:
Excellent. Merci, monsieur Easter.
J'espère que tout le monde m'entend bien.
Je remercie beaucoup le Comité de m'avoir invité.
Il va sans dire que la réponse économique du gouvernement à la COVID-19 est sans précédent dans l'histoire du Canada. Il nous faudrait remonter aux deux guerres mondiales pour voir des dépenses gouvernementales de cette ampleur, bien qu'il nous faudrait aussi remonter aux années 1930, soit il y a près d'un siècle, pour voir un taux de chômage aussi élevé, particulièrement au cours des premiers mois.
Le rapport que j'ai publié récemment, Régler la note, contient un ensemble complet de données sur les 850 mesures directes que les gouvernements fédéral et provinciaux ont prises pour lutter contre la COVID-19 jusqu'à la fin de décembre 2020, ce qui inclut la mise à jour financière de l'automne. La conclusion générale de cette compilation, c'est que les mesures qui ont été prises pour lutter contre la COVID-19 ont été payées presque entièrement par le gouvernement fédéral: 92 % de chaque dollar consacré à des mesures de lutte contre le coronavirus — de l'achat d'équipement de protection individuelle au soutien aux entreprises et aux particuliers — provient du gouvernement fédéral. Même dans les domaines de compétence provinciale, comme les soins de santé, 88 % des coûts ont été assumés par le gouvernement fédéral.
Les dépenses les plus importantes, dans les programmes fédéraux et provinciaux, ont été consacrées au soutien des entreprises, pour un montant de 4 100 $ par personne. Le soutien aux particuliers suit de près, en deuxième position, avec 3 900 $ par personne, et le soutien aux soins de santé arrive loin derrière, en troisième position, avec 1 200 $ par personne.
Dans chacune des catégories examinées, sauf une, le soutien fédéral était plus important que le soutien provincial. Le seul domaine dans lequel les provinces dépensent plus que le fédéral est celui des infrastructures matérielles pour stimuler la croissance. Les provinces de l'Ouest sont particulièrement actives à cet égard. À ce moment-ci, le principal programme d'infrastructure du gouvernement fédéral est le volet Résilience à la COVID-19 du programme d'infrastructure du Canada, bien qu'il ne s'agisse que de réaffecter des fonds existants et non de dépenser de nouveaux fonds.
Il convient de souligner qu'au moment où le gouvernement fédéral s'engage dans une nouvelle vague de dépenses à venir dans le budget du printemps, lors de la dernière vague de dépenses, bon nombre de provinces n'ont pas versé une contribution équivalente aux dépenses fédérales pour les déficits municipaux, et bon nombre de provinces n'ont pas pleinement utilisé les fonds fédéraux mis à leur disposition. Au cours de la prochaine phase de la reprise, le gouvernement fédéral devrait surveiller de près les contributions équivalentes et l'utilisation des fonds afin de s'assurer que ses dépenses ont un effet maximal.
Cela m'amène à parler de la prochaine phase des dépenses fédérales liées à la COVID-19, qui représenterait entre 70 et 100 milliards de dollars dans le prochain budget du printemps, selon les promesses. Comme je l'ai mentionné, des dépenses d'infrastructure sont déjà prévues dans les budgets de plusieurs provinces de l'Ouest. Il s'agit certainement d'un domaine dans lequel le gouvernement fédéral peut appuyer les provinces, comme il l'a fait dans le cadre de l'Accord sur la relance sécuritaire. De nouvelles dépenses d'infrastructure qui réduisent l'empreinte carbone du pays peuvent être une occasion importante de mieux reconstruire et d'encourager davantage les provinces du centre et de l'Atlantique à consacrer une plus grande partie de leurs fonds liés à la COVID-19 aux infrastructures.
J'aimerais également prendre un moment pour attirer l'attention des membres du Comité sur notre sondage annuel sur les frais de garde d'enfants, qui a été publié ce matin même. Il fournit un aperçu détaillé des frais de garde d'enfants et des répercussions de la COVID-19 dans 37 villes canadiennes. Le sondage de cette année montre une baisse très inquiétante des inscriptions en garderie en raison de la COVID-19, et les frais restent élevés dans de nombreuses villes du pays. La baisse du nombre d'inscriptions est pire dans les villes où les frais de garde sont élevés, et pire dans les villes où le taux de chômage est élevé. Si ce problème n'est pas pris en compte immédiatement, des fermetures ou la perte de personnel peuvent empêcher une reprise rapide cet été et cet automne, car les parents ne pourront pas trouver de places pour leurs enfants lorsqu'ils, espérons-le, retourneront au travail.
Je vais parler d'une autre des leçons tirées du sondage sur les frais de garde d'enfants qui pourrait être utile au gouvernement fédéral dans les efforts qu'il déploiera dans ses prochaines initiatives. Les frais de garde d'enfants les moins élevés se trouvent toujours dans des villes où les fournisseurs reçoivent des subventions de fonctionnement provinciales et, en ensuite, appliquent un tarif fixe peu élevé. L'année dernière, Terre-Neuve est devenue la quatrième province à adopter cette approche qui est suivie par le Québec, le Manitoba et l'Île-du-Prince-Édouard, et il semble que le Yukon leur emboîtera bientôt le pas.
De manière plus générale, je trouve encourageant que le gouvernement fédéral s'engage à relancer l'économie, plutôt que de se préoccuper excessivement des déficits fédéraux. Des déficits fédéraux importants étaient nécessaires pour éviter des déficits qui auraient été bien pires dans d'autres secteurs. Si le gouvernement fédéral n'avait pas couvert les dépenses, comme il l'a fait, ces déficits se seraient produits ailleurs dans l'économie, en particulier pour les provinces, qui ont assumé les coûts des soins de santé; pour des particuliers, qui ont perdu leur emploi et n'étaient pas couverts par l'assurance-emploi; ou pour des entreprises, qui ont vu leurs revenus disparaître en raison des mesures de santé publique, mais qui avaient toujours des dépenses.
Un déficit n'est ni bon ni mauvais en soi. Il s'agit simplement d'un élément d'une relation comptable, avec un surplus égal qui est créé dans un autre secteur. Chaque dollar vient de quelque part et va quelque part. Pour évaluer l'utilité d'un déficit dans un secteur particulier — par exemple, le secteur du gouvernement fédéral —, nous devons déterminer où le surplus a été créé, l'autre élément de la relation comptable.
Au cours des quatre derniers trimestres, le déficit fédéral de 220 milliards de dollars a créé un excédent d'un montant égal, dont les trois quarts ont abouti dans le secteur des ménages et un quart, dans le secteur des entreprises. Heureusement, une petite partie de l'excédent s'est échappée du Canada sous forme de flux financiers vers des non-résidents.
Le gouvernement fédéral n'est pas contraint par des déficits ou des ratios dette-PIB, mais par la capacité de production du pays. Tant qu'il y a des gens qui ne peuvent pas trouver d'emploi, tant qu'il y a des magasins et des restaurants vides, le Canada ne sera pas à sa pleine capacité de production.
L'inflation est la contrainte à laquelle le gouvernement fédéral est confronté. Nous devons nous rappeler qu'au début de cette crise, notre taux de chômage n'avait jamais été aussi bas, les taux d'intérêt étaient très bas et nous ne faisions toujours pas face à une inflation soutenue. Quand 800 000 travailleurs à faible revenu sont toujours sans emploi, par rapport aux chiffres de février de l'année dernière, nous sommes loin d'avoir atteint notre pleine capacité et l'inflation demeurera modérée pendant encore longtemps.
Merci. Je suis impatient de répondre à vos questions.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir invitée à me joindre à vous aujourd'hui.
[Traduction]
En préparant ma déclaration, j'ai été frappée par le défi unique auquel est confronté le secteur hôtelier, et auquel sont confrontés ce comité et le gouvernement fédéral. Nous faisons face à la recherche d'un équilibre. Du côté positif, l'espoir et la possibilité d'une reprise se profilent à l'horizon grâce à la vaccination qui est en cours, ce qui pourrait mener à une reprise du tourisme intérieur pour certains segments, comme les centres de villégiature, cet été.
Du côté négatif, et franchement plus réaliste, si tous les Canadiens ne sont pas vaccinés d'ici l'été et qu'il y a une troisième vague du virus, si les gens sont incités à rester chez eux, les frontières nationales et internationales restent fermées et les interdictions de rassemblement de masse sont maintenues, nous pourrions entrer dans la deuxième année de la COVID en ayant perdu une fois de plus la saison la plus importante pour notre industrie.
