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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 050 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 4 juin 2015

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, bonjour. Soyez les bienvenus à la 50e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie. Nous poursuivons notre étude des technologies perturbatrices.
    Nous accueillons des témoins particulièrement intéressants: d'abord la présidente et directrice générale du CEFRIO, Mme Jacqueline Dubé; ensuite, le vice-président à la Production, développement et opérations d'IBM Canada, M. Patrick Horgan; puis la doyenne de la faculté d'ingénierie de l'Université de Waterloo, Mme Pearl Sullivan; enfin, à titre personnel, Mmes Claude Gagné et Bettina Vollmerhausen, laquelle est la cofondatrice de l'Ottawa Tool Library.
    Chers collègues, normalement je suivrais l'ordre du jour que vous avez sous les yeux, mais comme deux exposés s'afficheront à l'ordinateur, nous devons les synchroniser d'après l'exposé du premier témoin. Pour éviter de vous embrouiller, j'apporterai les modifications. Peut-être que j'avertirai simplement les témoins aussi.
    Écoutons d'abord la représentante du CEFRIO. Nous passerons ensuite au représentant d'IBM puis à Mmes Gagné et Vollmerhausen, et, finalement, à la représentante de l'Université de Waterloo, Mme Sullivan.
    C'est bien Mme Sullivan?
    Eh bien voilà une mise au point de faite.
    Commençons donc. Je crois que le greffier vous a dit que vous disposez de six à sept minutes. Tenez-vous-en à cette durée, si c'est possible. Après les exposés, nous aurons une période de questions.
    Madame Dubé, veuillez commencer, s'il vous plaît.

[Français]

     Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui.
    Je vais tenter de m'en tenir aux six ou sept minutes qui me sont allouées, mais comme je suis un peu passionnée par le sujet, il se peut que je dépasse ce temps. Vous me ferez signe si c'est le cas.
    Le CEFRIO est un centre qui facilite la recherche en innovation sociale et organisationnelle. Pour dire les choses simplement, nous faisons de la recherche et de la mesure sur l'usage et l'appropriation des technologies. Nous travaillons avec 80 chercheurs associés sur la façon de transformer les façons de faire à l'aide du numérique. Nous travaillons dans tous les secteurs d'activité, que ce soit en santé ou en éducation, pour les PME, par exemple en ce qui concerne le transfert des compétences numériques.
    Depuis plus de 25 ans, nous avons développé un modèle de recherche qui permet de travailler systématiquement sur des terrains d'expérimentation, donc directement dans les entreprises, les hôpitaux et les écoles. Le transfert se fait en continu. Chaque fois qu'une nouvelle connaissance est créée, elle est intégrée systématiquement aux processus de travail et aux pratiques professionnelles. Ainsi, il n'y a pas de gestion de changement à faire par la suite.
    Les chercheurs sont des experts dans les domaines où nous avons un projet à faire. Ils doivent s'en tenir aux « livrables » qui sont attendus et non faire une recherche élargie. Nous avons l'habitude de dire que nous avons des chercheurs qui trouvent, au lieu d'avoir seulement des chercheurs qui cherchent. Nous avons un réseau d'experts et tout le monde travaille systématiquement ensemble.
    Aujourd'hui, je vais vous donner notre définition du mot « numérique ». Pour nous, le numérique, c'est l'Internet, c'est-à-dire l'Internet des objets, l'impression 3D, les données massives, oubig data, le manufacturier avancé. Quand on parle du numérique, on parle de l'ensemble de ces éléments, et pas seulement des technologies de l'information et des communications.
    J'aime beaucoup les deux photos à la diapositive no 4 de la présentation. En bas à droite de l'image du haut, lors de l'élection du pape en 2005, on peut voir qu'il y a seulement un téléphone intelligent. Huit ans plus tard, lors de l'élection du nouveau pape, ce ne sont pas des chandelles qu'on voit, mais des téléphones intelligents. Ces photos visent à vous montrer la rapidité des transformations auxquelles nous sommes invités dans les prochaines années.
    La notion de technologie perturbatrice est assez envoûtante pour nous parce que toutes les technologies sont perturbatrices dans la mesure où elles vont jusqu'à nécessiter une transformation complète des modèles d'affaires des entreprises. Elles sont très exigeantes pour une raison fort simple: elles font appel à de l'innovation dans chacune des organisations.
    Ce qui est fascinant, c'est que les citoyens, les utilisateurs et les consommateurs s'adaptent très rapidement. Il y a un problème cependant. Les compétences numériques des individus ne sont pas utilisées en entreprise ni en institution, ce qui a un effet marqué sur la productivité et le développement du Canada. Les principales raisons qui expliquent cette différence entre le citoyen...

[Traduction]

    Je suis désolé de vous interrompre. Pardonnez-moi.
    Avant de commencer, j'aurais dû mentionner deux choses.
    Pendant la séance, les photographies ne sont pas autorisées, ce que m'a rappelé votre image de l'élection papale.
    Ensuite, est-ce que vous savez que vous avez près de vous un écouteur qui permet d'entendre l'interprétation? Vous êtes peut-être tous bilingues, parce que je remarque que personne ne l'utilise. Ne vous en privez pas. Votre micro permet de passer du parquet à l'anglais puis au français.

[Français]

     Je m'excuse de vous avoir interrompue. Vous pouvez continuer.
    Il n'y a pas de problème. Merci.
    Voici ce qui explique principalement la si grande différence entre le citoyen utilisateur et l'entreprise. On observe un manque réel de capacité financière dans les PME; c'est une réalité. Cependant, le principal frein est d'ordre organisationnel, dans la mesure où il y a une résistance au changement et à transformer le processus de travail.
    Quand on parle de compétences numériques, on ne parle pas de la façon de se servir d'un ordinateur ou des outils, mais de la façon de transformer ce qu'on fait afin que les technologies soient efficientes. Un problème majeur, que ce soit dans le secteur privé ou le secteur public, est que la haute direction a en général plus l'habitude de donner cette responsabilité à l'extérieur. Donc, il y a peu de leadership de la part de la haute direction concernant l'appropriation du numérique.
    Il faut dire que l'évolution dans ce domaine est très rapide. Avant, une révolution se faisait aux 100 ans. Maintenant, elle a lieu aux trois ans. À cause des technologies, cela se transforme très rapidement.
     Il y a une réalité: la croissance est exponentielle, ce qui a un impact direct. Cela explique en partie le retard de la productivité au Canada. Sur le plan du PIB, il y a une différence à la baisse de 13 $ l'heure par employé au Canada par rapport aux États-Unis. C'est une différence très marquée. Cette difficulté de productivité va s'accentuer pour une raison très simple. Il est démontré que la productivité est très accentuée par l'usage du numérique. Les États-Unis investissent 100 $ par travailleur, alors que le Canada en investit 53 $. Ainsi, l'écart entre le niveau de productivité du Canada et celui des États-Unis va se creuser davantage s'il n'y a pas une action rapide quant à l'appropriation du numérique.
     On se questionne souvent sur ce que peut être le rôle de l'État dans cette situation. Dans les faits, l'État doit être davantage un incitateur ou un mobilisateur. Il est démontré que ce ne sont pas des subventions qui vont faire avancer les choses, mais plutôt des initiatives ciblées et appuyées par l'État qui sont très bien documentées et qui démontrent les bénéfices. Ces initiatives sont accompagnées de ce qu'on appelle une approche de généralisation. On peut assimiler un peu la généralisation à la commercialisation.
    Il ne me reste qu'une minute. Il y a plusieurs pages que vous pourrez lire vous-mêmes.
     Sur la prochaine diapositive, vous verrez quelques exemples que je n'aborderai pas. Je dirai simplement qu'il s'agit de secteurs où on travaille à l'appropriation du numérique. Dans le secteur de la santé par exemple, on travaille avec les médecins et les pharmaciens. Le patient a son propre dossier de santé personnel. Il faut un an ou un an et demi à une clinique pour faire accepter le changement du processus de travail afin de bénéficier de tous les avantages que peut apporter le numérique. Dans le transport, c'est fascinant. À Montréal, il en coûte 3 milliards de dollars par année uniquement parce que les gens sont pris dans la circulation plutôt que de travailler. Cela vous donne un indice de la façon dont le numérique peut transformer ces aspects-là. Vous pourrez consulter les diapositives pour le vérifier.
    Plus loin, je compare les données d'usage au Québec et au Canada. On peut considérer que les citoyens canadiens sont des utilisateurs d'Internet et de technologies. C'est la même chose pour les citoyens américains. Du point de vue des citoyens, le Canada est le deuxième meilleur au monde au chapitre de l'usage du numérique, mais du point de vue des entreprises, il se classe 22e. Encore là, il y a un paradoxe assez important.
(1110)

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame.

[Français]

     Je suis désolée de ne pas avoir été en mesure de vous donner plus d'information, mais je pourrai répondre à vos questions.

[Traduction]

