Bienvenue à la 40e séance du Comité permanent des finances de la Chambre des communes.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion du Comité adoptée le mardi 27 avril 2021, le Comité se réunit pour étudier les efforts de l'Agence du revenu du Canada afin de combattre l'évitement fiscal et l'évasion fiscale. La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 janvier 2021, et les membres sont donc présents en personne dans la salle ou à distance par le biais de l'application Zoom.
Les délibérations seront disponibles sur le site Web de la Chambre des communes. J'informe les témoins — parce que les députés le savent certainement déjà — que seule la personne qui parle sera visible à l'écran, et nous vous demandons de ne pas prendre de photos de l'écran.
J'ai autre chose à dire avant de passer au rappel au Règlement de M. Julian. Quelqu'un s'est plaint du fait que j'avais fait inscrire les travaux du Comité à la dernière demi-heure de la séance. Cela tient au fait que nous devons nous en remettre à d'autres comités pour certains articles de la Loi d'exécution du budget. Pour leur donner le temps de faire leur travail, nous n'avons pas d'autre choix que de nous rencontrer à ce propos aujourd'hui. Nous n'avons pas le choix. Le temps sur Zoom est très limité, mais nous avons réussi à prolonger cette séance d'une demi-heure. Donc, pour que ce soit clair, nous consacrerons deux heures aux efforts déployés par l'Agence du revenu du Canada dans sa lutte contre l'évitement fiscal et l'évasion fiscale, comme nous nous y sommes engagés, puis nous passerons une demi-heure à parler des travaux du Comité.
Monsieur Julian, vous voulez invoquer le Règlement.
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Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le Comité.
Dans le peu de temps dont je dispose, je souhaite vous entretenir des problèmes que j'ai constatés à l'Agence du revenu du Canada en ce qui a trait à l'évasion fiscale à l'étranger.
Comme l'a indiqué le directeur parlementaire du budget, des centaines de millions, voire des milliards de dollars d'impôts ne sont pas déclarés et échappent donc au fisc canadien.
À la fin de mon exposé, je ferai part de mes suggestions au Comité pour corriger ces problèmes.
La première fois où je me suis intéressé au problème de l'évasion fiscale à l'étranger remonte à 2008, à l'époque où une banque du Liechtenstein a révélé que 106 Canadiens détenaient plus de 100 millions de dollars dans cette seule institution.
Quelques années plus tard, une autre banque en Suisse nous apprenait qu'elle détenait 1 785 comptes aux noms de Canadiens. Le montant minimum pour ouvrir un compte bancaire dans cette banque était de 500 000 $.
Puis, il y a eu les fuites des Panama Papers et des Paradise Papers, qui ont révélé l'existence de milliers de comptes concernant des milliers de Canadiens. Parmi les nombreux exemples flagrants d'inaction de la part de l'Agence du revenu du Canada, mentionnons justement l'affaire des Panama Papers, qui a éclaté il y a plus de cinq ans et qui a concerné 900 Canadiens titulaires de comptes dans ce cabinet d'avocats au Panama.
Depuis, d'autres pays dont les citoyens sont identifiés dans les Panama Papers ont récupéré plus de 1,36 milliard de dollars en impôts qui leur étaient dus. L'Australie est allée chercher plus de 172 millions de dollars, l'Équateur 105 millions de dollars et l'Espagne 209 millions de dollars. Même l'Islande, un pays de 370 000 habitants, a récupéré 32 millions de dollars. Dans le cas du Canada, cinq ans plus tard, personne n'a été accusé et personne n'a été condamné pour évasion fiscale à la suite des Panama Papers, et il n'y a pas eu d'accusations ni de condamnations liées au Liechtenstein ou à la Suisse.
Pendant ce temps, le gouvernement canadien n'a aucune idée de l'ampleur du problème de l'évasion fiscale à l'étranger. Le directeur parlementaire du budget essaie d'évaluer l'écart fiscal depuis 2012, mais l'ARC refuse de collaborer.
Pour savoir quel genre de mesures un pays peut prendre, regardez ce que l'Australie a fait pour lutter contre l'évasion fiscale à l'étranger. En 2006, elle a mis sur pied le projet Wickenby qui a présidé au rassemblement de huit organismes gouvernementaux en vue de protéger l'intégrité des systèmes financiers et réglementaires de l'Australie et de sévir contre le recours illégal aux paradis fiscaux. Pendant cette période, les Australiens ont recueilli plus de 750 millions de dollars. Plusieurs personnes ont été accusées et beaucoup ont été condamnées. Le projet Wickenby a donné naissance au Groupe de travail sur les crimes financiers graves.
Au Canada, dans le cas du Liechtenstein, l'ARC, pour reprendre ses mots, « a renoncé à demander des enquêtes criminelles en vue de recueillir des renseignements ». En d'autres termes, l'Agence a promis de ne pas faire payer les contribuables impliqués dans ce stratagème fiscal à condition qu'ils lui en expliquent le fonctionnement. Cependant, toutes les leçons tirées de l'affaire du Liechtenstein en 2008 n'ont manifestement pas été très efficaces, puisque personne n'a jamais été accusé ni condamné, pour toutes les autres fuites survenues au cours des 12 dernières années.
Comme l'ARC s'est montrée si incompétente dans le dossier de l'évasion fiscale à l'étranger, nous n'avons pas l'argent nécessaire pour financer nos priorités; deuxièmement, le reste des contribuables que nous sommes doit combler le manque à gagner en payant plus d'impôts; et troisièmement, les Canadiens se demandent pourquoi nous avons un système de justice à deux vitesses en matière d'évasion fiscale. Essayez donc de tricher sur vos impôts personnels et l'ARC vous débusquera probablement, vous accusera, vous condamnera et vous obligera à rembourser. Consultez son site Web et vous verrez ses résultats. Cachez votre argent à l'étranger et vous ne serez probablement jamais accusé ou condamné. Encore une fois, consultez son site Web et vous verrez les résultats.
Les Canadiens voudront peut-être demander pourquoi les gens sont traités différemment selon qu'ils font de l'évasion fiscale au pays ou à l'étranger.
Chers collègues, voici les mesures que je propose au Comité.
Premièrement, il faut mesurer l'écart fiscal.
Deuxièmement, il faut modifier la loi pour qu'il devienne automatiquement criminel de détenir un compte non déclaré à l'étranger et que ceux qui ne le déclarent pas purgent automatiquement une peine d'emprisonnement.
Troisièmement, il faut adopter une loi sur la propriété effective afin que nous puissions savoir qui profite réellement des transactions financières.