Permettez-moi de parler d'abord du scénario positif pour l'été et des mesures gouvernementales qu'il serait nécessaire de prendre. Si la plupart des Canadiens sont vaccinés d'ici le mois de juin, le gouvernement doit réagir rapidement — tous les gouvernements — pour permettre une réouverture en toute sécurité et investir dans la stimulation de notre reprise afin que la saison touristique estivale soit maximisée.
Cela devrait inclure mettre en œuvre les pratiques exemplaires d'autres pays qui ont rouvert leurs activités avec succès avant nous; éliminer les obstacles provinciaux aux voyages; stimuler la demande intérieure et la confiance au moyen d'incitatifs fiscaux ou de remises pour que les gens dépensent leur argent au Canada; investir dans des campagnes de marketing nationales; et agir de concert avec l'administration Biden pour une réouverture accélérée de la frontière canado-américaine.
Dans le second scénario, le pire, dans lequel les restrictions sont encore nécessaires et restent en place pendant l'été, le gouvernement devra apporter un soutien financier aux secteurs du tourisme et de l'accueil jusqu'à ce que la reprise soit possible.
Je pense malheureusement que le pire scénario est le plus probable. Tandis que la plupart des autres secteurs rebondissent dès le lendemain de la levée des mesures de confinement, ce n'est pas le cas du nôtre. Personne ne réserve un voyage dès le lendemain. Les voyages prennent du temps. La planification d'événements prend du temps, et ce sont ces événements qui entraînent le mouvement des personnes et qui constituent le cœur de nos activités — festivals, foires, concerts, pièces de théâtre, mariages, grands événements sportifs et conventions. Rien de tout cela n'est prévu pour cet été ou cet automne, ce qui ne changera probablement pas avant le printemps.
Nous demandons ce que Mark Carney préconise dans son nouveau livre. À son avis, le soutien aux entreprises devrait être axé sur la revitalisation des industries les plus touchées, plutôt que d'être offert sous la forme d'une aide globale coûteuse pour tous. Il est temps que le gouvernement adapte la Subvention salariale d'urgence du Canada, ou SSUC, et la Subvention d'urgence du Canada pour le loyer, ou SUCL, en fonction de ceux qui en ont le plus besoin.
Dans ce scénario catastrophe, nous voulons que le budget fédéral prévoie deux choses: une importante prolongation des subventions jusqu'à la fin de 2021 pour les secteurs les plus touchés; et une prolongation et un élargissement du programme de SUCL pour nous aider à couvrir les coûts fixes jusqu'à la fin de 2021 alors que nous ne sommes pas en mesure de générer des revenus.
À l'heure actuelle, ce programme est nettement insuffisant. Il supprime le « M » de PME en raison de la limite mensuelle. Il ne couvre pas suffisamment les dépenses admissibles et ne tient pas compte de l'augmentation des coûts des entreprises, comme les assurances, qui ont explosé dans notre secteur depuis le début de la pandémie de COVID.
Le sondage mené auprès de nos membres, en mars, a montré que 70 % des hôtels canadiens cesseront leurs activités si la SUCL et la SSUC ne sont pas prolongées jusqu'à la fin de l'année. Il s'agit d'une perte de grande ampleur qui nous guette. En clair, si le gouvernement ne prolonge pas ces programmes au-delà de juin et ne les adapte pas aux secteurs qui en ont le plus besoin, nous perdrons la majorité de l'industrie hôtelière.
Le gouvernement a le mérite d'avoir mis en place ces programmes rapidement et d'avoir fourni des solutions sur mesure aux gens les plus touchés. Notre industrie est toujours en vie grâce à ces programmes, mais ce n'est pas le moment de retirer l'aide aux secteurs qui prendront du retard sans que ce soit leur faute.
Les entreprises clés de l'industrie du voyage, dont les hôtels, doivent être conservées. Les hôtels soutiennent les voyages essentiels. Ils constituent les piliers des régions touristiques. Ils permettent au Canada de rivaliser pour la tenue d'événements mondiaux. Ils accueillent les tournois de hockey et des mariages, mais ils ne seront pas là si le gouvernement ne planifie pas adéquatement les choses en fonction des deux scénarios.
Nous avons besoin que, dans le cadre de son budget, le gouvernement indique clairement qu'il tient compte des défis uniques auxquels nous faisons face et qu'il nous soutiendra jusqu'à ce que la reprise soit possible.
Merci.
:
Merci. Je vous remercie de m'accueillir à nouveau.
Comme je me suis déjà adressé à ce comité, je vais revenir sur les discussions que j'ai eues avec vous. Je vais me concentrer presque exclusivement sur l'inflation et les taux d'intérêt. Comme l'a dit M. Macdonald, c'est la faiblesse des taux d'inflation et d'intérêt qui fait que tout cela fonctionne, alors il vaut la peine de comprendre un peu mieux.
Je vais maintenant passer à la déclaration que j'ai préparée pour les interprètes.
La hausse des prix des produits de base au début de l'année 2021 alimente les spéculations selon lesquelles des pressions inflationnistes pourraient apparaître plus rapidement que ne le prévoient les banques centrales. Après le début de la pandémie, les banques centrales ont pris des mesures extrêmes pour soutenir l'économie en abaissant les taux d'intérêt à des niveaux historiquement bas et en élargissant considérablement leurs bilans. Cela a conduit certains à accuser les banques centrales d'avoir « imprimé de l'argent », ce qui risque d'entraîner une résurgence de l'inflation.
La masse monétaire est au centre de la macroéconomie depuis longtemps. Cela reflète une utilisation, qui a traversé les siècles, de la théorie quantitative de la monnaie pour orienter l'économie. La théorie quantitative repose sur l'idée que la masse monétaire et la vitesse de circulation de la monnaie déterminent le PIB. En supposant que la vitesse de circulation soit stable dans le temps et que la production augmente régulièrement, les variations de la masse monétaire ont des effets sur les prix. La célèbre déclaration de Milton Friedman selon laquelle « l'inflation est toujours et partout un phénomène monétaire en ce sens qu'elle est et qu'elle ne peut être générée que par une augmentation de la quantité de monnaie plus rapide que celle de la production » résume ce que bien des gens pensent être l'origine de l'inflation.
L'application de la théorie quantitative n'est pas simple. Il n'existe pas de définition universelle de la monnaie. La vitesse de circulation est le rythme auquel l'argent est dépensé, reflétant le nombre de fois où l'argent est remis lors des transactions qui génèrent le PIB nominal. Un principe clé de la théorie quantitative est que la vitesse de circulation est stable, ou du moins prévisible.
Toutefois, avec des taux d'intérêt presque nuls en 2009 et en 2020, les banques centrales ont eu recours à l'assouplissement quantitatif pour stimuler l'économie. L'assouplissement quantitatif consiste pour les banques centrales à acheter des obligations, des hypothèques et d'autres actifs pour injecter de l'argent dans le système financier. En adoptant l'assouplissement quantitatif, les banques centrales sont devenues une fois de plus des « adeptes de la théorie quantitative ».
Le Canada a eu une brève expérience de l'assouplissement quantitatif en 2008-2009, mais la masse monétaire et le crédit dans le secteur privé n'ont pas connu d'accélération. Même le recours accru de la Réserve fédérale américaine à l'assouplissement quantitatif n'a pas entraîné une croissance plus rapide de la masse monétaire. Nous pouvons dire qu'en 2008-2009, ces expériences avec l'assouplissement quantitatif n'ont pas réfuté la théorie quantitative de la monnaie, car la masse monétaire au sens large n'a pas augmenté rapidement.
L'assouplissement quantitatif n'a pas tenu sa promesse de stimuler la production et d'augmenter l'inflation après la crise financière, en partie parce qu'il ne pouvait pas contrôler si les banques augmentaient les prêts ou si l'argent était dépensé pour le PIB plutôt que pour des actifs existants comme le marché de l'habitation et le marché boursier. Comme l'assouplissement quantitatif n'a pas déclenché une croissance plus rapide du PIB, il n'a pas non plus alimenté l'inflation. En 2012, un président régional de la Réserve fédérale déplorait que les liens historiques entre le montant des réserves, la masse monétaire et l'économie avaient peu de chances de se maintenir à l'avenir. Je vais y revenir dans un instant.
En 2020, les banques centrales ont rapidement eu encore davantage recours à l'assouplissement quantitatif, principalement au Canada, en rachetant une partie de la dette publique pour maintenir les taux d'intérêt à un bas niveau pendant que les gouvernements apportaient une aide d'urgence dans le contexte de la pandémie. Contrairement à 2008, cependant, la croissance de la masse monétaire au sens large est passée de 7 à 30 %. Toutefois, la demande de crédit dans le secteur privé ne s'est pas accélérée.
