Je vous souhaite la bienvenue à la 39e séance du Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Nous nous réunissons pour étudier tous les aspects des dépenses, des programmes et de la politique monétaire liés à la COVID-19.
La séance d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 25 janvier. Autrement dit, les députés participent en personne, dans la salle, ou à distance, au moyen de l'application Zoom. Les délibérations seront publiées sur le site Web de la Chambre des communes. Je vous rappelle que la webdiffusion montre toujours la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité à l'écran.
Cela dit, nous allons maintenant passer à l'audition de nos deux témoins, messieurs Kershaw et Tremblay. Comme vous étiez ici récemment, je ne sais pas si vous avez encore besoin de cinq minutes pour nous faire part de vos commentaires préliminaires. Si ce n'est pas nécessaire, nous pouvons passer directement aux questions.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je suis ravi de poursuivre avec vous la discussion que nous avons déjà entamée sur le Programme des laboratoires de solution, qui est un élément clé de la Stratégie nationale du logement doté d'un Budget dépassant les 70 milliards de dollars sur 10 ans.
Je tiens ici à préciser que je me joins à vous d'Ottawa sur le territoire traditionnel non cédé des peuples algonquins Anishabeg.
[Français]
J'ai expliqué le fonctionnement des laboratoires de solutions lors de ma comparution précédente, je n'irai donc pas sur ce terrain déjà couvert, mais je tiens à réitérer notre engagement et notre confiance à l'endroit de cette approche novatrice pour résoudre des problèmes complexes de logement.
Comme je l'ai dit la dernière fois, la Société canadienne d'hypothèques et de logement, ou SCHL, avait financé 47 laboratoires de solutions au 31 décembre 2020. J'ai fourni de brefs détails sur deux d'entre eux. Les exemples que j'ai donnés montrent à quel point divers intervenants se concentrent sur des groupes vulnérables, qui tombent souvent entre les mailles du filet du système canadien de logement. Ces groupes ont besoin de solutions spéciales et ciblées pour répondre à leurs besoins uniques. C'est ce qui constitue le cœur des laboratoires de solutions.
[Traduction]
Je pourrais vous bombarder d'exemples, mais je préfère profiter de cette occasion pour porter à votre attention une chose que nous ne faisons pas, soit de financer la recherche sur une taxe sur la valeur nette des propriétés. C'est un sujet qui a absorbé une bonne partie de la discussion lors de notre dernière réunion. Malheureusement, des rapports erronés parus dans les médias qui faisaient une mauvaise interprétation des paramètres de la recherche d'un laboratoire en particulier, ont conduit à ce malentendu. J'aimerais aujourd'hui calmer les préoccupations que ces rapports ont pu soulever.
Comme c'est le cas pour la plupart des initiatives de la Stratégie nationale du logement, l'objectif ultime du programme des laboratoires de solution est d'accroître l'offre de logements. Cette offre et l'accès au logement sont deux variables qui interagissent directement l'une sur l'autre. Que nous parlions de l'accession à la propriété ou de la location d'un logement, les coûts augmentent quand l'offre est insuffisante pour répondre à la demande. Les effets se répercutent dans l'ensemble de la chaîne du logement. L'augmentation de l'offre de tous les types de logements est donc la principale solution à la crise du logement à laquelle sont confrontés de nombreuses communautés et de nombreux ménages aujourd'hui.
Tout le monde sait que les prix des logements ont atteint des niveaux records dans nombre des villes les plus importants du pays. Les guerres d'enchères sont devenues courantes et de nombreux acheteurs ont payé des dizaines de milliers de dollars en sus du prix demandé pour faire l'acquisition d'un logement. Cela revient à dire que les Canadiens s'endettent de plus en plus. La combinaison des prix élevés des logements, des faibles taux d'intérêt, des niveaux élevés d'endettement des ménages et l'incertitude économique causée par la pandémie de la COVID se combinent en une menace bien réelle pour le bien-être financier des jeunes familles canadiennes et pour la stabilité de l'ensemble de l'économie de notre pays. C'est ce qui a amené le Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF, à imposer des critères plus rigoureux pour le test de tension dans le cas des hypothèques non assurées. La SCHL appuie sans réserve cette proposition.
Notre raison d'être est précisément de rendre les logements plus abordables. Comme je vous l'ai indiqué la dernière fois, nous avons fait nôtre un souhait audacieux, soit que, d'ici 2030, tous les résidents du Canada aient une maison dont ils puissent assumer les coûts et qui réponde à leurs besoins. Il est manifeste que certaines idées qui se sont dégagées des laboratoires de solutions nous aideront à atteindre cet objectif.
[Français]
Je tiens à remercier le Comité de m'avoir invité de nouveau à comparaître devant lui.
Je serai heureux de répondre aux questions des membres du Comité.
Permettez-moi de vous rappeler que j'enseigne à la School of Population Health de l'Université de la Colombie-Britannique et que je suis le fondateur de Generation Squeeze.
Generation Squeeze oeuvre à l'équité intergénérationnelle pour améliorer le bien-être des Canadiens. Elle tire sa force des voix des Canadiens dans la vingtaine, la trentaine et la quarantaine, des enfants que nous représentons et des membres de nos familles qui nous aiment, en s'appuyant sur des recherches de pointe.
Lorsque vous m'avez demandé, il y a quelques semaines, de participer à vos débats, je me suis préparé à mettre l'accent sur la nécessité pour les décideurs politiques de réduire les tensions intergénérationnelles dans notre système de logements.
Nos politiques actuelles en la matière poussent tous les jours de nombreux ménages à attendre des choses incompatibles de leur logement. D'une part, ils veulent que ce logement soit pour eux un domicile accessible à des conditions abordables. Cependant, ils veulent en même temps que ce logement leur assure un rendement du capital investi. Le problème est que ce sont là deux choses incompatibles, parce qu'un élément qui offre un bon rendement sur le capital investi a, par définition, une valeur qui augmente plus rapidement que les revenus locaux. Lorsque la valeur de quelque chose augmente plus rapidement que les revenus locaux, cette chose devient moins abordable.
Au cours des dernières décennies, une cohorte de Canadiens, en général plus âgés et résidant plutôt dans les zones urbaines, a retiré des gains substantiels de la hausse des prix des maisons. Et pendant ce temps, ils dormaient, regardaient la télévision, faisaient la cuisine, élevaient leurs enfants et bâtissaient leur patrimoine. Je partage là avec vous ma propre histoire sur la façon dont je me suis enrichi de façon inattendue.
