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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des finances


NUMÉRO 025 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 9 mars 2021

[Enregistrement électronique]

(1520)

[Traduction]

     Je déclare la séance officiellement ouverte. Bienvenue à la 25e séance du Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre de renvoi du 3 février 2021, le Comité se réunit pour étudier le projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (transfert d'une petite entreprise ou d'une société agricole ou de pêche familiale).
    La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 25 janvier 2021. Par conséquent, certains membres du Comité participent en personne dans la salle, et d'autres le font à distance à l'aide de l'application Zoom. Les délibérations seront disponibles sur le site Web de la Chambre des communes. J'aimerais rappeler aux membres d'éteindre leur micro lorsqu'ils ne parlent pas.
    Sur ce, avant de passer aux témoins, monsieur Kelly, vous avez un bref rappel au Règlement.
     J'avais espéré en discuter de façon informelle à l'avance, si nous avions pu le faire. Je sais que nous sommes en retard, alors ce n'est peut-être pas possible, mais j'avais espéré — si nous pouvions avoir les brèves déclarations préliminaires des deux groupes de témoins et une série complète de questions avec un peu de temps libre — que nous pourrions passer à l'étude article par article aujourd'hui et ainsi être en mesure de renvoyer ce projet de loi plus rapidement à la Chambre.
    Je m'en remets à vous, monsieur le président, mais c'est ce que je propose de faire pour ce projet de loi afin d'accélérer les choses.
    Je vais essayer de parler au greffier pendant la réunion, pour voir si c'est possible. Je ne sais pas si la logistique nous permet de le faire.
    Sur ce, nous allons passer au premier groupe de témoins. Nous accueillons d'abord M. Scott Ross, directeur exécutif adjoint de la Fédération canadienne de l'agriculture.
    Monsieur Ross, la parole est à vous, et si vous pouviez vous en tenir à environ cinq minutes, ce serait parfait.
    Merci, monsieur le président et membres du Comité, de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
    Je m'appelle Scott Ross. Je suis le directeur exécutif adjoint de la Fédération canadienne de l'agriculture, la plus grande organisation agricole générale du Canada, qui représente près de 200 000 familles agricoles canadiennes d'un océan à l'autre.
    J'aimerais commencer par remercier le Comité d'avoir invité les organisations agricoles à parler du projet de loi C-208, car il est d'une importance cruciale pour la FCA et ses membres que l'on continue à faciliter le transfert des entreprises agricoles familiales.
    L'agriculture est un secteur capitalistique, et une planification efficace de la relève est essentielle, d'autant plus que ce secteur transférera des dizaines de milliards de dollars d'actifs à la prochaine génération au cours de la présente décennie seulement. Il est indéniable que la COVID-19 a fondamentalement modifié les perspectives économiques du Canada et du monde, et si l'agriculture canadienne n'est certainement pas à l'abri de ses effets, le secteur est exceptionnellement bien placé pour stimuler la reprise économique du Canada.
    Cependant, l'âge moyen des agriculteurs canadiens dépasse maintenant les 55 ans, et les possibilités qui s'offrent à eux se prolongeront dans la prochaine génération. Dans un secteur où la grande majorité des entreprises restent familiales, il est essentiel de maintenir la santé financière de celles-ci au fil des générations. C'est dans l'intérêt de tous les Canadiens, car des études montrent que l'agriculture familiale encourage la croissance durable, la bonne gestion de l'environnement et l'augmentation des dépenses dans la collectivité, sans parler de sa contribution au tissu social du Canada rural.
     En ce qui concerne le projet de loi C-208, je tiens d'abord à préciser que je ne suis pas fiscaliste, mais qu'en 2012, j'ai convoqué et appuyé un comité de la fiscalité à la FCA, composé de fiscalistes et de dirigeants agricoles de partout au Canada, dont le mandat était de déterminer et d'examiner les questions fiscales les plus critiques touchant les agriculteurs canadiens.
     Le comité a rapidement établi que l'article 84.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu et l'effet dissuasif qu'il exerce sur les transferts d'exploitations agricoles familiales — l'objet principal des modifications proposées dans le projet de loi C-208 — constituaient une priorité, et la FCA en a fait son cheval de bataille depuis. Cela a été réitéré il y a à peine deux semaines, lorsque les dirigeants agricoles de tout le Canada ont adopté une résolution à l'assemblée générale annuelle de la FCA, implorant le gouvernement fédéral et les députés d'appuyer le projet de loi C-208 et de contribuer activement à son adoption avant les prochaines élections, ce qui est d'une importance capitale pour les agriculteurs canadiens.
    En termes simples, le libellé actuel de la Loi de l'impôt sur le revenu pénalise un agriculteur qui choisit de transférer son entreprise à un membre de sa famille plutôt qu'à une tierce partie anonyme. Par conséquent, quand un agriculteur qui prend sa retraite vend son entreprise à ses enfants, il doit s'attendre à payer beaucoup plus d'impôts que s'il la vendait à un étranger. Cette différence de traitement peut représenter des centaines de milliers de dollars et se traduire par une réduction de la productivité, une augmentation du risque financier et des occasions manquées à un moment où le secteur possède un énorme potentiel de croissance.
    Il y a plus de 43 000 sociétés agricoles familiales au Canada, qui exploitent plus de 50 millions d'acres de terres. Le transfert de chacune de ces entreprises, si elles restaient dans la famille, serait désavantagé et subirait un fardeau fiscal excessif. La FCA appuie le projet de loi C-208 parce qu'il garantit essentiellement que les transferts réels d'exploitations agricoles familiales peuvent bénéficier du même traitement pour les gains en capital que celui qui est accordé à la vente d'une entreprise à un tiers non apparenté, plutôt que de subir une différence sous forme de dividende qui est imposé à un taux plus élevé sans que le propriétaire puisse bénéficier de l'exonération cumulative des gains en capital.
    La FCA appuie également les mesures de protection prévues dans le projet de loi C-208 pour empêcher le dépouillement des surplus en garantissant qu'une véritable transaction a eu lieu. Par exemple, si les actions sont vendues par l'enfant dans les cinq ans suivant leur acquisition, la transaction est réputée avoir donné lieu à des dividendes et des impôts seront exigés rétroactivement. Nous ne cherchons pas à obtenir une exemption ou un traitement préférentiel pour les exploitations agricoles familiales, mais plutôt à faire en sorte que la Loi de l'impôt sur le revenu reconnaisse les véritables transferts intergénérationnels d'exploitations agricoles et les traite en conséquence.
     En conclusion, je tiens à remercier les membres du Comité du temps qu'ils m'ont accordé et à réitérer que la FCA sollicite leur appui au projet de loi C-208, étant donné qu'il s'attaque à un obstacle fiscal indu au maintien du dynamisme de l'agriculture familiale au Canada.
    Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
(1525)
    Merci beaucoup, monsieur Ross.
    Nous allons passer à la Fédération de la relève agricole du Québec, représentée par Mme Julie Bissonnette, présidente, et M. Philippe Pagé, directeur général.
    Allez-y, madame Bissonnette.

[Français]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de nous avoir invités à communiquer à votre comité nos observations sur la question des transferts de ferme.
    Je m'appelle Julie Bissonnette. Je suis productrice laitière à L'Avenir et présidente de la Fédération de la relève agricole du Québec, la FRAQ. Je suis accompagnée de notre directeur général, M. Philippe Pagé, qui a pour sa part grandi sur une ferme porcine à Saint-Camille.
    Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais vous en dire plus sur le regroupement que je représente.
    La FRAQ est une organisation qui rassemble des jeunes de 16 à 39 ans ayant pour intérêt commun l'agriculture. Elle représente plus de 1 700 membres volontaires de partout au Québec. Nous sommes aussi un groupe affilié à l'Union des producteurs agricoles.
    Nous avons pour mission notamment de défendre les intérêts de la relève et d'améliorer leurs conditions d'établissement, tant dans un contexte de transfert que de démarrage de ferme.
    Nous nous adressons à vous aujourd'hui pour vous parler de l'urgence d'agir en vue de régler les iniquités fiscales dans les transferts d'entreprises selon qu'ils sont apparentés ou non apparentés.
    La relève dénonce constamment ce problème depuis plus de 15 ans. Nous espérons que, cette fois-ci, il sera réglé une fois pour toutes.
    Bien que le projet de loi s'adresse à toutes les petites entreprises, nous souhaitons vous offrir la perspective des jeunes agriculteurs et agricultrices du Québec. Ce que nous voulons régler, c'est le problème découlant du fait qu'il est présentement plus compliqué de vendre sa ferme à ses enfants qu'à une personne à l'extérieur de la famille. Nous voulons aussi vous sensibiliser au fait que plusieurs jeunes au Canada voient leur rêve s'envoler à cause de règles fiscales mal adaptées.
    Actuellement, il y a deux options: soit le cédant vend son entreprise agricole à ses enfants et accepte de se faire lourdement imposer, soit il la vend à une personne étrangère et s'en trouve avantagé par la Loi de l'impôt sur le revenu. Bref, un agriculteur se fera imposer davantage s'il cède son entreprise à son enfant, ce qui contribue à diminuer le nombre de transferts apparentés d'entreprises agricoles.
    C'est normal qu'un cédant choisisse la situation la plus avantageuse pour lui. Après tout, la vente de son entreprise représente l'aboutissement du travail d'une vie. Ce qui est dommage, c'est que les dispositions actuelles de la Loi poussent les cédants à faire le choix difficile entre garder l'entreprise dans la famille et avoir une meilleure retraite.
    Le projet de loi C-208 propose de modifier la Loi afin que le propriétaire qui cède son entreprise à une personne apparentée obtienne la même exonération que s'il la vendait à un tiers.
    La FRAQ appuie fortement le projet de loi, puisqu'il règle ce problème de manière permanente.
    Le projet de loi C-208 est important pour la relève, puisque nous sommes persuadés qu'il facilitera les transferts de ferme apparentés et règlera plusieurs problèmes d'équité, en plus de favoriser le maintien d'un milieu agricole fort.
    Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Un transfert familial a six fois plus de chance de réussir qu'un transfert externe. De plus, 70 % des entrepreneurs québécois, tous secteurs confondus, disent souhaiter voir leur entreprise demeurer dans la famille. Encore aujourd'hui, le transfert apparenté reste le moyen privilégié pour les transferts de ferme. Notre système fiscal devrait cependant soutenir l'ensemble de la relève, et ce, peu importe le mode d'accès à l'entreprise, ce qu'il ne fait pas actuellement.
    Puisque l'âge moyen des producteurs et des productrices se rapproche de plus en plus de celui de la retraite, un grand nombre d'entreprises agricoles changeront de mains dans les prochaines années. La question va au-delà de la simple équité fiscale. Il s'agit d'assurer le maintien du développement des fermes dans l'ensemble du Canada ainsi qu'une occupation saine de notre territoire. Plusieurs jeunes de la relève m'interpellent fréquemment pour me dire que leurs parents vieillissent et s'approchent de l'âge de la retraite. Une modification à la Loi de l'impôt sur le revenu changerait leur vie. Il est donc impératif d'agir maintenant, car beaucoup de transferts de ferme auront lieu dans les prochaines années.
    En agriculture, nous sommes des gens passionnés et fiers. Lorsqu'un transfert de ferme réussit, je vous laisse imaginer la fierté et la gratitude que l'on ressent. Par contre, je vous laisse imaginer aussi ce qu'on ressent lorsque cela ne fonctionne pas. La perte d'une ferme pour une famille, l'abandon d'un rêve ou le travail acharné qui aboutit finalement à l'échec, voilà autant de réalités provoquées par cet enjeu.
    Nous encourageons donc les députés du gouvernement et de l'opposition à travailler ensemble non seulement pour régler cette iniquité fiscale, mais également pour apporter les correctifs nécessaires à la bonne gouvernance de la Loi de l'impôt sur le revenu.
    En conclusion, nous souhaitons réitérer notre appui au projet de loi, tout comme nous avons soutenu l'ensemble des versions précédentes lors des dernières années. Légiférer pour rendre plus équitables les transferts apparentés fait l'objet d'un large consensus, et ce, dans l'ensemble des secteurs d'activité.
    Il est normal qu'un transfert d'entreprise soit parsemé d'embûches. Il s'agit d'un processus long et complexe qui se doit d'être planifié. Pourquoi ajouter un frein supplémentaire aux transferts de ferme d'un parent à son enfant? Veut-on vraiment voir diminuer le nombre de transferts de ferme apparentés à cause d'une loi qui crée une iniquité?
    Nous espérons que la relève et les cédants seront enfin entendus.
    Je vous remercie de votre écoute.
(1530)

[Traduction]

     Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre M. Andre Harpe, président, et M. Branden Leslie, gestionnaire, des Producteurs de grains du Canada.
    Allez-y, monsieur Harpe.
     Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, de me donner l'occasion d'être ici avec vous aujourd'hui.
    Je m'appelle Andre Harpe et je suis président des Producteurs de grains du Canada. Cette association est le porte-parole national des 65 000 producteurs de grains, de légumineuses et d'oléagineux du Canada. J'exploite une ferme dans la région de Peace, dans le nord de l'Alberta. Lorsque nous aurons terminé la récolte cet automne, nous deviendrons une ferme centenaire, ce qui représente cent ans d'exploitation agricole familiale. Nous cultivons de l'orge brassicole, et le canola est notre principal produit. Nous faisons également la rotation d'autres cultures d'une année à l'autre.
    Mon père a constitué cette ferme en société en 1972, avant que je ne prenne sa relève dans les années 1980. Comme beaucoup d'autres agriculteurs de mon âge partout au pays, je commence à penser à l'avenir de mon exploitation agricole. La planification de la relève est un défi; elle est coûteuse et doit être bien faite.
    Je suis également le fier père de trois filles, qui adorent la ferme. Je n'en suis pas encore certain, mais je crois que toutes les trois aimeraient peut-être la reprendre un jour. Cette décision leur appartiendra en fin de compte, mais j'aimerais beaucoup garder cette ferme dans ma famille pour cent ans encore. À part ça, je serais heureux de voir notre secteur bénéficier de nouvelles idées pour l'agriculture de la part de jeunes femmes comme elles.
    Selon un vieux dicton, de nombreux agriculteurs sont pauvres en argent et riches en actifs. Même si la dette que je dois sur mes actifs ne correspond peut-être pas au mot « riche », la réalité est que mon exploitation agricole, c'est ma retraite. L'avoir que j'ai accumulé au fil des années de dur labeur, c'est mon REER, c'est ma pension.
    La structure des flux de trésorerie d'une entreprise agricole exige qu'on réinjecte des profits dans l'exploitation pour rembourser la dette, acheter des intrants et se préparer à la saison de culture suivante. Lorsque je vendrai ma ferme à mes filles ou à quelqu'un d'autre, c'est à ce moment-là que je verrai enfin les résultats de mes années de dur labeur. La plupart des propriétaires d'entreprise, agriculteurs ou autres, sont dans la même situation, et nous en étions conscients dès le départ.
    Je me gratte la tête pour comprendre pourquoi, ne serait-ce qu'une seconde, je devrais envisager de sacrifier une partie de ma retraite pour léguer mon entreprise à mes enfants. Je ne devrais pas avoir à choisir entre accepter une baisse de qualité de vie à la retraite en raison d'impôts bien trop élevés afin de garder l'exploitation agricole dans ma famille, et maximiser ma retraite en vendant mon entreprise à un tiers acheteur. Ce n'est pas une question de traitement spécial, mais d'équité.
    J'ai entendu dire que le fait que notre ferme est constituée en société signifie que ce n'est pas une ferme familiale. Cela ne saurait être plus loin de la vérité. Ma ferme fait partie des 97 % des exploitations agricoles du Canada qui sont des entreprises familiales. À mon avis, le projet de loi C-208 contribuerait à maintenir cette situation.
    Si mes filles décident de reprendre l'exploitation agricole, de fonder une famille et de rester sur la terre, c'est aussi bon pour nos collectivités, et donc bon pour le Canada. La durabilité de nos collectivités rurales est essentielle, et une uniformisation des règles du jeu qui rendrait avantageuse la vente à un membre de la famille contribuerait à garder les gens sur les terres. Cela favoriserait également la survie de nos écoles, de nos équipes sportives et de nos communautés.
    Certains se sont demandé si le projet de loi créerait des échappatoires fiscales dont on pourrait profiter. Le prochain groupe de témoins sera composé de nombreux fiscalistes, alors je m'en remets à eux pour ce qui est des mesures de protection prévues dans le projet de loi. Ce que je sais, c'est que chaque jour, les agriculteurs doivent prendre des décisions fondées sur une analyse des risques et des avantages, tout comme vous le faites dans vos fonctions. Je dirais qu'il est évident que, comparativement aux avantages pour les exploitations agricoles familiales dans les collectivités rurales, les risques dominent dans le cadre de leur plan de relève.
    En conclusion, les Producteurs de grains du Canada sont fortement en faveur du projet de loi, et encouragent les parlementaires à l'adopter rapidement pour assurer l'équité fiscale à ceux qui discutent actuellement de cette question. Ce ne sont pas toutes les exploitations agricoles qui seront transférées à la prochaine génération, mais pour celles qui en auront l'occasion, le projet de loi C-208 contribuera grandement à éviter que les agriculteurs doivent choisir entre garder leur exploitation dans la famille et profiter au maximum de leur retraite.
    Merci, monsieur le président. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
(1535)
    Merci, monsieur Harpe.
    Nous passons maintenant au dernier témoin de ce groupe. Il s'agit de l'Union des producteurs agricoles, représentée par M. Marcel Groleau, président général, et M. Marc St-Roch, coordonnateur de la comptabilité et de la fiscalité.
    Monsieur Groleau.

