CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 19 février 2003
¾ | 0810 |
Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)) |
M. Brian Tsuji (président, Association du Barreau canadien (Section Immigration CB)) |
Le président |
M. Brian Tsuji |
Le président |
M. Brian Tsuji |
¾ | 0820 |
Le président |
Dr Joseph Molnar (président, "Hungarian Cultural Society of Greater Vancouver") |
¾ | 0825 |
Le président |
Dr Joseph Molnar |
Le président |
M. Richard Kurland (éditeur en chef, "LEXBASE") |
Le président |
M. W. Wesley Pue (professeur de droit, Faculté de droit, Université de la Colombie-Britannique) |
Le président |
M. W. Wesley Pue |
¾ | 0830 |
Le président |
M. W. Wesley Pue |
Le président |
¾ | 0835 |
M. Kelly Ip |
Le président |
M. Kelly Ip |
Le président |
M. Kelly Ip |
¾ | 0840 |
Le président |
M. Zale Tanner (À titre individuel) |
¾ | 0845 |
Le président |
M. Zale Tanner |
Le président |
M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.) |
¾ | 0850 |
Le président |
M. W. Wesley Pue |
¾ | 0855 |
Le président |
M. W. Wesley Pue |
Le président |
M. Richard Kurland |
Le président |
M. Brian Tsuji |
Le président |
¿ | 0900 |
M. Kelly Ip |
Le président |
M. Kelly Ip |
Le président |
Mme Sophia Leung |
Le président |
Mme Sophia Leung |
Le président |
Mme Sophia Leung |
Le président |
Mme Sophia Leung |
Le président |
M. Kelly Ip |
¿ | 0905 |
Mme Sophia Leung |
Le président |
M. Zale Tanner |
Le président |
Mme Sophia Leung |
M. Brian Tsuji |
Le président |
M. Zale Tanner |
Le président |
M. Zale Tanner |
Le président |
M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ) |
¿ | 0910 |
M. Richard Kurland |
Le président |
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne) |
M. Richard Kurland |
Mme Lynne Yelich |
M. Richard Kurland |
Mme Lynne Yelich |
Le président |
M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.) |
¿ | 0915 |
M. Kelly Ip |
Le président |
Mr. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ) |
M. Richard Kurland |
¿ | 0920 |
Le président |
Mr. Louis Plamondon |
¿ | 0925 |
Le président |
M. Zale Tanner |
Le président |
M. Brian Tsuji |
Le président |
M. Brian Tsuji |
Le président |
M. Brian Tsuji |
¿ | 0930 |
Le président |
M. Brian Tsuji |
Le président |
Dr Joseph Molnar |
Le président |
M. W. Wesley Pue |
Le président |
M. W. Wesley Pue |
Le président |
M. Kelly Ip |
¿ | 0935 |
Le président |
M. Kelly Ip |
Le président |
M. Kelly Ip |
Le président |
M. Richard Kurland |
Le président |
M. Brian Tsuji |
Le président |
Dr Joseph Molnar |
Le président |
M. Zale Tanner |
Le président |
M. Kelly Ip |
Le président |
M. Kelly Ip |
Dr Joseph Molnar |
Le président |
À | 1005 |
Le président |
M. Frank Work (commissaire, Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de l'Alberta) |
Le président |
À | 1010 |
M. Frank Work |
À | 1020 |
Le président |
M. Frank Work |
Le président |
M. Andrew Telegdi |
À | 1025 |
Le président |
M. Frank Work |
À | 1030 |
M. Louis Plamondon |
M. Frank Work |
À | 1035 |
Le président |
Mme Sophia Leung |
À | 1040 |
M. Frank Work |
Mme Sophia Leung |
M. Frank Work |
Mme Sophia Leung |
M. Frank Work |
Mme Sophia Leung |
Le président |
À | 1045 |
M. Frank Work |
Le président |
À | 1050 |
M. Frank Work |
Le président |
M. Frank Work |
Le président |
M. Frank Work |
Le président |
M. Frank Work |
À | 1055 |
Le président |
M. Frank Work |
Le président |
M. Frank Work |
Le président |
M. Frank Work |
Le président |
M. Andrew Telegdi |
M. Frank Work |
Á | 1100 |
M. Andrew Telegdi |
M. Frank Work |
M. Andrew Telegdi |
Le président |
M. Frank Work |
Le président |
M. Frank Work |
Le président |
M. Brian Tsuji |
Á | 1105 |
Le président |
M. Brian Tsuji |
Le président |
M. Brian Tsuji |
Le président |
M. Brian Tsuji |
Le président |
M. Brian Tsuji |
Á | 1110 |
Le président |
M. Richard Kurland |
Le président |
M. Kenneth Tung (vice-président, Success) |
Le président |
M. Kenneth Tung |
Á | 1115 |
Mme Lillian To |
Á | 1120 |
Le président |
Mme Lynne Yelich |
M. Richard Kurland |
Á | 1125 |
Le président |
M. Richard Kurland |
Le président |
M. Richard Kurland |
Le président |
M. Louis Plamondon |
Á | 1130 |
M. Richard Kurland |
M. Louis Plamondon |
M. Richard Kurland |
Le président |
Mme Sophia Leung |
M. Richard Kurland |
Mme Sophia Leung |
Le président |
Mme Sophia Leung |
M. Richard Kurland |
Mme Sophia Leung |
M. Brian Tsuji |
Á | 1135 |
M. Richard Kurland |
Mme Lillian To |
Le président |
Mme Lillian To |
Le président |
Á | 1140 |
M. Brian Tsuji |
Á | 1145 |
M. Richard Kurland |
Le président |
Mme Lillian To |
Le président |
Á | 1150 |
M. Louis Plamondon |
M. Richard Kurland |
Le président |
M. Richard Kurland |
Le président |
M. Richard Kurland |
Le président |
M. Andrew Telegdi |
Le président |
M. Andrew Telegdi |
M. Brian Tsuji |
Le président |
M. Richard Kurland |
Le président |
Á | 1155 |
M. Brian Tsuji |
Le président |
M. Brian Tsuji |
Le président |
M. Brian Tsuji |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 19 février 2003
[Enregistrement électronique]
¾ (0810)
[Traduction]
Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)) Bonjour, chers collègues, et bienvenue à nos invités. Nous continuons à examiner le projet de loi C-18, loi concernant la citoyenneté canadienne, et c'est avec plaisir que nous recevons à nouveau tout un groupe de témoins ici à Vancouver.
Nous avons jusqu'à 9 h 30 ou 9 h 45. Notre séance débute avec quelques minutes de retard et nous devons entendre plusieurs témoins.
Nous disposons de vos mémoires, et nous allons vous demander de prendre de cinq à sept minutes pour les résumer et pour nous présenter vos recommandations sur les différentes questions qui vous paraissent de toute évidence les plus importantes, après quoi il nous restera un certain temps pour vous poser des questions qui s'imposent.
Je vais commencer par l'Association du Barreau canadien, la Section d'immigration de la Colombie-Britannique, en donnant la parole à Brian Tsuji.
Brian, vous êtes le bienvenu.
M. Brian Tsuji (président, Association du Barreau canadien (Section Immigration CB)): Je vous remercie.
Avez-vous tous une copie de notre mémoire?
Le président: Oui.
M. Brian Tsuji: Je vais donc rapidement en parcourir les principaux points. Nous avons fait un certain nombre d'observations et de recommandations.
Il y a tout d'abord le cas des enfants adoptés par des Canadiens. L'article 9 du nouveau projet de loi autorise les citoyens canadiens à demander directement leur citoyenneté en ce qui concerne les enfants adoptés. Nous recommandons tout d'abord que vous autorisiez que les refus de faire droit aux demandes de citoyenneté soient revus dans un premier temps par la Section d'appel de l'immigration. En second lieu, lorsqu'un enfant est pris en charge en vue de lui conférer une résidence permanente, la validité de la demande d'adoption et de citoyenneté ne doit pas pouvoir faire l'objet d'un réexamen. Autrement dit, une fois que l'on a traité le dossier, on ne doit pas pouvoir revenir en arrière et le rouvrir.
La deuxième recommandation porte sur le critère de résidence. Le nouveau projet de loi exige trois ans de présence physique au Canada sur une période de six ans. À première vue, cela paraît très raisonnable. Toutefois, il y a quelques...
Le président: J'essaie de me référer à ce que... j'ai tellement de documents sur mon bureau.
M. Brian Tsuji: J'ai ici trois copies supplémentaires. Pourquoi ne pas les distribuer? Ce sera bien plus facile.
Sur le deuxième point concernant le critère de résidence, nous recommandons qu'une personne employée à l'étranger par un employeur canadien soit réputée résider au Canada de même que le conjoint qui l'accompagne à l'étranger. Ce serait la même disposition que celle de l'article 20 de la LIPR.
Nous recommandons que la période de résidence présumée soit plafonnée pour exiger un minimum de présence physique au Canada en plus de celle pendant laquelle on est réputé être résident, parce que nous voulons éviter les cas où une personne a passé tout son temps à l'étranger sans jamais vivre au Canada. Nous voulons qu'un minimum soit fixé dans ce domaine.
Nous recommandons par ailleurs que le ministre soit habilité à exonérer les demandeurs de l'application stricte des critères de résidence dans les cas qui s'imposent naturellement, comme celui des étudiants temporairement à l'étranger et dont la famille a toujours résidé au Canada. Nous voulons que cela se limite aux personnes qui résident habituellement au Canada de manière permanente pendant au moins cinq ans. Là encore, nous fixons de stricts minimums.
¾ (0820)
Le président: Merci, Brian.
Nous allons maintenant donner la parole aux responsables de la Hungarian Cultural Society of Greater Vancouver, Joseph Molnar et Susan Pali. Soyez les bienvenus.
Dr Joseph Molnar (président, "Hungarian Cultural Society of Greater Vancouver"): Merci.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité et membres du public, je m'appelle Joseph Molnar. Je suis président de la Hungarian Cultural Society of Greater Vancouver, qui représente la principale communauté hongroise de la région.
Comme la plupart des membres de notre association, je suis un citoyen canadien naturalisé, et les enjeux que suppose le projet de loi C-18 nous intéressent particulièrement.
Je tiens à souligner l'importance du fait qu'en tant que citoyens hongrois-canadiens naturalisés, nous avons choisi de faire du Canada notre nouvelle patrie de préférence à tous les autres pays en raison de la justice et de l'équité des lois canadiennes et du fait que ce pays s'appuie sur des principes et des traditions démocratiques.
Jusqu'à une date récente, nous avions la ferme conviction, en tant que citoyens canadiens naturalisés, que nous jouissions des mêmes droits et des mêmes libertés que les citoyens nés au Canada. Ce fut donc un véritable choc quand nous avons appris qu'en vertu de la nouvelle loi sur la citoyenneté qui était proposée nous risquions d'être privés de nos droits de citoyens tels qu'ils sont garantis par la Charte des droits et libertés. Dans la pratique, nous devenons des citoyens de seconde zone.
Nous proposons tout d'abord que le mécanisme de révocation soit retiré de la compétence du cabinet, où la personne qui se voit retirer sa citoyenneté ne peut pas se faire représenter; en second lieu, que les infractions pénales reprochées soient prouvées hors de tout doute raisonnable; troisièmement, que l'on écarte les possibilités d'ingérence du pouvoir politique en déchargeant le cabinet de ce rôle et en le confiant aux tribunaux chargés de l'application régulière de la loi conformément aux principes de la justice fondamentale tels qu'ils sont exprimés à l'article 7 de la Charte des droits et libertés.
En outre, nous affirmons premièrement que tous les citoyens ont le même statut quelle que soit la façon dont ils ont acquis leur citoyenneté; deuxièmement, qu'un fort attachement au Canada soit exigé pour l'acquisition de la citoyenneté; troisièmement, que l'on garantisse l'égalité des citoyens et des non-citoyens devant les tribunaux; enfin, quatrièmement, que l'on exige une connaissance pratique de l'une des deux langues officielles.
Nous souscrivons à la nouvelle disposition conférant au gouverneur en conseil, sur renvoi du ministre, le pouvoir de refuser à une personne la citoyenneté lorsqu'on a des motifs raisonnables de croire que cette personne a exercé ou va exercer des activités menaçant la sécurité du Canada ou liées au crime organisé, à condition que cette personne puisse être pleinement entendue devant les tribunaux. Nous appuyons aussi la disposition permettant à une personne d'être déclarée non recevable pour des motifs liés à la sécurité, à une infraction aux droits de la personne ou aux droits internationaux, ou encore au crime organisé, cela en fonction des dispositions de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés qui vient d'être adoptée.
Nous tenons cependant à faire état de nos préoccupations concernant l'article 21, qui autorise le cabinet à refuser la citoyenneté au cas où une personne « fait preuve d'un grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels repose une société libre et démocratique ». Nous considérons que l'expression « principes et valeurs sur lesquels repose une société libre et démocratique » correspond à une notion vague qui laisse lieu à de multiples interprétations et à de nombreux malentendus. Nous proposons qu'elle soit remplacée par une définition plus précise.
Nous tenons aussi à évoquer l'article 14, qui entraîne une perte automatique de citoyenneté. Nous considérons que les nouveaux critères de résidence établis dans cet article—à savoir que les Canadiens de la deuxième génération nés après 1977 doivent avoir été physiquement présents sur le territoire canadien pendant trois ans au moins sur une période de six ans avant de pouvoir demander à conserver leur citoyenneté canadienne—sont trop sévères, impraticables, injustes et discriminatoires. Dans la pratique, on créerait ainsi une nouvelle catégorie de citoyens et l'on remettrait par ailleurs en cause les droits garantis par le paragraphe 6(1) de la Charte canadienne des droits et libertés.
¾ (0825)
Le président: Merci, Joseph. Je ne pense pas que nous ayons une copie de votre mémoire.
Dr Joseph Molnar: J'en ai donné une à l'interprète, mais je pense en avoir une autre si vous en avez besoin.
Le président: Le comité aimerait en avoir une. Je vous remercie.
Nous allons maintenant entendre Lexbase, représentée par Richard Kurland, son éditeur en chef.
Soyez le bienvenu Richard.
M. Richard Kurland (éditeur en chef, "LEXBASE"): Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
Sachant que le temps accordé aux questions est précieux, nous allons faire vite. Nous avons une recommandation précise à faire en ce qui a trait à l'industrie des transports.
La loi proposée vise les naissances accidentelles survenues au cours d'un transport. Paradoxalement, il existe une faille lorsqu'on considère le nombre important d'employés à plein temps opérant dans les secteurs du transport maritime et aérien au Canada.
Nous recommandons qu'un employé à plein temps de l'industrie des transports qui ne répond pas aux critères de présence physique soit autorisé à accéder à la citoyenneté canadienne lorsqu'il n'a pas d'autre résidence dans le monde qu'au Canada, et surtout que pendant les dix ans précédant l'examen de la demande de citoyenneté canadienne, cette personne a déposé sept déclarations canadiennes d'impôt en tant que résident du Canada.
On tiendrait compte ainsi de la situation de milliers d'employés à plein temps permanents dont la citoyenneté est remise en cause directement en raison de la nature de leur travail. C'est notre première recommandation.
De manière générale, il résulte de l'analyse effectuée par notre groupe d'étude non partisan que, conformément aux déclarations entendues précédemment, ce projet de loi s'inscrit dans la tendance générale à la diminution des libertés et des droits individuels. La loi proposée, qui touche potentiellement un tiers de notre population, va effectivement maintenir un climat de crainte pour une génération de néo-Canadiens risquant à tout moment de faire l'objet de procédures actuellement illégales devant les tribunaux d'ordre pénal.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, Richard.
Nous allons maintenant entendre Wesley Pue, professeur de droit à l'Université de la Colombie-Britannique.
Soyez le bienvenu, Wesley.
M. W. Wesley Pue (professeur de droit, Faculté de droit, Université de la Colombie-Britannique): Je vous remercie.
Pour que les choses soient claires, monsieur le président, je ne représente pas en fait l'Université de la Colombie-Britannique. Je ne me risquerais pas à le faire. Toutefois, je travaille dans cette institution.
Le président: Très bien.
M. W. Wesley Pue: Je suis très heureux de pouvoir intervenir en ces lieux au sujet des articles 21 et 22 du nouveau projet de loi.
Il arrive à l'occasion qu'on nous présente de bien mauvaises idées, et je crois qu'il y en a une ou deux ici. Les dispositions concernant la révocation ont été évoquées par l'Association du Barreau canadien. Je vais vous parler du refus discrétionnaire de l'octroi de la citoyenneté.
Les articles 21 et 22 du projet de loi sont mal fondés et mal définis. Les garanties procédurales accordées aux victimes de ce nouveau pouvoir sont totalement insuffisantes. À la protection juridique se substitue la volonté du ministre. Enfin, il semble qu'elles soient totalement inutiles.
¾ (0830)
Le président: J'aime cette idée.
Des voix : Oh, oh!
M. W. Wesley Pue: On peut se demander qui pourrait bien être exclu en vertu de ces critères à partir du moment où l'on procède à des évaluations subjectives, soit le seul recours que l'on ait en vertu de la loi.
Si cet article vise à remédier à des maux précis, on voit mal de quoi il s'agit. Lorsqu'il s'agit de priver certaines personnes de droits dont elles bénéficieraient autrement en vertu de la loi canadienne, le Parlement doit employer une formulation précise et restrictive.
Les garanties procédurales sont totalement insuffisantes lorsqu'on a recours à ce nouveau pouvoir. Les parties visées ne recevront qu'un résumé des allégations faites à leur encontre, ce qui fait que le critère lui-même est encore plus flou. Le délai de réponse est très limité; il n'est que de 30 jours. Le droit de réponse est lui aussi limité; on doit répondre par écrit, on ne peut pas interroger ou présenter des témoins, etc. Enfin, s'il le juge bon, le gouverneur en conseil peut même ne pas tenir compte de ces garanties limitées.