Au début de 2021, il y a une augmentation des prix et des attentes inflationnistes, ces dernières atteignant 2,2 % aux États-Unis. Les économistes ont signalé qu'il y a un risque de surchauffe aux États-Unis, car le plan de relance de 1,9 billion de dollars de l'administration Biden arrive juste au moment où l'économie rouvre avec la distribution rapide de vaccins. Le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, parle d'une « courbe de Phillips plate » comme l'une des raisons pour lesquelles l'inflation n'augmentera pas de façon importante. La courbe de Phillips illustre une relation entre l'inflation et l'utilisation de la capacité, et une courbe de Phillips plate indique que l'utilisation des ressources n'a pas de répercussions sur l'inflation.
Je vais sauter un paragraphe ici.
Une politique monétaire souple a été adoptée pour stimuler directement l'économie et faciliter les emprunts gouvernementaux nécessaires pour aider les gens pendant la pandémie. La politique monétaire est un outil permettant de stabiliser l'économie à court terme et de juguler l'inflation, et non de sauver les gouvernements des conséquences à long terme de leurs décisions financières.
Si l'économie se redresse mieux que prévu et que les pressions ou les attentes inflationnistes commencent à augmenter — et personne ne sait comment la demande refoulée réagira à la réouverture après une pandémie sans précédent —, les banques centrales devront choisir entre continuer à maintenir les taux d'intérêt à un faible niveau pour permettre la poursuite des mesures de relance ou commencer à resserrer les choses. Dans une telle situation, je n'ai aucun doute qu'elles se concentreront sur l'inflation. Dans ce cas, les gouvernements qui tardent à retirer les mesures seront confrontés à la réticence des banques centrales à continuer de rendre les emprunts faciles et bon marché.
Les banques centrales ne renonceront pas à des décennies de travail à bâtir la confiance dans leurs objectifs d'inflation. Il faudrait des années, voire probablement des décennies, pour rétablir cette confiance. Le risque de hausse des taux d'intérêt est beaucoup plus grand que celui de l'inflation. Les gouvernements dont la dette est importante ressentiront rapidement le coût d'une hausse des taux d'intérêt.
Par exemple, au Canada, le directeur parlementaire du budget estime qu'une hausse de 1 % des taux d'intérêt ferait augmenter les coûts fédéraux de 4,5 milliards de dollars la première année et de 12,8 milliards de dollars à la cinquième année.
La Réserve fédérale et la Banque du Canada toléreront toute inflation en 2021 comme étant à la fois transitoire et salutaire. L'inflation s'accélérera pour atteindre au moins 3 % et probablement plus en raison des effets de la période de base. Les prix de l'essence étaient exceptionnellement bas au printemps dernier, ce qui va automatiquement faire augmenter l'inflation cette année. De plus, les entreprises doivent reconstituer leurs marges bénéficiaires et rétablir leurs bilans, surtout dans des secteurs comme la restauration, les voyages, les loisirs et les services personnels, comme l'a mentionné Mme Grynol.
Les clients bénéficient de nombreux transferts gouvernementaux et peuvent donc payer des prix plus élevés, mais si l'inflation devient ancrée dans les comportements et surtout dans les attentes en 2022 et en 2023, les banques centrales prendront des mesures décisives.
Merci.
:
Je vous remercie beaucoup de la question.
Certes, en ce qui concerne la dette et les déficits, le gouvernement fédéral n'est pas seul. Cela existe au sein de l'économie canadienne, dans d'autres grands secteurs de l'économie, et les déficits et la dette sont fongibles. Essentiellement, ils peuvent passer d'un secteur à l'autre. Dans le cas présent, le gouvernement fédéral a enregistré un énorme déficit cette année, ce qui a créé de plus petits déficits et, en fait, des surplus dans d'autres secteurs de l'économie. Pour chaque déficit, il y a un excédent de valeur égale dans un autre secteur de l'économie.
Le gouvernement fédéral aurait pu décider de ne pas dépenser cet argent. Il aurait pu décider de ne pas offrir la PCU, de ne pas soutenir les entreprises et les provinces et de ne pas appuyer les soins de santé et les particuliers. Dans ce cas, ce n'est pas le gouvernement fédéral qui aurait enregistré ces déficits, mais bien les gouvernements provinciaux, qui couvrent les coûts des soins de santé. Les ménages auraient été confrontés à ces déficits, car ils ont perdu leur emploi, mais ont tout de même des dépenses, et les entreprises y auraient fait face également.
Malgré les efforts des gouvernements fédéral et provinciaux, nous avons observé une augmentation non seulement de la dette fédérale, mais aussi de la dette des ménages et des entreprises au même moment. En fait, les secteurs des ménages et des entreprises sont beaucoup plus endettés que le gouvernement fédéral. Si nous devions voir des hausses des taux d'intérêt, elles toucheraient certainement le gouvernement fédéral, mais elles frapperaient beaucoup plus durement les ménages et les entreprises. Non seulement ils paient des taux d'intérêt plus élevés, mais ils sont beaucoup plus endettés.
Je pense qu'il faut aussi comprendre le gouvernement fédéral et ses déficits en fonction de la façon dont ils sont liés à d'autres secteurs de l'économie.
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Je suis persuadé qu'il viendra un temps, au cours des prochaines années, où il faudra commencer à penser à de nouvelles mesures pour générer des revenus. De manière générale, quand on y réfléchit, il faut comprendre que cette pandémie n'a pas que des effets négatifs sur tout le monde.
Financièrement, il y a des entreprises, dans certains secteurs, qui se trouvaient au bon endroit, au bon moment, pendant la pandémie, et qui ont enregistré des profits record. Ainsi, les PDG de ces entreprises feront des profits record. On peut même s'attendre à ce que les PDG des entreprises qui n'ont pas fait de profits record touchent malgré tout de généreux bonus de fin d'année, grâce à de petites modifications aux règles, parce que quand l'économie va vraiment bien, les PDG touchent des bonus mirobolants, mais quand l'économie va moins bien, on change un peu les règles pour que les PDG touchent quand même de gros bonus.
Vient ensuite l'impôt sur la fortune. Encore une fois, pour les Canadiens du décile supérieur, la récession s'est terminée en juillet. Les emplois s'étaient alors complètement rétablis pour les gens du quart supérieur. De même, pour ceux qui font partie du 1 % le plus riche, la valeur de l'actif a augmenté avec la hausse des valeurs boursières et immobilières. Les choses ne vont pas mal pour tout le monde.
Je pense que de manière générale, nous devrions vraiment envisager un genre d'impôt sur la fortune, et j'ajoute que le Canada est le seul pays du G7 à ne pas imposer de taxe successorale. Tous les autres grands pays ont la leur. Une nouvelle taxe sur la fortune devrait s'inspirer des leçons qu'on peut tirer des taxes successorales en vigueur ailleurs. Il est facile de créer un impôt sur la fortune qui soit un cauchemar à mettre en application, mais cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas essayer de tirer des leçons de l'expérience des autres pays pour nous doter d'une taxe efficace sur la fortune.
Par ailleurs, je pense que nous pourrions envisager un genre d'impôt sur les profits excédentaires, pour les entreprises ou les filiales d'entreprises qui se sont beaucoup enrichies grâce à la pandémie. Nous pourrions aussi fixer de nouveaux taux marginaux d'imposition supérieurs pour les particuliers, notamment pour les PDG qui toucheront des bonus record.
Je pense qu'il vaut la peine que nous nous demandions qui devrait contribuer à la lutte contre la pandémie. Les gens qui s'en tirent le mieux, à l'extrémité supérieure du spectre des revenus, devraient avoir la responsabilité de redonner une partie de ce qu'ils ont gagné, pour que les autres personnes, particulièrement les Canadiens à faible revenu, aient plus de chances d'obtenir de l'aide et de trouver un emploi.
:
À court terme, il s'agit exactement des trois choix qui s'offrent au gouvernement. Il peut augmenter l'impôt, couper dans les programmes ou faire des déficits, ou un mélange des trois.
La baisse de 60 milliards de dollars dans les recettes du gouvernement est si importante qu'il lui serait presque impossible de couper dans les programmes pour équilibrer le budget. Le faire aurait des conséquences dévastatrices. Il lui faudrait supprimer totalement l'assurance-emploi, supprimer totalement, disons, le ministère de la Défense nationale, et supprimer totalement le programme de l'Allocation canadienne pour enfants. C'est ce qu'il aurait fallu pour équilibrer le budget en 2020.