L'un des effets malheureux de cette richesse immobilière imprévue, pour des gens comme moi et pour d'autres, est que ceux qui nous suivent à la trace, nos enfants et nos petits-enfants, ont beaucoup plus de mal à trouver un logement à un prix abordable, même dans les endroits où ils ont grandi.
La dernière fois que j'ai comparu devant vous, je vous ai fait remarquer que notre stratégie nationale du logement, jusqu'à maintenant, ne parvient pas à s'attaquer à ces tensions intergénérationnelles parce qu'elle ne fait pas état, ne serait-ce qu'une seule fois, du terme « richesse ». Cette mission traduit l'hésitation de la part de notre monde politique à s'attaquer à ces tensions intergénérationnelles. En restant silencieux, nos politiciens prennent le parti du grand nombre de Canadiens qui profitent à l'excès de cette richesse imprévue qui dégrade la capacité de notre système de logements à fournir de façon durable des logements abordables aux générations à venir.
Le problème est assez proche de celui auquel nous faisons face avec les changements climatiques. Si nous avons pu enregistrer au cours des dernières années quelques progrès marquants dans le comportement du gouvernement fédéral, la politique canadienne continue à être lente à s'attaquer à la réalité des Canadiens qui consomment aujourd'hui à l'excès les rares capacités de l'atmosphère à absorber le carbone. Le prix que nous imposons à la pollution est encore insuffisant étant donnés les dommages qu'elle cause. Alors, que faisons-nous? Nous laissons aux Canadiens plus jeunes et aux générations à venir la facture de notre consommation actuelle de cette ressource rare, et cette consommation excessive mine le caractère durable du climat même dont la santé et le bien-être économique des Canadiens les plus jeunes dépendent, et nous savons fort bien que nous les laissons ainsi faire face à une très lourde facture.
Il ne s'agit pas là uniquement d'une dette environnementale, car il y a aussi la dette gouvernementale qui, nous le savons tous, va amener le surendettement à la suite des mesures prises dans l'urgence pour faire face à la COVID. Si cette réaction face à l'urgence a été justifiée, il ne faut pas oublier que les finances gouvernementales n'étaient déjà pas dans un état excellent et durable avant la pandémie, ce qui était imputable dans une large mesure au fait que le gouvernement fédéral ne se soit pas efforcé de présenter des budgets équilibrés, même alors que nous n'étions pas en récession.
Pendant le reste de mes remarques préliminaires, je tiens à attirer votre attention sur l'une de mes préoccupations, soit que le monde de la politique a cessé d'aider les Canadiens à prendre conscience d'un autre type de tension intergénérationnelle qui implique notre système de sécurité la vieillesse, qu'il est très important de protéger. Ce système se trouve en revanche au coeur des tensions intergénérationnelles imputables à nos budgets. Les messages accompagnant notre Budget, chaque année quand il est publié à Ottawa, risquent de cacher ces détails dans les parties en petits caractères. Ce n'est pas là une question de partisanerie, mais un problème à long terme.
Le Budget le plus récent est vraiment instructif en la matière. Toutes les personnes présentes dans cette pièce pourraient être excusées d'avoir pensé que les frais de garderie constituaient la plus forte hausse des dépenses sociales dans le Budget fédéral de 2021. Il faut que vous sachiez que Generation Squeeze est fière des mesures présentées dans ce Budget. Nous avons travaillé d'arrache-pied pour que le concept de garderie à 10 $ par jour pour un enfant devienne populaire. Nous avons pour la première fois formulé cette recommandation pour la garde des enfants canadiens il y a plus d'une décennie maintenant. Nous avons aussi contribué à l'énorme mobilisation de la Coalition of Child Care Advocates et des éducateurs de la petite enfance en Colombie-Britannique. Le mouvement des 10 $ par jour et par enfant était né et il a manifestement exercé une forte influence sur ce la façon d'envisager, au niveau national, la garde des enfants.
Je tiens à féliciter le gouvernement fédéral qui a maintenant décidé d'investir de façon importante dans la garde des enfants, mais il faut aussi savoir que ces services de garde des enfants sont loin de représenter le plus important investissement en dépenses sociales dans le Budget de 2021. La part du lion va à la Sécurité de la vieillesse et j'invite toutes les personnes présentes dans cette pièce à regarder très attentivement le tableau A 1.6 du Budget qui montre clairement que le gouvernement du Canada prévoit d'accroître les dépenses au titre de la Sécurité de la vieillesse de 22 milliards de dollars en 2025 par rapport à l'an dernier.
Cette hausse de 22 milliards de dollars est à peu près trois fois plus importante que les 8 milliards de dollars qu'Ottawa prévoit d'ajouter au chapitre des frais de garderie en 2025. C'est plus que les presque 18 milliards de dollars que le gouvernement fédéral prévoit, d'après le Budget de 2021, de dépenser sur plusieurs années pour la relance verte de notre économie afin de créer des emplois, de nous doter d'une économie propre et de nous protéger contre les changements climatiques. C'est également environ 10 fois plus que les 2,5 milliards de dollars que le Budget de 2021 entend consacrer au logement abordable au cours des années à venir. Lorsque les Canadiens et nos politiciens cherchent pourquoi notre gouvernement national prévoit encore un déficit de 31 milliards de dollars en 2025, bien après que la récession imputable à la pandémie aura pris fin, il va bien falloir constater que les dépenses au titre de la Sécurité de la vieillesse contribuent de façon importante à ce déficit.
Pour être clair, il faut convenir que, en elle-même, les dépenses au titre de la Sécurité de la vieillesse ne posent pas de problème. Cette Sécurité de la vieillesse est importante parce qu'elle aide les personnes âgées à toucher des retraites garanties et à prendre soin de leur santé. Pratiquement tous les jeunes Canadiens ont un parent ou un grands-parents qui bénéficie de la Sécurité de la vieillesse. C'est le cas de mes parents et de mes beaux-parents. Toutefois, ce qui pose problème est que les gouvernements cachent aux Canadiens qu'il faudra bien trouver de nouveaux revenus pour couvrir les coûts croissants de la Sécurité et la vieillesse.
Cela signifie que les retraités d'aujourd'hui peuvent à juste titre prétendre avoir contribué avec leurs impôts au financement de la Sécurité de la vieillesse pendant toute leur vie active. Le problème est que nos gouvernements n'ont pas été assez honnêtes pour leur dire combien il aurait fallu cotiser par le passé à ce régime pour veiller à ce que leur génération ne retire pas du système actuel davantage d'argent qu'elle n'en a versé. Cela donne des factures impayées que les gens laissent à la charge de leurs enfants et de leurs petits-enfants.
