SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 1er mars 2011
[Enregistrement électronique]
[Français]
Nous sommes le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. En ce 1er mars 2011, nous tenons notre 47e séance de la troisième session de la 40e législature.
Conformément à l'article 108 de notre Règlement, nous continuons notre étude des droits de la personne au Venezuela.
[Traduction]
Nous accueillons aujourd'hui deux témoins de la Fondation canadienne pour les Amériques, la FOCAL. Nous entendrons d'abord Lesley Burns, gestionnaire de projet de la FOCAL, puis John Graham, le président émérite.
Nous n'accordons habituellement que 10 minutes à chaque organisation. Je présume que personne ne s'opposera à ce que chacun des deux intervenants dispose de 10 minutes.
Très bien. Les choses augurent bien. Je demanderai simplement à tous les membres et aux autres personnes présentes de bien vouloir faire le moins de bruit possible.
Cela étant dit, je cède la parole à nos témoins.
Vous pouvez y aller.
À l'intention de ceux qui ne connaissent pas bien notre organisation, je préciserai que la FOCAL est un groupe de réflexion apolitique qui s'emploie à renforcer les relations du Canada avec les pays de l'Amérique latine et des Caraïbes en recourant au dialogue sur les politiques et à l'analyse.
En présentant aux intéressés des solutions sur des questions relevant de la politique sociale ou économique, nous cherchons à favoriser la création de nouveaux partenariats et à formuler des options stratégiques pour l'ensemble de l'hémisphère occidental. Nous sommes la seule organisation canadienne qui s'intéresse à l'hémisphère occidental.
John Graham a été président de la FOCAL de 2001 à 2010. Il en est désormais le président émérite. De 1988 à 1992, il a été ambassadeur au Venezuela. De 1992 à 1994, il a été responsable de l'unité vouée à la promotion de la démocratie au sein de l'Organisation des États américains, l'OEA. Il fait également partie du groupe Friends of the Inter-American Democratic Charter créé par l'ancien président Jimmy Carter. Lorsqu'il retourne au Venezuela, c'est essentiellement dans le cadre de ses fonctions auprès de l'OEA.
Je suis la gestionnaire du projet sur la gouvernance, la démocratie et la société civile à la FOCAL. L'expérience que j'ai acquise du Venezuela remonte à la rédaction de ma thèse de doctorat dans le cadre de laquelle j'ai réalisé 130 entrevues pour analyser les liens entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire à trois périodes différentes. Mes entrevues ont été menées notamment auprès de trois juges en chef de la Cour suprême. J'ai également rencontré des juges, des avocats, des politiques, des activistes, des professeurs et des spécialistes des droits de la personne, dont certains sont encore en poste. J'ai ainsi été exposée à une vaste gamme de points de vue politiques glanés dans les cinq directions générales de l'appareil gouvernemental du Venezuela.
Aujourd'hui, John et moi mettrons l'accent sur la démocratie parce que c'est le régime de gouvernement le mieux en mesure de faire respecter les droits de la personne. Le lien entre démocratie et droits de la personne s'observe entre autres dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, selon laquelle le respect de ces droits passe notamment par la liberté d'expression, l'accès au pouvoir, l'exercice de celui-ci conformément à la primauté du droit, la séparation des pouvoirs ainsi que la transparence et la reddition de comptes dans l'administration publique. La gouvernance démocratique implique ces droits, lesquels sont mis à mal actuellement au Venezuela.
Une mise en garde s'impose lorsqu'il est question de démocratie au Venezuela. La réforme actuelle qui y a été entreprise ne propose pas une démocratie libérale et occidentale, mais préconise plutôt une démocratie comme celle qui règne en Bolivie ou une social-démocratie fondée sur une participation accrue et directe des citoyens. On ignore encore quelle forme prendra cette nouvelle démocratie, mais rien ne laisse présager qu'elle n'intégrera pas les droits que je viens d'évoquer. John expliquera cette nouvelle démocratie. Je ne me bornerai donc à signaler qu'il convient d'approfondir le tout.
Au Venezuela, le pouvoir ne s'exerce pas conformément à la primauté du droit. Il est difficile d'exiger la reddition de comptes de la part du pouvoir exécutif. En outre, les pouvoirs que détient le président font l'objet de peu de vérifications institutionnelles. Dans bien des cas, cela relève directement de Chavez. Cependant, un examen plus rigoureux des relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire révèle que le premier a toujours influé sur le second.
Auparavant, la particratie mettait en cause deux partis, qui dominaient la scène politique vénézuélienne et dont l'influence s'exerçait sur le pouvoir judiciaire. Les juges nommés consultaient les dirigeants de l'un ou l'autre des partis avant de rendre une décision ayant un impact sur le plan politique. L'allégeance politique primait souvent la primauté du droit, politisation qui n'était pas un secret de polichinelle.
Au cours de cette période, le pouvoir judiciaire ne servait pas directement d'outil au pouvoir exécutif, parce que les deux partis avaient convenu d'un partage des attributions. Autrement dit, ni l'un ni l'autre ne recourrait ouvertement au pouvoir judiciaire de crainte d'être poursuivi ultérieurement. Essentiellement, l'influence des deux partis était égale. Le pouvoir judiciaire n'était pas complètement indépendant, mais il a été en mesure de destituer le président Pérez en 1993.
Lorsque Chavez a pris le pouvoir, la réforme judiciaire s'imposait en raison de cette politisation. Cette réforme n'est pas venue à bout de cette politisation.
