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Mesdames et messieurs, bonjour. Soyez les bienvenus à la 50
e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie. Nous poursuivons notre étude des technologies perturbatrices.
Nous accueillons des témoins particulièrement intéressants: d'abord la présidente et directrice générale du CEFRIO, Mme Jacqueline Dubé; ensuite, le vice-président à la Production, développement et opérations d'IBM Canada, M. Patrick Horgan; puis la doyenne de la faculté d'ingénierie de l'Université de Waterloo, Mme Pearl Sullivan; enfin, à titre personnel, Mmes Claude Gagné et Bettina Vollmerhausen, laquelle est la cofondatrice de l'Ottawa Tool Library.
Chers collègues, normalement je suivrais l'ordre du jour que vous avez sous les yeux, mais comme deux exposés s'afficheront à l'ordinateur, nous devons les synchroniser d'après l'exposé du premier témoin. Pour éviter de vous embrouiller, j'apporterai les modifications. Peut-être que j'avertirai simplement les témoins aussi.
Écoutons d'abord la représentante du CEFRIO. Nous passerons ensuite au représentant d'IBM puis à Mmes Gagné et Vollmerhausen, et, finalement, à la représentante de l'Université de Waterloo, Mme Sullivan.
C'est bien Mme Sullivan?
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Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui.
Je vais tenter de m'en tenir aux six ou sept minutes qui me sont allouées, mais comme je suis un peu passionnée par le sujet, il se peut que je dépasse ce temps. Vous me ferez signe si c'est le cas.
Le CEFRIO est un centre qui facilite la recherche en innovation sociale et organisationnelle. Pour dire les choses simplement, nous faisons de la recherche et de la mesure sur l'usage et l'appropriation des technologies. Nous travaillons avec 80 chercheurs associés sur la façon de transformer les façons de faire à l'aide du numérique. Nous travaillons dans tous les secteurs d'activité, que ce soit en santé ou en éducation, pour les PME, par exemple en ce qui concerne le transfert des compétences numériques.
Depuis plus de 25 ans, nous avons développé un modèle de recherche qui permet de travailler systématiquement sur des terrains d'expérimentation, donc directement dans les entreprises, les hôpitaux et les écoles. Le transfert se fait en continu. Chaque fois qu'une nouvelle connaissance est créée, elle est intégrée systématiquement aux processus de travail et aux pratiques professionnelles. Ainsi, il n'y a pas de gestion de changement à faire par la suite.
Les chercheurs sont des experts dans les domaines où nous avons un projet à faire. Ils doivent s'en tenir aux « livrables » qui sont attendus et non faire une recherche élargie. Nous avons l'habitude de dire que nous avons des chercheurs qui trouvent, au lieu d'avoir seulement des chercheurs qui cherchent. Nous avons un réseau d'experts et tout le monde travaille systématiquement ensemble.
Aujourd'hui, je vais vous donner notre définition du mot « numérique ». Pour nous, le numérique, c'est l'Internet, c'est-à-dire l'Internet des objets, l'impression 3D, les données massives, oubig data, le manufacturier avancé. Quand on parle du numérique, on parle de l'ensemble de ces éléments, et pas seulement des technologies de l'information et des communications.
J'aime beaucoup les deux photos à la diapositive no 4 de la présentation. En bas à droite de l'image du haut, lors de l'élection du pape en 2005, on peut voir qu'il y a seulement un téléphone intelligent. Huit ans plus tard, lors de l'élection du nouveau pape, ce ne sont pas des chandelles qu'on voit, mais des téléphones intelligents. Ces photos visent à vous montrer la rapidité des transformations auxquelles nous sommes invités dans les prochaines années.
La notion de technologie perturbatrice est assez envoûtante pour nous parce que toutes les technologies sont perturbatrices dans la mesure où elles vont jusqu'à nécessiter une transformation complète des modèles d'affaires des entreprises. Elles sont très exigeantes pour une raison fort simple: elles font appel à de l'innovation dans chacune des organisations.
Ce qui est fascinant, c'est que les citoyens, les utilisateurs et les consommateurs s'adaptent très rapidement. Il y a un problème cependant. Les compétences numériques des individus ne sont pas utilisées en entreprise ni en institution, ce qui a un effet marqué sur la productivité et le développement du Canada. Les principales raisons qui expliquent cette différence entre le citoyen...
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Il n'y a pas de problème. Merci.
Voici ce qui explique principalement la si grande différence entre le citoyen utilisateur et l'entreprise. On observe un manque réel de capacité financière dans les PME; c'est une réalité. Cependant, le principal frein est d'ordre organisationnel, dans la mesure où il y a une résistance au changement et à transformer le processus de travail.
Quand on parle de compétences numériques, on ne parle pas de la façon de se servir d'un ordinateur ou des outils, mais de la façon de transformer ce qu'on fait afin que les technologies soient efficientes. Un problème majeur, que ce soit dans le secteur privé ou le secteur public, est que la haute direction a en général plus l'habitude de donner cette responsabilité à l'extérieur. Donc, il y a peu de leadership de la part de la haute direction concernant l'appropriation du numérique.
Il faut dire que l'évolution dans ce domaine est très rapide. Avant, une révolution se faisait aux 100 ans. Maintenant, elle a lieu aux trois ans. À cause des technologies, cela se transforme très rapidement.
Il y a une réalité: la croissance est exponentielle, ce qui a un impact direct. Cela explique en partie le retard de la productivité au Canada. Sur le plan du PIB, il y a une différence à la baisse de 13 $ l'heure par employé au Canada par rapport aux États-Unis. C'est une différence très marquée. Cette difficulté de productivité va s'accentuer pour une raison très simple. Il est démontré que la productivité est très accentuée par l'usage du numérique. Les États-Unis investissent 100 $ par travailleur, alors que le Canada en investit 53 $. Ainsi, l'écart entre le niveau de productivité du Canada et celui des États-Unis va se creuser davantage s'il n'y a pas une action rapide quant à l'appropriation du numérique.
On se questionne souvent sur ce que peut être le rôle de l'État dans cette situation. Dans les faits, l'État doit être davantage un incitateur ou un mobilisateur. Il est démontré que ce ne sont pas des subventions qui vont faire avancer les choses, mais plutôt des initiatives ciblées et appuyées par l'État qui sont très bien documentées et qui démontrent les bénéfices. Ces initiatives sont accompagnées de ce qu'on appelle une approche de généralisation. On peut assimiler un peu la généralisation à la commercialisation.
Il ne me reste qu'une minute. Il y a plusieurs pages que vous pourrez lire vous-mêmes.