Lorsque ce pouvoir extraordinaire sera appliqué à l'encontre d'une personne, il sera impossible de faire réviser le dossier en raison des différentes dispositions de cet article qui déclare les tribunaux incompétents. Le résumé législatif fait remarquer à bon droit—mais je crois que c'est finalement trompeur—que les principes courants du droit administratif, notamment la doctrine de l'équité, s'appliquent en l'espèce. Toutefois, le terme d'équité relève du flou juridique; cela ne signifie pas que les règles de la justice seront effectivement respectées. Il ne s'ensuit pas que la personne concernée cherchant à contester en justice la mesure qui lui a été appliquée aura effectivement accès aux éléments de preuve, à l'information, aux documents ou aux éléments dont elle a besoin pour bien faire valoir sa cause.
Enfin, aucun motif de sécurité publique ne justifie cette disposition extraordinaire. Les lois actuelles ou proposées en matière de citoyenneté refusent toujours la citoyenneté aux personnes qui présentent un risque pour la citoyenneté, et refusent d'ores et déjà, ou refusera à l'avenir, la citoyenneté aux personnes accusées d'actes criminels graves ou ayant un casier judiciaire. Les personnes indésirables ou toutes celles qui répondent à certaines critères idéologiques se voient d'ores et déjà refuser la citoyenneté, et ce pouvoir inutile et mal défini serait très peu souhaitable pour cette raison.
Je vous remercie.
Le président: Merci, Wesley. Je suis sûr que nous aurons des questions à vous poser sur cet excellent mémoire. Merci.
Nous allons maintenant entendre deux intervenants à titre individuel, Kelly Ip et Zale Tanner.
¾ (0835)
M. Kelly Ip (témoignage à titre personnel): Je n'ai qu'une copie à vous donner et j'en ai gardé une pour moi. Je pourrais vous la laisser. Mon budget est limité et je n'ai pas fait de copies pour les autres membres du comité.
Le président: Les photocopies sont gratuites chez nous. Ce n'est pas un problème.
M. Kelly Ip: J'en ai donné une copie à Sharon.
Le président: Je vous remercie.
M. Kelly Ip: Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, je m'appelle Kelly Ip. Je suis un des vice-présidents de SUCCESS, le sigle de l'organisation United Chinese Committee Enrichment Services Society, qui a présenté officiellement un mémoire ici même hier matin. Nous avons aussi organisé hier soir un colloque très fraternel, qui a eu beaucoup de succès. Une vingtaine de personnes y ont assisté. D'autres représentants du comité, Lynne et Andrew, sont eux aussi venus. Un certain nombre de participants sont ici ce matin.
Je suis aussi l'ancien président du Canadian Club de Vancouver et je siège par ailleurs au sein du conseil d'administration de nombreuses organisations de la ville. J'ai pris une préretraite de la fonction publique il y a cinq ans. J'ai été nommé depuis commissaire aux mariages de la province de la Colombie-Britannique. J'ai annexé à mon mémoire un exemplaire de mon curriculum vitae.
Je parle aujourd'hui en mon nom propre en qualité d'ancien fonctionnaire fédéral ayant occupé pendant 18 ans les fonctions d'administrateur d'une cour de citoyenneté.
J'aimerais aborder les changements proposés concernant le titre et le rôle des juges de la citoyenneté tels qu'ils figurent à l'article 31 de la partie 5 sous le titre de « commissaires à la citoyenneté ».
Je considère tout d'abord qu'il convient de conserver l'appellation de « juge de la citoyenneté ». Le titre « commissaires à la citoyenneté » ne reflète pas toute l'importance de la personne chargée, au nom du ministre, de conférer la citoyenneté aux candidats.
C'est dans les locaux de ce que l'on appelle la Cour de la citoyenneté canadienne que les résidents permanents prennent généralement la citoyenneté canadienne. Il convient de conserver cette façon de faire. On s'adresse au président de cette cour, qualifié de juge de la citoyenneté, en l'appelant votre honneur, et il convient là aussi de maintenir cette procédure.
Je suis d'accord pour maintenir le cérémonial et le rôle d'ambassadeur joué normalement par les juges de la citoyenneté, qui devront se voir accorder encore un plus grand rôle pour faire la promotion de la citoyenneté et renforcer la participation de la communauté afin de mettre en valeur la citoyenneté.
En second lieu, il faut maintenir le rôle des juges de la citoyenneté lorsqu'il s'agit de prendre des décisions pour ou contre l'octroi de la citoyenneté dans des dossiers complexes exigeant une capacité d'appréciation autre que le simple recours à des critères objectifs évalués par des agents de la citoyenneté.
Ils doivent avoir le pouvoir discrétionnaire de revoir les demandes de citoyenneté rejetées par les agents de la citoyenneté, agissant ainsi à un premier niveau de la procédure d'appel de la citoyenneté afin que la Section d'appel de la Cour fédérale ne soit pas encombrée pas les affaires reposant sur des motifs frivoles.
La nomination des juges de la citoyenneté—appelés aussi commissaires, si l'on change l'appellation—doit être non politique et fondée sur le mérite conformément aux dispositions du paragraphe 31(6) de la partie 5. « Les commissaires doivent être citoyens », —j'imagine qu'il faut qu'ils soient citoyens canadiens—« être sensibles aux valeurs inhérentes à la citoyenneté et être reconnus pour avoir apporté une contribution civique importante. » Il ne faut pas que ce soit du clientélisme politique.
Je souscris à toutes les obligations des commissaires à la citoyenneté telles qu'elles sont exposées au paragraphe (7) de ce même article. J'ai trouvé étrange, cependant, que l'alinéa 31(7)c) conserve en fait toutes les obligations actuelles des juges de la citoyenneté
Ils donnent des conseils et font des recommandations au ministre, à sa demande, au sujet : (i) des demandes de citoyenneté, (ii) des méthodes de vérification des connaissances des demandeurs en ce qui concerne le Canada, les responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté et les langues officielles, (iii) de l'exercice de ses pouvoirs discrétionnaires. |
¾ (0840)
Le président: Merci, Kelly. Je sais à quel point vous avez une grande expérience du sujet et nous nous efforcerons d'en tirer parti lors de nos questions.
Je dois vous dire que nous étions quelques-uns qui auraient aimé être là hier soir, mais nous devions par ailleurs rencontrer les juges de la citoyenneté pour leur demander leur opinion au sujet du nouveau projet de loi ainsi que du rôle et des fonctions qui leur sont attribués. Je pense que le comité a jugé nécessaire de le faire et je suis heureux que vous ayez abordé la question. Je vous remercie.
Nous allons maintenant donner la parole à Zale Tanner.
M. Zale Tanner (À titre individuel): Merci, monsieur le président.
Je suis moi aussi membre de la communauté hongroise, j'ai occupé par le passé les fonctions de président de la Hungarian Cultural Society et j'ai pris part aux activités de diverses organisations hongroises, notamment aux activités de production d'une télévision de langue hongroise installée ici même à Vancouver, ainsi que d'une publication hongroise en anglais. Aujourd'hui comme hier, j'ai toujours participé activement aux activités de la communauté.
Je n'entrerai pas dans les détails de la loi puisque le président de la Hungarian Cultural Society, le Dr Molnar, a fait état des préoccupations de notre communauté. Je suis tout simplement venu rappeler ici que nous ressentons une grande inquiétude en voyant le projet de loi qui nous est présenté.
J'ai quitté la Hongrie en 1956. J'ai laissé un pays dans lequel aucune loi ne protégeait les citoyens et où les politiciens prenaient toutes les décisions. J'ai abordé une terre de liberté en estimant que j'allais être protégé par la loi et bénéficier des droits de la personne. Ce fut par conséquent un choc pour moi de constater que dans la loi actuelle sur la citoyenneté il y a des éléments qui rappellent les situations que j'ai vécues en Hongrie. Je ne pensais pas que c'était possible au Canada.
J'ai été surpris que dans un premier temps nos politiciens puissent permettre le dépôt d'un tel projet de loi. En second lieu, je suis très préoccupé par le fait qu'il soit si difficile de faire comprendre à certains de nos politiciens à quel point cette situation est injuste et qu'il faille passer par une procédure aussi complexe pour pouvoir apporter un changement.
Je sais qu'il y a plusieurs difficultés. Je sais qu'il y a différentes situations exigeant d'être étudiées précisément, mais la question fondamentale des droits de la personne n'a pas été abordée. J'ai vraiment l'impression que le Canada, une société multiculturelle qui est effectivement fière de l'être, peut se retrouver dans une situation où l'on crée deux catégories de citoyens en faisant venir les gens que l'on cherche à attirer au Canada pour former une grande famille. C'est la grande préoccupation qui est exprimée partout où je passe, non seulement au sein de la communauté hongroise, mais aussi d'autres communautés avec lesquelles j'ai des contacts. Tout le monde est sous le choc en apprenant que ce texte vient juste de sortir, que la situation existe depuis un certain temps sans qu'on le sache et que l'on risque de se retrouver dans ce genre de situation.
J'aimerais signaler une chose. Ça ne m'a pas paru très clair... et c'est en fait une question personnelle. Lorsque des citoyens naturalisés canadiens ont un enfant né au Canada, s'ils sont concernés par ce genre de situation... quoi qu'il en soit, si l'enfant doit quitter le pays en compagnie de ses parents ou tombe sous le coup de la même décision, il y a un problème qui se pose parce que l'enfant ne veut pas aller ailleurs.
D'un autre côté, si ce problème ne se pose pas, on pourrait ainsi entraîner une séparation des familles et leur causer d'énormes difficultés. Donc, d'une façon ou de l'autre, la loi est absolument mauvaise. C'est essentiellement ce que je tenais à dire, en rappelant simplement l'impression générale que la situation est très préoccupante.
Je vous remercie.
¾ (0845)
Le président: Merci, Zale.
Laissez-moi préciser une ou deux choses. Tout d'abord, nous avons discuté de cette loi sur la citoyenneté à trois reprises au cours des trois ou quatre dernières années, et le fait de débattre des lois, bonnes ou mauvaises, est l'essence de la démocratie. Certes, vous pouvez bien être découragés et avoir du mal à croire que certains textes puissent être déposés, mais lorsqu'on demande à des comités de la Chambre des communes et du Sénat de discuter des textes de loi, bons ou mauvais, c'est ça la démocratie. Même si c'est frustrant et décourageant, c'est la démocratie; c'est ce que nous faisons et ce en quoi nous croyons.
En second lieu, on s'est beaucoup demandé ce que l'on entendait par le fait d'être citoyen. Eh bien, je vais vous dire une chose. Il serait peut-être bon de mentionner dans la loi sur la citoyenneté le fait que les citoyens ont aussi des obligations envers leur pays et qu'il leur faut se tenir au courant pour pouvoir exercer toutes les libertés qu'il a à leur offrir, être informés, s'exprimer et, à la base, se familiariser avec les lois de leur pays.
Les échanges avec le gouvernement se font dans les deux sens. Les citoyens ont eux aussi des obligations envers leur pays et ils doivent dans toute la mesure du possible être familiarisés avec leur gouvernement et leurs lois. Ça va dans les deux sens et j'espère qu'on pourra aussi aborder la question dans ce projet de loi. Je n'ai pas apprécié que vous nous disiez n'avoir pas aimé devoir en passer par là. C'est ça la démocratie, Zale, je regrette.
M. Zale Tanner: Si vous me permettez de vous répondre, je vous comprends parfaitement. En ce qui me concerne, je ne suis pas avocat, je ne suis pas familiarisé avec toute la procédure. Il n'en reste pas moins que si toutes les questions liées à la citoyenneté pouvaient être traitées dans une cour de justice, cela réglerait la plupart des problèmes.
Le président: Bien sûr, nous sommes d'accord avec vous. Ce que je ne comprends pas, c'est que vous nous disiez que vous ne voyez même pas comment on peut aborder ces questions. Je vous le répète, c'est la démocratie et c'est le rôle de notre Parlement. Il ne s'agit pas des principes qui sont les vôtres; je suis sûr que nous aurons des questions à vous poser à ce sujet. J'ai simplement conclu de vos commentaires que vous ne compreniez pas vraiment comment on pouvait procéder à cet exercice et comment les gouvernements pouvaient adopter de telles lois, bonnes ou mauvaises. J'essaie simplement de vous dire que c'est ce qui fait la démocratie.
Quoi qu'il en soit, je suis sûr que tout le monde ici a bien des questions à poser et nous allons commencer par Andrew.
M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci, monsieur le président.
Laissez-moi vous dire que je ne pensais pas être un citoyen de seconde zone avant de devenir député. J'étais le secrétaire parlementaire du ministre et nous avions en outre revu la législation, les projets de loi C-63 et C-16. J'étais toujours parti du principe que la Charte des droits et libertés s'appliquait à tous les Canadiens et ce fut donc un choc en ce qui me concerne, surtout que je me considère comme étant raisonnablement bien informé.
En regardant autour de cette table, je constate qu'environ la moitié d'entre nous étions à cette réunion hier soir, et il était intéressant de voir les différents groupes se rassembler. Autour de cette table, je vois Brian; ses parents habitent Toronto, mais ils habitaient avant à Vancouver. Leurs biens ont été saisis pour une bouchée de pain. Ils ont été internés et nombre de leurs concitoyens ont été renvoyés au Japon après la guerre, des gens qui étaient nés au Canada.
Je vous regarde, monsieur le président, et je sais que nous avons des collègues à la Chambre qui ont des parents d'origine italienne que l'on a internés. Les Hongrois qui étaient présents auraient pu eux aussi être internés.
J'ai rencontré un ancien combattant canadien chinois qui m'a dit qu'à l'époque les soldats qui étaient ses compatriotes et qui sont allés se battre lors de la Deuxième Guerre mondiale n'étaient pas autorisés à voter. Ils n'avaient pas le droit de vote. Ce n'est que lorsque le père de Paul Martin a vu les tombes des soldats canadiens enterrés en Europe qu'il a insisté pour que l'on accorde le droit de vote aux Canadiens chinois, parce qu'ils avaient combattu pour leur pays.
Je dis tout cela parce que c'est la raison pour laquelle nous avons une charte. Dans l'esprit de la charte, nous sommes censés remédier à toutes les inégalités, à toutes les choses qui existaient et dont nous avons honte, avec raison, tout ce que nous sommes censés éviter.
Lorsque j'examine la Loi sur la citoyenneté... Et je pense que le professeur a bien exprimé la chose. Considérez l'article 21. Nous allons refuser la citoyenneté et je vous pose alors une question. L'article 21 parle d'« un grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels repose une société libre et démocratique ». Pour moi, cela renvoie à la charte et, en insérant ici cette disposition, nous remettons en cause les principes les plus fondamentaux de la charte...
¾ (0850)
Le président: Vous pourriez peut-être aborder la question de la charte qu'a évoquée Andrew, en faisant figurer dans le projet de loi les garanties de procédure, les grands principes et le respect des droits de la personne.
M. W. Wesley Pue: Merci de me donner l'occasion de vous répondre. Je pense qu'il y a deux ou trois problèmes qui renvoient ici à la charte.
En premier lieu, je considère que le député a très bien exposé la chose. Ce sont les valeurs de la charte qui doivent guider les parlementaires et non pas les analyses juridiques précises auxquelles devra recourir en fin de compte la Cour suprême du Canada. Chaque fois qu'elle le peut, la Cour suprême du Canada souhaite s'en remettre au Parlement pour l'interprétation de la charte.
Je considère que les parlementaires ont une obligation insigne; une obligation plus grande que celle des tribunaux, lorsqu'il s'agit de respecter nos valeurs et de leur donner tout leur sens, de toutes les façons possibles.
Il est important de rappeler aux membres du comité que depuis quelques années les responsables d'Ottawa parlent de projets de loi « inattaquables du point de vue de la Charte ». Il y a toute une marge entre un projet de loi « inattaquable du point de vue de la Charte » et un projet de loi convenable en ce sens qu'il respecte pleinement les valeurs de la Charte, les valeurs d'une société libre et démocratique, les valeurs d'une société régie par la règle de droit auxquelles les Canadiens aspirent.
Je crois que c'est un point de départ très important. Il faut mettre l'accent sur les valeurs et non pas sur les subtilités de la Charte. Il me paraît utile d'énoncer dans un projet de loi les valeurs reconnues par la Charte. On n'a jamais trop de valeurs reconnues par la Charte, à mon avis.
Le risque, c'est que l'on y voit un expédient pour remédier aux énormes défauts du projet de loi parce qu'en énonçant les valeurs reconnues par la Charte dans un préambule ou ailleurs, on pourrait ainsi considérer que le texte est « inattaquable du point de vue de la Charte ». On en arriverait alors précisément aux subtilités, aux précautions et aux analyses juridiques onéreuses de la Cour suprême du Canada, qu'il convient à mon avis que les députés évitent pour protéger les droits des citoyens canadiens actuels et futurs.
Le problème plus large des valeurs me paraît très intéressant. Je donne justement un cours de droit administratif à l'Université de la Colombie-Britannique. Avant de prendre connaissance de ce projet de loi, j'ai rédigé à l'intention de mes étudiants un projet de cours visant à leur faire comprendre tout ce qu'il fallait savoir au sujet du droit administratif. Je leur ai dit que le droit administratif s'apparentait à la constitution du Canada en common law.
Il était absurde. Il ne comportait aucune norme juridique, aucune garantie de procédure, aucune possibilité de réexamen et aucun moyen de remettre en cause les mauvaises décisions. J'en ai appliqué les principes à mon cours puisque mon pouvoir sur les étudiants en découle.
