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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la sixième séance du Comité permanent des finances de la Chambre des communes.
Conformément à la motion adoptée par le Comité le jeudi 19 novembre, le Comité se réunit dans le cadre de son étude sur les dépenses engagées par le gouvernement, Mouvement UNIS et la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant.
La séance d'aujourd'hui se déroule selon une formule hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 septembre. Les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes. Je vous rappelle que l'écran de la webdiffusion montre toujours la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité.
Pour assurer le bon déroulement de la réunion... Normalement, je présenterais quelques règles à suivre, mais je pense que les membres du Comité les connaissent et je suis certain que le greffier de la Chambre des communes les connaît aussi.
Nous allons commencer par notre premier témoin. Je souhaite la bienvenue à M. Ian Shugart, greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet, Bureau du Conseil privé. Monsieur Shugart, je ne sais pas si vous voulez faire une déclaration préliminaire. Dans l'affirmative, nous vous donnerons la parole, puis nous passerons aux questions.
À titre d'information, les premiers intervenants à poser des questions seront M. Poilievre, Mme Dzerowicz, M. Fortin et M. Julian.
La parole est à vous, monsieur Shugart.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux d'être de retour parmi vous.
La dernière fois, nous sommes passés directement aux questions, mais étant donné le sujet de la discussion, j'aimerais commencer cette fois-ci par une déclaration préliminaire. J'espère qu'elle vous sera utile. Vous l'avez reçue dans les deux langues officielles.
On m'a demandé de discuter, de façon générale, des exclusions des documents confidentiels du Cabinet relativement à la divulgation publique. J'ai l'intention de vous présenter les principes fondamentaux de la confidentialité du Cabinet.
Comme vous le savez, les démocraties semblables à la nôtre ont depuis longtemps reconnu la nécessité de protéger la confidentialité des propos tenus pendant les réunions du Cabinet, des questions dont le Cabinet est saisi, ainsi que des documents préparés pour ces discussions. Les raisons en sont claires. Le processus de gouvernance d'une démocratie qui s'appuie sur une forme de Cabinet fonctionne mieux lorsque les membres du Cabinet chargés des politiques et du processus décisionnel du gouvernement sont libres de s'exprimer sans réserve, de discuter de tous les aspects des problèmes dont ils sont saisis et d'exprimer des points de vue de toutes sortes. La confidentialité assure la candeur des discussions du Cabinet et elle favorise des échanges exhaustifs et francs.
Au Canada, les délibérations des ministres d'État et les documents qui reflètent la teneur de leurs discussions sont protégés par la convention constitutionnelle de confidentialité du Cabinet. Cette confidentialité joue un rôle vital dans notre système démocratique de gouvernement responsable qui s'appuie sur une forme de cabinet. Dans un système de gouvernement responsable, le Cabinet est ouvertement et collectivement tenu de rendre compte au Parlement des décisions qu'il prend pendant la période où il gouverne.
Si les ministres doivent prendre une décision ensemble, la confidentialité de leurs opinions et points de vue relativement à l'élaboration des politiques du gouvernement doit être protégée. Sinon, la responsabilité collective des ministres à l'égard du Parlement, caractéristique essentielle d'un gouvernement qui s'appuie sur un cabinet, serait difficile à maintenir.
À l'instar d'autres conventions constitutionnelles, la confidentialité du Cabinet permet également de respecter le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs entre les trois organes du gouvernement. Ainsi, elle protège l'intégrité de notre structure constitutionnelle.
Le droit constitutionnel canadien reconnaît depuis longtemps que le pouvoir souverain au Canada est réparti non seulement entre le Parlement et les assemblées législatives provinciales, mais également entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire de l'État. Bien qu'il y ait certains chevauchements, chaque pouvoir joue un rôle fondamentalement distinct.