Sur la prochaine diapositive, vous verrez quelques exemples que je n'aborderai pas. Je dirai simplement qu'il s'agit de secteurs où on travaille à l'appropriation du numérique. Dans le secteur de la santé par exemple, on travaille avec les médecins et les pharmaciens. Le patient a son propre dossier de santé personnel. Il faut un an ou un an et demi à une clinique pour faire accepter le changement du processus de travail afin de bénéficier de tous les avantages que peut apporter le numérique. Dans le transport, c'est fascinant. À Montréal, il en coûte 3 milliards de dollars par année uniquement parce que les gens sont pris dans la circulation plutôt que de travailler. Cela vous donne un indice de la façon dont le numérique peut transformer ces aspects-là. Vous pourrez consulter les diapositives pour le vérifier.
Plus loin, je compare les données d'usage au Québec et au Canada. On peut considérer que les citoyens canadiens sont des utilisateurs d'Internet et de technologies. C'est la même chose pour les citoyens américains. Du point de vue des citoyens, le Canada est le deuxième meilleur au monde au chapitre de l'usage du numérique, mais du point de vue des entreprises, il se classe 22e. Encore là, il y a un paradoxe assez important.
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Monsieur le président, il semble que le représentant d'IBM sera la personne la moins spécialisée dans les technologies parmi tous les témoins, mais tant pis! Je m'efforcerai d'être bref, de manière à respecter le temps qui m'est accordé.
Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, pour l'occasion que vous m'offrez.
Comme vous le savez, IBM est l'une des plus importantes entreprises privées de R-D du pays, et Mme Dubé faisait remarquer combien d'autres, peut-être, devraient être aussi actifs que nous. Nous essayons de nous occuper. Nous avons consacré à la R-D 4 milliards de dollars au cours des 10 dernières années et 500 millions de dollars aux investissements en collaboration. Je tiens à vous en parler un peu ce matin. J'aborderai deux aspects de l'innovation perturbatrice.
Le premier se manifeste dans l'industrie informatique elle-même. Le deuxième touche la façon dont cette R-D dans la commercialisation constitue une grande partie du sujet dont nous discutions et les progrès que nous essayons de réaliser pour améliorer la situation au Canada.
Parlons de l'industrie des TI, les technologies de l'information. Des analystes font très souvent remarquer qu'Uber est la première société de taxi dans le monde, mais sans posséder de véhicules; que Facebook est le premier fournisseur mondial de contenu, mais sans en posséder; qu'Alibaba est le premier détaillant, mais sans détenir de stocks; qu'Airbnb est le premier fournisseur d'hébergement, mais sans avoir à lui de chambres, de biens immobiliers. Chacun est un exemple d'innovation perturbatrice. Il transforme rapidement les industries traditionnelles. D'autres exemples sont à venir.
Il importe de comprendre que ces modèles d'entreprises perturbatrices, que ce soit Airbnb ou Uber, doivent leur existence à un ensemble précis de technologies et, de plus en plus, à des services de technologies maintenant largement disponibles auprès des grandes comme des petites entreprises. Permettez-moi d'en décrire cinq.
Il y a d'abord l'infonuagique. Elle permet au détenteur d'une carte de crédit de s'inscrire pour obtenir une gamme complète de ressources informatiques qui vont de l'infrastructure aux applications en passant par les processus d'affaires et les logiciels, tous consommés en tant que services. Les investissements lourds deviennent donc inutiles, et même une très petite entreprise ou quelqu'un dans son garage peut accéder à l'informatique d'envergure internationale.
La deuxième technologie est constituée des plateformes mobiles. Les services basés sur l'infonuagique permettent maintenant la livraison de tout ce qui peut être livré à votre combiné, à votre iPad ou à votre ordinateur personnel, où que vous soyez. Nous avons remarqué que même si nous ne fabriquons plus d'ordinateurs personnels, il est important pour nous que l'iPad porte le nom d'IBM, parce que nous sommes étroitement liés à Apple, en ce qui concerne à la fois notre capacité d'utiliser ses très beaux dispositifs et celle de comprendre l'entreprise.
La troisième sont les réseaux sociaux. Deux milliards d'utilisateurs des réseaux sociaux créent des océans de données sur une large gamme de questions. Si on pouvait dompter cet océan de données en évolution constante, cela ne permettrait pas seulement la création de boucles de rétroaction en temps réel, mais cela procurerait aussi une base stable aux prévisions. Nous en reparlerons plus en détail.
La quatrième, qui concerne particulièrement l'État, est la sécurité. La cybersécurité est aussi importante dans l'économie d'aujourd'hui que les chambres fortes l'étaient pour protéger les lingots d'or et la monnaie autrefois. Que ce soit pour protéger les secrets commerciaux ou les renseignements personnels délicats, la gestion et la mesure de l'accès à la consommation de données et de produits numériques passent avant tout pour protéger la valeur de notre économie d'aujourd'hui axée sur les données.
La cinquième est l'analytique. Qu'on ne s'y trompe pas, nous vivons dans une économie guidée par les données. Dans l'histoire du genre humain, 90 % des données ont été crées au cours des deux dernières années. La proportion continue de croître. Cependant, ces grands ensembles de données exigent vraiment qu'on les analyse et qu'on en tire des connaissances. C'est là que réside vraiment le secret. Ce dont il s'agit maintenant, c'est de trouver comment mettre ces outils à la portée de tous, pour que nous puissions maîtriser cette nouvelle économie axée sur les données et les connaissances.
Je suis sûr que le comité entendra parler de nombreux modèles d'affaires perturbateurs et de technologies perturbatrices, mais je me risquerai à dire que beaucoup de ces modèles et technologies se retrouveront sur des plateformes sociales et mobiles, sécurisées dans le nuage, avec une forte proportion de données massives et d'analytique ou ils seront rendus possibles par ces moyens. Voilà pourquoi nous investissons tellement dans ces domaines.
Cela m'amène naturellement à la deuxième partie de mon exposé, la recherche, le développement et la commercialisation d'envergure mondiale des technologies perturbatrices qui voient le jour au Canada.
Le Canada possède un pouvoir concurrentiel énorme, y compris dans les cinq domaines technologiques que je viens de décrire, et j'espère en donner un exemple grâce à l'un des projets auxquels nous travaillons.
Mes commentaires porteront principalement sur la SOSCIP, la plateforme d'innovation dans l'information intelligente du sud de l'Ontario. C'est un excellent exemple de collaboration entre l'État, les entreprises et les universités, pour stimuler la création de technologies canadiennes perturbatrices ainsi que de sociétés et d'emplois auxquels ces technologies peuvent pourvoir.