De toute évidence, le financement par le déficit est la bonne décision à cette étape. Le taux d'intérêt du gouvernement fédéral sur les obligations de 5 à 10 ans est, ou est presque, à des niveaux historiquement bas. Il faut remonter aux années 1950 pour voir des taux d'intérêt sur les obligations à des niveaux aussi bas. Un taux d'intérêt sous la barre des 2 % est extrêmement faible pour financer cette dette. La situation est très différente de ce qu'elle était dans les années 1990 lorsque les taux d'intérêt étaient beaucoup plus élevés.
On court le risque, naturellement, que les taux d'intérêt augmentent et augmentent ainsi le coût de ces emprunts pour le gouvernement fédéral, mais les taux d'intérêt ne touchent pas seulement le gouvernement fédéral. L'augmentation des taux d'intérêt touche le secteur des ménages et le secteur des entreprises en plus des gouvernements provinciaux, qui paient tous des taux d'intérêt plus élevés et qui sont tous beaucoup plus endettés.
Le ratio d'endettement du gouvernement fédéral se situe à 50 % du PIB à l'heure actuelle, celui du secteur des entreprises à 130 %, et celui du secteur des ménages à 110 %. Ces secteurs seraient frappés beaucoup plus durement. Si les taux d'intérêt augmentaient de façon significative, nous serions vite replongés dans une récession, avant que le gouvernement fédéral en souffre vraiment.
[Français]
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
Nous vous remercions de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd’hui. Nous sommes heureux d'avoir aujourd'hui l'occasion de parler de notre récente analyse économique et financière relative à votre étude sur le projet de loi .
Comme vous l'avez mentionné, monsieur le président, je suis accompagné aujourd'hui de Mme Xiaoyi Yan, directrice de l'Analyse budgétaire.
Conformément à mon mandat, qui consiste à offrir au Parlement des analyses indépendantes et impartiales, mon bureau travaille avec diligence, depuis mars dernier, afin de présenter aux parlementaires des données estimatives fiables concernant les répercussions des dépenses sans précédent effectuées en réponse à la COVID-19 sur les finances du gouvernement et l'économie canadienne.
Nous avons aussi publié des estimations de coûts indépendantes relativement à certains des éléments du Plan d'intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19, produit par le gouvernement.
[Traduction]
Le 10 décembre, nous avons publié notre évaluation de l'Énoncé économique de l'automne 2020 du gouvernement. Notre rapport définit plusieurs questions essentielles pour aider les parlementaires dans leurs délibérations budgétaires, en plus de présenter des prévisions financières et économiques mises à jour.
Sur le plan de la transparence, l'énoncé économique de l'automne du gouvernement comporte certains éléments essentiels à une planification financière crédible et une étude rigoureuse des mesures proposées, comme une perspective financière détaillée sur cinq ans.
Cependant, l'énoncé économique de l'automne comporte certaines lacunes en matière de transparence. On note par exemple l'absence d'une cible budgétaire, l'absence de seuils précis pour les garde-fous budgétaires et le manque de détails concernant le Compte des opérations de l'assurance-emploi.
Outre notre rapport, mon bureau a publié des estimations de coûts indépendantes pour certaines des mesures présentées dans l'énoncé économique de l'automne, dont l'Élimination des intérêts sur les prêts d'études canadiens, la Subvention salariale d'urgence du Canada et la Subvention d'urgence du Canada pour le loyer.
Nous serons heureux de répondre à vos questions sur notre analyse de l'Énoncé économique de l'automne 2020 du gouvernement ou sur d'autres travaux du DPB.
Merci, monsieur le président.
:
Je vous remercie, monsieur Ste-Marie.
En effet, la limite d'endettement est une chose. Cela permet au gouvernement de contracter des dettes jusqu'à un montant maximal. Le montant proposé est de 1 800 milliards de dollars. Cela ne veut pas dire que le gouvernement peut dépenser jusqu'à ce que ce montant soit atteint. Ce n'est pas une limite de crédit sur une carte de crédit, par exemple. Un autre processus doit être suivi pour faire cela. C'est donc une contrainte qui s'ajoute à celles qui existent déjà dans le cadre du processus d'approbation des crédits.
Le gouvernement, pour financer ses opérations annuelles ou ses programmes, peut recourir à deux méthodes. Il y a la méthode qui s'applique aux programmes existants qui ont été créés par une loi, comme la Sécurité de la vieillesse. C'est un programme dont les dépenses sont uniquement tributaires du nombre de prestataires. Le montant des dépenses liées à la Sécurité de la vieillesse n'est donc pas limité par une enveloppe.
Le gouvernement peut aussi dépenser par l'entremise des crédits budgétaires, qui doivent être approuvés chaque année par une loi votée par le Parlement. C'est le cas pour les dépenses de fonctionnement des ministères et du Parlement, ainsi que pour les subventions et contributions. Ça, c'est une contrainte.
De plus, le gouvernement ne peut pas emprunter plus que la limite actuelle, qui est de 1 168 milliards de dollars. Le gouvernement propose de la rehausser à 1 800 milliards. Ce sont les deux contraintes qui agissent pour limiter les dépenses ou, du moins, pour les contrôler.
:
Je vous remercie, monsieur Julian.
En effet, il y a des réunions et des discussions régulières entre les directeurs parlementaires du budget ou ceux qui occupent une fonction équivalente dans les pays industrialisés, et même dans les pays qui le sont un peu moins.
À ma connaissance, il n'y a pas de pays, du moins parmi le G7, qui n'a pas encore déposé de budget. La plupart des pays font face à la même pandémie et au même niveau d'incertitude, mais à ma connaissance, la plupart, sinon la totalité des pays du G7 ont déposé au moins un budget depuis le début de la pandémie.
L'absence de budget fait donc du Canada un cas à part. Cela prive les Canadiens d'une bonne perspective sur ce qui va arriver après les prochaines semaines, les prochains mois et les prochaines années, une fois que nous serons sortis de la pandémie. Le gouvernement n'a pas encore indiqué quels sont ses plans pour la reprise économique ou pour l'après-pandémie. Or ce serait probablement inclus dans un budget.
Tout le monde comprend qu'il y a beaucoup d'incertitude. C'est une incertitude avec laquelle toutes les provinces doivent composer, évidemment, mais l'ensemble des provinces et des territoires, je crois, ont été capables de déposer un budget, malgré un niveau élevé d'incertitude.
Il est donc un peu étonnant que le gouvernement fédéral ne l'ait pas encore fait. Je ne crois pas que ce soit parce qu'il en est incapable, car les fonctionnaires du ministère des Finances sont des artisans de premier plan pour la rédaction d'un budget. Ils sont certainement capables de le faire.
:
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, monsieur Giroux, de votre témoignage ce matin et de votre service.
Je pense qu'il est important de rappeler à tous les Canadiens qui nous regardent aujourd'hui ce qu'est le projet de loi et ce que nous étudions ici, au Comité. Les seules dépenses que l'on demande au Parlement d'approuver par l'entremise du projet de loi C-14 visent à instaurer un soutien temporaire et immédiat pour les familles à faible et à moyen revenu qui ont droit à l'Allocation canadienne pour enfants, jusqu'à concurrence de 1 200 $ en 2021 pour chaque enfant de moins de six ans; à verser aux agences de développement régional une somme supplémentaire de 206,7 millions de dollars; à reproduire les limites de prêts du Compte d'urgence pour les entreprises canadiennes pour les programmes d'élimination des écarts, ainsi que la capacité à combler les écarts du Fonds d'aide et de relance régionale; à alléger le fardeau financier lié aux dettes d'études pour aider jusqu'à 1,4 million de Canadiens en éliminant les intérêts sur la partie fédérale des prêts canadiens aux étudiants et aux apprentis pendant une année, soit en 2021-2022; à fournir jusqu'à 505,7 millions de dollars dans le cadre du nouveau fonds pour la sécurité des soins de longue durée pour appuyer les établissements de soins de longue durée, y compris des fonds pour prévenir la propagation de la COVID-19, les éclosions du virus et les décès qui y sont liés; à accorder un financement supplémentaire, jusqu'à concurrence de 133 millions de dollars, pour faciliter l'accès à des services comme les soins virtuels, les outils de santé mentale et les programmes de lutte contre la toxicomanie; et à fournir jusqu'à 262,6 millions de dollars pour financer un ensemble d'initiatives liées à la COVID-19, notamment le dépistage, la recherche médicale, les contre-mesures, le financement et le développement de vaccins, les mesures relatives aux voyages et aux frontières, ainsi que des centres d'isolement. Je pense qu'il est important de consigner cela au compte rendu et de rappeler à tout le monde ce que le Parlement est appelé à approuver.