¾ (0855)
Le président: En second lieu, que feriez-vous au sujet de l'article 17?
M. W. Wesley Pue: J'ai tendance à être d'accord avec ces propositions. La révocation doit s'appuyer sur des principes juridiques fixes établis dans les règles.
Je me demande aussi pourquoi nous devrions révoquer la citoyenneté des néo-Canadiens pour certains motifs à partir du moment où les droits de tous les Canadiens en matière de citoyenneté sont remis en cause d'une certaine manière, par exemple lorsqu'on ne se conforme pas aux critères idéologiques fixés par l'article 21.
Le président: Richard.
M. Richard Kurland: Je tiens à vous dire que je suis tout à fait d'accord avec vos observations antérieures touchant la procédure démocratique d'un point de vue non partisan. Je pense que les parties du projet de loi qui sont actuellement controversées correspondent à ce que veulent les Canadiens. Il existe chez nous une procédure démocratique permettant de dégager les besoins ou les volontés de la population canadienne, telle qu'ils se reflètent dans ce projet de loi.
En ma qualité de témoin, toutefois, je tiens à faire part au comité de l'expérience que j'ai acquise au fil des années au contact du personnel à la retraite des organismes d'information et de renseignement, des gens de notre pays, des amis du Canada et des pays qui ne sont pas nos amis.
Ma préoccupation est la suivante. Les agences de renseignement recueillent des informations exactes et, à dessein, inexactes, au sujet des particuliers. Dans sa forme actuelle, avec ses garanties insuffisantes touchant les droits de l'accusé et la contestation des sources et de la crédibilité des renseignements, ce projet de loi n'est pas bon. Il y aura des injustices. J'espère qu'il y aura un juge pour relever à l'avenir que le Canada ou d'autres pays ont fourni, dans certains cas précis, des renseignements qu'ils savaient être faux.
Ici même au Canada, une indemnité de 75 000 $ a été versée l'année dernière à une famille de l'Ontario parce qu'en toute connaissance de cause le SCRS avait fourni des renseignements erronés au ministère de l'Immigration. Cette affaire a fait l'objet d'un règlement hors cour dont on a fait largement état dans les médias canadiens. Si ce projet de loi avait été en vigueur et si l'affaire avait porté sur la révocation de la citoyenneté, cette famille n'aurait eu aucun moyen de défense à sa disposition.
Je vous remercie.
Le président: Y a-t-il d'autres commentaires au sujet de la question posée par Andrew?
Brian.
M. Brian Tsuji: Dans un monde idéal, nous obtiendrions exactement ce que Wesley a demandé mais, dans la pratique, il se peut bien que ce ne soit pas possible. Andrew préconise un retrait pur et simple. Toutefois, s'il nous faut en arriver à un compromis, négocier et régler un certain nombre de questions qui se posent dans ce texte, il est possible d'apporter certains changements. C'est la position adoptée par l'ABC au plan national.
La nouvelle réglementation a été proposée par Citoyenneté et Immigration Canada, qui l'a transmise aux instances nationales de l'ABC. J'ai eu le douteux privilège d'y répondre et j'ai rédigé une première version de nos commentaires. Les instances nationales de l'ABC sont en train de les revoir avant de les faire parvenir à Citoyenneté et Immigration Canada.
La réglementation nous offre la possibilité de travailler sur un document bien plus général étant donné qu'il n'est pas aussi détaillé dans la pratique que le projet de loi C-18. Il y aura la loi, actuellement le projet de loi C-18, et il y aura ensuite la réglementation, qui est bien plus vague. Bien moins de choses sont explicitées. On peut adopter une démarche bien plus agressive à ce sujet par rapport à ce que vous pouvez faire ici étant donné qu'il y a bien moins de matière au départ.
Si nous pouvions retirer de la loi les dispositions que nous avons évoquées, ce serait formidable, mais il nous faut bien nous accommoder du texte actuel et, à partir du moment où nous devons nous en contenter, nous vous donnons le point de vue des instances nationales de l'ABC et de sa section de la Colombie-Britannique concernant ce qu'il est possible de faire.
Le président: Vous venez de nous parler comme un bon avocat.
L'ABC a bien aidé notre comité dans d'autres domaines, mais un droit est un droit et, que vous ayez entrepris ou non de négocier des droits, vous commencez à m'agacer.
Mais vous savez, Brian, merci de me signaler que ce sacré ministère vous a remis une copie de la réglementation à l'avance, avant même que ce satané projet de loi ait été adopté, sans avoir la simple politesse de nous en informer pour nous aider à nous sortir de cette imbroglio.
¿ (0900)
M. Kelly Ip: Puis-je faire une observation?
Le président: Bien sûr.
M. Kelly Ip: Lorsque j'administrais une cour de la citoyenneté, nous avons bien révoqué la citoyenneté de certaines personnes, mais c'est parce qu'elles s'étaient rendues coupables de fraude lors de l'obtention de leur citoyenneté, et non pas après. Si donc, avant de devenir canadiennes, elles avaient obtenu leur citoyenneté par des moyens frauduleux, leur citoyenneté pouvait être révoquée, mais pas s'il s'agissait de citoyens respectueux des lois ayant obtenu légalement leur citoyenneté canadienne. Les délits commis par la suite pouvaient alors aggraver leur dossier. De manière générale, aucune révocation n'était donc prononcée une fois que l'on était devenu légalement un citoyen canadien.
Le président: Je vous remercie.
Sophia.
Mme Sophia Leung: Merci, monsieur le président.
Je vous souhaite à tous la bienvenue. Je suis très heureuse de voir ici tant d'amis, et notre communauté est bien représentée.
À titre de précision, je me suis entretenue jeudi dernier pendant une demi-heure à la télévision avec le ministre. Je lui ai en fait posé un certain nombre de questions, ce qui a donné lieu à des échanges intéressants. D'ailleurs, lors des audiences d'hier et d'aujourd'hui, j'en ai eu de nombreux échos. Je tiens à tous vous remercier de vos excellents exposés.
Je veux aussi remercier Kelly Ip pour les longues années qu'il a passées au service de notre communauté en tant que fonctionnaire et, aujourd'hui, en tant que dirigeant communautaire toujours très actif, et je vais ensuite répondre à sa question.
Vous avez argumenté avec force, à mon avis, en faveur des juges de la citoyenneté dans votre exposé, et j'ai été très heureuse d'entendre que vous cherchiez par ailleurs à nous dissuader de faire du clientélisme en procédant aux nominations. Je pense qu'en bons libéraux, nous sommes tous déterminés à éviter ce genre de choses.
Vous êtes évidemment en faveur de l'intervention des récipiendaires de l'Ordre du Canada. Je crois savoir qu'à l'heure actuelle on s'efforce de nommer en tant que juges des récipiendaires de l'Ordre du Canada, même si ce ne sont pas des libéraux. C'est très important. Il y a donc des choses que nous cherchons à éviter.
La question...
Le président: Je me demande toutefois, dans le cadre de ce comité, et je sais qu'il n'y a que de bons libéraux...
Mme Sophia Leung: Effectivement.
Le président: Mais nous avons un comité non partisan et je ne voudrais pas faire offense à mes amis Louis et Lynne, qui sont d'excellents membres de notre comité, sans être libéraux cependant. Évitez donc de mentionner le terme « libéraux » dans vos observations.
Mme Sophia Leung: Je sais bien, mais je voulais que les choses soient claires.
Le président: Je sais.
Mme Sophia Leung: Car je suis heureuse d'apprendre que nous encourageons les récipiendaires de l'Ordre du Canada. Il me faudra peut-être poursuivre une autre carrière plus tard; mais je plaisante.
J'ai un certain nombre d'amis qui occupent des postes de ce genre à temps partiel. Je ne sais pas en fait s'il est bon que ces postes soient à temps partiel parce que, lorsqu'un poste est important, il faut s'y consacrer à part entière. Nous ne pouvons pas être des députés à temps partiel. Donc, ce sont à l'heure actuelle des postes à temps partiel qui ont par ailleurs tendance à être occupés par des retraités. Avez-vous des observations à faire à ce sujet? Doit-on écarter certaines catégories d'âge ou éventuellement avoir des juges à plein temps? C'est ma première question.
Je veux poser une question à...
Le président: Vous avez introduit ce sujet au départ en demandant aux autres intervenants de faire des observations sur une question qu'ils n'avaient peut-être pas abordée dans leur mémoire, à savoir s'il fallait mettre en place un organe indépendant de décision en matière de citoyenneté par opposition à un recours personnel administratif. Donc, pourquoi ne pas commencer par vous, Kelly?
M. Kelly Ip: Autant que je me souvienne, nous avons toujours eu des juges à temps partiel et des juges à plein temps. Les juges à plein temps perçoivent un salaire raisonnable. Les juges à temps partiel reçoivent une indemnité journalière.
¿ (0905)
Mme Sophia Leung: Puis-je poser une question?
Le président: Non, attendez. S'il vous plait, laissez les autres répondre à cette même question. Pardon?
M. Zale Tanner: Non, pas sur ce point.
Le président: Est-ce quelqu'un d'autre veut faire un commentaire au sujet des responsabilités des juges et autres questions de ce type? Très bien.
Allez-y, Sophia.
Mme Sophia Leung: J'ai une question à poser à Brian. Vous avez été très éloquent sur le troisième point concernant les enfants nés à l'étranger dont les parents sont citoyens canadiens. J'ai trouvé cela très pertinent et certains d'entre nous—y compris moi-même—n'avons pris vraiment conscience de ces problèmes que récemment. Vous recommandez par ailleurs que l'on supprime purement et simplement l'article 14. C'est très complexe. Je viens de parler des enfants nés à l'étranger et dont les parents sont citoyens canadiens, mais il y a en fait bien des cas différents. Je me demandais donc si une suppression pure et simple... Cela reviendrait peut-être à ne pas prendre en compte un certain nombre des problèmes qui se posent à l'heure actuelle. Par ailleurs, vous avez remis en cause les critères de résidence de trois à six ans.
Je considère qu'il nous faut bien évidemment en arriver à un consensus pour mieux traiter les problèmes, mais je ne suis pas sûre que la solution soit de supprimer purement et simplement cet article.
M. Brian Tsuji: Non. Je pense que c'est « subsidiairement » qu'il faut dire. Cela s'apparente à ma discussion au sujet de ce que recommande le professeur. Il nous dit qu'on peut supprimer la disposition, mais il y a quelqu'un qui l'a mise là, quelqu'un par conséquent qui considère qu'elle doit y être, et il est bien plus difficile de retirer une disposition que de l'amender éventuellement.
Donc, selon le meilleur scénario, nous disons que ce serait une bonne chose de supprimer cette disposition; mais il y a quelqu'un qui a beaucoup réfléchi pour la mettre là et qui ne sera peut-être pas très content. Par conséquent, s'il vous faut tenir compte de cette réalité et faire des compromis, on pourrait demander, subsidiairement, que si les personnes concernées peuvent au moins démontrer qu'elles ont entretenu des liens substantiels avec le Canada avant d'avoir 28 ans et qu'il faut prendre une décision, ce serait peut-être suffisant pour qu'elles conservent leur citoyenneté canadienne.
Nous vous proposons les deux scénarios parce que vraisemblablement le premier ne sera pas accepté. Par conséquent, en l'absence du premier scénario, le deuxième pourrait se révéler un peu plus acceptable. Vous n'obtiendrez peut-être pas pleinement satisfaction, comme dans le scénario A, mais au moins le scénario B offre un recours.
Le président: Zale, excusez-moi, vous vouliez faire un commentaire ou poser une question?
M. Zale Tanner: J'aimerais revenir un instant à la question de la démocratie.
Le président: Vous pourrez le faire plus tard. Pour le moment, nous faisons...
M. Zale Tanner: Oui.
Le président: Très bien.
Louis?
M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ) J'ai une petite question à vous poser, monsieur Kurland, au sujet de votre troisième point, à la page 4 de votre rapport. Pouvez-vous nous donner quelques précisions?
¿ (0910)
[Français]
M. Richard Kurland: Pas tellement, parce que nous sommes actuellement en train de considérer la citoyenneté... [Note de la rédaction: difficultés techniques]
[Traduction]
Le président: Je pense que nous en discuterons plus tard cet après-midi.
Lynne.
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): J'aimerais remercier Kelly de nous avoir invités à la soirée d'hier. Je n'en croyais pas mes yeux en voyant la diversité des participants et des nombreux immigrants provenant de différents horizons. Il m'aurait fallu y penser à deux fois avant de dire que j'étais au sein d'une communauté chinoise parce qu'il y avait en fait une excellente représentation par tous les gens concernés. J'ai donc particulièrement apprécié. J'ai trouvé que c'était une excellente tribune.
Je n'ai qu'une question à poser. J'ai effectivement apprécié que l'on nous parle des juges de la citoyenneté, parce que je considère qu'il faut les conserver. Ma question s'adresse à Richard sur le point 2, qui concerne les régimes d'immigration provinciaux financièrement autonomes. Pourriez-vous nous en dire un peu plus? Comment en êtes-vous arrivé à ce montant de 150 $ pour chaque parrainage? Qu'est-ce qui nous permet de dire que ce montant de 150 $ est le bon?
Par ailleurs, je sais que vous avez un commentaire à faire au sujet de l'intervention de Sophia concernant les juges de la citoyenneté, et j'aimerais l'entendre.
M. Richard Kurland: Oui, je vais vous répondre immédiatement au sujet des observations faites par Sophia.
Le deuxième point s'adresse à mon avis à notre candidat provincial pour la prochaine session. J'ai rédigé un document d'application uniforme pour cette journée. Donc, avec votre permission, j'aimerais...
Mme Lynne Yelich: J'aimerais savoir comment vous en êtes arrivé là. Par ailleurs, je préconise que l'on se serve en partie de la déclaration d'impôt canadienne pour les critères de résidence. J'aimerais donc aussi savoir quelles sont les données que vous avez à ce sujet, comment vous en êtes arrivé à ces deux...
M. Richard Kurland: Je vais vous répondre sur les deux points.
Pour répondre à Sophia, le régime politique canadien s'accommode bien de la perspective d'employer à plein temps les juges de la citoyenneté. Il est patent que j'ai déclaré devant votre comité en 1993 que je ne faisais aucune objection au clientélisme politique dans la mesure où il s'adressait à des personnes qualifiées. C'est ainsi que fonctionne notre système. Il s'agit là d'une déclaration non partisane.
Il n'y a donc aucun inconvénient à offrir une deuxième carrière en récompensant les services offerts au Canada par une personne arrivée en fin de sa première carrière. Il se peut que je me retrouve dans ce bateau un jour et je dois donc faire bien attention à ce que je dis en 2003.
Concernant le candidat provincial...
Mme Lynne Yelich : Les impôts...
M. Richard Kurland : Nous allons aborder la question du candidat provincial, mais la recommandation rattachant la citoyenneté aux déclarations d'impôt ne manque pas d'intérêt. C'est une solution simple qui peut être informatisée. Elle est efficace car cette tâche peut être accomplie par un très petit nombre de fonctionnaires fédéraux à plein temps. Elle répond aux préoccupations enregistrées par votre comité à l'échelle du Canada en ce qui a trait aux critères exigeant une présence physique.
En 2003, le Canada n'est plus une société à vocation agricole. Nous sommes une société axée sur l'information et notre main-d'oeuvre qualifiée, à tous les niveaux, voyage dans tous les pays. Il est donc tout à fait normal au Canada que les citoyens canadiens puissent se retrouver en dehors du pays pendant plus de la moitié de la période requise.
Qu'est-ce qui doit compter? Est-ce que vous avez chez nous votre domicile, le seul dans le monde? Est-ce que vous y payez vos impôts sur l'ensemble de vos revenus? Dans l'affirmative, et si vous déclarez fidèlement vos revenus à notre gouvernement, il est normal qu'il vous accorde la citoyenneté au bout de dix ans si vous avez au moins fait sept déclarations d'impôt. C'est là un compromis acceptable pour concilier cette exigence de mobilité à l'échelle mondiale avec les valeurs qui s'attachent à la citoyenneté au Canada.
Merci, monsieur le président.
Mme Lynne Yelich: Je vous remercie.
Le président: Merci.
David.
M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.): Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à Kelly Ip. Votre intervention au sujet des juges de la citoyenneté m'a paru très intéressante. Malheureusement, comme nous l'avons rappelé hier, nous n'avons pas beaucoup entendu parler de cette disposition dans le projet de loi, et je considère pourtant qu'elle est importante. On parle beaucoup du reste, mais en ce qui a trait aux juges on ne dit pas grand-chose, malgré l'importance de cette disposition à mon avis. Je pense que c'est la manière...
¿ (0915)
M. Kelly Ip: Pour répondre à votre dernière question, je pense que ce serait là un très beau geste de la part du gouvernement.
Toutefois, si les intéressés, alors qu'ils sont là depuis des lunes, ne sont pas autorisés à devenir citoyens parce qu'ils ne répondent pas aux critères de résidence, comment peut-on s'attendre à ce qu'ils deviennent citoyens canadiens?
Le gouvernement s'est efforcé de contacter les gens en envoyant des agents et des juges afin de leur parler et de les inciter à demander la citoyenneté. Du moins, ça se faisait lorsque j'étais là. Il faut à mon avis que les cérémonies sortent des tribunaux, des bureaux et des édifices gouvernementaux pour être organisées davantage dans les écoles, les centres communautaires, etc.