Dans une décision unanime récente, la Cour suprême du Canada a réaffirmé que chaque pouvoir devait être en mesure d'assumer les fonctions qui lui sont assignées par la Constitution sans ingérence indue de la part des autres pouvoirs. Plusieurs doctrines visent à empêcher les ingérences indues, notamment celle assurant le secret des délibérations judiciaires, ainsi que celle relative à la reconnaissance des privilèges, pouvoirs et immunités dont jouissent le Sénat, la Chambre des communes et les assemblées législatives.
En août, la Cour suprême a réaffirmé que l'exécutif bénéficiait lui aussi d'une certaine protection contre l'ingérence indue. La Cour a précisé que les délibérations entre les ministres d'État, ainsi que les documents appuyant ces délibérations et en rendant compte étaient protégés par les conventions constitutionnelles de confidentialité du Cabinet et de solidarité ministérielle.
Évidemment, la convention constitutionnelle protégeant la confidentialité des délibérations du Cabinet n'existe pas seulement pour le Cabinet actuel, mais aussi pour tous les Cabinets: ceux qui l'ont précédé et ceux qui lui succéderont. La convention constitutionnelle et la protection qu'elle offre profitent à notre système de gouvernance démocratique, tant en ce qui concerne la solidarité ministérielle propre à un gouvernement responsable que la capacité de l'exécutif de faire son travail.
Reconnaissant l'importance de ce principe, le Parlement a décidé que l'accès aux documents confidentiels du Cabinet devait être exceptionnel. Il a donc décidé d'exclure les documents confidentiels du Cabinet d'un droit d'accès en vertu de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il n'a pas accordé à ses agents le droit d'accéder aux documents confidentiels du Cabinet. Le Parlement n'a pas non plus, en vertu d'une loi fédérale, autorisé les tribunaux à accéder aux documents confidentiels du Cabinet.
Il est précisé dans la motion du Comité du 7 juillet que les documents confidentiels du Cabinet étaient exclus de la production de documents. Cette façon de faire correspond à la pratique de longue date de la Chambre des communes de respecter la confidentialité du processus décisionnel du Cabinet. En novembre 1957, le Président de la Chambre des communes, l'honorable Roland Michener, a déclaré:
[...] la décision du gouvernement est une et indivisible. La Chambre n'est pas autorisée à demander comment le gouvernement en est arrivé à cette décision et, plus particulièrement, à demander comment le Conseil des ministres a procédé.
La Cour suprême approuve également cette pratique de la Chambre des communes, comme en fait foi sa décision dans l'affaire Babcock, qui a fait jurisprudence.
Le et des membres du Cabinet ont comparu devant les comités de la Chambre des communes pour répondre aux questions concernant leurs décisions relativement à la Bourse canadienne de bénévolat étudiant. Le premier ministre et le Cabinet ont choisi de rendre publics les documents confidentiels sur la BCBE en raison des questions soulevées à propos de l'exécution du programme. Il s'agit d'une exception reconnue par la loi au maintien de la confidentialité du Cabinet.
À titre de greffier du Conseil privé et de gardien des documents confidentiels du Cabinet, j'ai demandé à ce qu'une approche fondée sur des principes soit adoptée concernant le traitement des documents confidentiels du Cabinet dans l'affaire qui nous concerne pour assurer une application non sélective du principe de protection de la confidentialité du Cabinet. Par conséquent, et conformément aux divulgations publiques faites par les membres du Cabinet, une grande quantité d'information sur la BCBE, qui aurait autrement été considérée comme des documents confidentiels du Cabinet, a été transmise au Comité.
Voilà un exemple, monsieur le président, qui démontre le principe de confidentialité des documents du Cabinet. J'espère que ces renseignements seront utiles aux membres du Comité.
Merci beaucoup.
En ce qui concerne les passages caviardés, j'ai donné des directives générales aux ministères, avec l'aide du personnel du Bureau du Conseil privé bien formé dans ce domaine.