Cela dit, j'entends mes collègues de l'opposition insister sur le fait qu'il n'y a pas de budget.
Vous avez raison de dire que c'est une situation sans précédent. Cela ne s'est jamais produit auparavant dans l'histoire du Canada. Nous n'avons jamais eu à faire face à une telle pandémie, et je pense que cela mérite d'être gardé à l'esprit.
En tout cas, monsieur Giroux, j'aimerais connaître votre avis sur les mises à jour bimensuelles présentées au Comité par le ministère des Finances au début de l'année dernière.
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Je vous remercie, monsieur Ste-Marie.
Dans l'Énoncé économique de l'automne de 2020, il y avait une mention du Compte des opérations de l'assurance-emploi, mais il n'y avait pas de portrait très clair de son évolution dans le cadre de la situation économique actuelle et de l'élargissement et la prolongation des prestations. On s'attend évidemment à ce que le Compte des opérations de l'assurance-emploi enregistre des déficits massifs, ce qui est normal dans la situation économique actuelle.
Le gouvernement s'est aussi engagé à geler le taux de cotisation à l'assurance-emploi à 1,58 $ pour chaque tranche de 100 $ de gains assurables au moins jusqu'à la fin de 2022. Cependant, il n'y a aucune mention, ni dans la mise à jour ni de la part du gouvernement en général, de ce qui se passera après. En effet, on ne dit pas comment le déficit très important de 52 milliards de dollars du Compte des opérations de l'assurance-emploi sera résorbé à la fin de la période de cinq ans.
La législation actuelle fait en sorte que les augmentations annuelles du taux de cotisation sont limitées. Cependant, même si les cotisations étaient augmentées au maximum permis par la loi, le déficit du Compte des opérations de l'assurance-emploi se situerait probablement autour de 52 milliards de dollars. Il manque de clarté au sujet de ce qui va advenir de ce déficit très important. Nous espérons que le budget va fournir plus de détails à ce sujet, parce que c'est évidemment un déficit colossal pour le Compte des opérations de l'assurance-emploi.
Si on maintient le statu quo, c'est-à-dire si on applique la législation telle quelle, le taux de cotisation à l'assurance-emploi va augmenter de 0,30 $, passant à 1,80 $ pour chaque tranche de 100 $ de gains assurables, d'ici les trois ou quatre prochaines années.
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Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur Giroux.
Pour poursuivre dans la même veine, toujours au sujet des scénarios de rechange, du pouvoir d'emprunt et des efforts pour augmenter éventuellement les recettes du gouvernement fédéral, il importe de rappeler une des conclusions de vos études précédentes, à savoir que des montants faramineux sont transférés dans des paradis fiscaux à l'étranger, alors qu'ils devraient être payés en impôts. Permettez-moi de citer votre étude marquante de juin 2019, où vous estimez à plus de 25 milliards de dollars la valeur des recettes fiscales fédérales qui vont dans les paradis fiscaux à l'étranger.
Le 18 février, vous avez publié une note sur l'évaluation du coût d'une mesure législative pour renforcer la conformité aux règles fiscales. J'aimerais vous poser deux questions. Vous avez fait état de certaines difficultés liées aux investissements du gouvernement fédéral, car ils n'aboutissent pas toujours aux recettes que les Canadiens sont en droit d'exiger. Le 16 juin, nous avons également entendu le témoignage de M. Ted Gallivan, de l'Agence du revenu du Canada, qui a parlé de l'incapacité du gouvernement fédéral d'intenter des poursuites, en gros, contre ceux qui sont impliqués dans des paradis fiscaux à l'étranger. Il a déclaré, lors de sa comparution devant le Comité des finances, que nous ne pouvions pas en faire plus avec les moyens du bord.
Ma question comporte deux volets. Premièrement, quelles sont, d'après vous, les lacunes auxquelles fait face le gouvernement fédéral en ce qui concerne les initiatives destinées à renforcer la conformité aux règles fiscales?
Deuxièmement, avez-vous des recommandations à formuler au gouvernement fédéral pour lui permettre de freiner la fuite massive de recettes fiscales fédérales vers des paradis fiscaux à l'étranger, une pratique adoptée par de grandes entreprises prospères et très rentables?
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Merci, monsieur le président.
Je suis désolé pour ce pépin technique. J'ai une connexion Internet très rapide, je vous l'assure. J'utilise Bell Fibe.
Je remercie le Comité des finances de son invitation.
Je tiens d'abord à préciser que je n'appartiens à aucun parti politique, que je ne contribue à aucun d'entre eux et qu'aucune affiche partisane n'est permise sur ma pelouse. Ensuite, je ne suis consultant auprès d'aucune entreprise. Je suis rémunéré par l'Université de Carleton, voilà qui me paie.
Il y a environ 50 ans, le professeur Arthur Okun, conseiller du président John F. Kennedy et éminent professeur libéral d'économie, a rédigé une petite monographie devenue très influente. Je l'ai étudiée pendant mes études doctorales 30 ans plus tard. Elle s'intitule Equality and Efficiency: The Big Tradeoff.
Le Pr Okun avance que la quasi-totalité des décisions gouvernementales nécessitent un compromis entre deux valeurs fondamentales qui, selon lui, peuvent être vues, pour utiliser des synonymes, comme les droits et les marchés ou l'équité et l'efficacité. Bien que la majorité des gens comprennent aujourd'hui le concept d'équité, ce que certains appellent la « justice sociale », la compréhension de celui d'efficacité ou de marchés, elle, semble s'amoindrir au fil du temps. « Efficacité » était le maître-mot du Pr Okun, qui l'utilisait pour désigner les marchés, la croissance économique, la productivité, la qualité de vie, les emplois ou, comme le disait encore plus succinctement Adam Smith il y a 300 ans, « la richesse des nations ».
Pour reprendre les formules du Pr Okun, que je risque, en toute franchise, de contredire légèrement, l'équité exige l'efficacité, l'équité exige les marchés, l'équité exige la croissance, au même titre que l'efficacité exige l'équité si les marchés veulent prospérer. Pour le dire encore plus crûment, les droits ont besoin des marchés, sans quoi ils ne peuvent être obtenus, tandis que les marchés ont besoin des droits pour prospérer.
Certains ne sont peut-être pas d'accord. À vous de voir. Le fait est que, pendant 30 ans, j'ai voyagé et enseigné plus de 100 fois dans des pays en développement et constaté cette corrélation remarquable. Les pays où la population a le plus de droits sont les pays les plus riches et prospères, les pays aux revenus élevés qui sont membres de l'OCDE.
Malheureusement, il est de plus en plus en vogue chez les populistes d'affirmer que les droits et les marchés, ou l'équité et l'efficacité, s'opposent, que ces valeurs sont des antithèses. Je m'inscris en faux du slogan simpliste « Le peuple, pas les marchés » qu'on entend couramment.
Le Pr Okun comprenait que l'équité ou les droits ne sont pas gratuits. En effet, de son époque, dans les années 1960, à aujourd'hui, nous avons acquis une appréciation beaucoup plus profonde des coûts des politiques et programmes qui visent à favoriser l'inclusion, l'équité et la justice sociale. C'est pourquoi le Canada a atteint un point critique. Le coût de l'équité est devenu si grand, correspondant à des déficits encore plus grands, que nous devons discuter sérieusement, une fois de plus, de l'efficacité ou de la croissance si nous ne voulons pas, malgré nous, miner ou saboter les politiques qui permettent de maintenir l'offre de programmes soutenant l'équité ou la justice sociale.
Si certains trouvent cela un peu extrême, je souhaite vous rappeler la plus importante réduction d'effectifs dans l'histoire du Canada, en 1995. Je crois avoir écrit là-dessus l'article de référence, qui s'intitule How Ottawa Spends.
Je vais maintenant exposer ces problèmes au Canada, et mes critiques, de sorte à ancrer mes observations philosophiques dans une réalité beaucoup plus concrète.
Premièrement, aucun budget ni plan n'a été déposé au Parlement pour justifier la hausse du plafond de la dette, tant sur le plan analytique que stratégique. Je soulignerai simplement que, il y a de nombreuses années, dans les années 1970 et 1980, dans une incarnation professionnelle antérieure de prêteur commercial et hypothécaire, j'ai prêté des millions et des millions de dollars pendant 10 ans. Si un propriétaire d'entreprise venait me voir sans plan d'affaires pour discuter de ses besoins d'emprunt, je le renvoyais faire ses devoirs. Il revenait ensuite me voir pour discuter de son plan, qui était, demeure et sera toujours le fondement de l'autorisation de crédit.