Donc, pour répondre à votre première question, la Cour de la citoyenneté canadienne n'est qu'un nom, un lieu. À Vancouver, il y a un lieu que l'on appelait la cour de la citoyenneté. On a désormais essayé d'en faire une salle de la citoyenneté ou un lieu de réunion. Si vous vous rendez sur place pour voir ce qui s'y passe, vous en aurez honte. Il n'y a pas de décorum requis. Les décorations qui s'imposent manquent. On n'a tout simplement pas l'impression d'être dans un endroit qui rend les gens fiers d'être citoyens canadiens.
Le lieu de réunion et la procédure ont donc leur importance—ainsi, lorsque le juge est en robe et que l'agent de la Police montée déclare que la séance du tribunal est ouverte en proclamant : « La séance est ouverte. Veuillez vous lever. » Le moment est plus solennel lorsque les assistants—résidents permanents, immigrants reçus—font l'ultime démarche en décidant de devenir citoyens canadiens et de se joindre à la famille canadienne. C'est donc important—comment se présente le lieu, comment se présentent les gens qui organisent la cérémonie.
Si nous adoptons le titre de commissaire, je pense que nous sommes en train de nous demander comment nous allons appeler cette personne—évidemment nous n'allons pas employer l'expression votre honneur ni le terme de juge... simplement M. Fontana ou Mme Yelich? Je pense donc qu'il est important parfois pour les néo-Canadiens d'entendre ici ce genre de choses.
Le président: Très bien.
Louis, je sais que vous vouliez poser une question à Richard parce que vous ne serez pas ici cet après-midi et que la recommandation 3, visant à augmenter l'immigration francophone dans le coeur du pays, vous intéresse particulièrement. Il serait peut-être bon que vous posiez cette question et Richard prendra une minute ou deux pour vous répondre.
Mr. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ): J'aimerais avoir quelques précisions à ce sujet.
M. Richard Kurland Il est clair que l'intensification de l'immigration francophone dans le coeur du Canada serait une bonne politique dans l'intérêt national qui nous permettrait de renforcer l'unité de notre pays. Nous avons fait le tour des établissements francophones dans le coeur du pays, que ce soit en Colombie-Britannique, en Alberta, au Manitoba ou en Ontario. Il s'agit de faire une dépense ponctuelle, d'engager des crédits de démarrage au niveau du gouvernement fédéral pour renforcer considérablement les établissements francophones en dehors des grandes villes du Canada.
Le gouvernement pourrait s'engager à faire progresser l'immigration dans le coeur du pays et surtout à renforcer l'immigration francophone au Canada et non pas simplement au Québec. Si l'on ne se décide pas à verser ces crédits de démarrage, qu'il ne sera pas nécessaire de renouveler, il faut bien voir que l'établissement des francophones en dehors de nos grandes villes au Canada se heurtera à des obstacles.
Faisons le nécessaire et ils viendront. C'est au coeur de nos discussions. J'ai vérifié auprès de notre gouvernement provincial et il y a des crédits disponibles à ce niveau; ils sont tout simplement insuffisants pour combler tous les besoins. Je demande donc à votre comité de transmettre ce message important pour favoriser le développement à long terme de nos collectivités francophones dans notre pays.
¿ (0920)
Le président: Nous vous reposerons peut-être d'autres questions, mais je tenais à ce que Louis entende cela.
Louis, avez-vous ici une question précise à poser à Richard?
Mr. Louis Plamondon: May be a commentary...
[NOTE : En raison des difficultés techniques, le texte suivant de la version anglaise est tiré de l'enregistrement de l'interprétation simultanée.]
Cela vous donnera la possibilité d'utiliser notre système. Mon commentaire est le suivant.
Merci de vouloir augmenter le nombre de francophones à l'extérieur du québec, mais il est très difficile de survivre en français à l'extérieur du Québec. Le taux d'assimilation dans l'Ouest du Canada est de 71 p. 100, par exemple. Dans la circonscription de Mme Copps, le taux d'assimilation est de 81 p. 100 chaque année.
Je ne voudrais pas revenir sur l'histoire du Canada, mais je vous rappelle que lors de l'établissement des provinces de l'Ouest, les francophones étaient majoritaires. Lorsque le Canada a été créé en 1837, la majorité était francophone.
Il y a eu des lois, par exemple, qui ont été adoptées pour interdire l'étude du français, ce qui a mis hors la loi les écoles françaises. Des lois ont été adoptées pour interdire à certaines personnes de pratiquer telle ou telle religion. Toutes ces lois étaient très pernicieuses et nous nous sommes efforcés de les corriger. Des efforts ont été faits.
J'ai toujours soutenu que pour que le français puisse survivre, il fallait que le Québec soit souverain. Je reconnais toutefois que le Canada, tout particulièrement ces dix dernières années, a fait de gros efforts au niveau du réseau scolaire. Est-ce qu'ils donneront des résultats? J'en doute. C'est parce que j'estime qu'en Colombie-Britannique, les francophones sont la sixième minorité. Par conséquent, même si l'on faisait immigrer plusieurs milliers de francophones par an, l'inconvénient c'est que les enfants de ces francophones s'assimilent immédiatement. Ils oublient leur langue.
Prenez le cas, par exemple, du collègue de Mme Yelich, il s'appelle Leon Benoit. Son grand-père est né à Trois-Rivières. Trois-Rivières est une ville du Québec à 100 p. 100 francophone. Son grand-père était donc francophone, mais Leon ne parle pas un seul mot de français. Il prononce même son nom à l'anglaise—« Leonne Benoït », et non pas Léon Benoît.
Il suffit donc que passe une génération dans l'Ouest du Canada pour que le français disparaisse et que les gens deviennent anglophones. C'est la tendance, et il est difficile d'y remédier.
Je tenais à faire ce commentaire, parce que j'ai été surpris par cette initiative. J'apprécie cependant vos bonnes intentions, la bonne volonté dont vous faites preuve, votre générosité lorsque vous préconisez le renforcement de l'immigration francophone ainsi que votre admiration pour la réalité francophone du Canada. Je vous remercie, par conséquent, même si je pense que vous rêvez.
[Fin de la partie traduite dans la version anglaise.]
¿ (0925)
Le président: Si nous devons en discuter, nous le ferons cet après-midi. Je tenais simplement à donner à mon collègue la possibilité de s'exprimer.
Zale, je vais vous donner aussi cette possibilité. Je pense que vous vouliez évoquer un point en particulier.
[Français]
Louis, ma grand-mère est de Trois-Rivières aussi.
[Traduction]
M. Zale Tanner: Oui, je tenais simplement à signaler, puisque l'on parle du processus démocratique, que j'en connais la nécessité et que je suis d'accord avec ce principe. Je ne fais que refléter l'opinion de l'immense majorité des gens avec qui j'ai pu parler et qui se demandent bien pourquoi la loi sur la citoyenneté ne se contente pas de faire état des droits et des obligations des citoyens en s'assurant que tous ceux qui sont accusés de l'enfreindre d'une manière ou d'une autre puissent être entendus par une cour de justice.
C'est la réalité toute simple qui est celle des gens qui risquent d'être affectés à la base.
Le président: C'est exactement ce que nous faisons : nous écoutons les gens en espérant pouvoir améliorer la loi. Grâce à vos interventions et aux discussions que vous avez avec nous, on peut faire jouer le processus démocratique. Il faut espérer que notre comité réussira à apporter les amendements indispensables pour améliorer ce projet de loi.
J'ai quelques questions à vous poser parce que j'ai besoin d'explications.
Pour ce qui est de l'ABC, vous préconisez au sujet de l'article 17, Brian, qu'on limite le secret de l'exposition des éléments de preuve au deuxième stade de l'audience, qui est la partie correspondant à la recevabilité des preuves. Que se passe-t-il si ces éléments de preuve se rapportent à la première étape—le fait, par exemple, d'avoir caché en toute connaissance de cause son appartenance à un groupe terroriste? Que feriez-vous sur ce point? Y avez-vous pensé?
Certaines personnes nous ont dit qu'il nous fallait disposer d'une instance, et il est possible que ce comité CSARS soit le lieu indiqué si l'on veut que ces renseignements restent quasi confidentiels tout en permettant au moins à la personne accusée de telle ou telle infraction de se faire entendre. On nous a dit que le CSARS serait peut-être l'instance qui s'impose. Je me demande ce que vous en pensez, parce que vous avez parlé du deuxième stade et non pas nécessairement du premier.
M. Brian Tsuji: Oui, je pensais davantage au cas où ces fausses déclarations ne représentent pas un danger grave pour la sécurité nationale. Lorsqu'une fausse déclaration a effectivement de graves répercussions et qu'elle met en cause, par exemple, la sécurité nationale ou une organisation terroriste, ce serait probablement un bon moyen de faire connaître l'accusation à la personne concernée en lui permettant de réagir tout en gardant... disons que le terme de secret n'est pas le bon mot, mais c'est dans cet ordre d'idées.
Le président: L'autre question que je tiens à vous poser renvoie éventuellement à plusieurs choses. Il y a tout d'abord cette mise à l'épreuve en matière de citoyenneté. Bien des gens nous ont dit jusqu'à présent qu'ils n'aimaient pas cette expression de Canadiens « mis à l'épreuve ». On est Canadien ou on ne l'est pas, et après cinq ans d'attente—ou deux ans comme vous l'avez proposé... Si l'administration n'a pas trouvé le temps nécessaire alors que la personne considérée réside en permanence dans le pays depuis trois, quatre, cinq ou six ans, pourquoi soudainement se demander si vous êtes ou non un bon citoyen au bout de cinq ans? Vous semblez accepter le principe d'une mise à l'épreuve des Canadiens pendant deux à cinq ans, et je me demande comment vous en arrivez à cette conclusion.
M. Brian Tsuji: Disons que dans l'idéal nous préférerions que cette disposition ne soit pas là.
Le président: Écoutez-moi, je ne vous demande pas de faire systématiquement des compromis. J'essaie de savoir quelles sont vos convictions. Je sais que les avocats n'aiment pas trop se mouiller, mais il faudrait quand même que vous me donniez quelques réponses s'appuyant sur des principes.
Je ne suis pas là pour faire des compromis ou pour négocier ce que nous pouvons accepter ou non. Je veux que vous me donniez des réponses claires.
M. Brian Tsuji: Très bien. Je vais vous dire... Au plan national, nous avons largement débattu de cette question : faut-il avoir ou non cette disposition; qu'est-ce qui sera le plus acceptable?
¿ (0930)
Le président: Comment le savez-vous?
M. Brian Tsuji: C'est la réaction que nous avons enregistrée lorsque nous vous avons présenté les deux termes de l'alternative. Elle s'est contentée de prendre connaissance du premier et de dire : « Bon, il veut écarter l'intégralité de la disposition. » Elle n'a pas dit : « Ah, voyons le deuxième terme de l'alternative, ils sont prêts à... »
Le président: Bon. Très bien.
Wesley ou Joseph, avez-vous des observations à faire sur la période de mise à l'épreuve?
Dr Joseph Molnar: Je n'en vois vraiment pas la nécessité, je vous l'avoue. J'écarterais cette disposition.
Le président: Très bien.
Wesley?
M. W. Wesley Pue: Je lis tout le temps que les députés ne font jamais rien, mais je dois vous dire que ce n'est pas ce que j'ai pu constater en regarder travailler les comités parlementaires. Les responsables semblent particulièrement bien informés.
Ce que je demande à votre comité, si cette disposition doit être purement et simplement écartée, c'est de le dire.
Le président: L'inconvénient, c'est que certains d'entre nous estiment que la loi actuelle doit être améliorée.
J'ai une dernière question à vous poser, professeur. Vous nous dites que la citoyenneté est un droit fondamental, et pourtant le ministère nous a fait savoir que la perte de la citoyenneté ne relève pas nécessairement des dispositions de l'article 7 de la charte en matière « de vie, de liberté et de sécurité ».
Comment considérez-vous une personne qui perd sa citoyenneté, que vous considérez davantage, à mon avis, comme un droit plutôt que comme un privilège? Si l'on perd ce droit, est-ce qu'on perd en fait un droit reconnu par la Charte?
M. W. Wesley Pue: Je ne voudrais pas jouer au plus fin avec les avocats qui conseillent les ministères à Ottawa, mais je tiens à rappeler certains arguments de bon sens.
Qu'est-ce qui est plus important pour un Canadien que d'être Canadien? Qu'arrive-t-il à une personne lorsqu'on lui retire sa citoyenneté? Pratiquement tous ses autres droits au sein de la société disparaissent. J'exagère un peu pour les besoins de la démonstration, mais elle perd beaucoup de chose. Si le fait de perdre le droit fondamental d'être appelé citoyen du Canada ne remet pas en cause tout ce que les Canadiens jugent de plus précieux, je n'y comprends plus rien.
Le président: Très bien.
Nous allons d'ailleurs poser des questions à certains de ces soi-disant avocats pour ce qui est des protections conférées par la charte.
Enfin, si vous me le permettez, Kelly, j'aimerais vous poser une question au sujet des juges. À l'heure actuelle, il s'agit d'un corps quasi judiciaire indépendant appelé à faire un certain nombre de choses. Tout d'abord, lorsqu'une personne est sur notre territoire depuis un certain nombre d'années, le juge doit déterminer si les compétences linguistiques et les connaissances qu'a cette personne de notre pays sont suffisantes, et par ailleurs si elle répond aux critères de résidence. Vous nous avez dit qu'il fallait faire preuve en l'espèce de suffisamment de souplesse, en tenant compte des réalités de la nouvelle économie mondiale, des familles, des entreprises, etc.
Si l'on applique des critères purement objectifs comme le veut l'administration... Elle veut se débarrasser des juges parce qu'elle ne veut pas qu'on juge. Elle veut pouvoir évaluer les dossiers d'une façon totalement déshumanisée sur le modèle suivant : « Vous avez là un barème. Est-ce que vous passez la barre? Oui ou non? » Si vous ne passez pas la barre, on vous dit : « Merci; vous n'aurez pas votre citoyenneté », alors qu'à l'heure actuelle les juges doivent faire preuve de jugement, parler aux gens, les interroger et faire preuve d'un pouvoir discrétionnaire lorsqu'ils se prononcent sur les compétences linguistiques de chacun.
Reconnaissons que certaines personnes ne parleront peut-être pas aussi bien l'anglais ou le français que nous le voudrions, mais n'en sont-elles pas pour autant des citoyens? Doit-on aussi par ailleurs les pénaliser si elles ont passé six mois à l'étranger pour s'occuper de leur belle-mère, par exemple? Sur un troisième point, on les juge en fonction de leurs connaissances du pays.
Je considère donc que les juges jouent un rôle indépendant et discrétionnaire que ce projet de loi va leur retirer en le confiant essentiellement à l'administration. Je pense que vous nous avez déjà indiqué qu'à votre avis nous avions besoin qu'une personne en chair et en os ayant un pouvoir d'appréciation se retrouve en face du candidat à la citoyenneté canadienne pour savoir si sa candidature est recevable.
M. Kelly Ip: Je considère que la mise en place de cet examen écrit est la pire des choses. Celui qui répond à 12 questions sur 20 est admis à l'examen de connaissances. Bien souvent, cependant, les gens choisissent au hasard et se retrouvent avec 12, 14 ou 16 réponses bonnes.
J'ai le sentiment qu'il devrait y avoir une certaine interaction entre le juge et le demandeur qui sont assis l'un en face de l'autre.
¿ (0935)
Le président: Rapidement, sur cette même question, est-ce que l'on va ainsi économiser de l'argent? Est-ce que ce sera plus efficace? Nous avons à l'heure actuelle une liste d'attente de huit à dix mois pour ce qui est des candidats à la citoyenneté. Vous étiez administrateur. Est-ce qu'une procédure administrative sera bien plus efficace ou plus coûteuse comparativement à ce que nous avons à l'heure actuelle?
M. Kelly Ip: Si John Manley a toutes sortes de crédits à distribuer, je suis sûr qu'il pourrait en donner un peu plus aux services et aux cours de la citoyenneté.
Le président: Je ne pense pas qu'il l'ait fait hier soir. Il en a donné un peu à l'immigration, aux réfugiés, etc.
M. Kelly Ip: N'oubliez pas que si l'on relève la qualification des fonctionnaires devant être chargés de ces dossiers, au lieu de PM-1 et de PM-2, on aura affaire à des PM-3 et à des PM-5.
Le président: Juste avant que vous partiez, je vous signale que nous nous penchons par ailleurs sur la mise en place éventuelle d'une carte d'identité nationale. Je pense que Wesley en parlait cet après-midi. Quelqu'un a-t-il une opinion à ce sujet? Nous aimerions bien avoir votre avis à un autre moment. Le Canada doit-il envisager l'adoption d'une carte d'identité nationale? Qu'en pensez-vous?
Richard, vous avez des commentaires à faire? Sinon, passez votre tour. Vous nous écrirez plus tard.
M. Richard Kurland: Je passe mon tour.
Le président: Wesley, vous en parlerez après Brian.
M. Brian Tsuji: Je passe mon tour.
Le président: Joseph.
Dr Joseph Molnar: En fait, nous avons une carte d'assurance sociale. Ne peut-on pas la considérer comme une carte d'identité?
Le président: C'est une bonne remarque.
Zale.
M. Zale Tanner: On peut considérer que ce n'est qu'une formalité bureaucratique de plus.
Le président: Kelly.
M. Kelly Ip: J'aimerais que tous les Canadiens aient une carte. On en a évoqué la possibilité il y a bien des années, mais le Parlement s'y est refusé par crainte de tomber dans un État policier.
Le président: Nous en débattons à nouveau.
M. Kelly Ip: Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas avoir une carte. J'ai sur moi toutes sortes de cartes. Ce serait une mesure de précaution. J'aimerais que l'on ait une carte.
Dr Joseph Molnar: Vous auriez une carte de citoyenneté dans votre portefeuille.