[Français]

    Mesdames et messieurs les députés, bonjour.
    Je suis Marcel Groleau, président général de l'Union des producteurs agricoles. Je suis accompagné de Marc St-Roch, spécialiste en fiscalité agricole. C'est lui qui pourra répondre à vos questions plus pointues tout à l'heure, car c'est un expert en la matière.
    Le secteur agricole et agroalimentaire est responsable d'un emploi sur huit, génère des recettes de plus de 112 milliards de dollars par année et réalise des exportations dont la valeur dépasse 60 milliards de dollars annuellement. Ce secteur est la colonne vertébrale de plusieurs régions rurales, en plus d'être essentiel et prioritaire à la sécurité alimentaire des Canadiens.
    À l'heure actuelle, 98 % des fermes au pays appartiennent à des familles qui en sont les propriétaires exploitants. Ce modèle fait la fierté des Canadiens. L'agriculture familiale favorise la croissance durable, la bonne gestion de l'environnement et le réinvestissement dans l'économie locale.
    La structure juridique de ces entreprises a évolué au cours des dernières années. Selon le Recensement de l'agriculture de 2016, le pourcentage de fermes incorporées a plus que doublé en 20 ans: il est passé de 12 à 25 %. Bien que le nombre de fermes ait diminué d'environ 83 000, le nombre d'entreprises incorporées a continué de croître au Canada: il est passé de 32 700 à 48 600.
    Nous assistons, comme cela a été dit, au vieillissement de la population agricole. L'âge moyen des producteurs se situe présentement à 55 ans, soit sept ans et demi de plus qu'en 1991.
    L'augmentation de la valeur des actifs et, par le fait même, de l'endettement implique le recours aux sociétés par actions pour faciliter le financement des investissements, car les taux d'imposition des sociétés permettent de rembourser plus rapidement le capital emprunté.
    Selon une étude que la Banque de développement du Canada a menée en 2017, près de 40 % des petites entreprises seront transférées ou vendues d'ici la fin de 2022, car les propriétaires vont atteindre l'âge de la retraite. On prévoit que plus de 50 milliards de dollars d'actifs agricoles changeront de mains au cours des 10 prochaines années.
    Malheureusement, la fiscalité canadienne actuelle est inéquitable pour ce qui est du transfert familial des entreprises. La réglementation en vigueur fait qu'il est souvent beaucoup plus coûteux de vendre sa ferme à un membre de la famille plutôt qu’à un acheteur sans lien de parenté. En pénalisant les agriculteurs qui veulent prendre leur retraite et ceux qui veulent prendre la relève, ces règles compromettent la santé financière des fermes familiales au pays.
    Selon l'article 84.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu, dans le cas où, pour faciliter le financement de la vente de l'entreprise, une personne vend les actions de sa société par actions à une autre avec laquelle elle a un lien de dépendance, le gain en capital qui est généré à la vente est catégorisé comme un dividende imposable. Le vendeur ne peut donc pas utiliser la déduction pour gains en capital pour les biens agricoles admissibles. À l'inverse, si le propriétaire vend sa société par actions à une société contrôlée par un tiers sans lien de dépendance, le gain en capital qu'il réalise peut être exonéré d'impôt. Cette situation est inéquitable. À titre d'exemple, cela signifie que, pour un gain de 500 000 $, le montant imposable peut varier de 225 000 $, alors que ce devrait être non imposable dans les deux cas.
    Pour permettre aux entreprises familiales de faciliter le financement de la vente des actions entre personnes liées et aux cédants de profiter de la déduction pour gains en capital, le gouvernement du Québec a modifié la Loi sur les impôts du Québec pour prévoir une exception à l'application de l'article de cette loi correspondant à l'article 84.1 de la loi fédérale. Le gouvernement canadien devrait s'inspirer de cet exemple.
    La Loi de l'impôt sur le revenu du Canada n'a pas évolué en fonction du contexte et des pressions démographiques qui s'appliquent aux fermes familiales. Selon l'Union des producteurs agricoles, le projet de loi C-208 contribuera à égaliser les conditions en éliminant les coûts importants qui désavantagent les propriétaires qui veulent vendre leur ferme ou leur petite entreprise à des membres de leur famille.
    Il arrive aussi parfois que, à la suite de différends, les propriétaires de fermes multifamiliales souhaitent poursuivre leur entreprise chacun de leur côté. L'article 55 de la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit un mécanisme par lequel les actifs d'une entreprise incorporée peuvent être partagés entre les actionnaires, le tout libre d'impôt, pourvu que la répartition respecte les proportions de propriété.
    Cependant, il est parfois impossible de partager les actifs en respectant les proportions de propriété. Certains actifs, par exemple une terre agricole, ne peuvent pas être séparés. Pour qu'il y ait un partage équitable de la valeur des actifs, un actionnaire qui quitte l'entreprise pourrait recevoir un montant d'argent plus élevé au lieu d'un actif d'entreprise. Dans ce cas, si le partage des actifs d'entreprise est déséquilibré, il pourrait devenir imposable sous la forme d'un gain en capital non exonéré.
(1540)
    Quand le transfert se fait entre personnes liées, le problème de la proportionnalité ne s'applique pas et le versement en argent peut être non imposable. Toutefois, l'article 55 de la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit que, aux fins de cet article, des frères et des sœurs sont réputés ne pas être liés entre eux. Comme on sait que les séparations des entreprises ont lieu plus fréquemment entre frères et sœurs, c'est donc dire que l'article 55 pénalise le règlement de ces dossiers quand le partage des actifs ne peut pas être fait proportionnellement, car des impôts sont à payer, ce qui nuit à la viabilité des entreprises de chaque propriétaire.
    L'Union des producteurs agricoles estime que la proposition du projet de loi C-208 d'exclure de l'application de l'article 55 les transactions entre frères et sœurs serait également appropriée dans le cas où les montants d'argent et les autres actifs transférés à un actionnaire qui quitte l'entreprise seraient investis dans l'exploitation d'une autre entreprise. De cette façon, les investissements en agriculture seraient maintenus, même s'ils étaient répartis dans des entreprises distinctes.
    En conclusion, les exploitations agricoles pourront continuer de grossir. Elles soutiennent souvent plus d'un ménage et sont de plus en plus constituées en société pour des raisons de fiscalité ou de planification successorale. Dans ce nouvel environnement, une bonne planification familiale est indispensable pour les familles d'agriculteurs si l'on veut préserver la viabilité des fermes familiales pour les générations à venir.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

     Merci beaucoup à tous les témoins.
    Nous commencerons les questions par M. Falk, ensuite M. Fraser, puis M. Ste-Marie et M. Julian, s'il est de retour. Nous devrons peut-être attendre avant de lui donner la parole.
    Nous allons passer immédiatement aux questions, et je vais revenir à ce que vous avez dit après les questions posées aux témoins, monsieur Kelly.
    Monsieur le greffier, savez-vous si nous pouvons avoir une demi-heure de plus pour garder ces témoins un peu plus longtemps?
    Je n'ai pas encore eu de réponse des services. Ils se penchent sur la question.
    D'accord, c'est simplement parce que nous avons commencé en retard.
    Monsieur Falk, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'avoir présenté leur mémoire et d'aider les Canadiens à mieux comprendre le projet de loi dont nous sommes saisis. Je pense qu'il est important et je l'appuie certainement.
    J'aimerais poser quelques questions aux Producteurs de grains du Canada. Si j'ai bien compris l'intervention de M. Harpe, 97 % des exploitations agricoles canadiennes sont des entreprises familiales. C'est un chiffre remarquable, et je pense qu'il vaut la peine de le souligner.
    Les familles d'agriculteurs doivent relever divers défis pour réussir dans leur exploitation. Pouvez-vous expliquer au Comité certains de ces défis et décrire comment le projet de loi C-208 peut faciliter le maintien des entreprises sous propriété familiale?
(1545)
    Merci beaucoup.
    Je pense que l'un des problèmes de l'agriculture, c'est qu'elle a toujours été une activité compliquée, mais qu'elle l'est devenue encore plus aujourd'hui, souvent en raison de la difficulté à trouver de la main-d'œuvre qualifiée capable d'utiliser les technologies actuelles. Je compte sur ma famille pour faire fonctionner l'équipement que nous avons, parce que compte tenu de la technologie actuelle des tracteurs et des moissonneuses-batteuses, mais aussi des coûts et des dépenses qui y sont associés, nous ne pouvons plus simplement prendre n'importe qui pour faire le travail. Il y a un énorme processus de formation, et nous comptons de plus en plus sur nos familles agricoles.
    Nous utilisons nos enfants comme main-d'œuvre qualifiée, mais ce que nous voulons maintenant, c'est pouvoir leur transmettre notre exploitation agricole, et c'est ce qui est difficile.
    Merci.
    Si votre collègue, M. Leslie, veut répondre, cela me convient également.
    Souvent, les fermes familiales appartiennent à papa et maman, qui veulent la transmettre à leurs enfants. Quelle est la dynamique qui entre en jeu lorsqu'on envisage le transfert intergénérationnel d'une exploitation agricole?
     Je vais prendre mon exploitation agricole comme exemple. Lorsque j'ai repris la ferme, j'avais deux sœurs. Essentiellement, le processus dépend du nombre d'enfants qui veulent exploiter la ferme. Très souvent, tous souhaitent le faire et parfois un seul. Dans mon cas, j'étais le seul à m'intéresser à la ferme.
    En fait, il faut examiner non seulement la prise en charge de la ferme par l'un des enfants, mais aussi la façon dont les autres enfants sont traités. Des questions, comme celle de l'égalité, se posent. Cela nous ramène aussi à la capacité de gérer une exploitation agricole. N'importe qui ne peut pas être agriculteur.
    Branden, avez-vous quelque chose à ajouter?
     Je me disais, monsieur Falk, que c'est une bonne question en soi et qu'elle renvoie à certains des problèmes qui font que ce projet de loi est si pertinent. Il y a tellement de facteurs en jeu dans la planification de la relève et le maintien de la ferme familiale. J'estime qu'il est juste de dire que c'est un fardeau supplémentaire excessif que de devoir envisager une éventuelle perte additionnelle au profit de l'impôt. Il y a déjà suffisamment de facteurs à prendre en considération. Je pense que l'on soulève là une question d'équité qui arrive à point nommé, car elle prend de l'ampleur, étant donné que, comme on l'a mentionné plus tôt, un bon nombre de personnes d'un certain âge seront concernées au cours des 10 prochaines années.
    En ce sens, le projet de loi arrive au bon moment.
    C'est très bien, merci.
    Quel est le risque de perdre des fermes familiales au Canada si l'obstacle des transferts intergénérationnels n'est pas éliminé du point de vue fiscal?
    Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, je pense que le principal problème que nous examinons, ce sont les fermes constituées en sociétés. Si on ne rend pas juste ou équitable la transmission d'une ferme à la génération suivante, on se retrouve tout à coup avec de grandes fermes, et avec de vraies entreprises qui exploitent des fermes constituées en sociétés.
    Quand on parle de protection de l'environnement et de changement climatique, le propriétaire d'une ferme familiale fait ce qu'il faut à cet égard, parce qu'il veut transmettre ses terres. Et je ne pense pas que ce que j'appelle une « vraie entreprise agricole » ait les mêmes motivations.
    Monsieur le président, me reste-t-il une minute?
    Il vous reste une minute et demie.
    Merci.
    Je pense que vous avez cerné l'un des problèmes des grandes entreprises agricoles. Elles cherchent à obtenir des rendements et ne sont pas nécessairement toujours de bons intendants de la terre. Ce n'est pas qu'elles sont toutes comme ça, et je ne veux pas les mettre toutes dans le même panier, mais les familles d'agriculteurs savent qu'elles doivent protéger les terres et les ressources dont elles disposent pour les générations futures. Je crois qu'elles s'intéressent beaucoup plus à cette partie de l'équation que les grandes sociétés. Ces dernières cherchent à générer des profits pour de multiples actionnaires.
    Vous avez indiqué dans votre intervention que votre fonds de retraite est constitué de votre REER et de l'actif que représente votre exploitation agricole. Lorsque vous songerez à vendre votre ferme à l'une de vos filles, vous chercherez à maximiser le rendement de votre retraite. Si vous vendez la ferme à votre voisin, il vous offrira probablement le même montant auquel vos filles estiment sa valeur, mais vous finirez par payer plus d'impôts si vous vendez à vos filles, à moins que nous puissions adopter cette importante mesure législative dont nous sommes saisis. Ai-je bien cerné cette préoccupation?
(1550)
    Oui, c'est exact.
    D'après ce que vous savez du projet de loi, y a-t-il des obstacles qui empêcheraient... un problème de transition d'une ferme familiale?
    Non, après avoir examiné le projet de loi, je pense qu'il est bien rédigé. Bien sûr, ce sont toujours les détails qui posent problème, mais tout a l'air bien pour le moment, et nous y sommes donc favorables.
    C'est bon.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Falk.
    Monsieur Groleau, je vous rappelle qu'on me dit que votre micro frotte contre votre veston. Si vous avez à répondre à des questions, assurez-vous de relever votre micro afin d'éviter que les interprètes aient des ennuis.
    Monsieur Fraser.
    Merci beaucoup, monsieur le président...

[Français]

    Ce n'était pas moi, puisque mon micro était fermé.

[Traduction]

    Excusez-moi. Je crois que nous parlions tous deux en même temps.
    Allez-y, monsieur Fraser.
    Merci beaucoup à nos invités de s'être joints à nous aujourd'hui. Je suis vraiment heureux d'entendre vos réflexions à ce sujet.
    Permettez-moi d'abord de dire que j'espère qu'une solution sera trouvée pour permettre le transfert équitable des exploitations agricoles, et aussi certains autres genres d'entreprises, d'une génération à l'autre.
    J'ai quelques réserves au sujet du projet de loi C-208. J'aimerais en savoir davantage sur les effets qu'il n'aura pas et sur les effets indésirables qu'il pourrait avoir. Je reconnais cependant qu'il pourrait faciliter les transferts intergénérationnels, ce qui est une bonne chose.
    Ma principale préoccupation, à l'heure actuelle, rejoint vraiment la discussion entourant les fermes constituées en société par opposition aux fermes familiales. Même si j'ai à m'en occuper chez moi, même s'il y a une forte présence agricole dans ma circonscription en Nouvelle-Écosse, c'est une question qui revient plus souvent dans le contexte de la pêche commerciale. Je ne saurais en exagérer l'importance. Les collectivités rurales qui parsèment le littoral dans ma circonscription sont, en fait, tributaires de la pêche au homard. L'une des situations troublantes que nous avons essayé de régler ces dernières années concerne les accords de contrôle. Le régime de protection de la pêche côtière veut que ce soit ordinairement le titulaire du permis de pêche qui exerce le droit de pêcher conféré par le permis. Le problème survient quand certaines grandes sociétés deviennent légalement propriétaires d'un bateau de pêche et des permis qui y sont rattachés. Elles sont parfois tentées de louer le droit de pêche en vertu de ces permis, ce qui risque de déplacer les avantages économiques des collectivités côtières, comme celles que je représente, vers le siège social de la société détentrice des permis.
    L'une de mes craintes, c'est que le projet de loi C-208 pourrait avoir comme conséquence imprévue d'encourager les grandes sociétés à acquérir des bateaux de pêche et des permis, ce qui accentuerait la tendance à priver des avantages économiques de la pêche les collectivités côtières. C'est la même crainte que vous avez exprimée. Je sais qu'à l'heure actuelle, si vous vendez une entreprise à votre enfant à titre personnel, plutôt qu'à une société lui appartenant, vous pourrez bénéficier, par exemple, de la déduction cumulative des gains en capital.
    En ce qui concerne les entreprises agricoles ou de pêche non constituées en société, et aussi d'autres entreprises, croyez-vous qu'il y ait des choses que nous pourrions faire pour faciliter leur transfert sans compromettre la pratique des accords de contrôle? Dans un contexte agricole, ce serait comme si une grande chaîne de supermarchés devenait le propriétaire légal d'une ferme, à la place de la personne dont la famille l'exploite depuis générations.
    Si vous avez des idées sur les entreprises non constituées en société et sur la façon dont nous pourrions simplifier les choses, j'aimerais beaucoup les entendre.
    Qui veut répondre à cette question?
    Allez-y, monsieur St-Roch.

[Français]

    En fait, le problème concerne davantage le financement des transactions que la déduction pour gains en capital dans les cas où les entreprises sont détenues par des individus.
    Par exemple, si un enfant veut acquérir les actifs que son parent détient personnellement, il peut financer la transaction et payer la dette à partir des revenus de l'entreprise. Les intérêts sur la dette pourront être déduits de l'impôt.
    Au fond, c'est la capacité de remboursement des entreprises qui pose plus problème. Si le parent décidait de vendre tous ses actifs les uns après les autres, il obtiendrait beaucoup plus que s'il cédait son entreprise à son enfant. Comme l'a dit M. Harpe, je crois, la valeur de l'entreprise pendant son exploitation est moindre que la valeur des actifs qui peuvent être vendus. Souvent, les parents vont vendre leur entreprise à leurs enfants à une fraction du prix, afin de leur payer un peu de capital et de leur permettre d'en vivre. Voilà le dilemme.
    Le projet de loi C-208 vise strictement la vente des entreprises incorporées. C'est de là que vient le problème. Un étranger qui veut acheter les actions du vendeur va lui-même créer une compagnie, et c'est la compagnie qu'il aura créée qui va acheter les actions du vendeur. Cette compagnie, donc l'acheteur, va chercher son financement et utilise cet argent pour payer le vendeur. Dans ce cas, la compagnie qui a été créée devient la propriétaire des actions de l'entreprise qui vient d'être achetée. Par la suite, les deux compagnies sont regroupées, afin que la dette soit payée par les revenus provenant des activités de l'entreprise agricole qui vient d'être achetée, par exemple une ferme. En résumé, un étranger peut donc créer une compagnie, acheter les actions du vendeur, regrouper la compagnie nouvellement créée et celle qu'il vient d'acheter, et financer le remboursement de la dette grâce aux activités de la compagnie qui vient d'être achetée.
    Si c'est l'enfant qui veut utiliser la même stratégie, c'est-à-dire créer une compagnie, acheter les actions de ses parents et regrouper les deux entités pour être en mesure de rembourser la dette à partir des activités de la compagnie, la transaction n'est plus considérée comme une vente dont le gain en capital peut être exonéré d'impôt. Le gain en capital devient plutôt un dividende imposable pour le parent.
    Par exemple, si l'enfant veut acheter des actions de ses parents d'une valeur de 500 000 $ et financer cet achat par l'intermédiaire de sa compagnie, le parent va se retrouver à payer 225 000 $ d'impôt en raison de ce dividende imposable. En revanche, s'il avait vendu l'entreprise à la compagnie d'un étranger, ce gain en capital aurait été libre d'impôt et lui aurait donné droit à une déduction fiscale. C'est là que se situe le problème en lien avec l'article 84.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
(1555)