Il y avait deux aspects principaux. Les documents qui devaient normalement être considérés comme des documents du Cabinet, notamment les documents que le ou les membres du Cabinet ont déjà commentés publiquement, donc tout ce qui correspondait à cette description, devaient être rendus publics même s'il s'agissait de documents confidentiels du Cabinet.
Le deuxième aspect, c'est que conformément à l'engagement que j'ai pris auprès du Comité des finances en juillet, puisque la question était au cœur des discussions au Cabinet, je ferai preuve de la plus grande transparence possible par rapport aux informations pertinentes, même si elles étaient contenues dans des documents confidentiels du Cabinet.
Cette directive a été donnée aux ministères, aux sous-ministres et aux fonctionnaires des ministères qui font le travail en soi. Ils ont examiné leurs documents et ont procédé aux caviardages.
Il arrive qu'un fonctionnaire d'un ministère ignore s'il doit caviarder un document ou non; on communique alors avec les homologues du Bureau du Conseil privé pour obtenir des conseils. C'est ce qui s'est passé dans ce cas.
Ce qui a été fourni, à ce moment-là, dans ce cas, c'est un très grand nombre de documents du Cabinet, soit parce qu'ils étaient dans l'intérêt public et se rapportaient directement à l'affaire dont le Comité était saisi et à la controverse publique de l'époque, soit parce que le et les ministres avaient déjà fait des commentaires sur ces questions et que le secret du Cabinet était, en quelque sorte, déjà levé.
Pour répondre à votre deuxième question, nous faisons ce travail avec une certitude absolue quant à l'application de la loi et des principes de la loi. Quant à savoir si cela fait l'affaire d'un ministre ou non, en fonction de quelconques considérations partisanes, cela n'entre même pas en ligne de compte.
Je dois dire que selon mon expérience, dans notre travail avec des ministres conservateurs ou libéraux, ou dans nos réponses aux questions des députés néo-démocrates ou bloquistes ou des députés ministériels, nous sommes formés pour faire notre travail sans égard aux intérêts partisans. Nous travaillons en étroite collaboration avec les parlementaires — le corps élu du gouvernement —, mais étant donné notre engagement à l'égard du Canada et des valeurs que nous appliquons dans notre service au public, nous faisons notre travail sans égard aux intérêts partisans du gouvernement au pouvoir.
Je peux affirmer au Comité que c'est ainsi que nous avons fait notre travail dans ce cas, et je dirais même dans tous les cas.
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Je suis désolé. Je ne voulais pas crier à l'oreille de personne.
Comme nous avons environ 1 500 pages caviardées de façon importante ou en totalité, je trouve troublant, très franchement, que vous ne puissiez donner des réponses plus complètes aux questions que nous vous posons. C'était bien entendu la raison d'être de votre présence ici; l'idée n'était pas d'avoir l'approche théorique, mais plutôt de comprendre pourquoi tant de choses ont été caviardées.
Cela m'amène à mes deux questions.
Premièrement, lorsque vous avez témoigné au Comité le 21 juillet, vous avez déclaré qu'il y avait eu deux discussions au Cabinet au sujet de l'organisme UNIS. Pouvez-vous confirmer que ces deux discussions relèvent du secret du Cabinet?
Deuxièmement, un nombre inquiétant de pages portent la mention « non pertinent », y compris des références directes à la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant. Pouvez-vous nous dire combien de pages jugées non pertinentes ont été caviardées avant d'être envoyées au légiste et conseiller parlementaire? Aux yeux d'un observateur non formé, elles sont très pertinentes.
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Avec plaisir, monsieur le président.