    À propos, si un témoin n'a pas le temps de lire toute sa déclaration préliminaire, il pourra, à la faveur des questions, glisser dans sa réponse les renseignements qu'il n'aura pas pu donner.
    Monsieur Horgan.
    Monsieur le président, il semble que le représentant d'IBM sera la personne la moins spécialisée dans les technologies parmi tous les témoins, mais tant pis! Je m'efforcerai d'être bref, de manière à respecter le temps qui m'est accordé.
    Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, pour l'occasion que vous m'offrez.
    Comme vous le savez, IBM est l'une des plus importantes entreprises privées de R-D du pays, et Mme Dubé faisait remarquer combien d'autres, peut-être, devraient être aussi actifs que nous. Nous essayons de nous occuper. Nous avons consacré à la R-D 4 milliards de dollars au cours des 10 dernières années et 500 millions de dollars aux investissements en collaboration. Je tiens à vous en parler un peu ce matin. J'aborderai deux aspects de l'innovation perturbatrice.
    Le premier se manifeste dans l'industrie informatique elle-même. Le deuxième touche la façon dont cette R-D dans la commercialisation constitue une grande partie du sujet dont nous discutions et les progrès que nous essayons de réaliser pour améliorer la situation au Canada.
    Parlons de l'industrie des TI, les technologies de l'information. Des analystes font très souvent remarquer qu'Uber est la première société de taxi dans le monde, mais sans posséder de véhicules; que Facebook est le premier fournisseur mondial de contenu, mais sans en posséder; qu'Alibaba est le premier détaillant, mais sans détenir de stocks; qu'Airbnb est le premier fournisseur d'hébergement, mais sans avoir à lui de chambres, de biens immobiliers. Chacun est un exemple d'innovation perturbatrice. Il transforme rapidement les industries traditionnelles. D'autres exemples sont à venir.
    Il importe de comprendre que ces modèles d'entreprises perturbatrices, que ce soit Airbnb ou Uber, doivent leur existence à un ensemble précis de technologies et, de plus en plus, à des services de technologies maintenant largement disponibles auprès des grandes comme des petites entreprises. Permettez-moi d'en décrire cinq.
    Il y a d'abord l'infonuagique. Elle permet au détenteur d'une carte de crédit de s'inscrire pour obtenir une gamme complète de ressources informatiques qui vont de l'infrastructure aux applications en passant par les processus d'affaires et les logiciels, tous consommés en tant que services. Les investissements lourds deviennent donc inutiles, et même une très petite entreprise ou quelqu'un dans son garage peut accéder à l'informatique d'envergure internationale.
    La deuxième technologie est constituée des plateformes mobiles. Les services basés sur l'infonuagique permettent maintenant la livraison de tout ce qui peut être livré à votre combiné, à votre iPad ou à votre ordinateur personnel, où que vous soyez. Nous avons remarqué que même si nous ne fabriquons plus d'ordinateurs personnels, il est important pour nous que l'iPad porte le nom d'IBM, parce que nous sommes étroitement liés à Apple, en ce qui concerne à la fois notre capacité d'utiliser ses très beaux dispositifs et celle de comprendre l'entreprise.
    La troisième sont les réseaux sociaux. Deux milliards d'utilisateurs des réseaux sociaux créent des océans de données sur une large gamme de questions. Si on pouvait dompter cet océan de données en évolution constante, cela ne permettrait pas seulement la création de boucles de rétroaction en temps réel, mais cela procurerait aussi une base stable aux prévisions. Nous en reparlerons plus en détail.
    La quatrième, qui concerne particulièrement l'État, est la sécurité. La cybersécurité est aussi importante dans l'économie d'aujourd'hui que les chambres fortes l'étaient pour protéger les lingots d'or et la monnaie autrefois. Que ce soit pour protéger les secrets commerciaux ou les renseignements personnels délicats, la gestion et la mesure de l'accès à la consommation de données et de produits numériques passent avant tout pour protéger la valeur de notre économie d'aujourd'hui axée sur les données.
    La cinquième est l'analytique. Qu'on ne s'y trompe pas, nous vivons dans une économie guidée par les données. Dans l'histoire du genre humain, 90 % des données ont été crées au cours des deux dernières années. La proportion continue de croître. Cependant, ces grands ensembles de données exigent vraiment qu'on les analyse et qu'on en tire des connaissances. C'est là que réside vraiment le secret. Ce dont il s'agit maintenant, c'est de trouver comment mettre ces outils à la portée de tous, pour que nous puissions maîtriser cette nouvelle économie axée sur les données et les connaissances.
    Je suis sûr que le comité entendra parler de nombreux modèles d'affaires perturbateurs et de technologies perturbatrices, mais je me risquerai à dire que beaucoup de ces modèles et technologies se retrouveront sur des plateformes sociales et mobiles, sécurisées dans le nuage, avec une forte proportion de données massives et d'analytique ou ils seront rendus possibles par ces moyens. Voilà pourquoi nous investissons tellement dans ces domaines.
    Cela m'amène naturellement à la deuxième partie de mon exposé, la recherche, le développement et la commercialisation d'envergure mondiale des technologies perturbatrices qui voient le jour au Canada.
    Le Canada possède un pouvoir concurrentiel énorme, y compris dans les cinq domaines technologiques que je viens de décrire, et j'espère en donner un exemple grâce à l'un des projets auxquels nous travaillons.
    Mes commentaires porteront principalement sur la SOSCIP, la plateforme d'innovation dans l'information intelligente du sud de l'Ontario. C'est un excellent exemple de collaboration entre l'État, les entreprises et les universités, pour stimuler la création de technologies canadiennes perturbatrices ainsi que de sociétés et d'emplois auxquels ces technologies peuvent pourvoir.
    La SOSCIP est un consortium entre IBM Canada et sept universités du sud de l'Ontario qui se consacrent intensément à la recherche — Pearl vient de l'une d'entre elles —, avec l'apport financier de l'État fédéral et des provinces. L'idée fondatrice était que le Canada pouvait être un chef de file mondial dans la création de technologies perturbatrices grâce à la création d'une plateforme technologique d'envergure mondiale spécialement affectée à cette fin, pour concentrer nos efforts dans les domaines de priorité nationale et régionale.
(1115)
    À son tour, la SOSCIP a mis en place le superordinateur le plus rapide du Canada, de même que le plus gros nuage d'analytique du monde. Cette plateforme nous permet désormais de relever les défis les plus difficiles et les plus complexes dans les domaines de la santé, de l'énergie, de l'eau et de l'urbanisme. Cette initiative représente un investissement de plus de 200 millions de dollars, dont 85 % provenaient d'IBM. L'accès à cette plateforme est régi par les membres du consortium, avec comme objectif précis celui de produire des résultats commerciaux. Ensuite, en agissant en amont, nous rassemblons certains des chercheurs les plus renommés du Canada, les entrepreneurs compétents et de petites entreprises. En fait, la priorité va aux projets menés par de petites entreprises, que nous pouvons mettre directement en contact avec les principaux chercheurs. Très important à ce sujet: la propriété intellectuelle des uns est accessible à tous. Les chercheurs y amènent leurs projets et s'enrichissent de ce fait.
    Depuis ses débuts, en 2012, nous avons lancé 50 projets qui changent les règles du jeu. Nous avons matériellement amélioré les compétences de plus de 300 post-doctorants embauchés à cette fin, avec 88 emplois de recherche et plus de 1 000 emplois qui se trouvent dans le réseau de petites entreprises et de chercheurs participants. Nous avons créé une filière qui rapporte près de 2 milliards de revenus à ces PME en croissance, après seulement trois années.
    Un exemple — forcément simplifié —, avec Synchronicity in Motion, est Mme Carolyn McGregor, qui travaille avec l'hôpital pour enfants SickKids, dans l'unité de néonatologie, et qui surveille tous les instruments médicaux auxquels un patient est branché. L'analytique en continu et en temps réel des données de ces instruments lui permet de prévoir les septicémies et beaucoup d'autres maux 48 heures avant leurs manifestations chez ces patients; autrement dit, elle permet de sauver des bébés, mais aussi d'éviter tous les effets qu'entraînent les pathologies dans une unité de très grande valeur, mais dont les coûts sont très élevés. Elle n'offre pas seulement la technologie ailleurs au Canada, dans le nuage, mais aussi à des hôpitaux de premier plan aux États-Unis, en Chine et en Australie, d'où elle est originaire. C'est un exemple. Il est éloquent, mais je pourrais en citer 49 autres ainsi que des technologies perturbatrices qui viennent d'ici.
    D'après ces résultats, l'Agence fédérale de développement économique pour le Sud de l'Ontario vient d'annoncer un autre investissement de 20 millions de dollars dans la SOSCIP 2.0 ce qui a amené un autre investissement de 65 millions de dollars de la part d'IBM. C'est très excitant.
    Finalement, le Canada est capable de produire des technologies perturbatrices, de même que les entrepreneurs qu'il faut pour construire des sociétés autour de ces technologies nouvelles. En la SOSCIP, c'est ma thèse, nous avons un modèle éprouvé qui permet de réunir les ingrédients indispensables pour faciliter une telle activité. Dans ce modèle, nous croyons qu'un rôle important est réservé au gouvernement, pour la fixation de priorités nationales et régionales et pour donner des incitations financières, y compris le financement direct à l'appui d'initiatives faites en collaboration, tout comme la SOSCIP, d'un bout à l'autre du pays.
    Je vous remercie beaucoup et j'ai hâte de répondre à vos questions.
(1120)
    Merci beaucoup.
    Écoutons maintenant Mmes Gagné et Vollmerhausen.
    Merci monsieur le président. Nous sommes très honorées d'être ici en notre qualité de citoyennes. Je suis Claude Gagné, d'Ottawa. Je suis entrepreneure en innovation sociale.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je suis Bettina Vollmerhausen, cofondatrice et « déesse » des outils à l'Ottawa Tool Library.
    Monsieur le président, en novembre dernier, vous avez rencontré Abigail Capannelli, une jeune femme de votre circonscription, qui était très heureuse de vous montrer sa nouvelle main prothétique. Elle m'a fait parvenir ce clip, pour exprimer sa reconnaissance. C'est une main réalisée au moyen d'imprimantes 3D, par des bénévoles d'ici, à Ottawa. Vous devriez voir les images. Vous verrez qu'Abigail porte sa prothèse.
    [présentation audioviduelle]
    Merci, Abigail.
    Comme vous pouvez le voir, Abigail utilise sa nouvelle main pour préparer les repas, travailler dans le jardin et faire du sport.
    Nous en sommes redevables au réseau e-NABLE. L'été dernier, suite à un reportage sur un garçon d'Hawaï qui avait reçu une prothèse de main semblable, la mère d'Abigail a fait une demande avec photos des bras d'Abigail au réseau.
    Le réseau e-NABLE est un écosystème de chercheurs qui s'intéressent aux prothèses et à l'impression 3D, ainsi que de passionnés bénévoles, de bidouilleurs, de bénéficiaires et de leurs aidants. En quelques jours, la coordonnatrice d'e-NABLE a contacté une bénévole, également basée en Ontario, en l'occurrence moi.
    Je m'étais inscrite au réseau parce que je pensais avoir facilement accès à une imprimante 3D. C'était en août 2014. Je savais qu'il y en avait deux à la Bibliothèque publique d'Ottawa, à Nepean, mais le filament de résine qu'elles utilisaient ne convenait pas. Heureusement, le département de génie de l'Université d'Ottawa a créé un laboratoire ouvert pour l'impression 3D, qu'il a mis à la disposition du public le dimanche. Tout au long de septembre 2014, nous avons fait beaucoup d'essais empiriques avec les matériaux, le dimensionnement, la qualité de l'impression et l'assemblage de la prothèse.
    J'ai pu envoyer par messager une prothèse de la main d'Abigail qui se trouvait à Waterdown, en Ontario. Je n'avais jamais rencontré Abigail. Elle a reçu la prothèse et elle en a été très heureuse. Un mois plus tard, elle est venue à Ottawa. Elle vous a rencontré, monsieur le président. Elle était ici pour le lancement officiel du laboratoire ouvert de l'Université d'Ottawa.
    Les prothèses imprimées en 3D peuvent procurer la fonctionnalité voulue à une fraction du coût des prothèses fournies par l'industrie. Pour en produire une, il en coûte moins de 100 $. Dans l'industrie, le coût dépasserait les 20 000 $. Ce n'est pas exactement la même chose, mais la fonctionnalité y est. Les gens ordinaires qui ont accès à des imprimantes 3D peuvent faire des appareils fonctionnels, que ce soit à Ottawa ou à Tombouctou ou dans un camp de réfugiés.
    La conception « open source », les licences « creative commons » et un meilleur accès du public aux résultats de la recherche financée par l'État sont garants d'une plus grande résilience locale, de plus d'innovations et d'une répartition plus équitable des richesses à l'ère numérique.
    Je pense que le gouvernement a un rôle à jouer pour aider à accélérer la propagation et la croissance des laboratoires ouverts, des fablabs et des bibliothèques d'outils gérés par et pour la communauté locale. Tout cela fait partie d'une stratégie astucieuse pour soutenir la résilience locale et promouvoir l'innovation et l'entrepreneuriat.
    Bettina.
(1125)
    C'est ici que j'interviens.
    L'Ottawa Tool Library est en fait un élément de l'économie de partage et un mouvement qui a débuté aux États-Unis dans les années 1970 et qui a gagné le Canada, par Vancouver d'abord, où s'est ouverte la première bibliothèque d'outils au pays, il y a quatre ans. Nous serons l'emplacement numéro 12 et nous visons à fournir un accès à quatre catégories d'outils: manuels, électriques, les outils de cuisine et ceux de jardinage.
    Comme Claude Gagné l'a fait remarquer, nous prévoyons aussi d'offrir un accès à un laboratoire ouvert, où on pourra utiliser des imprimantes 3D, des défonceuses numériques et des découpeuses à laser.
    C'est une ressource communautaire très importante que nous essayons de créer. Nous sommes à la recherche d'un local à Ottawa ainsi que de soutien communautaire, que nous avons déjà reçu pendant notre récente campagne de financement collectif et qui nous a permis de dépasser notre objectif pour notre installation. Avec l'appui de notre entourage, nous envisageons d'ouvrir aussi, très bientôt, cette ressource communautaire pour Ottawa.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie beaucoup pour votre témoignage.
    Écoutons maintenant Mme Pearl Sullivan.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Notre exposé compte huit pages. J'ai apporté des copies. Faute de temps, je ne le lirai pas en entier.
    Pour commencer, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de votre invitation à venir témoigner devant vous. Je représente des centaines de chercheurs — collègues et étudiants — qui s'investissent dans le développement de nouvelles technologies émergentes à l'Université de Waterloo, en collaboration avec des collègues de partout au Canada et dans le monde. Comme doyenne de la plus grande école d'ingénierie de notre pays, j'ai aussi la chance de coudoyer certains des plus brillants jeunes entrepreneurs du Canada et de consulter un grand nombre de leaders de l'industrie de notre pays.
    En 1995, le professeur Clayton Christensen de la Harvard Business School a imaginé l'expression « innovation perturbatrice ou radicale ». Vingt ans plus tard, nous saisissons pleinement la façon dont les nouvelles technologies peuvent secouer quelque peu les industries et créer ainsi des marchés complètement nouveaux. Nous voyons les conséquences de deux innovations majeures du XXe siècle, l'aviation et les télécommunications, dans toute la force de la mondialisation et de la révolution de l'information. La différence, aujourd'hui, c'est la vitesse d'adoption. Elle est bien plus rapide qu'avant. On ne peut plus parler de vitesse, mais d'accélération.
    Mais comment le Canada peut-il maintenir cette croissance rapide? Avec un demi pour cent de la population mondiale, notre pays ne peut pas tout faire. Mais, là où nous excellons, nous pouvons être les premiers.
    Le gouvernement fédéral a récemment publié sa stratégie pour les sciences, les technologies et l'innovation qui annonce clairement ses priorités: plusieurs technologies perturbatrices, notamment les technologies de l'information et des communications, de l'énergie et de la fabrication de pointe. Cela démontre une volonté forte de préparer l'avenir de notre pays. Je pense que les perturbations du XXIe siècle proviendront d'organisations ayant l'agilité de réagir rapidement aux occasions nouvelles. Nous allons développer de toutes nouvelles technologies, mais, tout aussi important, nous les utiliserons avec efficacité et créativité. Ceux qui ont une vision d'avenir seront ceux qui iront de l'avant. Ils intégreront de multiples innovations afin de concevoir des solutions pratiques à certains des défis les plus pressants de notre monde.
    Deux domaines de recherche prometteurs qui auront un impact économique colossal sont les TIC et le stockage d'énergie. Comme nous l'avons entendu d'Industrie Canada, leurs impacts se propageront bien au-delà de leur secteur. De nouveaux capteurs bon marché, la transmission sans fil et le calcul des données révolutionneront la surveillance environnementale et annonceront l'arrivée des soins de santé véritablement personnalisés. Mises à part les économies potentielles en soins de santé, cette technologie est particulièrement indispensable aux régions rurales et éloignées du Canada. Un autre impact des TIC peut s'observer dans l'automobile connectée.
    L'impact global des TIC est encapsulé dans le futur Internet des objets ou IdO, dont le potentiel est mis en évidence dans la stratégie des STI du gouvernement. Attendez-vous à un avenir fait de systèmes cyberphysiques qui relient le numérique au physique. Les titans technologiques tels que Google, GE, Cisco, Intel, Microsoft, IBM, Qualcomm, BlackBerry, Telus et Samsung investissent des milliards dans la recherche sur l'IdO, dans l'intention de saisir ce marché.
    Les progrès les plus importants dans la résolution des défis mondiaux de l'énergie risquent de provenir du stockage de l'énergie, l'ultime référence pour les secteurs des services publics et du transport. La recherche sur le stockage de l'énergie démontre l'interdépendance de l'innovation, des liens vers d'autres domaines perturbateurs tels que les matériaux intelligents, la nanofabrication et l'impression 3D de circuits. Au cours de la prochaine décennie, d'innombrables capteurs pour l'IdO, de microprocesseurs et de noeuds de réseau sans fil devront fonctionner à l'aide de batteries à faible coût et de longue durée et utiliser des technologies de récupération de l'énergie.
    Déjà, nous voyons des systèmes de stockage d'énergie commerciaux susceptibles de changer radicalement notre approche traditionnelle à l'électricité. Par exemple, Tesla Energy a récemment annoncé les systèmes Powerwall et SolarCity. Ces systèmes, disponibles dans le commerce, permettront de rapidement établir des sources d'énergie solaire fiables et accessibles en permanence pour les secteurs résidentiel et commercial. À plus long terme, de nouveaux matériaux pour batteries tels que le lithium-soufre permettront aux voitures électriques de parcourir trois fois plus de distance que les batteries actuelles, à un coût beaucoup plus faible. Ces deux progrès technologiques auront un impact sur les marchés horizontaux, créant ainsi de nouveaux services et secteurs. Ils transformeront notre base de fabrication.
    J'arrive maintenant au coeur de l'innovation.
    En tant que professeure, chercheuse et administratrice depuis 25 ans, j'ai observé que les écosystèmes d'innovation sont importants mais que les idées originales le sont encore plus. Les perturbateurs de l'avenir seront ceux qui pourront résoudre les problèmes techniques vraiment difficiles et produire des solutions à fort potentiel de mise à l'échelle.
(1130)
    Si les gens du monde entier peuvent accéder aux nouvelles technologies rapidement, les marchés mondiaux se verront transformés. Bien sûr, au fil du temps, les nouvelles technologies seront elles-mêmes perturbées; ce dont nous avons besoin est un flux continu de nouvelles idées.
    La recherche axée sur la curiosité est essentielle; elle est la source ultime de toutes les technologies futures. Les initiatives stratégiques ciblant les secteurs à fort potentiel sont également importantes, car elles offrent une différenciation concurrentielle. À mon avis, la véritable source des inventions perturbatrices se trouve dans les talents techniques exceptionnels: les hommes et les femmes qui ont de grandes idées et qui sont aptes à les réaliser. Si nous pouvons les inciter à les approfondir et à les transformer en prototypes ayant un réel potentiel de marché, nous pourrons ainsi créer une profonde culture de l'innovation.
    Nous sommes véritablement au milieu d'une compétition mondiale pour acquérir les talents hautement qualifiés qui vont départager les leaders de la technologie de l'avenir des suiveurs. Il y a des pôles technologiques en émergence rapide dans les grandes villes à travers le monde, mais la Silicon Valley demeure un chef de file, particulièrement dans le domaine des TIC. Cependant, derrière cela se cache une histoire canadienne intéressante. L'année dernière, plus d'ingénieurs et de développeurs de logiciels maintenant à la Silicon Valley ont été recrutés à l'Université de Waterloo, plus qu'à toute autre école dans le monde, sauf pour l'Université UC Berkeley. Plus que MIT, plus que Stanford. Cette génération de jeunes hommes et de jeunes femmes a un grand rôle à jouer. Nous devons créer un environnement plus prospère afin qu'ils puissent atteindre leurs aspirations ici-même, au Canada. Ils sont l'avenir de notre pays.
    Le déploiement d'une nouvelle technologie peut être risqué pour l'industrie et particulièrement difficile, étant donné le rythme actuel des changements. Les investissements dans les infrastructures et les ressources nécessaires sont considérables. La géographie du Canada pose des défis uniques, mais nous pouvons créer des écosystèmes critiques qui ne pourront pas être facilement égalés par la concurrence.
    Le programme d'enseignement coopératif de l'Université de Waterloo offre un tel modèle. Imaginez un système parallèle, où l'université agit comme un point d'ancrage pour l'innovation technologique expériencielle. Au lieu d'envoyer les étudiants travailler à l'extérieur, l'université fait venir des entreprises de toutes tailles afin que ces dernières innovent sur place — en misant sur les infrastructures, la formation des talents, l'expertise, l'équipement, l'outillage, le réseau d'information et le soutien aux entreprises de l'université. Cette approche permettrait d'accélérer la première itération critique de l'innovation de produit. Avec plus de 1 600 partenaires de co-op et plus de 1 000 partenaires de recherche de l'industrie, l'expérience acquise en ingénierie par Waterloo peut offrir quelques idées sur sa faisabilité.
    Pour conclure, je vais donner en exemple le secteur de la fabrication.
    Dans l'industrie automobile, le cycle de vie de la production est de plus en plus court. Dans les secteurs de l'aérospatiale et de l'équipement médical, les périodes de récupération des coûts peuvent être importantes.
    Dans l'environnement d'aujourd'hui, même les grandes entreprises doivent collaborer dans des écosystèmes d'innovation ouverts. Toyota, par exemple, notre principal partenaire en recherche, a récemment noué un partenariat avec Mazda pour le volet du développement technologique. Ceci est l'avenir des risques partagés.
    Malgré leurs ressources très limitées, les PME emploient plus de 90 % des Canadiens oeuvrant dans le secteur privé. Elles ne fonctionnent généralement pas au sein d'un écosystème de l'innovation, mais ont un grand besoin de soutien pour accéder aux nouvelles technologies. L'une de ces technologies perturbatrices est l'impression 3D ou la fabrication additive. Elle permettra le prototypage rapide, les tests de concept et la production de petites séries; elle est donc parfaitement adaptée aux PME. C'est un domaine technologique où le Canada se doit de réussir, autrement, il risque d'être laissé pour compte. L'Université de Waterloo travaille en partenariat avec cinq autres universités canadiennes et de nombreuses PME afin de créer le Réseau canadien de la fabrication additive. C'est l'avenir de l'innovation dans le développement de produits.
(1135)
    Madame Sullivan, c'est la fin de votre déclaration, mais ce ne sera pas votre dernier mot pour aujourd'hui, parce que nous allons enchaîner avec une période de questions.
    Chers collègues, vous aurez droit à huit minutes chacun.
    C'est M. Daniel qui ouvre le bal.
    Merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui.
    Ma question va peut-être vous surprendre. Madame Dubé, vous avez parlé du besoin social et, en tant que gouvernement, nous devons nous tourner vers l'avenir et voir ce qui se passe, et il y a toutes ces technologies perturbatrices. Selon vous, quelle orientation devrait prendre notre société? Sera-t-elle déterminée par ces technologies perturbatrices? Comment notre société peut-elle progresser au chapitre de la formation et de l'acquisition des compétences nécessaires pour appuyer ces technologies perturbatrices à l'avenir?
    J'espère que chacun d'entre vous tentera une réponse.
    Je vais commencer par M. Horgan.
    D'accord, avec plaisir.
    Nous parlions un peu plus tôt de l'histoire de notre entreprise. Lorsque j'ai débuté ma carrière au sein de la société, nous étions le meilleur fabricant de machines à écrire au pays. Certains se souviennent de la Selectric, mais nos nouveaux employés se demandent réellement quelle est cette chose de marque IBM.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Patrick Horgan: Nous nous sommes perturbés nous-mêmes si souvent au fil du temps et, pourtant, notre taux d'embauche est plus élevé qu'il ne l'a jamais été. Je dirais que l'une des choses à faire, et cela a été exprimé par bon nombre d'entre nous ici aujourd'hui, c'est de se tourner vers l'avenir et de s'assurer d'avoir les compétences requises. C'est là où l'écosystème entre en jeu; il faut veiller à ne pas penser strictement à nous-mêmes et à notre propre secteur, quelle que soit l'organisation. Nous devons songer aux espaces adjacents, surtout du point de vue des gens et du développement des compétences.
     Si j'étais égoïste, je dirais que les compétences analytiques sont en situation déficitaire. Le Canada se trouve au milieu de ce déficit, à vrai dire, même si on offre les meilleurs programmes d'éducation. Nous renvoyons nos étudiants à la Silicon Valley. C'est honteux. Nous devons trouver des moyens de les rapatrier, de leur offrir des incitatifs afin qu'ils veuillent s'épanouir ici. Pour y parvenir, nous devons agir ensemble.
(1140)
    IBM est unique en ce sens qu'elle investit beaucoup dans la recherche et le développement au sein de sa propre entreprise.
    C'est exact.
    Honnêtement, ce n'est pas souvent le cas.
    C'est vrai, mais misons sur les entreprises qui le font. On le fait plus ici que dans d'autres pays, si on pense aux rapports qui s'appliquent ici.
    J'essayais d'en arriver à 100 $ par employé, madame Dubé. Nous avons dépensé quelque 35 000 $ par employé pour la R-D. Vous avez raison de dire que nous sommes uniques, mais d'une certaine façon, je pense que nous entraînons d'autres entreprises dans notre sillage; nous entendons parler d'autres investissements au Canada. Soit dit en passant, même des entreprises de la Silicon Valley, des petites entreprises, s'adressent à nous et nous disent: « Pourquoi êtes-vous au Canada? » et « Mon Dieu, j'ai entendu dire que vous avez de l'eau courante. Nous n'avons pas cela en Californie ».
    Des voix: Oh, oh!
    M. Patrick Horgan: Sachez que pour embaucher un ingénieur à la Silicon Valley en ce moment, cela coûte trois fois plus cher qu'en Ontario ou ailleurs au Canada, et le coût de la vie là-bas est quatre fois plus élevé qu'ici.
    Nous avons donc quelques avantages concurrentiels ici. Je pense que nous ne devons pas être seulement typiquement Canadiens — et je travaille partout dans le monde depuis longtemps, et je suis très Canadien —, mais nous devons également dire que nous pouvons réussir ici et commencer à créer ces possibilités et ces écosystèmes.
    Madame Dubé, avez-vous des commentaires?