Le président: Il y a aussi cela. Nous allons en discuter ou en débattre cet après-midi, mais si vous avez des renseignements...
N'oubliez pas que j'apprécie vos commentaires, votre participation et vos observations judicieuses, qui revêtent encore plus d'importance pour nous alors que nous examinons ce projet de loi pour l'améliorer, il faut l'espérer, dans toute la mesure du possible. Je remercie chacun d'entre vous d'avoir pris le temps de venir. Merci.
Nous allons faire une pause et nous reviendrons immédiatement.
À (1005)
Le président: Monsieur Work, excusez-moi pour ce petit retard. Je tiens à vous souhaiter la bienvenue à nos audiences sur la carte d’identité nationale.
Nous attendons avec impatience votre intervention. Nous avons une copie de votre mémoire mais, si vous voulez bien nous en exposer les grandes lignes, nous aurons ensuite quelques questions à vous poser.
Soyez le bienvenu, Frank.
M. Frank Work (commissaire, Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de l'Alberta): Merci, monsieur le président. Je me trouve quelque peu isolé dans mon coin. J’aurais dû amener avec moi tout un groupe d’accompagnateurs pour vous impressionner. J’imagine qu’il va falloir me débrouiller tout seul.
Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs. Merci de m’avoir donné l’occasion de vous entretenir de la carte d’identité nationale.
Je vous ai manqué à Edmonton. Paradoxalement, alors que vous étiez à Edmonton, j’assistais à une conférence à Victoria sur le respect de la vie privée et la sécurité, mais je me félicite d’avoir réussi à vous rattraper ici à Vancouver.
J’ai lu les mémoires de mes collègues Loukadelis, Cavoukian et Radwanski, et je vous les recommande non seulement pour la profondeur de leur analyse, mais aussi pour la pertinence de l’argumentation philosophique que l’on y trouve. Je ferais peut-être un peu plus appel aux émotions dans mon mémoire qu’ils ne l’ont fait dans les leurs.
Je ne connais pas vraiment les détails de la proposition, et je crois comprendre dans la documentation fournie par le comité que cette notion n’en est encore qu’à ses balbutiements, ce qui fait que les détails sont flous. Je prendrai donc la liberté de spéculer quelque peu au sujet de son contenu éventuel.
Sur le plan des principes, cette proposition n’est pas bonne, à mon avis. Il est très malvenu d’imposer une carte d’identité aux Canadiens, et je vous invite à enterrer ce projet dès maintenant. Il ne s’agit pas là uniquement selon moi d’un problème de vie privée, même si c’est certainement une dimension du problème; c’est un problème qui touche au coeur de nos libertés civiles.
Je suis sûr que votre comité a déjà entendu dire une dizaine de fois qu’il faut faire respecter d’une certaine manière l’application obligatoire de la carte, si l’on veut qu’elle soit efficace, même si ces mesures d’application obligatoire restent minimes comme on le voit dans certains pays européens. Il n’en reste pas moins que le caractère obligatoire est contraignant; il faut obtenir la carte et la porter plus ou moins sur soi.
C’est là une caractéristique qui à mon avis est tout à fait contraire à la société canadienne. Nous n’avons jamais eu à nous pencher sur ce genre de problème auparavant. Même si en ces temps troublés nous sommes tous plus ou moins habitués à produire nos documents d’identification à l’occasion, l’idée qu’il nous faille obligatoirement le faire à la demande est très inquiétant, très menaçant et, je le répète, tout à fait contraire à notre société.
C’est aussi simple que le principe consistant à dire « il ne faut pas l’oublier en partant de chez soi ». Ce principe tout à fait simple change tout, à mon avis. Il ne faut pas oublier sa carte d’identité avant de sortir. Si les enfants sont à l’école, s’ils sont en train de jouer au hockey, surtout ne pas oublier sa carte d’identité. Que se passe-t-il alors si on l’oublie?
Le président: Vous allez peut-être devoir payer des redevances à American Express pour vous être exprimé ainsi.
À (1010)
M. Frank Work: Effectivement, je ne vais pas m’en formaliser.
C’est vrai. Il vous faudra tenir compte de la nécessité d’avoir la carte sur vous. Même si vous n’en avez pas besoin constamment, à chaque occasion, il vous faudra toujours penser avant de sortir de chez vous si vous en avez vraiment besoin.
C’est l’idée toute simple que l’on ne peut pas sortir dans la rue ou aller promener le chien sans se demander s’il faut ou non prendre sa carte d’identité. Va-t-on se rendre à un endroit où cette carte est susceptible d’être exigée ou devoir être présentée pour obtenir quelque chose?
Cette réalité toute simple change à mon avis énormément de choses au Canada et au sein de notre société, ne serait-ce que parce que les individus ont désormais la charge de prouver qu’ils ont le droit d’être à tel ou tel endroit. J’ai le droit d’être ici et là. Ce n’est pas ça le Canada.
Quelle est la nécessité d’une telle mesure? Notre société est-elle tellement infiltrée par les terroristes et les ennemis de l’État qu’il faille que tout le monde devienne suspect? Ce n’est évidemment pas le cas. Des pays comme le Royaume-Uni ou les États-Unis, qui ont une bien plus grande expérience dans ce domaine, ont résisté jusqu’à présent à la tentation d’instituer une carte d’identité nationale. Je reconnais que le problème continue à se poser aujourd’hui encore au Royaume-Uni.
Si la carte a pour objectif de lutter contre les substitutions d’identité, je vous dis alors que la solution consiste à améliorer les moyens d’identification actuels à l’aide des documents d’établissement et de vérification de l’identité, qu’il s’agisse des passeports, des permis de conduire, des certificats de naissance, etc. J’ai appris, même si ce n’est que récemment, que l’on cherchait à adopter ce genre de mesure au plan national.
C’est le résultat des efforts d’un groupe de travail dont le nom m’échappe à l’occasion. C’est l’un de ces noms à rallonge. Il s’agit d’un groupe fédéral-provincial-territorial chargé de se pencher sur les documents d’établissement de l’identité relevant de la compétence provinciale. Je considère que c’est la façon de procéder pour éviter les substitutions d’identité. Je pense que c’est possible. Nous avons l’infrastructure.
Les services statistiques provinciaux disposent des moyens et des ressources nécessaires pour délivrer des documents d’identité et des certificats de naissance. À mon avis, nous pouvons nous attaquer aujourd’hui au problème des substitutions d’identité en améliorant le contenu et la délivrance des documents d’établissement de l’identité. On pourrait probablement y parvenir à une fraction du coût exigé pour la mise en place d’une carte d’identité nationale.
En tant que commissaire provincial à l’information et à la protection de la vie privée, je considère que cette solution présente en outre l’intérêt de faire intervenir des bureaux comme le mien. Mon bureau, comme la plupart des bureaux des commissaires à l’information et à la protection de la vie privée, est un organisme autonome comme l’est le bureau du vérificateur général. Nous collaborons avec le gouvernement de l’Alberta à différents projets, notamment à la mise en place d’un permis de conduire amélioré et plus sécuritaire ainsi qu’à l’établissement de meilleurs documents d’identité, certificats de naissance, certificats de décès, etc.
D’ailleurs, en collaboration avec le gouvernement de l’Alberta, nous oeuvrons à la mise en place d’un permis de conduire pour les « non-conducteurs ». Ceux qui ne conduisent pas, les personnes âgées, par exemple, ont néanmoins besoin d’une carte d’identité fiable s’accompagnant d’une photo pour pouvoir voyager. Nous cherchons à remédier à ce problème. Nous collaborons avec le gouvernement provincial à l’établissement d’une carte d’identité répondant aux besoins de ces personnes tout en leur garantissant une certaine autonomie et une certaine sécurité sur le plan de la protection de la vie privée.
J’invite votre comité à adopter cette solution pour lutter contre les substitutions d’identité. Je vous signale d’ailleurs qu’une carte d’identité obligatoire rend en fait l’individu et la société plus vulnérables à certains égards. À partir du moment où une carte d’identité nationale est sûre et garantie à 100 p. 100, on finit par lui faire aveuglément confiance. Rien n’est sûr et garanti à 100 p. 100.
À (1020)
Le président: Tous nos remerciements, Frank, pour cette intervention judicieuse s’appuyant sur un certain nombre de prémisses qui, compte tenu de votre expérience en tant que commissaire à la protection de la vie privée en Alberta, méritent d’être approfondies en réponse à nos questions. Merci, Frank.
M. Frank Work: Je vous remercie.
Le président: Andrew.
M. Andrew Telegdi: Merci.
À (1025)
Le président: Si vous voulez vous aussi jouer les sots, allez-y, mais...
M. Frank Work: Je suis tout à fait d’accord avec un certain nombre d’arguments que vous venez d’avancer. Je n’y avais pas encore pensé, mais vous venez de me le rappeler. Cet exercice est particulièrement instructif lorsqu’on voit ce qui a été fait au sujet des cartes de santé, notamment au Québec. Le gouvernement du Québec a lancé un projet pilote à Rimouski, ou dans une autre ville, il y a environ cinq ans, concernant une carte à puce en matière de santé. Les responsables voulaient savoir s’il était raisonnable d’intégrer des renseignements sur la santé dans une carte pour que la population soit mieux cernée. L’objectif n’était pas mauvais. Ils ont constaté, et ça va dans le sens de vos propos, que le problème venait du fait que les gens perdaient lesdites cartes. Ils les oubliaient, les égaraient.
À (1030)
M. Louis Plamondon: [NOTE : En raison des difficultés techniques, le texte suivant dans la version anglaise est tiré de l’interprétation simultanée]
J’ai une question à vous poser. Nous avons entendu hier une femme qui nous a dit, je crois, qu’elle était citoyenne suisse et qu’elle avait une carte d’identité suisse. Elle nous a affirmé que tout se passait très bien. Avez-vous vérifié auprès d’autres pays pour savoir s’ils avaient des cartes d’identité?
[Fin de la partie traduite dans la version anglaise]
M. Frank Work: Oui, bien entendu, ils sont nombreux à le faire. La plupart des pays européens ont des cartes d’identité qui doivent être produites dans certaines circonstances, plus ou moins fréquemment selon les pays. Ainsi, dans certains pays européens, il faut produire une carte d’identité lorsqu’on s’enregistre dans un hôtel.
À (1035)
Le président: Merci.
Notre comité dispose évidemment de renseignements au sujet des autres pays, y compris ceux qui ont une carte, ceux qui n’en ont pas et ceux qui ont déjà procédé à ce débat. Nous déciderons éventuellement de chercher à savoir ce qui se passe dans d’autres pays, notamment aux États-Unis, qui semblent vouloir que tout le monde se dote d’une carte dont ils ne veulent pas eux-mêmes parce que cela irait à l’encontre de leurs principes en matière de protection de la vie privée.
Notre comité se lance donc dans ce débat et il est bien possible qu’il cherche à savoir où en est la situation dans d’autres pays pour en connaître tous les tenants et les aboutissants. Nous avons entendu dire que certains pays, comme les Philippines, ont jugé que c’était inconstitutionnel, alors que d’autres, comme les Pays-Bas, ont tout à fait accepté la chose.
Sophia.
Mme Sophia Leung: Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Work, pour votre exposé.
À (1040)
M. Frank Work: Je vais le faire avec plaisir.
Je pense que M. Fontana a bien perçu ce qui se passait au sud de notre frontière. Bien franchement, je ne pense pas qu’une carte ou qu’un passeport, quel que soit le soin qu’on y ait mis, vont donner satisfaction aux Américains. Je sais que nous sommes en train d’améliorer notre mécanisme de délivrance des passeports. Je ne pense pas qu’à l’heure actuelle il y a un moyen de donner satisfaction aux Américains.
C’est en fait avec un grand déplaisir, peu après le 11 septembre, que j’ai constaté que l’on faisait toute une histoire au sujet des Canadiens se rendant aux États-Unis. Pourtant, la plupart des auteurs de l’attentat se trouvaient au départ sur le territoire des États-Unis. Il s’agissait de ressortissants de l’Arabie Saoudite ayant suivi des formations de pilote aux États-Unis. Pourtant, les Américains se sont tournés vers nous et nous ont montré du doigt en disant que nous ne faisions pas notre part. Ça me paraît tout à fait absurde.
Je pense qu’en ce moment la société américaine est effrayée et confuse. Elle a subi à mon avis un choc horrible. Il lui est arrivé quelque chose à laquelle elle n’aurait jamais pensé. Je considère qu’elle est en quelque sorte désespérément à la recherche de solutions et de sécurité.
« Celui qui agit hâtivement aura tout le temps de s’en repentir » dit le proverbe. Je crois que les Américains vont regretter un certain nombre de choses qu’ils ont faites. On le voit déjà.
Mme Sophia Leung: Puis-je intervenir?
Nous ne pouvons pas nous contenter de critiquer d’autres pays. Comment allez-vous protéger les Canadiens pour leur éviter de subir une procédure d’inquisition lorsqu’ils doivent passer la frontière?
Restons pratiques et très précis. Je vous dis que l’explication est là. Nous devons protéger nos citoyens par une simple carte comportant des empreintes digitales, une reconnaissance par l’iris, etc. On a même vu là-bas des gens être mis en prison parce qu’ils n’avaient pas donné des réponses satisfaisantes.
C’est probablement une autre raison pour laquelle nous devons réfléchir. Il ne s’agit pas de savoir pour l’instant ce que nous pensons de tel ou tel pays. Nous devons rester pratiques et voir ce que nous pouvons faire pour aider nos citoyens à se protéger face à ces différents obstacles.
M. Frank Work: En réponse à votre question, je vous ai dit que nous ne pouvions pas donner satisfactions aux Américains.
Mme Sophia Leung: Nous ne cherchons pas à leur donner satisfaction. Nous voulons protéger nos citoyens.
M. Frank Work: Excusez-moi, mais vous me demandez comment protéger nos citoyens qui se rendent aux États-Unis. Je vous dis qu’on ne peut pas le faire, que c’est impossible. Je ne vois pas ce que l’on pourrait faire pour protéger les Canadiens et leur garantir un accès facile aux États-Unis à tout coup. Les Américains ne sont pas disposés à l’accepter.
Il n’y a pas de panacée, c’est ce que je vous dis, qui permettrait aux citoyens canadiens d’avoir l’agrément des Américains.
Mme Sophia Leung: Par conséquent, nos n’allons rien faire?
Le président Il s’agit en partie de savoir si une fois que l’on s’est doté—et c’est sur cela que porte le débat—d'une carte, si c’est à cela qu’on veut recourir, il est évident qu’il est essentiel qu’elle soit acceptée au plan international. À partir du moment où les Américains ne vont pas l’accepter—ils vont peut-être l’exiger, mais ils ne l’accepteront pas—soyons réalistes, les personnes qui voyagent se verront quand même demander leur passeport, bien évidemment, parce que c’est le document accepté au plan international pour ce qui est des voyageurs. Les Américains ont même remis en cause notre propre passeport, parce qu’ils veulent pouvoir établir le profil des personnes nées au Canada et de celles qui ne le sont pas.
Par ailleurs, si l’on en vient à exiger un passeport et une carte d’identité nationale, je pense que je vous suivrais tous les deux, Frank et Sophia, en me demandant à quoi peut bien servir précisément cette carte. Il nous faut en revenir à la question essentielle : pourquoi avons-nous besoin de cette carte? Est-ce pour protéger les Canadiens? Contre qui—contre eux-mêmes ou contre des personnes de l’extérieur? Qui exige une telle carte puisque certains pays en ont et d’autres n’en ont pas? Je pense que c’est l’essentiel.
Puis-je vous poser une question ou deux, Frank? Votre cas est bien particulier, puisque vous avez à la fois le portefeuille de l’information et celui de la protection de la vie privée alors qu’à Ottawa, bien évidemment, il y a d’un côté le commissaire à l’information et de l’autre le commissaire à la protection de la vie privée. Pouvez-vous me dire si les deux postes ont bien des choses en commun? Bien entendu, c’est la raison pour laquelle on les a mis... Chez nous, nous avons bien sûr séparé l’information de la protection de la vie privée. Nous avons invité le commissaire à l’information—qui viendra ou non, selon qu’il estime qu’il y a un lien entre l’information et la carte d’identité nationale—par opposition à M. Radwanski, qui comparaîtra devant notre comité sur les questions de protection de la vie privée.
Vous pourriez peut-être nous faire part de votre expérience, en tant que commissaire à l’information et à la protection de la vie privée et nous dire si les deux fonctions sont compatibles et dans quelle mesure la carte d’identité nationale joue un rôle en matière d’information. Vous nous l’avez dit, la plupart des pays n’ont pas de commissaire à l’information, mais des commissaires à la protection des données. Vous pourriez peut-être nous expliquer comment ça fonctionne.
À (1045)
M. Frank Work: Oui, avec plaisir.
La plupart des provinces et des territoires ont désormais des commissaires à l’information et à la protection de la vie privée; les deux fonctions sont associées. Je pense que la logique est la suivante—et je suis sûr que votre comité le constate—il y très peu d’exclusives en ce qui a trait à la vie privée et à l’accès à l’information, qui est le contraire de la protection de la vie privée.
Les gens sont loin de s’accorder sur l’étendue de la protection de la vie privée qui convient. Dans les petites villes—dans les régions rurales comme en Alberta—tout le monde se connaît et ne s’attend pas à ce que sa vie privée soit aussi protégée. Dans les grandes villes, nous restons parfois plus anonymes. De ce point de vue, je pense par conséquent qu’il est logique de combiner ces deux fonctions, parce que la délimitation n’est pas toujours claire entre l’accès à l’information et la protection de la vie privée.