On a modifié la composition de la Cour suprême à la suite d'une décision politiquement défavorable dans une affaire liée au coup d'état avorté contre Chavez en 2002. L'affaire a de nouveau été instruite, et la décision renversée. Vous avez là un exemple de réformes qui, émanant de motifs politiques, ont privé les institutions de toute impartialité et entamé la confiance dans le pouvoir judiciaire.
Au Venezuela, l'éligibilité a été restreinte. Même si les partis d'opposition ont boycotté les élections de 2005, ce qui réduisait à néant leur accès au pouvoir, ce boycott était fondé sur des accusations en vertu desquelles l'État avait abusé de ses pouvoirs directement par l'intimidation et l'usage inapproprié des fonds publics ou indirectement par l'impunité accordée à ceux qui avaient établi les listes de Tascon et Maisanta.
Ces listes énuméraient le nom des électeurs et des citoyens qui avaient signé pour s'opposer au président ou pour l'appuyer lors du référendum révocatoire de 2004. Certaines allégations ont peut-être été exagérées, mais elles ont créé un climat d'incertitude quant au vote secret. On a également prouvé que ces listes ont permis d'exercer de la discrimination à la fois contre les partisans de l'opposition et ceux du gouvernement.
Au Venezuela, on a également interdit à certains de se porter candidats. Il y a l'affaire très médiatisée de Leopoldo López qui est instruite aujourd'hui devant la Cour interaméricaine des droits de l'homme. C'est le maire de Chacao, qui jouissait d'un large appui et qui est très charismatique. On a jugé qu'il était inéligible jusqu'en 2014.
Ce n'est pas le seul cas. On a interdit à quelque 400 personnes de se présenter aux élections dans les États et les municipalités en novembre 2008. Dans la plupart des cas, ces personnes ont été accusées de corruption, mais n'ont jamais subi de procès.
Certains pouvoirs ont également été restreints lorsque des membres de l'opposition ont été élus. Ce fut le cas d'Antonio Ledezma, qui a été élu maire de Caracas en 2008. À son arrivée au pouvoir, près de 90 p. 100 du budget avait été réaffecté. Ces fonds et les pouvoirs connexes avaient été accordés au titulaire nommé directement par le président à un nouveau poste créé en vertu de la loi sur le district de la capitale.
En septembre 2010, l'opposition a gagné 65 des 165 sièges de l'Assemblée nationale. Ces députés sont entrés en fonction en janvier dernier. L'opposition obtiendront ainsi voix au chapitre au sein d'une institution politique.
Cependant, l'Assemblée nationale a adopté une série de lois en décembre 2010, notamment pour accorder au président le pouvoir de faire adopter sans débat des lois à l'Assemblée nationale, pour interdire à des groupes de défense des droits de la personne de recevoir des fonds de l'étranger et pour accroître le contrôle de l'État sur l'Internet et les télécommunications. On craint de plus en plus que le gouvernement puisse ainsi limiter facilement la liberté d'expression.
Selon les partisans du gouvernement, ces modifications visent à modifier la démocratie au pays et à mettre fin à l'exclusion qui régnait dans les appareils démocratiques. De nombreuses réformes semblent ne pas donner les résultats escomptés, dressant des obstacles à l'ouverture du débat au lieu de favoriser le compromis et la collaboration.
Il faut donc se demander ce que le Canada peut faire. D'après moi, se mettre à dos Chavez lui permet seulement de faire oublier les problèmes intérieurs que connaît le pays. On lui fournit l'occasion de faire valoir que l'ennemi vient de l'extérieur et de rejeter sur celui-ci le blâme pour tous les problèmes. On obtiendrait de meilleurs résultats en facilitant l'ouverture et le dialogue. Il faut notamment favoriser la participation des organisations de la société civile aux activités des diverses institutions politiques et promouvoir le débat sur les questions de politique publique. En outre, on pourrait approfondir considérablement les recherches sur les défis que doit relever le Venezuela sur le plan de la démocratie.
Les solutions qui s'offrent au Canada sont cependant restreintes, compte tenu des lois qui viennent d'être adoptées pour limiter le recours aux fonds étrangers afin de promouvoir les droits de la personne. Je vous donne un exemple très récent. L'ONG vénézuélienne Contrôle par les citoyens a remis, à l'ambassade du Canada, les fonds qu'elle avait reçus pour former des journalistes sur les droits de la personne dans le contexte de la sécurité et de la défense nationales.
Il est important de se rappeler que promouvoir la participation, l'inclusion et le dialogue stabilise les institutions à long terme, ce qui devrait être considéré comme un élément fondamental de toute démocratie.
John.
Avant que nous écoutions M. Graham, je voudrais obtenir une confirmation à propos de ce que vous avez dit sur l'argent qui a été retourné. Ces fonds devaient être remis à l'ambassade par les autorités vénézuéliennes, n'est-ce pas?
D'après les renseignements que j'ai obtenus, l'ONG a pris cette décision plutôt que d'assumer les conséquences légales possibles.
D'accord. C'était donc afin d'éviter une poursuite ou une sanction. Très bien.
Monsieur Graham, je vous en prie.
Merci infiniment de nous avoir invités, monsieur le président, à comparaître devant vous dans cette magnifique enceinte riche en histoire.