[Français]

     Oui, certainement.
    Vous vous demandez si on va devoir toujours s'ajuster et comment on va pouvoir le faire. Je dirais que le citoyen s'ajuste assez rapidement quant à ce qui est nécessaire pour lui. Dans l'entreprise, il n'y a pas de système pour transformer les processus de travail. Il n'y a pas une réflexion suffisante pour transformer les pratiques professionnelles. Le numérique n'est pas suffisamment utilisé au Canada.
    On a fait des études pancanadiennes pour savoir si les entreprises, par exemple les PME, achètent suffisamment de systèmes de gestion de la clientèle. La réponse est oui, mais le problème a trait à l'usage. L'usage est non efficient et, très souvent, les entreprises ont de la difficulté à déterminer la taille du système dont ils ont vraiment besoin. Elles investissent beaucoup d'argent, se découragent et abandonnent, ce qui est regrettable.
    Le gouvernement du Québec nous demande régulièrement de faire des diagnostics sur les compétences numériques dans certaines entreprises. Les employés ont des compétences numériques en tant qu'individus, mais dans leur milieu de travail, ils doivent automatiser et transformer leur travail. Pour le reste de la vie, on va devoir faire cela dans tous les systèmes. En éducation, par exemple, il n'est pas nécessaire que chaque étudiant ait son iPad ou son ordinateur pour améliorer sa capacité d'apprentissage par le numérique. C'est une erreur de vouloir outiller tout le monde, mais il est nécessaire que les enseignants aient une approche pédagogique différente. C'est là qu'il y a un problème. Dans le quotidien, la transformation n'est pas suffisante.
    Je connais bien le gouvernement du Québec, mais je sais que le gouvernement du Canada a de bonnes mesures fiscales pour encourager le développement des technologies. La question fondamentale est de savoir si l'entreprise, qu'elle soit privée ou publique, fait un usage optimal de la technologie. La réponse est non. Le fossé se creuse actuellement. La situation du Canada est de moins en moins bonne d'année en année dans ces secteurs d'appropriation parce qu'il ne fait pas suffisamment d'efforts à ce chapitre.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Sullivan, avez-vous quelque chose à dire?
     Je pense que nous savons tous que nous ne pouvons pas dire à nos enfants où aller. Ce que nous pouvons faire, par contre, c'est les inciter à rester ici.
    Je pense que les écosystèmes critiques qui se démarquent sont très importants, compte tenu de la géographie du pays. À mon avis, nous avons un système et, en ingénierie, nous avons trois niveaux d'engagement: les grandes entreprises, les petites et moyennes entreprises et la collectivité des jeunes entreprises.
    Cette collectivité devrait collaborer avec IBM, Toyota, GM et Magna afin que, tous ensemble, nous puissions prendre part à ce processus non linéaire, parce que, pour déployer une technologie perturbatrice, il faut tout d'abord la mettre au point, puis la déployer. Il y a toute une chaîne d'événements qui est hautement non linéaire et très complexe.
    Si on met toutes les entreprises dans le même écosystème, elles apprendront et s'inspireront des autres et elles disposeront d'une plateforme commune où elles pourront se compléter les unes les autres. Les nouveaux produits et services proviendront de ce lien complémentaire.
(1145)
    Merci.
    Avez-vous quelque chose à dire, madame Gagné?
    Je pense que le gouvernement pourrait faire bien des choses pour favoriser une culture de l'innovation au Canada. En fait, il faut commencer très tôt, même dès la petite enfance.
    Les jeunes enfants devraient avoir accès, dans leur milieu, à des outils leur permettant de fabriquer des prototypes, des jouets ou n'importe quoi. Pour ce faire, nous avons besoin d'un minimum d'infrastructure, bien entendu. Celle-ci doit être accessible, comme dans les bibliothèques, les centres communautaires, les centres de prêts d'outils ou ailleurs. Je pense que plus c'est accessible, plus les Canadiens adopteront les nouvelles technologies perturbatrices.
    Merci, madame Gagné.