Enfin, il faut modifier la structure salariale de l'Agence du revenu du Canada afin de maintenir en poste des employés expérimentés et spécialisés. Un trop grand nombre d'entre eux sont recrutés par les gens d'en face pour des salaires nettement plus élevés.
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup de m'avoir permis de comparaître devant le Comité cet après-midi.
Je suis ici pour représenter les milliers de victimes de diverses fraudes découvertes en 2005. Je parle de Mount Real, de Norshield et de Cinar. Dans le seul cas de Mount Real, les pertes ont été d'environ 120 millions de dollars, et il y a eu 1 600 victimes. J'ai été du nombre.
Je crois avoir été invitée à m'adresser à ce comité pour donner mon point de vue sur ce que représente le fait d'être victime de ce genre de crime. Croyez-moi, ce n'est pas un crime sans victime. L'une des victimes de Mount Real que j'ai connues au fil des ans était un immigrant italien, venu au Canada avec très peu d'argent. Il a travaillé très fort, a bâti une bonne entreprise et a élevé une famille. Il a perdu environ 2,5 millions de dollars. Sa famille m'a dit qu'il était mort brisé. Jamais justice ne lui a été faite pour sa perte.
Il existe comme cela des centaines d'autres histoires de gens qui ont été forcés de reporter leur retraite et d'autres qui ont été forcés de retourner au travail alors qu'ils avaient plus de 70 ans. Des couples ont éclaté, des gens sont tombés malades à cause du stress et, à ma connaissance, une personne au moins s'est suicidée.
J'ai eu de la chance. J'ai perdu les 68 000 $ que j'avais dans mon REER à l'époque. Heureusement, j'ai quand même pu prendre ma retraite à l'âge de 60 ans. J'en ai maintenant 74 et je travaille sur ce dossier depuis longtemps. Au fil des ans, je suis devenue la porte-parole non officielle de nombreuses victimes.
Au cours du procès de Lino Matteo, qui était à la tête de Mount Real, j'ai écouté les déclarations de certaines victimes. C'était déchirant de voir des hommes septuagénaires s'effondrer en pleurs parce qu'ils avaient perdu ce qu'ils avaient imaginé laisser en héritage à leurs enfants. La stigmatisation de ce genre de victimes est bien réelle, et de nombreuses victimes n'ont toujours pas parlé de leur perte à leur famille.
Où est allé tout l'argent? La GRC nous a dit qu'elle n'était pas en mesure d'enquêter sur ces fraudes massives parce qu'elle n'a pas les ressources nécessaires pour retracer l'argent sorti du pays. Le syndic de Mount Real était Raymond Chabot Grant Thornton qui n'est parvenu à récupérer que 5 millions de dollars environ sur les 120 millions disparus. Les coûts liés au recouvrement de ces fonds, en honoraires d'avocat et de syndic, se sont élevés à environ 3,5 millions de dollars, ce qui n'a laissé que très peu pour les victimes.
Je suis très reconnaissante du travail des journalistes d'enquête de The Fifth Estate et d'Enquête, qui ont peut-être permis de savoir où une partie de cet argent a abouti.
Je suis reconnaissante au comité des finances de m'avoir permis de témoigner aujourd'hui, et j'espère que l'enquête, qui a commencé en 2016, sera rouverte dans certains paradis fiscaux à l'étranger.
Merci beaucoup.
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Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant ce comité.
Je suis l'associée directrice canadienne du groupe Fiscalité de KPMG.
Avant de commencer mon témoignage, j'aimerais dire à Mme Watson et à toutes les autres victimes de la fraude de Cinar à quel point je compatis avec elles. Nous savons que vous cherchez des réponses depuis longtemps. J'aurais aimé pouvoir vous aider. Nous n'avons tout simplement aucun lien avec Cinar. Nous n'étions ni leur auditeur ni leur conseiller fiscal, et nous n'avons aidé aucun des fraudeurs à prendre votre argent ou à le cacher.
À KPMG, nous veillons à ce que nos clients puissent fonctionner dans le cadre du régime fiscal, atteindre leurs objectifs et verser les impôts qu'ils sont tenus de payer. C'est le travail tout à fait légal de planification fiscale que nous effectuons quotidiennement pour nos clients, partout au Canada, conformément aux politiques, aux pratiques et à la culture de KPMG qui garantissent les standards les plus élevés d'intégrité, de conformité et de professionnalisme.
En notre qualité de CPA, et à l'instar de la plupart des professionnels, nous sommes tenus de protéger la confidentialité des renseignements concernant nos clients et nos anciens clients. Nous prenons cette obligation au sérieux, mais lorsque nous recevons une ordonnance nous obligeant à divulguer des renseignements sur nos clients, nous nous y conformons. En février 2017, par exemple, conformément aux exigences de l'ARC, nous avons fourni à l'ARC tous les noms et tous nos dossiers liés à la mise en œuvre des structures de sociétés étrangères à l'île de Man.
J'aimerais aussi parler des reportages récents de Radio-Canada, qui sont axés sur quatre sociétés, appelées les entreprises « écrans », qui ont été établies dans l'île de Man au début des années 2000. Il est allégué que ces entreprises ont été utilisées pour faciliter la fraude de Cinar. Je ne sais pas si c'est vrai. Je sais que toute insinuation voulant que KPMG ait eu quoi que ce soit à voir avec la fraude de Cinar est fausse. Il est également faux de laisser entendre que KPMG ait participé de quelque façon que ce soit aux entreprises « écrans ».
Nous pouvons affirmer cela en toute confiance, sachant que nous avons exécuté des procédures de diligence raisonnable complètes et détaillées à l'égard des dossiers, des documents et du personnel de KPMG. Nous avons passé au peigne fin des millions de pages de documents. Nous avons vérifié nos systèmes de temps et de facturation. Nous avons examiné nos bases de données de dossiers clients. Nous avons interrogé des gens. Nous avons également pris l'initiative supplémentaire d'examiner les documents d'entreprise de l'île de Man qui sont accessibles au public. Au terme de toutes ces démarches, nous n'avons rien trouvé qui laissait penser que KPMG était associé de quelque façon que ce soit aux sociétés-écrans.
Nous avons communiqué ces informations à CBC/Radio-Canada, en lui faisant clairement comprendre qu'elle se trompait, mais elle a persisté à publier des articles irresponsables et trompeurs. En conséquence, nos avocats ont signifié un avis de diffamation à CBC/Radio-Canada la semaine dernière. Les allégations de CBC/Radio-Canada s'appuient à tort sur des courriels, écrits 15 ans après les faits, d'une femme nommée Sandra Georgeson, et sur des similitudes entre les sociétés-écrans et des sociétés clientes de KPMG.