On peut imaginer que sans l'application de ces principes au début de l'exercice, même des fonctionnaires neutres pourraient être enclins à examiner un document et à dire « Oh, ce sera gênant, nous ne le publierons pas. Mais celui-ci convient; nous le publierons. »
Cela ne serait pas conforme à l'application du principe de protection de la confidentialité du Cabinet, et cela ne peut être accepté. J'ai donc donné l'ordre, comme tous mes prédécesseurs, de procéder aux caviardages, le cas échéant, de manière cohérente, de façon à ce que tout renseignement dont le premier ministre ou les ministres ont déjà parlé soit publié. S'ils portaient sur la question centrale du calendrier et sur les conseils qui ont été donnés dans ce cas précis, nous tendions à les divulguer.
Toutefois, d'autres principes, notamment la sécurité nationale — pas dans le cas de l'organisme UNIS, je pense, mais possiblement pour d'autres — pourraient expliquer pourquoi un fonctionnaire pourrait indiquer qu'il y a matière à réflexion ou qu'il convient de demander conseil sur une question précise, et cela serait alors examiné de ce point de vue.
C'est ce que j'entendais par une approche fondée sur des principes dès le début.
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Merci, monsieur Shugart, d'être ici aujourd'hui. Vos propos sont toutefois troublants: essentiellement, le pouvoir exécutif peut faire fi d'une directive très claire du Comité.
Cela m'amène à vous poser trois questions. Premièrement, pouvez-vous nous fournir des renseignements détaillés sur la classification de chacun des caviardages qui ont été faits au mois d'août, y compris des renseignements sur la question des documents qui, selon les critères de certains, n'étaient pas pertinents? Si vous pouviez nous fournir ces renseignements, je pense qu'ils seraient très utiles.
Deuxièmement, n'êtes-vous pas en train de dire, dans ce cas — je ne veux pas vous prêter de propos — que l'exécutif a le droit de faire de tels caviardages pour les documents destinés cette fois au légiste et conseiller parlementaire? Ne serait-il pas préoccupant que l'exécutif puisse étendre l'exclusion bien au-delà du mandat du Comité?
Troisièmement, diriez-vous que les disparités relatives au caviardage ou aux documents confidentiels du Cabinet découlent de l'application de critères différents par les divers fonctionnaires au moment d'exclure certains documents pour protéger la confidentialité du Cabinet?
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Monsieur le président, en ce qui concerne la première question, je fournirai des renseignements supplémentaires avec plaisir. Je propose de le faire par écrit, mais c'est ce qui a été offert au Comité. Je serai ravi de vous transmettre d'autres renseignements à ce sujet.
Concernant la troisième question, non, je ne pense pas que les divers ministères et fonctionnaires aient appliqué des principes différents pour le caviardage. C'est précisément pour cela que nous avons donné des directives aux ministères dès le début. Nous avons fait de même pour la demande de documents actuelle pour le Comité de la santé. Nous avons donné des directives sur ce qui devrait être inclus afin de nous acquitter de notre mieux de la tâche colossale que la Chambre nous a confiée.
Enfin, en réponse à la deuxième question, oui, je crains qu'il soit vrai que s'il devait donner au légiste tous les documents confidentiels du Cabinet, des informations commerciales délicates ou protégées par le secret professionnel de l'avocat, ou encore des documents liés à la sécurité nationale, le pouvoir exécutif se trouverait ainsi à lever le secret, à certains égards, car le légiste est un serviteur du pouvoir législatif et non du pouvoir exécutif.
Il ne s'agit aucunement d'une réflexion sur le légiste, qui est un professionnel expérimenté et hautement qualifié. C'est lié à son rôle de serviteur du pouvoir législatif. L'exécutif a la responsabilité de préserver sa capacité de faire son travail, ce qui requiert souvent de ne pas divulguer de documents confidentiels du Cabinet, de renseignements visés par le secret professionnel de l’avocat ou d'autres types d'informations.
Nous tenons à coopérer le plus possible avec le légiste dans cette affaire. Il y a eu des réunions, mais en fin de compte, cela nous ramène à notre système de gouvernance et à la tension dynamique entre les pouvoirs exécutif et législatif.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier le Comité permanent des finances de m'avoir invité aujourd'hui pour parler d'un sujet qui a suscité déjà beaucoup d'attention de la part de plusieurs comités parlementaires, dont j'ai évidemment suivi les travaux avec intérêt.