Bien évidemment, la Loi sur l’accès à l’information autorise chacun à s’informer auprès du gouvernement, et l’une des principales raisons pour lesquelles on peut vous refuser cette information, c’est lorsqu'elle comporte des renseignements personnels au sujet de quelqu’un. Dans le cas de la carte d’identité nationale, s’il y avait une telle carte, en Alberta, par exemple, quelqu’un pourrait faire appel à la Loi sur l’accès à l’information pour obtenir des renseignements sur la carte d’identité de l’Alberta. Il n’y parviendrait pas, parce que la section de la loi consacrée à l’accès à l’information dispose qu’on ne peut donner de renseignements personnels sur quiconque.
Ce que l’on pourrait obtenir, en raison de la Loi sur l’accès à l’information, ce sont des renseignements concernant le fonctionnement de la carte ou des données administratives se rapportant au budget ou à la structure des services chargés d’administrer la carte mais, en vertu de la législation sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée, on ne pourrait pas obtenir de renseignements personnels.
Le président J’aimerais toutefois nous replacer dans le cadre de nos discussions. J’aimerais que vous nous disiez ce que vous pensez de la possibilité pour le gouvernement fédéral d’empiéter sur la compétence des provinces en exigeant effectivement une carte d’identité venant se substituer aux documents d’établissement de l’identité que fournit l’Alberta, qu’il s’agisse des certificats de naissance, du permis de conduire, de la carte de santé ou autres. Pensez-vous que vont se poser des problèmes de ce genre lorsque...?
À (1050)
M. Frank Work: Je ne pense pas, monsieur le président, que ce serait là une ingérence dans le domaine provincial. De toute évidence, la carte fédérale interviendrait dans les domaines qui relèvent de la compétence fédérale : l’immigration, les passeports, les droits fédéraux, etc.—le droit pénal relève du fédéral. À partir du moment où cette carte ne sert pas par ailleurs de permis de conduire ou de certificat de naissance, je ne vois pas là non plus trop de chevauchements.
Le président: Laissez-moi donc simplement vous demander, sur la question de l’amélioration des documents d’établissement de l’identité : si effectivement on veut se protéger contre les substitutions d’identité... Le ministre lui-même a évoqué cette question. C’est une grosse affaire; il faut bien l’avouer. Je comprends les arguments de ceux qui disent que l’on risquerait de faciliter les substitutions d’identité si l’on faisait confiance à une seule carte, comparativement à la situation actuelle, où Joe Fontana est défini par un passeport, une carte de citoyenneté, huit ou dix cartes Visa, un permis de conduire, etc., les renseignements étant totalement disséminés. Je pense que vous nous avez fait comprendre qu’en regroupant en fait tous ces renseignements et en faisant en sorte qu’une seule carte soit acceptée au plan national et qu’elle soit exigée pour encaisser un chèque, se promener dans la rue, etc., soudainement cette petite carte dit tout à mon sujet : si on la perd, ou si quelqu’un parvient à accéder à la base de données, quelle est la quantité de renseignements qu’il va alors pouvoir se procurer?
J’ai été intrigué par le raisonnement inverse : le fait qu’en faisant preuve de tant de zèle pour nous protéger et nous identifier—de manière à protéger notre identité, comme l’indique Sophia, en consignant tant de renseignements sur une petite carte—n’allons nous pas obtenir l’effet contraire? Il me semble que c’est ce que vous nous dites.
M. Frank Work: Oui, je pense que ce serait vraisemblablement le cas.
Je vous le répète, il m’apparaît que le travail doit porter sur les documents d’établissement de l’identité.
Ce qui est intéressant, et il en est probablement ainsi pour les ordinateurs que la Chambre des communes met à la disposition des députés, c’est que le code de sécurité est conçu de telle manière qu’on a généralement besoin de deux choses pour pénétrer à l’intérieur d’un système : une chose que l’on a en sa possession—un élément physique—et une chose qu’on est le seul à savoir. Lorsqu’on téléphone à une société de cartes de crédit pour vérifier son solde ou signaler la perte d’une carte, on se voit demander le nom de jeune fille de sa mère, ou encore le nom de son fils ou de sa fille, par exemple. De ce point de vue, on garantit pratiquement mieux la sécurité qu’avec une carte parfaite, même avec des données anthropométriques, parce que c’est une chose qu’on est le seul à savoir à moins que l’on soit assez fou pour le dire aux gens.
Par conséquent, je pense effectivement qu’il faut avoir plus d’une corde à son arc parce que l’identification à l’aide d’une seule carte à laquelle on fait exclusivement confiance représente un talon d’Achille.
Le président: Plus je pense à la possibilité de perdre cette carte et autres inconvénients de ce genre... Je ne veux pas faire du mauvais esprit, mais notre greffier nous a laissé entendre que ce serait peut-être là le moyen d’identification ultime auquel on pourrait faire appel pour protéger les enfants dans certains cas, ou encore les chiens, et que l’on pourrait nous greffer une puce électronique à la naissance pour que nous soyons totalement repérables, parce que je suis sûr que l’on serait raccordé au GPS et tout ce qui s’ensuit. Ce serait le fin du fin.
Pensez-vous que c’est dans cette voie que nous nous engageons?
M. Frank Work: Même dans ce cas, monsieur le président, il pourrait y avoir des falsifications. Mon chien a une puce électronique—je crois que c’est entre les deux épaules—et à partir du moment où on peut implanter une puce électronique, on peut certainement la retirer pour en mettre une autre.
Le président: Je ne voudrais surtout pas être Bill Farrell; je vous le dis tout de suite.
M. Frank Work: S’il avait une puce électronique qui lui donne le droit à la parole, je pense que mon petit chien aimerait être un grand danois.
Voilà qui est très intéressant.
Bien entendu, le meilleur marqueur est la génétique. Pour identifier quelqu’un pratiquement sans risque de se tromper, il faudrait recourir à la génétique.
À (1055)
Le président: Selon vous, l’ADN pourrait être l’une des données anthropométriques?
M. Frank Work: On n’aurait même pas besoin d’avoir une carte. Connaissez-vous la publicité dans laquelle on voit un homme devenu chauve parce que pour avoir accès à l’ordinateur de son bureau il lui faut chaque fois enlever un cheveu et le donner à l’opérateur du système? Il est à la recherche d’un dernier cheveu pour pouvoir accéder au système. C’est une publicité très drôle.
Le président: Frank, vous venez ici de nous rappeler qu’on peut se passer de la carte d’identité nationale, qu’il suffit d’afficher son propre ADN. Nous l’avons toujours sur nous, de toute façon. Il suffit de pouvoir le produire, j’imagine. Cela pose un gros problème sur le plan de la protection de la vie privée.
M. Frank Work: Nous nous heurtons à d’énormes difficultés au sujet du génome. Notre société est en train à l’heure actuelle d’envisager de reléguer dans un ghetto ceux qui ne sont pas nantis sur le plan génétique. Aucune société dans le monde n’a encore pris conscience de toutes les implications du génome humain, et ce serait donc une folie que de se lancer dans un usage intensif en la matière. Toutefois, quelqu’un va bien l’envisager au bout du compte. Je ne crois absolument pas que notre société soit prête pour l’instant. Nous allons créer de gens qui seront moins bons que d’autres sur le plan génétique.
Le président: Nous n’en arriverons pas là.
M. Frank Work: Non.
Le président: Andrew, avez-vous une dernière question à poser ou une observation à faire?
M. Andrew Telegdi: Nous avons l’immense responsabilité de faire savoir aux Canadiens qu’il n’y a pas, comme vous l’avez dit, de panacée.
J’ai tendance à être d’accord avec vous pour dire que les Américains sont très anxieux à l’heure actuelle et qu’à la moindre pensée que nous allons nous doter d’une carte d’identité nationale, ils vont se mettre à l’utiliser et que quelqu’un va alors s’en servir effectivement comme un déversoir... Les gens voudront absolument se la procurer parce que ce sera une façon de passer aux États-Unis. Par conséquent, au premier échec, tout le système s’écroulera.
Pour ce qui est de nos collègues américains, et j’espère que vous les rencontrez à l’occasion, je peux vous donner deux citations qui décrivent parfaitement la situation. La première est de Thomas Jefferson, qui a déclaré : « Ceux qui sont tentés d’abandonner leur liberté pour obtenir plus de sécurité n’auront, ni ne méritent, ni l’une ni l’autre. » L’autre est de George Washington, qui a dit que le prix à payer pour la liberté était une vigilance éternelle. C’est important.
Monsieur le président, je préfère avoir sur moi vos 10 cartes Visa accompagnées de votre passeport, de votre carte d’identité parlementaire et de votre permis de conduire plutôt que l’une de ces cartes, parce qu’elles offrent une sécurité bien plus grande et qu’il faut faire preuve d’un peu plus de vigilance.
Je pense que vous l’avez très bien dit : à partir du moment où on peut installer une puce électronique, on peut aussi la retirer.
Le gros problème sera cependant celui de l’ADN. Il faudra faire en sorte que les sociétés d’assurance ne s’emparent pas de notre ADN. Toute une catégorie de gens ne pourront plus s’assurer parce qu’ils présentent un trop grand risque. Les sociétés d’assurance vont nous assurer en fonction de notre ADN, et tout le principe de l’assurance, qui prévoit un partage des risques au sein de notre société, va disparaître. Des scénarios catastrophiques se profilent à moins que nous fassions tout notre possible pour protéger les renseignements privés.
M. Frank Work: Je n’aurais pas pu mieux l’exprimer. J’apprécie particulièrement la citation de Jefferson au sujet de la liberté. J’aurais probablement dû l’afficher au-dessus de la porte.
Á (1100)
M. Andrew Telegdi: Pourtant, il suffit que vous entriez dans le bureau de votre agent d’assurance et qu’il vous apporte une tasse de café pour connaître votre ADN.
M. Frank Work: Effectivement.
M. Andrew Telegdi: Nous devons donc nous doter de lois efficaces pour éviter qu’il puisse en être ainsi.
Vous, monsieur le président, vous avez déjà travaillé dans le secteur de l’assurance.
Le président: Toutefois, je ne suis pas sûr que l’on puisse prélever l’ADN de quelqu’un sans sa permission, à son insu. On retombe sur le problème de la protection de la vie privée.
M. Frank Work: C’est effectivement arrivé aux États-Unis. Une société a prélevé l’ADN d’une employée à son insu et l’a testé pour vérifier si elle avait le cancer ou si elle était toxicomane. L’employée a poursuivi cette société en justice et a obtenu de gros dommages-intérêts.
Le président: Au nom du comité, je peux vous dire que je suis très impressionné. Comme vos collègues, on voit que vous avez longuement réfléchi à toutes ces questions, notamment à celle-là. Nous avons apprécié que vous nous fassiez part de votre expérience et de vos connaissances pour aider le comité à débattre de la question et à décider de ce qu’il faut faire par la suite.
Merci d’avoir pris le temps de venir nous voir. Merci, Frank.
M. Frank Work: Merci, monsieur le président. J’ai apprécié cet échange de vues. Ce fut pour moi aussi une excellente expérience.
Le président: Chers collègues, nous allons passer immédiatement aux derniers témoins de ce matin, pour discuter des programmes des candidats retenus par les provinces et les territoires. Nous avons trois témoins auxquels nous allons demander de s’approcher pour pouvoir commencer immédiatement.
Je remercie à nouveau nos témoins. Nous parlons ici des accords portant sur les candidats provinciaux. Nous attendons que Lillian To, qui représente SUCCESS, nous rejoigne, mais je crois que nous pouvons commencer par les exposés. Brian et Richard nous ont remis des mémoires sur les accords s’appliquant aux candidats nommés par les provinces.
Pourquoi ne pas commencer par vous, Brian, puis nous passerons à la suite.
M. Brian Tsuji: Mon exposé sera très bref.
Le programme des candidats retenus par la province de la Colombie-Britannique, le programme d’immigration provincial, a eu beaucoup de succès. Il est très utile et donne d’excellents résultats.
Á (1105)
Le président: Voulez-vous en avoir 500 de plus qu’à l’heure actuelle ou s’agit-il d’un total de 500 par an?
M. Brian Tsuji: Je veux un total de 500.
Le président: Combien en avez-vous pour l’instant? Je pensais que vous aviez parlé de 1 000 sur cinq ans.
M. Brian Tsuji: Il y en a eu 1 000 sur cinq ans et l’on parle de 200 par an. On a alloué 150 places pour les travailleurs qualifiés et 50 pour les entrepreneurs.
Le président: Vous en obtenez donc 200 par an et vous voulez jusqu’à 500.
M. Brian Tsuji: C’est bien ça.
Le président: Très bien.
M. Brian Tsuji: À l’heure actuelle, le programme s’adressant aux travailleurs qualifiés n’a pas la possibilité d’accorder davantage de visas de travail ou de s’occuper de cette question, contrairement à ce qui se passe pour le programme s’adressant aux entrepreneurs. Bien souvent, une personne qui répond aux besoins de la Colombie-Britannique se verra accorder un statut de résident permanent en tant que travailleur qualifié nommé par la Colombie-Britannique. La Colombie-Britannique n’a besoin que de deux semaines pour faire savoir qu’elle veut cette personne. Elle transmet alors le dossier au gouvernement fédéral, qui se contente de vérifier les certificats de police et les certificats médicaux, mais il faut pour cela attendre encore de six à huit mois.
Dans l’intervalle, la Colombie-Britannique a déjà déterminé que cette personne serait utile et répond à ses besoins. Si elle avait le pouvoir d’accorder des visas de travail, cette personne pourrait déjà travailler pendant ce délai de six à huit mois.
Il y a d’autres circonstances dans lesquelles une personne répond aux besoins de la Colombie-Britannique au point qu’on veuille lui accorder un visa de travail, mais pas au point de lui accorder le titre de candidat reçu. On pourrait donc choisir dans ce cas d’accorder le statut de candidat retenu par la Colombie-Britannique afin de lui conférer en même temps un visa de travail.
Récemment, le programme des candidats retenus par la Colombie-Britannique s’est vu adjoindre un programme pour les étudiants internationaux. C’est le premier de ce type au Canada et il s’adresse essentiellement aux diplômés des universités de la Colombie-Britannique qui ont certaines compétences dans les domaines scientifique, des sciences appliquées, de la haute technologie, etc. Si ces personnes reçoivent une offre de travail en Colombie-Britannique, elles peuvent demander de bénéficier de ce programme, et même si elles n’ont aucune expérience et si l’emploi n’offre pas le même salaire que pourrait toucher une personne plus expérimentée, elles peuvent quand même être des candidates nommées dans le cadre du programme des immigrants reçus en Colombie-Britannique.
C’est un nouveau programme et on ne sait donc pas vraiment s’il va s’adresser uniquement aux diplômés de la Colombie-Britannique, mais je pense qu’il serait utile qu’il englobe les diplômés de toutes les universités canadiennes qui bénéficient d’une offre de travail intéressante en Colombie-Britannique. Il faudrait éventuellement englober dans ce programme les étudiants internationaux qui sont susceptibles de présenter un intérêt pour la Colombie-Britannique même s’ils ont suivi leurs études à McGill, à l’Université de Toronto, à Western ou à Waterloo pour y obtenir un diplôme d’ingénieur, à condition d’avoir obtenu une offre de travail intéressante en Colombie-Britannique et d’être susceptibles d’aider cette province. Nous voulons élargir les domaines d’études des étudiants susceptibles d’être admis au sein de ce programme.
Les trois autres initiatives viennent compléter l’action du programme des candidats de la Colombie-Britannique. Nous souhaitons que l’on maintienne la rapidité du traitement lors des décisions initiales du programme des candidats de la Colombie-Britannique. Cela explique en partie à l’heure actuelle les avantages du recours à ce programme. Ainsi, le programme des travailleurs qualifiés dont la candidature est retenue par la Colombie-Britannique permet de prendre une première décision en 10 jours ouvrables seulement. Nous voulons pouvoir conserver cette possibilité, et l’une des façons d’y parvenir est de maintenir le niveau de qualification des travailleurs et leur excellente formation. Le personnel est très compétent, ce qui permet d’agit très rapidement.
Nous souhaitons aussi conserver le service de traitement prioritaire des dossiers des candidats nommés par la Colombie-Britannique sur les registres du gouvernement fédéral. À l’heure actuelle, une fois que le gouvernement de la Colombie-Britannique a accepté un poste et a nommé un candidat, la vitesse de traitement des dossiers des travailleurs qualifiés retenus par la Colombie-Britannique sur les registres du gouvernement fédéral est de six à huit mois. Il faut que cette vitesse de traitement soit maintenue pour le programme de candidats retenus par la Colombie-Britannique offre une valeur ajoutée. Si on tombe dans des délais de 10 à 12 mois et plus, on va perdre la valeur ajoutée qu’apporte le programme des candidats retenus par la Colombie-Britannique.
Par ailleurs, la vitesse de traitement de quatre mois des dossiers des entrepreneurs retenus par la Colombie-Britannique une fois que les demandeurs répondent aux critères établis par cette province est excellente et doit être maintenue pour que ce programme conserve son intérêt.
Ce sont là mes observations.
Á (1110)
Le président: Brian, vous venez de nous faire un excellent exposé plein de bonnes idées que nous chercherons à approfondir ensemble. Je vous remercie.
Richard, soyez à nouveau le bienvenu.
M. Richard Kurland: C’est en fait un plaisir pour moi, monsieur le président. Je resterai bref.
La recommandation essentielle que nous ferons à votre comité est de chercher à mettre en place des régimes d’immigration provinciaux financièrement autonomes. Nous avons examiné les budgets de toutes les activités d’immigration entreprises par les provinces et nous avons calculé qu’en faisant verser des droits de 150 $ par parrainage, recueillis au plan fédéral et remis directement aux provinces, on permettrait à la province d’administrer des régimes d’immigration totalement autonomes sur le plan financier, ce qui lui permettrait de s’acquitter de ses obligations constitutionnelles dans le secteur de l’immigration. Nous recommandons donc le paiement d’un droit de 150 $ par parrainage, perçu par le gouvernement fédéral et remis directement aux provinces.