Permettez-moi, en terminant, de vous dire que les tensions intergénérationnelles sont au coeur du manque d'engagement politique envers le caractère durable de notre système de logements, envers le même caractère durable de notre système climatique et de notre système de budgets gouvernementaux. Il est maintenant temps de nous atteler à la tâche en élaborant les politiques courageuses dont nous aurons besoin, en recourant aux solutions validées par la science pour réduire ces tensions, afin que le modèle canadien fonctionne vraiment pour toutes les générations.
Je vous remercie.
Bonjour à tous.
Je m'appelle Leilani Farha. Je suis la directrice mondiale de The Shift, un organisme international de défense des droits de la personne en matière de logement. Je suis également l'ancien rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit au logement. J'ai occupé ce poste pendant six ans jusqu'en avril 2020. J'ai également été la directrice générale de Canada Sans Pauvreté.
Vous ne serez pas surpris d'apprendre que le Canada est plongé depuis longtemps dans une crise du logement que la pandémie n'a fait qu'exacerber. Je suis convaincue que vous avez déjà entendu ces statistiques auparavant: 1,7 million de ménages ont des besoins impérieux en matière de logement, 235 000 personnes vivent dans l'itinérance. De nouveaux campements de sans-abri voient le jour dans toutes les villes, grandes et petites. Plus de 250 000 ménages de locataires ont des arriérés de loyer et risquent maintenant d'être expulsés de leur logement.
Selon l'OCDE, le Canada a enregistré une hausse de 168 % des prix réels des logements au cours des vingt dernières années. C'est la plus forte hausse au sein des pays membres de l'OCDE, suivie par celle du Royaume-Uni qui est 70 % plus faible que la nôtre.
Le Budget de 2021, conformément aux engagements du gouvernement fédéral à respecter la Loi sur la stratégie nationale sur le logement et à concrétiser progressivement le droit au logement, comprend un certain nombre de mesures pour s'attaquer aux divers aspects de la crise du logement. Je suis toutefois d'avis que le Budget fait l'impasse sur les politiques monétaires et budgétaires qui participent à la crise du logement. À quelques exceptions près, il semble que les modifications structurelles apportées à la politique budgétaire, outre les dépenses, n'aient guère d'efficacité pour s'attaquer à la crise du logement. Ces lacunes me portent à craindre que le Budget, malgré des dépenses considérables, ne se révèle pas aussi efficace en la matière que le gouvernement l'aimerait.
Permettez-moi de prendre comme exemple la question de l'accès au logement, puisque celle-ci est la pierre angulaire du droit au logement et l'un des principaux déterminants de l'itinérance et de la précarité du logement.
Le Budget annonce un certain nombre de mesures pour faciliter l'accès au logement: davantage d'argent consacré à l'Initiative pour la création rapide de logements, des suppléments de loyer destinés aux femmes et aux enfants se mettant à l'abri de relations violentes, et davantage de ressources pour le logement communautaire.
Si ces mesures peuvent permettre de disposer de quelques nouveaux logements abordables, concrètement, les politiques monétaires et budgétaires du Canada rendent le logement de plus en plus inabordable. Comme vous le savez, la Banque du Canada a réduit les taux d'intérêt et a adopté des mesures d'assouplissement quantitatif, qui ont pour effet de réduire le coût de l'argent. Ces mesures permettent aux investisseurs institutionnels d'accéder facilement aux prêts dont ils ont besoin pour acheter des biens immobiliers existants. Les propriétaires institutionnels ont, eux, un intérêt marqué à voir les loyers augmenter.
Il n'est donc pas surprenant d'observer qu'au cours des cinq dernières années, et en particulier au cours des derniers mois, les sociétés de gestion immobilière aient acheté des logements abordables à louer. C'est ainsi que, en janvier, les sociétés ontariennes de placement immobilier InterRent and Crestpoint ont acheté 15 immeubles d'appartements à louer, soit plus de 600 unités, à Vancouver; que Starlight et Timbercreek ont acheté sept édifices à Toronto en août 2020 et que CAPREIT a acheté 88 unités à Halifax au cours du même mois.
Accroître le roulement des locataires et augmenter les loyers font partie de leur modèle d'affaires. Ils doivent procéder de cette façon pour garantir des prêts et faire miroiter aux investisseurs éventuels des rendements importants. Une étude réalisée dans la région de Toronto entre 2012 et 2019 a révélé que les propriétaires fonciers financiarisés et ceux constitués en société ont déposé 64 % de toutes les demandes de hausses de loyers, touchant plus de 175 000 ménages.
La hausse du nombre de sociétés de placement immobilier s'explique en partie par les politiques budgétaires qui leur accordent un traitement fiscal préférentiel. Ce sont les seules fiducies, à ma connaissance, qui ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu des sociétés. ACORN Canada a calculé que si seulement sept sociétés de placements immobiliers résidentiels du Canada avaient été imposées au même taux que les autres sociétés, le gouvernement aurait encaissé 1,2 milliard de plus sur 10 ans.
J'ajouterai que les sociétés de placement immobilier et les autres sociétés immobilières profitent des prêts et des assurances hypothécaires de la SCHL. M. Tremblay et moi vous l'avons déjà signalé à d'autres occasions.
Pour terminer, si le gouvernement avait réellement analysé les déterminants du caractère inabordable des logements et s'il avait étudié ses propres politiques budgétaires, il lui eût été impossible d'oublier complètement les mesures inscrites dans le Budget de 2021 pour protéger les locataires en retardant le versement de leurs loyers.
À mes yeux, c'est le résultat de cette omission qui est aberrant. On compte au pays 250 000 ménages de locataires menacés d'expulsion. Comme les ménages à faible revenu sont également les plus vulnérables, ce sont eux qui risquent réellement de devenir des sans-abri. Pour moi, c'est là un jeu dont personne ne sortira gagnant puisque le gouvernement doit, d'un côté, s'occuper des sans-abri alors que, de l'autre, c'est lui qui les pousse à devenir des sans-abri avec ses politiques.
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Je vous remercie, madame Farah.
Avant d'en venir aux derniers témoins, je vais commencer par donner la parole aux personnes qui attendent leur tour. Elles disposeront de six minutes. Ce sont M. Fast, M. McLeod, M. Ste-Marie et Mme Kwan
Je donnerai ensuite la parole aux derniers témoins. Nous comptons maintenant parmi nous les représentants des gouvernements autochtones autonomes que sont M. Matthew Mahaffey, conseiller juridique et conseiller principal des Carcross Tagish First Nations ainsi que Mme Bertha Rabesca Zoe.
