albinos en Tanzanie et ailleurs.
Le Canada s'efforce de trouver des façons de protéger les droits humains des albinos en Tanzanie.
Peut-être que...
Le président: Pouvons-nous l'utiliser comme motion?
M. David Sweet: Non, je voulais simplement lire la politique officielle du gouvernement pour le compte rendu. Mais ce qui suit pourrait faire partie d'une motion, pour laquelle je vais demander le consentement unanime.
M. Ash nous a fourni une motion très bien structurée. Je pense que nous éliminerons probablement les sections « Attendu que » apparaissant sur la première page de son document, mais j'attire votre attention sur les six points figurant sous la rubrique « Il est résolu, que le gouvernement du Canada », à la deuxième page.
Je voudrais donc que mes collègues s'entendent à l'unanimité — en gardant à l'esprit que la greffière et l'analyste devront peut-être jouer avec les mots dans une certaine mesure — pour que le comité s'approprie cette déclaration afin que le gouvernement affirme qu'il a bel et bien agi comme prévu dans ce dossier.
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Ma présence a été en grande partie très bien reçue. Les membres de la communauté albinos sont absolument ravis chaque fois que mon équipe et moi arrivons en Tanzanie.
Je me souviens de la première fois où je suis arrivé là-bas, il y a environ deux ans. Des larmes coulaient sur les joues de la plupart des personnes atteintes d'albinisme. Elles souffraient, et elles étaient seules. Elles n'imaginaient pas que quelque part dans le monde, quelqu'un était au courant de leur souffrance et se souciait d'elles.
J'aimerais que le comité comprenne que cette question m'interpelle très personnellement. Bien que je ne sois ni Tanzanien, ni Africain, ces gens et moi partageons le même code génétique. Lorsque j'arrivais devant une personne, que je la regardais dans les yeux et que je disais: « Je suis ton frère », elle me comprenait. Le fait qu'une personne atteinte d'albinisme se donne la peine de parcourir la moitié du globe en avion pour aller les regarder dans les yeux, leur tenir la main et écouter ce qu'ils avaient à raconter signifiait beaucoup pour eux. Là-bas, j'ai des dizaines de milliers de frères et soeurs qui célèbrent mon arrivée.
Du côté du gouvernement, la réaction est partagée. Certains m'accueillent avec plaisir; ils sont cordiaux et aimables. Pour une raison ou une autre, les portes du pouvoir s'ouvrent à moi chaque fois que j'arrive. Qu'il s'agisse du premier ministre, du juge en chef ou des ministres, tous répondent à mes appels téléphoniques et me rencontrent. Je pense que dans une certaine mesure, c'est lié à la pression exercée par les médias et les gouvernements à l'échelle internationale. Ces gens souhaitent donner l'impression qu'ils agissent. Ils veulent une couverture médiatique. Ils savent que les médias me suivent partout et que, s'ils refusent mon invitation à échanger, les médias régionaux le souligneront et cela les fera mal paraître.
Donc, la majorité des politiciens sont gentils, polis et me tendent l'oreille. Puis, je rentre chez moi, et ils ne font pas autant qu'ils le devraient.
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Je ne fais pas du tout allusion au gouvernement, mais aux gens qui aimeraient beaucoup vous vendre. Cette idée est tellement horrible.
L'autre chose que j'ai retenue de vos remarques ici aujourd'hui, c'est la façon dont vous vous voyez et dont les gens de ce pays vous voient en quelque sorte comme un — pardonnez-moi le jeu de mots, il n'est pas voulu — chevalier blanc. Vous êtes quelqu'un d'un autre pays qui donne un visage à ce drame. Aujourd'hui, nous ne saurions trop insister sur l'importance que cela peut avoir.
Je tiens à féliciter M. Sweet également pour avoir proposé l'adoption de votre résolution. J'estime important que notre comité vous munisse de cette résolution, mais aussi d'une forte affirmation de notre part, de sorte que lorsque vous rencontrerez les représentants du gouvernement, vous pourrez leur remettre directement cette déclaration de notre gouvernement et de ce comité.
Il s'agit d'un phénomène qu'on doit rayer de la face de la terre. C'est tout à fait inacceptable. En fait, comme l'a dit Mme Deschamps, cela dépasse l'entendement. Vous savez, les membres du comité ici présents ne sont pas si naïfs, mais vous luttez même contre... Lorsqu'on regarde ces images d'enfants mutilés que vous nous avez remises, on se dit: « Comment est-il possible qu'une personne et, pire encore, un segment de la société, fasse une chose pareille? »
Donc, vous m'impressionnez beaucoup, monsieur, et je tenais à vous le dire. Merci énormément de votre bon travail.
Merci beaucoup. Je pense que tous les membres du comité vous sont très reconnaissants d'être venu, surtout avec un préavis aussi court. Permettez-moi de vous offrir des remerciements en leur nom à tous.
M. Peter Ash: Merci.
Le président: Chers membres du comité, avant que nous ajournions, je voudrais prendre un moment pour régler quelques questions administratives. On a demandé de préparer une lettre — qu'on est en train de vous distribuer — concernant la possibilité, pour notre comité, de devenir un comité à part entière. J'aimerais que vous y jetiez un coup d'oeil et que vous me donniez vos commentaires. Cette lettre comprend les modifications ajoutées par d'autres membres. Voilà pour le premier point.
Ensuite, j'ai préparé une ébauche d'horaire, qui est uniquement consultative. Je crois qu'on vous l'a distribuée également. Veuillez l'examiner et être prêts à revenir avec des observations. Vous pourrez le faire à la prochaine séance, mais si vous vouliez bien me tenir au courant d'ici là pour nous permettre de prendre vos remarques en considération, ce serait utile. Je rencontre la greffière entre nos séances, et nous pourrions faire des ajustements en fonction de vos commentaires. Plus tôt vous me les ferez parvenir, mieux ce sera.
Enfin, en guise de dernière réflexion, les membres ont soumis des sujets dont on devait selon eux discuter. Nous vous saurions gré de nous préciser les noms des témoins proposés. Nous pourrions communiquer avec eux pour les inviter ici aux dates proposées dans l'ébauche de calendrier, et si ces dates ne correspondent pas aux disponibilités des témoins, il va de soi que nous essaierons de les modifier, pour ensuite vous en informer.
Je vous prie de garder ces points en tête.
En terminant — et c'est très important —, nous savons tous que j'ai été envoyé au comité principal pour examiner avec lui notre rapport sur l'Examen périodique universel et notre rapport sur l'Iran. Je peux vous informer que le rapport sur l'Examen périodique universel a été adopté par le comité principal avec un léger amendement, qui n'est pas un amendement important, selon moi. La présidence compte en faire rapport à la Chambre la semaine prochaine, peut-être le 3 novembre. Le rapport sur l'Iran nécessitera sans doute des séances supplémentaires. Vous pourrez demander plus de détails aux membres de votre parti qui siègent au comité principal, si vous le voulez.
Cela dit, merci à tous. La séance est levée.