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur le président, me reste-t-il du temps?
    Non, il est écoulé.
    Je vais donc réserver ma question pour le prochain groupe de témoins.
    Merci.
    D'accord, merci.
    Nous passons maintenant à M. Ste-Marie.
    Nous allons prolonger le temps prévu pour le présent groupe d'environ 15 minutes parce que je sais que tout le monde se sent bousculé. Nous pourrons poursuivre jusqu'à 18 h 30, heure d'Ottawa. Nous avons l'autorité voulue pour le faire.
    Monsieur Ste-Marie, vous avez la parole pour six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à tous. Je vous remercie de vos très bonnes présentations.
    Je suis inquiet de ce qu'il adviendra de ce projet de loi, étant donné le contexte actuel de gouvernement minoritaire. M. Maguire, un député conservateur, avait d'abord présenté ce projet de loi lors de la dernière session parlementaire. Avant les dernières élections générales, M. Guy Caron, un député du NPD, avait présenté un projet de loi similaire, tout comme mon collègue bloquiste M. Barsalou-Duval. Un peu avant eux, le député libéral M. Emmanuel Dubourg en avait fait autant. Personnellement, je n'arrive pas à croire que les mesures proposées dans tous ces projets de loi ne soient pas déjà en vigueur; elles auraient dû être mises en œuvre il y a longtemps déjà. Je m'attends maintenant à ce que le projet de loi soit adopté, mais il semble y avoir une réticence du côté du Parti libéral, qui forme le gouvernement.
    Comme on le sait, le budget est prévu pour avril, mais il y a des rumeurs d'élections générales qui se tiendraient au printemps. Si le gouvernement n'a pas l'intention de mettre en œuvre ce projet de loi, il est possible que tout le travail du Comité avorte. Tout serait donc à recommencer, mais on ne sait trop quand.
    Madame Bissonnette, monsieur Groleau ou monsieur St-Roch, quels sont vos arguments pour convaincre le gouvernement, c'est-à-dire le Parti libéral, d'adopter et mettre en œuvre ce projet de loi avant les prochaines élections? M. Fraser a bien indiqué le genre d'inquiétude qu'a son parti: il a peur que le projet de loi serve à des montages financiers ayant pour but de s'en mettre plein les poches.
    Si cela convient à tous, j'aimerais entendre les commentaires de Mme Bissonnette en premier, puis ceux de M. Groleau.
(1600)
    Je vais laisser la parole à M. Groleau ou à M. Pagé.
    Le gouvernement du Québec a corrigé la situation dans son régime fiscal sans que cela devienne une échappatoire vers des montages financiers visant à contourner la loi fiscale. C'est donc possible de le faire, et c'est avantageux. En fait, on ne confère pas un avantage supplémentaire aux fermes familiales; on rétablit plutôt l'équité pour les transactions entre personnes apparentées, comparativement aux transactions entre personnes non apparentées.
    Alors qu'ils étaient dans l'opposition, tous les partis politiques ont, à tour de rôle, soutenu un projet de loi semblable. Il n'y a donc pas de raison de ne pas adopter le projet de loi.
    Le diable est toujours dans les détails, mais, si l'on décide d'appliquer les mêmes conditions entre personnes apparentées qu'entre personnes non apparentées, il y a moyen de prévoir des mécanismes pour empêcher que des gens utilisent des stratagèmes visant à contourner les lois fiscales. C'est tout à fait possible. D'ailleurs, c'est ce qu'a fait le gouvernement du Québec par l'entremise de sa loi. En cas de doute, je vous invite à vous inspirer de la fiscalité québécoise, pour voir comment le Québec a corrigé la situation.
    J'ajouterais même que, en rendant plus difficiles ou plus compliquées les transactions interfamiliales, on se trouve à favoriser les grandes entreprises. C'était le cas au Québec et c'est le cas partout ailleurs au Canada. Il faut comprendre que les grands investisseurs ont des fiscalistes qui travaillent exclusivement pour eux et qui élaborent des montages financiers. Ils vont voir les familles agricoles pour leur expliquer combien d'argent de plus elles auraient si elles leur vendaient leur ferme à eux, qui s'occuperaient par la suite de louer la ferme à leurs enfants.
    Ce que l'on est en train de faire, c'est priver les générations suivantes d'être propriétaires des sols. Quand on n'est pas propriétaire du sol, on ne peut pas y développer une entreprise à long terme ou investir dans l'élevage. On n'a pas le même intérêt, puisque cela ne nous appartient plus. On est en train de faire des agriculteurs de la prochaine génération des locataires de terres plutôt que des propriétaires de terres. À mon avis, les transactions familiales doivent être favorisées.
    Merci.
    L'un des représentants de la Fédération de la relève agricole du Québec veut-il ajouter quelque chose?
    Oui, j'aimerais certainement ajouter quelque chose.
    Comme vous le disiez d'entrée de jeu, monsieur Ste-Marie, chaque parti politique présent aujourd'hui a déjà présenté un projet de loi semblable. Par ailleurs, il est possible d'avoir des critères afin de veiller à ce qu'il n'y ait pas d'abus, car le Québec en a mis en place. De plus, en 2017, le directeur parlementaire du budget a évalué les coûts de ces mesures lorsque M. Caron et M. Barsalou-Duval ont présenté des projets de loi semblables. Les coûts ont donc été déterminés et des études ont déjà été menées. Après quatre moutures présentées par tous les partis, je pense qu'on est prêt à faire passer ce projet de loi à la réalité le plus vite possible.
    J'aimerais ajouter qu'au-delà de tout cela, des jeunes m'interpellent chaque fois qu'un projet de loi à ce sujet est déposé. On a tout le temps espoir qu'il sera adopté. Certains transferts de ferme sont repoussés dans l'espoir de voir cette question se régler. Pour une fois qu'on est rendu si près du but, il faut vraiment régler la situation. Déjà, un transfert de ferme n'est pas chose facile, sur le plan humain. Cette loi fiscale, en mettant des bâtons dans les roues, n'aide en rien le secteur de l'agriculture. Si, au moins, on pouvait régler la situation cette année, beaucoup de gens seraient très contents qu'on puisse passer à autre chose.
(1605)
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Je suis désolé, M. Ste-Marie, mais je dois vous interrompre. Vous pourrez reprendre à la prochaine ronde de questions de deux minutes et demie.
    Monsieur Julian, vous êtes de retour. Allez-y, vous avez la parole.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Chers invités, je vous remercie de votre présence aujourd'hui et de vos témoignages. Nous vous en sommes reconnaissants. Nous espérons que votre famille et vous continuez d'être en sécurité pendant cette pandémie.
    Mes premières questions s'adressent à Mme Bissonnette et à M. Groleau.
    On parle de l'importance de faire adopter ce projet de loi et de mettre fin aux pénalités existantes pour les transferts de ferme familiale. Comme vous l'avez si bien dit, c'est Guy Caron, un ancien député néodémocrate, qui a présenté la première mouture de ce projet de loi.
    Si vous pouviez entrevoir les 15 prochaines années dans une boule de cristal, à quoi ressemblerait la situation dans toutes les communautés du Québec et du Canada, en ce qui a trait aux transferts de ferme familiale, si le projet de loi était adopté? À l'inverse, à quoi ressemblerait-elle si le projet de loi n'était pas adopté?
    Voulez-vous répondre en premier, madame Bissonnette?
    Monsieur Pagé, voulez-vous y répondre?
    Je peux certainement répondre.
    L'adoption d'un tel projet de loi aura des effets directs sur les transferts de ferme. Comme Mme Bissonnette le mentionnait, un transfert d'entreprise ne se fait pas en un mois. Il s'agit d'un processus complexe qui se déroule sur plusieurs années. Des écueils peuvent survenir. Parfois, les familles doivent mettre de l'eau dans leur vin pour arriver à un résultat commun. Quand s'ajoutent à cette difficulté des mesures fiscales qui désavantagent les propriétaires de ferme familiale qui voudraient vendre l'entreprise à un membre de la famille, certains trouvent plus facile de démanteler leur entreprise ou de la vendre à un voisin, qui pourra alors agrandir sa propre entreprise agricole. En fin de compte, on se trouve à faire diminuer le nombre absolu de fermes. Pour les communautés rurales du Québec et du Canada, cela signifie qu'il y a moins de familles qui exploitent des entreprises, qui consomment localement et qui contribuent à l'économie de leur communauté.
    Je vous dirais que, dans un horizon de 10 ou 15 ans, si cette iniquité n'est pas corrigée, les entreprises agricoles incorporées continueront d'éprouver des difficultés.
    Merci.
    Qu'en pensez-vous, monsieur Groleau?
    Comme nous l'avons indiqué lors de la présentation, 40 % des petites entreprises familiales seront transférées dans les prochaines années, si l'on se fie à l'âge moyen des propriétaires. Ces entreprises représentent des actifs de 50 milliards de dollars.
    Habituellement, lors d'un transfert d'une entreprise agricole à la génération suivante, les économies fiscales réalisées par les cédants sont partagées entre ces derniers et les acquéreurs. Cela donne un avantage à l'entreprise familiale en lui permettant de réinvestir dans de l'équipement et de la main-d'œuvre, par exemple. Une meilleure équité fiscale faciliterait donc ce genre de transaction et permettrait aux acheteurs de partir sur de meilleures bases pour développer l'entreprise et aux cédants de prendre leur retraite dans des conditions plus favorables. C'est vraiment important.
    Il est difficile de prévoir combien d'entreprises, en termes absolus, ne seront pas transférées. C'est le rôle des parlementaires de faciliter, par l'entremise des lois fiscales canadiennes, les transferts intergénérationnels. On veut aussi développer une génération d'entrepreneurs, au Canada. L'économie canadienne fonctionne grâce aux petites et moyennes entreprises. Ce sont elles qui créent le plus d'emplois au Canada, surtout dans les régions rurales. Alors, il faut encourager ce type d'entreprises.
    Par ailleurs, la valeur des actifs agricoles est de plus en plus élevée. Pensons à la valeur des terres et de l'équipement, entre autres. Pour faciliter le fonctionnement des entreprises agricoles, la loi fiscale favorise la constitution en société par actions, parce qu'on peut ainsi mieux planifier et gérer les entreprises. Toutefois, lorsqu'il s'agit de transfert d'entreprises, la loi pénalise celles qui sont constituées en sociétés par actions.
    Il existe donc actuellement une forme d'incongruité entre les outils qu'offre la loi et les mesures de soutien qui sont disponibles par la suite, lorsque vient le temps de transférer les entreprises. La plupart des petites et moyennes entreprises, souvent construites par la famille, sont d'abord transférées vers d'autres membres de la famille, quand c'est possible. Pour moi, c'est vraiment important.
    C'est le rôle des parlementaires de corriger la situation.
(1610)
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur Julian, il vous reste 30 secondes. Vous pouvez les ajouter à vos deux minutes et demie de la prochaine ronde. Vous aurez alors la parole pour trois minutes.
    Nous allons passer à Mme Jansen pour un tour de cinq minutes, qui sera suivie de Mme Koutrakis.
    En tant qu'ancienne agricultrice — bien qu'on le reste toujours dans l'âme —, je crois que la relève familiale est l'un des enjeux les plus pressants dans le secteur agricole aujourd'hui. Il y a de vraies personnes qui sont en cause ici.
    Mon mari et moi avons eu cinq enfants qui, littéralement depuis leur naissance, ont tout appris de la ferme et de son exploitation. Mon fils n'avait que quatre ans quand il a demandé à un vendeur qui s'était présenté à la serre: « C'est quoi ces vieux trucs dans le derrière du camion? » Et le vendeur de répondre: « Eh bien! je sens qu'il n'y aura pas de ventes faciles aujourd'hui. » Peu à peu, les enfants assimilent ce qu'il faut savoir; cela fait partie de leur identité.
    Mon fils a maintenant repris l'entreprise, ce qui est extraordinaire, et il est très engagé dans la collectivité. Récemment, nos pompiers locaux ont organisé un grand gala de financement pour l'hôpital. Je sais qu'Élections Canada lui a même parlé d'utiliser l'une des serres comme bureau de scrutin, ce qui me fait penser que nous serons peut-être bientôt en élection.
    Ce qui me préoccupe, c'est qu'il n'y a pas de règles du jeu équitables pour faire le transfert des parents, comme nous, à leurs enfants. Je me demande si vous pourriez nous parler, monsieur Branden Leslie, des répercussions sur nos collectivités de la vente de fermes familiales à des étrangers. Que se passe-t-il dans une collectivité lorsqu'une ferme sort de la famille?
    Je vous remercie de la question. C'est, à mes yeux, une préoccupation des plus légitimes, et notre président, M. Harpe, en a parlé.
    Je dois dire que, d'après le dernier recensement, ce phénomène est encore relativement peu fréquent, mais il me semble que c'est en quelque sorte l'objectif du projet de loi de contrer à l'avance son éventuelle extension. Comme les exploitations agricoles, par nécessité, doivent souvent prendre de l'expansion, nous ne voulons pas qu'il y ait d'autres obstacles qui nuisent au transfert des fermes familiales.
    Quiconque vit dans une collectivité rurale connaît la valeur de toute petite entreprise locale, qu'elle soit agricole ou autre, par les contributions qu'elle fait sous forme d'achats dans les magasins locaux, de dons aux événements locaux, de bénévolat et de soutien des tournois de hockey locaux. Cela fait vraiment partie de ce mode de vie. Je pense qu'un changement aussi simple que celui proposé dans le projet de loi, qui contribuerait à préserver cet aspect vital des économies rurales partout au pays, semble être une solution tout indiquée et que le risque de problèmes éventuels est certainement compensé par ses avantages évidents.
    Oui, et ce qui nous paraissait le plus affligeant, c'est qu'on nous faisait passer, au fond, pour des fraudeurs fiscaux. C'est pour cette raison que ces règles ont été mises en place. On ne voulait pas que nous prenions des éléments d'actif pour s'en servir comme échappatoire fiscale. L'idée qu'un tracteur ou une camionnette soit une échappatoire fiscale m'a outrée.
    Comment pouvons-nous nous assurer que les fermes restent dans la famille sans traiter leur transfert comme une fraude fiscale? Le projet de loi va-t-il régler tous nos problèmes?
    Ma question s'adresse à M. Leslie ou...
    Je vais commencer, puis je céderai la parole à notre président, M. Harpe.
    Non, ce n'est pas une panacée. Le changement proposé touche environ le quart des fermes, dont un nombre croissant sont constituées en société, si bien qu'il n'influera pas sur tous les aspects de la propriété agricole. Il y a un certain nombre de questions sous-jacentes qui expliquent pourquoi les caractéristiques économiques et sociales des exploitations agricoles sont en train de changer.
    J'invite M. Harpe à y aller de ses commentaires sur l'importance de cette question et sur la meilleure façon de l'aborder.
(1615)
    Merci, monsieur Leslie.
    Je pense que le plus important — j'en ai déjà parlé —, c'est que le changement proposé n'est pas un remède à tout. Il ne va pas régler tous nos problèmes.
    Premièrement, ce ne sont pas tous les enfants qui voudront continuer à cultiver la terre ou à exploiter une serre, et ce changement ne mettra donc pas fin à tous nos problèmes. Je pense que son résultat plus important sera de rendre les règles équitables, mais le fait demeure, comme je l'ai dit plus tôt... Le vieux dicton veut que les agriculteurs soient pauvres en argent et riches en actifs. En même temps, ce n'est pas tous les agriculteurs qui auront les moyens de transférer la ferme à leurs enfants. Cela dépendra de leur niveau d'endettement et de tout le reste, et aussi du fait que, à un moment donné, il pourrait s'avérer nécessaire de retirer autant d'argent que possible de la vente de leur exploitation agricole.
    Oui, tout à fait.
    C'est là que réside le problème. J'ai vu des cas où il était possible d'obtenir 250 000 $ de plus, disons, sur une ferme de 2 millions de dollars en la vendant à un voisin plutôt qu'à un enfant. Ou encore des cas où les dettes à rembourser imposent cette solution. Il ne s'agit plus alors de savoir « Est-ce que je choisis à qui vendre la ferme? » Malheureusement, votre partenaire silencieux — la banque — ne vous laissera peut-être pas le choix.
    Ai-je le temps d'une autre brève question?
    Oui, allez-y.
    Merci.
    Dans le cas d'un agriculteur qui a un enfant désireux de prendre en main la ferme familiale, on s'attendrait à ce que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. Le projet de loi permettra-t-il cette égalité? Comme vous le dites, il n'est pas facile de trouver la relève, mais quand elle est là, est-ce qu'il permettra d'atteindre l'objectif souhaité?
    D'après mon examen du projet de loi, je pense que c'est ce qu'il fera. Il aura ce résultat. Il facilitera beaucoup les choses. Cela nous ramène à... Ce qui est malheureux, c'est que chaque fois que nous avons à prendre une décision financière, dès que la fiscalité fédérale entre en ligne, l'une des premières personnes à appeler c'est le comptable, afin de voir comment les lois fiscales s'appliquent.
    D'après ce que j'ai lu du projet de loi, je pense qu'il aura l'effet escompté.
    D'accord. Merci à vous deux.
    Nous passons maintenant à Mme Koutrakis, qui sera suivie de M. Ste-Marie.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leurs témoignages cet après-midi sur cette question importante.
    Mes questions s'adresseront à tous les témoins.
    Existe-t-il actuellement des moyens permettant à un propriétaire d'entreprise de transférer celle-ci à son enfant sans devoir payer de l'impôt sur les dividendes?
    En fait, la Loi de l'impôt sur le revenu permet à un parent de donner ses actions à ses enfants. Lorsqu'il s'agit d'entreprises constituées en sociétés par actions, il est possible de donner ses actions à son enfant sans qu'un impôt soit appliqué sur le transfert. En fait, l'enfant récupère les actions comme s'il en avait toujours été le propriétaire. Évidemment, dans une situation comme celle-là, il n'y a pas de contrepartie pour le parent; cela ressemble plus à un don. Quoi qu'il en soit, cela peut effectivement se faire sans impôt dans ce cadre.
    Monsieur St-Roch, d'après vous, combien de propriétaires d'entreprise choisissent cette option lors de la vente?
    Comment pouvons-nous encourager davantage de propriétaires d'entreprise à vendre leur entreprise directement à des membres de leur famille et les soutenir dans cette démarche?
    Comme je le disais plus tôt, souvent, les propriétaires ont investi toutes leurs économies dans leur entreprise. Par conséquent, lorsqu'ils souhaitent transférer la ferme à leurs enfants, ils s'attendent généralement à récupérer un certain capital afin de couvrir leurs besoins. J'ai vu plusieurs situations de ce genre au cours de ma carrière, et je peux vous dire que les parents ne demandent pas à obtenir la valeur marchande de l'entreprise; ils veulent avoir un montant raisonnable afin d'assurer leur retraite. Souvent, le montant de la transaction est choisi en fonction de la capacité de rembourser la ferme. Ainsi, il arrive qu'une transaction représente seulement 30 % de la valeur liquidative de l'entreprise, puisqu'il s'agit du seul montant raisonnable que les parents peuvent obtenir et que leurs enfants peuvent se permettre de payer.
    Ce dont il est question aujourd'hui, c'est la situation où les fermes sont constituées en sociétés par actions. Lorsque les parents veulent transférer la ferme à leurs enfants, il est déjà difficile de dégager un montant qui répondra à leurs besoins, alors imaginez la situation lorsqu'en plus les parents doivent payer de l'impôt en raison de l'application de l'article 84.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Au bout du compte, ce sont les enfants qui, en effectuant des ponctions plus importantes dans les liquidités de l'entreprise, doivent assumer les fameux impôts que les parents ne veulent pas payer.
    Comme le disait M. Groleau, cela nuit aux liquidités des entreprises et affaiblit leur situation financière. Ces dernières doivent s'endetter un peu plus ou étirer les versements faits aux parents, afin de couvrir à la fois les impôts et les besoins des parents qui se retirent. On double les coûts financiers. En revanche, si ce n'était pas les enfants qui achetaient la ferme, on n'aurait pas ce problème.
(1620)

[Traduction]

    Veuillez poser une question très brève, madame Koutrakis.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vais poser une dernière question.
    Un parent pourrait-il conserver le contrôle de droit et de fait d'une société dont les actions sont transférées en vertu du projet de loi C-208?
    En ce moment, oui, c'est...
    Permettez-moi d'ajouter quelque chose, monsieur St-Roch.
    Le gouvernement du Québec a mis en place des critères afin d'éviter la situation que vous décrivez. Il serait facile d'appliquer de tels critères.
    C'est exactement ce que j'allais dire. Le gouvernement du Québec a formulé une série de critères...
    Pouvez-vous envoyer ces critères à notre comité, afin que nous puissions les étudier? Nous vous en serions très reconnaissants.
    Merci.