Qui d'entre vous va prendre la parole en premier.
Ce sera donc vous, madame Zoé.
Bienvenue à vous. La parole est à vous.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens aussi à remercier les membres du Comité de me permettre ainsi aujourd'hui de prendre la parole sur ce sujet important.
Je m'appelle Bertha Rabesca Zoe et j'ai été invitée à m'exprimer au nom de la nation Tlicho et des autres gouvernements autochtones autonomes sur les défis importants auxquels nos communautés sont confrontées en matière de logement.
Les besoins impérieux en matière de logement de près de la moitié des citoyens Tlicho ne sont pas satisfaits. Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas bien les Territoires du Nord-Ouest, les Tlicho vivent juste au nord de Yellowknife dans quatre communautés. Il y a plus de 20 communautés dans les Territoires du Nord-Ouest.
Plus de 128 familles tlichos sont actuellement inscrites sur une liste d'attente pour obtenir un logement. Elles doivent attendre pour cela de huit à neuf ans. Plus d'un quart des sans-abri de Yellowknife appartiennent à la communauté Tlicho de Behchoko. Je me trouve d'ailleurs actuellement à Behchoko, à environ une heure de route de Yellowknife. Ces gens en attente d'un logement sont pour la plupart de jeunes enfants, des femmes et des familles. Nous n'avons tout simplement pas les logements dont nous avons besoin pour leur fournir un toit.
Les citoyens tlichos doivent aussi supporter des taux exagérément élevés de surpeuplement. Cela touche 25 % de leurs familles. Ces lacunes en matière de logement ont de très graves répercussions sur la santé. Même avant la COVID, les chercheurs avaient tiré la sonnette d'alarme sur les répercussions de la surpopulation dans les maisons tlichos, Bien que la tuberculose ait été pratiquement éradiquée en 2018 dans la plupart des régions du Canada, la communauté tlicho de Behchoko comptait alors plus de cas que l'ensemble des autres communautés des T.N.-O. Il n'y a pas là de quoi surprendre.
Beaucoup de gens considèrent que Behchoko est l'épicentre de la crise du logement chez les Tlichos. L'état des logements dans cette communauté est objectivement le pire de ceux observés dans l'ensemble des Territoires. Il est impossible d'appliquer des mesures comme la distanciation sanitaire et l'auto-isolement dans cette communauté tout comme on ne peut les imposer à nos citoyens sans-abri. La situation est la même dans la plupart des Premières Nations des Territoires du Nord-Ouest, ainsi que dans tout le Canada.
Le week-end dernier, les écoles de Yellowknife et des environs ont fermé en réponse à un nombre croissant de cas de COVID causés par la variante britannique qui préoccupe les autorités de la santé. Hier, les écoles de Behchoko leur ont emboîté le pas,
Les citoyens Tlichos qui vivent dans des refuges à Yellowknife et les nombreux résidents de Behchoko qui se rendent quotidiennement à Yellowknife pour faire leurs courses, travailler et répondre à d'autres besoins essentiels sont tous en danger. Si un seul citoyen attrape ce virus, il se propagera dans nos maisons comme une traînée de poudre.
Lorsque nous disons que nos communautés ont besoin de logements, c'est de cela que nous parlons. Quand nous disons que nous sommes vulnérables à la COVID-19, c'est que la situation est vraiment terrible.
À ce que je sais, votre Comité examine comment le gouvernement fédéral dépense l'argent de la COVID-19 dans les programmes de logement. Ce que je peux vous dire est qu'il faut en faire davantage en faveur de l'autonomie gouvernementale comme dans le cas des Tlichos pour s'attaquer aux pénuries fondamentales de logements auxquelles nos peuples sont confrontés.
L'initiative de création rapide de logements a constitué une étape dans la bonne direction, sans aller toutefois assez loin pour cibler les disparités dans les communautés autochtones. Plus de la moitié des fonds disponibles dans le cadre de cette initiative sont allés aux municipalités. Les gouvernements autochtones ont pu bénéficier du second flux d'investissements, mais ils font néanmoins concurrence aux provinces, aux territoires, aux municipalités et aux organismes sans but lucratif pour accéder à un bassin limité de ressources.
Il est manifeste que les besoins imputables à l'ampleur de la crise du logement dans les communautés autochtones dépassent de loin ceux observés ailleurs. C'est la raison pour laquelle nous recommandons au Comité de prendre en compte ces disparités et d'attribuer de façon prioritaire un financement plus important dans les endroits où les besoins sont plus criants.
Nous sommes également d'avis que les initiatives ultérieures devront tenir davantage compte des réalités des communautés éloignées. L'initiative de création rapide de logements accordait la priorité aux projets de logements qui pouvaient être réalisés en 12 mois ou moins. Planifier des travaux de construction dans les endroits éloignés prend du temps. Il faut parfois attendre de pouvoir emprunter une route hivernale ou recourir à un accord d'approvisionnement qui prendra plus de temps à mettre en oeuvre que dans les régions plus au sud.
Les Tlichos et les autres peuples adeptes de l'autonomie gouvernementale ne devraient pas être désavantagés par la difficulté de réaliser des infrastructures dans des endroits éloignés. Si les dépenses de programmes à venir ne permettent pas une plus grande marge de manoeuvre, nous continuerons à être désavantagés de la même façon que nous l'avons été depuis trop longtemps déjà.
Enfin, le financement du logement devrait être versé directement aux gouvernements autonomes. Non traité considère nos gouvernements comme des partenaires du système canadien de fédéralisme fiscal.
Lorsque vous envisagerez les dépenses fédérales pour les programmes et initiatives de lutte contre la COVID-19, j'espère que vous garderez à l'esprit à la fois la réalité des besoins dans les communautés autochtones ainsi que l'impact qu'un investissement dans le logement autochtone aurait, pas seulement sur la réduction de la propagation de la COVID-19, mais sur l'amélioration des résultats pour des générations de citoyens autochtones à travers le pays. J'espère que les défis posés par la COVID-19 nous donneront l'occasion de réparer certains des torts historiques qui continuent d'avoir un impact sur notre peuple et l'occasion de construire un avenir meilleur pour nos citoyens .
Je vous dis Marsi de nous avoir permis de vous faire part de notre point de vue aujourd'hui. Je suis accompagnée de mon collègue, M. Mehaffey; qui vous a été présenté plutôt. C'est lui qui répondra aux questions techniques que vous pourriez avoir.
Marsi cho.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie tous les intervenants de leur présence aujourd'hui.
Ma question concerne les gouvernements autochtones autonomes.