[Français]

     Merci, monsieur Daniel.
    Madame Liu, vous avez la parole pour huit minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à vous, madame Dubé. Votre présentation était très intéressante. J'aimerais simplement savoir si vous pensez que les données ouvertes jouent un rôle important dans les technologies perturbatrices et si le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle en ayant une stratégie nationale ou une approche concertée en ce qui concerne la disponibilité des données ouvertes.
    Vous avez absolument raison. Les données ouvertes sont essentielles. Ce qu'il importe de savoir, c'est quelles données doivent être libérées et de quelle façon elles peuvent être utilisées. Il faut mesurer comment elles sont utilisées, quel retour sur l'investissement cela peut produire et comment cela peut transformer la société.
    À titre indicatif, je vous informe que nous sommes en train de faire une étude pour le Conseil du trésor du Québec pour mesurer justement l'effet des données ouvertes et pour savoir si c'est seulement la société qui va les utiliser, ou si ces données seront ouvertes entre ministères. Nous l'avons aussi fait pour les villes du Québec, toujours à la demande du Conseil du trésor. Les données ouvertes vont transformer les façons de faire parce que ce sont des informations qui, si elles sont utilisées intelligemment, peuvent aboutir à des technologies et à des logiciels très perturbateurs, mais également très productifs pour la société.
    Effectivement. Dans les discussions que j'ai eues concernant les données ouvertes, j'ai constaté que celles-ci présentaient un énorme potentiel, mais également plusieurs défis, notamment parce qu'il n'y a pas vraiment de communication entre les bases de données des provinces.
    Selon vous, le gouvernement fédéral devrait-il jouer un rôle de concertation à cet égard?
    Je suis certaine que le gouvernement fédéral a une responsabilité dans l'appui de l'ensemble des provinces pour qu'elles interconnectent leurs façons de travail et développent une approche commune avec les algorithmes nécessaires pour aller chercher les données, sans que ce soit toujours une nouvelle initiative ou expérience qui se développe à chacun des endroits. Effectivement, le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle majeur à cet égard.

[Traduction]

    Ma prochaine question s'adresse à Mme Sullivan, de l'Université de Waterloo.
    Vous avez dit en exposé que la recherche guidée par la curiosité est essentielle. Que recommandez-vous au gouvernement fédéral afin de préserver l'équilibre du financement entre la recherche guidée par la curiosité et celle qui est fondée sur l'industrie? Croyez-vous que la recherche en amont doive bénéficier de fonds fédéraux?
    Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, ou CRSNG, a joué un rôle très important dans les activités des scientifiques, des ingénieurs et des mathématiciens au pays. Son programme principal est le Programme de subventions à la découverte, qui est absolument essentiel.
    Dans une certaine mesure, ces subventions ne sont pas énormes. Elles sont de 20 000 à 50 000 $ par professeur, une somme qui leur permet de s'attaquer à des projets d'envergure et de travailler aux sujets qui les intéressent vraiment. Je crois que tous les professeurs au pays conviendront qu'il faut bonifier ce programme. Il y a toutes sortes de programmes et de projets de recherche en partenariat. Ces projets aussi sont fort importants puisqu'ils mobilisent les entreprises. Nous avons d'ailleurs fait participer plus de 1 000 entreprises grâce à ces programmes. Nous savons que chaque fois qu'un nouveau programme voit le jour, le Conseil national de recherches du Canada, ou CNRC, le CRSNG, Mitacs et tous les autres travaillent d'arrache-pied pour tenter de jumeler les milieux industriel et universitaire. Ceux qui sont sur le terrain ne ménagent aucun effort pour y arriver. Je crois qu'il y a encore une peur du risque. Ces choses sont très importantes pour les facilitateurs, et il faudra du temps pour y arriver. Mais avec le temps, il est possible de surmonter cette peur.
(1150)
    Je crois que c'est important, car d'autres intervenants nous ont dit à quel point le Programme de subventions à la découverte a joué un rôle important. Nous avons toutefois constaté que le gouvernement a peu investi dans ce programme ces dernières années. Du côté du NPD, nous serions tout à fait d'accord à ce que le pays réinvestisse dans la recherche en amont.
    Dans un autre ordre d'idées, le Comité de la condition féminine est en train de réaliser une étude sur les femmes en sciences, en technologie, en génie et en mathématique, un sujet fort intéressant. Même si vous n'en avez pas parlé en exposé, bien des témoins du Comité de la condition féminine ont remarqué que pour encourager les femmes à s'inscrire dans le domaine du génie, il est très important de faire valoir la dimension d'aide de la carrière. Il faut donc informer davantage ceux et celles qui choisissent ces domaines.
    À votre avis, comment pourrions-nous encourager les femmes à contribuer aux écosystèmes d'innovation? Comment pouvons-nous les encourager encore plus à créer les technologies perturbatrices de demain? Avez-vous des recommandations à adresser à l'industrie ou au gouvernement dans le but d'accroître la participation des femmes?
    C'est une question très importante, et je vous en remercie.
    Il y a environ six ans, nous avons commencé à monter un dossier au bureau de la doyenne. La professeure Mary Wells, vice-doyenne responsable de la sensibilisation, travaille depuis maintenant sept ou huit ans à un programme visant à améliorer la représentation des sexes dans le milieu technologique. Nous avons notamment recueilli des données. Nous dirigeons le programme Engineering science quest, qui permet à 2 000 élèves de partout en Ontario de venir sur le campus pour en apprendre davantage sur la technologie. Nous ciblons les jeunes d'un bas âge jusqu'à la 12e année. Ce que nous avons constaté, c'est que les filles sont très emballées jusqu'à la 7e année, mais qu'il se passe quelque chose entre la 8e et la 10e année. J'ignore si c'est attribuable aux hormones, mais quelque chose se produit.
    Nous avons également appris que la physique constitue un obstacle de taille. Je pense que les professeurs de physique sont d'une importance capitale. Toutes les écoles de l'Ontario imposent des cours de science aux élèves, y compris de physique, mais les jeunes ne s'inscrivent pas nécessairement à cette matière en 11e et 12e année. Mais sans physique, un étudiant ne peut pas vraiment s'inscrire aux programmes de génie de la plupart des universités canadiennes. C'est une matière qui nécessite de bons enseignants et un appui considérable. Ce ne sont pas les mathématiques qui font obstacle. À vrai dire, ce sont souvent des filles qui remportent les concours de mathématiques.
    Je crois qu'il faudra des années pour y arriver. Après six ou même sept ans d'efforts... Mme Wells est également présidente du Ontario Network of Women in Engineering, et elle aide toutes les écoles de génie de l'Ontario à faire valoir leurs programmes d'études. Pour la première fois à l'Université de Waterloo, la classe d'admission de première année compte 27 % de femmes. Je crois que la limite est de 33 %, ce qui est simplement attribuable à l'espace physique permettant les inscriptions. L'automne dernier, nous avons lancé à un programme de génie biomédical pour lequel nous avons reçu 900 demandes alors que nous avions 50 places. Nous avons donc dû refuser des centaines de candidates très fortes, une situation qui n'a rien de simple. Nous devons poursuivre nos efforts.
    Merci beaucoup, mesdames Sullivan et Liu.
    C'est maintenant au tour de M. Warawa, qui a huit minutes.
    Je remercie les témoins d'être avec nous. Le sujet est fort intéressant, et j'avais hâte à la séance d'aujourd'hui. Nous avons entendu des témoignages de grande qualité.
    Nous traversons une période où le changement s'opère très vite. Mme Dubé nous a montré des photos prises à l'élection des papes, qui montrent l'évolution de l'utilisation des téléphones intelligents en huit ans. La différence est stupéfiante. Que nous le voulions ou non, le changement va se produire.
    En parlant d'IBM, monsieur Horgan, vous dites avoir vous-même introduit des technologies perturbatrices qui ont très bien réussi. C'est ce que les entreprises doivent faire. Nous sommes allés à Hawaï il y a des années, où un spectacle de hula était commandité par Kodak. Or, ce spectacle n'est plus offert aujourd'hui puisque la société ne s'est pas adaptée au changement. Au contraire, IBM l'a fait avec brio. Elle a créé une société formidable au Canada, et notre pays bénéficie de la création d'emplois et des investissements considérables qui en découlent.
    Il y a un an et demi, j'ai pris l'avion aux côtés d'un employé d'IBM qui m'a parlé de Watson et de l'utilisation des superordinateurs à des fins diagnostiques. Environ une année plus tôt, mon médecin généraliste avait des ordinateurs à son cabinet, et tout était numérique. Lorsqu'un patient passe une radiographie, fait une analyse sanguine ou quoi que ce soit d'autre, l'information parvient presque aussitôt au médecin. Par conséquent, les délais...
    Nous avons un des meilleurs systèmes de santé au monde, même il n'est pas parfait. Nous n'avons jamais assez d'argent pour tout faire, de sorte que nous devons utiliser plus judicieusement nos maigres ressources à l'échelle locale, provinciale et fédérale. Ma question à tous les témoins est la suivante: comment pouvons-nous mieux utiliser nos ressources limitées?
    Je crois que toutes les instances gouvernementales comprennent qu'il faut investir et former des partenariats, ce que nous faisons déjà. Comment pouvons-nous gagner en efficacité?
    Monsieur Horgan, je vous invite à commencer. Je pense que le fait qu'IBM soit au Canada nous aide énormément. Nous avons un des meilleurs systèmes de santé, mais comment pouvons-nous changer les choses? Lorsque j'étais dans cet avion il y a un an et demi, l'employé d'IBM était très fier et disait que Watson avait été mis à l'épreuve et avait dû poser un diagnostic à la place d'un médecin en chair et en os. Le taux de réussite de Watson était... Comme vous le dites, cette technologie peut même poser un diagnostic plus vite et prévoir ce qui s'en vient. Comment va-t-elle changer notre système de santé?
(1155)
    C'est une excellente question. Pensez-y, la technologie pourrait avoir une utilisation à très grande échelle dans le secteur public. Permettez-moi de vous mettre à jour: ce système cognitif que nous appelons Watson est maintenant très actif dans le domaine de l'oncologie. J'ai accompagné un de nos ministres fédéraux à nos laboratoires de New York — c'était malheureusement à New York, mais ce sera bientôt au Canada —, où nous observions une patiente en oncologie. En fait, le système analyse des dizaines de milliers de dossiers médicaux, y compris celui du patient, de même que tous les cas pertinents, puis il se demande quel serait le meilleur traitement pour le patient, dont l'intérêt est placé au premier plan.
    Le système présente un classement des diagnostics possibles, mais c'est le médecin qui le confirme en fin de compte. Le plus intéressant, c'est que la radiothérapie et la chimiothérapie complètes arrivaient au troisième rang, alors qu'elles constituent le traitement le plus prudent. Watson plaçait ce traitement en troisième position, avec un résultat de 55 %. Il y avait un résultat de 90 %, et un autre de 85 %. Les traitements hybrides permettant à la patiente, une jeune mère, de ne pas perdre ses cheveux étaient de meilleures options. Le plus intéressant, c'est qu'à la fin des résultats, le système cite les millions de dossiers médicaux qui ont été analysés, de même que les cas de confiance précis qui justifient le diagnostic.
    La décision d'aller de l'avant ou non incombe au médecin. Soit dit en passant, le système affiche les résultats en trois secondes. Cela ne lui prend pas des années. C'est extrêmement rapide, et la procédure évite aux patients de subir bon nombre des tests invasifs qui sont généralement réalisés.
    Je vais vous donner un autre exemple d'utilisation perturbatrice. Nous avons soumis le système à un concours entre plusieurs universités. Il y a environ deux mois, l'Université de Toronto est arrivée au deuxième rang en appliquant la technologie au système judiciaire. Nous n'y avions jamais pensé. C'est donc un exemple où nous avons décidé de mettre la technologie entre les mains des gens pour voir ce qu'ils en feraient. Les étudiants ont compilé 20 années d'affaires en droit de la famille de l'Ontario, puis ont demandé à Watson de comparer un dossier afin de trouver la jurisprudence applicable. Bien sûr, le système a très rapidement trouvé cinq affaires pertinentes de meurtre; l'avocat doit maintenant convaincre un juge.
    Chose intéressante, la technologie perturbe maintenant l'ensemble du système judiciaire. Ce n'est pas le cabinet de milliers d'avocats qui y gagne, puisqu'un bureau d'une ou deux personnes peut désormais obtenir la même information. En passant, il faudrait des mois au système judiciaire pour tout trouver. La technologie pourrait aussi avoir une utilisation relative aux politiques et à d'autres choses, dont nous pourrons parler en détail.
    J'aimerais simplement revenir à votre question. Nous sommes très fiers du système puisqu'il existe, mais il n'est pas utile tant qu'il demeure en arrière-boutique. Ce que nous voulons, c'est le faire connaître et l'appliquer à des domaines d'importance. Le Canada peut être un chef de file, peut-être en raison de notre présence, mais surtout parce que nous sommes prêts à aller de l'avant dans un esprit de collaboration.
(1200)
    Un autre témoin veut-il nous dire comment nous pourrions utiliser plus judicieusement nos ressources limitées, afin que nous puissions apporter notre aide?

[Français]

     Prenons le domaine de la santé. Le Canada a un excellent système de santé. Il coûte très cher et avec les changements démographiques, cela ne va pas diminuer.
     Dans certaines provinces du Canada et aux États-Unis, on adopte de plus en plus l'approche suivante: on met le citoyen au centre de la gestion de sa santé. Il devient davantage proactif. Cela se fait à l'aide, par exemple, de ce qu'on appelle « un dossier de santé personnel » sur un iPad. Le citoyen apprend à gérer les éléments liés à sa santé, comme un diagnostic, et il apporte toujours l'information de façon numérique aux professionnels de la santé.
    Aux États-Unis, il y a Kaiser Permanente qui compte 15 000 médecins. Cet organisme sans but lucratif compte 8,8 millions de patients. Systématiquement, les échanges se font de façon informatique. Les données du patient sont transmises directement et quotidiennement, par exemple pour la glycémie, pour la pression et pour d'autres choses. Cela permet de réduire énormément les visites chez le médecin, de même que les hospitalisations. Il s'agit d'une des tendances mondiales, qui peut permettre au système de santé de survivre. Le nôtre est excellent, mais il s'agit de mettre le citoyen au centre de la gestion grâce aux outils numériques.
    D'autres provinces ont déjà acheté les outils nécessaires et sont en train de les mettre en oeuvre. Au Québec, nous expérimentons à cet égard.