Deuxièmement, il n'y a tout simplement rien qui justifie le report du dépôt d'un budget. Le gouvernement du Canada a d'excellentes infrastructures financières numériques pour la production de rapports financiers et comptables. En effet, si je puis me permettre, certains de mes meilleurs diplômés des 30 dernières années — j'enseigne depuis 32 ans — ont été embauchés par le gouvernement du Canada à titre d'analystes financiers et de comptables et sont devenus très habiles dans la modernisation de ce qui est aujourd'hui d'excellents systèmes financiers et comptables. À titre de résidant d'Ottawa depuis plus de 60 ans, qui compte en outre des amis et des proches au sein de la fonction publique du Canada qui sont familiers avec les systèmes de rapports financiers, il est tout simplement inexact d'avancer que les données empiriques sur les dépenses quotidiennes, hebdomadaires et mensuelles du gouvernement du Canada ne sont pas accessibles pour la réalisation d'un budget.
Troisièmement, il est urgent d'établir une cible budgétaire selon le FMI, l'OCDE, David Dodge, Don Drummond et compagnie. Il y en a beaucoup d'autres. Contrairement à ceux qui s'y opposent, une cible budgétaire n'est pas un cadre rigide qui empêche le gouvernement de prendre des décisions. Il s'agit d'un outil d'évaluation et de reddition de comptes pour tous les intervenants. Je comprends que personne ne souhaite recevoir un mauvais bulletin. Je vous confirme que je déteste les évaluations des étudiants s'ils disent de mauvaises choses à mon endroit. Je les adore quand ils disent de belles choses. Mais le génie de la démocratie libérale réside dans une myriade de mécanismes de contrôle qui vont bien au-delà des simples élections. Une cible budgétaire est un mécanisme de contrôle essentiel de la politique fiscale.
Quatrièmement, en ce qui a trait à la relance post-pandémie, j'exhorte le Comité à débattre et à discuter des fonds de relance qui ont déjà été versés ces 12 derniers mois par l'intermédiaire des programmes de soutien au revenu, programmes que j'appuie sans réserve, comme tous les Canadiens, et qui ont propulsé le taux d'épargne d'environ 2 % à un peu moins de 30 % afin d'établir s'ils constituent bel et bien des fonds de relance. Je fais référence aux 200 milliards de dollars. On peut avancer que le gouvernement du Canada, peut-être sans s'en rendre compte ou peut-être sciemment, a entrepris une relance post-pandémie grâce à une pléthore de programmes de soutien au revenu.
Je le répète, il y a environ 200 milliards de dollars dans les comptes bancaires canadiens, d'après la Banque TD et son analyse économique parue cette semaine, somme qui attend la fin de la vaccination de masse et le retour de la confiance des consommateurs et des entreprises pour être dépensée. J'avance donc que nous n'avons pas besoin de stimuler davantage l'économie. Cela dit, bien que, selon moi, une plus grande stimulation de l'économie ne soit pas nécessaire, j'admets que bon nombre de personnes pensent le contraire.
Si nous allons de l'avant avec des mesures de relance, j'exhorte le Comité de recommander à la de s'écarter de la consommation et du revenu au profit de l'investissement. Si des mesures de relance sont adoptées, elles devraient porter sur l'infrastructure plutôt que sur le soutien général à la consommation et au revenu. Je parle ici d'infrastructure concrète et non de dépenses de consommation déguisées, comme les garderies ou les arénas de hockey, mais des investissements qui augmentent la productivité de l'économie, soit dans les ports, les routes, les voies ferrées, les aéroports, les pipelines et l'infrastructure numérique.
La sous-performance de l'économie n'est pas due à un manque de ressources. Un grand nombre de Canadiens, et je suis l'un d'eux... Je suis assis dans cette maison depuis mars dernier et 99,999 % de ma vie se déroule depuis entre ces murs, car j'attends d'être vacciné, tout comme des millions...
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Merci beaucoup pour votre invitation. C'est un privilège de comparaître devant le Comité aujourd'hui. Mon seul regret est que, au moment où je vous parle, le chef du Parti néo-démocrate du Canada, , s'adresse aux membres de l'Institut C.D. Howe dans le cadre d'un webinaire. J'espérais accueillir M. Singh à cette activité, mais quand j'ai reçu votre invitation, j'ai cru préférable de comparaître devant les parlementaires, donc me voici. J'espère que ma contribution vous aidera dans vos travaux importants.
Je serai heureux de répondre à vos questions. Ma déclaration préliminaire porte sur les dispositions du projet de loi liées aux emprunts.
Le recours actuel à l'emprunt plutôt qu'à l'impôt par le gouvernement fédéral pour financer ses programmes est sans précédent, ce qui veut dire que le coût apparent des programmes fédéraux pour les contribuables n'a jamais été aussi faible. Cette situation ne durera pas. J'exhorte les membres de ce comité d'évaluer toutes les propositions fiscales, y compris celles dans le projet de loi , à la lumière de l'augmentation marquée du fardeau fiscal des programmes fédéraux qui est inévitable au cours des quatre à cinq prochaines années.
Comme vous le savez et en avez déjà discuté, le projet de loi modifierait la Loi autorisant certains emprunts afin de rehausser le plafond de la dette, qui passerait de 1,17 à 1,83 billion de dollars. Ces chiffres sont ahurissants, tout comme le fait que ce changement devrait permettre de couvrir les emprunts seulement jusqu'au 31 mars 2024, donc pendant trois ans environ.
Ceux parmi nous qui se souviennent des problèmes fiscaux du gouvernement fédéral dans les années 1980 et 1990 sont peu rassurés par les affirmations voulant que des emprunts de cette ampleur ne posent pas problème. Certains parmi vous se souviendront qu'une série de gouvernements, conservateurs et libéraux, ont dû faire des compromis déchirants par rapport aux programmes et aux impôts pendant une période où le paiement des intérêts signifiait que le gouvernement fédéral demandait aux Canadiens de payer plus d'un dollar d'impôt pour chaque dollar investi dans un programme. Ce n'est pas ce que nous voulons. Nous prenons de meilleures décisions quand nous payons un dollar d'impôt pour chaque dollar investi dans un programme.
Et, puisque je parle de la qualité des décisions, je me permets d'ajouter que je n'ai pas eu l'occasion de commenter à cette tribune l'absence d'un budget pour l'exercice financier de 2020-2021, ce qui a été souligné plus tôt. Il s'agit d'un manquement à la reddition de comptes qui est également sans précédent. Le Parlement comme les Canadiens ont besoin de conversations adéquates sur les choix fiscaux. Ces choix fiscaux doivent être cohérents au fil du temps, quand le processus normal et sain d'évaluation de chaque programme et de chaque impôt, dollar pour dollar, reprendra.
J'utilise ce concept du fardeau fiscal par dollar investi dans un programme parce que les centaines de milliards ou de billions de dollars relatifs aux programmes et à la dette dont nous parlons actuellement sont un peu difficiles à saisir. J'estime utile de ramener le tout à la question suivante: quel montant d'impôt chaque Canadien verse-t-il au gouvernement fédéral pour chaque dollar investi dans un programme dont il bénéficie?
Pour donner un exemple simple, si le budget est équilibré, le chiffre est de 1 dollar. Il sera d'un peu plus de 1 dollar s'il y a quelques cents pour couvrir les intérêts. Si le gouvernement vise le ratio dette-PIB, et je sais que nombre d'entre vous en avez discuté et que bien des économistes le prônent, alors le chiffre sera de 1 dollar plus intérêts, moins le maximum d'emprunts et de déficit que la croissance du PIB le permet. Si les taux d'intérêt sont plus élevés que les taux de croissance, comme c'était le cas à la fin des années 1990, le chiffre sera plus grand que 1. Si les taux d'intérêt sont plus faibles que les taux de croissance, il sera plus petit que 1, mais il tendra au fil du temps vers 1, inévitablement.
Pour l'exercice qui sera bientôt terminé, les chiffres fournis dans l'énoncé économique de l'automne indiquent que le fardeau fiscal pour chaque dollar investi dans un programme était de 46 ¢. Le gouvernement fédéral a emprunté plus de la moitié de chaque dollar investi dans un programme. Je répète: c'est sans précédent. Même à la fin des années 1970, quand on a créé les conditions menant aux problèmes fiscaux des années 1980 et 1990, ce chiffre n'est jamais descendu sous les 80 ¢. Cela ne durera pas.