Chaque fois que nous parlons de gouvernements autochtones et qu'il est fait référence à des organisations autochtones et aux Autochtones, il est question des organisations nationales autochtones, de la Coalition pour les ententes sur les revendications territoriales et, maintenant, des gouvernements autochtones autonomes. Tout le monde a du mal à comprendre la différence.
Vous avez souligné, madame Rabesca Zoe, d'énormes difficultés de logement. Cependant, récemment, il y a quelques années, une enveloppe de 1,5 milliard de dollars a été annoncée pour les organisations nationales autochtones afin de fournir des logements aux Autochtones. Qu'est-ce que cela donne pour les nations autonomes? Pourriez-vous nous l'expliquer en quelques mots?
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Pour ce qui est de l'enveloppe de 1,5 milliard de dollars, quand est venu le moment d'affecter des fonds aux Territoires du Nord-Ouest, aucune collectivité des Premières Nations des Territoires du Nord-Ouest, sauf peut-être la réserve de Hay River, n'y avait droit, ce qui fait qu'aucune collectivité autochtone des Territoires du Nord-Ouest n'en a vu la couleur.
D'autres nations autonomes ont reçu un financement sur ces fonds, mais le temps que les ressources soient attribuées... Par exemple, la Première Nation Carcross Tagish a reçu suffisamment de fonds pour construire le tiers d'une maison par an pendant trois ans.
Les fonds destinés à des investissements dans les infrastructures et le logement dans les collectivités autochtones ne correspondent tout simplement pas aux besoins réels. Comme quelques-uns des intervenants l'ont mentionné, nous nous retrouvons avec les mêmes problèmes, car en raison de la situation nationale en matière de logement, le coût des investissements nécessaires a augmenté de 30 à 150 % au cours des 12 derniers mois, selon la région du pays où vous vous trouvez, ce qui fait que le manque de logements augmente plus vite que les investissements.
Une fois les fonds affectés dans tout le pays, les collectivités ne reçoivent pas assez individuellement pour pouvoir vraiment changer...
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Je vous remercie de la question.
Je commencerai par resituer le contexte. En tout, 30 % des Canadiens vivent dans des logements locatifs. Le marché de la construction de logements locatifs n'est pas très actif depuis plusieurs années, ce qui signifie que le parc immobilier est très ancien. L'initiative Financement de la construction de logements locatifs a changé un peu la donne et il devrait se construire 70 000 unités dans les prochaines années.
Je tiens à souligner que le secteur privé est le premier fournisseur de logements locatifs dans le pays, y compris de logements abordables.
Cela dit, vous avez mentionné expressément les FPI. Je peux dire que, même si ce segment augmente, et elles achètent certainement des propriétés importantes depuis quelques années dans les grandes régions métropolitaines de recensement du Canada que sont Vancouver, Toronto et Montréal, mais à Vancouver, par exemple, les fiducies représentent encore moins de 5 % du marché. À Toronto, leur part est inférieure à 15 % et à Montréal, elle est inférieure à 10 %.
Quant à notre assurance prêt hypothécaire, nous voulons encourager de nouvelles constructions dans les achats et le refinancement, mais nous avons durci nos règles en mai 2020 afin de limiter l'utilisation des fonds au refinancement pour garantir l'offre de logements et la préservation des logements.
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Nous savons que le modèle d'affaires des FPI repose sur l'augmentation des loyers.
Comprenez que je suis avocate spécialisée dans les droits de la personne. C'est ce que j'ai appris au fil du temps, donc ne l'oubliez pas.
À ce que je comprends, les fiducies de placement immobilier dépendent d'investisseurs. Ce sont souvent des investisseurs institutionnels, comme les fonds de pension, les sociétés d'assurances, etc. Si vous êtes investisseur, vous voulez être certain d'obtenir un bon rendement sur votre investissement. En général, les FPI rapportent autour de...
Disons que les investisseurs comptent sur 8 %. Les FPI garantissent un bon rendement sur votre investissement en montrant comment elles vont générer des revenus, qui sont, en fait, des revenus locatifs. Elles doivent montrer une progression. Autrement dit, il faut un certain roulement de locataires parce qu'il est généralement nécessaire, d'après les lois provinciales et territoriales, de changer de locataires pour augmenter les loyers. La seule autre façon, ce sont les augmentations de loyer supérieures au taux légal, auxquelles elles recourent aussi. Elles font de petites rénovations, qui souvent ne sont pas des rénovations en profondeur que M. Tremblay et la SCHL aimeraient, selon moi, voir. Il s'agit plus de ce que nous appelons des « rénovations Ikea ». Elles sont modestes et pas toujours nécessaires, mais les FPI s'en servent pour procéder à des augmentations de loyer supérieures au taux légal.
Vous devez comprendre que cela fait partie du modèle d'affaires. Ce n'est pas seulement de l'avarice de leur part. Pour elles, ce sont les affaires. Elles doivent dégager des bénéfices pour leurs investisseurs et les fonds de pension ont besoin d'un bon rendement sur leur investissement, d'où la façon dont c'est structuré.
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D'accord. Merci beaucoup, monsieur Tremblay.
Madame Farha, votre exposé était très informatif. Je vous en remercie. J'aimerais avoir plus de temps pour approfondir certains aspects monétaires sur lesquels M. Kershaw a conclu. Très franchement, nous avons été pris de court par une pandémie sans précédent, et beaucoup des mesures prises pour protéger les fondements de notre économie ont eu des effets pervers. C'est le macrocontexte, et j'aimerais avoir plus de temps pour en parler en détail.
Je voudrais aussi vous remercier d'avoir souligné que le gouvernement pourrait régler une partie des problèmes liés au logement au Canada en s'attaquant à certains aspects de ses politiques fiscales. Je suis très contente que vous ayez parlé des sociétés d'investissement immobilier à patrimoine propre. Je sais que vous êtes avocate, mais si vous avez d'autres idées à soumettre au Comité, je vous en prie, ne vous gênez pas. Nous n'aurons pas le temps de les étudier pour le moment, mais il serait très important pour nous de les connaître.
Ma question portera sur un sujet qui me trotte tout le temps dans la tête. Au centre-ville de Toronto, selon moi, le prix exorbitant des habitations est attribuable surtout à l'insuffisance de l'offre. Or, les solutions pour accroître l'offre relèvent de la province. En fait, les provinces détiennent une grande partie des pouvoirs en matière de logement.
J'aimerais vous entendre sur quelques points. Les provinces ont aussi un rôle à jouer dans l'accroissement de l'offre — en prenant des mesures touchant le zonage, par exemple — et la protection des locataires? Êtes-vous d'accord?