Vous m'avez demandé de parler des documents que j'ai reçus en marge des enquêtes reliées au dossier du mouvement UNIS. Vous désirez probablement savoir s'il contenait du texte caviardé, des omissions, des exclusions, et vous souhaitez plus particulièrement discuter de l'exclusion des documents confidentiels du Cabinet.
Comme nous avons déjà reçu une grande partie de ces documents, je pense pouvoir être en mesure de vous aider.
[Traduction]
Toutefois, j’aimerais d’abord expliquer aux membres du Comité la façon dont le Commissariat procède pour obtenir des documents dans le cadre d’une étude. Le commissaire peut entreprendre une étude de son propre chef ou à la demande d’une députée ou un député, ou d’une sénatrice ou un sénateur. Deux études en cours et de notoriété publique, demandées par plusieurs députés et concernant la conduite du premier ministre et de l’ancien ministre des Finances, m’amènent ici devant vous aujourd’hui.
La première étape d’une étude — « étude » étant le terme employé dans la Loi sur les conflits d’intérêts — consiste à chercher à obtenir des documents écrits auprès d’individus ou d’institutions et à demander qu’ils nous soient transmis. Nous demandons toujours à ce que les documents soient fournis sans modification ni caviardage. Nous le mentionnons clairement dans la lettre qui est envoyée aux individus ou institutions visés. Nous ne voulons pas que l’information soit caviardée et le précisons explicitement dans ces lettres.
À notre avis, pour garantir une étude adéquate qui est équitable et impartiale, nous devons juger de ce qui est ou n’est pas pertinent dans le cadre de l’étude.
Depuis mon arrivée en poste il y a presque trois ans, il est arrivé une seule fois que je n’ai pas reçu les informations demandées, et j’ai expliqué cette situation dans le Rapport Trudeau II, qui vient d’être abordé avec le greffier du Conseil privé.
Toutefois, j’aimerais soulever un deuxième point, soit que la Loi sur les conflits d’intérêts renferme des dispositions strictes en matière de confidentialité, au paragraphe 48(5), qui limitent considérablement ma capacité de communiquer des renseignements recueillis dans le cadre d’une étude. Nous faisons une demande, nous obtenons des documents et nous les étudions, mais mon travail est assujetti aux exigences du paragraphe 48(5) de la Loi, qui stipule que, à moins que cela ne soit légalement requis, le commissaire et toutes les personnes travaillant avec moi ne peuvent communiquer les renseignements dont ils prennent connaissance dans l’exercice des attributions que cet article leur confère, sauf si la communication des renseignements est essentielle à l’exercice de mes pouvoirs ou pour motiver les conclusions contenues dans un rapport. Il y a une autre exception qui ne s’applique toutefois pas à la situation dont nous discutons aujourd’hui.
Au sujet des documents confidentiels du Cabinet, nous demandons tous les renseignements. « Veuillez ne pas nous envoyer de documents caviardés, qui ont fait l’objet de soustractions ou d’exclusions. Veuillez n’exclure aucun document. Aucun document ne doit être exclu. », voilà ce que nous disons. Au sujet des documents confidentiels du Cabinet, et ma position repose sur mon interprétation des articles pertinents de la Loi, je suis d’avis que nous avons le droit d’accéder à toutes les informations nécessaires à une étude, y compris les documents confidentiels du Cabinet.
À la partie 4 de la Loi, sous Mission et pouvoirs du commissaire, le paragraphe 44(9) se lit comme suit:
[Le commissaire] ne peut inclure dans le rapport des renseignements dont il est tenu d’assurer la confidentialité.
Donc la protection est déjà en place pour les documents confidentiels du Cabinet.