La SOSCIP est un consortium entre IBM Canada et sept universités du sud de l'Ontario qui se consacrent intensément à la recherche — Pearl vient de l'une d'entre elles —, avec l'apport financier de l'État fédéral et des provinces. L'idée fondatrice était que le Canada pouvait être un chef de file mondial dans la création de technologies perturbatrices grâce à la création d'une plateforme technologique d'envergure mondiale spécialement affectée à cette fin, pour concentrer nos efforts dans les domaines de priorité nationale et régionale.
À son tour, la SOSCIP a mis en place le superordinateur le plus rapide du Canada, de même que le plus gros nuage d'analytique du monde. Cette plateforme nous permet désormais de relever les défis les plus difficiles et les plus complexes dans les domaines de la santé, de l'énergie, de l'eau et de l'urbanisme. Cette initiative représente un investissement de plus de 200 millions de dollars, dont 85 % provenaient d'IBM. L'accès à cette plateforme est régi par les membres du consortium, avec comme objectif précis celui de produire des résultats commerciaux. Ensuite, en agissant en amont, nous rassemblons certains des chercheurs les plus renommés du Canada, les entrepreneurs compétents et de petites entreprises. En fait, la priorité va aux projets menés par de petites entreprises, que nous pouvons mettre directement en contact avec les principaux chercheurs. Très important à ce sujet: la propriété intellectuelle des uns est accessible à tous. Les chercheurs y amènent leurs projets et s'enrichissent de ce fait.
Depuis ses débuts, en 2012, nous avons lancé 50 projets qui changent les règles du jeu. Nous avons matériellement amélioré les compétences de plus de 300 post-doctorants embauchés à cette fin, avec 88 emplois de recherche et plus de 1 000 emplois qui se trouvent dans le réseau de petites entreprises et de chercheurs participants. Nous avons créé une filière qui rapporte près de 2 milliards de revenus à ces PME en croissance, après seulement trois années.
Un exemple — forcément simplifié —, avec Synchronicity in Motion, est Mme Carolyn McGregor, qui travaille avec l'hôpital pour enfants SickKids, dans l'unité de néonatologie, et qui surveille tous les instruments médicaux auxquels un patient est branché. L'analytique en continu et en temps réel des données de ces instruments lui permet de prévoir les septicémies et beaucoup d'autres maux 48 heures avant leurs manifestations chez ces patients; autrement dit, elle permet de sauver des bébés, mais aussi d'éviter tous les effets qu'entraînent les pathologies dans une unité de très grande valeur, mais dont les coûts sont très élevés. Elle n'offre pas seulement la technologie ailleurs au Canada, dans le nuage, mais aussi à des hôpitaux de premier plan aux États-Unis, en Chine et en Australie, d'où elle est originaire. C'est un exemple. Il est éloquent, mais je pourrais en citer 49 autres ainsi que des technologies perturbatrices qui viennent d'ici.
D'après ces résultats, l'Agence fédérale de développement économique pour le Sud de l'Ontario vient d'annoncer un autre investissement de 20 millions de dollars dans la SOSCIP 2.0 ce qui a amené un autre investissement de 65 millions de dollars de la part d'IBM. C'est très excitant.
Finalement, le Canada est capable de produire des technologies perturbatrices, de même que les entrepreneurs qu'il faut pour construire des sociétés autour de ces technologies nouvelles. En la SOSCIP, c'est ma thèse, nous avons un modèle éprouvé qui permet de réunir les ingrédients indispensables pour faciliter une telle activité. Dans ce modèle, nous croyons qu'un rôle important est réservé au gouvernement, pour la fixation de priorités nationales et régionales et pour donner des incitations financières, y compris le financement direct à l'appui d'initiatives faites en collaboration, tout comme la SOSCIP, d'un bout à l'autre du pays.
Je vous remercie beaucoup et j'ai hâte de répondre à vos questions.
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Monsieur le président, en novembre dernier, vous avez rencontré Abigail Capannelli, une jeune femme de votre circonscription, qui était très heureuse de vous montrer sa nouvelle main prothétique. Elle m'a fait parvenir ce clip, pour exprimer sa reconnaissance. C'est une main réalisée au moyen d'imprimantes 3D, par des bénévoles d'ici, à Ottawa. Vous devriez voir les images. Vous verrez qu'Abigail porte sa prothèse.
[présentation audioviduelle]
Merci, Abigail.
Comme vous pouvez le voir, Abigail utilise sa nouvelle main pour préparer les repas, travailler dans le jardin et faire du sport.
Nous en sommes redevables au réseau e-NABLE. L'été dernier, suite à un reportage sur un garçon d'Hawaï qui avait reçu une prothèse de main semblable, la mère d'Abigail a fait une demande avec photos des bras d'Abigail au réseau.
Le réseau e-NABLE est un écosystème de chercheurs qui s'intéressent aux prothèses et à l'impression 3D, ainsi que de passionnés bénévoles, de bidouilleurs, de bénéficiaires et de leurs aidants. En quelques jours, la coordonnatrice d'e-NABLE a contacté une bénévole, également basée en Ontario, en l'occurrence moi.
Je m'étais inscrite au réseau parce que je pensais avoir facilement accès à une imprimante 3D. C'était en août 2014. Je savais qu'il y en avait deux à la Bibliothèque publique d'Ottawa, à Nepean, mais le filament de résine qu'elles utilisaient ne convenait pas. Heureusement, le département de génie de l'Université d'Ottawa a créé un laboratoire ouvert pour l'impression 3D, qu'il a mis à la disposition du public le dimanche. Tout au long de septembre 2014, nous avons fait beaucoup d'essais empiriques avec les matériaux, le dimensionnement, la qualité de l'impression et l'assemblage de la prothèse.
J'ai pu envoyer par messager une prothèse de la main d'Abigail qui se trouvait à Waterdown, en Ontario. Je n'avais jamais rencontré Abigail. Elle a reçu la prothèse et elle en a été très heureuse. Un mois plus tard, elle est venue à Ottawa. Elle vous a rencontré, monsieur le président. Elle était ici pour le lancement officiel du laboratoire ouvert de l'Université d'Ottawa.
Les prothèses imprimées en 3D peuvent procurer la fonctionnalité voulue à une fraction du coût des prothèses fournies par l'industrie. Pour en produire une, il en coûte moins de 100 $. Dans l'industrie, le coût dépasserait les 20 000 $. Ce n'est pas exactement la même chose, mais la fonctionnalité y est. Les gens ordinaires qui ont accès à des imprimantes 3D peuvent faire des appareils fonctionnels, que ce soit à Ottawa ou à Tombouctou ou dans un camp de réfugiés.
La conception « open source », les licences « creative commons » et un meilleur accès du public aux résultats de la recherche financée par l'État sont garants d'une plus grande résilience locale, de plus d'innovations et d'une répartition plus équitable des richesses à l'ère numérique.