En second lieu, nous voulons souligner l’importance à l’heure actuelle du programme des candidats retenus par la province. Lors des questions, nous aurons peut-être la possibilité d’illustrer les failles du régime fédéral en vous parlant de la famille Bental.
Le président: Richard, vous venez d’aborder un point intéressant. Nous nous repencherons sur le problème lorsque nous en arriverons aux questions.
Nous allons entendre les représentants de SUCCESS, Lillian To et...
M. Kenneth Tung (vice-président, Success): Ken Tung.
Le président: Ken, nous allons vous écouter avec plaisir.
Vous avez une excellente organisation. Nous vous côtoyons depuis deux jours dans le cadre de l’étude de différentes questions, et je tiens à vous féliciter pour votre excellent travail.
Soyez le bienvenu.
M. Kenneth Tung: Je m’appelle Kenneth Tung et je suis le quatrième membre de SUCCESS. Lillian To, qui est ici, en est la directrice générale. Nous étions déjà ici hier et je vais donc vous faire part de mes observations au sujet du programme des candidats.
Nous nous félicitons en fait du partenariat qui a été institué entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux du Canada et qui a permis d’ajouter une nouvelle composante au programme d’immigration canadien sous la forme du programme des candidats retenus par la Colombie-Britannique. Nous considérons que grâce à cette initiative nous avons progressé sur la voie du recrutement d’employés spécialisés et hautement qualifiés afin de répondre aux pénuries enregistrées à l’heure actuelle et à l’avenir, ce qui devra entraîner des retombées économiques positives pour la Colombie-Britannique.
Nous tenons cependant à vous faire part de nos préoccupations et de nos recommandations dans plusieurs domaines concernant la mise en place avec succès d’un programme de candidats, notamment lorsqu’il s’agit de renforcer les infrastructures, d’accueillir les immigrants au sein de la collectivité, des critères de recevabilité, des modalités de demande et de la révision du barème en vertu du règlement de l’immigration.
Pour ce qui est de renforcer les infrastructures et d’accueillir les immigrants au sein de la collectivité, le programme des candidats retenus par la Colombie-Britannique représente un progrès lorsqu’on veut attirer des personnes qualifiées et compétentes venues de l’étranger pour travailler dans les secteurs déficitaires, mais la province doit aussi adopter des mesures pour retenir ces immigrants, notamment lorsqu’ils résident en dehors de la vallée du bas Fraser. En l’absence de ces mesures, ce programme attirera nombre d’immigrants sans les retenir, le coût de l’isolement étant éventuellement trop élevé.
Il faut que le gouvernement investisse dans les infrastructures et les programmes pour englober les services de santé et de logement ainsi que l’encadrement social pour que la collectivité soit accueillante et accepte ces nouveaux arrivants. Les succès obtenus par la ville de Winnipeg témoignent de l’importance des investissements dans ces infrastructures.
Nous recommandons que tous les paliers de gouvernement unissent leurs efforts pour bâtir et financer de solides infrastructures et faire en sorte que les immigrants soient bien accueillis. Parmi ces infrastructures figurent l’emploi, le logement, des services sociaux et de santé appropriés ainsi qu’un support au sein de la collectivité sans aucune discrimination.
Á (1115)
Mme Lillian To (directrice générale, SUCCESS): Merci.
Le troisième élément que je tiens à souligner concernant le programme des candidats retenus par la province a trait aux procédures de demande. Le fonctionnement de ce programme en Colombie-Britannique s’est amélioré lorsqu’on a accéléré le traitement des demandes, qui durait jusqu’alors plusieurs années. Les demandeurs de visa venant de Chine doivent en fait patienter entre six et sept ans. On a ramené cette durée à environ six mois.
Étant donné toutefois que le manque de compétences va s’aggraver que l’on aura besoin de plus en plus de professionnels qualifiés, nous avons besoin de plus de travailleurs qualifiés que ne peut en fournir le programme des candidats retenus par la province. À l’heure actuelle, nombre de demandeurs du statut d’immigrant indépendant provenant de certains pays doivent éventuellement attendre plusieurs années pour que leur dossier soit traité. J’ai mentionné par exemple la Chine, où il faut parfois attendre de six à sept ans.
Cela peut sérieusement remettre en cause la mise en place d’une main-d’oeuvre adéquate et le développement économique de notre province. Il est indispensable d’accélérer la procédure de demande d’immigration au niveau fédéral pour répondre à la demande de plus en plus forte de main-d’oeuvre qualifiée.
Nous recommandons que Citoyenneté et Immigration Canada raccourcisse les délais de traitement et d’attente des dossiers d’immigration à l’étranger. Le gouvernement devrait aussi intervenir pour repérer en priorité les secteurs dans lesquels il y a une pénurie de main-d’oeuvre afin de répondre à nos besoins en main-d’oeuvre.
Enfin, je tiens à signaler au sujet de notre programme des candidats retenus par la province, qui s’efforce essentiellement de répondre aux pénuries de main-d’oeuvre et aux besoins de développement des entreprises dans notre province, qu’il est nécessaire de réviser notre barème de points aux termes du nouveau règlement en vigueur en matière d’immigration.
Selon ce nouveau règlement en matière d’immigration, le Canada applique des critères bien plus stricts aux immigrants indépendants. Cela s’est d’ores et déjà traduit par une réduction du nombre de candidats dans cette catégorie. En fait, cette catégorie d’immigration doit contribuer à alléger nos pénuries de main-d’oeuvre.
Le nouveau barème de points a porté bien entendu la note d’admission à 75, les exigences étant très élevées en matière de niveau d’instruction et d’expérience professionnelle. Nombre d’immigrants ont bien des difficultés à atteindre ce niveau. Ce barème est trop étroit et discriminatoire pour répondre comme il se doit aux besoins économiques et sociaux du Canada.
Selon les dernières statistiques recueillies par le Recensement du Canada, le taux de croissance de 4 p. 100 de la population canadienne est le plus faible qui n’ait jamais été enregistré sur une période de cinq ans dans l’histoire de notre pays. Pour la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale, le nombre de nouveaux immigrants a dépassé l’augmentation naturelle de la population. De ce fait, l'immigration a de plus grandes répercussions sur l’augmentation de la main-d’oeuvre de même que la population au Canada.
Á (1120)
Le président: Merci, Lillian et Ken.
Je vais peut-être vous poser quelques questions sur notre politique d’immigration et sur notre nouveau barème de points. Il n’y a que deux mois qu’ils ont été adoptés... En fait, je pense que nous voulions avoir davantage d’immigrants. Même si notre comité va se pencher sur le fonctionnement de ce programme, bon ou mauvais, dans le délai d’un an, j’aimerais vous poser quelques questions. Même si, comme vous l’avez dit, cela ne fait pas partie de la discussion globale, il pourrait bien y avoir une influence sur le nombre d’immigrants reçus en Colombie-Britannique.
Lynne.
Mme Lynne Yelich: Richard, si vous me permettez de revenir à la question que je vous ai posée ce matin, comment en êtes-vous arrivé à ce chiffre de 150 $ par parrainage dans le cadre de votre régime d’immigration provincial financièrement autonome? Pour nous permettre d’assumer nos responsabilités constitutionnelles, que couvrent ces 150 $, et pourquoi est-ce si important?
M. Richard Kurland: Lors des pauses de 20 minutes entre les séances, j’ai réussi à trouver les chiffres donnés par le recensement pour chacune des catégories familiales en ce qui a trait aux années 1999, 2000 et 2001. J’espère que les totaux figurent dans les tableaux.
Ainsi, la Colombie-Britannique a reçu 11 706 immigrants appartenant à la catégorie familiale en 2001, qu’il s’agisse des demandeurs principaux ou des personnes à charge. Lorsqu’on calcule le nombre total d’ETP au niveau provincial, en tenant compte du nombre d’employés et de leurs salaires, 150 $ par parrainage nous donnerait plus de 1,2 million de dollars, et jusqu’à 1,5 million de dollars, pour la Colombie-Britannique. Le budget correspondant au traitement des fonctionnaires affectés à ce service en Colombie-Britannique est d’un peu plus de 1,1 million de dollars.
Il convient de relever qu’une famille de quatre demandeurs comportant trois adultes doit payer plus de 4 000 $ au total au niveau fédéral. Il s’agit là de verser une somme globale de 150 $ pour l’ensemble de la famille et une fois pour toutes. Lorsqu’une famille entre au Canada, il est normal qu’elle contribue à l’administration d’un régime financièrement autonome qui fait payer l’usager. C’est une question d’appréciation.
Une seule province a ce droit, le Québec. Elle ouvre la voie en exigeant que non seulement les immigrants appartenant à la catégorie familiale, mais aussi toutes les catégories d’immigrants autres que celles qui sont financièrement exemptes, contribuent au traitement de leurs demandes.
J’ai communiqué cette proposition aux principales parties prenantes à l’intérieur des communautés visées pour savoir ce qu’elles en diraient. À la base comme aux échelons les plus élevés, l’appui a été total.
Á (1125)
Le président: Qui jouent probablement parfaitement au curling. Ça devrait donner au moins quatre points supplémentaires.
M. Richard Kurland: Lorsque que la famille s’est vu refuser l'entrée, Mme Bental, qui est avocate, a envoyé une lettre au ministre Coderre : elle n’a reçu aucune réponse jusqu’à présent—aucune réponse.
Si vous voulez voir la faille du nouveau barème, le voici. Voilà les rebuts dont on ne veut pas dans notre pays.
C’est là le défaut du régime des candidats retenus par la province. Les provinces ne retiennent pas ces gens parce qu’elles n’ont pas suffisamment d’argent pour faire passer des entrevues; elles n’ont pas d’argent pour faire une sélection. C’est pourquoi nous devons avant tout fournir des ressources aux provinces en leur permettant de percevoir directement 150 $ par parrainage pour pouvoir faire leur travail.
Nous ne voulons certainement pas exclure des couples de ce genre. Ce sont précisément des meilleurs et des plus brillants dont nous avons besoin pour bâtir le Canada.
Quoi qu’il en soit, je ne veux pas trop insister. Ce n’est qu’un exemple.
Le président: Je les ferai venir à London, en Ontario.
M. Richard Kurland: Merci, monsieur le président. Ils seront heureux d’y aller.
Le président: Vous allez avoir de la concurrence ici. Lynne veut vous voir en Saskatchewan.
Louis.
M. Louis Plamondon: On the same subject...
[NOTE : En raison des difficultés techniques, le texte suivant de la version anglaise est tiré de l'enregistrement de l’interprétation simultanée]
Oui, sur le même sujet, vous avez donné l’exemple du Québec, mais vous n’avez pas donné suffisamment de détails à mon goût.
J’ai remarqué, en faisant le tour des bâtiments fédéraux lorsque nous avons fait du recrutement en Chine et dans d’autre pays, que partout où le Canada a un bâtiment, le Québec possède un représentant et paye en conséquence. Cela coûte de l’argent au Québec, mais ça en vaut la peine car ces choses-là ne se font pas toutes seules.
Le représentant du Québec, d’origine chinoise, parlait français et représentait le gouvernement. En ce qui a trait au recrutement, ce représentant m’a dit qu’au cours des trois dernières années, le recrutement avait procuré 2,5 milliards de dollars d’investissements au Québec. On a recruté des gens non seulement parce qu’ils avaient de l’argent, mais aussi parce qu’ils étaient compétents. Ils étaient qualifiés. Je ne sais pas si on a appliqué le barème ou non. Je pense bien que non, parce que quand le Québec a négocié l’accord fédéral, le gouvernement fédéral lui a dit : « Faites la sélection et nous l’accepterons. »
Ce rôle est très important au Québec. Il ne s’agit pas seulement de recruter en fonction de la langue; il faut s’assurer que ces gens viendront au Québec. Le Québec fait donc le nécessaire pour que cette immigration se fasse au Québec.
[Fin de la partie traduite dans la version anglaise.]
Á (1130)
M. Richard Kurland: That's precisely the case...
[NOTE : En raison des difficultés techniques, le texte suivant de la version anglaise est tiré de l'enregistrement de l’interprétation simultanée.]
Je pense que le Québec fait preuve ici d’un pouvoir discrétionnaire et prend les meilleurs. Ce n’est pas très compliqué. On fait passer des entrevues en tête à tête. Nous voyons la personne et nous prenons la décision. Le Québec obtient d’importantes ressources d’Ottawa pour faire ce travail, et c’est donc un message pour les autres provinces et le Canada. Elles devraient suivre l’exemple du Québec. C’est le meilleur modèle à l’heure actuelle. Le Québec fait usage de ses pouvoirs, ce qui est bien normal.
[Fin de la partie traduite dans la version anglaise]
M. Louis Plamondon: [NOTE : En raison des difficultés techniques, le texte suivant de la version anglaise est tiré de l'enregistrement de l’interprétation simultanée.]
Pour ce qui est des immigrants venus d’Asie, le Québec est presque obligé d’agir ainsi, parce que je crois que dans 95 p. 100 des cas, les immigrants venus d’Asie veulent s’installer à Vancouver ou à Toronto. Quelques-uns veulent aller à Calgary. Il est très difficile de les faire venir à Montréal.
Sur 100 immigrants qui sont recrutés et qui arrivent à Montréal, 30 seulement vont y rester au bout de trois ou quatre ans, 70 seront repartis à Toronto. C’est l’une des raisons pour lesquelles le Québec veut avoir quelqu’un sur place pour pouvoir expliquer ce qu’il a à offrir. Il n’en reste pas moins que 30 immigrants c’est mieux que rien.
[Fin de la partie traduite dans la version anglaise.]]
M. Richard Kurland: Yes, absolutely...
[NOTE : En raison des difficultés techniques, le texte suivant de la version anglaise est tiré de l'enregistrement de l’interprétation simultanée.]
Oui, je suis bien d’accord. Nous avons besoin de ces compétences.
[Fin du texte traduit dans la version anglaise.]]
Le président: Sophia.
Mme Sophia Leung: Merci, monsieur le président.
Je pense que le groupe a soulevé un certain nombre de questions très importantes et, en tout premier lieu, celle du barème de points. C’est tout à fait fondamental. Je suis vraiment très déçue par l’affaire Bental. J’apprécie que Lillian et Ken l’ait évoquée.
Je pense que nous avons déjà eu une discussion à ce sujet. Je ne fais pas officiellement partie de ce comité, mais je crois qu’il y a quelques années, étant donné qu’il y avait des critères de sélection de type linguistique, on s’inquiétait beaucoup en Colombie-Britannique du fait que nombre de demandeurs, qui ne parlaient pas anglais, étaient handicapés.
Je suis bien surprise au sujet des Bental. De toute évidence, ils parlent parfaitement la langue, et je suis quelque peu surprise qu’ils aient obtenu une si faible note. Je me pose la question. Vous pouvez faire appel, n’est-ce pas? C’est ce que je veux savoir.
M. Richard Kurland: On ne peut pas faire appel. On peut faire réviser l’affaire par la justice. Par ailleurs, la note n’est pas fausse : ils auraient été reçus dans l’ancien système; ils échouent dans le nouveau.
Mme Sophia Leung: Je pense alors que nous pourrions voir...
Le président: Je suis sûr qu’un bon député comme Sophia pourra se pencher sur la question.
Mme Sophia Leung: Je vous remercie.
Je ne voudrais pas vous donner de fausses joies, mais nous vous avons parfaitement compris. Je pense que notre président, Joe, est très doué pour faire changer les choses.
Je tiens à faire une observation, parce qu’il est bien évident qu’il y a un problème. J’ai même entendu des gens dire en plaisantant que Bill Gates ne serait pas admis si ça se trouve. Je pense aussi qu’il nous faut remettre véritablement en cause ce mécanisme de sélection médiocre et inadapté.
Je suis ensuite surprise par le programme des candidats retenus par la province. N’y a-t-il que 1 000 places sur cinq ans? Qui décide des chiffres? Je pense que c’est provincial. Si c’est provincial, nous n’allons pas intervenir.
M. Richard Kurland: C’est un chiffre à négocier.
Mme Sophia Leung: Oh, c’est négocié.
[Note de la rédaction : Inaudible]
Comment l’élargir? Nous parlons d’encourager les immigrants les plus qualifiés et, vous avez raison, c’est ce dont nous avons besoin au sein de la population canadienne. Avez-vous une idée de la façon dont nous pourrions agir pour augmenter ce nombre?
M. Brian Tsuji: À l’heure actuelle, la Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral sont en train de négocier ce chiffre. J’ai été invité à certaines réunions pour représenter le Barreau canadien. On a parlé des besoins et des orientations à prendre.
Il est clair que le programme d’immigration de la Colombie-Britannique comble une lacune. Malheureusement, les Bental ont été pris dans les mailles du filet.
Pour que la Colombie-Britannique puisse bien en profiter, nous avons besoin de plus de places. Si l’on augmente le nombre de places, on augmente non seulement ses pouvoirs concernant les immigrants permanents, mais aussi en ce qui a trait à l’octroi de visas de travail temporaire. On aidera ainsi la Colombie-Britannique à répondre aux besoins locaux, qui sont différents de ceux du gouvernement fédéral.
Á (1135)
M. Richard Kurland: Il serait rentable de permettre aux provinces d’accéder immédiatement à la base de données du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration en matière de technologie de l’information. La province pourra alors produire ses propres profils statistiques conformément aux besoins de la région.