L’ex-commissaire Mary Dawson avait déjà abordé la question des documents confidentiels du Cabinet avec le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, comme je l’ai fait moi-même dans le Rapport Trudeau II.
En 2013, dans un mémoire portant sur l’examen quinquennal de la Loi sur les conflits d’intérêts, la commissaire écrivait:
Il est important de bien comprendre que le commissaire est autorisé à avoir accès à tout document nécessaire pour mener ses enquêtes et ses études. De plus, ces documents doivent lui être fournis directement sans être contrôlés par une tierce partie de façon à ne pas compromettre l’intégrité du processus d’enquête.
Nous avons parlé du Rapport Trudeau II. J’ai souligné que, pour éviter d’éventuels retards dans les études et pour mener à bien mon mandat d’enquête, je dois avoir accès à toutes les informations que j’estime nécessaires à l’exercice de mes fonctions.
J’ai cité quelques articles. Il existe d’autres obligations de confidentialité à l’article 51 de la Loi sur les conflits d’intérêts, qui concerne les récusations pendant qu’une affaire relève du secret du Cabinet, ainsi qu’à l’article 90 de la Loi sur le Parlement du Canada.
Ces documents sont un élément essentiel. Je dois voir ces documents confidentiels du Cabinet; ils sont correctement protégés par le Commissariat, tant durant la rédaction du rapport qu’au moment où celui-ci est rendu public. En tant que haut fonctionnaire indépendant du Parlement, je dois y avoir accès sans restriction.
[Français]
Depuis que votre comité a entamé son étude, l'été dernier, il y a eu des douzaines d'heures de témoignages. Si seulement je pouvais utiliser ces témoignages, je pourrais être en mesure de finaliser mes rapports plus rapidement et éviter des pertes de temps considérables aux nombreux témoins impliqués. Juridiquement, je ne peux m'y référer pour l'instant parce qu'ils sont protégés par le privilège parlementaire.
Le Président de la Chambre m'a informé, il y a une dizaine de jours, qu'il n'était pas habilité à acquiescer à ma demande. En fait, j'avais demandé si je pouvais utiliser les témoignages qui ont été faits devant le Comité permanent des finances. Il m'a suggéré plutôt de m'adresser au Comité permanent des finances, ce que je fais cet après-midi.
Par conséquent, pour les besoins des deux études en cours que j'ai mentionnées, je vous demande donc respectueusement, monsieur le président, de recommander que la Chambre renonce au privilège associé aux témoignages devant le Comité permanent des finances dans le cadre de son étude sur l'organisme UNIS et la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant.
Monsieur le président, ce sont là mes observations. J'aimerais simplement rappeler aux membres du Comité qu'il existe des limites importantes quant à l'ouverture avec laquelle je peux répondre à leurs questions ici aujourd'hui, car je dois tenir compte des obligations de confidentialité strictes prévues dans la Loi sur les conflits d'intérêts.
Je vous remercie, monsieur le président.
Je suis heureux qu'on me pose cette question afin d'éclaircir quelque chose qui n'est pas nécessairement clair pour toutes les personnes concernées. La Loi sur les conflits d'intérêts ne s'applique qu'aux plus hautes sphères du gouvernement. Nous ne parlons donc pas des fonctionnaires en général. Il s'agit plutôt des personnes nommées par le gouverneur en conseil, des ministres et du personnel exonéré, c'est tout. Il n'est pas question des directeurs, des directeurs généraux, ni de tout autre fonctionnaire jusqu'au poste de sous-ministre adjoint inclusivement. Ces personnes sont régies par quelque chose d'autre, un code conçu sous une autre autorité.
Je ne suis pas responsable de la prestation d'activités de sensibilisation à l'intention des fonctionnaires. C'est la responsabilité du Conseil du Trésor et de chaque ministère. Mon rôle porte sur les personnes que j'ai citées, soit le premier ministre, les ministres, les secrétaires d'État, les personnes nommées par le gouverneur en conseil et d'autres hauts fonctionnaires du genre, de même que le personnel exonéré.