Les points de vue que vous avez déjà entendus sur le Venezuela vous en ont appris sur ses avantages, ses défauts et, plus particulièrement, son bilan en matière de droits de la personne. Je vais aborder des aspects qu'on a déjà traités devant vous, mais je le ferai sous un angle différent. J'insisterai sur la gouvernance démocratique, question que Lesley a survolée.
Le président Chavez possède une vision hémisphérique ou — je le cite — bolivarienne de la démocratie, une vision qu'il exporte aux pays réceptifs de l'Amérique latine et des Caraïbes qui lui doivent beaucoup à cause du pétrole qu'il leur vend au rabais.
Cependant, il conviendrait peut-être que je vous précise d'abord de quel côté je penche à l'égard du Venezuela. Vous connaissez, j'en suis convaincu, les rapports de la Commission interaméricaine des droits de l'homme de l'OEA. La commission y adopte une position, d'après moi, partiellement critique, à laquelle j'adhère. Elle reconnaît les réalisations: l'éradication virtuelle de l'analphabétisme, la réduction de la pauvreté, le rétrécissement de l'écart entre les très riches et les pauvres ainsi que l'accès accru des plus démunis aux soins de santé.
Les aspects négatifs l'emportent-ils sur les aspects positifs? La réponse à cette question est fonction de vos valeurs. Néanmoins, les aspects négatifs empirent. À juste titre, la commission met l'accent sur l'élimination des freins et contrepoids dans l'exercice du pouvoir, la disparition de la séparation des pouvoirs et l'affaiblissement de l'indépendance des tribunaux. Elle précise sans équivoque que le Venezuela a considérablement restreint les libertés politiques et les libertés de la personne. Comme l'a signalé Lesley, la police, la police secrète et les tribunaux briment les droits humains et civils fondamentaux des particuliers et des groupes: syndicats indépendants, associations autochtones ou médias.
Les élections se déroulent encore selon un calendrier conforme à la constitution. Jusqu'à présent, le secret semble être préservé dans l'isoloir, et les résultats du scrutin semblent refléter les suffrages exprimés: au cours des dernières élections, les partis d'opposition ont fait élire un nombre accru de représentants, ce qui, toujours selon Lesley, a fait fondre des deux tiers la majorité que détenait le gouvernement du président Chavez et qui permettait à ce dernier d'imposer ses mesures au Congrès.
Une partie essentielle du système électoral est encore efficace, mais il y a des aspects qui doivent être corrigés. Les règles électorales sont loin d'être égales pour tous. Le gouvernement dispose de ressources illimitées, tant dans le domaine des transports que dans celui des médias. Les responsables des principaux tribunaux électoraux sont à la solde du gouvernement. Avec une fréquence alarmante, les candidats de l'opposition sont emprisonnés ou déclarés inéligibles.
Autrement dit, le Venezuela n'est pas une dictature digne de ce nom, mais il en possède de nombreux aspects, ce qui en fait un État de plus en plus autoritaire .
Il y règne également une culture de la violence. Caracas est l'une des villes les plus violentes de l'Amérique latine. Le gouvernement est aux prises avec l'incompétence et la corruption généralisée. Dans son rapport de 2010, Transparency International établit que le Venezuela est l'un des pays les plus corrompus de la planète, le plaçant au 164e rang sur un total de 178.
Les secteurs économiques non liés au pétrole périclitent, notamment ceux de l'énergie électrique, de la fabrication et de l'agriculture. Au cours des deux dernières années, même le secteur pétrolier a connu un ralentissement. L'inflation s'envole comme nulle part ailleurs en Amérique latine. L'économie est en lambeaux.
Ces aspects négatifs se répercutent principalement sur la vie des Vénézuéliens. Cependant, le président Chavez a donné un impact régional à certains éléments de sa vision bolivarienne — la démocratie notamment.
Qu'est-ce que Chavez entend par démocratie? La meilleure réponse a été donnée dans un article publié le mois dernier par Joaquim Villalobos, un ancien chef de la guérilla salvadorienne et un des intellectuels modérés les plus respectés de l'Amérique centrale.
Au cours du dernier demi-siècle, les révolutionnaires de l'Amérique latine, particulièrement ceux ayant épousé le modèle cubain, se sont servis de la santé et de l'éducation comme outil de transformation. Comme Villalobos le signale, la démocratie occidentale est considérée comme une valeur bourgeoise; si les besoins sociaux sont satisfaits, les libertés démocratiques ne sont pas importantes.
Cependant, même les gouvernements les plus totalitaires souhaitent, ne serait-ce que symboliquement, voir l'étiquette « démocratie » leur être accolée en gage de légitimité. Prenons l'exemple de la République populaire démocratique de Corée. Chavez a interprété les choses à sa manière. Lors des négociations de la Charte démocratique interaméricaine, il a tenté de remplacer « démocratie représentative » par « démocratie participative », ce qui, vous le savez, signifie un gouvernement par plébiscite ou par un autre truchement auquel ne participent que les citoyens dociles.
Les pays de l'OEA se sont servis de cette charte pour établir et codifier les normes de gouvernance démocratique. En fin de compte, les propositions visant à diluer la charte ont été rejetées lors de la dernière journée de la conférence, soit le 11 septembre 2001, pendant que les tours jumelles s'écroulaient au moment où Colin Powell prononçait une allocution cruciale et très pertinente.