[Traduction]

    Oui, j'allais dire la même chose. Si vous pouviez nous envoyer ces critères dans les plus brefs délais, ce serait utile.
    Nous passons maintenant à M. Ste-Marie, qui sera suivi de M. Julian.
    Vous n'avez que deux minutes et demie, M. Ste-Marie.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Souhaitons que le projet de loi soit mis en place dans les meilleurs délais, puisque les inquiétudes soulevées sont réelles.
    Je représente la circonscription de Joliette, où plusieurs municipalités vivent de l'agriculture. Dans plusieurs cas, les entreprises sont transférées aux enfants. Comme on l'a mentionné plus tôt, les parents acceptent alors de devoir payer plus d'impôt et d'avoir des revenus de retraite plus petits. Dans d'autres cas, les entreprises sont tout simplement vendues à de tierces parties.
    J'aimerais savoir comment cela se passe sur le terrain et ce qui est en jeu. Sans nommer personne, êtes-vous en mesure de nous illustrer cette réalité de façon plus concrète?
    Je vous remercie de la question.
    Le transfert d'une ferme est toujours une étape importante dans la vie du cédant et de la personne qui prend la relève. Il y a plusieurs aspects humains à considérer. La formation qui porte sur les transferts de fermes, c'est bien beau, mais chaque cas est différent. Comme le disait le représentant des Producteurs de grains du Canada, certaines entreprises ont des dettes et d'autres en ont moins. Dès le départ, la situation financière varie d'une entreprise à l'autre.
    Depuis tout à l'heure, nous parlons des cédants qui prennent leur retraite. Le poids de toutes les étapes qui s'accumulent peut être trop lourd à porter pour eux et peut finir par les dissuader de procéder au transfert. La relève a beau être extrêmement énergique et travaillante, après tout, il s'agit ici du cédant. Son entreprise, c'est sa vie, c'est sa passion, c'est son mode de vie. Arrivé au bout du chemin, si toutes les étapes s'accumulent et s'ajoutent aux nombreux autres obstacles qui existent déjà, le cédant pourrait bien décider tout simplement qu'il en a assez.
    Le Canada ne peut pas se permettre de perdre des entreprises agricoles. Comme on le sait, les agriculteurs sont importants. La relève est là, mais elle manque de moyens. Être agriculteur, c'est tout un mode de vie. L'agriculture fait partie de la vitalité des régions et de l'économie.
    Le projet de loi enlèverait donc une épine du pied des agriculteurs. Ce serait une bonne étape. Cela enlèverait un poids sur les épaules des cédants et de la relève, qui pourraient alors se concentrer sur les aspects humains et administratifs lors d'un transfert de ferme.
(1625)
    Merci.
    Ai-je le temps de poser une autre question, monsieur le président?

[Traduction]

    Comme nous avons prolongé un peu la période de questions, je vais vous permettre une autre question très brève. Pas de discours.

[Français]

    Très bien, merci.
    Monsieur Groleau, plus tôt, j'ai été abasourdi quand je vous ai entendu dire que les dispositions actuelles favorisaient l'achat des terres agricoles par des gens qui ne les exploitaient pas.
    Pouvez-vous revenir brièvement là-dessus, faire un bref portrait de la situation et expliquer comment le projet de loi peut aider à diminuer ce phénomène?
    Au Québec, il y a des données à ce sujet provenant de la Commission de protection du territoire agricole. Tout cela est répertorié dans les registres municipaux. On constate que de plus en plus de transactions concernant des terres agricoles sont réalisées par des investisseurs plutôt que par des producteurs. C'est donc dire que de plus en plus de terres sont concentrées entre les mains de certains grands investisseurs. Je précise qu'il s'agit d'investisseurs québécois, et non d'investisseurs étrangers. Leur intérêt est de louer les terres en attendant d'en faire possiblement autre chose.
    Or, il s'agit d'un phénomène mondial. Ce n'est pas exclusif au Québec. Au Canada, la Saskatchewan a même adopté une loi visant à limiter la vente des terres à des fonds d'investissement ou à des fonds d'assurance. L'acquisition de terres par des fonds spéculatifs est un enjeu mondial. Actuellement, la loi favorise cela.

[Traduction]

    Nous allons devoir nous arrêter ici. C'est une tout autre question, et de taille.
    Monsieur Julian, vous avez environ trois minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais revenir à M. Ross et aux Producteurs de grains du Canada sur le même sujet.
    Regardant dans votre boule de cristal, quelle sera la différence, dans 15 ans, entre avoir adopté cette loi, qui met fin aux pénalités pour le transfert des fermes familiales, et ne pas l'avoir adoptée?
    Je vais commencer par M. Ross.
    Je vous remercie de la question.
    Je pense que d'autres témoins ont peut-être abordé des éléments de réponse, mais il me semble que nous continuerons d'observer une augmentation du nombre d'exploitations agricoles constituées en société, et ce, pour diverses raisons, dont la planification fiscale, la planification de la relève et d'autres motifs de ce genre.
    Bien qu'il y ait actuellement un faible pourcentage d'exploitations agricoles canadiennes qui ne sont pas des fermes familiales, nous sommes bien conscients du fait que l'agriculture familiale apporte toute une série d'avantages pour l'ensemble du Canada, notamment la situation évoquée plus tôt dans laquelle la génération qui prend sa retraite tend à retirer l'argent dont elle a besoin pour sa retraite, mais cherche à assurer à la génération qui lui succède la meilleure santé financière possible.
    À nos yeux, c'est un élément essentiel de cette discussion. Comment pouvons-nous positionner le secteur, en nous fondant sur l'agriculture familiale telle qu'elle existe aujourd'hui, pour assurer le succès de la prochaine génération? Je pense qu'il y a toute une série de raisons environnementales et économiques pour lesquelles c'est avantageux pour l'ensemble du Canada.
    Avec le régime fiscal tel qu'il est actuellement, nous continuerons de voir des pressions s'exercer sur les exploitants de ferme familiale, au moment d'opérer le transfert à la prochaine génération dans le cadre d'un processus déjà très compliqué, qui devront composer avec une autre variable et qui continueront de retirer des capitaux propres d'un secteur qui en a désespérément besoin, car il s'agit d'une industrie à forte intensité de capital.
    Je vous remercie.
    Quel est le pronostic des Producteurs de grains du Canada?
    Merci beaucoup.
    Il est intéressant que M. Ross en ait parlé comme de l'une des variables dans un ensemble de variables, et je suis tout à fait d'accord avec lui. Je pense que le projet de loi éliminerait l'une des variables.
    Si je devais me projeter 15 ans dans l'avenir, je serais très préoccupé qu'on utilise le terme « société » pour les fermes constituées en société. Malheureusement, plus l'exploitation est grande, moins on en fait partie. Je suppose que cela nous ramène au changement climatique et à l'environnement. Je pense que nous devons préserver autant de fermes familiales que possible parce que c'est nous qui sommes en relation directe avec ce qui se fait sur cette terre.
    Vous prédiriez une différence sensible dans 15 ans si ce projet de loi n'est pas adopté.
    Je serais très inquiet. C'est vraiment difficile, mais ce que je prédirais, ce sont des entreprises agricoles plus grandes. Le fait est que, pour revenir à ce dont j'ai parlé plus tôt, arrivé à un certain point, quand vient le temps de vendre la ferme, il y a hélas des factures à payer et des hypothèques à rembourser. Cela pourrait devenir un facteur d'une réelle importance et, malheureusement, certaines des plus grandes fermes ne cessent de prendre de l'expansion.
(1630)
    Nous allons devoir nous arrêter ici.
    Nous allons passer à M. Kelly, qui sera suivi de M. McLeod.
    Je suis désolé de ne pas vous avoir prévenu, monsieur Kelly.
    C'est n'est pas un de problème, monsieur le président.
    Je vais commencer par une simple observation. Je sais que notre groupe de témoins est composé en entier de représentants du secteur agricole. Ma circonscription est urbaine à 100 %, mais, dans ce domaine, les problèmes ne sont pas tellement différents de ceux de tant d'autres genres de petites entreprises. La situation que vous décrivez est généralement aussi celle du restaurant familial, de la petite entreprise manufacturière familiale et toutes sortes d'entreprises familiales.
    Cela étant dit, je vais m'adresser à M. Harpe, qui a beaucoup parlé de l'exploitation d'une entreprise en famille et de la mesure dans laquelle le plan financier de toute une vie, en prévision d'une retraite confortable et sûre, est lié à la valeur de l'entreprise et au capital familial qui y est investi. Un agriculteur, un restaurateur, un propriétaire d'entreprise de fabrication ou un patron de bateau de pêche n'est généralement pas bien avisé de retirer de l'argent et des bénéfices de l'entreprise pour les investir à l'extérieur de l'entreprise. Parfois, ce n'est tout simplement pas possible, parfois ce n'est pas prudent.
    Monsieur Harpe, du point de vue d'un exploitant d'entreprise familiale — l'entreprise étant une ferme —, j'aimerais que vous nous disiez combien, à votre avis, du capital demeure immobilisé dans l'actif de l'entreprise.
    Merci beaucoup.
    Vous soulevez un excellent point. L'entreprise agricole n'est pas très différente de la propriété d'un restaurant ou d'une petite entreprise manufacturière. Il y a beaucoup de ressemblances. Cela nous ramène à... Une petite entreprise est généralement le fruit de beaucoup de peines, d'efforts, de déceptions. Nous mettons notre travail dans l'entreprise, que vous l'appeliez notre enfant ou autre chose, mais c'est toujours en vue de faire croître quelque chose, surtout sur une ferme. C'est très exactement ce que nous tentons de faire.
    Le moment est bien choisi pour en parler un peu, mais si nous parlons de la COVID et des problèmes de la chaîne d'approvisionnement pour l'agriculture, il faut savoir que le coût de nos intrants — nos engrais, nécessaires pour bien réussir nos cultures — a doublé cette année. Les prix de l'équipement, qui reflètent les coûts de fabrication — et j'y inclus les taxes sur le carbone — ont grimpé en flèche cette année.
    Essentiellement, cela revient au moment où on établit les plans. On parle toujours du plan A, puisqu'il en faut plus d'un. Il me semble que nous devons toujours remettre de l'argent dans la ferme, et il est très rare que nous ayons la possibilité d'investir ailleurs quelques centaines de dollars. L'agriculture est une activité très gourmande en capitaux. Nous réinvestissons sans cesse dans la ferme. Cela revient aussi à ce que j'ai dit dans ma déclaration préliminaire. C'est notre REER, c'est notre CELI, peu importe comment vous voulez l'appeler. C'est ce sur quoi nous comptons quand vient le temps de prendre notre retraite.
    Le problème avec l'agriculture — et c'est très semblable dans le cas d'un restaurant ou d'une autre petite entreprise —, c'est que l'un pourrait décider de prendre sa retraite à 55 ans pour des raisons de santé, tandis qu'un autre pourrait continuer à travailler à la ferme jusqu'à 80 ans. L'éventail de l'âge de la retraite est donc très large, et le moment choisi dépend du montant d'argent réellement nécessaire pour se mettre à la retraite. Énorme problème.
    Il y a un autre point que je veux, par l’entremise des témoins, faire figurer dans le compte rendu.
    Il y a eu des critiques à l’égard de toute l’idée d’une personne morale. Nous savons ce qui a été dit dans le passé et nous sommes au courant des accusations de fraude fiscale et de ce genre de choses. Je fais appel au témoin le mieux placé pour répondre à cette question. N’est-il pas vrai que, souvent, la décision d’une entreprise de se constituer en société est motivée par des pressions externes? Il pourrait s’agir de la banque, par exemple. Dans n’importe quel scénario de prêt commercial, la banque insistera normalement pour que le terrain ou l’immeuble soit détenu par une entité constituée, et souvent même par une entité constituée distincte de l’entité exploitante, mais elle veut que les deux structures soient des entités constituées en société.
    Dans bien des cas, l’idée de constituer en société une petite entreprise ou une entreprise familiale ne vient pas du propriétaire lui-même.
(1635)
    Je répondrai brièvement et peut-être que quelqu’un d’autre voudra ajouter à ce que j’ai dit. Si vous regardez le monde des affaires à l’heure actuelle, et surtout les banques, tout le monde est très habitué à travailler avec des entités constituées. Les gens sont très mal à l’aise... disons qu’ils travaillent beaucoup plus facilement lorsqu’ils font affaire avec une société, qu’il s’agisse d’un agriculteur...
    Oui. En fait, ils ne prêteront pas à certains...
    Oui, c’est exactement cela. Ils ne vont pas...
    Je pense que M. Groleau veut également intervenir.

[Français]

    Effectivement, j'aimerais répondre à la question de M. Kelly.
    Tout d'abord, la situation est un peu différente dans le secteur agricole, en raison de la valeur des actifs comparativement à leur rendement. En agriculture, la règle est qu'il faut investir de 6 à 7 $ pour générer 1 $ de revenus, alors que, dans le commerce en général, c'est 1 $ d'investissements pour 1 $ de revenus. C'est pour cela qu'il y a des règles fiscales particulières pour le secteur agricole, notamment des exemptions de gains en capital plus importantes pour les vendeurs d'entreprises lorsqu'ils cèdent leurs actifs agricoles.
    Deuxièmement, les banques n'exigent pas que nous soyons constituées en société par actions. C'est la loi qui favorise ce type de structure juridique, parce que les coûts en impôt sont moindres pour les sociétés que pour les particuliers. C'est ce qui nous incite à nous constituer en société ou à créer des compagnies pour exploiter nos entreprises. Ce ne sont pas les banques qui l'exigent. C'est une question de bonne gestion.

[Traduction]

    D’accord, merci.
    Monsieur McLeod, vous êtes notre dernier intervenant. La parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous nos témoins pour cette discussion très intéressante sur un sujet très préoccupant.
    Je suis dans le même bateau que Pat Kelly; il n’y a pas beaucoup de fermes dans ma circonscription. Nous avons des fermes d’agrément, des jardins communautaires, ce genre de choses.
    J’ai plusieurs questions. Je crois que je vais commencer avec M. Harpe. Il a fait un excellent exposé, mais je n’ai pas très bien saisi certaines choses qu’il a dites, peut-être en raison de mon manque d’exposition au monde agricole. Il a mentionné que sa ferme était une ferme constituée en société, mais sans en être une véritablement. Je peux comprendre la différence entre une ferme constituée en société et une ferme qui ne l’est pas, mais il pourrait peut-être m’expliquer ce qu’il entendant par là. Je pense que sa ferme est considérée comme une ferme constituée en société, mais sans être la même chose qu’une véritable ferme constituée en société. Quelque chose m’a échappé.
    Désolé, je m’en excuse.
    Oui, notre ferme a été constituée en société en 1972, date à laquelle mon père a pris la relève de mon grand-père. Nous sentons que le public a l’impression que, quand on parle d’une entreprise agricole constituée en société, il s’agit d’une société par actions, comme IBM et des entreprises de ce genre, ce genre de société. Quand nous disons « ferme constituée en société », nous voulons dire... Au Canada, c’est habituellement une ferme familiale qui a pris la décision commerciale de devenir une entité constituée.
    Donc, oui, notre entreprise agricole est constituée en société, mais nous nous considérons comme une ferme familiale.
    Vous avez dit que les grandes entreprises agricoles prenaient de l’expansion, ce qui vous préoccupait.
    Y a-t-il une différence dans la définition?
    Pas que je sache.
(1640)
    Monsieur Harpe, si vous me le permettez, j’aimerais mentionner que le recensement de 2016, qui a en quelque sorte circonscrit ces situations et les a ventilées, montrait qu’un peu moins de 52 % étaient des entreprises à propriétaire unique, un peu moins de 30 % étaient des sociétés de personnes, 22,5 % étaient des entreprises familiales et 2,5 % étaient des entreprises non familiales. C’est cette fraction non familiale qui nous occupe.
    L’entreprise de M. Harpe serait une société familiale par opposition à celles-là, c’est-à-dire les grandes entreprises appartenant à des actionnaires, possédant des terres et les exploitant comme bon leur semble.
    J’ai une autre question, pour que tout soit clair dans mon esprit. M. Harpe a expliqué que s’il vendait sa ferme à ses enfants plutôt qu’à une entité extérieure à la famille, la différence pourrait être de 100 000 $, voire des centaines de milliers de dollars. Sur le plan fiscal, la différence serait importante. Le projet de loi changerait-il cette situation? Est-ce qu’il diminuerait la différence des conséquences fiscales entre la vente à sa famille et la vente à une entreprise ou à quelqu’un de l’extérieur?
    Pourriez-vous me donner un exemple de ce que cela signifie?
    À tout prendre, je laisserais à quelqu’un d’autre le soin de donner un exemple clair, mais je dirai au passage que le projet de loi C-208 mettrait les deux sortes de vente sur le même niveau, de sorte que l’impôt à payer serait essentiellement le même pour la vente à un voisin et pour la vente à l’un de mes enfants.
    Quelqu’un — M. Leslie ou un autre — souhaite-t-il apporter des précisions à ce sujet?
    Monsieur St-Roch, allez-y.

[Français]

    Si le propriétaire vend ses actions à une entité étrangère qui n'est pas de la famille, il peut réclamer une déduction pour gains en capital. Prenons l'exemple où le prix de vente est de 1 million de dollars. Ce montant n'est donc pas imposable. C'est ce qui arrive actuellement. Dans le cas des fermes ou, comme le disait M. Kelly, des petites entreprises qui sont vendues à des entreprises de l'étranger, la vente des actions donne droit à une exemption des gains en capital.
    Si le propriétaire vend ses actions à une compagnie qui appartient à ses enfants, cette exemption n'existe pas et la différence devient un dividende imposable. Le million de dollars peut donc représenter pour lui jusqu'à 400 000 $ d'impôt à payer. Vendre les actions à ses enfants n'est donc pas avantageux. S'il veut le faire, ou bien le vendeur paie l'impôt, ou bien ses enfants à qui il vend ses actions doivent aller chercher l'argent à même la compagnie. On parle donc ici d'un autre montant de 400 000 $ qui sera prélevé des revenus d'exploitation de la ferme. C'est soit le parent, soit la ferme qui paie ces 400 000 $. Quoi qu'il en soit, l'argent doit venir de quelque part. En général, c'est la ferme qui doit financer cet impôt. En revanche, si le propriétaire vend à un étranger, ces coûts n'existent pas. Ces 400 000 $ n'ont pas à être déboursés. C'est là que réside la différence.