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De toute évidence, oui, puisque le logement est dans les faits une compétence provinciale et territoriale. Cependant, comme l'ont dit MM. Kershaw et Tremblay, et comme je l'ai dit moi-même, les politiques monétaires et fiscales, qui relèvent directement du gouvernement national, ont un rôle central.
Je veux insister sur un élément important à ce sujet.
Premièrement, je comprends pourquoi la Banque du Canada maintient des taux d'intérêt aussi bas et a opté pour l'assouplissement quantitatif. Tous les gouvernements l'ont fait au début de la pandémie pour stimuler leur économie et lui permettre de continuer à rouler. C'est très important, mais il faut aussi des politiques fiscales qui protègent les plus vulnérables. D'un côté, il y a les politiques monétaires, et je ne veux pas argumenter sur leur bien-fondé. Loin de moi l'intention de faire le procès de la Banque du Canada, mais je trouve important de souligner que nous devons mettre en place des politiques fiscales qui soutiennent les locataires et réfléchir aux mesures que le gouvernement national pourrait prendre à cet égard. Sans empiéter sur la compétence provinciale sur les rapports locateur-locataire, le gouvernement fédéral doit reconnaître qu'il a le pouvoir de dépenser et qu'il doit l'utiliser à bon escient.
Par exemple, le gouvernement fédéral pourrait adopter des mesures d'aide au loyer pour les 250 000 ménages qui sont en défaut de paiement. Ce serait une dépense négligeable dans le budget global. On parle de quelque chose comme 300 millions de dollars d'arriérés de loyers. Le gouvernement national a donné 750 milliards de dollars aux banques pour protéger les prêts hypothécaires, ce que je ne remets pas en question non plus. Je veux que les prêts hypothécaires soient protégés. C'est essentiel à mes yeux.
Durant une pandémie, ce n'est pas le temps de faire des démarcations bien nettes, et on remarque d'ailleurs certaines incohérences. Le gouvernement fédéral n'a pas tracé de démarcation nette dans le domaine de la santé. Il n'a pas cherché à savoir ce qui relevait de la compétence fédérale et ce qui relevait des provinces, et il a bien fait. C'était important pour moi que mon gouvernement fédéral se démène pour acheter des respirateurs. Qui aurait voulu le contraire? La question est de savoir pourquoi il devrait mettre les ménages locataires dans une catégorie à part. Il ne l'a pas fait pour les loyers commerciaux. Le gouvernement a créé un programme, un bon programme d'une grande importance pour aider ceux qui ne peuvent pas payer leur loyer commercial. Alors pourquoi cette démarcation nette quand vient le temps d'aider les ménages locataires...
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je commencerai par adresser un commentaire à Mme Farha.
Je suis un député du Bloc québécois, et mon parti tient à la pleine autonomie du Québec et des provinces en ce qui touche leurs champs de compétence. En ce qui concerne la santé, nous demandons au gouvernement de faire ce qu'il faisait auparavant, c'est-à-dire de financer la santé à la hauteur de ses moyens et de laisser le Québec et les provinces prendre leurs propres décisions.
Lorsqu'il s'agit de projets conjoints, concernant des routes et des infrastructures, par exemple, il faut deux ou trois ans pour qu'une entente-cadre soit établie, peu importe le parti au pouvoir. Ensuite, il faut un, deux ou trois ans pour que le projet soit mis en œuvre. Une fois les crédits votés, le processus est lent. C'est vraiment pour cette raison que nous tenons à l'autonomie du Québec et des provinces.
Je reviens à mes questions.
Monsieur Tremblay, j'aimerais connaître votre réaction à la mesure incluse dans le budget du gouvernement en ce qui concerne la taxe de 1 % imposée sur des biens immobiliers résidentiels vacants qui appartiennent à des étrangers.
Est-ce que la SCHL s'est penchée sur cette question? Je sais que la Colombie-Britannique le fait pour certaines régions et que la Ville de Vancouver a adopté cette mesure.
Selon la SCHL, cette mesure peut-elle aider à faire baisser le prix des loyers, entre autres choses?
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J'ai vu M. Kershaw hocher la tête dans le même sens que moi.
Je ne peux pas parler pour lui, mais je suis d'accord avec M. Tremblay que cette taxe est une mesure intéressante, sans plus. C'est une mesure somme toute assez modeste, une bricole. J'irais même jusqu'à parler de manœuvre de diversion.
Je ne crois pas que cette taxe rapportera beaucoup. Le gouvernement a même admis que les revenus sur cinq ans ne seraient pas si importants. Il a parlé de quelque chose comme 700 millions de dollars. C'est peu. On a vu ce genre de mesures ailleurs. Le gouvernement de la Nouvelle-Zélande y a recouru, et celui de Singapour a instauré un mécanisme similaire. Leur efficacité est très relative pour contrer la supermarchandisation ou la financiarisation dans le secteur du logement.
Comme je l'ai déjà dit, il y a d'autres menaces, qui sont de source nationale celles-là. Ces menaces viennent des caisses de retraite, des fiducies de placement immobilier et des grandes sociétés de gestion de portefeuille, qui rendent la vie difficile aux ménages locataires. Je dois dire tout de même que cette mesure m'est apparue intéressante, ne serait-ce que parce qu'elle nous indique que le gouvernement semble prêt à réfléchir à ses politiques fiscales. C'est un premier pas vers un examen plus global des politiques fiscales et de leurs incidences sur les prix des logements.
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Nous avons déjà la Loi sur la stratégie nationale sur le logement, qui établit une politique fédérale en matière de logement qui reconnaît le logement comme un droit fondamental au sens des lois internationales en matière de droits de la personne. En édictant cette loi, le gouvernement s'est engagé à continuer à faire avancer la réalisation progressive de ce droit. Je vois mal comment le gouvernement pourrait justifier son inaction à l'égard des ménages locataires.
Je l'ai mentionné dans ma lettre de mars 2020. Nous étions au début de la pandémie, et il était clair à mes yeux que le gouvernement fédéral devait réclamer haut et fort un moratoire sur les expulsions. Il s'est défilé, sous prétexte que c'était une compétence provinciale. Je pense encore que le gouvernement fédéral aurait dû faire preuve de leadership à ce moment, mais il n'est pas trop tard.
Les arriérés de loyer sont devenus un problème alarmant au pays. Les 250 000 ménages dans cette situation sont composés d'au moins 500 000 personnes, ne l'oublions pas. Ce sont en grande partie des enfants et des mères monoparentales, des Autochtones, des personnes qui ont un handicap, des nouveaux arrivants et des réfugiés. Qui veut que ces personnes soient réduites à vivre dans la rue, dans leur voiture ou dans les parcs?