Misant sur la disposition relative à la démocratie adoptée lors du sommet de Québec, la charte visait à promouvoir la démocratie et à la protéger non seulement contre les coups d'État militaires, mais également contre « une altération inconstitutionnelle de l'ordre démocratique », qui est devenue le moyen utilisé par certains gouvernements pour contourner le processus démocratique. Ces gouvernements et, dans le cas du Honduras, l'OEA ont trié sur le volet les parties de la charte dont ils souhaitaient la mise en oeuvre, c'est-à-dire les articles sur les coups d'État pour les présidents Chavez et Ortega ainsi que pour d'autres dirigeants de la région. Ceux-ci ont fait fi des articles sur la séparation des pouvoirs, sur les freins et contrepoids ainsi que sur la liberté d'expression. La charte était dénuée de moyens de veiller à son application et de s'attaquer aux violations des principes constitutionnels.
Comme Lesley, je terminerai par une question: Qu'est-ce que le Canada peut faire? La réponse: pas grand-chose pour l'instant. Sur le plan bilatéral, nous ne pouvons exercer aucune influence sur le président Chavez. Nous avons davantage d'influence sur l'OEA, que le Venezuela et ses alliés de l'ALBA ont empêché cependant de s'attaquer aux violations de la charte. Doté d'une démocratie solide et jouissant d'une influence grandissante dans la région, le Brésil pourrait se faire le porte-parole des préoccupations formulées récemment par M. Insulza, secrétaire général de l'OEA, mais il s'est abstenu de le faire.
Quelles solutions nous reste-t-il? De concert avec d'autres pays, nous devrions nous efforcer de mettre l'accent sur ces violations. Cependant, si le Canada agissait seul ou avec l'aide des États-Unis, je suis d'avis que de tels efforts seraient contre-productifs. Il ne faudrait pas couper les ponts inutilement. Le dysfonctionnement et le désarroi régnant au Venezuela ternissent l'image de Chavez, et il y a certains signes indiquant que sa popularité dans la région est à la baisse. Nous devrions négocier calmement avec nos pays amis de l'Amérique latine et des Caraïbes. Il faut nous armer de patience.
Merci.
Merci beaucoup, monsieur Graham.
Avant de passer aux questions, je veux parler d'une question administrative qui concerne les membres du sous-comité. Jeudi prochain, dans deux jours, nous devions entendre un témoin sur le Venezuela, mais malheureusement, il ne pourra pas être ici. Nous avons donc du temps que nous pouvons occuper autrement.
Je propose de tenir une séance à huis clos pour traiter des questions administratives. Je crois que nous devons régler trois questions très importantes. Il faut déterminer si nous voulons prendre une orientation particulière.
Une question concerne le Venezuela. Nos analystes ont produit un aperçu des témoignages, dont vous avez tous un exemplaire, je crois. Nous devons décider ce que nous allons faire, quel genre de rapport nous allons déposer ou si nous allons produire un rapport avec ces témoignages.
Également, il y a l'Ouganda. Nous avons recueilli pas mal d'information, mais on peut constater des manques très évidents dans les témoignages.
Enfin, il est question de la violence sexuelle, un sujet très vaste sur lequel nous devons nous pencher pour trouver une façon de le gérer afin de produire un document utile.
Nous discuterons de ces trois questions jeudi. Je veux seulement confirmer que cela vous convient.
D'accord? Bien.
Dans ce cas, passons aux questions.
Nous allons commencer par M. Cotler. Je crois que nous avons le temps pour des séries de questions et réponses de huit minutes.
Monsieur Cotler.
Merci, monsieur le président.
Je tiens aussi à souhaiter la bienvenue aux deux témoins d'aujourd'hui, Lesley Burns et John Graham. Dans d'autres fonctions, j'ai eu la chance d'accueillir John Graham, qui a présenté un exposé important sur les droits de la personne, à la faculté de droit de l'Université McGill.
J'ai plusieurs questions à poser, mais je vais essayer d'être bref pour vous laisser le temps de répondre.
Lesley, vous avez parlé de Leopoldo López, dont l'affaire est présentement entendue à la Cour interaméricaine des droits de l'homme. Dans quelle mesure cette cour et la Commission interaméricaine des droits de l'homme ont-elles été efficaces pour surveiller les violations relatives aux droits de la personne au Venezuela? C'est la première question.
Par ailleurs, j'ai parlé de l'adoption de mesures législatives qui interdisent aux gouvernements étrangers de soutenir les organisations de défense des droits de la personne ou la société civile du Venezuela. Cela va influencer le rôle du Canada. Dans d'autres pays où on a tenté la même chose, de telles mesures ont été contestées comme étant une atteinte à la liberté de réunion et d'association. Pouvons-nous envisager de contester les dispositions adoptées, notamment par les mécanismes de la Commission interaméricaine?
Enfin, si vous avez le temps de répondre, je veux vous entendre sur les liens entre le Venezuela et l'Iran. J'en parle, car le Venezuela n'a pas appuyé la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, qui demande d'imposer des sanctions contre l'Iran, en raison de la menace nucléaire et de la menace aux droits de la personne. En fait, le Venezuela contrevient à la résolution, parce qu'il a augmenté les échanges commerciaux et les investissements avec l'Iran. De plus, on a rapporté une hausse de l'influence du Hezbollah dans le pays. S'il reste du temps, veuillez commenter la question.
Merci.