Même les prévisions dans l'énoncé économique de l'automne, qui comporte des taux d'intérêt très bas et demeure très dépendant de l'emprunt pour financer les programmes, annoncent que le fardeau fiscal pour chaque dollar investi dans un programme doublera pour atteindre 92 ¢ en 2025-2026. Si vous faites des prévisions plus poussées, les chiffres continuent d'augmenter. En tenant compte de taux d'intérêt plus élevés qui commencent déjà à apparaître, nous allons dépasser 1 dollar.
Le coût apparent des programmes fédéraux offerts aux Canadiens est actuellement très bas, voilà le message de ma déclaration préliminaire. Il correspond à moins de 50 ¢ par dollar. Il va augmenter. Si on arrondit, il va augmenter pour atteindre 1 dollar. Nos choix doivent s'accorder au fait que le coût des programmes n'est pas réduit de moitié. L'accès facile au crédit nuit à la prise de bonnes décisions. Ce n'est pas pour rien que nous empêchons les gens d'utiliser leur carte de crédit pour acheter des billets de loterie.
Le gouvernement fédéral a dépassé ses possibilités financières dans les années 1970. Il a élargi la portée de nombreux programmes, y compris le soutien au revenu, puis le transfert aux provinces a été réduit quand le fardeau fiscal de 1 dollar investi dans un programme a augmenté dans les années 1980 et 1990. Si nous créons d'imposants programmes permanents en partant du principe que les Canadiens peuvent les obtenir pour 50 ¢ par dollar, leur fondement ne peut être qu'éphémère.
Les seuls programmes que le gouvernement fédéral devrait promettre sont ceux que nous avons les moyens de payer, c'est-à-dire ceux pour lesquels le gouvernement est prêt à imposer les Canadiens, qui sont quant à eux prêts à payer au plein prix.
Merci de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous. J'espère que ma déclaration sera utile. J'ai hâte d'entendre vos questions et remarques.
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On pourrait parler longtemps des conséquences intergénérationnelles de ce qui se passe. La pandémie a frappé les jeunes très durement. Elle a interrompu leur scolarité. Ceux qui ont obtenu leur diplôme et tentent d'intégrer le marché du travail éprouvent actuellement des difficultés. Il y a beaucoup d'autres aspects inquiétants qui s'ajoutent à la question suivante: quand allons-nous pouvoir rembourser les coûts de cette pandémie?
Je sais que certains préconisent l'étalement sur une très longue période. Personnellement, j'essaierais de faire assumer une partie de ces coûts à court terme aux personnes qui en ont directement profité, y compris sous forme de transferts, entre autres parce que d'autres événements sont à prévoir. Nous semblons maintenant penser que ce type de circonstances exceptionnelles seront légèrement plus fréquentes que par le passé.
On entend très couramment parler de la très bonne situation financière que le Canada avait avant cette crise, qui était évidemment le fruit de la prudence des politiques fiscales antérieures. Il serait donc logique que les gouvernements adoptent aujourd'hui le même raisonnement quand ils s'interrogent sur leur legs, car d'autres problèmes surviendront et il serait souhaitable que les gouvernements futurs puissent aussi déclarer: « Nous avions une bonne santé financière quand cela s'est produit. »
En ce qui a trait à mon argument sur le montant à payer par dollar investi dans un programme, je crois que, pour répondre à votre question, je pourrais souligner que les chiffres dont je parle vont varier en fonction des taux d'intérêt et des taux de croissance. Vous pouvez enregistrer un déficit conforme à un ratio dette-PIB stable si vous êtes persuadé que c'est un bon étalon. Je n'aime pas particulièrement cette option, mais elle est logique. Elle est viable.
Peu importe la variante que vous choisissez, le moment viendra où le fardeau fiscal du dollar investi dans un programme tendra à nouveau vers 1 dollar. Comme je l'ai dit, si vous analysez les chiffres dans l'énoncé économique de l'automne, vous le constaterez, même si nous misons sur la faiblesse des taux d'intérêt et d'importants emprunts; si vous jetez un coup d'œil aux prévisions du directeur parlementaire du budget, vous verrez là encore la même chose. C'est inévitable, donc je plaide...
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Certes, mais en le nommant, vous nous proposez une personne fort pertinente dont les réflexions sont fort judicieuses, surtout en ce qui a trait à certaines des questions abordées par le Comité aujourd'hui.
Je sais que les dépenses du gouvernement vous posent problème, et vous pouvez le souligner, mais dans le contexte de la pandémie de COVID-19, je me demande ce que le gouvernement aurait pu faire d'autre.
Par exemple, avez-vous eu l'occasion de lire le dernier rapport du Fonds monétaire international, ou FMI, axé sur le Canada? Il a été publié ce mois-ci, donc il est tout récent. Si vous n'avez pas eu l'occasion d'y jeter un coup d'œil, c'est tout à fait compréhensible.
Il précise que si les programmes d'urgence comme la subvention salariale et le Compte d'urgence pour les entreprises canadiennes — qui est bien sûr un prêt aux petites entreprises qui peut maintenant atteindre 60 000 $ —, la subvention pour le loyer et bien d'autres mis de l'avant, qui sont certes coûteux, mais qui ont contribué à maintenir le pays... Je ne verse pas dans la propagande politique; c'est aussi ce qu'affirme le FMI. Dans ce rapport, on peut lire que le taux de chômage du Canada, qui était déjà de 13 % en avril dernier, aurait augmenté de 3,2 %. La situation aurait pu être encore pire. Toujours selon le FMI, nous aurions pu, du point de vue des retombées économiques, subir une baisse supplémentaire du PIB de 8 %.
Que pensez-vous de ces données? Sans l'introduction de programmes d'urgence, la situation aurait été extrêmement dure au pays. Nous venons d'entendre le directeur parlementaire du budget, par exemple, qui a indiqué clairement au Comité que s'il n'y avait pas eu de programme d'urgence, le Canada aurait connu une dépression. Ce n'est pas le mot qu'il a employé, mais il aurait très bien pu le faire.
Que pensez-vous de tout cela?
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Je le pense aussi. Merci.
Comme vous pouvez le deviner, l'étude de la question des infrastructures remonte littéralement à Adam Smith.
En réponse à votre question, permettez-moi de souligner ceci. J'ai témoigné devant ce comité en 2008-2009, et j'ai consulté les données sur les dépenses en infrastructure. Je pense que les données que je vous rapporte aujourd'hui sont toujours d'actualité — je peux me tromper, alors n'hésitez pas à contrevérifier. D'après toutes les études qui ont été faites, les infrastructures en 2010, 2011 et 2012 avaient un multiplicateur plus élevé que toute autre forme d'intervention gouvernementale. Cela a été confirmé par des études américaines et des études canadiennes. Le chiffre était de 1,6 à l'époque. Je m'en souviens, et en fait, le ministre Flaherty l'avait mentionné dans l'annexe de l'un de ses budgets, celui de 2011-2012.
En d'autres termes, chaque milliard de dollars que vous dépensez pour les infrastructures génère 1,6 milliard de dollars d'activité économique. En revanche, si vous donnez des chèques aux gens, l'argent sera utilisé pour rembourser des dettes ou se retrouvera dans un compte bancaire. Autrement dit, cet argent ne sera peut-être pas dépensé, alors qu'avec les infrastructures, vous savez qu'il sera dépensé parce que l'entrepreneur embauché pour construire le pont, la route ou le pipeline ne sera pas payé tant qu'il n'aura pas construit le pont, la route ou le pipeline. Vous avez donc l'assurance que cet argent sera investi dans l'économie.
Deuxièmement, pour répondre à votre question, la question de l'infrastructure a été étudiée, et la raison pour laquelle elle est si importante pour la productivité et la croissance économiques, c'est que tout ce qui diminue... ou augmente l'efficacité du mouvement des biens ou des services à travers le pays, que ce soit numériquement ou physiquement, améliore la croissance et la productivité de l'économie.
Je pense que c'est la raison pour laquelle le multiplicateur est plus élevé et que c'est ce qui explique l'effet positif net sur l'économie, qu'il s'agisse des chemins de fer, des aéroports, des compagnies aériennes ou de l'infrastructure numérique à large bande.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Ste-Marie, je vous remercie grandement. C'est extrêmement gentil de votre part. Effectivement, je vais bientôt devoir quitter la réunion.
Monsieur le président, j'aimerais aussi vous aviser que je vais laisser la dernière minute de mon temps de parole à Mme May.
[Traduction]
Merci à nos témoins de leur présence. Nous espérons de tout cœur que vous et vos familles restez en sécurité et en bonne santé pendant cette pandémie.