[Traduction]

    Nous allons devoir nous arrêter là avec ce groupe de témoins. Le groupe suivant attend.
    Je remercie chaleureusement les témoins d’être venus nous parler de cet important projet de loi. Merci beaucoup de vos témoignages et de vos réponses aujourd’hui.
    Monsieur Kelly, au sujet du point que vous avez soulevé au début, je sais qu’il y a beaucoup de pression pour passer à l’étude article par article. Nous avons dépassé le délai pour les amendements des membres du Comité, mais la lettre vient d’être envoyée aux députés indépendants de la Chambre cette semaine — je crois que c’était hier — pour leur demander s’ils souhaitent proposer des modifications.
    Nous avons vraiment besoin d’entendre les fonctionnaires. J’ai l’impression que le principe du projet de loi jouit d’un appui solide, mais il faut voir s’il pourrait avoir des conséquences imprévues. Nous devons entendre les fonctionnaires, et nous devons le faire le plus rapidement possible.
     Sauf erreur, je pense que les avis de convocation de la réunion de jeudi ont été envoyés. Au cours de la troisième heure, nous traiterons des dépenses et des programmes liés à la COVID-19. Je crois comprendre qu’il y a des problèmes d’horaire avec l’un des ministères. L’autre jour, nous avons discuté à huis clos des dépenses pour les contrats liés à la COVID-19, etc. Je crois comprendre qu’il y a un ministère, celui des Finances, avec lequel nous avons de la difficulté à fixer l’heure de comparution des fonctionnaires qui témoigneront. Cependant, ils seraient tous disponibles le 30 mars. Si nous acceptons ce basculement d’horaire, nous pourrions alors siéger à huis clos pendant une heure, puis examiner le projet de loi C-208 avec les fonctionnaires et peut-être entreprendre l’étude article par article pendant cette heure jeudi.
    Pensez-y en attendant l’arrivée du prochain groupe de témoins. Je ne veux pas prendre une décision à l’improviste, sans vous donner le temps d’y réfléchir. Nous tâcherons de trouver du temps, dans les 10 minutes qui suivent la comparution du prochain groupe de témoins, pour revenir sur ce sujet.
    Monsieur le greffier, je vais suspendre la séance pendant cinq minutes pour vous permettre de vérifier les connexions avec les prochains témoins.
    Merci à tous.
(1645)