Laissez-moi aborder les erreurs une à une. KPMG, comme d'autres cabinets, a couramment recours au soutien de fournisseurs de services aux entreprises afin de mettre sur pied et d'aider à administrer des sociétés pour des clients. De nombreux cabinets font ce travail aux quatre coins du monde. Mme Georgeson a travaillé pour l'un d'entre eux sur l'île de Man. Au début des années 2000, KPMG offrait un plan fiscal juridique, connu sous le nom de « structure de société étrangère ». Les structures de sociétés étrangères nécessitaient la constitution de sociétés sur l'île de Man, et les services du cabinet de Mme Georgeson ont été retenus à cette fin. Quinze ans plus tard, son nouvel employeur lui a demandé de dresser une liste de ces sociétés. En 2015, elle avait pour souvenir que les sociétés-écrans étaient des exemples de structures de sociétés étrangères mises sur pied par KPMG. Il n'en était rien.
Dans son reportage, CBC/Radio-Canada soutient que les numéros d'inscription séquentiels, les administrateurs nommés, les signataires et les adresses de dépôt sont des similitudes entre les structures de sociétés étrangères et les sociétés-écrans qui prouvent que KPMG a mis sur pied ces sociétés. CBC/Radio-Canada a tout simplement tort de tirer une telle conclusion.
Ces similitudes existent parce que quiconque a inscrit les sociétés-écrans a eu recours au même fournisseur de services aux entreprises que KPMG. Le fait est que nos procédures de diligence démontrent que les sociétés-écrans n'appartiennent pas à KPMG ni n'y sont rattachées de quelque façon que ce soit.
J'aimerais que nous puissions contribuer à rendre aux victimes de cette fraude leur argent et à traduire les auteurs en justice. Mais nous ne le pouvons pas. KPMG n'a en sa possession aucune information qui pourrait aider à l'enquête Cinar.
Si l'on met de côté les théories non fondées de CBC/Radio-Canada sur Cinar, la grande question qui se pose devant le Comité aujourd'hui est celle de savoir comment le Canada peut contrer l'évitement fiscal abusif et l'évasion fiscale.
Nous saluons l'examen de cette importante question par le Comité. Nous partageons le souhait du Comité et nous sommes heureux d'avoir l'occasion de contribuer à la discussion d'aujourd'hui.
Merci.
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Merci de nous avoir invités.
Je m'appelle Debi Daviau et je suis présidente de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, ou IPFPC. C'est le syndicat national qui représente quelque 12 000 vérificateurs et autres fiscalistes de l'Agence du revenu du Canada, l'ARC, partout au pays. Nos membres sont des professionnels qualifiés et des fiscalistes avertis qui veillent à ce que les puissantes sociétés et les particuliers les plus fortunés demeurent tout aussi responsables que le reste d'entre nous.
Je suis accompagnée aujourd'hui par M. Ryan Campbell, notre économiste syndical et mon conseiller technique pour l'occasion.
Nous vous remercions de nous donner l'occasion de nous exprimer sur cette question cruciale. Ensemble, nous serons heureux de répondre à toutes vos questions après notre exposé.
Nous avons étudié la question du point de vue des fiscalistes de l'ARC, et produit trois rapports sur l'évitement fiscal et l'évasion fiscale. Vous pouvez les trouver sur notre site Web à l'adresse IPFPC.ca. Je serai heureuse d'en faire parvenir des exemplaires aux membres du Comité par suite de cette réunion.
Peu de Canadiens aiment payer des impôts, mais ils comprennent qu'il est important de le faire. Les impôts financent les services publics qui nous permettent d'assurer notre santé et notre sécurité, de protéger l'environnement et de favoriser une économie stable dans laquelle les entreprises peuvent prospérer et être concurrentielles.
Un régime fiscal sain se définit par l'équité et l'intégrité. Les règles doivent s'appliquer à tous. Malheureusement, de nombreux particuliers et sociétés fortunés utilisent leurs ressources supérieures pour trouver un abri ou un refuge où les règles fiscales ne s'appliquent pas. Pendant que ces quelques privilégiés obtiennent une réduction d'impôt, les gouvernements perdent des revenus qui permettraient de financer les services publics, ce qui entraîne des réductions de services ou des hausses d'impôt pour tous les autres.
En février 2018, nous avons mené un sondage auprès des employés professionnels de l'ARC, y compris des vérificateurs, des gestionnaires, des juricomptables, des économistes, des statisticiens et des actuaires. Leurs réponses ont été révélatrices.
Selon une grande partie des critiques formulées à l'égard du régime fiscal du Canada, on dit que bien qu'il soit conçu pour être équitable, il est plus facile pour certains de contourner les règles que pour d'autres. Dans notre sondage, neuf fiscalistes sur dix à l'Agence du revenu du Canada ont convenu qu'il est plus facile pour les sociétés et les particuliers fortunés de se soustraire à leurs responsabilités fiscales que pour les Canadiens moyens. Environics Research a posé la même question au grand public et a constaté que 8 répondants sur 10 étaient du même avis.
Vous devriez trouver troublant que les professionnels de l'ARC ayant une connaissance particulière des rouages internes du régime fiscal soient plus susceptibles d'être d'accord avec cette affirmation qu'un Canadien moyen. Plus de huit sur dix ont également convenu que les sociétés et les Canadiens les plus riches profitent de façon disproportionnée des crédits d'impôt, des exonérations et des échappatoires fiscales par rapport aux Canadiens moyens.
Lorsqu'on leur a demandé si les sociétés multinationales transféraient des bénéfices dans des administrations à faible taux d'imposition, trois répondants sur quatre ont répondu par l'affirmative, même lorsqu'il y a peu ou pas d'activité économique correspondante dans cette région. Lorsqu'on leur a demandé si l'ARC avait une capacité d'audit suffisante pour veiller à ce que les lois fiscales soient appliquées équitablement partout au pays, seulement 16 % ont répondu par l'affirmative. Lorsqu'on leur a soumis que la formation et les progrès technologiques à l'ARC n'avaient pas suivi la complexité croissante des stratagèmes d'évitement fiscal, 79 % des répondants ont répondu par l'affirmative.
Tous ces résultats confirment un fait fondamental pour les Canadiens, à savoir qu'un examen rigoureux du régime fiscal s'impose.