Je pense que le gouvernement a un rôle à jouer pour aider à accélérer la propagation et la croissance des laboratoires ouverts, des fablabs et des bibliothèques d'outils gérés par et pour la communauté locale. Tout cela fait partie d'une stratégie astucieuse pour soutenir la résilience locale et promouvoir l'innovation et l'entrepreneuriat.
Bettina.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Notre exposé compte huit pages. J'ai apporté des copies. Faute de temps, je ne le lirai pas en entier.
Pour commencer, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de votre invitation à venir témoigner devant vous. Je représente des centaines de chercheurs — collègues et étudiants — qui s'investissent dans le développement de nouvelles technologies émergentes à l'Université de Waterloo, en collaboration avec des collègues de partout au Canada et dans le monde. Comme doyenne de la plus grande école d'ingénierie de notre pays, j'ai aussi la chance de coudoyer certains des plus brillants jeunes entrepreneurs du Canada et de consulter un grand nombre de leaders de l'industrie de notre pays.
En 1995, le professeur Clayton Christensen de la Harvard Business School a imaginé l'expression « innovation perturbatrice ou radicale ». Vingt ans plus tard, nous saisissons pleinement la façon dont les nouvelles technologies peuvent secouer quelque peu les industries et créer ainsi des marchés complètement nouveaux. Nous voyons les conséquences de deux innovations majeures du XXe siècle, l'aviation et les télécommunications, dans toute la force de la mondialisation et de la révolution de l'information. La différence, aujourd'hui, c'est la vitesse d'adoption. Elle est bien plus rapide qu'avant. On ne peut plus parler de vitesse, mais d'accélération.
Mais comment le Canada peut-il maintenir cette croissance rapide? Avec un demi pour cent de la population mondiale, notre pays ne peut pas tout faire. Mais, là où nous excellons, nous pouvons être les premiers.
Le gouvernement fédéral a récemment publié sa stratégie pour les sciences, les technologies et l'innovation qui annonce clairement ses priorités: plusieurs technologies perturbatrices, notamment les technologies de l'information et des communications, de l'énergie et de la fabrication de pointe. Cela démontre une volonté forte de préparer l'avenir de notre pays. Je pense que les perturbations du XXIe siècle proviendront d'organisations ayant l'agilité de réagir rapidement aux occasions nouvelles. Nous allons développer de toutes nouvelles technologies, mais, tout aussi important, nous les utiliserons avec efficacité et créativité. Ceux qui ont une vision d'avenir seront ceux qui iront de l'avant. Ils intégreront de multiples innovations afin de concevoir des solutions pratiques à certains des défis les plus pressants de notre monde.
Deux domaines de recherche prometteurs qui auront un impact économique colossal sont les TIC et le stockage d'énergie. Comme nous l'avons entendu d'Industrie Canada, leurs impacts se propageront bien au-delà de leur secteur. De nouveaux capteurs bon marché, la transmission sans fil et le calcul des données révolutionneront la surveillance environnementale et annonceront l'arrivée des soins de santé véritablement personnalisés. Mises à part les économies potentielles en soins de santé, cette technologie est particulièrement indispensable aux régions rurales et éloignées du Canada. Un autre impact des TIC peut s'observer dans l'automobile connectée.
L'impact global des TIC est encapsulé dans le futur Internet des objets ou IdO, dont le potentiel est mis en évidence dans la stratégie des STI du gouvernement. Attendez-vous à un avenir fait de systèmes cyberphysiques qui relient le numérique au physique. Les titans technologiques tels que Google, GE, Cisco, Intel, Microsoft, IBM, Qualcomm, BlackBerry, Telus et Samsung investissent des milliards dans la recherche sur l'IdO, dans l'intention de saisir ce marché.
Les progrès les plus importants dans la résolution des défis mondiaux de l'énergie risquent de provenir du stockage de l'énergie, l'ultime référence pour les secteurs des services publics et du transport. La recherche sur le stockage de l'énergie démontre l'interdépendance de l'innovation, des liens vers d'autres domaines perturbateurs tels que les matériaux intelligents, la nanofabrication et l'impression 3D de circuits. Au cours de la prochaine décennie, d'innombrables capteurs pour l'IdO, de microprocesseurs et de noeuds de réseau sans fil devront fonctionner à l'aide de batteries à faible coût et de longue durée et utiliser des technologies de récupération de l'énergie.
Déjà, nous voyons des systèmes de stockage d'énergie commerciaux susceptibles de changer radicalement notre approche traditionnelle à l'électricité. Par exemple, Tesla Energy a récemment annoncé les systèmes Powerwall et SolarCity. Ces systèmes, disponibles dans le commerce, permettront de rapidement établir des sources d'énergie solaire fiables et accessibles en permanence pour les secteurs résidentiel et commercial. À plus long terme, de nouveaux matériaux pour batteries tels que le lithium-soufre permettront aux voitures électriques de parcourir trois fois plus de distance que les batteries actuelles, à un coût beaucoup plus faible. Ces deux progrès technologiques auront un impact sur les marchés horizontaux, créant ainsi de nouveaux services et secteurs. Ils transformeront notre base de fabrication.
J'arrive maintenant au coeur de l'innovation.
En tant que professeure, chercheuse et administratrice depuis 25 ans, j'ai observé que les écosystèmes d'innovation sont importants mais que les idées originales le sont encore plus. Les perturbateurs de l'avenir seront ceux qui pourront résoudre les problèmes techniques vraiment difficiles et produire des solutions à fort potentiel de mise à l'échelle.
Si les gens du monde entier peuvent accéder aux nouvelles technologies rapidement, les marchés mondiaux se verront transformés. Bien sûr, au fil du temps, les nouvelles technologies seront elles-mêmes perturbées; ce dont nous avons besoin est un flux continu de nouvelles idées.
La recherche axée sur la curiosité est essentielle; elle est la source ultime de toutes les technologies futures. Les initiatives stratégiques ciblant les secteurs à fort potentiel sont également importantes, car elles offrent une différenciation concurrentielle. À mon avis, la véritable source des inventions perturbatrices se trouve dans les talents techniques exceptionnels: les hommes et les femmes qui ont de grandes idées et qui sont aptes à les réaliser. Si nous pouvons les inciter à les approfondir et à les transformer en prototypes ayant un réel potentiel de marché, nous pourrons ainsi créer une profonde culture de l'innovation.