[Traduction]

    Merci beaucoup. C'était tout le temps que vous aviez.
    C'est maintenant au tour de Mme Sgro, qui dispose de huit minutes.
    Je souhaite la bienvenue à tous les témoins. Aujourd'hui encore, cette étude est fascinante, et je pense que nous apprenons tous bien des choses sur les différents projets et sur ce qui se passe.
    Monsieur Horgan, étant donné que la société IBM est présente dans de nombreux pays et qu'elle a probablement noué des partenariats avec bien des gens brillants des quatre coins du monde, comme il en a été question aujourd'hui, avez-vous un point de vue unique sur ce qui permettrait au Canada d'avancer plus vite?
    Je vous ai déjà dit lors d'une réunion antérieure que mon fils travaille maintenant à Silicon Valley, ce qui me chagrine au plus haut point. Le Canada ne lui offrait tout simplement pas assez pour le retenir. Ce n'est qu'un exemple, mais il dit que 75 % de ses collègues de travail à Silicon Valley viennent d'ici. J'ai bien peur qu'ils ne reviennent jamais; ils vont tous rester là-bas étant donné les investissements plus importants, l'aversion au risque moindre, et ainsi de suite. Mais je veux que ces gens reviennent au pays.
    Que devons-nous faire? La Plateforme d'innovation dans l'information intelligente du Sud de l'Ontario est un excellent projet, mais sommes-nous en retard de 20 ans? Nous faudra-t-il tout ce temps pour nous mettre à jour? Nous ne pouvons pas attendre autant, sans quoi un trop grand nombre de jeunes seront partis.
    J'ai un point de vue, bien entendu. IBM était sur place aux débuts de Silicon Valley, et j'ai affaire chaque jour à de bons amis qui sont à Almaden et dans nos autres laboratoires là-bas. Mais pour un Canadien, je soutiens leur concurrence assez vigoureusement dans le but de remporter plus de missions ici. Je ne parle pas au nom de la société. Je suis persuadé que vous prenez des notes, mais je vous le mentionne de façon informelle. C'est ainsi que nous devons nous percevoir en tant que Canadiens.
    J'ai travaillé à l'échelle internationale. J'ai passé la moitié de ma carrière à faire grandir des projets dans des régions émergentes. Je suis revenu au Canada il y a sept ans peut-être, et j'ai maintenant cette responsabilité; nous avons donc appris des techniques. Je dirais que nous avons une véritable approche canadienne. Nous sommes plutôt modestes, et nous savons nous excuser facilement. En fait, nous avons des avantages concurrentiels comparativement à votre fils... c'est d'ailleurs un choix judicieux dans le milieu. Ce n'est pas tout le monde qui comprend le milieu, mais il commence à prendre de l'ampleur. Il y a de plus en plus de jeunes diplômés de l'Université de Waterloo et d'autres incubateurs au pays. Nous n'en parlons pas assez.
    J'ai remarqué même à Ottawa que bon nombre de fonctionnaires n'hésitent pas à raconter les grandes réussites qu'ils ont vues à Silicon Valley. Je me dis: « Vraiment? Ne pourriez-vous pas trouver un vocabulaire pour décrire les grandes réalisations du Canada, à commencer par ici?  » Quel que soit notre rôle au pays, chacun d'entre nous doit commencer à penser comme les gens de Silicon Valley le font depuis longtemps: nous devons nous dire que nous sommes les meilleurs. Je dirais que c'est surtout à ce chapitre qu'ils ont une longueur d'avance, car nous avons tous les autres ingrédients nécessaires pour faire la même chose ici, et plus encore.
    Je conviens que nous ne pouvons pas dire aux jeunes où ils doivent aller après leurs études, mais s'ils étaient au courant de toutes les possibilités qui s'offrent à eux ici, et du caractère international et mondial de notre travail au Canada, ils n'auraient pas à partir. Ils pourraient retrouver tous ces éléments ici, puis faire des projets d'envergure internationale et devenir des chefs de file mondiaux.
    Nous allons poursuivre sur cette lancée, comme l'illustre le petit concours organisé par ma petite société, afin de créer chez nous un écosystème reposant sur ces nouvelles dimensions. C'est tout nouveau. Soit dit en passant, la Californie n'a aucun avantage sur nous dans certains des domaines dont nous avons parlé.
    Si nous nous reprenons vite en main, je suis tout à fait convaincu que nous pouvons l'emporter.
(1205)
    Que devons-nous faire pour y arriver?
    Il faut une volonté accrue. La question des données ouvertes était... Il y a des façons de protéger les données, et c'est là qu'il faut commencer. Lorsque ce sera fait, il faudra les ouvrir.
    Arrêtez de penser qu'il faut tout protéger. Il y a des similitudes avec le libre-échange. Vous pourriez créer des obstacles au commerce, mais je pense que nous avons franchi cette étape. Nous estimons que la meilleure façon d'être un acteur sur la scène mondiale, c'est de favoriser le libre accès et le libre-échange. Il en va ainsi pour les données. Il faut les protéger, mais il faut apprendre à le faire adéquatement. Cependant, il faut ensuite favoriser les données ouvertes. Il faut franchir la première étape puis passer rapidement à la deuxième, le but étant de déterminer de quelle façon nous pourrons mettre en place les écosystèmes et les éléments clés pour favoriser la participation.
    Il y a plusieurs façons d'y arriver, mais le gouvernement central a un rôle important à jouer à cet égard, évidemment.
    Madame Sullivan, je dois encore une fois vous dire à quel point l'Université de Waterloo m'impressionne. J'y ai fait une visite et j'ai pu voir beaucoup d'activités qui s'y déroulent. Vous entendre parler aujourd'hui du nombre de femmes inscrites à ces programmes et de tous les autres enjeux démontre que vous êtes un chef de file à cet égard. Cela se reflète dans votre voix et dans vos commentaires.
    J'aimerais vous céder la parole pour vous permettre d'en parler.
    Je vous remercie de vos bons mots, madame Sgro. C'est très apprécié.
    Premièrement, j'aime l'enseignement et j'aime les étudiants. Je pense que je représente des milliers d'universitaires qui partagent les mêmes sentiments. Cependant, je dois faire écho à ce que Patrick vient de dire: les données ouvertes, c'est essentiellement une question de partage.
    L'Université de Waterloo a ceci d'unique qu'elle a une politique inhabituelle en matière de propriété intellectuelle depuis sa fondation, il y a 57 ans. À l'université, la propriété d'une idée — quelle qu'elle soit — appartient à celui qui en est à l'origine. Le doyen n'a aucun droit de regard sur ce que vous voulez faire par la suite, ce qui est très bien.
    La plupart de nos étudiants démarrent une entreprise au cours de la deuxième année de leurs études en génie. Je crois que la présence, dans la région de Waterloo, de 500 firmes d'ingénierie qui embauchent des milliers de personnes découle de la politique sur la propriété intellectuelle et des programmes d'études de base. Lorsque les étudiants font un stage de quatre mois dans une entreprise, ils prennent connaissance des besoins et des lacunes technologiques puis, à leur retour, ils démarrent une entreprise.
    Il est très important de les appuyer. L'innovation en début de carrière est une réalité. Il faut appuyer ces étudiants et favoriser leur créativité pendant qu'ils sont aux études — c'est très important —, en plus de leur donner une formation sur la gestion d'entreprise, parce qu'ils prennent des risques pendant leurs études.
    La politique sur la propriété intellectuelle est importante. La PI doit leur appartenir. À la faculté de génie, nous les appuyons, même après l'obtention du diplôme. La collation des grades se tiendra la semaine prochaine. Nous avons 1 200 ingénieurs diplômés; nous sommes probablement en contact avec chacun d'entre eux. S'ils veulent démarrer une entreprise, ils ont accès au campus de l'université, aux laboratoires, à l'équipement et à la bibliothèque. Nous avons créé un programme d'entrepreneuriat pour les diplômés, ce qui leur permet d'avoir accès à tous les services offerts sur le campus.
    C'est réellement important. Le rôle de l'université ne se termine pas lorsque l'étudiant reçoit son diplôme à la collation des grades. Certes, les étudiants montent sur la scène pour aller chercher leur diplôme, mais cela ne se termine pas là. Nous devons les aider après l'obtention du diplôme.
(1210)
    J'aimerais dire à Mme Gagné et à sa collègue qu'il était fascinant de les écouter aujourd'hui.
    Je tiens à vous féliciter de cette initiative. Qui sait où cela mènera? Il était fascinant d'en entendre parler. Je suis certaine que cette jeune femme peut maintenant faire beaucoup de choses qu'elle ne pouvait pas faire auparavant.
    Je vous félicite toutes les deux de vos initiatives.
    Merci beaucoup.
    Nous passons à Mme Gallant, pour huit minutes.
    J'aimerais d'abord demander à tous les témoins de parler de l'utilisation de l'imprimante 3D. Comment avez-vous réussi à faire parvenir tous les matériaux pour cette imprimante 3D à l'endroit choisi, un dimanche?
    Premièrement, j'ai eu accès à Internet par l'intermédiaire du réseau e-NABLE.
    Le premier aspect est la conception. Il s'agit d'une conception de source ouverte qui a été développée par des équipes de chercheurs universitaires; elle est donc offerte par l'intermédiaire de Creative Commons. Pour moi, c'était le premier élément. Ensuite, divers fournisseurs vendent les filaments, mais encore une fois, le réseau e-NABLE a fourni les caractéristiques des matériaux qui pourraient être utilisés.
    J'ai aussi bénéficié d'un appui local. J'ai reçu l'aide de spécialistes de l'impression 3D ici, à Ottawa. En fait, cela ne résulte pas du travail d'une seule personne, mais de plusieurs. J'ai eu beaucoup d'aide, tant pour la fabrication de pièces de qualité adéquate que pour l'assemblage.
    L'Université d'Ottawa travaille à la création d'un écosystème. Ce qui est formidable, c'est que l'ensemble de la collectivité y a accès. C'est très novateur. Dans le passé, les universités réservaient les services aux étudiants ou à leur propre communauté, mais il y a maintenant une université ouverte. C'est bien. Nous aimerions qu'il y ait plus de choses de ce genre.
    Je pose la question parce que ce serait une bonne idée de reproduire ce qui a été fait à cet endroit et dans les bibliothèques, et j'aimerais en savoir plus sur la façon d'y faire parvenir ce dont vous avez besoin et sur le processus d'approvisionnement.
    Monsieur Horgan, vous avez parlé d'un hôpital qui a joué un rôle quant à l'adoption de technologies. Il est déjà difficile d'inciter les PME à avoir leur propre site Web. Même si vous leur offrez 5 000 $, ils n'ont pas le temps ou l'intérêt de le faire, et n'en voient pas la nécessité.
    Que peut faire le gouvernement pour créer un environnement qui favoriserait l'adoption plus rapide des cinq aspects des technologies perturbatrices que vous avez décrits?
    Vous avez raison, en particulier si vous choisissez l'exemple d'un hôpital comme fondement à votre question. Il y a plusieurs entrepreneurs formidables qui font d'intéressantes choses, grâce à Internet, aux services en nuage, aux applications mobiles, qui permettent aux patients d'avoir accès à leurs données partout et de les comprendre. Or, par exemple, il semble y avoir plus d'obstacles à la mise en place de ce genre de choses au Canada qu'aux États-Unis. Les exemples que nous avons cités proviennent des États-Unis. J'y suis allé aussi, pour voir ce que font les Américains et pour savoir comment cela pourrait être transposé ici.
    De nombreux hôpitaux tentent aussi de briser ce paradigme. Par rapport à la question posée précédemment, ils cherchent à savoir comment réduire les coûts des soins de santé, et si cela ne peut servir de catalyseur, ce sera un facteur perturbateur, parce que nous n'avons pas les moyens d'offrir ces services. Nous devons envisager de faire les choses différemment. Certains présidents d'hôpitaux et certains hôpitaux avec lesquels j'ai des liens — je siège au conseil d'administration d'un hôpital de Toronto — sont tout à fait ouverts à l'idée d'innover. Le problème, souvent, c'est qu'ils doivent trouver un réseau d'approvisionnement et doivent satisfaire à divers critères pour mener certaines activités. Je comprends qu'il puisse en être ainsi dans le secteur pharmaceutique — les essais cliniques et les processus qui y sont associés —, croyez-moi, mais dans les secteurs des appareils médicaux et de la neuroscience, dans les secteurs où les découvertes peuvent se faire à un rythme aussi rapide que dans le secteur des technologies, cela peut nous aider à gagner. C'est un fait reconnu dans les secteurs clés qui ne sont pas assujettis à toutes sortes d'exigences, pour ainsi dire, par rapport aux périodes d'essais cliniques, etc. Beaucoup de secteurs sont de nature perturbatrice et jouent un rôle proactif qui nous permet de faire des progrès dans cet atout précieux qu'est le secteur des soins de santé. Nous pouvons le faire dans certains secteurs. C'est ce que j'encouragerais: plutôt que d'aborder la question en fonction de l'ensemble, il faut cibler les secteurs où nous pouvons progresser très rapidement.
(1215)
    En ce qui concerne les entreprises qui ne sont pas financées par le gouvernement et les PME, on nous a parlé, lors d'une réunion précédente, de la nécessité d'avoir un écosystème et des établissements d'enseignement comme ce qui existe à Boston, où l'on trouve des parcs technologiques.
    On nous dit que le Canada manque d'investisseurs prêts à prendre des risques. Les gros joueurs sont absents ou, s'ils sont présents, ils ne sont pas disposés à investir dans ce genre d'écosystème. Comment peut-on inciter le gouvernement à investir massivement sans qu'on ait l'impression que les contribuables financent des investisseurs parasites?
    La question s'adresse à n'importe lequel d'entre vous.
    Je vais tenter une réponse.
    Je pense qu'il faut un ombudsman au sein du groupe. Autrement dit, il faut avoir un représentant. Dans le cas de la SOSCIP, dont nous avons parlé plus tôt, le gouvernement ontarien a nommé au conseil un représentant des Centres d'excellence de l'Ontario. Nous encourageons de telles mesures. IBM ne compte que deux représentants parmi les 12 membres du conseil dirigé par l'université. La présence d'un intermédiaire qui s'assure que tout est fait selon ce qui a été prévu, ou mieux, permet de protéger les intérêts de tout le monde; c'est là l'exigence minimale à toutes les étapes.
    Quant à l'autre point, nous avons entrepris de collaborer avec les gens de Boston et d'ailleurs pour permettre à plus de petites entreprises d'avoir un meilleur accès aux outils. Ainsi, elles n'auront pas seulement accès aux outils dont nous avons parlé plus tôt, mais elles pourront aussi obtenir du mentorat qui les aidera à comprendre comment passer à la prochaine étape et comment pallier cette lacune.
    Je constate qu'à l'autre bout du spectre — et je parle des petites entreprises en démarrage qui sont détentrices de la propriété intellectuelle —, des gens du secteur du capital de risque, des gens comme ceux qui participent ou qui ont participé à l'émission Dans l'oeil du dragon, viennent frapper à nos portes et demandent à voir les 40 entreprises que nous avons lancées. Nous avons accepté, et nous veillerons à mettre en place un contexte propice pour le faire. Ils ont le capital, mais ils n'ont tout simplement pas pensé... Une intervention trop précoce, à une étape où le taux d'échec est élevé... Si l'intervention a lieu à une étape où les investisseurs sont en mesure de comprendre que les entreprises travaillent à la mise au point d'un prototype de classe mondiale, les investissements suivront.
    Nous avons deux segments de la société où le taux de chômage est en croissance. Il y a d'abord les gens de 50 ans et plus, dont les emplois sont rendus obsolètes par les technologies perturbatrices, du moins en partie. Il y a aussi les récents diplômés d'université qui connaissent bien ces cinq types de technologies perturbatrices. Ils viennent d'obtenir leur diplôme; leur dette s'élève à 50 000 $, et ils n'ont pas les compétences nécessaires pour occuper les postes que les entreprises cherchent désespérément à pourvoir.
    Cette question pourrait s'adresser aux gens de l'enseignement. Ce n'est pas tout le monde qui a la capacité de devenir ingénieur. Comme je l'ai indiqué, ces jeunes connaissent bien ces technologies perturbatrices. Ils ont un avantage sur ceux qui travaillent dans le secteur manufacturier, par exemple, et qui n'utilisent pas ces technologies. Que devraient faire le gouvernement, les entreprises et le milieu de l'enseignement pour assurer une meilleure adéquation de ces nouvelles compétences au marché de l'emploi de demain?
    La description de poste d'un président précise que le titulaire du poste doit être prêt à jouer le rôle du méchant. Je suis désolé. Le temps est écoulé. Si vous pouviez y penser et tenter de glisser une réponse à ce sujet dans une réponse à un autre intervenant, ce serait formidable.
    Nous passons à maintenant à Mme Papillon, pour huit minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos invités d'être présents ce matin.
    J'aimerais commencer par Mme Sullivan.
    Plusieurs experts mentionnent qu'il est difficile de faire le lien entre la recherche universitaire et les besoins des entreprises en recherche-développement. Or le CEFRIO semble avoir développé une certaine expertise dans le domaine. Selon vous, quelles pistes de solution le Canada pourrait-il envisager à plus grande échelle?
(1220)
    Votre question s'adresse-t-elle à Mme Sullivan?
    Oui. Je vais vous donner la parole ensuite, madame Dubé.