Nos professionnels de l'ARC sont parmi les meilleurs au monde dans leur domaine, mais ils font face à de grands défis. Leur travail consiste à prendre en défaut des personnes et des entités qui ont en fait des ressources illimitées et qui peuvent exploiter de façon agressive les zones grises juridiques et internationales à leur propre avantage. En comparaison, les employés de l'ARC se sentent souvent dépassés par ceux qui essaient le plus d'éviter de payer de l'impôt.
En 2012, des compressions budgétaires à grande échelle ont été imposées à l'Agence. Malgré les récents réinvestissements du gouvernement, elle n'a toujours pas tous les outils et le personnel dont elle a besoin pour faire ce travail.
Est-il normal que les propres chiffres du directeur parlementaire du budget indiquent un rendement de 5 $ pour chaque dollar investi dans la lutte contre l'évasion fiscale internationale et l'évitement fiscal agressif? Est-ce normal à un moment où les dépenses du gouvernement ont grimpé en flèche pour faire face aux répercussions sociales et économiques de la pandémie?
Nous devons régler ce problème maintenant. Plus que jamais, les Canadiens ont besoin des dizaines de milliards de dollars de revenus fiscaux, voire davantage, qui dorment dans des paradis fiscaux à l'étranger.
Nous croyons qu'un certain nombre de mesures peuvent être prises pour corriger la situation.
Premièrement, nous devons mieux appliquer les lois fiscales déjà en vigueur. Une des façons les plus simples de rendre le système plus équitable consiste à s'assurer que les mêmes règles s'appliquent à tout le monde.
Deuxièmement, nous devons faire obstacle à l'ingérence politique à l'ARC, un problème particulièrement visible au cours de la décennie précédente, lorsque l'ARC a été accusée de délaisser les grandes fraudes fiscales pour se concentrer plutôt sur les particuliers, les organismes de bienfaisance et les petites entreprises.
Troisièmement, étant donné que les fonctionnaires de l'ARC se trouvent souvent dans des situations précaires où on leur demande de demander des comptes à des intervenants puissants dans un contexte où les enjeux sont élevés, la protection des dénonciateurs est cruciale pour assurer l'intégrité professionnelle au cours du processus d'évaluation fiscale.
Quatrièmement, même si les investissements du gouvernement dans l'ARC ont augmenté dans les récents budgets fédéraux, la population du Canada continue de croître, tout comme le volume du commerce et la complexité des stratagèmes d'évasion fiscale. L'ARC doit embaucher plus de conseillers techniques et investir dans la technologie et la formation pour composer avec ces facteurs.
Cinquièmement, l'ARC doit accroître la capacité de ses bureaux régionaux. La vérificatrice générale a constaté que les contribuables sont traités différemment par l'ARC, selon l'endroit où ils vivent et qui ils sont. Ses bureaux régionaux ont besoin de ressources suffisantes pour veiller à ce que les lois soient appliquées équitablement d'un océan à l'autre.
Enfin, un certain nombre de réformes doivent être menées. Dans le budget de 2021, le gouvernement a annoncé des initiatives qui, lorsqu'elles seront mises en œuvre, permettront de prendre des mesures concrètes en faveur de l'équité fiscale. Il s'agit notamment d'une taxe sur les services numériques pour des entreprises comme Netflix et Amazon et de la création d'un registre de propriété effective des sociétés accessible au public. Ce sont deux initiatives importantes que les membres de l'IPFPC et nos alliés de la société civile défendent depuis longtemps.
Bien que ces changements soient les bienvenus, nous avons encore du travail à faire. Le directeur parlementaire du budget estime que les paradis fiscaux font perdre au Trésor jusqu'à 25 milliards de dollars d'impôt des sociétés chaque année. Nous devons faire davantage pour mettre fin aux prix de transfert et au transfert de bénéfices qui facilitent cette pratique destructrice.
À l'heure actuelle, des mesures progressives sont prises, mais diverses mesures supplémentaires pourraient être mises en place. Le résultat final serait un nouveau portrait simplifié du paysage commercial mondial, dans le cadre duquel il est possible d'empêcher les sociétés de monter les pays les uns contre les autres et sont imposées équitablement partout.
En conclusion, les professionnels de l'ARC doivent recevoir la formation, les outils et les ressources dont ils ont besoin pour faire leur travail. L'ARC doit recevoir un financement suffisant pour veiller à ce que les lois fiscales soient appliquées équitablement et à ce que les personnes riches et les sociétés puissantes soient aussi responsabilisées que tous les autres Canadiens.
De plus, il faut une coopération internationale et des mises à jour législatives pour que ceux qui font le plus d'efforts pour éviter de payer des impôts finissent par payer leur juste part de toute façon.
Merci de votre intérêt. M. Campbell et moi serons heureux de répondre à vos questions.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à revenir vous parler aujourd'hui. Je m'appelle James Cohen et je suis directeur exécutif de Transparency International Canada. TI Canada est un organisme de bienfaisance enregistré et la section canadienne de Transparency International, le plus important mouvement anticorruption au monde.
La publication des Panama Papers en 2016 a constitué une plongée explosive dans les tractations des administrations qui agissent en secret et d'une armée de facilitateurs qui cachent les fruits illicites de crimes comme l'évasion fiscale, la corruption et la fraude. Parmi les révélations qui sont ressorties de la multitude de documents ayant fait l'objet de fuites, on a appris que le Canada était ouvertement décrit comme un pays où les secrets sont protégés par Mossack Fonseca, la firme au cœur des Panama Papers.
Le Toronto Star et des journalistes de la CBC ont constaté que Mossack Fonseca faisait la promotion du Canada auprès de ses clients comme un endroit de prédilection pour conserver de l'argent sale, en raison de notre réputation généralement positive, mais aussi, fait important, de la faiblesse de nos lois en matière de divulgation et de notre régime d'observation. Les correspondances publiées par les médias à l'appui de cet avis datent de 2012. TI Canada est en train de réexaminer ce phénomène des agences de constitution de sociétés-écrans à l'étranger qui font la promotion de l'opacité du Canada, et nous constatons que rien n'a changé depuis. Le terme utilisé dans les Panama Papers pour désigner le blanchiment d'argent et l'évasion fiscale au Canada, le phénomène visant à rendre l'argent « blanc comme neige », est toujours bien vivant.
Toutefois, depuis le 19 avril, le Canada est en meilleure position. TI Canada et ses partenaires de la société civile applaudissent avec enthousiasme la proposition du gouvernement d'établir un registre de propriété effective des sociétés accessible au public dans le budget de 2021. Le Canada a été critiqué par les organisations internationales, la société civile et ses pairs pendant des années, et nous avons maintenant fait un grand pas pour corriger la situation.