(1650)
    La séance reprend.
    Bienvenue à la 25e réunion du Comité permanent des finances. Comme vous le savez, le Comité étudie le projet de loi C-208.
    Je souhaite la bienvenue aux témoins. Nous vous sommes reconnaissants d’avoir accepté de comparaître malgré un préavis relativement court pour participer à l’étude de cet important projet de loi d’initiative parlementaire.
    Pour la gouverne des témoins, au cas où le greffier ne vous l’aurait pas dit, nous siégerons jusqu’à 18 h 30, heure d’Ottawa. Nous avons prolongé la séance d’une demi-heure et ainsi réussi à gagner du temps. Nous devrons probablement nous arrêter cinq minutes avant l’heure dite pour discuter entre nous des affaires du Comité.
    Nous allons commencer avec BDO Canada et Dustin Mansfield, comptable professionnel agréé.
    Monsieur Mansfield, si vous êtes prêt, la parole est à vous.
    Bonjour, monsieur le président et membres du Comité. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de vous parler aujourd’hui du transfert des entreprises familiales au Canada.
    Je m’appelle Dustin Mansfield. Je suis fiscaliste chez BDO Canada et originaire de Boissevain, une collectivité agricole dynamique du sud-ouest du Manitoba. BDO Canada est l’un des grands cabinets de services professionnels au Canada et offre des services fiscaux aux entreprises privées canadiennes ainsi qu’aux familles et aux particuliers qui en sont propriétaires.
    Mon père et mon oncle ont exploité avec succès une petite entreprise au Manitoba pendant environ 49 ans, et mes grands-pères et mon oncle ont également été agriculteurs pendant de nombreuses décennies. La ferme de mon grand-père a été dans notre famille pendant 96 ans avant d’être vendue à des voisins de longue date, eux aussi exploitants d’une florissante entreprise agricole multigénérationnelle. Je suis fier de ma carrière et de l’aide que je peux apporter à des gens comme mon père, mon oncle ou mon grand-père dans le transfert de leur entreprise à la génération qui les succède.
     Je dirai d’emblée que le projet de loi C-208 contient de nombreuses dispositions qui faciliteront, sur le plan fiscal, le transfert des entreprises familiales. Il modifie deux dispositions particulières qui peuvent être sources de problèmes quand il s’agit de transférer, de manière avantageuse sur le plan fiscal, la propriété d’une entreprise familiale à des membres de la famille, problèmes qui, dans bien des cas, peuvent empêcher le succès continu de l’entreprise dans l’immédiat et à l’avenir.
    L’article 55 de la Loi de l’impôt sur le revenu est la première de ces dispositions. Il s’agit d’un ensemble compliqué de règles visant à prévenir l’évitement fiscal qui pourrait s’effectuer en convertissant ce qui serait par ailleurs un gain en capital imposable en un dividende intersociété libre d’impôt. La modification proposée prévoit que, pour l’application de l’article 55, frères et sœurs sont réputés n’avoir aucun lien de parenté à ces fins. Il importe de signaler cependant qu’ils sont toujours tenus pour des parties liées pour l’application des autres dispositions de la loi.
    Étant donné que les frères et sœurs sont réputés n’avoir aucun lien de parenté, la capacité de diviser l’entreprise entre eux de façon efficace sur le plan fiscal est extrêmement compliquée et parfois impossible. Les frères et sœurs doivent recourir à ce qu’on appelle l’exemption au prorata pour réorganisation papillon prévue à l’alinéa 55(3)b). Cette disposition exige que, lors du fractionnement d’une société, chaque actionnaire reçoive une part au prorata des espèces ou quasi-espèces d’entreprise et des biens de placement d’une société. L’objet de la disposition est d’empêcher un actionnaire d’encaisser sans payer d’impôt, l’autre actionnaire continuant d’exploiter l’entreprise. Comme ils doivent prendre des parts égales de chaque type d’actif avec la société en cours de fractionnement, cette disposition les en empêche.
    Du fait de ces exigences, l’article 55 empêche la vente déguisée d’une entreprise avec report d’impôt. Cependant, des problèmes surviennent lorsqu’il y a une division légitime de tous les types d’actifs de la société entre frères et sœurs, mais que la composition de l’actif à diviser entre eux ne cadre pas parfaitement avec les exigences extrêmement strictes de l’alinéa 55(3)b).
     Le projet de loi C-208 propose de permettre aux frères et sœurs d’être tenus pour apparentés aux fins de l’article 55, comme c’est le cas pour les autres articles de la Loi de l’impôt sur le revenu, dans le cas où la société qui est divisée entre les frères et sœurs en une société agricole familiale ou en une petite entreprise admissible. Selon la définition de ces deux termes dans la Loi de l’impôt sur le revenu, il doit s’agir de la totalité ou de la quasi-totalité des éléments d’actif agricoles ou commerciaux productifs de revenu de la société. Par conséquent, étant donné que les éléments d’actif hors exploitation ne peuvent représenter plus de 10 % de la valeur de l’entreprise et en raison du lien entre l’exemption et ces statuts et du fait que la transaction doit aussi respecter les règles du paragraphe 55(3)a) existant, l’intégrité de l’article 55 devrait pouvoir être préservée, ce qui permettrait de répartir plus efficacement les actifs commerciaux ou agricoles de la petite entreprise entre frères et sœurs.
    Il y a eu des oppositions à ce changement, faisant valoir le risque d’érosion de l’assiette fiscale. Le fait est qu’en raison du caractère punitif des règles prévues à l’article 55, il y a soit un partage qui est admissible et qui est différé d’impôt, soit un partage qui n’est pas admissible, auquel cas la transaction n’a pas lieu. Ce serait le cas d’une famille qui ne dispose pas des liquidités nécessaires pour payer les impôts exigibles sur la transaction si elle est entièrement imposable. Si le partage ne réussit pas, il peut arriver que les relations d’affaires entre frères et sœurs se détériorent ou qu’il devient difficile de transférer l’entreprise à la prochaine génération à mesure que le nombre de générations successives augmente.
    Le deuxième article dont il faut tenir compte est l’article 84.1, qui est en place surtout pour empêcher l’utilisation de l’exonération cumulative des gains en capital d’une personne pour retirer un excédent de société en franchise d’impôt lorsqu’une société liée participe à l’acquisition des actions de cette société.
    En général, un parent peut vendre personnellement les actions d’une entreprise à son enfant et utiliser son exonération des gains en capital lors de la vente. Dans la mesure où le parent a une exemption disponible, il peut recevoir le produit de la vente en franchise d’impôt, mais l’enfant doit rembourser le prix d’achat avec ses fonds personnels. Pour financer l’achat, un enfant devrait ordinairement recevoir un salaire ou des dividendes de l’entreprise pour payer les impôts personnels et utiliser ce revenu après impôt pour payer son parent.
    Par ailleurs, un parent pourrait vendre l’entreprise à une partie non liée qui est constituée en société et demander l’exonération des gains en capital avec le même résultat que dans l’exemple précédent. La différence, c’est que la partie non liée peut utiliser les fonds de la société pour rembourser le prix d’achat, et les fonds de la société sont, bien sûr, assujettis à des impôts moins élevés, ce qui laisse plus de fonds pour rembourser l’actionnaire sortant.
(1655)
    En fin de compte, la modification proposée à la loi placerait l’enfant successeur d’une entreprise dans la même situation qu’une partie non liée au moment du transfert de l’entreprise. Pourquoi un étranger bénéficie-t-il d’un meilleur traitement fiscal qu’un enfant, alors que l’objectif est de garder les entreprises au sein de la famille?
    En conclusion, les dispositions de l’article 55 relatives à la « personne réputée non liée » et l’incapacité d’un parent d’utiliser l’exonération des gains en capital dans le cadre d’un transfert véritable de son entreprise à la génération suivante sont des obstacles qui entravent le transfert des entreprises familiales à des membres de la famille. Les modifications proposées visent à assouplir les règles fiscales et à faciliter le transfert dans ces circonstances.
    Merci de votre attention.
    Merci beaucoup, monsieur Mansfield, d’avoir expliqué cela en termes compréhensibles. La politique fiscale est compliquée.
    Nous passons maintenant à M. Kelly, de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante. Je crois que nous nous sommes vus la semaine dernière.
    Allez-y, monsieur Kelly.
    Vous ne vous lassez pas de me voir, n’est-ce pas? Je suis désolé de vous avoir manqué à notre réunion d’hier, monsieur Easter.
    Monsieur le président et membres du Comité, c’est pour moi un plaisir de me retrouver devant vous. Je suis très heureux de pouvoir exprimer la position, très favorable d’ailleurs, de la FCEI sur ce projet de loi. Comme vous pouvez l’imaginer, nous ne sommes pas des experts en politique fiscale comme le serait un cabinet comptable, mais nous avons certainement, dans l’optique des petites entreprises, des données à vous communiquer qui confirment la justesse de l’esprit du projet de loi.
     Je tiens également à dire, bien que nous soyons absolument ravis que M. Larry Maguire ait présenté ce projet de loi, qu’il reprend des projets législatifs antérieurs du Parti libéral et du NPD. Je pense que c’est l’esprit multipartite qui nous rend si optimistes devant la possibilité de voir enfin ce projet de loi franchir la ligne d’arrivée. Je me souviens de m’être joint à Emmanuel Dubourg pour une conférence de presse, il y a quelques années, lorsque les conservateurs étaient au pouvoir, pour leur demander de faire adopter un projet de loi similaire. Cela ne s’est pas produit. Puis, il y a quelques années, je me suis joint au NPD, avec Guy Caron, pour proposer exactement la même chose. Cela ne s’est pas produit non plus. J’espère vraiment que ce troisième essai sera le bon et que nous verrons l’adoption du projet de loi de M. Maguire.
    J’ai communiqué au Comité quelques données de la FCEI — comme il fallait s’y attendre — sur les plans de relève des propriétaires de petites entreprises, sujet qui fait partie intégrante du dossier du transfert des entreprises familiales. Il importe de signaler que 72 % des propriétaires d’entreprise nous ont dit qu’ils prévoyaient se retirer de leur entreprise au cours des 10 prochaines années. Il y a donc un nombre énorme de petites entreprises qui devraient changer de mains d’ici peu. Avec le vieillissement de la population, nous savons que le temps presse.
    Nous allons publier, probablement la semaine prochaine, nos toute nouvelles données, qui portent sur cette question dans l’optique de la COVID. Il nous reste un peu de temps, car environ 43 % de nos membres nous ont dit qu’ils retardaient le moment de céder la propriété de leur entreprise en raison de l’incidence de la COVID, essentiellement parce que, dans bien des cas, sa valeur a chuté. Ils ont donc le sentiment qu’ils pourraient devoir rester actifs dans l’entreprise pour tâcher d’en faire remonter la valeur. Jusqu’à présent, seulement 5 % environ des propriétaires d’entreprise nous ont dit que la COVID les incitera à accélérer leurs plans de retraite et à quitter leur entreprise — à vendre leur entreprise — plus rapidement. La semaine dernière, nous avons informé le Comité que des dizaines de milliers d’entreprises — 180 000, en fait — feront probablement faillite avant la fin de la pandémie.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité, c’est ce que je veux que vous reteniez. Pour pouvoir créer des emplois, assurer le développement économique et toucher les recettes fiscales qui en découlent, le Canada a besoin de ces entreprises pour réussir la transition d’une génération à l’autre. La plupart des propriétaires d’entreprise — 81 % de nos membres — nous disent que le désir de se mettre à la retraite est la raison qui les poussent à quitter leur entreprise.
    Voici une histoire, celle d’un de nos membres du secteur agricole à qui nous avons rendu visite, qui met bien en lumière ce fait. Le fils nous a dit qu’il était vraiment heureux que son père lui ait finalement laissé voir les livres comptables de l’entreprise et qu’il commençait à parler de relève et à la préparer. Le fils était âgé de 65 ans. Son père, octogénaire, le préparait à prendre la relève de la ferme familiale.
    Je sais que cela tient à des choses sur lesquelles le gouvernement a peu de contrôle, mais il y a des éléments sur lesquels le gouvernement peut exercer un contrôle et qui peuvent être modelés de façon à rendre les transferts d’entreprises aussi fructueuses que possible. Beaucoup trop d’entreprises n’ont pas de plan de relève en bonne et due forme. Cela n’est pas sans nous préoccuper. La politique fiscale joue un rôle à cet égard. Nous voulons nous assurer que le transfert d’une entreprise d’un membre de la famille à l’autre se fasse sans heurts.
    Le Canada y a tout intérêt. Au cours de mes 27 années à la FCEI, j’ai parlé à des milliers de propriétaires d’entreprise de la planification de la relève. L’une des choses que j’entends souvent, surtout dans les régions rurales du Canada, c’est qu’ils veulent s’assurer que ce seront leurs enfants qui prendront la relève parce que, pour maintenir l’entreprise durablement active dans leur collectivité et leur province, ils se fient davantage à leurs enfants qu’à un tiers à qui ils l’auraient vendue.
(1700)
     Il n’y a rien de mal à vendre son entreprise à une tierce partie. Comme nos données le laissent entendre, c’est ce que beaucoup cherchent à faire. Cependant, si nous devions encourager cela, je craindrais que les entreprises acquéreuses ne soient intéressées que par les actifs, par les produits et peut-être par la clientèle des entreprises achetées, et qu’elles se soucient peu du lieu d’emploi et de l’emplacement du siège social.
    Au nom de tous les propriétaires de petites entreprises, dans le secteur agricole et dans tous les autres secteurs d’activité, nous exhortons le Comité à faire cela le plus rapidement possible. Soixante-dix-huit pour cent de nos membres appuient l’idée de veiller à ce que le transfert d’une petite entreprise aux enfants ou aux petits-enfants du propriétaire fasse l’objet du même traitement fiscal que le transfert à un tiers.
    En conclusion, en ce qui concerne les gains en capital en général, nous exhortons le Comité à modifier la Loi de l’impôt sur le revenu comme le propose le projet de loi.
    Nous aimerions que vous la simplifiiez. Nous recommandons de simplifier davantage l’exonération cumulative des gains en capital, ou ECGC, pour y inclure certains actifs. Nous aimerions également suggérer que l’on appuie l’augmentation de l’exonération cumulative des gains en capital à 1 million de dollars pour toutes les petites entreprises. C’est déjà le cas pour les agriculteurs et les pêcheurs, mais nous recommanderions également que cela s’applique à tous les secteurs d’activité.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Kelly.
    Passons maintenant à la Conference for Advanced Life Underwriting, représentée par Cindy David, présidente du conseil d’administration, et Kevin Wark, conseiller fiscal.
     Merci, monsieur le président et distingués membres du Comité, de me donner l’occasion de comparaître aujourd’hui.
    Outre mon travail de conseillère financière indépendante installée à Vancouver, je préside le conseil d’administration de la Conference for Advanced Life Underwriting, ou CALU. La CALU et notre organisme partenaire, Advocis, représentent quelque 13 000 conseillers en assurance et en finances qui prodiguent des conseils à des millions de Canadiens et de petites entreprises partout au pays.
    Nous sommes d’avis que le projet de loi C-208 aura une incidence positive sur les propriétaires de petites entreprises qui cherchent à transmettre leur entreprise à la prochaine génération d’entrepreneurs familiaux. Nous avons remis au Comité un mémoire qui expose les raisons pour lesquelles la CALU estime qu’il est essentiel de modifier l’article 84.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Je crois comprendre qu’il est encore en cours de traduction; vous devriez l’avoir d’ici vendredi.
    Dans notre mémoire, nous soulignons que les récentes modifications fiscales ont rendu l’application des règles de transferts d’entreprises familiales encore plus punitive depuis l’adoption de la disposition. Quand vous aurez reçu le mémoire, je vous invite à regarder les pages 4 et 5 en particulier, qui donnent des exemples. Notre mémoire décrit également diverses méthodes que le gouvernement pourrait utiliser pour limiter tout abus fiscal susceptible de découler de l’assouplissement des règles énoncées à l’article 84.1.
    Nous estimons urgent que le gouvernement modifie l’article 84.1. Je sais que tous les membres du Comité sont conscients de l’importance des petites entreprises pour l’économie canadienne, mais je tiens à souligner que celles-ci emploient 70 % des travailleurs du secteur privé et qu’elles ont grandement contribué à la croissance de l’emploi ces 10 dernières années. La grande majorité de ces entreprises comptent moins de 20 employés. Elles jouent un rôle important dans le soutien de l’économie des petites collectivités du Canada.
    Nous croyons que la relance à la suite de la crise économique actuelle sera, de nouveau, alimentée par la croissance des petites entreprises. Il n’est pas surprenant qu’un certain nombre de propriétaires ayant atteint l’âge de la retraite ou s’en approchant, se sentent épuisés par le stress de la dernière année et accélèrent leurs projets de retraite. Heureusement, beaucoup ont des enfants qui travaillent dans leur entreprise et qui ont été préparés et qui sont prêts à prendre les rênes en main.
    Cependant, nous constatons que l’article 84.1 demeure le principal obstacle à une transition réussie de ces entreprises au sein de la famille. Cette disposition peut empêcher le recours à l’exemption pour gains en capital dont on a beaucoup parlé. Par ailleurs, il peut obliger les nouveaux propriétaires, membres de la famille, à assumer des niveaux d’endettement potentiellement élevés pour rembourser le prix d’achat au-delà de ce qu’un tiers devrait assumer.
    Par conséquent, les propriétaires d’entreprise sont souvent confrontés à une décision difficile. Ils peuvent vendre leur entreprise à l’extérieur de la famille pour conserver une plus grande partie du produit après impôt afin de financer leur retraite, ou ils peuvent recevoir moins d’argent de leurs enfants pour leur transmettre leur entreprise, cela pour payer les impôts supplémentaires qui leur sont actuellement exigés. Nous ne pensons pas que ce soit juste. J’ai vu plusieurs exemples de ces répercussions dans le cadre de mon expérience personnelle avec mes clients.
    Pour régler ces problèmes, la CALU exhorte le Comité à appuyer l’intention visée avec le projet de loi C-208, mais nous vous demandons de recommander que l’article 84.1 soit modifié pour permettre le transfert de petites entreprises constituées en société à la prochaine génération de propriétaires familiaux sans conséquences fiscales.
    Cela cadre clairement avec la recommandation formulée dans le rapport prébudgétaire que vous avez présenté au ministère des Finances en février. Nous croyons fermement que cette mesure facilitera la transmission sans heurt d’entreprises familiales et, en retour, protégera les emplois locaux et les économies locales.
    Merci de votre temps et de votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions à ce sujet avec notre conseiller fiscal de la CALU, Kevin Wark, qui m’accompagne aujourd’hui.
(1705)
    Merci de votre exposé, madame David.
    Nous passons maintenant à M. Janzen, directeur fiscal principal chez Deloitte.
    Vous avez la parole, monsieur Janzen.
    L’article 84.1 est une source d’irritation pour moi depuis 25 à 30 ans. J’ai été heureux de voir le projet de loi libéral de 2015 — qui n’a pas été adopté — et je suis tout aussi ravi de voir ce qui se passe jusqu’à maintenant. Un petit exemple a été donné lors de la séance précédente, mais je veux rapidement parler de ce qui se passerait au Manitoba dans le cas d’une vente d’entreprise à des enfants plutôt qu’à des intérêts extérieur, et cela avec ou sans l’article 84.1.
    À l’heure actuelle, si vous avez une entreprise de 1 million de dollars— un restaurant, par exemple — et que vous vendez vos actions à votre voisin pour ce prix, vous vous retrouverez avec un produit après impôt d’environ 971 000 $. Cela ne représente que 29 000 $ de pertes.
    Si, en revanche... il existe bien des façons de vendre vos actions à vos enfants en vertu du régime actuel de l’article 84.1, mais je vais utiliser le pire des scénarios. Dans le pire des cas, votre enfant crée une société de portefeuille et achète vos actions. Au Manitoba, cela vous coûtera 466 000 $ à cause du dividende réputé. La différence entre les deux scénarios est de 437 000 $. C’est tout simplement fou.
    Il existe diverses façons de réduire cet écart, mais il y a toujours une différence quand on vend les actions d’une petite entreprise. Je vais concentrer mes propos sur la situation des petites entreprises, parce que nous avons beaucoup parlé des exploitations agricoles.
    Je comprends pourquoi on a introduit l’article 84.1. Il a été mis en place pour mettre fin au dépouillement des surplus internes quand il n’y a pas eu de véritable vente à une tierce partie ou toute autre forme de vente. C’est tout à fait compréhensible, mais l’article 84.1 va trop loin, et le projet de loi C-208 vise à corriger cette situation.
    Il y a deux ou trois autres choses. Comme je l’ai dit, les dispositions actuelles vous incitent vraiment à vendre à une tierce partie et non à vos enfants. J’ai vu tellement de cas de ce genre. J’ai actuellement des clients, et même des membres de ma famille, qui envisagent de vendre et ils vont vendre à un tiers parce que ce serait trop cher de vendre à leurs enfants. Une compagnie américaine ou une multinationale est plus attrayante que leurs enfants. Comme nous l’ont dit les représentants de la CALU et tout le monde, ce n’est pas ainsi qu’on bâtit une économie florissante.
    Pour ce qui est du premier exemple que j’ai mentionné, où la personne conserve 970 000 $ sur une vente de 1 million de dollars, on a beaucoup dit que c’est une échappatoire et qu’il ne devrait pas en être ainsi, qu’elle ne devrait pas payer si peu. Eh bien, les propriétaires de petites entreprises et les agriculteurs devraient être traités différemment, parce que la personne qui a vendu son entreprise pour 1 million de dollars n’avait probablement que peu ou pas de REER. Tout d’abord, elle aura probablement retiré de petits salaires. C’est sa retraite. Si elle en perd la moitié au profit du gouvernement... Je ne perdrai pas la moitié de ma pension quand je prendrai ma retraite. C’est son REER. C’est pourquoi il est si important de lui conserver la plus grande partie possible du produit de la vente.
    J’ai quelques autres brèves observations à faire. Au cours de la séance précédente, on a dit que les sociétés par actions et les sociétés de portefeuille sont des échappatoires. Ce ne sont pas des échappatoires. Comme quelqu’un l’a dit, les banques traitent d’abord et avant tout avec des sociétés. Même au Manitoba, si vous êtes un petit fabricant, vous avez besoin de créer une société pour profiter des crédits d’impôt à l’investissement de la province. Une société n’est pas une échappatoire.
    Je tiens par ailleurs à répéter qu’après la vente... si un père vend à son enfant et qu’il paie plus d’impôt en raison de l’article 84.1, l’enfant se retrouvera dans une situation encore pire. Selon le montage de la transaction, l’enfant devra utiliser ses profits après impôt pour payer de l’impôt sur le revenu des particuliers, ou payer son père, plutôt que de réinvestir. en revanche, le tiers qui aura acheté votre voisin pourra réinvestir 90 cents sur chaque dollar. C’est impossible pour celui qui achète à son père. Il sera constamment désavantagé.
(1710)
     Ce projet de loi est un excellent point de départ. Il prévoit des plafonds de valeur, ce qui est excellent. Et puis, il aide les plus petites entreprises, pas les grandes sociétés riches, même si elles sont familiales. L’effet de l’article 84.1 sur celles-ci n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan. Le projet de loi aide les petites familles.
    Je ne pensais pas avoir besoin d’entrer dans les détails techniques, parce que M. Mansfield a fait un excellent travail à cet égard. Voilà ce que j’avais à dire. Comme je l’ai dit, je travaille avec des petites entreprises depuis 34 ans, alors c’est très utile.