Concernant l'efficacité de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, le gouvernement du Venezuela a déclaré qu'elle ne pouvait pas annuler les décisions rendues par les tribunaux du pays. Dans les circonstances, je dirais que la Commission ne peut pas avoir une influence directe, mais l'augmentation des pressions exercées et de l'attention portée aux droits de la personne au Venezuela grâce à ce genre de cour de justice est très importante.
Pour ce qui est des mesures législatives adoptées, il y a eu beaucoup de contestations de la part des partis d'opposition et d'autres groupes, au Venezuela. D'ailleurs, M. Chavez a dit qu'il était d'accord pour que la loi habilitante soit en vigueur pendant seulement cinq ou six mois, au lieu de 18 mois. Cependant, même si c'est ce que M. Chavez a déclaré, je ne suis pas au courant d'une décision des tribunaux à cet égard.
Les relations commerciales entre le Venezuela et l'Iran sont bien connues. Elles existent depuis de nombreuses années et elles ont connu des fluctuations.
Je dirai très brièvement que la Commission interaméricaine des droits de l'homme s'est fait couper les ailes et qu'elle ne peut pas fonctionner de manière appropriée, car le gouvernement ne lui permet pas de mener des enquêtes au Venezuela. Mais la Commission poursuit bien sûr ses activités. Elle a un effet réel, mais pas aussi important que nous le souhaitons.
Très brièvement, les échanges commerciaux et les investissements entre le Venezuela et l'Iran sont très importants. Je pense qu'en partie, le président Chavez met l'accent sur l'Iran simplement pour nous contrarier. C'est une approche populaire dans la politique entre les hémisphères et elle est très prisée dans certaines régions des Amériques.
Merci, monsieur le président.
Vous n'êtes peut-être pas au courant, mais on m'a dit qu'il y avait une augmentation des attaques verbales ou autres envers les Juifs au Venezuela. Je me demande si vous recueillez des données sur l'ampleur de l'antisémitisme, si vous surveillez la question ou si vous avez des informations.
Je ne peux rien ajouter aux commentaires du témoin que vous avez reçu il y a quelques mois et qui est allé au coeur de la question. Je ne sais pas si Lesley veut dire quelque chose, mais je ne peux pas vous aider.
C'est correct. Je ne siégeais pas au comité; je vais consulter le témoignage. Cela va m'aider à titre de député.
Concernant les relations bilatérales avec le Venezuela, avez-vous des suggestions relatives à la participation économique, sociale et culturelle du Canada? Que devons-nous faire?
Il faut éviter de réagir à certaines contradictions qui ressortent des propos du président Chavez. Comme je l'ai dit à la fin de l'exposé, nous n'avons presque aucune influence sur M. Chavez, qui, pour ainsi dire, ne se laisse pas approcher par nos gens.
Cependant, l'ambassade peut toujours s'adresser à d'autres parties de la société et elle peut faire diverses choses. Vous avez parlé de la culture. L'ambassade peut promouvoir les universités et les établissements d'enseignement canadiens, qui sont toujours très populaires au Venezuela. Même si les ressources sont très limitées, cela peut aider à propager la culture canadienne. À cet égard, plusieurs universités du Venezuela proposent un programme d'études canadiennes.
Il y a toujours de nombreuses entreprises canadiennes dans le secteur du pétrole. Elles ne possèdent pas d'installations et ne font pas d'investissements, mais elles participent à l'exploitation. L'ambassade et le gouvernement du Canada facilitent leur travail, dans la mesure du possible.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je vais m'adresser à vous en français. Tout comme M. Cotler, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue. Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui.
Vous avez beaucoup mis l'accent sur la gouvernance et la démocratie, dans vos présentations. On a entendu des témoignages de personnes qui sont venues ici parler de la question vénézuélienne.
Aujourd'hui, on a évacué un peu l'aspect social et économique. Vous avez dit, par exemple, que le Venezuela est l'un des pays les plus corrompus. Je pourrais faire un parallèle en disant, par exemple, que d'après les données statistiques, le président Chavez a réduit la pauvreté de 34 p. 100 au cours des 11 dernières années. De plus, selon l'indice de développement humain des Nations Unies, en 2005, le Venezuela arrivait au 75e rang, alors qu'en 2009, il était au 58e rang.
Dans cette perspective, sans les comparer, j'aimerais qu'on mette aussi en évidence d'autres pays d'Amérique latine, par exemple la Colombie ou les pays qui partagent les frontières du Venezuela. La situation y est-elle pire, ou comparable? Peut-on dire que le Venezuela est le pire pays de l'Amérique latine, tant dans son aspect social qu'économique? Vous avez bien entendu mis l'accent sur la gouvernance et la démocratie. J'aimerais vous entendre sur ce point, s'il vous plaît.
[Traduction]
Je vous remercie beaucoup de poser cette question très pertinente. Il importe de mettre les choses en contexte.
Je pense que, d'entrée de jeu, j'ai parlé de succès. La réduction de la pauvreté et l'accès aux soins de santé sont des gains réels. Le gouvernement du Venezuela s'est servi de ses importantes ressources pétrolières pour subventionner la médecine et les médecins à Cuba. La mesure a connu un franc succès.
Comme vous l'avez mentionné, les indicateurs montrent que la pauvreté a diminué.
Une manière d'examiner la question, c'est de comparer les pays. Si on se demande quelle est la région la plus pauvre de l'Amérique latine où placer un enfant adopté, le Venezuela n'est pas si mal. Il fait bien meilleure figure que le Guatemala, le Nicaragua, le Honduras, le Paraguay, la Jamaïque et plusieurs autres. On peut aussi parler de Cuba, où il est plus difficile que nulle part ailleurs de se sortir de la pauvreté extrême. Il faut le savoir pour bien mettre les choses en perspective.