Bien sûr, le gouvernement fédéral ne peut pas assurer à lui seul la transparence relative à la propriété effective des sociétés et s'attendre à ce que le problème soit réglé. Les provinces et les territoires doivent participer à cette initiative. Heureusement, il y a déjà un élan, car le Québec est sur le point de rendre publics les renseignements sur la propriété effective des sociétés par l'entremise du projet de loi 78, et le registre de transparence de la propriété foncière de la Colombie-Britannique a été mis en ligne la semaine dernière. Nous espérons que ces mesures seront également suivies d'un registre public de propriété effective des sociétés.
Pour les maîtres de l'évasion fiscale, les kleptocrates et les fraudeurs en général, il devient de plus en plus difficile de trouver un endroit au monde où cacher leur argent. En 2016, le Royaume-Uni a été le premier pays à établir un registre public de propriété effective des sociétés. Les territoires d'outre-mer et les dépendances de la Couronne du Royaume-Uni, qui comprennent certains des territoires secrets les plus connus, comme l'île de Man, ont également accepté d'établir des registres de propriété effective des sociétés accessibles au public. Dans une déclaration conjointe, les Dépendances de la Couronne ont affirmé leur volonté de se conformer d'ici 2023 à la directive 5 de l'Union européenne sur la lutte contre le blanchiment d'argent, qui exige que tous les membres de l'Union européenne établissent un registre public de propriété effective des sociétés.
À la lumière de cette tendance, nous constatons qu'après avoir été considéré comme un retardataire pendant des années, le Canada a la chance de se hisser à la tête du mouvement de transparence relative à la propriété effective. Même si je ne dirais jamais d'un outil qu'il constitue une solution miracle pour résoudre les problèmes de l'évasion fiscale et du blanchiment d'argent, un registre accessible au public peut assurément constituer un moyen puissant, à la condition toutefois d'être bien conçu. Nous pouvons apprendre beaucoup de nos pairs du Royaume-Uni et de l'Union européenne et nous assurer que notre registre est constitué de données vérifiées et prévoir des conséquences sévères pour ceux qui essaient de falsifier de l'information. Le registraire du Canada doit également pouvoir compter sur un personnel qui peut mener des enquêtes proactives, et une ligne de dénonciation doit être établie pour que les gens puissent fournir des renseignements sur les personnes soupçonnées d'évasion fiscale afin que puissent être menées les enquêtes qui s'imposent.
Ce sera une année importante pour les forums internationaux qui se pencheront sur la transparence relative à la propriété effective, la corruption, le blanchiment d'argent et l'évasion fiscale. Il y aura la réunion du G7 organisée par le Royaume-Uni, la session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations unies sur la corruption, le Sommet sur le partenariat pour un gouvernement ouvert en Corée du Sud et, éventuellement, le Sommet des démocraties organisé par le président des États-Unis, M. Biden. Cette année, le Groupe d'action financière, l'organisme mondial de normalisation en matière de lutte contre le blanchiment d'argent, se penchera également sur les recommandations concernant la transparence relative à la propriété effective, ce qui pourrait faire des registres publics la nouvelle norme. Le Canada est maintenant en position, au sein de ces groupes, de réclamer une plus grande transparence de la part des autres afin de continuer à empêcher les fraudeurs fiscaux, les kleptocrates et les escrocs de se cacher.
Je vous remercie. Je serai heureux de répondre aux questions des membres du Comité.
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Ce qui s'est produit, bien sûr, c'est que d'autres pays du monde évaluaient leurs écarts fiscaux. Comme vous le savez, c'est la différence entre ce que votre agence nationale du revenu perçoit et ce qu'elle devrait percevoir, d'où l'écart.
L'analyse de l'écart fiscal indique aussi à quel point votre agence du revenu est efficace et efficiente — autrement dit, dans quelle mesure elle fait du bon travail. Le Royaume-Uni, la Turquie, la Suisse — une foule de pays —, les États-Unis, et même l'État de la Californie, mesurent leurs écarts fiscaux et jugent tous que c'est un outil utile. Il y a quelques années, j'ai demandé au directeur parlementaire du budget de le faire aussi. Je ne voulais pas que ce soit l'ARC qui le fasse, pour une foule de raisons que je serais heureux d'expliquer plus en détail si cela vous intéresse. Je voulais que le directeur parlementaire du budget en fasse une analyse indépendante. Or, le directeur parlementaire du budget n'a pas pu obtenir la collaboration de l'Agence du revenu, en dépit de l'avis juridique qui lui donnait le droit d'accéder à l'information de façon confidentielle. Il n'est pas question ici de s'intéresser aux contribuables individuels, mais plutôt de dresser un portrait global de la situation. Cela ne s'est pas produit. Nous n'avons pas obtenu d'analyse indépendante.
Sous la pression du public, l'Agence du revenu du Canada a commencé à mener des analyses ponctuelles de l'écart fiscal. Par exemple, l'Agence a mené une analyse des cotisations des sociétés, une autre des droits d'accise, et ainsi de suite. L'Agence en a mené six en tout, et selon elle, l'écart fiscal se situe entre 20 et 24 milliards de dollars. Il y a toute une série d'autres analyses de l'écart fiscal qui doivent être menées, et c'est le directeur parlementaire du budget qui devrait les faire pour que nous ayons une meilleure vue d'ensemble.
L'autre chose qu'il ne faut pas oublier au sujet de l'écart fiscal, c'est qu'à l'instar des sondages politiques, les résultats comptent moins que les tendances. Combien d'argent l'ARC perçoit-elle, et est-ce que l'écart s'accroît ou rétrécit?
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Le principal aspect qui a été préconisé par les vérificateurs de l'Agence du revenu du Canada, par suite de leurs travaux, est de mettre l'accent sur l'évasion fiscale des sociétés. L'échelle est beaucoup plus grande. Le directeur parlementaire du budget a déterminé que jusqu'à 25 milliards de dollars par année pourraient être libérés des paradis fiscaux si les dispositions appropriées étaient en place. Pour ce faire, il est vraiment nécessaire de réorienter la structure du régime fiscal et de réformer ce dernier.
À l'heure actuelle, lorsqu'une société internationale fait une vente, elle a le pouvoir discrétionnaire de transférer le profit ou de modifier le prix dans les chaînes d'approvisionnement internes pour comptabiliser la valeur de cette vente dans un pays où les impôts sont peu élevés. Les vérificateurs de l'ARC doivent jouer au chat et à la souris pour essayer de déterminer exactement quelle était la juste valeur marchande de cette transaction et si elle se situait ou non à ce niveau.