Nous sommes véritablement au milieu d'une compétition mondiale pour acquérir les talents hautement qualifiés qui vont départager les leaders de la technologie de l'avenir des suiveurs. Il y a des pôles technologiques en émergence rapide dans les grandes villes à travers le monde, mais la Silicon Valley demeure un chef de file, particulièrement dans le domaine des TIC. Cependant, derrière cela se cache une histoire canadienne intéressante. L'année dernière, plus d'ingénieurs et de développeurs de logiciels maintenant à la Silicon Valley ont été recrutés à l'Université de Waterloo, plus qu'à toute autre école dans le monde, sauf pour l'Université UC Berkeley. Plus que MIT, plus que Stanford. Cette génération de jeunes hommes et de jeunes femmes a un grand rôle à jouer. Nous devons créer un environnement plus prospère afin qu'ils puissent atteindre leurs aspirations ici-même, au Canada. Ils sont l'avenir de notre pays.
Le déploiement d'une nouvelle technologie peut être risqué pour l'industrie et particulièrement difficile, étant donné le rythme actuel des changements. Les investissements dans les infrastructures et les ressources nécessaires sont considérables. La géographie du Canada pose des défis uniques, mais nous pouvons créer des écosystèmes critiques qui ne pourront pas être facilement égalés par la concurrence.
Le programme d'enseignement coopératif de l'Université de Waterloo offre un tel modèle. Imaginez un système parallèle, où l'université agit comme un point d'ancrage pour l'innovation technologique expériencielle. Au lieu d'envoyer les étudiants travailler à l'extérieur, l'université fait venir des entreprises de toutes tailles afin que ces dernières innovent sur place — en misant sur les infrastructures, la formation des talents, l'expertise, l'équipement, l'outillage, le réseau d'information et le soutien aux entreprises de l'université. Cette approche permettrait d'accélérer la première itération critique de l'innovation de produit. Avec plus de 1 600 partenaires de co-op et plus de 1 000 partenaires de recherche de l'industrie, l'expérience acquise en ingénierie par Waterloo peut offrir quelques idées sur sa faisabilité.
Pour conclure, je vais donner en exemple le secteur de la fabrication.
Dans l'industrie automobile, le cycle de vie de la production est de plus en plus court. Dans les secteurs de l'aérospatiale et de l'équipement médical, les périodes de récupération des coûts peuvent être importantes.
Dans l'environnement d'aujourd'hui, même les grandes entreprises doivent collaborer dans des écosystèmes d'innovation ouverts. Toyota, par exemple, notre principal partenaire en recherche, a récemment noué un partenariat avec Mazda pour le volet du développement technologique. Ceci est l'avenir des risques partagés.
Malgré leurs ressources très limitées, les PME emploient plus de 90 % des Canadiens oeuvrant dans le secteur privé. Elles ne fonctionnent généralement pas au sein d'un écosystème de l'innovation, mais ont un grand besoin de soutien pour accéder aux nouvelles technologies. L'une de ces technologies perturbatrices est l'impression 3D ou la fabrication additive. Elle permettra le prototypage rapide, les tests de concept et la production de petites séries; elle est donc parfaitement adaptée aux PME. C'est un domaine technologique où le Canada se doit de réussir, autrement, il risque d'être laissé pour compte. L'Université de Waterloo travaille en partenariat avec cinq autres universités canadiennes et de nombreuses PME afin de créer le Réseau canadien de la fabrication additive. C'est l'avenir de l'innovation dans le développement de produits.
Vous vous demandez si on va devoir toujours s'ajuster et comment on va pouvoir le faire. Je dirais que le citoyen s'ajuste assez rapidement quant à ce qui est nécessaire pour lui. Dans l'entreprise, il n'y a pas de système pour transformer les processus de travail. Il n'y a pas une réflexion suffisante pour transformer les pratiques professionnelles. Le numérique n'est pas suffisamment utilisé au Canada.
On a fait des études pancanadiennes pour savoir si les entreprises, par exemple les PME, achètent suffisamment de systèmes de gestion de la clientèle. La réponse est oui, mais le problème a trait à l'usage. L'usage est non efficient et, très souvent, les entreprises ont de la difficulté à déterminer la taille du système dont ils ont vraiment besoin. Elles investissent beaucoup d'argent, se découragent et abandonnent, ce qui est regrettable.
Le gouvernement du Québec nous demande régulièrement de faire des diagnostics sur les compétences numériques dans certaines entreprises. Les employés ont des compétences numériques en tant qu'individus, mais dans leur milieu de travail, ils doivent automatiser et transformer leur travail. Pour le reste de la vie, on va devoir faire cela dans tous les systèmes. En éducation, par exemple, il n'est pas nécessaire que chaque étudiant ait son iPad ou son ordinateur pour améliorer sa capacité d'apprentissage par le numérique. C'est une erreur de vouloir outiller tout le monde, mais il est nécessaire que les enseignants aient une approche pédagogique différente. C'est là qu'il y a un problème. Dans le quotidien, la transformation n'est pas suffisante.
Je connais bien le gouvernement du Québec, mais je sais que le gouvernement du Canada a de bonnes mesures fiscales pour encourager le développement des technologies. La question fondamentale est de savoir si l'entreprise, qu'elle soit privée ou publique, fait un usage optimal de la technologie. La réponse est non. Le fossé se creuse actuellement. La situation du Canada est de moins en moins bonne d'année en année dans ces secteurs d'appropriation parce qu'il ne fait pas suffisamment d'efforts à ce chapitre.
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Je pense que nous savons tous que nous ne pouvons pas dire à nos enfants où aller. Ce que nous pouvons faire, par contre, c'est les inciter à rester ici.
Je pense que les écosystèmes critiques qui se démarquent sont très importants, compte tenu de la géographie du pays. À mon avis, nous avons un système et, en ingénierie, nous avons trois niveaux d'engagement: les grandes entreprises, les petites et moyennes entreprises et la collectivité des jeunes entreprises.
Cette collectivité devrait collaborer avec IBM, Toyota, GM et Magna afin que, tous ensemble, nous puissions prendre part à ce processus non linéaire, parce que, pour déployer une technologie perturbatrice, il faut tout d'abord la mettre au point, puis la déployer. Il y a toute une chaîne d'événements qui est hautement non linéaire et très complexe.
Si on met toutes les entreprises dans le même écosystème, elles apprendront et s'inspireront des autres et elles disposeront d'une plateforme commune où elles pourront se compléter les unes les autres. Les nouveaux produits et services proviendront de ce lien complémentaire.
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C'est une question très importante, et je vous en remercie.
Il y a environ six ans, nous avons commencé à monter un dossier au bureau de la doyenne. La professeure Mary Wells, vice-doyenne responsable de la sensibilisation, travaille depuis maintenant sept ou huit ans à un programme visant à améliorer la représentation des sexes dans le milieu technologique. Nous avons notamment recueilli des données. Nous dirigeons le programme Engineering science quest, qui permet à 2 000 élèves de partout en Ontario de venir sur le campus pour en apprendre davantage sur la technologie. Nous ciblons les jeunes d'un bas âge jusqu'à la 12e année. Ce que nous avons constaté, c'est que les filles sont très emballées jusqu'à la 7e année, mais qu'il se passe quelque chose entre la 8e et la 10e année. J'ignore si c'est attribuable aux hormones, mais quelque chose se produit.