Toutefois, la qualité de vie au Venezuela est menacée. La corruption, le dysfonctionnement et l'incompétence du gouvernement sont des problèmes graves. L'inflation nuit à toute la population, mais en particulier aux plus démunis. Le taux d'inflation au Venezuela est le plus élevé de toute la région.
Je ne peux pas vous donner de chiffres exacts, mais tandis que l'économie du Venezuela est toujours plus inquiétante dans certains secteurs essentiels, la Colombie commence à s'améliorer. Je ne dis pas qu'il n'y a plus du tout d'analphabétisme et de pauvreté extrême en Colombie, mais les indicateurs montrent des signes encourageants.
[Français]
[Traduction]
Oui.
Je pense qu'il importe beaucoup de ne pas opposer les gains sociaux et économiques à la gouvernance. Sans l'établissement de systèmes et d'institutions gouvernementales qui se maintiennent plus longtemps qu'un gouvernement, les gains que M. Chavez a obtenus dans le domaine social ne dureront sans doute pas.
Je ne peux pas assez insister pour dire qu'il ne faut pas diviser le débat d'une telle manière. En effet, certains gains sociaux sont importants et il ne faut pas les minimiser.
Concernant la comparaison avec le Venezuela, la Colombie accueille la communauté internationale. Elle a accueilli l'ONU et des organisations internationales; elle s'est ouverte sur le monde. Le gouvernement de la Colombie est bien plus transparent et nous recevons toujours davantage de nouvelles impartiales sur ce qui se passe au pays.
Concernant les statistiques sur le taux d'alphabétisation au Venezuela, nous constatons beaucoup de contradictions dans les chiffres, malgré la simplicité de la mesure. Il est difficile de savoir quels sont les progrès réels.
[Français]
Je vous citerais M. James Rochlin, un professeur en science politique de l'Université de la Colombie-Britannique qui est venu témoigner devant nous et qui recommandait, entre autres, d'orienter les politiques étrangères canadiennes vers la résolution des conflits plutôt que de favoriser la constitutionnalisation de l'extrémisme. Il disait qu'il fallait arrêter de voir uniquement les choses négatives. Je le cite: « [...] nous ne pourrons pas avoir de rencontres avec le Venezuela et nous allons être perçus comme faisant partie du problème. » C'est pourquoi il préconisait davantage une approche équilibrée.
J'aimerais vous entendre à ce sujet.
[Traduction]
Je suis d'accord pour dire qu'il faut une approche équilibrée. Vous avez dit que nous ne devons pas refuser de nous réunir avec les représentants du gouvernement, et je ne sais pas si c'est déjà arrivé. Durant mon séjour au Venezuela, j'ai travaillé neuf mois pour l'ambassade du Canada à Caracas. Par expérience, je sais qu'on s'efforce de travailler avec le gouvernement du pays.
L'approche équilibrée importe toujours dans les communications. Dans la mesure du possible, c'est un objectif louable de se concentrer sur le règlement des différends. Néanmoins, il faut exercer une certaine influence sur les parties intéressées. Nous avons travaillé au règlement de différends dans le passé, mais à l'heure actuelle, nous n'avons pas une influence suffisante sur le gouvernement du Venezuela pour jouer le rôle de médiateur.
Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue aux deux invités d'aujourd'hui.
Je suis content de connaître votre point de vue. Nous avons entendu un certain nombre de témoins. J'ai été étonné d'apprendre que les gens faisaient valoir la constitution et qu'ils en parlaient. On a dit que, d'une certaine manière, les gens prenaient les choses en main et je présume qu'en fin de compte, les plus avantagés sont les pauvres qui ont obtenu des soins de santé. Cela dit, on a parlé de l'importance de cette discussion.
Je ne sais pas si les gens ne voient pas la corruption ou si elle ne leur nuit pas directement, mais ils étaient très enthousiastes concernant le changement. J'aimerais examiner les conditions de vie de la population avant la présidence de M. Chavez et vous entendre sur le changement et l'euphorie initiale qui l'a suivi.
Oui, les gens s'appuient sur la constitution et ils parlent régulièrement de leurs droits constitutionnels; c'est très impressionnant. Les gens semblent bien connaître leurs droits et je suis d'accord pour dire que, maintenant, un certain nombre de personnes pauvres accèdent plus facilement aux services, comme l'enseignement. On offre désormais divers programmes gouvernementaux qui permettent de suivre des cours, depuis l'alphabétisation de base jusqu'à l'université.
Il est très utile de sensibiliser les gens et de les informer sur leurs droits. Malheureusement, j'ai constaté moins souvent que le gouvernement donnait gain de cause aux gens qui faisaient valoir leurs droits et qui exprimaient leur désaccord. Je ne dis pas que cela ne se produit jamais, mais simplement que ce n'est pas aussi fréquent que nous le souhaitons, en tant qu'analystes.
C'est vrai que, contrairement à aujourd'hui, bien des pauvres se voyaient refuser leurs droits politiques, avant la présidence de M. Chavez. Je crois même que, dans 15, 20, 50 ou 100 ans, les gens vont encore parler des changements que le Venezuela a connus sous le régime de M. Chavez. Cela dit, si le gouvernement ne parle pas au nom de la grande majorité de la population, s'il ne met pas les choses en perspective et s'il n'arrive pas à un compromis en fonction de ce que les gens souhaitent, on finit avec un gouvernement inconstant.