Pour faire pencher la balance en faveur de l'imposition équitable des entreprises partout, il faut une combinaison précise de réformes différentes qui peuvent être mises en place, ou de principes généraux qui, mis ensemble, contribueraient à résoudre le problème.
Parmi eux, il y a d'abord la répartition des bénéfices selon une formule, qui représente essentiellement un changement par rapport aux critères actuellement utilisés au Canada pour déterminer comment les bénéfices des sociétés sont comptabilisés d'une province à l'autre.
Il y a aussi l'application d'un traitement unitaire pour s'assurer que, lorsque ces transactions sont conclues entre une société mère et une filiale, ce qui aboutit à ce prix de transfert et à la comptabilisation des profits dans des pays à faible imposition plutôt que là où le commerce se fait réellement, les sociétés sont traitées globalement comme une entité unitaire...
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je veux d'abord saluer tous nos invités et les remercier de leurs présentations. Je les remercie aussi d'être avec nous aujourd'hui.
Madame Watson, votre témoignage était des plus percutants. Souhaitons que justice soit faite.
Je tiens également à saluer notre collègue Elizabeth May, qui est parmi nous.
Enfin, j'aimerais rappeler que mon collègue Stéphane Bergeron présente à la Chambre la motion M-69, qui reprend la plupart des mesures qui ont été suggérées par les invités pour combattre l'évitement fiscal et l'évasion fiscale.
Mes questions s'adressent à la représentante de KPMG.
Madame Iacovelli, je vous demande, ainsi qu'à KPMG Canada, de fournir au Comité permanent des finances les informations suivantes.
KPMG a mis en place des stratagèmes fiscaux qui constituent un véhicule financier permettant à certains de ses clients de réduire leur impôt à payer. Pour chaque dossier où KPMG Canada a créé ou a contribué à créer, directement ou indirectement, une ou plusieurs sociétés à l'île de Man, ce qui a ainsi permis à un ou plusieurs contribuables canadiens de dissimuler des fonds ou de réduire leur impôt à payer, je vous demande de fournir au Comité tous les documents utilisés dans ces planifications; de fournir la liste des sociétés qui ont été créées au moyen de ces stratagèmes; de fournir la liste des directeurs et administrateurs liés à ces stratagèmes; de fournir la liste de toutes les personnes qui en ont bénéficié directement ou indirectement; et de fournir les honoraires perçus par KPMG pour chacune de ces planifications.
Je vous demande également de nous fournir ces informations complètes pour chacune des planifications de ce genre qui ont été effectuées dans un pays ou un territoire autre que l'île de Man et de mentionner le pays ou le territoire pour chacune de ces planifications. Évidemment, le greffier pourra vous faire parvenir cette demande. Si vous n'êtes pas en mesure d'y répondre en totalité maintenant, je vous demande de faire parvenir vos réponses par écrit au Comité permanent des finances le plus rapidement possible ou d'ici 30 jours.
En prenez-vous note?
Je vais donc poursuivre mes questions.
Je vais passer à Mme Iacovelli. Comme M. Ste-Marie l'a mentionné, lorsqu'un comité demande de l'information, il est important de donner suite à cette demande. Comme vous le savez, il y a une liste de juridictions non coopératives sur le plan fiscal, dans laquelle sont essentiellement énumérés les paradis fiscaux dans le monde.
J'ai une série de questions. De plus, nous ferons un suivi en envoyant une lettre à laquelle nous aimerions que KPMG réponde.
Tout d'abord, combien de sociétés clientes ou de sociétés fictives — vous les avez appelées « sociétés clientes » — qui existent actuellement à l'île de Man et dans toutes les autres juridictions fiscales qui sont des « juridictions non coopératives » ont été mises sur pied par KPMG? C'est ma première question.
Deuxièmement, combien ont été établies depuis 1999 — encore une fois, dans la même liste — par KPMG à l'échelle internationale?
Combien ont été dissoutes ou liquidées depuis 1999? C'est ma troisième question.
Ma quatrième question est la suivante: combien de clients canadiens de KPMG investissent dans des paradis fiscaux à l'étranger, qu'il s'agisse de comptes bancaires à l'étranger ou de sociétés fictives — vous les avez appelées « sociétés clientes » — et combien de règlements extrajudiciaires KPMG a-t-elle négociés au nom de ces clients avec Revenu Canada?
Ce sont les questions au sujet desquelles nous vous demanderons de faire un suivi.
Je remarque également que vous êtes ici volontairement. Nous vous en sommes très reconnaissants. Nous allons convoquer d'autres témoins de KPMG, je crois, y compris Serge Bilodeau, qui dirige votre bureau de Montréal, et nous apprécions cette collaboration.
Pouvez-vous aussi nous dire, lorsqu'un avis de conserver des documents est reçu, comment il est observé au sein de KPMG à l'échelle internationale?
Ma dernière question porte sur Parrhesia, qui, comme vous l'avez reconnu, est une entreprise cliente de KPMG constituée en société à la même date que les sociétés-écrans, soit le 17 décembre 2001. Tout d'abord, vous avez dit dans votre témoignage qu'il s'agissait d'un agent d'inscription ordinaire que KPMG avait approché, puis vous avez dit que personne n'avait été engagé pour constituer Parrhesia en personne morale. Pourriez-vous clarifier cela, s'il vous plaît? Qui, au sein de KPMG, a pris des mesures pour constituer cette entreprise cliente en société?
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Merci, monsieur le président.
Bienvenue à tous nos témoins de cet après-midi.
Madame Watson, j'ai été très troublée d'entendre votre témoignage, car je travaille dans le secteur des services financiers depuis plus de 25 ans. Je ne sais pas si mes collègues le savent, mais j'ai commencé en 1984 comme courtière en valeurs mobilières adjointe et j'ai gravi les échelons jusqu'à occuper un poste de premier plan du côté de la vente, travaillant notamment pour de grandes entreprises appartenant à de grandes banques et des entreprises indépendantes. Je travaillais dans l'industrie en 2005, et lorsque l'histoire de Mount Real, Norshield et Cinar a été mise au jour. Je supervisais des gestionnaires de portefeuille et des conseillers financiers. L'un des principaux rôles et responsabilités que j'avais en tant que professionnelle inscrite auprès de l'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières était de m'assurer que les personnes que je supervisais faisaient les bonnes choses.