[Traduction]

    Je vous remercie de la question.
    Premièrement, je pense que l'Université de Waterloo est liée au secteur industriel depuis sa fondation. L'un de nos fondateurs était un homme d'affaires. Je pense que c'est ainsi que cela a commencé, et grâce à notre programme d'enseignement coopératif, nous avons toujours eu un lien solide avec l'industrie.
    Par exemple, nous menons des activités de recherche en collaboration avec cinq constructeurs d'automobiles: GM, Ford, Toyota, Magna et Honda. Comment se fait-il que toutes ces entreprises soient prêtes à venir à l'université sans craindre une quelconque menace à la propriété intellectuelle? Je pense que c'est en raison de ce que nous avons fait. Nous protégeons les renseignements. Nous menons des projets, et les entreprises n'ont aucune préoccupation. Elles ont la certitude que leurs connaissances sont protégées. De plus, il y a beaucoup de travail partagé et les résultats sont commercialisés très rapidement.
    Je pense que cela découle de la souplesse du milieu. Les professeurs et les étudiants travaillent en étroite collaboration avec l'industrie. À mon avis, cela résulte en partie de notre politique en matière de propriété intellectuelle et en partie de notre programme d'enseignement coopératif. Beaucoup d'entreprises viennent à l'université pour engager des étudiants, mais aussi pour faire de la recherche. C'est en partie lié à la culture de l'université.

[Français]

    Madame Sullivan, nos universités doivent-elles offrir de meilleurs incitatifs aux chercheurs pour faire de la commercialisation?

[Traduction]

    Beaucoup de choses ont été écrites à ce sujet. Si les professeurs ne commercialisent pas leurs résultats de recherche, c'est notamment en raison de l'approche de récompenses. Chaque année, lors de l'examen des candidatures pour les promotions ou lors des examens du mérite, ils sont jugés en fonction de leurs articles publiés dans une revue à comité de lecture, de comptes rendus de conférences et de la qualité de leur enseignement. De plus, le service compte pour environ 20 % de l'examen. Il y a une perception selon laquelle la commercialisation n'est aucunement prise en compte dans l'examen.
    L'Université de Waterloo a un processus d'examen comparable. L'étude d'une entreprise ne donne pas de points supplémentaires. Par contre, on tient compte des brevets, mais je pense que c'est une question de culture. Essentiellement, ce que nous disons aux professeurs qui ont des étudiants, c'est qu'ils sont libres de commercialiser un produit si c'est ce qu'ils souhaitent, mais qu'il est très important qu'ils donnent leurs cours et traitent leurs étudiants convenablement. Je ne crois pas que notre approche de récompenses soit très différente. Je pense que l'idée selon laquelle il faut favoriser et faciliter l'innovation et la commercialisation est ancrée dans notre culture.

[Français]

    Merci.
    Madame Dubé, je vois que vous voulez réagir à ces propos.
    J'endosse les propos de Mme Sullivan. En grande partie, c'est l'approche de récompenses chez les chercheurs qui est liée aux publications. Là où le modèle du CEFRIO est fort utile, c'est que la recherche est faite par des chercheurs universitaires qui entreprennent des projets de terrain. Comme ils gardent la propriété intellectuelle de la recherche, ils peuvent publier. Cependant, dans les faits, c'est le CEFRIO qui s'assure que les « livrables » sont adoptés, que les pratiques s'installent dans les entreprises et qu'on les généralise dans les entreprises qui peuvent être exigeantes à cet égard.
    Nous travaillons avec les chercheurs universitaires tous les jours. Ce qui les intéresse et ce qui est « payant » pour eux, c'est seulement la possibilité de publier de nouvelles connaissances. Le modèle du CEFRIO est assez rare. C'est une idée qu'a eue l'État il y a 27 ans. Cela nous permet présentement d'agir dans tous les secteurs, principalement à la demande de l'État, auprès des PME où il y a peu de compréhension et de connaissance des recherches universitaires. Nous sommes donc le lien qui fait faire la recherche.
     Je trouve que c'est intéressant. J'aimerais profiter de l'occasion, vous qui êtes de ma circonscription, pour avoir plus d'information sur la façon dont le CEFRIO est financé.
    Recevez-vous de l'argent de programmes fédéraux? Comment le gouvernement fédéral peut-il davantage vous venir en aide?
    À l'heure actuelle, nous n'avons pas de soutien financier du fédéral. Nous avons une subvention de fonctionnement du gouvernement du Québec qui équivaut à 20 % de tout notre chiffre d'affaires. Les mandats que nous recevons peuvent provenir de grandes entreprises privées ou de différents ministères du gouvernement qui nous financent.
    Nous discutons avec Développement économique Canada pour les régions du Québec, puisque le dernier budget du gouvernement du Québec a reconnu une démarche qui s'appelle Carrefour de l'entreprise numérique. Le gouvernement du Québec vient d'investir 3 millions de dollars. Nous avons présenté le modèle, qui est une démarche très structurée de diagnostic et d'accompagnement pour l'appropriation et la transformation des pratiques en entreprise. Je ne sais pas si nous finirons par obtenir des résultats positifs, mais l'accueil de Développement économique Canada pour les régions du Québec a été très bon.
(1225)
    Oui, ce pourrait être un partenaire. Je trouve très intéressant que vous souleviez ce point aujourd'hui.
    Madame Dubé, dans votre présentation PowerPoint, vous avez indiqué que les coûts de l'accès à Internet et aux réseaux cellulaires trop élevés avaient des répercussions sur la vitalité économique du Canada.
    Comment le Canada se compare-t-il au reste de la planète à cet égard?
    J'essaie de me souvenir d'une citation. On est un peu comme le tiers-monde, car les coûts de l'usage d'Internet au Canada sont parmi les plus élevés au monde. Malheureusement, je n'ai pas les chiffres, mais si cela vous intéresse, nous pourrons vous transmettre l'information.
    Présentement, il y a des changements. Le gouvernement fédéral vient d'adopter des mesures pour faire en sorte qu'il y ait davantage de joueurs et de concurrence. Toutefois, cela demeure très dispendieux. Par ailleurs, c'est très inégal. On parle encore de 5 mégabits pour la haute vitesse, mais c'est dépassé. C'est suffisant pour le citoyen, mais ce n'est plus suffisant pour une entreprise qui veut agir. La très haute vitesse n'est pas encore accessible partout en région, dans tout le Canada. Son coût sera très élevé.
    Comme il est question de changements de mentalité, j'aimerais poser la question à d'autres personnes, pour qu'elles puissent nous faire part de leurs idées à cet égard.

[Traduction]

    Le temps est écoulé, madame Papillon.

[Français]

    D'accord.

[Traduction]