Le prochain gouvernement risque d'éliminer toutes les institutions mises sur pied. Il y a du bon et du mauvais là-dedans. C'est pourquoi M. Chavez a obtenu beaucoup d'appui, lorsqu'il est arrivé au pouvoir et qu'il encourageait la réforme du système de justice, où il n'y avait pas d'indépendance et d'examen par les pairs. On soutenait le changement, mais M. Chavez a perdu de son influence. Lorsque Hugo Chavez a été élu pour la première fois en 1998, les gens souhaitaient vraiment le changement et ils ont soutenu la constitution. De nos jours, beaucoup pensent que la constitution est une bonne chose, mais que sa mise en oeuvre n'est pas celle qui était prévue.
Merci.
J'aimerais, si vous permettez, monsieur Graham, parler du côté sinistre dont vous avez parlé. Dans ce pays, la corruption de la police n'est pas un phénomène nouveau. Les relations existaient, les dysfonctionnements de l'État également — tout cela se trouvait là, de manière horrible.
Je serais plutôt d'accord avec Mme Burns: je pense que nous avons manqué une occasion qui aurait pu être brillante par rapport à la situation actuelle.
J'ai compris votre conseil: patienter, et des changements surviendront. Mais cela soulève la question suivante: qui est l'héritier présomptif? Quelle organisation?
À propos de balancier, avons-nous espoir qu'un groupe respectueux de la démocratie est prêt à remplacer Chavez à son départ? Cela m'inquiète beaucoup, parce que les premiers changements étaient excellents jusqu'à ce que l'on donne un coup de frein.
Je m'interroge également sur la corruption de la police et je me demande s'il est possible de la combattre, du moins à court terme.
La corruption de la police et le degré de corruption qui existe au Venezuela révèlent une absence de discipline au sommet. D'autres pays de la région, beaucoup moins bien nantis en ressources que le Venezuela sont parvenus à avoir des polices moins corrompues.
Le Nicaragua constitue un exemple intéressant. Idéologiquement, son gouvernement est sur la même longueur d'onde que celui du Venezuela, mais il possède un atout important, une armée et une police apolitiques et relativement indépendantes, qui fonctionnent assez bien. La Drug Enforcement Administration des États-Unis, par exemple, a d'extrêmement bons rapports de collaboration avec cette police. Cependant, cette coopération s'arrête là.
Voilà, je pense, un reproche que l'on peut adresser au régime de Chavez. Il faut ajouter à cela un autre phénomène très fréquent, qui est arrivé à Cuba et qui est certainement en train de se produire avec Chavez. Il a comparé les changements que son régime a apportés dans la vie des Vénézuéliens à la vie qu'ils menaient avant. J'y étais, avant. Il a dépeint ces changements en couleurs trop vives. Avant, beaucoup de choses n'allaient pas, mais ce n'était pas aussi désespérément sinistre et bancal qu'il le dit. L'économie était beaucoup plus équilibrée. La justice fonctionnait assez bien — il y avait de la corruption — mais elle fonctionnait beaucoup mieux qu'aujourd'hui.
Encore une fois, d'après les témoignages, les gens disaient à quel point ils se sentaient proches de leur armée. Je pense que cela sous-entend — ce que vous disiez — que Chavez et l'armée sont très proches l'un et l'autre, par opposition à Chavez, à la police et tout cela. D'après eux, la corruption de la police était un phénomène distinct du gouvernement de Chavez.
Êtes-vous d'accord?
Je ne vois pas comment on peut... Dans un gouvernement de plus en plus centralisateur, où le pouvoir habite le palais présidentiel, je pense que c'est difficile à maintenir.
Merci, monsieur Marston.
La parole est maintenant à M. Sweet, qui partagera son temps avec M. Hiebert.
Monsieur le président, je n'ai qu'une question, la première, puis M. Hiebert prendra le reste du temps.
Je suis très reconnaissant à Mme Burns et à M. Graham d'être venus témoigner.
Je dois admettre — et M. Marston a mentionné une partie du témoignage — que nous avons eu un organisme appelé Hands Off Venezuela. Je pense qu'il avait 30 sections dans le monde entier.
Vous avez parlé de la peinture de la réalité actuelle. Il me semble que...
C'est une question; je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit.
Il me semble que, au début, on s'est occupé de programmes sociaux et de services médicaux. Cela a été de courte durée et, maintenant, les gens en paient le prix, du moins d'après votre description, c'est-à-dire qu'on assiste à la disparition complète de la séparation entre les pouvoirs judiciaire et exécutif, à l'asservissement complet des autorités municipales. La perte de 95 p. 100 de son budget par le maire de Caracas est, d'après moi, une manipulation grossière.
Sommes-nous donc en présence d'un gouvernement qui essaie de se faire passer pour progressiste mais qui, en fait, comme vous l'avez dit, souffre vraiment d'incompétence? en présence d'une démocratie bolivienne, d'un régime pour qui seuls ses partisans sont des démocrates?
Il n'y a aucune raison pour ne pas promouvoir les programmes sociaux en même temps que des changements au système de gouvernance, pour la consolider. Sinon, beaucoup de programmes sociaux risquent de disparaître. Il se pourrait qu'un gouvernement postérieur à Chavez voie les avantages que présentent ces programmes, parce que, d'après moi, beaucoup d'entre eux ont profité au peuple.