Cela signifiait notamment que lorsque de nouveaux comptes m'étaient apportés pour être examinés et ouverts, je devais m'assurer de savoir à qui ils appartenaient. Il fallait lever le voile sur l'identité de la société. Lorsque j'ai entendu le témoignage d'aujourd'hui selon lequel nous n'avons pas de registre public dans lequel figurent les propriétaires de certaines de ces sociétés fictives, je peux vous dire que par l'entremise de l'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières ou l'OCRCVM, c'est ce que nous faisions. Nous pourrions peut-être alors commencer par travailler directement avec ce dernier et l'Autorité des marchés financiers du Québec.
En ce qui concerne KPMG, madame Iacovelli, je sais que vous avez dit dans votre témoignage que vous ne conseillez pas à vos clients — des clients fortunés ou n'importe quel type de clients — d'avoir recours à des stratagèmes d'évitement fiscal, mais que ceux-ci font appel à vous pour obtenir des conseils et des avis professionnels... Quel genre de mécanismes de contrôle sont appliqués dans des entreprises comme KPMG lorsque des gens communiquent avec vous pour obtenir des renseignements fiscaux, afin de s'assurer que ces personnes ne dépassent pas les limites ou l'esprit de la loi? Y a-t-il des mécanismes de contrôle lorsque vous donnez ce genre de conseils aux clients?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Madame Watson, je veux vous dire que nous allons tout faire pour aller au fond de cette histoire. Nous ne lâcherons pas. Vous pouvez compter sur nous, peu importe le temps que cela prendra, nous ne lâcherons pas.
Madame Iacovelli, je tiens à vous dire à quel point je suis déçu de vos réponses. M. Julian vous a posé des questions, et vous dites que vous n'avez rien dans les Panama Papers, parce que la liste n'existe pas. Elle a pourtant été divulguée par le Consortium international des journalistes d’investigation. Je n'en reviens pas de l'ampleur de vos manoeuvres d'obstruction. Votre comportement devant le Comité fait que j'ai bien de la difficulté à vous croire.
Mme Watson l'a dit. Vous aviez les sociétés Norshield et Mount Real comme clients. Elles ont volé de l'argent au petit monde, et quand elles ont été jugées coupables, pouf! l'argent a disparu. Vous nous dites que KPMG n'est liée ni de près ni de loin à l'argent qui est disparu. Or, les reportages de CBC/Radio-Canada révèlent que les entreprises fantoches ont été créées la même journée que d'autres, et que l'on a la preuve que c'est vous qui les avez créées.
Je ne vous crois pas. Je ne vous crois pas.
Je veux que l'on aille au fond de cette histoire.
Nous allons vous envoyer les questions, auxquelles on va vous demander de répondre. Je vous rappelle que votre code de conduite, qui vous dit de ne pas répondre, ce n'est pas la loi. Votre code de conduite n'est pas régi par la loi. J'espère que nous aurons des réponses à nos questions.
De plus, madame Iacovelli, vous dites que tout ce que vous faites est légal. Oui, et pourquoi? C'est parce que vous êtes au Canada.
Aux États-Unis, quand KPMG a fait la même chose, l'équivalent de l'Agence du revenu du Canada, l'Internal Revenue Service, ou IRS, a déposé des accusations criminelles contre les dirigeants de KPMG et contre l'entreprise, la menaçant même de poursuites à titre d'organisation criminelle, ce qui aurait entraîné sa dissolution.
Les États-Unis se sont tenus debout, et cela a entraîné des changements. Les gens ont remboursé et payé des pénalités. La société KPMG, pour ne pas être dissolue, a accepté de démanteler trois de ses divisions, et de ne plus vendre de services de planification fiscale. Elle a payé près de 500 millions de dollars en dommages au gouvernement, et a accepté d'avoir en permanence, pendant trois ans, un agent de l'IRS ayant un accès illimité à tous ses dossiers. C'est ce que l'Agence du revenu du Canada devrait faire, ici, pour aller au fond des choses.
Des accusations criminelles ont été maintenues contre les neuf dirigeants: deux ont été innocentés, six ont dû payer des amendes totalisant 25 millions de dollars, et un a été emprisonné. C'est ce qui devrait être fait ici, si l'Agence du revenu du Canada et la avaient un peu de tonus.
Qu'avez-vous à répondre à cela?
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Oui, un registre accessible au public ferait beaucoup pour lutter contre l'évasion fiscale et le blanchiment d'argent de plusieurs façons.
À l'heure actuelle, seules les institutions financières sont tenues de faire preuve de diligence raisonnable en matière de propriété effective en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Heureusement, des modifications entreront en vigueur en juin, et toutes les entreprises et professions non financières désignées devront faire preuve de la même diligence raisonnable. Cela comprend les agences comptables, les entreprises de services monétaires et les agents immobiliers. Les professionnels du droit doivent faire preuve de cette diligence raisonnable. En raison de la décision de la Cour suprême, ils n'ont pas besoin de produire des déclarations d'opérations douteuses.
Cela met beaucoup de pression sur toutes les professions pour qu'elles fassent preuve de diligence raisonnable et, maintenant, les données sont disponibles. Ils ne peuvent pas dire: « J'ai essayé avec un client; je ne sais pas ».
Une fois le registre en place, il sera très important que ces données soient vérifiées au moyen de diverses méthodes, afin que tous les organismes qui doivent faire rapport, et même les gens qui cherchent à investir, comme Mme Watson, aient la capacité de faire preuve de diligence raisonnable également.
À bien des égards, cela dissuadera ces mauvais joueurs de venir au Canada. Il est à espérer que ceux qui veulent encore profiter du système se feront prendre.
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Je vous remercie de cette question.
En ce qui concerne l'évasion fiscale dans son ensemble, je ne prétends pas être un expert en la matière, pour ce qui est des échanges d'information dont a parlé Mme Iacovelli.
En ce qui concerne les registres de propriété effective et la tendance actuelle, le Royaume-Uni a été le premier pays à établir un registre public. L'Union européenne a ensuite émis la directive 5 sur le blanchiment d'argent qui fait en sorte que tous les membres de l'Union européenne disposent maintenant d'un registre public. Pour le moment, ils en sont à différentes étapes de cette procédure. Comme je l'ai mentionné dans mon introduction, les dépendances de la Couronne du Royaume-Uni et les territoires d'outre-mer ont subi des pressions pour emboîter le pas ou pour coopérer à cet égard.