Nous avons également appris que la physique constitue un obstacle de taille. Je pense que les professeurs de physique sont d'une importance capitale. Toutes les écoles de l'Ontario imposent des cours de science aux élèves, y compris de physique, mais les jeunes ne s'inscrivent pas nécessairement à cette matière en 11e et 12e année. Mais sans physique, un étudiant ne peut pas vraiment s'inscrire aux programmes de génie de la plupart des universités canadiennes. C'est une matière qui nécessite de bons enseignants et un appui considérable. Ce ne sont pas les mathématiques qui font obstacle. À vrai dire, ce sont souvent des filles qui remportent les concours de mathématiques.
Je crois qu'il faudra des années pour y arriver. Après six ou même sept ans d'efforts... Mme Wells est également présidente du Ontario Network of Women in Engineering, et elle aide toutes les écoles de génie de l'Ontario à faire valoir leurs programmes d'études. Pour la première fois à l'Université de Waterloo, la classe d'admission de première année compte 27 % de femmes. Je crois que la limite est de 33 %, ce qui est simplement attribuable à l'espace physique permettant les inscriptions. L'automne dernier, nous avons lancé à un programme de génie biomédical pour lequel nous avons reçu 900 demandes alors que nous avions 50 places. Nous avons donc dû refuser des centaines de candidates très fortes, une situation qui n'a rien de simple. Nous devons poursuivre nos efforts.
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Je remercie les témoins d'être avec nous. Le sujet est fort intéressant, et j'avais hâte à la séance d'aujourd'hui. Nous avons entendu des témoignages de grande qualité.
Nous traversons une période où le changement s'opère très vite. Mme Dubé nous a montré des photos prises à l'élection des papes, qui montrent l'évolution de l'utilisation des téléphones intelligents en huit ans. La différence est stupéfiante. Que nous le voulions ou non, le changement va se produire.
En parlant d'IBM, monsieur Horgan, vous dites avoir vous-même introduit des technologies perturbatrices qui ont très bien réussi. C'est ce que les entreprises doivent faire. Nous sommes allés à Hawaï il y a des années, où un spectacle de hula était commandité par Kodak. Or, ce spectacle n'est plus offert aujourd'hui puisque la société ne s'est pas adaptée au changement. Au contraire, IBM l'a fait avec brio. Elle a créé une société formidable au Canada, et notre pays bénéficie de la création d'emplois et des investissements considérables qui en découlent.
Il y a un an et demi, j'ai pris l'avion aux côtés d'un employé d'IBM qui m'a parlé de Watson et de l'utilisation des superordinateurs à des fins diagnostiques. Environ une année plus tôt, mon médecin généraliste avait des ordinateurs à son cabinet, et tout était numérique. Lorsqu'un patient passe une radiographie, fait une analyse sanguine ou quoi que ce soit d'autre, l'information parvient presque aussitôt au médecin. Par conséquent, les délais...
Nous avons un des meilleurs systèmes de santé au monde, même il n'est pas parfait. Nous n'avons jamais assez d'argent pour tout faire, de sorte que nous devons utiliser plus judicieusement nos maigres ressources à l'échelle locale, provinciale et fédérale. Ma question à tous les témoins est la suivante: comment pouvons-nous mieux utiliser nos ressources limitées?
Je crois que toutes les instances gouvernementales comprennent qu'il faut investir et former des partenariats, ce que nous faisons déjà. Comment pouvons-nous gagner en efficacité?
Monsieur Horgan, je vous invite à commencer. Je pense que le fait qu'IBM soit au Canada nous aide énormément. Nous avons un des meilleurs systèmes de santé, mais comment pouvons-nous changer les choses? Lorsque j'étais dans cet avion il y a un an et demi, l'employé d'IBM était très fier et disait que Watson avait été mis à l'épreuve et avait dû poser un diagnostic à la place d'un médecin en chair et en os. Le taux de réussite de Watson était... Comme vous le dites, cette technologie peut même poser un diagnostic plus vite et prévoir ce qui s'en vient. Comment va-t-elle changer notre système de santé?
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C'est une excellente question. Pensez-y, la technologie pourrait avoir une utilisation à très grande échelle dans le secteur public. Permettez-moi de vous mettre à jour: ce système cognitif que nous appelons Watson est maintenant très actif dans le domaine de l'oncologie. J'ai accompagné un de nos ministres fédéraux à nos laboratoires de New York — c'était malheureusement à New York, mais ce sera bientôt au Canada —, où nous observions une patiente en oncologie. En fait, le système analyse des dizaines de milliers de dossiers médicaux, y compris celui du patient, de même que tous les cas pertinents, puis il se demande quel serait le meilleur traitement pour le patient, dont l'intérêt est placé au premier plan.
Le système présente un classement des diagnostics possibles, mais c'est le médecin qui le confirme en fin de compte. Le plus intéressant, c'est que la radiothérapie et la chimiothérapie complètes arrivaient au troisième rang, alors qu'elles constituent le traitement le plus prudent. Watson plaçait ce traitement en troisième position, avec un résultat de 55 %. Il y avait un résultat de 90 %, et un autre de 85 %. Les traitements hybrides permettant à la patiente, une jeune mère, de ne pas perdre ses cheveux étaient de meilleures options. Le plus intéressant, c'est qu'à la fin des résultats, le système cite les millions de dossiers médicaux qui ont été analysés, de même que les cas de confiance précis qui justifient le diagnostic.
La décision d'aller de l'avant ou non incombe au médecin. Soit dit en passant, le système affiche les résultats en trois secondes. Cela ne lui prend pas des années. C'est extrêmement rapide, et la procédure évite aux patients de subir bon nombre des tests invasifs qui sont généralement réalisés.
Je vais vous donner un autre exemple d'utilisation perturbatrice. Nous avons soumis le système à un concours entre plusieurs universités. Il y a environ deux mois, l'Université de Toronto est arrivée au deuxième rang en appliquant la technologie au système judiciaire. Nous n'y avions jamais pensé. C'est donc un exemple où nous avons décidé de mettre la technologie entre les mains des gens pour voir ce qu'ils en feraient. Les étudiants ont compilé 20 années d'affaires en droit de la famille de l'Ontario, puis ont demandé à Watson de comparer un dossier afin de trouver la jurisprudence applicable. Bien sûr, le système a très rapidement trouvé cinq affaires pertinentes de meurtre; l'avocat doit maintenant convaincre un juge.