Merci, monsieur Robson, pour le clin d'œil à , qui prend la parole aujourd'hui à l'Institut C.D. Howe. Je ne pourrai pas y assister moi non plus, alors, malheureusement, nous allons tous les deux manquer celui qui, je l'espère, sera notre prochain premier ministre à prendre la parole là-bas.
Je voulais revenir sur la question que vous avez soulevée, monsieur Robson, concernant l'absence de budget. Nous venons d'entendre le directeur parlementaire du budget parler du fait qu'il n'y a tout simplement aucune autre économie industrialisée qui a attendu plus de deux ans pour présenter un budget national, alors j'aimerais revenir là-dessus.
Dans quelle mesure devrions-nous déplorer le fait que nous sommes le seul pays industrialisé à ne pas avoir présenté de budget depuis plus de deux ans?
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Je pense effectivement que c'est profondément regrettable.
Nous avons déjà parlé de cette comparaison à l'international. Permettez-moi de souligner qu'ici, au Canada, les provinces, les territoires et les municipalités ont tous présenté des budgets. Tous ont pourtant été confrontés à d'importantes incertitudes quant à ce qui allait se passer. Dans certains cas, ces incertitudes ont pu être exacerbées par le fait que le gouvernement fédéral n'a pas présenté de budget. Les activités du gouvernement fédéral ont une grande importance pour les provinces, les territoires et les municipalités.
Une chose qu'il me semble important de noter, c'est que les budgets sont habituellement extrêmement complets quant aux chiffres qu'ils présentent et au portrait financier qu'ils brossent. Je ne pense pas que l'énoncé économique de l'automne ait été un substitut adéquat à un budget.
À propos de l'énoncé économique de l'automne, j'aimerais souligner une chose qui m'a vraiment troublé, à savoir que nous avions prévu entre 70 et 100 milliards de dollars de dépenses de relance supplémentaires, avec différents types de profils potentiels sur trois ans, et pourtant, même si cela laissait entendre des emprunts supplémentaires, il n'y avait pas d'ajustement pour les coûts d'intérêt qui seraient liés à ces derniers. J'ai eu l'impression que ces dépenses avaient été incluses sans la planification fiscale à laquelle on se serait attendu pour quelque chose de cette ampleur.
J'attends un budget avec impatience. Je pense qu'il est très regrettable que nous en ayons sauté un et qu'il est grand temps que nous en ayons un qui soit suffisamment complet pour aider les Canadiens et les parlementaires à comprendre le plan financier du gouvernement.
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J'ai écrit un article dans le
Globe and Mail à ce sujet cette semaine, alors je peux probablement répondre à cela
La réponse à votre question dépend beaucoup de l'horizon temporel envisagé. Je pense que les banques centrales ont eu du mal à atteindre leurs cibles d'inflation au cours de la dernière décennie. J'appellerai cela des erreurs tactiques: une mauvaise lecture de la vigueur de l'économie et peut-être un empressement exagéré à augmenter leurs taux d'intérêt à court terme en raison de la fausse impression qu'elles ont pu avoir que l'économie était en meilleure posture qu'elle ne l'était vraiment. Nous avons constaté, partout dans le monde, cette incapacité à atteindre les cibles d'inflation.
Lorsque je regarde à plus long terme, et en particulier lorsque je regarde ce qui se passe aux États-Unis, mon sentiment est un peu différent. Les banques centrales achètent énormément de ces dettes gouvernementales qui sont émises. Ici au Canada, comme vous le savez, la Banque du Canada s'est engagée à continuer d'en acheter à hauteur d'au moins 4 milliards de dollars par semaine. De la même manière, la Réserve fédérale américaine absorbe une énorme partie des dettes contractées par le gouvernement américain.
Que se passe-t-il lorsque la banque centrale arrive à un point où elle voit l'inflation revenir à l'objectif, c'est-à-dire là où elle souhaite la voir, et qu'elle cesse d'absorber cette dette? Nous sommes déjà passés par là. Lorsque le gouvernement fédéral a eu ses problèmes financiers dans les années 1990, je me souviens que beaucoup de gens disaient que la Banque du Canada devait acheter une plus grande partie de la dette et faire baisser les taux d'intérêt afin d'alléger la situation financière du pays.
En fin de compte, nous n'avons pas suivi cette voie, et si nous ne l'avons pas fait, c'est parce que le souvenir de l'inflation — alors que la banque centrale monétisait trop de dettes — était si frais dans nos mémoires. Les gens qui ont vécu l'inflation détestent l'inflation. En regardant les choses à plus long terme, j'ai bien peur que nous nous retrouvions dans cette situation. Je serais très rassuré si le gouvernement fédéral, surtout aux États-Unis et pas seulement au Canada, annonçait qu'il est disposé à faire correspondre plus étroitement ses recettes et ses dépenses, et à cesser de compter sur la banque centrale pour acheter une si grande partie de sa dette.
Je suis tout à fait d'accord avec M. Robson.
Je veux juste mentionner quelques noms. M. Charles Goodhart, 81 ans, professeur retraité de politique monétaire à la London School of Economics, a écrit plusieurs livres. Trente ans auparavant, il était à la Banque d'Angleterre. Dans son dernier livre, il avance le même argument que M. Robson. Dans leurs meilleures années, les baby-boomers ont accumulé des épargnes colossales. Nous arrivons toutefois maintenant à l'âge d'or et nous allons commencer, comme le montrent les faits, à « désépargner ». C'est un terme peu élégant pour dire que vous allez commencer à dépenser vos économies parce que les maisons de soins de longue durée coûtent cher, parce que vous allez faire des voyages et des croisières, etc.
Le deuxième point qu'il a soulevé, c'est que l'émergence de la Chine et l'effondrement de l'Union soviétique au début des années 1990 ont ajouté des centaines de millions de consommateurs et de travailleurs à l'échelle planétaire, ce qui a fait baisser les salaires et a contribué à des taux d'intérêt très bas. Or, cette situation est sur le point de se renverser.
M. Goodhart a déclaré — j'ai vu une interview de lui récemment, cette année — que les taux pourraient grimper à 5 % au cours des cinq prochaines années. Ce n'est pas énorme par rapport à l'époque où j'étais à la banque et qu'ils étaient à 20 %, mais nous sommes habitués à un quart de point. Pour beaucoup d'entre nous, le fait de passer à 5 % va être tout simplement catastrophique.
Je suis d'accord avec M. Ronson et, pour les raisons que je viens de donner, je pense que les taux vont augmenter.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Ma question s'adressera à M. Robson, mais je veux d'abord m'assurer de mentionner autre chose à propos du budget afin que cela soit porté au compte-rendu. Je ne veux pas que les Canadiens qui nous écoutent pensent que notre gouvernement a délibérément tenté de ne pas être transparent ou responsable. L'année dernière, nous avons annoncé une date pour la présentation du budget. C'était le lundi 30 mars. Nous ne l'avons pas respectée parce qu'il y a eu une pandémie massive et qu'il a fallu mettre cet exercice de côté.
Je tiens également à rappeler à tout le monde qu'une fois que nous avons commencé avec le Comité des finances, nous avions des rapports toutes les deux semaines par souci de transparence et pour montrer que nous étions responsables quant à nos dépenses. Cela s'est déroulé jusqu'à la fin du mois d'août, c'est-à-dire jusqu'au moment où nous avons prorogé la session. Lorsque nous avons repris la session, nous avons rendu des comptes par l'intermédiaire du Parlement. Il y a aussi l'intention de présenter un budget. Je ne veux pas que les gens pensent que cela ne viendra pas — nous y sommes — ou que nous n'avons pas été responsables et transparents.
Monsieur Robson, à votre avis, comment le gouvernement fédéral aurait-il dû dépenser? Comment aurait-il dû financer les programmes d'urgence et de redémarrage économique? De nombreux économistes nous ont répété à maintes reprises que si nous n'avions pas dépensé ce que nous avons dépensé, notre économie aurait été bien plus mal en point qu'elle ne l'est maintenant. Nous avons également de très bonnes données qui montrent que nous nous en tirons plutôt bien, compte tenu de la situation. Lorsque nous examinons nos taux de participation au marché du travail, nous nous en sortons mieux que l'Allemagne, les États-Unis et le Japon. La croissance du PIB du Canada au quatrième trimestre est supérieure à celle du Royaume-Uni, des États-Unis, de l'Allemagne, de la France et de l'Italie.
Étant donné que nos niveaux d'endettement vous préoccupent, qu'auriez-vous fait de différent?