    Je suis désolé; cela arrive à tout le monde.
    Monsieur Carmichael, vous avez huit minutes.
    À l'instar de mes collègues, j'aimerais souhaiter la bienvenue à tous nos témoins d'aujourd'hui. C'est une discussion fascinante. J'attendais moi aussi cette réunion avec impatience.
    Huit minutes, c'est vite passé. Par conséquent, je serai bref, et j'espère que vous m'aiderez tous en répondant brièvement de façon à ce que nous ayons l'occasion d'étudier quelques questions. Il est possible que je sois trop empressé et que je tente d'en faire trop.
    Madam Gagné, madame Vollmerhausen, je me demande si vous pourriez parler brièvement de la structure de coûts. Vous avez mentionné le coût de la prothèse que vous nous avez montrée. Quels étaient le délai, la structure de coûts et les méthodes d'ingénierie nécessaires au développement de ce produit? Pouvez-vous nous en donner une idée? En quoi était-ce différent du statu quo?
    En ce qui concerne les coûts en tant que tels, la conception d’une prothèse appropriée entraîne en fait d’importants coûts en permanence. Voilà pourquoi il est formidable qu’il y ait, à l’échelle mondiale, un écosystème de chercheurs qui s’emploient toujours à concevoir ces dispositifs. Par conséquent, je n’ai pas été forcée d’absorber ces coûts. Internet m’a donné accès à un modèle qui avait déjà fait l’objet d’essais de la part d’un grand nombre de personnes. Donc, les coûts qu’il m’a fallu assumer se sont vraiment limités à l’achat des matériaux.
    Les matériaux étaient le filament de résine. En fait, c’est le genre de résine qu’une imprimante 3D utilise. J’ai peut-être employé la valeur de 10 $ de filament. En ce qui concerne la structure des coûts, elle est très difficile à définir étant donné qu’elle est intégrée en grande partie dans le processus de conception.
    Ensuite, il a fallu que j’aie accès à des imprimantes 3D. Par chance, j’ai été en mesure d’accéder gratuitement à une telle imprimante. Je ne voulais pas en acheter une, car les imprimantes  D sont trop coûteuses pour être achetées par une seule personne. Voilà pourquoi nous plaidons en faveur d’une économie du partage dans laquelle les outils qui coûtent cher peuvent être partagés.
    Cependant, en ce qui concerne les délais, combien de temps a-t-il fallu pour accomplir, du début à la fin, la démonstration que nous avons vue à l’écran?
    En ce qui a trait aux délais exacts, on a communiqué avec moi le 14 août 2014, et un certain temps s’est écoulé avant que j’aille à la bibliothèque, et ainsi de suite. Le produit final a été livré le 21 octobre à Waterdown, en Ontario.
    Tout ce temps a été nécessaire, mais, dans l’intervalle, j’ai voyagé et j’ai accompli un certain nombre de tâches. J’ai communiqué avec maintes et maintes personnes, et j’ai frappé à de nombreuses portes pour acquérir, en fait, le savoir-faire requis et aussi pour être en mesure de produire la prothèse. En outre, l’impression requiert beaucoup de temps.
(1230)
    Non, cela ne semble pas être un énorme gaspillage de temps. Je vous remercie infiniment. Cette démonstration était très impressionnante.
    Madame Sullivan, lorsque nous avons commencé à discuter avec les universités de la technologie, de la recherche, du développement et des étapes à franchir pour passer de l’élaboration à la commercialisation, je me souviens d’avoir parlé à plusieurs de vos collègues au fil des ans — et cela remonte à plusieurs années maintenant — dans le but de trouver une façon appropriée de partager la propriété intellectuelle. Comment pouvons-nous parvenir à un stade où nous sommes en mesure d’établir les détenteurs de la propriété intellectuelle, et comment pouvons-nous motiver et inciter fortement les gens à commercialiser les produits?
    Vous avez parlé de campus ouverts, de laboratoires, d’accès, etc. Je me demande si vous pourriez nous en dire brièvement davantage à propos de tout aspect que vous pourriez avoir oublié d’aborder lorsque vous parliez de la façon dont votre formule stimule véritablement la réussite.
    La politique de l’Université de Waterloo en matière de propriété intellectuelle permet au créateur de détenir les droits de propriété. Si un professeur et un étudiant de deuxième ou troisième cycle travaillent ensemble à un projet, ils sont copropriétaires de la propriété intellectuelle. Si l’un d’eux décide de la commercialiser, ils s’assoient et, avec l’aide de notre bureau de commercialisation, ils décident de la façon dont tous les profits et les recettes découlant du projet seront divisés. Tous les gens ne souhaitent pas être des entrepreneurs, mais un grand nombre d’entre eux désirent créer de nouvelles connaissances. C’est donc le bon côté des choses.
    Bon nombre de nos étudiants de premier cycle et un pourcentage de plus en plus important de nos étudiants de cycles supérieurs démarrent des entreprises reposant sur leurs thèses. Nous les appuyons et le bureau WatCo, c’est-à-dire le bureau de commercialisation de Waterloo, leur offre des occasions de travailler. Ils mettent en œuvre un projet avec l’industrie. Les entreprises ont la possibilité de conclure des ententes avec le professeur et son groupe.
    Dans le domaine de la technologie, il n’est pas nécessaire d’acheter tous les droits de propriété intellectuelle. Il faut délivrer des permis de commercialisation parce que la technologie évolue. Dans deux ans, elle sera probablement désuète. Par conséquent, les professeurs délivrent à plusieurs entreprises des permis autorisant la commercialisation de la propriété intellectuelle pendant un certain nombre d’années. Les plates-formes technologiques peuvent avoir différentes applications. La base ou la source peut donc être la même, mais on peut simplement la modifier en fonction des applications.
    Merci beaucoup, madame Sullivan.
    Monsieur Horgan, si vous me le permettez, j’aimerais consacrer le reste de mon temps de parole à discuter avec vous. Lorsque vous avez parlé, entre autres, de certains des points de comparaison entre Silicon Valley et les talents canadiens et de certains des avancements, je me suis réjoui de vos observations. Votre participation à la réussite canadienne semble vous tenir particulièrement à cœur.
    L’adoption de technologies avancées contribue à accroître la productivité. Toutefois, on a l’impression que les entreprises canadiennes accusent du retard par rapport à leurs contreparties américaines au chapitre de l’adoption de technologies avancées. Je me demande si vous pourriez parler de cet aspect. Étant donné qu’IBM possède manifestement des usines de chaque côté de la frontière, comment gérez-vous cette situation, et comment attirez-vous des affaires du côté canadien? Où est donc l’incitation à faire affaire avec le Canada?
    L’une de mes perspectives découle du fait qu’il y a deux ans, j’étais président de la Chambre de commerce du Canada et que je suis son président sortant. J’ai passé beaucoup de temps à réfléchir à cette question, à me demander la raison pour laquelle les Canadiens accusaient du retard, comme toutes les statistiques le montraient. Toutefois, mon entreprise était un peu un cas particulier.
    Je pense que cela a à voir avec les 20 ou 30 dernières années pendant lesquelles la valeur du dollar était très raisonnable à un moment donné. Par conséquent, nous pouvions simplement vendre nos services aux gens sans avoir à innover tant que cela, et nous devenions beaucoup plus axés sur les ressources. Bien que l’exploitation des ressources exige certaines avancées technologiques, elles ne sont pas aussi nécessaires que dans d’autres domaines.
    Si vous ne croyiez pas savoir d’où venait votre concurrence — contrairement au reste de la planète, soit dit en passant — et si vous ne saviez pas quelle serait la prochaine vague technologique — contrairement au reste de la planète, soit dit en passant —, vous seriez plus motivé à apporter les changements nécessaires. Autrement dit, mon postulat est que, si nous, les Canadiens, restons à la même place pendant les cinq prochaines années, nous nous laisserons distancer encore plus. Il faut réfléchir à la façon dont nous pouvons penser d’une manière plus créative, d’une façon différente dont nous le faisions auparavant. Voilà pourquoi les technologies perturbatrices et leur adoption sont vraiment importantes.
    Je pense que, pendant que nous interrogions les gens partout au pays, nous avons constaté que les Américains croyaient très fermement que cela devait se produire — et les Asiatiques le croyaient encore plus, soit dit en passant —, mais les Canadiens un peu moins. Nous disposons même de données empiriques qui le prouvaient.
    Voilà en quoi consisterait ma réponse.
(1235)
    Merci beaucoup, messieurs Horgan and Carmichael.
    Monsieur Cash, vous disposez de huit minutes.
    Monsieur le président, cette discussion est simplement fascinante.
    Je vous remercie tous de votre présence.
    J’aimerais parler de l’importance de la cybersécurité dans le contexte des technologies émergentes perturbatrices. Nous pourrions peut-être commencer par M. Horgan et, si je vous interromps, je vous prie de pardonner mon impolitesse, mais, comme vous le savez, nous n’avons pas beaucoup de temps.
    Bien sûr. De quelle façon souhaitez-vous discuter de cette question?
    Eh bien, je veux savoir si, au Canada, nous sommes en bonne voie de fournir aux entreprises canadiennes…
    Voici un fait peu connu. Le meilleur savoir dans le domaine de la cybersécurité provient du Canada. Q1 Labs de Fredericton, que vous avez peut-être croisé à votre époque, fait maintenant partie d’IBM, mais l’entreprise s’occupe de notre cybersécurité à l’échelle mondiale, une cybersécurité qui, dans bien des milieux, est connue comme étant de premier ordre. C’est, entre autres, dû au fait qu’il ne s’agit pas d’une protection périphérique; cela reprend l’argument selon lequel l’objectif n’est pas d’ériger des murs. Vous devez comprendre chaque jour en temps réel chaque interaction qui survient dans votre réseau. Cette cybersécurité est aussi fondée sur la constatation que des intrusions informatiques se produisent quotidiennement. Elles sont déjà présentes dans votre réseau, et vous n’y pouvez rien, même à titre de personnes intéressantes. Les auteurs d’intrusions passent en moyenne à peu près un an à l’intérieur de vos murs avant d’exfiltrer les renseignements qui leur plaisent, parce qu’ils regardent aux alentours pour trouver d’autres renseignements. C’est là le déroulement d’une incursion rapide.
    Par souci de concision, je vais ralentir maintenant et vous parler des mesures plus exhaustives que Q1 Labs nous a enseignées. Ils ont conçu le radar Q1 qui surveille en fait tous vos environnements, décèle des anomalies, comme des policiers le feraient dans leur travail, et saisit les anomalies en temps réel. Ensuite, le radar est capable de les circonscrire et, tôt ou tard, de les supprimer de votre système. Voilà le genre de cybersécurité dont vous aimeriez bénéficier et, pour être franc, je pense qu’elle est vraiment de premier plan dans le monde entier et que vous pouvez en tirer parti. Après avoir commencé à prendre ces mesures, vous aurez beaucoup plus envie de dire: « offrons maintenant l’accès à nos données et exhortons-nous vraiment à partir à la conquête de l’avenir ».
    Je me demande, madame Sullivan, si vous avez quelques observations à formuler à propos de la question plus vaste de la sécurité des données au Canada.
    Je pense que les citoyens du Canada ont de nombreuses habitudes et façons de faire les choses. Comme nous entrons dans l’ère de l’Internet des objets, nous allons tous devoir nous préoccuper grandement de ces habitudes. S’il est vrai que notre santé personnelle, dans une ère d’avancement… et je pense qu’il y a de nombreux avantages économiques à surveiller les Canadiens âgés et vulnérables, ainsi que ceux qui sont malades. Une partie de ce travail doit consister à intégrer des mesures de sécurité dans tous les systèmes. Je crois qu’un grand nombre d’efforts sont déployés à cet égard à Waterloo. Bien que j’ignore ce qui se passe à l’échelle nationale, je sais qu’à Waterloo, les domaines de la cryptographie quantique, des systèmes d’information quantique et de la sécurité quantique revêtent une grande importance. À l’heure actuelle, l’institut de l’informatique quantique, la faculté de mathématiques, l’école d’informatique et le département de génie électrique et informatique travaillent dans ces domaines. En fait, je dirais que tous les chercheurs et tous les utilisateurs sont extrêmement prévenus à cet égard et que le domaine de la cybersécurité est au coeur de toutes leurs préoccupations.
    Je tiens également à parler un peu de BlackBerry. Je pense que le système d’exploitation de BlackBerry est toujours le plus sûr de la planète. Il l’est vraiment. Je crois, par exemple, qu’il y a de nombreuses années, ils ont également acheté un système QNX, qui est utilisé en ce moment dans des applications automobiles et, en fait, dans des systèmes de transport. QNX sert à de nombreuses applications qui dépassent les téléphones cellulaires. La sécurité sera un élément distinctif de l’industrie.
    Vous avez amplement parlé tous les deux, madame Sullivan et monsieur Horgan, de la nécessité de retenir le talent au Canada, une préoccupation que nous partageons. Dans le contexte du débat sur le projet de loi C-51, un regroupement de chefs d'entreprise a écrit une lettre ouverte qui sonnait l'alarme concernant cette mesure législative. J'aimerais vous en citer un bref extrait:
    Chose plus importante encore, nous voulons que nos renseignements soient protégés. Nous savons que beaucoup de nos clients, y compris le gouvernement, tiennent à faire héberger leurs services au Canada à cause des problèmes connus d'invasion de la vie privée aux États-Unis. L'industrie américaine de la technologie a déjà perdu des milliards de dollars en revenu à cause de cela et nous ne voulons pas que cela se produise ici.
    Doit-on craindre au Canada les mêmes types d'atteintes à la vie privée que l'on peut observer aux États-Unis en raison des technologies invasives? Y a-t-il lieu de s'en inquiéter relativement à notre capacité de retenir le talent et de concevoir des technologies perturbatrices?
(1240)
    On fait davantage référence ici à la Patriot Act qu'à un problème de cybersécurité des données.
    Tout à fait.
    Certains de mes homologues ne se sont pas assurés une présence au Canada. Je pense notamment à un bureau des ventes. Nous avons différents centres permettant de conserver toutes les données au pays.
    Il ne fait toutefois aucun doute que les données circulent maintenant à l'échelle planétaire. Si vous avez besoin de protection en la matière, il faut songer à s'assurer une présence ici, et certains ont commencé à le faire de manière à ne pas miner leur capacité de faire des affaires de façon différente.
    Vous nous dites essentiellement qu'il y a un avantage concurrentiel pour vous à présenter votre entreprise, ou notre pays dans son ensemble, comme un endroit sûr.
    Tout à fait. Je sais que vous compreniez bien les enjeux liés à la sécurité et que vous prenez les mesures nécessaires pour combler les lacunes en la matière. Il y a d'importants progrès qui sont réalisés à l'échelle gouvernementale, mais il y a encore beaucoup à apprendre. Lorsque vous aurez la conviction de très bien maîtriser ces questions, vous pourrez vous attaquer aux cinq secteurs technologiques ciblés pour l'avenir. Si vous choisissez d'attendre, ou de ne rien faire du tout, j'ai bien peur que la capacité concurrentielle de notre pays en souffre beaucoup.
    À mes yeux, c'est un domaine très important. Je conviens parfaitement que tout nouveau secteur que nous explorons risque d'ouvrir l'accès à plus de données encore, mais c'est justement pour cette raison qu'il faut mettre davantage l'accent sur la sécurité, en saisir toutes les particularités et mettre en oeuvre les mesures nécessaires pour que le processus puisse se poursuivre sans interruption. Il ne faut pas que l'on y fasse entrave.
    Dans leur lettre d'opposition au projet de loi C-51, ces gens d'affaires se demandaient essentiellement si nous ne risquions pas de nous retrouver dans le même bourbier dans lequel les Américains se sont empêtrés avec leur Patriot Act. Est-ce que vous êtes d'accord avec ces préoccupations?
    Je suis d'accord... avec toutes les mesures pouvant être prises pour assurer la protection, et élever des barrières, comme on le ferait pour le libre-échange. Le commerce est une réalité planétaire. Toutes les organisations, peu importe ce qu'elles peuvent en penser, sont des entreprises mondiales compte tenu de leur base de clientèle, de leur bassin de fournisseurs et de leurs concurrents qui viennent d'un peu partout sur la planète. C'est dans ce cadre-là qu'il faut envisager les choses. Dans ce contexte, il faut trouver des moyens de rendre les données accessibles pour pouvoir soutenir la concurrence. C'est ma façon de voir les choses et celle de mon entreprise également.
    Vous avez quelque chose à ajouter, madame Sullivan?
    J'ai discuté avec l'un des cofondateurs d'une entreprise signataire de cette lettre dont j'ai pris connaissance dans les journaux. Je ne pourrais pas vous parler beaucoup du projet de loi C-51, car je n'en connais pas tous les détails.
    Je lui ai demandé pourquoi il avait ainsi décidé de faire valoir son point de vue avec ses homologues. Il s'agit du cofondateur de Vidyard, une entreprise de Waterloo. Il m'a répondu qu'il y voyait un avantage concurrentiel. C'est la raison pour laquelle les entreprises peuvent croître aussi rapidement au Canada en attirant de nombreux clients européens et asiatiques.
    Je pense qu'il estime que la situation est gérable. C'est simplement qu'il faut enclencher le dialogue à ce sujet. Il faut sans doute se pencher sur les moyens à prendre pour gérer le tout. Je ne sais pas si l'on peut affirmer que tout est noir ou que tout est blanc.
    Ce n'est jamais vraiment le cas.
    Oui. Je pense donc...
    Désolé, mais je vous ai déjà laissé une minute supplémentaire pour terminer votre réponse. Nous avons largement dépassé le temps imparti.
    Madame Gallant.
    Je remercie ma collègue Stella Ambler, députée de Mississauga-Sud, qui me permet d'utiliser son temps de parole.
    Je dois d'ailleurs souligner que Stella a récemment accueilli le caucus nucléaire à Sheridan Park dans sa circonscription. Nous avons alors visité les installations de Candu Énergie. Nous savons tous que le Canada est un chef de file mondial dans la lutte contre la prolifération nucléaire. De fait, nos activités de recherche et développement visent à réduire la prolifération à l'échelle planétaire.
    Le tritium est l'un des produits dérivés de l'énergie nucléaire. Dans ma circonscription, les laboratoires de Chalk River, que l'on connaît maintenant sous l'appellation Laboratoires nucléaires canadiens, travaillent à la conception d'une pile au tritium à faible puissance. Nous espérons que cette technologie sera perturbatrice.
    J'aimerais remercier Stella du temps de parole qu'elle m'a laissé et mentionner que sa circonscription est un pôle clé pour les technologies perturbatrices.
    J'aimerais d'abord et avant tout obtenir une réponse à la question que j'ai posée tout à l'heure à l'expiration de mon temps. Cela concernait les segments de notre population qui recherchent activement de l'emploi, à savoir les 50 ans et plus qui sont beaucoup trop jeunes pour songer à la retraite et les nouveaux diplômés qui ne possèdent pas les compétences nécessaires pour combler les postes disponibles. Ce sont tout de même des jeunes très brillants qui sont férus de technologie. Ces technologies perturbatrices sont au coeur de leur quotidien. Comment pouvons-nous travailler tous ensemble — universités, entreprises, gouvernement — pour créer un environnement où tous ces Canadiens pourront trouver un emploi de telle sorte que notre pays dans son ensemble puisse accroître sa productivité et devenir un chef de file mondial en matière de technologies perturbatrices?
(1245)