C’est la solution qui permet de choisir les meilleurs. La province pourra alors faire ce que fait le Québec en coulisses depuis 18 mois. Il envoie un responsable dans les consulats canadiens aux États-Unis et ailleurs, qui passe dans le bureau de l’immigration, prélève les meilleurs dossiers et accorde aux candidats soit des permis de travail, soit des visas de résident permanent. C’est bon marché et rentable.
Réveillez-vous, parlez au Québec—c’est le message que j’envoie aux provinces.
Quant au gouvernement fédéral—comment le dire sans fâcher personne—il faut qu’il arrête de bloquer ou de dissimuler l’information. Il ne faut pas qu’il garde le secret en ce qui a trait à une information essentielle dont ont besoin les provinces pour prendre des décisions politiques et assumer leurs responsabilités.
Mme Lillian To: Pour répondre à la question posée par Sophia, je pense que nous avons besoin des deux choses. Nous avons besoin d’un programme élargi de candidats retenus par les provinces. C’est en cours de négociation à l’heure actuelle. Nous avons besoin d’un tel programme élargi pour combler certaines lacunes. D’ailleurs, le programme actuel de candidats de la Colombie-Britannique, tel que je l’ai exposé brièvement, est assez restrictif en raison du fait que les demandes doivent provenir des employeurs. Lorsque les employeurs ont besoin de professionnels qualifiés, ils peuvent présenter une demande à la province pour faire venir ces personnes. Ce n’est pas en fait la province qui sélectionne les immigrants à l’étranger. Donc, en quelque sorte, ce programme est limité et trop restrictif.
Par contre, comme je l’ai mentionné précédemment, nous avons environ 40 000 immigrants qui entrent chaque année en Colombie-Britannique et, dans le cadre du programme des candidats retenus par la province, le chiffre est de 1 000 sur cinq ans, ce qui est vraiment peu.
Si nous voulons remédier à la pénurie de main-d’oeuvre qualifiée, nous devons en fait revoir l’intégralité du barème de points. Comme l’a dit Richard, ce n’est plus une question linguistique à l’heure actuelle. Selon le nouveau barème de points, il est très difficile pour bien des gens d’être acceptés. Même s’ils parlent couramment anglais, ils peuvent encore être refusés. On perd tout de suite 10 points, par exemple, lorsqu’on n’a pas un travail qui nous attend, et on perd huit points lorsqu’on ne parle pas français. Si le conjoint n’a pas un diplôme universitaire, on perd encore cinq points ou quelque chose comme ça. Il est donc très difficile pour des personnes très qualifiées d’obtenir les 75 points requis selon ce nouveau barème. Il fait peur à un certain nombre de professionnels qualifiés à Beijing et c’est pourquoi nous avons enregistré une baisse considérable du nombre de demandes en provenance des professionnels qualifiés en Chine, d’où la difficulté de recruter des professionnels dans ce pays.
Le président: Lillian, vous devez savoir que notre comité a recommandé un barème totalement différent, avec une note de passage de 70, ce qui signifie que...
Mme Lillian To: Nous sommes totalement en faveur de votre recommandation.
Le président: Nous ferons le nécessaire.
Puis-je enchaîner avec une ou deux questions? Je pense, Richard, que vous avez tous mis le doigt sur le problème.
Les accords passés entre le gouvernement fédéral et les provinces en ce qui a trait aux candidats retenus par les provinces sont de toute évidence en pleine évolution et doivent répondre à des besoins précis en fonction des négociations portant sur les chiffres et les catégories—que ce soit au niveau des emplois ou des domaines dans lesquels on ressent une pénurie de main-d’oeuvre qualifiée. Bien entendu, je vous encourage à le faire. Ce n’est pas une raison pour... Je pense que le gouvernement fédéral et le ministre ont montré au Manitoba et en Alberta que l’on pouvait relever ces chiffres.
Mais laissez-moi vous dire ce que nous avons constaté. J’ai l’impression, Richard, que vous avez peut-être mis le doigt sur quelque chose, et je vais vous dire pourquoi. Lorsque nous avons adopté une nouvelle loi sur l’immigration et voyagé dans le monde entier pour voir ce que l’on faisait dans nos bureaux, nous avons entendu dire qu’à l’exception du Québec, les provinces ne consacraient aucun crédit aux accords sur les candidats provinciaux. Elles ne faisaient aucune promotion, aucune mise en marché, que ce soit chez nous ou à l’étranger, qu’il s’agisse de faire venir des représentants des collèges, des universités, des employeurs ou autres. Le Manitoba faisait un travail absolument fantastique. Cette province faisait preuve d’un grand dynamisme.
L’autre problème dont vous devez prendre conscience, c’est que c’est le même spécialiste chargé d’évaluer les demandes d’immigration qui s’occupe des dossiers du regroupement familial, des travailleurs canadiens qualifiés, des candidats retenus par les provinces, des visas, etc. Nous n’avons pas suffisamment de ressources, et c’est pourquoi il nous faut six ou sept ans pour traiter un dossier, ou même huit à dix mois pour nous occuper des candidats retenus par les provinces. C’est une question de ressources.
Par conséquent, Richard, votre idée est très originale. Je crois que j’avais déjà proposé que l’on négocie cette possibilité avec le gouvernement fédéral ou encore avec le secteur privé. Si la Colombie-Britannique en veut davantage, elle pourrait éventuellement négocier la possibilité de poster son propre conseiller à l’étranger dans certaines zones bien déterminées afin de pouvoir faire effectivement le travail elle-même. À l’heure actuelle, nous avons un problème de ressources. Je vois que l’on ne nous a pas affecté beaucoup plus d’argent au titre des activités exercées à l’étranger pour faire une partie du travail nécessaire. Cela signifie que si la Colombie-Britannique en veut davantage, il lui faut non seulement négocier pour en obtenir davantage, mais elle peut aussi détacher une personne chaque fois qu’elle veut faire accélérer le traitement des dossiers. Je pense que c’est une solution nouvelle et créatrice sur laquelle vous devriez vous pencher. Quant à savoir si l’on doit faire payer 150 $ et qui doit le faire, c’est éventuellement un investissement qui incombe à la Colombie-Britannique—ou à certaines collectivités et à certains employeurs—pour s’occuper des formalités et faire le travail. Je me demande ce que vous pensez de cette idée.
En second lieu, vous savez que notre comité était aussi très préoccupé par le fait que les immigrants ne s’installaient qu’à Vancouver, Montréal et Toronto. D’autres régions du pays voudraient aussi recevoir des immigrants parce qu’il y a par exemple des pénuries de main-d’oeuvre qualifiée. Nous avons proposé entre autres que l’on accorde des points dans le barème à titre d’incitation afin d’encourager certaines personnes prêtes à s’installer ailleurs que dans les grands centres urbains.
Je sais que le ministre a évoqué une politique de dispersion. Certaines personnes ont fait savoir qu’elles ne voulaient pas qu’elle soit obligatoire et que nous pourrions peut-être faire appel au programme des candidats retenus par les provinces pour mettre en place certaines incitations—non obligatoires et non punitives car nous considérons que la mobilité est un droit—de façon à répondre davantage aux besoins de la Colombie-Britannique.
Je me demande si vous pouviez nous dire en quelque sorte quelles sont les politiques qu’à votre avis nous devrions appliquer pour faire en sorte que les immigrants s’installent en Colombie-Britannique mais pas nécessairement tous à Vancouver.
Nous pouvons commencer par Brian.
Á (1140)
M. Brian Tsuji: Tout d’abord, dans le programme des candidats retenus par la Colombie-Britannique, il y a une disposition de ce genre. Lors des conférences nationales de l’ABC, je préside le groupe des candidats provinciaux, et je peux donc voir quels sont les différents programmes dans le pays.
En Colombie-Britannique, on s’efforce d’y parvenir en prévoyant certains types d’emplois. Il n’y a pas de liste, mais certains domaines comme la haute technologie, les sciences médicales et autres ont la préférence. Les critères, lorsqu’on s’apprête à habiter et à travailler à Victoria ou à Vancouver, sont d’un certain type, mais si l’on s’écarte de deux grands centres, ils peuvent être assouplis.
Á (1145)
M. Richard Kurland: Dans un tout autre ordre d’idée, il ne s’agit pas à mon avis de savoir ce que nous voulons. Je pense que le problème est de trouver une aiguille dans une botte de foin.
À vos côtés, monsieur le président, siège M. Bill Farrell, qui à lui seul à Vegreville, en Alberta, a permis aux contribuables canadiens d’économiser des millions de dollars grâce à son travail.
Je tiens à vous signaler une chose. Il existe un système de gestion assisté par ordinateur. C’est un système d’information de gestion auquel peuvent faire appel tous les directeurs de programme d’immigration dans notre réseau à l’étranger. Grâce à ce système tout simple on peut sélectionner la liste de tous les dossiers ayant telle ou telle caractéristique—selon le type d’emploi et la ville concernée. On peut sortir toutes les demandes pour l’Okanagan ou l’intérieur de la Saskatchewan. On ne traite pas de nombreux dossiers de ce type à Seattle, à Détroit ou à Buffalo. On retire alors un petit groupe de dossiers et on les choisit un par un. On les envoie ensuite, à partir du consulat, à Vancouver, ou on envoie un responsable des services d’immigration de la Colombie-Britannique pour qu’il examine 20 ou 30 dossiers.
Deux cents ou 500 dossiers répartis entre quatre ou cinq consulats sur une année, cela signifie qu’avec deux dossiers par mois et par consulat on atteint le contingent prévu pour la province. Il ne s’agit pas de savoir qui on veut. Il s’agit de trouver l’aiguille dans la meule de foin que représente la somme des dossiers. C’est donc cette solution que je privilégie.
Le président: Lillian.
Mme Lillian To: Nous nous mettons au service de bon nombre de nouveaux immigrants chaque année, qui sont nombreux à chercher effectivement un travail. Nous en avons d’ailleurs un bon nombre qui viennent nous voir pour nous poser des questions. Ils viennent nous dire qu’ils ont entendu notre ministre Coderre affirmer que nous avions besoin d’immigrants prêts à s’installer dans les régions périphériques, les régions moins peuplées, et ils nous demandent comment faire pour y aller—quelle est la procédure à suivre?
Je pense qu’ils estiment que s’ils s’installent dans ces régions, ils réussiront à trouver un emploi, parce qu’il y a des emplois là-bas. Il y a donc des gens qui sont prêts à s’y installer. Je pense qu’il est important que ce ne soit pas une obligation. L’important, comme vous l’avez dit, c’est l’incitation, et l’une des meilleures incitations, c’est la possibilité de trouver un emploi qui corresponde effectivement au métier que l’on fait. Comme nous l’avons dit précédemment, nous avons aujourd’hui des ingénieurs qui nettoient les planchers et font la vaisselle. L’ingénieur qui réussira à trouver un travail dans son domaine lui permettant ainsi de poursuivre sa carrière sera prêt à déménager.
Mais bien entendu, il faut faire davantage. Nous évoquons la nécessité d’implanter certaines infrastructures et certains mécanismes de soutien pour les aider à rester sur place. Nous devons préparer la collectivité, pour qu’elle soit en mesure d’accepter tous ces nouveaux immigrants afin qu’ils ne souffrent pas de discrimination. Nous avons besoin de bâtir des infrastructures de ce type.
Nous devons pouvoir offrir des emplois, des incitations. Nous devons être en mesure d’aménager des infrastructures, un cadre qui aide les gens, et il faut aussi pouvoir disposer de certains mécanismes de reconnaissance des titres de compétences ainsi qu’un certain type de formation linguistique et professionnelle.
Nous avons appris que dans le nouveau budget certains crédits étaient affectés aux centres de formation professionnelle de certaines régions éloignées. Nous espérons par conséquent que cela incitera les immigrants ainsi installés, à partir du moment où l’on peut améliorer leurs connaissances linguistiques et où ils peuvent recevoir une certaine formation professionnelle. Ils pourront ainsi obtenir un emploi. Leurs titres de compétences seront reconnus et, avec les infrastructures mises en place, on pourra progresser.
Le président Louis.
Á (1150)
M. Louis Plamondon: Perhaps we...
[NOTE : En raison des difficultés techniques, le texte suivant de la version anglaise est tiré de l'enregistrement de l’interprétation simultanée.]
Nous n’avons peut-être pas assez insisté sur le traitement du flux de demandes. Lorsque je me suis penché sur la question, j’ai constaté qu’il y avait des personnes très qualifiées, des ingénieurs, des architectes, etc., qui attendaient de pouvoir passer une entrevue depuis deux ans. Au moment où le tour de ces personnes arrive...
Je vais faire une comparaison avec l’Australie. L’Australie aura déjà fait passer une entrevue à ces personnes, qui auront décidé de s’y installer. Nous voulons donc rencontrer nos homologues australiens pour voir avec quelle facilité ils s’en sortent compte tenu de leur personnel. Leur cadre d’intervention est bien moins rigoureux. Chez nous, c’est 10 mois par province et nous nous occupons des questions familiales. En Australie, il y a un seul responsable qui traite des questions familiales. Un autre s’occupe des questions d’emploi. Le travail est réparti et, lorsqu’on trouve le candidat parfait, tout ce passe très rapidement.
Telle personne voulait avant tout immigrer au Canada mais se retrouve en Australie parce qu’on lui a accordé plus vite une entrevue. Il est plus difficile d’aller d’abord en Australie pour revenir au Canada que d’aller à Toronto pour s’installer ensuite à Montréal. Je ne sais pas comment on peut surmonter cet obstacle.
Il y a trop de formalités administratives, trop de bureaucratie. Je ne pense pas être le seul à le penser. Il y a bien d’autres gens qui partagent mon opinion.
[Fin de la partie traduite dans la version anglaise.]
M. Richard Kurland: Les décideurs de CIC ont l’intention d’établir des réseaux de traitement sur quatre ans à l’intention des demandeurs de la composante économique pour favoriser la demande des candidats retenus par les provinces et pour faire progresser la demande de dossiers de statut temporaire, qu’il s’agisse des permis de travail ou des permis d’étudiant. L’intention est donc de rallonger les délais. Je ne sais pas si c’est une bonne chose ou pas, mais c’est là l’intention.
Le président: Je suis sûr qu’ils ne seront pas d’accord avec vous, parce que nous leur avons posé cette même question.
M. Richard Kurland: Au cas où ils ne seraient pas d’accord, j’ai reçu les notes de service internes de CIC au plus haut échelon dans le cadre de la Loi sur l’accès à l’information.
Le président: Vous pourriez les communiquer à notre comité.
M. Richard Kurland: Bien sûr.
Le président: Merci, Richard.
Andrew, vous avez d’autres questions à poser?
M. Andrew Telegdi: Je tiens à vous féliciter pour la rapidité de votre travail. La réglementation est apparue très peu de temps après que vous vous êtes exprimé comme vous l’avez fait.
Le président: Eh bien, si ce n’était de Brian qui nous a donné un tuyau... Merci, Brian.
M. Andrew Telegdi: Brian, depuis combien de temps aviez vous ce document en votre possession?
M. Brian Tsuji: Depuis quelques jours.
Le président: Nous parlons en fait du règlement sur les candidats retenus par les provinces.
M. Richard Kurland: Effectivement. Il faut reconnaître, cependant, que le comité ne pose pas toujours les bonnes questions à CIC. Il convient de demander la dernière version proposée et non pas le règlement.
N’oubliez pas non plus qu’en droit—et je peux vous le dire en tant qu’avocat du Québec—la convention sur les privilèges des parlementaires s’appliquant à la non-divulgation d’un document au comité ne s’applique qu’aux lois et non pas aux règlements. Il convient de le rappeler à l’occasion au CIC.
Le président: Cette situation pourrait changer désormais, compte tenu de ce nouveau déficit démocratique dont nous avons tant parlé. Nous avons ouvert cette boîte de Pandore. Les députés ont aujourd’hui besoin de huit jours par semaine pour faire leur travail.
Y a-t-il d’autres questions? Dans la négative, je constate qu’un travail exceptionnel a été fait par ces quatre personnes appartenant à trois organisations, qui semblent connaître leur sujet.
Concernant les accords sur les candidats retenus par les provinces, nous convenons que l’on pourrait renforcer le partenariat. C’est ce que nous entendons dire dans tout le pays : il faut affiner les politiques et améliorer les formalités administratives. Disons-le carrément, les futurs Canadiens ne veulent pas attendre quatre ou cinq ans, sept ans ou même deux ans. Je pense que nous avons bien des choses à leur offrir et un système qui se tient.
Á (1155)
M. Brian Tsuji: Je tiens à remercier Sophia d’avoir cité l’article dans lequel on se demande si Bill Gates aurait été accepté en vertu du nouveau système.
C’est moi qui ait rédigé l’éditorial du Vancouver Sun et de la Province lorsque la nouvelle loi est entrée en vigueur. J’ai rédigé l’article dans lequel on peut lire qu’en vertu du nouveau régime s’appliquant aux travailleurs qualifiés, Bill Gates et George Bush, qui a un MBA de Harvard et un autre diplôme d’études supérieures...
Le président: Ne nous lançons pas dans ce sujet. Je suis prêt moi aussi à l’arrêter à la frontière.
M. Brian Tsuji: J’ai rédigé cet article pour l’exemple et pour attirer l’attention sur ce sujet. De toute évidence, les gens ont prêter une oreille attentive.
Le président: Il faut dire que dans ce cas j’aurais bien tendance à parler de « grave mépris » des principes démocratiques.
M. Brian Tsuji: Je vous remercie.
Le président: Merci.
Nous allons déjeuner. Nous serons de retour à 13 h 30.
La séance est levée.