Chose intéressante, la technologie perturbe maintenant l'ensemble du système judiciaire. Ce n'est pas le cabinet de milliers d'avocats qui y gagne, puisqu'un bureau d'une ou deux personnes peut désormais obtenir la même information. En passant, il faudrait des mois au système judiciaire pour tout trouver. La technologie pourrait aussi avoir une utilisation relative aux politiques et à d'autres choses, dont nous pourrons parler en détail.
J'aimerais simplement revenir à votre question. Nous sommes très fiers du système puisqu'il existe, mais il n'est pas utile tant qu'il demeure en arrière-boutique. Ce que nous voulons, c'est le faire connaître et l'appliquer à des domaines d'importance. Le Canada peut être un chef de file, peut-être en raison de notre présence, mais surtout parce que nous sommes prêts à aller de l'avant dans un esprit de collaboration.
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J'ai un point de vue, bien entendu. IBM était sur place aux débuts de Silicon Valley, et j'ai affaire chaque jour à de bons amis qui sont à Almaden et dans nos autres laboratoires là-bas. Mais pour un Canadien, je soutiens leur concurrence assez vigoureusement dans le but de remporter plus de missions ici. Je ne parle pas au nom de la société. Je suis persuadé que vous prenez des notes, mais je vous le mentionne de façon informelle. C'est ainsi que nous devons nous percevoir en tant que Canadiens.
J'ai travaillé à l'échelle internationale. J'ai passé la moitié de ma carrière à faire grandir des projets dans des régions émergentes. Je suis revenu au Canada il y a sept ans peut-être, et j'ai maintenant cette responsabilité; nous avons donc appris des techniques. Je dirais que nous avons une véritable approche canadienne. Nous sommes plutôt modestes, et nous savons nous excuser facilement. En fait, nous avons des avantages concurrentiels comparativement à votre fils... c'est d'ailleurs un choix judicieux dans le milieu. Ce n'est pas tout le monde qui comprend le milieu, mais il commence à prendre de l'ampleur. Il y a de plus en plus de jeunes diplômés de l'Université de Waterloo et d'autres incubateurs au pays. Nous n'en parlons pas assez.
J'ai remarqué même à Ottawa que bon nombre de fonctionnaires n'hésitent pas à raconter les grandes réussites qu'ils ont vues à Silicon Valley. Je me dis: « Vraiment? Ne pourriez-vous pas trouver un vocabulaire pour décrire les grandes réalisations du Canada, à commencer par ici? » Quel que soit notre rôle au pays, chacun d'entre nous doit commencer à penser comme les gens de Silicon Valley le font depuis longtemps: nous devons nous dire que nous sommes les meilleurs. Je dirais que c'est surtout à ce chapitre qu'ils ont une longueur d'avance, car nous avons tous les autres ingrédients nécessaires pour faire la même chose ici, et plus encore.
Je conviens que nous ne pouvons pas dire aux jeunes où ils doivent aller après leurs études, mais s'ils étaient au courant de toutes les possibilités qui s'offrent à eux ici, et du caractère international et mondial de notre travail au Canada, ils n'auraient pas à partir. Ils pourraient retrouver tous ces éléments ici, puis faire des projets d'envergure internationale et devenir des chefs de file mondiaux.
Nous allons poursuivre sur cette lancée, comme l'illustre le petit concours organisé par ma petite société, afin de créer chez nous un écosystème reposant sur ces nouvelles dimensions. C'est tout nouveau. Soit dit en passant, la Californie n'a aucun avantage sur nous dans certains des domaines dont nous avons parlé.
Si nous nous reprenons vite en main, je suis tout à fait convaincu que nous pouvons l'emporter.
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Je vous remercie de vos bons mots, madame Sgro. C'est très apprécié.
Premièrement, j'aime l'enseignement et j'aime les étudiants. Je pense que je représente des milliers d'universitaires qui partagent les mêmes sentiments. Cependant, je dois faire écho à ce que Patrick vient de dire: les données ouvertes, c'est essentiellement une question de partage.
L'Université de Waterloo a ceci d'unique qu'elle a une politique inhabituelle en matière de propriété intellectuelle depuis sa fondation, il y a 57 ans. À l'université, la propriété d'une idée — quelle qu'elle soit — appartient à celui qui en est à l'origine. Le doyen n'a aucun droit de regard sur ce que vous voulez faire par la suite, ce qui est très bien.
La plupart de nos étudiants démarrent une entreprise au cours de la deuxième année de leurs études en génie. Je crois que la présence, dans la région de Waterloo, de 500 firmes d'ingénierie qui embauchent des milliers de personnes découle de la politique sur la propriété intellectuelle et des programmes d'études de base. Lorsque les étudiants font un stage de quatre mois dans une entreprise, ils prennent connaissance des besoins et des lacunes technologiques puis, à leur retour, ils démarrent une entreprise.
Il est très important de les appuyer. L'innovation en début de carrière est une réalité. Il faut appuyer ces étudiants et favoriser leur créativité pendant qu'ils sont aux études — c'est très important —, en plus de leur donner une formation sur la gestion d'entreprise, parce qu'ils prennent des risques pendant leurs études.
La politique sur la propriété intellectuelle est importante. La PI doit leur appartenir. À la faculté de génie, nous les appuyons, même après l'obtention du diplôme. La collation des grades se tiendra la semaine prochaine. Nous avons 1 200 ingénieurs diplômés; nous sommes probablement en contact avec chacun d'entre eux. S'ils veulent démarrer une entreprise, ils ont accès au campus de l'université, aux laboratoires, à l'équipement et à la bibliothèque. Nous avons créé un programme d'entrepreneuriat pour les diplômés, ce qui leur permet d'avoir accès à tous les services offerts sur le campus.
C'est réellement important. Le rôle de l'université ne se termine pas lorsque l'étudiant reçoit son diplôme à la collation des grades. Certes, les étudiants montent sur la scène pour aller chercher leur diplôme, mais cela ne se termine pas là. Nous devons les aider après l'obtention du diplôme.
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Je vais tenter une réponse.
Je pense qu'il faut un ombudsman au sein du groupe. Autrement dit, il faut avoir un représentant. Dans le cas de la SOSCIP, dont nous avons parlé plus tôt, le gouvernement ontarien a nommé au conseil un représentant des Centres d'excellence de l'Ontario. Nous encourageons de telles mesures. IBM ne compte que deux représentants parmi les 12 membres du conseil dirigé par l'université. La présence d'un intermédiaire qui s'assure que tout est fait selon ce qui a été prévu, ou mieux, permet de protéger les intérêts de tout le monde; c'est là l'exigence minimale à toutes les étapes.