Notre autorité s'étend à 3 000 personnes, et non aux 400 000 personnes qui relèvent de l'autre autorité.
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On vous réinvitera peut-être à ce moment-là.
Cela dit, monsieur Dion, je vais me concentrer sur la théorie de la question. J'aimerais que vous me parliez de la responsabilité des gens qui caviardent un document. Je comprends qu'un processus veut que les documents soient caviardés pour protéger les secrets et la confidentialité du Cabinet des ministres; cela va.
Plus tôt, avec M. Shugart, j'ai vu qu’un certain nombre d'individus, entre 12 et 25 sans, compter quelques superviseurs, voient l'ensemble des documents. M. Shugart, en fin de compte, est responsable de ce caviardage. D'un point de vue éthique, compte tenu des obligations de divulgation qui découlent de la motion adoptée le 7 juillet dernier par le Comité, et compte tenu également des restrictions quant au caviardage, quel est le niveau de fiabilité? Comment peut-on vérifier si ce qui a été caviardé l'a été correctement? S'il y a eu une erreur dans le caviardage, par exemple, si un individu décidait de caviarder un passage alors qu'il n'aurait pas dû l'être, comment le Comité pourrait-il le savoir?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, monsieur Dion, d'être là aujourd'hui. Nous espérons assurément que vous, votre famille et vos proches resterez en sécurité et en bonne santé pendant cette pandémie.
La raison pour laquelle vous vous faites poser autant de questions s'explique en partie par le fait que ce comité a été fermé en août. À la fin du mois de juillet et au début du mois d'août, nous avons eu d'importants témoignages sur des considérations éthiques. Puis, comme vous le savez, le Parlement tout entier a été fermé à la mi-août en raison de la prorogation. Le comité des finances a ensuite été retenu pendant les deux derniers mois parce que les députés libéraux ne voulaient pas que ces documents fassent l'objet de discussions. Cela fait donc quatre mois que le comité des finances n'a pas pu interroger un témoin sur ces importantes questions.
Je crois que je m'excuse au nom de l'ensemble du Comité. Cette prorogation et, essentiellement, le fait que le Comité ait été supprimé expliquent pourquoi nous avons maintenant un tas de questions à poser.
Mes questions concernent le témoignage que le a livré au Comité le 30 juillet dernier et celui de M. Shugart, le 21 juillet. M. Shugart a affirmé juste avant la prorogation qu'il y avait eu deux discussions au sein du Cabinet sur la question de l'organisme UNIS et du financement substantiel que le gouvernement fédéral voulait mettre en place. Il a également déclaré que le premier ministre avait des inquiétudes — et le premier ministre en a également parlé lors de son témoignage — concernant d'éventuels conflits d'intérêts.
Tout d'abord, je voudrais savoir si le ou le Bureau du premier ministre vous a contacté, vous ou le Bureau du commissaire à l'éthique, au sujet d'un éventuel conflit d'intérêts? En cas de conflit d'intérêts potentiel, vous attendriez-vous effectivement à ce qu'ils vous contactent? Avez-vous reçu les documents du Cabinet qui font référence aux deux discussions que le Cabinet a tenues au sujet de ce programme?
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Je vous remercie, et merci à M. Dion de témoigner devant nous aujourd'hui.
Lors de son témoignage, plus tôt aujourd'hui, M. Shugart a expliqué le processus qui avait été suivi pour caviarder certains passages. Je rappelle aux membres du Comité que la raison pour laquelle nous avons demandé à chacun d'entre vous d'être là, c'est pour discuter du caviardage des documents confidentiels du Cabinet.
En somme, M. Shugart a expliqué qu'on avait établi un processus et un ensemble de règles à suivre et que les sous-ministres responsables avaient ensuite demandé à leur personnel de faire les caviardages selon ces règles.