C'est très grave. Comme on le sait, la pandémie expose les personnes, les familles et les communautés dans leur ensemble à toutes sortes de risques sanitaires. Le gouvernement fédéral ne peut rester les bras croisés s'il veut réellement donner tout son sens à la Loi sur la stratégie nationale sur le logement et respecter son engagement de protéger le droit au logement.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Il faut absolument éviter que ces gens se retrouvent sans abri.
Ma dernière question sera pour Mme Zoe et M. Mehaffey.
L'échange que nous avons entendu était assez choquant. On voit à quel point le gouvernement se soucie peu de fournir les ressources essentielles pour soutenir le logement autochtone, notamment dans les centres urbains, dans les régions rurales et les communautés éloignées et nordiques.
On ne compte plus les fois où on a signalé au gouvernement l'absence de stratégie sur le logement autochtone dans les centres urbains, les régions rurales et dans le Nord, qui serait pensée par les Autochtones pour les Autochtones. Quand ce problème est soulevé, le gouvernement répond que 40 % des octrois de l'Initiative pour la création rapide de logements sont allés au logement autochtone, et que l'affaire est dans le sac.
Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez et ce que vous attendez du gouvernement? Avons-nous besoin d'une stratégie pensée par des Autochtones pour des Autochtones en matière de logement dans les centres urbains, les régions rurales et le Nord, à laquelle serait affecté le financement nécessaire pour que les changements soient réels et qu'on puisse enfin répondre aux besoins en logements?
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Il y a plusieurs volets au problème.
Je vais revenir à ce qui a déjà été dit. Il est vrai qu'une bonne partie du financement est dirigée vers les communautés autochtones, mais le manque est si criant que... Comme vous l'avez dit, s'il n'y a pas de changement réel dans le parc immobilier et l'infrastructure qui le soutient, on ne fait que colmater les brèches. Les ressources et les capacités servent à empêcher la situation de s'aggraver, mais le problème de fond n'est jamais réglé. C'est là le défi.
Du point de vue de l'autonomie gouvernementale, il faut une stratégie qui s'adresse aux communautés autonomes. Comme je l'ai dit, notre cadre juridique est différent de celui des communautés qui vivent dans une réserve. Notre compétence dépasse souvent les terres visées par des traités. Elle peut s'étendre à nos citoyens vivant dans une zone géographique beaucoup plus grande. Au Yukon par exemple, la compétence s'étend la plupart du temps à tous les citoyens, peu importe où ils vivent au Yukon, que ce soit dans la communauté ou sur les terres visées par un traité.
Nous avons commencé à voir quelques progrès depuis que nous collaborons avec le ministère des Relations Couronne-Autochtones en vue des trouver des solutions, et je crois que... Je ne peux pas parler au nom des communautés qui vivent dans une réserve ou en milieu urbain, mais les nations avec lesquelles nous travaillons ont besoin, je crois, d'une stratégie ciblée et élaborée conjointement par le Canada, les ministères et les parties concernés.
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Monsieur Falk, c'est une excellente question, mais je crois que vous n'avez pas bien saisi l'essence de mon propos. Je vais donc vous donner les faits.
Aujourd'hui, une jeune personne doit aller à l'école pendant beaucoup plus longtemps qu'une personne de votre âge l'a fait, et contracter une dette d'études beaucoup plus importante pour obtenir le genre d'emploi que vous occupez et qui, compte tenu de l'inflation, lui rapportera des milliers de dollars de moins si elle travaille à temps plein. Cette même jeune personne se retrouvera devant une situation du logement dans laquelle les loyers montent en flèche et dans laquelle l'accès à la propriété est encore plus difficile.
Le jeune Canadien type, à l'époque où ma mère a commencé sa carrière dans le système du logement, devait travailler pendant cinq ans à temps plein pour épargner l'argent nécessaire pour accumuler une mise de fonds équivalant à 20 % du prix d'une maison moyenne. Aujourd'hui, à l'échelle du pays, il faut travailler pendant 14 ans en moyenne pour arriver à ce résultat. Inutile d'ajouter que c'est pire en Ontario et en Colombie-Britannique, et pire encore à Victoria, Toronto et Vancouver.
Autrement dit, monsieur Falk, le dur labeur ne sera pas aussi payant pour vos enfants qu'il l'était autrefois. C'est le problème fondamental auquel nos responsables des politiques publiques doivent trouver une solution. Ils doivent faire en sorte que le dur labeur rapporte autant qu'autrefois, et ils doivent adapter les politiques pour que ce dur labeur donne accès à peu près aux mêmes avantages que jadis.
Vos enfants ont tout à fait raison de vous en vouloir quand vous leur dites ce genre de choses, parce qu'elles occultent complètement le fait qu'ils héritent d'une situation économique désolante par rapport à celle dont vous avez bénéficié.
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Non, je n'ai pas ces chiffres. J'ai donné cet exemple pour renchérir sur ce que M. Kershaw a dit au sujet des subventions versées aux propriétaires de maison comparativement à ce que reçoivent les locataires.
Quand j'ai entendu parler du coussin de sécurité réservé aux banques, ma réaction à titre d'avocate spécialiste des droits de la personne a été mitigée.
D'un côté, j'étais d'accord parce que je ne souhaite pas voir les propriétaires souffrir parce qu'ils sont incapables de payer leur hypothèque et se retrouvent menacés de saisie. Je redoute surtout les saisies de maisons unifamiliales, qui deviendraient alors des proies faciles pour les investisseurs institutionnels dont j'ai parlé. Parce qu'il faut à tout prix éviter la situation que les Américains ont vécue après la crise financière de 2008, cette mesure m'a semblé raisonnable. En revanche, je sais aussi que les banques font des profits, et je n'ai pas vraiment compris pourquoi elles ne les ont pas utilisés pour protéger ces prêts... Peu importe, j'étais contente de voir le gouvernement faire le nécessaire pour protéger les propriétaires de maison.
J'ai soulevé ce point parce que, si j'ai bien compris, les arriérés de loyers — je dois préciser que mes données remontent à quelques mois — totalisent quelque chose comme 300 millions de dollars. Donc, 300 millions de dollars pour les locataires, par rapport à 750 milliards de dollars...