Il n'y a pas seulement ces pays. Certains pays signataires du Partenariat pour un gouvernement ouvert se sont engagés à mettre en place des registres. Par exemple, le Mexique et le Kenya sont en train de le faire. L'initiative pour la transparence dans les industries extractives, dont le Canada est membre ou président et à laquelle il verse des fonds, oblige ses 54 membres signataires à divulguer des renseignements sur les sociétés qui souhaitent obtenir des droits d'extraction pétrolière ou minière et leur recommande de mettre en place un registre de propriété effective. Un grand nombre de pays utilisent cet outil pour lutter contre l'évasion fiscale, dont certains pays considérés comme les pires fraudeurs fiscaux.
Les États-Unis viennent d'adopter le Corporate Transparency Act, qui prévoit l'établissement d'un registre privé centralisé. Les pays vers lesquels un fraudeur fiscal cherchera à transférer ses fonds, là où un élu malhonnête ne pourra pas mettre son nez dans son compte bancaire, sont de moins en moins nombreux. C'est donc une bonne chose que le Canada se soit joint à ce groupe.
Eh bien, voilà 16 ans que la fraude a été démasquée. La plupart d'entre nous avons essayé de passer à autre chose. Plusieurs de nos victimes sont décédées. Comme il fallait investir un minimum de 50 000 $, la plupart des investisseurs étaient dans la cinquantaine, voire plus âgés. Beaucoup nous ont quittés.
J'ai entendu des histoires incroyables. Il y avait par exemple le survivant d'un camp de prisonniers japonais qui avait épousé quelqu'un qui avait survécu à l'Holocauste, un homme incroyable. Les gens que j'ai rencontrés en cours de route ont été extrêmement gentils et serviables, et très reconnaissants de ce que je fais pour les tenir au courant.
Il y avait un chanteur bien connu au Québec qui a gardé son histoire en secret pendant longtemps, jusqu'à ce qu'on ait une rencontre. Il a rencontré plusieurs autres victimes et il s'est rendu compte qu'il s'agissait de gens ordinaires. Ce sont des hommes d'affaires, des médecins, des avocats, des dentistes et autres professionnels qui ont été des victimes comme lui, alors il a raconté son histoire publiquement.
Nous avons tout fait comme il fallait. Tous nos représentants financiers étaient inscrits auprès de l'Autorité des marchés financiers. Ils faisaient tous partie de ces associations professionnelles. Mount Real était cotée en bourse. Rien n'indiquait que cette entreprise était une énorme combine à la Ponzi jusqu'à ce qu'il soit trop tard.
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D'accord, nous sommes saisis d'une motion.
Je vais en parler en ma qualité de président. Vous pouvez déclarer mon intervention irrecevable.
Nous avions prévu une réunion de deux heures, et nous avons dépassé ce temps. Si quelqu'un pense que nous allons régler ce problème en 20 minutes de plus, il n'en est rien. Nous pourrions toujours convoquer une autre réunion.
C'est à moi de juger et j'essaie d'être juste, mais nous avons convenu d'étudier la loi d'exécution du budget et de l'examiner lorsqu'il sera déposé à la Chambre. Nous savons maintenant que nous devons confier environ 12 sections de la partie 4 à d'autres comités.
J'ai essayé d'obtenir une réunion du comité directeur pour lundi, mais nous n'avons pas pu l'obtenir. J'ai demandé au greffier de vérifier si nous pouvions l'avoir à un autre moment la semaine prochaine, mais ce n'est pas possible.
Pour ne rien vous cacher, mes amis, si nous ne pouvons pas nous occuper de cette motion sur la Loi d'exécution du budget aujourd'hui, nous ne pourrons rien faire avant mardi, lors d'une réunion ordinaire, où nous voudrions vraiment faire comparaître la ministre au sujet de la Loi d'exécution du budget. Les questions abordées dans cette loi sont importantes pour les Canadiens.
Pour être juste envers les autres comités, si nous ne leur attribuons pas le travail qu'ils doivent faire, je ne sais pas quand ils auront le temps de s'y mettre. Nous avons prévu 24 heures pour la semaine de relâche du Comité.
Voilà ce qui nous attend. Je comprends votre motion et je sais qu'en ma qualité de président, je ne devrais pas m'y opposer, mais d'après mon jugement, je pense que nous sommes injustes envers les autres comités. Je pense que nous sommes injustes envers les autres Canadiens si le Comité ne se penche pas aujourd'hui sur la Loi d'exécution du budget. J'estime que nous pouvons convoquer une autre réunion à ce sujet dès que nous aurons réglé la question de la Loi d'exécution du budget.
Voilà ce que je pense au sujet de votre motion, monsieur Julian. Je sais que vous pourriez me destituer de mes fonctions pour cela, mais c'est mon point de vue et j'y tiens.
Nous sommes saisis d'une motion.
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Je vous remercie de la question. Je dirais deux choses.
Au risque de me répéter au sujet du registre de la propriété effective, je suis d'accord avec le sénateur Downe. Si nous pouvions l'obtenir avant 2025, ce serait excellent. Nous sommes presque en plein milieu de 2021. Il doit y avoir des discussions avec les provinces et les territoires, alors il faut du temps, mais voyons si nous pouvons être optimistes et nous y prendre plus rapidement et plus rigoureusement, en prévoyant notamment la vérification de l'identité, des enquêtes proactives et une ligne de signalement.
Ensuite, je voudrais me faire l'écho de nos collègues du syndicat de la fonction publique et parler de la réintégration de l'expertise dans les bons domaines et de l'incidence que la dissolution de certaines unités a exercée sur la capacité de l'Agence du revenu d'examiner l'évasion fiscale. Sans connaître les détails de cette affaire, j'ai certainement entendu des enquêteurs de partout au Canada parler du manque d'unités spécialisées dans les questions de corruption, et plus précisément dans le blanchiment d'argent. Il y a une tendance à avoir une unité spécialisée, puis à la disperser dans d'autres unités, puis cette expertise se retrouve à travailler à d'autres cas au lieu d'accorder la priorité à la lutte contre le blanchiment d'argent, l'évasion fiscale et la corruption.
Je sais que nous avons beaucoup entendu parler de complexité. Les gens ne veulent pas entendre cela comme excuse, mais compte tenu de l'entraide juridique avec des administrations parfois récalcitrantes et des téraoctets de données qui interviennent dans certaines affaires complexes de criminalité en col blanc, ces unités spécialisées sont nécessaires.
Je recommande que le registre de la propriété effective aille de l'avant, qu'il soit de la plus haute qualité possible, et que l'on examine la possibilité de réorganiser la capacité des unités spécialisées chez les diverses autorités au Canada.