Dans votre témoignage, vous avez expliqué que vos règles s'appliquent aux hauts fonctionnaires du gouvernement, et M. Fortin, dans l'une de ses interventions aujourd'hui, a voulu savoir ce qui se passerait si un fonctionnaire ne faisait pas les choses correctement. Qu'adviendrait-il s'il caviardait un passage qui n'aurait pas dû être enlevé, par exemple?
Voilà ce qui sous-tend les dernières séances que nous avons consacrées à cette question précise. L'allégation que personne n'a formulée explicitement, mais qui semble traverser l'esprit de tout le monde, c'est que certains fonctionnaires auraient reçu instructions du gouvernement de caviarder tel ou tel passage et que cela aurait été inapproprié, compte tenu de ce que le Comité avait demandé.
Si le témoignage que M. Shugart nous a fourni aujourd'hui est vrai — et je crois que ce l'est, car j'estime que M. Shugart est un homme intègre, d'autant plus que la personne qui occupe ce poste doit être irréprochable —, s'il n'y a effectivement pas eu de consultations avec les ministres ou le premier ministre et si les sous-ministres ont bel et bien demandé aux fonctionnaires qui relèvent d'eux de faire ces caviardages conformément aux règles, pensez-vous qu'il pourrait y avoir une violation des règles d'éthique?
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Je vous remercie de cette précision.
Très brièvement, avant de céder la parole à mon collègue, je remarque que vous avez dit il y a quelques instants que tout avait été divulgué, à l'exception des documents qui n'avaient rien à voir avec les renseignements demandés, et que vous étiez convaincu d'avoir reçu les renseignements nécessaires pour faire votre travail.
En ce qui concerne le caviardage des passages qui ne sont pas pertinents, j'ai eu l'occasion de me pencher sur cette question dans ma carrière avant la politique, lorsque nous nous occupions de divulgation dans le cadre de litiges. À mon avis, il n'y avait pas vraiment de différence entre des renseignements qui n'étaient pas pertinents, mais qui étaient inclus dans un document par ailleurs pertinent et d'autres documents qui n'étaient tout simplement pas pertinents.
D'après vous, l'obligation de divulgation change-t-elle lorsqu'il y a un passage non pertinent dans un document qui peut contenir des éléments pertinents, ou est-elle semblable à celle des millions et des millions de documents qui sont sous la garde du gouvernement du Canada et que celui-ci a simplement choisi de ne pas produire parce qu'ils ne sont pas pertinents?
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Même quand c'est public? Vous venez de m'apprendre quelque chose. En tout cas, si c'est le cas, nous n'y pouvons rien.
Les membres du Comité auront donc à y réfléchir. Voici comment nous renoncerions au privilège lié aux témoignages reçus devant le Comité. Premièrement, notre comité aurait à adopter un rapport pour recommander à la Chambre de renoncer à ses privilèges concernant les témoignages en question. Deuxièmement, nous déposerions le rapport à la Chambre. Troisièmement, il faudrait une motion pour faire adopter le rapport. Quelqu'un proposerait une motion d'adoption et, si nous l'adoptions à la Chambre, alors le tout serait terminé et disponible.
C'est un processus un peu compliqué, mais c'est ainsi que nous aurions à procéder. Le Comité devra y réfléchir. J'ai toujours pensé que les témoignages publics étaient justement de nature publique. J'ai certainement appris quelque chose de nouveau aujourd'hui.
Cela dit, nous avons dépassé le temps prévu.
Je tiens à vous remercier sincèrement, monsieur Dion, d'avoir comparu et d'avoir fourni les réponses que vous pouviez apporter dans le cadre de vos responsabilités envers le Parlement. Au nom du Comité, je vous remercie du travail que vous accomplissez en tant que commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique. Nous ne sollicitons peut-être pas toujours assez souvent vos conseils, mais quand l'occasion se présente, nous, les députés, gagnons un peu plus en sagesse — je peux vous l'assurer.