Je travaille en étroite collaboration avec des représentants de 16 municipalités partout au pays, qui comprennent des maires, des conseillers municipaux, des fonctionnaires des services du logement, et je peux vous dire qu'ils sont très inquiets. Ils sont sur la ligne de front dans cette lutte. Ils ont très peur que le problème de l'itinérance s'aggrave. Ils sont déjà aux prises avec des campements de sans-abri. Ils sont aux abois. C'est de cela que je parlais.
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Les idées qui sont ressorties des laboratoires de solutions sont très variées, monsieur le président. On trouve cette information en ligne. Les angles d'examen sont également variés. J'invite mes collègues, et notamment mes collègues conservateurs, à en prendre connaissance. Ils semblent fascinés par ce sujet, pour paraphraser M. Kelly. On trouve cette information dans Internet, comme je l'ai dit.
Un laboratoire en particulier a attiré mon regard. Il s'agit du laboratoire de solutions sur le logement abordable, qui a reçu l'appui de la Greater Ottawa Home Builders' Association, de l'Ottawa Social Housing Network et de SHS Consulting. Une des recommandations qui en est ressortie est que pour élargir l'offre de logements abordables, il faut permettre au secteur privé de mieux répondre aux besoins de la communauté. Il a aussi été proposé par le laboratoire de solutions qu'il faut abolir les obstacles et encourager l'innovation dans la planification de l'utilisation du sol. Si je prends ces citations séparément... J'aurais pensé que des politiciens conservateurs se seraient empressés de les citer dans le National Post ou le Financial Post.
Je mets en garde mes collègues contre la tentation de monter cette affaire en épingle pour attirer l'attention d'un groupe de défense des intérêts, de tirer une ligne imaginaire qui remonte jusqu'au gouvernement fédéral et de transformer le Comité en un organe partisan alors que nous avons tellement de sujets sérieux à traiter... À moins que l'intention de mes collègues du Parti conservateur soit d'établir un lien avec M. Kershaw afin qu'il les conseille sur une politique du logement.
Leur fascination pour ce sujet m'impressionne. M. Kelly a aussi dit qu'il était d'accord avec un certain nombre de choses que M. Kershaw a dites. Rien ne l'empêche de poursuivre la discussion avec lui, mais pas ici. Le Comité est un groupe non partisan. Si les conservateurs veulent consulter M. Kershaw, ils peuvent le faire en dehors des travaux du Comité.
Ma dernière question s'adresse à Mme Farha.
Comme vous le savez, madame Farha, le gouvernement a investi dans l'Initiative pour la création rapide de logements l'année dernière, et le financement a été reconduit dans le budget de 2021. J'ai une question concernant les logements modulaires, qui sont un élément central de la politique. Que pensez-vous des logements modulaires? Est-ce que le gouvernement devrait en poursuivre la promotion?
Je me trouve actuellement à London, en Ontario, où un certain nombre d'unités modulaires ont été construites. Ces logements peuvent être construits très rapidement et ils offrent une solution à la pénurie de logements abordables. Le potentiel est énorme. J'aimerais vraiment connaître votre point de vue sur ce sujet.
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Oui. J'irai dans l'ordre inverse.
Si nous voulons penser aux façons dont les propriétaires travaillent dur pour acheter leur maison, c'est tout à fait exact. Est-ce qu'ils paient des impôts à trois ordres de gouvernement? Tout à fait, mais les locataires le font aussi. Ils paient de l'impôt à trois ordres de gouvernement. Ils travaillent dur pour payer leur logement locatif. Ce que nous n'avons pas pour les locataires, c'est l'équivalent d'un incitatif fiscal pour l'achat d'une maison, d'un crédit d'impôt pour l'achat d'une maison ou de déductions dans un REER à l'abri de l'impôt que l'on peut utiliser pour sa mise de fonds. On ne peut pas l'utiliser pour le loyer.
Je vous encourage vivement, madame Jansen et le Parti conservateur, si vous cherchez à obtenir une note d'information sur les façons dont nous subventionnons les propriétaires par rapport aux locataires, à noter que diverses personnes, dont moi-même, pourraient vous aider à mieux comprendre ce problème.
Si vous voulez dire que la SCHL se concentre uniquement sur le financement d'une étude sur les questions fiscales, je vous invite à demander à M. Tremblay de vous dire combien d'argent la société a investi dans le défi de l'offre et combien d'argent elle a investi dans d'autres aspects du domaine de recherche lié à l'offre. L'argent consacré à ce laboratoire de solutions particulier ne serait alors qu'une erreur d'arrondi. Laisser entendre que la SCHL est devenue une méta-entité qui investit dans la recherche sur l'imposition est une description biaisée de la façon dont la SCHL utilise son budget.
La stratégie nationale du logement vise à créer entre 150 000 et 160 000 nouvelles unités de logement abordable sur 10 ans, dont une grande partie, selon certains, ne vise pas vraiment les sans-abri ou les personnes ayant des besoins impérieux.
Cela dit, pour avoir une chance de mettre fin à l'itinérance et de répondre aux besoins en matière de logement, l'Alliance canadienne pour mettre fin à l'itinérance a déclaré que le Canada devra construire au moins 300 000 nouveaux logements subventionnés, abordables et supervisés de façon permanente, afin de s'assurer que ces logements sont destinés en priorité aux personnes sans abri ou à risque de le devenir.
À la lumière de cette analyse venant de défenseurs du logement, j'aimerais demander à la SCHL et à Mme Farha de nous dire comment nous allons faire en sorte que le gouvernement respecte sa promesse et son engagement à l'égard du droit de la personne fondamental qu'est le logement adéquat, alors que nous accusons un tel retard par rapport à ce qui est proposé dans la stratégie nationale du logement.
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Merci, monsieur le président.
Pour le gouvernement, la stratégie nationale du logement a été le premier grand pas vers la réalisation progressive du droit au logement, conformément à notre engagement auprès des Nations unies. Ensuite, il y a eu la Loi sur la stratégie nationale du logement, qui a promulgué certains mécanismes participatifs, comme le conseil national du logement et le défenseur fédéral du logement. Ce sont des étapes clés pour une réalisation progressive.
De plus, dans la stratégie nationale du logement, le gouvernement a clairement indiqué que nous ne pouvons pas y arriver seuls, que le gouvernement fédéral ne peut pas y arriver seul. Nous voulons, comme je l'ai mentionné, que d'autres participent pour nous aider à surmonter cette épreuve. Que ce soit par l'entremise du secteur privé, des provinces ou des municipalités, c'est un effort collectif qui nous permettra d'y arriver. Les gouvernements, par le biais de six budgets successifs, ont investi de l'argent dans le logement, de sorte qu'ils concrétisent progressivement le droit au logement.