    Merci.
    Merci, monsieur Janzen.
    Le dernier témoin de ce groupe est l’Association des courtiers d’assurance du Canada. Nous accueillons Robyn Young, présidente désignée, et Peter Braid, chef de la direction.
    Allez-y. Vous avez la parole.
(1715)
    Merci, monsieur le président.
    Permettez-moi d’abord de remercier tous les membres du Comité pour les services qu’ils ont rendus à leurs électeurs et à leur collectivité au cours de cette année difficile.
    Je m’appelle Peter Braid et je suis président-directeur général de l’Association des courtiers d’assurances du Canada, aussi connue sous le sigle ACAC. Je suis accompagné aujourd'hui de la présidente désignée de l’ACAC, Robyn Young, qui est également présidente et cheffe de la direction d’Excel & Y, à Calgary.
    Nous sommes venus ici hui pour appuyer le projet de loi C-208 au nom des 11 associations membres de l’ACAC et des 38 000 courtiers d’assurance qui les composent.
    Nos associations membres représentent environ 3 400 maisons de courtage situées dans toutes les circonscriptions du pays. La plupart des membres du Comité connaissent forcément un courtier d’assurance dans leur collectivité et ils en ont probablement rencontrés un lors de notre Journée annuelle sur la Colline.
    Les courtiers d’assurance travaillent pour leurs clients, pas pour les compagnies d’assurances. Ils offrent aux consommateurs des choix, des conseils et des recommandations, tout en servant directement les intérêts de leurs clients.
    Les maisons de courtage d’assurance apportent une contribution importante à l’économie canadienne. Les maisons de courtage membres sont principalement de petites entreprises qui emploient entre une et 15 personnes. Leur contribution au PIB national se chiffre à 5,4 milliards de dollars et elles représentent plus de 58 000 emplois à temps plein. Bon nombre de ces entreprises sont des entreprises familiales.
    Dans des provinces comme l’Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique, jusqu’à 25 % des maisons de courtage membres sont des entreprises familiales. Dans les petites provinces et les régions rurales du Canada, ce chiffre est beaucoup plus élevé. En Nouvelle-Écosse, 40 % des maisons de courtage sont familiales et à Terre-Neuve-et-Labrador, on parle de 50 %. Les modifications proposées dans le projet de loi C-208 profiteraient directement aux propriétaires de maison de courtage qui veulent garder l’entreprise dans la famille.
    Je cède maintenant la parole à Mme Young. Elle est non seulement présidente désignée de l’ACAC, mais elle a aussi acheté et géré une maison de courtage familiale et elle pourra vous parler de l’importance du transfert intergénérationnel des entreprises.
    Je remercie les membres du Comité de m’avoir invitée à prendre la parole aujourd’hui.
    Je suis ici pour appuyer le projet de loi C-208 en raison de l’expérience que j’ai acquise en achetant l’entreprise familiale de mes parents.
    Quand mes parents ont décidé de vendre leur entreprise, ils ont reçu une offre d’un gros assureur direct. En fin de compte, ils ont décidé de nous vendre l’entreprise, à moi et à mon frère, parce qu’ils estimaient important de garder au sein de la famille ce qu’ils avaient bâti. Ils voulaient également s’assurer que leurs clients continueraient de bénéficier des mêmes conseils d’experts et de la même touche personnelle auxquels ils s’attendaient.
    Les maisons de courtage familiales sont les piliers de nos collectivités et le moteur de l’économie. Elles servent les collectivités et les soutiennent dans les bons et les mauvais moments en créant des emplois et en donnant du temps, de l’argent et d’autres ressources.
    La plupart des tiers qui achètent des entreprises familiales sont de grandes entreprises qui n’ont aucun lien avec la collectivité. Plutôt que d’appuyer des organismes et des programmes sportifs locaux, elles ont tendance à commanditer des équipes et des événements professionnels.
    Je siège au conseil d’administration d’un organisme de bienfaisance local pour enfants, et notre maison de courtage appuie activement nombre d’organismes de bienfaisance communautaires et d’équipes sportives pour enfants, pour lesquels elle fait aussi du bénévolat.
    Non seulement le projet de loi C-208 soutiendra la transmission des maisons de courtage au sein des familles et assurera la stabilité de la clientèle, mais il aidera aussi à maintenir les contributions sociales et économiques que les courtiers d’assurance apportent à leurs collectivités.
    En conclusion, c’est une question d’équité et de justice. Les propriétaires d’entreprise ne devraient pas être pénalisés pour avoir vendu leur entreprise à un membre de leur famille. La décision de vendre une entreprise à un membre de la famille ne devrait jamais être fonction des répercussions fiscales.
    Nous devrions tout faire pour appuyer et encourager le transfert intergénérationnel de ces entreprises.
    Merci de votre temps.
     Merci beaucoup à vous deux.
    Nous allons commencer par Mme Jansen, qui sera suivie de Mme Dzerowicz, de M. Ste-Marie, puis de M. Julian.
    Avant que vous ne commenciez, madame Jansen, je vais utiliser la prérogative du président pour un instant.
    Monsieur Janzen et madame David, vous avez parlé de l’article 84.1 de la loi. Nous sommes un peu désavantagés ici, madame David, parce que votre mémoire n’est pas traduit, nous ne l’avons pas encore vu.
    Vous avez dit qu’il fallait un amendement. Êtes-vous en train de dire qu’il faut modifier le projet de loi C-208, ou est-ce que l’amendement qui se trouve dans le projet de loi C-208 est suffisant pour répondre à vos préoccupations?
(1720)
    Je vais laisser Kevin Wark vous répondre, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, monsieur le président.
    Monsieur Wark, allez-y.
    Nous avons créé un comité en 2016 en raison des préoccupations de nos membres au sujet de l’article 84.1. À l’époque, nous étions conscients que l’article 84.1 était une règle d’anti-évitement. Il était là pour une fin précise. Si le ministère des Finances envisageait de modifier cette disposition, afin de permettre une exception pour les transferts d’entreprises familiales, nos membres voulaient être certains que l’objectif sous-jacent de l’article 84.1 serait protégé.
    Fondamentalement, nous pensons qu’il faut modifier l’article 84.1, mais nous pensons également que le Comité a besoin de « garde-fous » ou de certaines limites. Notre mémoire est fondé sur le travail qui a été fait il y a trois ou quatre ans, qui consistait à faire des recommandations au ministère des Finances sur la façon de permettre l’exception, mais d’éliminer toute planification potentiellement abusive qui serait autrement visée par l’article 84.1.
    Le projet de loi C-208 contient déjà certains de ces garde-fous. Nous appuyons le projet de loi C-208 dans sa forme actuelle, tout en reconnaissant que le ministère des Finances pourra encore se demander s’il y a suffisamment de garde-fous, et nous supposons qu’il pourrait, à un moment donné, s’il le juge approprié, modifier les dispositions pour mettre en œuvre ces garde-fous supplémentaires.
     Nous craignons beaucoup que, si le projet de loi C-208 n’est pas adopté, nous ne nous retrouvions de nouveau ici dans trois ans pour en débattre encore. Nous aimerions que cette disposition soit adoptée. S’il est facile de modifier le projet de loi avant qu’il ne soit adopté, alors tant mieux, mais sinon, nous pensons que le ministère des Finances aura toujours la prérogative de modifier la loi une fois qu’elle sera en place pour corriger les problèmes perçus.
    Essentiellement, vous suggérez que le projet de loi C-208 soit adopté tel quel et que le ministère des Finances modifie dès que possible l’article 84.1 pour répondre à vos préoccupations.
    Eh bien, ce ne sont pas nos préoccupations, mais celles du ministère des Finances.
    Le ministère des Finances est toujours préoccupé.
     Madame Jansen, vous avez la parole.
    Merci.
    Ce sont les propriétaires de petites entreprises familiales, soit les plus touchés, qui seraient les moins intéressés à avoir une discussion à ce sujet. Ils seraient exaspérés de savoir que vous commencez à parler de surplus et de l’article 84,1. Il nous faut miser juste, parce que ce sont les personnes les plus touchées.
    J’aimerais m’adresser à M. Mansfield. J’essaie de trouver une façon de comprendre. Vous dites qu’à l’heure actuelle, selon l’article 55 les frères et sœurs ne sont pas apparentés — que ce ne sont pas des personnes apparentées — et qu’en vertu de l’article 55, les biens doivent être partagés entre frères et sœurs.
    J’ai entendu parler d’un imprimeur qui a transmis l’entreprise familiale à ses deux fils. L’entrepôt à un et les imprimantes à l’autre, ce qui a essentiellement détruit l’entreprise.
    Est-ce ainsi que les choses fonctionnent avec l’article 55?
    C'est exact. Vous pouvez imaginer la joie que j'éprouve lorsque je m'assois dans une salle de conférence et que je dis à deux frères ou sœurs qu'ils n'ont aucun lien de parenté quand il s'agit de diviser l'entreprise. Ils se demandent parfois, à ce moment-là, s'ils ne devraient pas plutôt en parler à quelqu'un d'autre. Pour l'application de l'article 55, les frères et sœurs sont considérés comme n'étant pas apparentés. Il y a une disposition à cet effet quelque part dans l'article 55, qui est probablement un des plus compliqués de la Loi.
    C'est un gros problème de ce point de vue, surtout dans notre région du Sud-Ouest du Manitoba. Je crois que le groupe de témoins précédent a beaucoup parlé de l'augmentation du nombre de fermes qui sont constituées en société. Je me souviens du recensement de 2016. Je pense qu'on est passé de 11 % à 22 % au cours des cinq années écoulées depuis le dernier recensement. Ce que nous constatons maintenant, c'est qu'un grand nombre de ces fermes fondées peut-être par un père et une mère sont maintenant entre les mains de ces frères et sœurs. Vous avez un, deux ou trois frères et sœurs qui exploitent une ferme ensemble et vous essayez de la diviser en deux, parce qu'évidemment, plus vous attendez, plus la famille s'étend et plus la dynamique des relations familiales devient compliquée.
    Pour respecter les dispositions de l'alinéa 55(3)b)... J'ai entendu des arguments de l'autre côté disant qu'on peut toujours utiliser cette disposition. Il y a une tolérance de 1 % sur les types d'actifs. Comme vous pouvez l'imaginer, les parties ne sont pas liées quand on applique cet article, mais elles le sont quand vient le temps de déterminer la valeur. Il devient très compliqué de faire quelque chose qui soit conforme aux règles.
(1725)
    C'est terriblement compliqué. En tout cas, je peux vous dire que les frères et sœurs ne se considèrent certainement pas comme sans lien de parenté lorsqu'ils travaillent ensemble dans l'entreprise. Si on regarde maintenant l'article 84.1... Je crois comprendre que, là, les membres de la famille sont considérés comme apparentés. La raison en est qu'on craignait tellement qu'ils essaient simplement de déjouer le système.
    Connaissez-vous des familles qui ont vendu leur ferme à un étranger parce qu'elles n'avaient pas les moyens de payer les impôts exigibles si elles vendaient aux enfants?
    Bien sûr. C'est certainement un facteur qui entre en jeu. Parfois, ce n'est même pas le fait de vendre à un tiers; c'est le malaise que cela crée dans la dynamique familiale parce que, souvent, les gens arrivent en comptant sur leur exemption pour les gains en capital. Ils ont exploité leur entreprise pendant 25 ans. Ils l'ont fait grandir. Ils ont entendu parler de l'exemption au cours de leur carrière et ils arrivent en disant: « Bon, je suis prêt à vendre à mon enfant, à profiter de mon exemption pour gains en capital et à prendre ma retraite », ce à quoi vous répliquez: « Si vous vendez à vos enfants, vous ne pouvez pas. » Si les enfants sont présents à ce moment-là, la situation devient gênante entre, d'une part, l'entreprise familiale et la façon dont on la traite, et d'autre part, la sortie de papa et maman de l'entreprise.
    D'accord.
    Il peut s'agir d'une situation bien réelle, ou encore juste d'un malaise dans la dynamique d'une transition qu'on essaie de faire correctement.
    Nous avons donc l'article 55, où ils n'ont pas de lien de parenté, et l'article 84.1, où ils en ont un. Pouvez-vous expliquer cette incohérence? Cela n'a absolument aucun sens. Ces petites entreprises n'essaient pas de déjouer le système. Elles ont d'énormes répercussions sur nos collectivités. Elles font des choses extraordinaires pour nos milieux de vie, et nous allons les traiter de fraudeurs fiscaux...? Est-ce que c'est le seul but de cette mesure?
    Je pense qu'on cherche à prévenir l'évitement fiscal. De toute évidence, il y a de nombreux articles dans la Loi qui sont là pour prévenir l'évitement de différentes façons. L'article 55 est intéressant à cet égard. Le projet de loi C-208 essaie de relier cela au statut des actions elles-mêmes, ce qui crée une protection de ce côté-là, et c'est bien ainsi.
    Vous avez tout à fait raison. C'est gênant d'avoir des frères et sœurs qui ne sont pas apparentés dans tel ou tel cas, et qui le sont dans tel ou tel autre. Cela ne fait qu'ajouter à la confusion d'une situation déjà compliquée.
    Je comprends que si la transition s'échelonne sur de nombreuses années, il y a moyen de s'arranger, mais dans bien des cas, il arrive un décès soudain ou une blessure ou quelque chose du genre, et tout à coup, les parents ne sont plus là. Que se passe-t-il à ce moment-là?
    Dans un scénario de ce genre, si maman et papa décèdent et que les enfants décident de reprendre l'entreprise, les dernières volontés des parents sont censées s'appliquer quant à la disposition des biens, selon le testament.
    Si une exemption pour gains en capital est réclamée à leur décès, alors ces actions-là ne peuvent pas être transférées à une société, du moins pas la valeur exonérée des gains en capital. On se retrouve avec le même scénario, où il faut contracter un emprunt personnel pour rembourser les autres frères et sœurs, car il peut y avoir d'autres frères et sœurs dans la succession qui ne reprennent pas l'entreprise.
    Les dispositions de l'article 84.1 nous posent toujours un gros problème à nous, les comptables, mais aussi à nos clients — parfois même pas pour ce qui est du recours à l'exemption, mais pour ce qui est de la vente elle-même, comme M. Janzen le disait tantôt.
     Vous dites donc que le projet de loi C-208 ne ferait qu'uniformiser les règles du jeu.
    Le projet de loi C-208 permettrait d'uniformiser les règles du jeu dans ce cas-là.
    D'accord, nous devons poursuivre.
    Je voudrais dire ceci aux autres témoins: si une question ne s'adresse pas à vous, mais que vous désirez intervenir, vous n'avez qu'à lever la main et, avec un peu de chance, je la verrai.
    Mme Dzerowicz dispose de six minutes, après quoi nous entendrons M. Ste-Marie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous les témoins de leurs excellents exposés, en particulier vous, monsieur Mansfield. Vous avez été au plus près de ce que je pouvais comprendre en termes simples pour expliquer ce dont nous parlons aujourd'hui, même si je suis la fille d'un agriculteur. Je suis née et j'ai grandi en plein cœur de Toronto, par contre, alors je ne peux pas prétendre connaître les rouages des transferts de fermes familiales.
    À vrai dire, j'aimerais sincèrement trouver un moyen pour que ces transferts entre générations se fassent de façon plus juste et abordable.
    Il doit y avoir une raison pour laquelle ce projet de loi d'initiative parlementaire a été présenté à la Chambre des communes à trois ou quatre reprises, mais n'a pas été adopté. Il serait temps de commencer à entrevoir comment nous pouvons éliminer certains de ces obstacles.
    Monsieur Wark, je vais commencer par vous et revenir à ce que le président vous demandait tout à l'heure, lorsque vous avez dit qu'il y avait sans doute des préoccupations au ministère des Finances au sujet des garde-fous et des limites. Avez-vous des recommandations précises quant à des garde-fous supplémentaires que nous pourrions mettre en place pour renforcer le projet de loi et répondre aux préoccupations du ministère des Finances?
(1730)
    Eh bien, une de ces préoccupations concerne la revente éventuelle de l'entreprise et la possibilité qu'elle revienne au propriétaire initial. Il pourrait y avoir un montage quelconque qui permettrait de ramener l'entreprise sous une forme ou une autre. C'est un aspect qui pourrait être examiné et facilement corrigé, et je pense que cela pourrait se faire autant après coup qu'avant.
    Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais lorsque ce projet de loi a été présenté par Guy Caron en 2016-2017, des projections ont été présentées lors du débat à la Chambre selon lesquelles sa mise en œuvre coûterait quelque chose comme un milliard de dollars, ce qui a dû certainement faire réfléchir un certain nombre de députés. Toutefois, le directeur parlementaire du budget a rectifié le tir par la suite, et la note était nettement moins élevée. Il a supposé aussi que la vente ne se ferait pas autrement à un acheteur sans lien de dépendance; il a simplement dit que si toutes ces entreprises étaient vendues à des membres de la famille, il y aurait effectivement une sorte de perte fiscale.
    Nous avons fait beaucoup de chemin pour ce qui est de comprendre les répercussions de ce projet de loi et l'importance de faire ce changement. Je pense que le groupe ici présent est unanime à dire qu'il faut des changements, et qu'il reste à déterminer la meilleure façon de les effectuer.
    Ce qui nous inquiète après tout, c'est que si ce projet de loi n'est pas adopté, combien de temps faudra-t-il attendre encore avant qu'il nous revienne? D'ici là, il y aura beaucoup d'incertitude pour les propriétaires de petites entreprises qui planifient leur relève, et comme le disait M. Mansfield, cela perturbe non seulement le processus de vente, mais aussi la famille.
    Nous avons entendu des histoires semblables où les gens ne savaient pas, lorsqu'ils ont commencé à envisager de transférer l'entreprise familiale à la génération suivante, qu'ils ne pouvaient pas le faire d'une façon qui soit fiscalement efficace. C'est très dérangeant pour toute l'entreprise, parce que, tout à coup, les parents commencent à se demander s'ils ne devraient pas plutôt vendre à un tiers, ce qui n'a pas lieu d'être.
    Merci. Je pense que ce sont là deux points importants.
    Je ne sais pas si M. Mansfield et M. Janzen ont quelque chose à ajouter. Diriez-vous que nous avons eu là deux sortes d'obstacles dans le passé?
    Je vous remercie, monsieur Wark. Y a-t-il d'autres obstacles ou y a-t-il autre chose que nous devrions cerner pour trouver un moyen d'aller de l'avant? Quelqu'un veut-il répondre à cela?
    Bien sûr, je peux répondre rapidement à cette question.
    J'ai demandé à ma mère, à mon père et à ma femme de lire ma déclaration pour m'aider à bien expliquer cette partie, comme ma femme essaie de m'expliquer la dentisterie de temps à autre et que je ne comprends pas non plus.
    Pour revenir à ce que dit M. Wark, je crois avoir lu entre les lignes de certains commentaires sur la question de savoir si les parents peuvent revendre les actions de l'acheteur aux parents — parce que la disposition prévoit actuellement un délai de cinq ans lorsque les actions de l'acheteur même sont vendues. Or, ce que j'ai trouvé très intéressant dans ce projet de loi — et je reconnais tout le mérite des personnes qui l'ont présenté, car il n'est pas facile d'interpréter et de rédiger des lois fiscales —, c'est qu'il comporte beaucoup de garde-fous.
    D'après mon expérience dans le domaine, le ministère des Finances a sûrement dû avoir quelques-unes des préoccupations que M. Wark a évoquées. Cependant, je n'y vois pas d'obstacle infranchissable. Il y a des éléments qu'on pourrait ajouter pour que cela fonctionne dans l'usage et dans la pratique.
(1735)
     Madame Dzerowicz, c'est votre dernière question.
    Merci.
    Ma dernière question s'adresse à M. Kelly.
    Monsieur Kelly, vous avez recommandé de simplifier l'ECGC, l'exonération cumulative des gains en capital, et de l'élargir pour y inclure au moins une partie des actifs et la faire passer à un million de dollars. Voyez-vous cela comme des changements additionnels pour renforcer le projet de loi C-208 ou plutôt quelque chose que nous devrions envisager à l'avenir?
    Je ne voudrais surtout pas retarder l'adoption de ce projet de loi. En ce qui concerne les points que M. Wark soulevait tantôt, il faut que les choses bougent. Nous avons attendu, en espérant qu'un gouvernement et les partis d'opposition finiraient par s'entendre pour que cela arrive, et le moment est peut-être venu de le faire en situation de gouvernement minoritaire.
    Je ne voudrais pas qu'on retarde l'adoption. Il s'agit d'autres recommandations, cependant, des choses qui reviennent tout le temps dans la bouche des propriétaires d'entreprise.
    En ce qui concerne le dernier point soulevé, je comprends que les fonctionnaires des Finances ont un travail difficile à faire. Ils doivent faire attention de ne pas créer de scénarios de fraude fiscale et être de bons intendants du Trésor national. Cependant, nous avons déjà vu cela. Souvent, au ministère des Finances, on accueille avec un certain scepticisme tout ce qui est considéré comme une dépense fiscale, comme des mesures précises d'aide aux petites et moyennes entreprises. Pour dissuader les parlementaires d'y donner suite, les fonctionnaires grossissent souvent énormément les pertes de revenus éventuelles, et je soupçonne que c'est ce qui s'est produit dans le cas qui nous occupe.
    Merci beaucoup.
    Merci à tous.
    Nous allons passer à M. Ste-Marie, suivi de M. Julian et de M. Falk.
    Monsieur Ste-Marie, c'est à vous.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je veux d'abord vous informer que mon collègue Sébastien Lemire me remplacera pour mon deuxième tour de deux minutes et demie. Pour ce tour-ci, ce sera moi qui poserai les questions.
    Je tiens d'abord à remercier tous les invités de leurs présentations et leurs réponses. C'est très utile et édifiant.
    Cependant, je dois vous avouer que je suis déçu. Je ne suis pas déçu de vos présentations, loin de là. Je sens chez vous la même chose que j'ai sentie chez le groupe d'invités précédent, lequel était davantage axé sur l'agriculture. Je sens ce consensus, cette volonté d'aller de l'avant et de faire les choses correctement. C'est important. À peu près tout le monde, à ma connaissance, partage ce point de vue: cela aurait dû être fait il y a un bon moment déjà. Ma déception vient du fait que, lorsque ce projet de loi a été mis aux voix à la Chambre à l'étape de la deuxième lecture, sauf erreur, 146 députés, soit 145 députés libéraux et un député indépendant, ont voté contre. À l'étape de la deuxième lecture, nous nous prononçons sur le principe. Ici, l'idée est de faciliter la vie des familles quand une entreprise est vendue à un membre de la famille pour assurer la relève. On veut qu'une telle transaction puisse s'effectuer selon les mêmes règles que si la vente était conclue avec une tierce personne. Je n'en reviens pas qu'on se soit prononcé contre ce principe.
    Parmi les arguments que j'ai entendus, il y a la question d'un possible manque à gagner sur le plan fiscal. Cependant, j'aimerais rappeler que les chiffres du directeur parlementaire du budget indiquent que c'est acceptable. Après tout, il faut que ce soit équitable. Il ne faut pas que ce soit moins avantageux de vendre son entreprise à un membre de sa famille ou à ses enfants.
    L'argument qui reste, et qui a été soulevé quelques fois jusqu'ici, c'est qu'on ne veut pas que le projet de loi serve à créer une échappatoire fiscale, c'est-à-dire qu'il permette des montages financiers et des stratagèmes fiscaux pour réduire les impôts à payer. Je suis un député du Québec, alors je peux vous dire que le gouvernement du Québec a fait ce changement et a mis des balises pour s'assurer que cela n'arriverait pas.
    Il existe donc des balises qui permettent de bien faire fonctionner ce système et de simplifier la vie des familles en vue d'assurer la relève. Comment pouvons-nous rassurer à cet égard les députés libéraux qui ont voté contre le principe de ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture?
    J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet. M. Janzen peut commencer et M. Kelly peut compléter la réponse.
    Merci.
(1740)