Pour moi, cela n'apporte rien de se concentrer seulement sur ces programmes en contrepartie du renforcement des mécanismes de gouvernance. Je pense que, trop souvent, lorsque l'on s'attache aux bienfaits apportés par Chavez, on s'arrête à cela et on a peut-être tendance à croire que les sacrifices à court terme valent la peine pour les gains à long terme.
Bien sûr, nous ne connaissons pas l'avenir. Nous ne savons donc pas si, dans cinq ou cinquante ans, le modèle aura atteint la perfection ou si nous pourrons dire qu'une partie du processus de changement qui était contesté aurait pu valoir la peine. J'ai tendance à croire que, à moins que les changements ne soient inspirés par l'inclusion, la consultation et le dialogue, le système qui en résultera ne sera pas viable pour tous.
Merci. C'était très intéressant.
D'après les témoignages que nous avons entendus, cela ressemble à une sorte de compromis. D'une part, on peut avoir les services médicaux, l'éducation et la réduction de la pauvreté ou, d'autre part, la primauté du droit, l'indépendance du pouvoir judiciaire, la démocratie, la probité du gouvernement et de la police, les droits de la personne, un gouvernement compétent ou une économie stable.
D'après moi, on peut éviter de faire ce compromis. Je pense qu'il est censé de vouloir tout, de saisir les deux possibilités. On a l'impression très nette que, d'un côté, la pénurie est grande.
Tous les deux, vous avez fait valoir que... et vous avez employé certaines expressions: soyez parés; nous n'exerçons pas une forte influence; notre influence est limitée. Vous ne nous donnez pas un grand champ de manoeuvre.
Vous avez dit que nous devions diriger les projecteurs vers les abus, sans brûler les ponts derrière nous. C'est peut-être ce que nous essayons de faire ici.
Pouvez-vous vous étendre sur le sujet? Comment encourageons-nous le changement et le dialogue sans nous interdire de retour en arrière?
C'est difficile.
Une façon passe par l'un des organismes avec lesquels je collabore, les Amis de la Charte démocratique interaméricaine, créé il y a environ sept ans par l'ex-président Jimmy Carter. La plupart de ses membres sont beaucoup plus exaltés que moi. Plusieurs Canadiens en font partie, notamment Barbara McDougall ainsi que MM. Manley et Clark.
Ils caressent notamment l'idée de créer, idéalement dans le système interaméricain, un poste qui ressemblerait à celui de rapporteur spécial sur la démocratie et la gouvernance démocratique. Si on soumettait ce projet au Conseil permanent, c'est-à-dire l'organisme législatif de l'Organisation des États américains, le Venezuela et ses alliés répondraient: « Pas question! ». Et comme le Conseil permanent prend ses décisions par consensus, on ne serait pas plus avancé.
Cependant, la Commission interaméricaine des droits de l'homme, à laquelle nous avons fait allusion cet après-midi ne fonctionne pas tout à fait de la même manière et, en fait, a ramené sous sa houlette un certain nombre de rapporteurs spéciaux depuis qu'il a été décidé de s'intéresser aux droits de l'homme. Elle s'occupe donc du travail, de la condition de la femme, de la liberté d'information. Il serait possible de faire de la place à un autre rapporteur, une petite section qui s'intéresserait à la démocratie. Son mandat engloberait tout l'hémisphère, pas seulement le Venezuela. Il s'intéresserait à ce qui se passe au Guatemala, au Nicaragua et dans d'autres pays, il rédigerait et distribuerait ses rapports.
On attirerait ainsi l'attention du public sur ces questions. Il serait souhaitable que cet organisme, dépourvu de pouvoir de sanctionner, sensibilise davantage de gens — pas seulement des décideurs, mais une tranche plus large de l'opinion des Amériques — à l'existence de ces problèmes et des abus qui sont commis.
C'est donc peut-être une voie qui s'ouvre devant nous, mais je n'exagère pas quand je dis qu'il n'est pas facile de trouver une piste dégagée pour s'attaquer au problème dont vous discutez tous depuis maintenant plusieurs mois.
Madame Burns, ajouteriez-vous quelque chose à ce qui vient d'être dit? Vous avez fait une observation sur la promotion de la société civile et du débat. Comment vous y prendriez-vous?
Aux propositions que vient d'émettre John, j'ajouterai, très rapidement, que je pense qu'il existe une société civile dynamique au Venezuela et dans tout l'hémisphère. La Fondation canadienne pour les Amériques, ou FOCAL, travaille avec un réseau d'organismes, y compris vénézuéliens, mais nous nous occupons quotidiennement de ces questions dans tous les pays, pas seulement au Venezuela.
Je pense que la circulation de l'information entre ces organismes, l'instauration d'un dialogue, tout cela mène à des organismes mieux informés, en mesure de faire des propositions à leurs propres gouvernements nationaux. Je pense que c'est important, tout comme, par-dessus tout, l'est l'ouverture au dialogue. Le Canada possède à la fois un réseau social et une économie de marché. Cela peut être un modèle, dans certains cas, pour le Venezuela et pour les partisans de deux solutions au choix. Je ne saurais trop insister sur le fait qu'il n'y a pas qu'un parti possible: les programmes sociaux ou la primauté du droit. On peut avoir les deux.
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