[Français]

     Tout d'abord, il est vrai que 50 ans est beaucoup trop jeune pour prendre sa retraite.
     Nous avons mesuré le fait que les gens de 50 à 65 ans forment la part de la population actuelle qui progresse le plus rapidement en ce qui a trait à l'appropriation du numérique. Certes, il y avait un décalage, mais il n'y a pas de manque à cet égard du côté du citoyen. À partir de l'âge de 75 ans, cependant, il y a un problème en ce qui a trait à l'usage des technologies numériques.
     Dans les secteurs traditionnels, comme le secteur manufacturier ou de commerce de détail, les jeunes sont essentiels, à cause des compétences qu'ils possèdent. Pour la première fois, la génération des jeunes qu'on engage dans les entreprises enseigne à la génération de ceux qui ont 50 ans à être plus habile avec les technologies numériques.
    Il est essentiel de comprendre qu'on ne doit abandonner personne. Chez le manufacturier avancé, on trouve une technologie très poussée que les jeunes n'ont pas nécessairement apprise à l'université, mais quand quelqu'un arrive dans l'entreprise, si les processus de travail sont bien définis, cette technologie est très facile à utiliser.
     Une des méthodes que nous avons expérimentée est d'amener la formation directement dans l'entreprise. On nous a donné une remorque de 53 pieds. Nous y avons mis tous les outils numériques nécessaires et nous allons dans les entreprises pour déterminer les processus de travail. L'âge ou la facilité à utiliser les technologies numériques ne sont alors plus un problème parce que, en moins de 20 heures, nous sommes en mesure d'aider les personnes qui ont un problème.
     Souvent, ce sont des immigrants qui ne comprennent pas les processus parce qu'ils ne maîtrisent pas la langue. Nous travaillons sur le terrain, en déterminant les processus. À ce moment, la haute technologie n'est plus un frein, mais un outil de travail absolument normal.

[Traduction]

    Vous pouvez répondre, madame Sullivan.
    J'ai reçu aujourd'hui même des données de l'Ontario dont j'aimerais vous faire part.
    Selon ces données qui ont été rendues publiques aujourd'hui, les diplômés universitaires ontariens enregistrent les taux de chômage les plus bas et, par le fait même, les taux d'emploi les plus élevés. Ce sont également eux qui accumuleront les revenus les plus importants au cours de leur vie. En outre, 86 % des récents diplômés occupent des emplois exigeant des compétences de niveau universitaire. Ce n'est pas simplement le cas en génie. C'est cette proportion de l'ensemble des diplômés universitaires qui finissent par occuper un emploi qui n'est pas nécessairement dans leur domaine, mais qui exige tout de même des compétences devant être acquises à l'université. C'est beaucoup plus fréquent chez les ingénieurs — et je pense que c'est bien connu — mais le fait demeure que notre économie a besoin de toutes les compétences que l'on acquiert à l'université.
    J'aimerais également parler des 50 ans et plus qui peuvent se sentir brimés par la façon dont les choses se passent dans notre contexte. Je pense qu'ils craignent les impacts de cette évolution pour leurs familles comme pour eux-mêmes. Cela me ramène à la suggestion que j'ai formulée tout à l'heure. Je crois vraiment que nous avons besoin d'un écosystème parallèle à celui de l'alternance travail-études. Nous devons faire venir sur nos campus des experts chevronnés, des professionnels d'expérience et d'autres travailleurs de longue date pour qu'ils s'intègrent à l'écosystème, voient comment les choses se déroulent et participent au processus d'innovation.
    J'estime que la démarche doit aller dans les deux sens. Nous devons intégrer ces gens de 50 ans et plus.
(1250)
    Bon nombre de ces emplois en voie de devenir désuets ne sont pas situés à proximité d'un cadre universitaire où un tel écosystème pourrait se développer naturellement. Il est vrai qu'il y a la formation à distance. À Chalk River, nous avons la Deep River Science Academy qui, de concert avec les Laboratoires nucléaires canadiens, n'est plus simplement un endroit où l'on va parfaire sa formation scientifique pendant l'été. On y fait également de la formation à distance au bénéfice de plusieurs classes de niveau secondaire dans différents pays du monde.
    Que pouvons-nous faire pour que de tels écosystèmes puissent se développer également dans des emplacements plus éloignés? Est-ce que les universités sont disposées à faire rayonner leurs connaissances dans des secteurs qui sortent des sentiers battus le long du corridor de la 401?
    Oui, tout à fait. En fait l'Université de Waterloo est celle qui offre le plus grand nombre de cours en ligne en Ontario. Nous avons actuellement des cours qui se donnent entièrement en ligne. Tous les Canadiens y ont accès.
    Pour répondre à votre question, les cours ne suffisent pas; un écosystème a aussi besoin d'une infrastructure.
    Nous y avons réfléchi au sein de ma faculté. Nous nous sommes dit qu'il fallait faire venir sur le campus pendant un mois des employés provenant d'entreprises de toutes tailles. Ainsi des gens d'un peu partout au Canada pourraient passer un mois parmi nous pour se familiariser avec le processus d'innovation et de développement de produits.
    Nous avons pu constater que les gens se décident souvent à passer à l'action lorsqu'ils voient d'autres personnes tirer parti des possibilités qui se présentent. À ce titre, l'innovation est un peu comme une maladie infectieuse. Dès que vous vous rendez compte que ce n'est pas si difficile et que c'est chose possible pour des gens de différents groupes, vous pouvez surmonter vos appréhensions pour aller de l'avant.
     Merci beaucoup, madame Sullivan.
    Merci beaucoup, madame Gallant.
    Je vais m'autoriser à intervenir — chose que je ne fais presque jamais — parce qu'il s'agit d'une question très importante que je voudrais tirer au clair.
    Monsieur Horgan, vous avez parlé d'une forme différente de cybersécurité qui miserait non pas sur un pare-feu, mais sur une surveillance constante de la circulation sur le réseau de manière à pouvoir réagir aux différentes anomalies décelées. Est-ce que cela va permettre d'intervenir assez rapidement pour offrir le degré de cybersécurité nécessaire à la protection des renseignements personnels, notamment dans les secteurs de la santé et des banques?
    C'est bel et bien le cas. Ces organisations, soit une grande partie des banques, bien évidemment, mais aussi des agences gouvernementales et d'autres entités, collaborent avec nous à cette fin du fait qu'elles se situent à l'échelon supérieur.
    Si j'ai beaucoup parlé de cet aspect, c'est que j'ai participé il y a environ deux mois à un colloque Royaume-Uni-Canada qui a réuni des experts en cybersécurité des deux pays. Malheureusement, il y a notamment été question des mesures à prendre après une cyberattaque, des moyens à déployer pour remettre les choses en place, comme dans le cas du scandale de Tylenol. Je me suis dit: « Vraiment? ». J'ai trouvé stupéfiant que les gens puissent envisager les choses sous cet angle, même au Royaume-Uni. Thomson Reuters était également représentée.
    Nous avons commencé à leur exposer la façon dont bien des gens procèdent au Canada, sans prétendre que cela soit généralisé. À titre d'exemple, l'entreprise Venus d'Ottawa est un centre de connaissances où l'on s'efforce de demeurer à la fine pointe des meilleures pratiques en la matière.
    Je dirais même que la longueur d'avance du Canada pourrait être encore plus prononcée. Les gens qui font leurs petites affaires sur Internet en se risquant à inscrire leurs renseignements personnels sur un site ou en répondant à ceux qui leur demandent leurs coordonnées pour vérifier leur compte bancaire n'ont qu'eux-mêmes à blâmer. Ce sont des choses qui arrivent, et il est nécessaire de mieux informer les citoyens.
    Il faut agir de façon réfléchie et prendre les mesures nécessaires pour que l'ensemble du système soit imprégné de cette optique de la cybersécurité. Ce n'est pas l'affaire d'un seul fournisseur. Il faut tout un réseau d'intervenants. Encore une fois, l'entreprise Venus d'Ottawa est devenue un chef de file de la collaboration en la matière en misant sur une bonne compréhension des diverses étapes à franchir.
    Il faut que ces anomalies soient détectées à la vitesse de l'éclair pour qu'une intrusion puisse être enrayée.
(1255)
    Cela se fait non pas à la vitesse de l'éclair, mais bien en temps réel.
    J'irais même plus loin en affirmant qu'il faut une capacité de prédiction. C'est là qu'entrent en jeu l'informatique cognitive et cette capacité analytique... Il ne suffit pas de tenir compte du passé ou du présent. Il faut se demander d'où va venir la prochaine menace. C'est comme les services de police. À partir des comportements observés dans le passé, on peut décider de placer des agents à l'avance à l'endroit où le prochain acte répréhensible risque de se produire. Il y a bien des organisations qui ont amorcé cet important pas en avant vers le futur. Nous pouvons relever ce défi.
    S'il y a une chose que je voudrais que vous compreniez bien, c'est que nous pouvons y parvenir. Nous en connaissons tout autant, voire davantage, que ceux qui ont des intentions criminelles.
    Merci.
    Il ne faut surtout pas perdre espoir ni vouloir tout protéger à un point tel que tout accès deviendrait impossible.
    Merci à tous nos témoins. Le comité vous est très reconnaissant de votre contribution.
    Nous avons reçu d'excellents groupes depuis le début de cette étude, mais je crois que celui d'aujourd'hui s'est distingué non seulement par sa connaissance des technologies perturbatrices, mais aussi par la manière dont il a témoigné de la position avantageuse dont bénéficie le Canada. Nous avons bien différentes mesures à prendre et améliorations à apporter, mais nous accomplissons des choses formidables, comme cette remorque qui va visiter les entreprises. C'est vraiment extraordinaire. La réputation de l'Université de Waterloo n'est plus à faire, et c'est la même chose pour IBM.
    Permettez-moi un dernier commentaire, madame Gagné. J'ai trouvé particulièrement fascinant d'apprendre que vous avez fait toute votre carrière comme fonctionnaire et que vous êtes maintenant bénévole à 100 %. C'est vraiment formidable, car vous n'êtes pas ingénieure ni quoi que ce soit de semblable. Vous vous êtes jointe à ce réseau et avez pu venir en aide à cette jeune femme qui profite maintenant d'un nouveau membre.
    Merci beaucoup, mesdames et messieurs.
    La séance est levée.
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