Quant à l'autre point, nous avons entrepris de collaborer avec les gens de Boston et d'ailleurs pour permettre à plus de petites entreprises d'avoir un meilleur accès aux outils. Ainsi, elles n'auront pas seulement accès aux outils dont nous avons parlé plus tôt, mais elles pourront aussi obtenir du mentorat qui les aidera à comprendre comment passer à la prochaine étape et comment pallier cette lacune.
Je constate qu'à l'autre bout du spectre — et je parle des petites entreprises en démarrage qui sont détentrices de la propriété intellectuelle —, des gens du secteur du capital de risque, des gens comme ceux qui participent ou qui ont participé à l'émission Dans l'oeil du dragon, viennent frapper à nos portes et demandent à voir les 40 entreprises que nous avons lancées. Nous avons accepté, et nous veillerons à mettre en place un contexte propice pour le faire. Ils ont le capital, mais ils n'ont tout simplement pas pensé... Une intervention trop précoce, à une étape où le taux d'échec est élevé... Si l'intervention a lieu à une étape où les investisseurs sont en mesure de comprendre que les entreprises travaillent à la mise au point d'un prototype de classe mondiale, les investissements suivront.
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L’une de mes perspectives découle du fait qu’il y a deux ans, j’étais président de la Chambre de commerce du Canada et que je suis son président sortant. J’ai passé beaucoup de temps à réfléchir à cette question, à me demander la raison pour laquelle les Canadiens accusaient du retard, comme toutes les statistiques le montraient. Toutefois, mon entreprise était un peu un cas particulier.
Je pense que cela a à voir avec les 20 ou 30 dernières années pendant lesquelles la valeur du dollar était très raisonnable à un moment donné. Par conséquent, nous pouvions simplement vendre nos services aux gens sans avoir à innover tant que cela, et nous devenions beaucoup plus axés sur les ressources. Bien que l’exploitation des ressources exige certaines avancées technologiques, elles ne sont pas aussi nécessaires que dans d’autres domaines.
Si vous ne croyiez pas savoir d’où venait votre concurrence — contrairement au reste de la planète, soit dit en passant — et si vous ne saviez pas quelle serait la prochaine vague technologique — contrairement au reste de la planète, soit dit en passant —, vous seriez plus motivé à apporter les changements nécessaires. Autrement dit, mon postulat est que, si nous, les Canadiens, restons à la même place pendant les cinq prochaines années, nous nous laisserons distancer encore plus. Il faut réfléchir à la façon dont nous pouvons penser d’une manière plus créative, d’une façon différente dont nous le faisions auparavant. Voilà pourquoi les technologies perturbatrices et leur adoption sont vraiment importantes.
Je pense que, pendant que nous interrogions les gens partout au pays, nous avons constaté que les Américains croyaient très fermement que cela devait se produire — et les Asiatiques le croyaient encore plus, soit dit en passant —, mais les Canadiens un peu moins. Nous disposons même de données empiriques qui le prouvaient.
Voilà en quoi consisterait ma réponse.
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Tout d'abord, il est vrai que 50 ans est beaucoup trop jeune pour prendre sa retraite.
Nous avons mesuré le fait que les gens de 50 à 65 ans forment la part de la population actuelle qui progresse le plus rapidement en ce qui a trait à l'appropriation du numérique. Certes, il y avait un décalage, mais il n'y a pas de manque à cet égard du côté du citoyen. À partir de l'âge de 75 ans, cependant, il y a un problème en ce qui a trait à l'usage des technologies numériques.
Dans les secteurs traditionnels, comme le secteur manufacturier ou de commerce de détail, les jeunes sont essentiels, à cause des compétences qu'ils possèdent. Pour la première fois, la génération des jeunes qu'on engage dans les entreprises enseigne à la génération de ceux qui ont 50 ans à être plus habile avec les technologies numériques.
Il est essentiel de comprendre qu'on ne doit abandonner personne. Chez le manufacturier avancé, on trouve une technologie très poussée que les jeunes n'ont pas nécessairement apprise à l'université, mais quand quelqu'un arrive dans l'entreprise, si les processus de travail sont bien définis, cette technologie est très facile à utiliser.
Une des méthodes que nous avons expérimentée est d'amener la formation directement dans l'entreprise. On nous a donné une remorque de 53 pieds. Nous y avons mis tous les outils numériques nécessaires et nous allons dans les entreprises pour déterminer les processus de travail. L'âge ou la facilité à utiliser les technologies numériques ne sont alors plus un problème parce que, en moins de 20 heures, nous sommes en mesure d'aider les personnes qui ont un problème.
Souvent, ce sont des immigrants qui ne comprennent pas les processus parce qu'ils ne maîtrisent pas la langue. Nous travaillons sur le terrain, en déterminant les processus. À ce moment, la haute technologie n'est plus un frein, mais un outil de travail absolument normal.
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C'est bel et bien le cas. Ces organisations, soit une grande partie des banques, bien évidemment, mais aussi des agences gouvernementales et d'autres entités, collaborent avec nous à cette fin du fait qu'elles se situent à l'échelon supérieur.
Si j'ai beaucoup parlé de cet aspect, c'est que j'ai participé il y a environ deux mois à un colloque Royaume-Uni-Canada qui a réuni des experts en cybersécurité des deux pays. Malheureusement, il y a notamment été question des mesures à prendre après une cyberattaque, des moyens à déployer pour remettre les choses en place, comme dans le cas du scandale de Tylenol. Je me suis dit: « Vraiment? ». J'ai trouvé stupéfiant que les gens puissent envisager les choses sous cet angle, même au Royaume-Uni. Thomson Reuters était également représentée.
Nous avons commencé à leur exposer la façon dont bien des gens procèdent au Canada, sans prétendre que cela soit généralisé. À titre d'exemple, l'entreprise Venus d'Ottawa est un centre de connaissances où l'on s'efforce de demeurer à la fine pointe des meilleures pratiques en la matière.
Je dirais même que la longueur d'avance du Canada pourrait être encore plus prononcée. Les gens qui font leurs petites affaires sur Internet en se risquant à inscrire leurs renseignements personnels sur un site ou en répondant à ceux qui leur demandent leurs coordonnées pour vérifier leur compte bancaire n'ont qu'eux-mêmes à blâmer. Ce sont des choses qui arrivent, et il est nécessaire de mieux informer les citoyens.
Il faut agir de façon réfléchie et prendre les mesures nécessaires pour que l'ensemble du système soit imprégné de cette optique de la cybersécurité. Ce n'est pas l'affaire d'un seul fournisseur. Il faut tout un réseau d'intervenants. Encore une fois, l'entreprise Venus d'Ottawa est devenue un chef de file de la collaboration en la matière en misant sur une bonne compréhension des diverses étapes à franchir.