[Traduction]

     Allez-y, monsieur Janzen.
    Merci de la question.
    Oui, je pense que le projet de loi C-208 comporte suffisamment de garde-fous, du moins au départ. Je pratique le droit depuis 34 ans, et je peux vous dire en commençant qu'il y a toujours quelqu'un qui trouve une échappatoire. Même si vous pensez avoir les bons garde-fous maintenant, vous devrez peut-être les ajuster plus tard. Nous sommes tous en faveur de cela.
    Pour en revenir à ce point particulier, je pense vraiment que le délai de cinq ans — si la vente a lieu entretemps et que papa et maman paient leurs impôts comme ils l'auraient fait sans ce projet de loi — est une excellente disposition. Il y a certainement des garde-fous là.
    Deuxièmement, le dépouillement interne ne fonctionne tout simplement pas avec le projet de loi C-208 tel qu'il est conçu. C'est ce qui a donné lieu à tous les abus qui se sont produits au début des années 1990, le dépouillement des surplus imposables sans qu'il y ait de vente véritable. C'est la raison d'être de l'article 84.1. Le projet de loi est donc vraiment utile aussi à cet égard.
    De plus, comme je l'ai dit à propos du seuil de valeur, on parle ici des petites entreprises. Ce ne sont pas des familles très, très riches qui vont essayer tout à coup d'en profiter. Avec les garde-fous, entre la valeur et le délai de cinq ans, je pense que le projet de loi est parfait pour commencer, quitte à y faire des ajustements plus tard. Pour l'instant, il pare très bien à tout abus, à mon avis.
    C'est ici que je prends le relais. Merci beaucoup pour la question. Je suis tout à fait d'accord avec vous.
    En 2017, la FCEI a eu un léger différend avec le gouvernement fédéral au sujet de certaines modifications proposées à la fiscalité des petites entreprises. Nous avons eu une petite discussion avec l'ancien ministre des Finances à ce sujet. Bon nombre des préoccupations d'alors ressemblent à celles que nous avons ici.
    Une des choses que le gouvernement ne fait pas bien — et je ne parle pas seulement ici d'un parti politique, mais même du ministère —, c'est de communiquer avec le milieu des affaires, le milieu de la comptabilité, et de dire: « Voilà, nous constatons certains problèmes avec cet aspect de la Loi de l'impôt sur le revenu. Que pouvons-nous faire pour y remédier sans provoquer des perturbations massives et des conséquences imprévues? »
    Je dois vous dire que cela n'arrive pas assez souvent. Je suis tout à fait d'accord avec ce qui s'est dit tout à l'heure, à savoir que nous devrions essayer. S'il y a d'importantes fuites fiscales, je crois que tous nos membres qui comparaîtraient devant vous seraient heureux de discuter avec le gouvernement et avec le ministère des moyens à prendre pour resserrer les règles si quelqu'un trouve une façon créative d'en abuser. Les associations de gens d'affaires, y compris la mienne, n'ont aucune tolérance pour cela. Ce que nous voulons, c'est un régime fiscal efficace.
    Je vous encourage à adopter le projet de loi. S'il y a des problèmes plus tard, nous pourrons demander au ministère d'apporter des modifications au fur et à mesure.
    Merci à vous tous.
    Nous allons passer à M. Julian, suivi de M. Falk.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous nos témoins d'être ici aujourd'hui. Nous vous souhaitons, à vous et à vos familles, de rester sains et saufs tout le temps que durera cette pandémie.
    Je commence par une question à M. Janzen et à M. Mansfield.
    Pour que les choses soient bien claires, vous n'avez ni l'un ni l'autre relevé quoi que ce soit dans ce projet de loi qui comporte des lacunes évidentes. Vous faites simplement preuve de diligence raisonnable en disant que si quelqu'un arrive à y trouver des échappatoires, nous devons veiller à les examiner et à les corriger. Cependant, vous ne voyez pas d'échappatoires évidentes. Est-ce exact?
    Je vais commencer par M. Janzen.
    C'est exact. Comme le projet de loi est accessible au public, mon groupe et moi l'avons examiné. En fait, nous aimerions qu'il aille un peu plus loin — nous le faisons toujours. Mais non, même si j'ai dit qu'il y aurait peut-être des échappatoires, nous n'en avons pas vu. Avec les deux choses dont j'ai parlé tantôt, ce sont de bonnes mesures de protection pour que les choses se déroulent comme la Loi l'entend. Cela permettra que la relève des entreprises familiales se fasse selon des règles uniformes pour tous.
    Non, je ne vois pas d'échappatoires possibles pour l'instant. C'est ce que je voulais dire.
(1745)
     Vous vous montrez simplement prudent en disant que si jamais il y en avait, ce serait à nous d'intervenir en conséquence.
    Oui.
    Comme pour toute loi, nous devons nous assurer qu'elle fait ce qu'elle est censée faire. Étant donné que ce projet de loi vient de Guy Caron, qui était un député néo-démocrate et qui a presque réussi à le faire adopter, et que nous faisons maintenant une autre tentative, nous avons eu l'occasion de l'examiner par deux fois.
    J'ai un dernier commentaire. Il peut arriver — et cela s'est produit tout au long de l'histoire de la Loi de l'impôt sur le revenu — qu'on introduise une nouvelle mesure législative sans lien manifeste avec cet article et que, ce faisant, on crée accidentellement un vide juridique.
    Il faudra en faire le suivi, et ce sera possible, mais, pour l'instant, il y a de très bonnes mesures de protection.
    Merci.
    Monsieur Mansfield, j'ai la même question à vous poser.
    Après l'analyse des éléments ajoutés, c'est un peu difficile d'en être sûr, comme toujours, avant de savoir comment l'ARC l'interprétera dans le cadre de son application par l'Agence ou par la ministre. Il y a effectivement quelques mesures de protection certainement utiles.
    Il y en a aussi une qui prévoit que le contribuable doit fournir au ministre une évaluation indépendante, c'est-à-dire que l'entreprise doit faire l'objet d'une évaluation indépendante, laquelle doit être fournie au ministre. Cela étant, et compte tenu de la procédure, qu'elle prenne la forme d'un formulaire spécifique ou d'autre chose, l'évaluation sera fournie aux Finances ou à l'ARC, accompagnée d'une déclaration sous serment signée par le contribuable et la tierce partie.
    Quand on parle d'abus, selon la forme que prendra cette exigence, si celui qui vend légitimement son entreprise doit signer une déclaration sous serment, cela représente une garantie assez importante dans le cadre de ce qui sera fourni au gouvernement.
    Comme l'a dit M. Janzen, il y a toujours moyen de... On voit bien, avec les lois en vigueur depuis assez longtemps, que, à mesure que la dynamique évolue, il y a moyen de les utiliser à mauvais escient. Mais, en l'occurrence, il s'agit toujours de déterminer ce que coûterait un mauvais usage éventuel et si une disposition supplémentaire pourrait être ajoutée au cas où le ministère des Finances anticiperait cette éventualité dans le cadre d'une transaction.
    Merci.
    Passons maintenant à M. Kelly, Mme Young et Mme David.
    Je vais vous poser la même question qu'au groupe précédent. Si nous n'adoptions pas ce projet de loi, quelle serait, d'après vous, la situation des transferts d'entreprises d'ici 15 ans? Je parle des répercussions sur les transferts d'entreprises familiales, qu'elles soient financières ou autres. Imaginez que vous ayez une boule de cristal et que vous puissiez comparer les deux scénarios — l'un avec le projet de loi et l'autre sans — quelle différence verriez-vous?
     Je vais commencer par M. Kelly.
    Nous parlons depuis longtemps du tsunami de transferts d'entreprises à prévoir. Je suppose que la bonne nouvelle est que beaucoup de propriétaires d'entreprise atteignant l'âge normal de la retraite s'interrogent sur leur entreprise et sur leur contribution à la société grâce au maintien de leurs activités, puis retardent leur retraite, soit parce qu'ils aiment faire ce qu'ils font, soit parce qu'ils estiment devoir s'assurer que l'entreprise reste dans la collectivité locale en raison de sa contribution.
    Nous avions du temps avant que les paramètres démographiques ne commencent à compter, mais ce temps-là est épuisé, et nous devons nous préparer, parce que la situation ne va pas en s'améliorant. Ces propriétaires seront contraints tôt ou tard de quitter leur entreprise, et c'est à ce moment-là que la situation deviendra difficile. Si les collectivités locales, les collectivités rurales, les quartiers des grandes villes et les petites entreprises indépendantes sont étouffés et remplacés par des sociétés géantes qui possèdent tout autour d'elles, je crains, comme l'a dit Mme Young, que ce ne soit pas un Canada dans lequel nous aimerions vivre.
    Je pense que nous devons prendre cela très au sérieux et j'espère que ce projet de loi sera adopté.
(1750)
    Qui d'autre voudrait répondre à cette question?
    Madame David?
     Oui. Je vais intervenir ici.
    On a beaucoup parlé des conséquences indésirables de ce projet de loi et des vides juridiques dont pourraient profiter les grandes sociétés à notre insu. Je tiens à souligner que, si nous ne faisons rien, nous serons aux prises avec un lot de conséquences imprévues. Depuis l'adoption de cette loi... elle existe depuis plusieurs décennies. On peut se demander pourquoi nous continuons d'insister: la raison en est que le mode de taxation des petites entreprises a, en fait, changé dans le cadre de ce projet de loi. L'impôt sur les dividendes a beaucoup augmenté par rapport à 1986, quand il a été appliqué pour la première fois aux petites entreprises.
    Je voudrais simplement souligner — si vous pouviez noter cela sur papier — que, dans le mémoire que vous recevrez vendredi, à la page 5, nous donnons des exemples précis pour que vous puissiez constater comment le système de taxation a évolué entre 1986 et aujourd'hui. C'est devenu très punitif. En fait, cela souligne le fait que la situation des entreprises familiales s'est nettement détériorée depuis plusieurs décennies en vertu de la même loi.
    Je vais vous laisser là-dessus. Le projet de loi C-208 prévoit effectivement une disposition qui interdit aux grandes entreprises d'utiliser l'exemption pour gains en capital. Cela règle déjà le risque de laxisme pour les grandes entreprises et cela favorise vraiment les petites entreprises, qui ont davantage besoin de cette exemption.
    D'accord. Nous devons avancer, car nous avons largement dépassé le temps prévu.
    Ce sera maintenant au tour de M. Falk, suivi de M. Fragiskatos.
    Allez-y, monsieur Falk.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous les témoins de leur présence aujourd'hui. Vos exposés et vos réponses ont permis de comprendre plus clairement la nature du projet de loi, ce qu'il permettra de faire, et votre point de vue à ce sujet.
    À mon avis, l'objectif du projet de loi C-208 est de corriger une injustice pour les propriétaires de petite entreprise, les agriculteurs et les pêcheurs qui souhaitent vendre leur entreprise à un membre de leur famille ou à leurs enfants. Ils pourraient désormais utiliser l'exemption pour gains en capital, ce qu'ils ne peuvent pas faire actuellement sauf s'ils vendent à une tierce partie.
    Monsieur Janzen, vous êtes de ma province, le Manitoba. J'aimerais vous poser quelques questions. Vous avez dit que cela vous tourmente depuis 34 ans et que vous auriez aimé qu'on s'en occupe plus tôt. À quelle fréquence voyez-vous ce genre de situation?
    Sans exagérer, je dirais que c'est tous les jours.
    Je vais revenir un peu en arrière. Je ne crois pas qu'on l'ait dit aujourd'hui, mais l'article 84.1 est l'article en vertu duquel, plus que de tout autre, les comptables sont poursuivis, parce qu'il couvre large, et ce n'est ni logique ni juste. Un praticien qui n'a pas de groupe fiscal se fait prendre. C'est là tout le temps, parce que cela ne s'applique pas seulement...
     J'ai un autre exemple. Si mon client achète l'entreprise de son frère, qui l'a héritée de son grand-père, il y a énormément de renseignements qui détermineront les impôts à venir, et il se peut qu'il n'ait pas ces renseignements. Si les frères ne se parlent pas... Mon client, le frère numéro deux, doit savoir ce que le frère numéro un a réclamé en exemption pour gains en capital.
    Pour répondre à votre question, l'article 84.1 couvre large. Il s'applique à presque tous... Il reste à l'esprit de tous les propriétaires d'entreprise privée, qu'ils aient ou non l'intention de la vendre à leur famille. À chaque restructuration, il pourrait accidentellement être applicable et donner lieu à un dividende, alors qu'on ne l'avait pas prévu.
    Le projet de loi ne règle pas tout, mais il règle vraiment ce qu'il faut commencer par régler.
(1755)
    J'allais vous poser une question à ce sujet. Pensez-vous que l'article 84.1 du projet de loi C-208 règle correctement certains des problèmes auxquels vous êtes confrontés au quotidien?
     Tout à fait.
    Bien.
    Que pensez-vous des garde-fous prévus dans le projet de loi, notamment de la période de cinq ans pour la revente de ces actions?
    Cette disposition me semble juste. Ceux d'entre nous qui préconisent la modification de l'article 84.1 ne veulent pas qu'on en abuse. Nous pensons que l'article doit rester là, avec les garde-fous empêchant les abus. Ces garde-fous permettent d'appliquer l'article à une planification légitime de la relève, aux transactions légitimes entre parents et enfants ou entre grands-parents et petits-enfants.
    Je pense qu'ils sont justes. Il ne faut pas beaucoup de temps pour en arriver à une valeur de 10 millions de dollars, et c'est là que la disposition commence à être applicable. S'il n'en tenait qu'à moi, ce seuil serait un peu plus élevé, mais c'est une base tout à fait valable.
    J'ai été heureux d'entendre, comme vous l'avez clairement expliqué dans votre exposé, que le projet de loi, dans sa forme actuelle, est plus avantageux pour les propriétaires de petites entreprises et n'offre pas d'avantage indu aux grandes sociétés.
    C'est exact. C'est en partie grâce aux garde-fous prévus dans le projet de loi, mais aussi parce que, pour les grandes entreprises... Je viens d'en analyser un ou deux, et l'article 84.1 et l'exemption pour gains en capital n'entrent même pas en ligne de compte. Les chiffres sont suffisamment élevés pour que ce soit simplement... Ce n'est pas important pour les grandes entreprises privées. Cela aide vraiment les petites entreprises privées.
    Cela concerne les situations où les parents — qui ont été des bâtisseurs de leur collectivité toute leur vie et qui ont parrainé les fondations de la santé, les banques alimentaires, les clubs sportifs et les centres communautaires, auxquels ils contribuent année après année — ont leurs économies bloquées dans l'entreprise et se retrouvent devant le choix, d'une part, de vendre à leurs enfants et de leur permettre de faire vivre ce riche héritage, mais de payer beaucoup d'impôts ou, d'autre part, de vendre à Monsieur X et de se retrouver avec plus d'argent dans les poches.
    Ce projet de loi vise justement à corriger cette injustice.
    Exactement.
    Excusez-moi, j'ai un dernier commentaire. N'oubliez pas que ces gens n'ont pas beaucoup de pensions ou de REER. Leur retraite, c'est l'entreprise.
    Merci beaucoup.
    Merci à vous deux.
    C'est maintenant au tour de M. Fragiskatos, pour cinq minutes, suivi de M. Lemire.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins. Je vais commencer par la FCEI, si vous permettez.
     Monsieur Kelly, je vous remercie d'être avec nous encore cette semaine. Vos réflexions sont très intéressantes. Je m'adresse à vous parce que je me demande si vous avez des données. Existe-t-il des données claires indiquant le pourcentage de propriétaires de petites entreprises qui voudraient vendre leur entreprise à leur famille, mais qui ne le peuvent pas? La FCEI a-t-elle recueilli des données à ce sujet?
    Je ne suis pas sûr que nous ayons demandé cette précision, mais, dans le document que j'ai remis au greffier et qui vous a été envoyé, je crois, sur les intentions des propriétaires d'entreprises... C'est à la page 5 du document, si vous l'avez.
    On voit que 48 % des répondants ont l'intention de vendre à des acheteurs sans lien de parenté; 25 % ont l'intention de vendre à des employés, autre sujet susceptible d'être abordé ultérieurement au comité des finances; 25 % cherchent à vendre à des membres de leur famille; 21 % veulent transférer l'entreprise à des membres de leur famille par héritage; et 15 % cessent progressivement leurs activités.
    Ces données sont prépandémiques. Ce qu'elles ne disent pas, et je pense que c'est le sens de votre question, c'est ce qui se passerait si les règles étaient différentes. Est-ce que certains de ceux qui cherchent à vendre à l'extérieur de leur famille changeraient d'avis et est-ce que cela modifierait la situation?
    D'après les discussions que nous avons eues avec des propriétaires d'entreprise, il semblerait que ce soit le cas. Nous avons parlé à de nombreux propriétaires, mais aussi aux enfants dans certains cas, et ceux-ci estiment qu'il n'est pas financièrement rentable de transmettre l'entreprise d'une génération à l'autre. Ce serait peut-être une décision judicieuse pour l'avenir de l'entreprise, mais pas pour les parents qui envisagent de prendre leur retraite.
    Je tiens à souligner que 80 % de nos membres se fient à la valeur de leur entreprise pour financer leur retraite. Ils n'ont pas beaucoup de REER ou de régimes de retraite à prestations déterminées. Ils se fient à la valeur de leur entreprise, et gardons à l'esprit que, à la sortie la pandémie, cette valeur sera beaucoup plus faible dans bien des cas.
(1800)
     Merci beaucoup.
    Monsieur Wark, je crois que c'est Mme Dzerowicz qui a posé la question, et vous avez répondu en évoquant la possibilité qu'une entreprise revienne au propriétaire initial. J'ai pris note de votre commentaire. Vous avez dit que, dans cette hypothèse, la situation pourrait être « facilement corrigée ». Je reprends vos termes. Pourriez-vous expliquer plus en détail?
    Je pense que le garde-fou prévu stipule que la société acheteuse acquiert, en fait et en droit, le contrôle de l'entreprise qu'elle achète, de sorte que la valeur et le contrôle lui appartiennent.
    Si vous permettez, j'aimerais aussi savoir ce qu'en pensent M. Janzen et M. Mansfield... Il y a eu une critique du projet de loi C-208 avec laquelle je suis d'accord en principe. Le comité des finances veut évidemment régler cette injustice — et je parle surtout comme fils de propriétaire de petite entreprise —, mais le projet de loi a été critiqué parce qu'il n'exige pas que l'enfant héritier participe aux activités de l'entreprise transférée ou que le parent cesse d'y participer après le transfert.
    Comment, d'après vous, pourrait-on combler cette lacune?
    Je vais commencer par vous, monsieur Wark. J'aimerais ensuite entendre M. Janzen et conclure avec M. Mansfield.
    Dans le mémoire que nous avons présenté au comité des finances, nous renvoyons au processus de consultation lancé en 2017 par le ministère des Finances. On demandait aux répondants si le propriétaire de l'entreprise devrait continuer à participer aux activités de l'entreprise après sa vente.
    Nous avons retenu les services d'un expert-conseil extérieur qui s'occupait surtout de fournir des conseils sur les transactions indépendantes d'entreprises privées. Il nous a appris que, la plupart du temps, le propriétaire vendeur était obligé de prolonger ses activités en raison du transfert d'information et de relations. Il ne semble pas logique de faire une distinction entre cette situation et un transfert familial. Il serait plus logique que le propriétaire de l'entreprise joue un rôle à plus long terme pour s'assurer que l'entreprise continue de prospérer.
    Nous estimons que le vendeur ne devrait pas nécessairement contrôler l'entreprise après le transfert, mais qu'il devrait continuer de jouer un rôle important.
    Monsieur Janzen et monsieur Mansfield, s'il vous plaît.
    Je fais écho à ces commentaires, parce que, dans bien des cas, la deuxième génération veut que la précédente continue de participer d'une façon ou d'une autre, parfois pas du tout, mais quand même souvent. Je pense que c'est M. Wark qui disait que, dans bien des cas... Je viens de passer en revue quelques ventes effectuées l'année dernière, et, dans tous les cas, l'acheteur voulait que l'ex-directeur d'exploitation ou président reste actif, au moins pendant un an ou deux, simplement à titre de consultant, pour son expertise, etc.
    À mon avis, cela ne devrait pas être une restriction.
    Deuxièmement...
    Je ne veux pas vous couper la parole, monsieur Janzen, mais il faudrait, bien sûr, exiger que l'enfant héritier, l'acheteur, participe aux activités de l'entreprise, et cela manque au projet de loi actuel tel que je le comprends.
    Pour la première partie, oui. Quant à la deuxième partie, oui, je suis d'accord, mais il n'y a aucune exigence du genre lorsqu'il y a vente à une tierce partie... Cette tierce partie a tout à fait le droit de faire diriger l'entreprise par des gestionnaires. Si le père vend à son fils et que celui-ci veut continuer à participer, il doit évidemment rester actif d'une façon ou d'une autre, mais peut-être pas au jour le jour, et il peut embaucher un directeur d'exploitation.
    Cela arrive et cela ne devrait pas être pénalisé non plus. Le fils continuera de s'occuper de l'entreprise, mais peut-être pas au jour le jour.
(1805)
    Merci.
    Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Mansfield? Nous avons un peu dépassé le temps prévu.
    Si c'est le cas, je vous en prie, passons à autre chose.
    Je peux ajouter deux ou trois remarques, cependant.
     Aussi bien. Allez-y.
    D'accord. Premièrement, je suis d'accord pour dire que, avec ou sans lien de dépendance, la tierce partie n'est pas contrainte de participer aux activités de l'entreprise.
    Cela étant, si un parent reste actif et que l'enfant ne l'est pas, ils enfreindraient certaines règles, comme l'impôt sur le revenu fractionné, etc., de sorte que diverses autres dispositions entreraient en jeu dans des situations comme celle-là également.
     Merci à tous.
    C'est maintenant au tour de M. Lemire, suivi de M. Julian.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Est-ce que vous m'entendez bien?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Merci.
    J'aimerais parler d'un article paru dans l'édition du 30 mars 2017 du Jounal de Montréal, lors du débat entourant le projet de loi C-274 présenté par le néodémocrate Guy Caron. L'article mentionne ce projet de loi déposé par le NPD et rejeté par les libéraux, mais je tiens à souligner que mon collègue Xavier Barsalou-Duval avait déposé en 2016 le projet de loi C-275, dont les objectifs étaient les mêmes.
    Dans l'article du Jounal de Montréal dont je vous parle, on dit que les libéraux se sont opposés au projet de loi sous prétexte que sa mise en œuvre coûterait entre 800 millions et 1,2 milliard de dollars. Par la suite, ils ont été rabroués par le directeur parlementaire du budget, qui, en tant que chien de garde des contribuables, estimait que le coût annuel se situerait plutôt entre 163 millions et 273 millions de dollars. Il s'agit là de montants beaucoup moins élevés que ceux invoqués par le gouvernement Trudeau pour s'opposer au projet de loi.
    Monsieur Kelly, croyez-vous que les chiffres avancés demeurent réalistes? À votre avis, combien coûterait une telle mesure? Par ailleurs, quelles entreprises en profiteraient davantage?

[Traduction]

    Je n'ai pas de données sur le coût exact de ce projet de loi, mais je peux vous dire, en écho aux préoccupations exprimées tout à l'heure au sujet des prévisions budgétaires du ministère, que certaines de leurs hypothèses semblaient farfelues. Ils avaient supposé que ce serait utilisé par à peu près tout le monde.
    Nous l'avons constaté, bien sûr, dans le cas des programmes de lutte contre la pandémie: les ministères fédéraux et provinciaux ont calculé que, si absolument tous les propriétaires d'entreprise de l'histoire de l'humanité utilisaient cette disposition, cela coûterait tant. Cela n'arrive jamais, évidemment, mais cela sert à dissuader les législateurs d'envisager ce genre de mesures.
    Je sais qu'ils ont un travail à faire et qu'ils le prennent au sérieux, mais les résultats se révèlent parfois peu vraisemblables dès qu'on creuse un petit peu.

[Français]

    J'en comprends que c'est un genre d'épouvantail auquel le gouvernement Trudeau a eu recours à ce moment-là.
    Qu'en pensez-vous, monsieur Mansfield?

[Traduction]

    S'agissant du coût pur et simple d'une mesure quelconque, je ne suis probablement pas en mesure de le calculer et je n'ai pas d'expérience en la matière. J'ai entendu beaucoup de députés aujourd'hui et au cours de séances précédentes, et ils semblent tous d'accord avec l'esprit de ce projet. À mon avis, quoi qu'on envisage, on s'attache d'abord à l'esprit d'un projet et on règle les petits détails qui sont nécessaires pour lui faire traverser la ligne d'arrivée. C'est surtout ce que j'entends aujourd'hui.
    Merci.
    Monsieur Julian, allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais entendre Mme Young, parce qu'elle n'a pas eu l'occasion de répondre à ma question au dernier tour. Je voulais savoir ce qu'elle verrait dans la boule de cristal des 15 prochaines années, avec et sans le projet de loi.
    Je crois qu'on le voit déjà, surtout depuis quelques années. Il y a beaucoup de regroupements importants de petites maisons de courtage qui vendent à de grandes sociétés, avec l'appui de sociétés de capital-investissement, de sociétés d'assurances, et j'en passe. C'est déjà visible.
    Beaucoup de courtiers — il y a 3 400 maisons de courtage au Canada — emploient moins de 15 personnes et ils doivent faire le choix entre vendre à une grande entreprise bien nantie ou transmettre à des membres de leur famille qui travaillent à leurs côtés. Si les règles du jeu ne sont pas équitables, ils prendront la meilleure décision pour leur retraite.
(1810)
    Merci.
    J'aimerais revenir à M. Kelly.
    Deux choses. Tout d'abord, le coût estimatif de cette mesure ne représente qu'une fraction de ce que le directeur parlementaire du budget nous dit perdre au profit de paradis fiscaux à l'étranger. Chaque année, nous perdons au moins 25 milliards de dollars de recettes fiscales au profit de paradis fiscaux à l'étranger. L'estimation du directeur parlementaire du budget, environ 275 millions de dollars par an, est donc une bagatelle. Les avantages l'emportent évidemment de loin sur le coût, qui est faible, mais, si on s'inquiète des fuites fiscales, les paradis fiscaux à l'étranger devraient être la priorité. Ce serait ma première question.
    Ma deuxième question est la suivante. Comme vous avez des liens à l'échelle internationale, savez-vous si d'autres pays pénalisent, dans leur système fiscal, les gens qui transfèrent l'entreprise familiale ou la ferme familiale à leurs enfants?
     Je vous remercie de ces questions. Il y a, en effet, de meilleurs moyens d'aller chercher des recettes gouvernementales supplémentaires si c'était cela l'objectif.
    Mais ce qui compte à nos yeux, c'est avant tout de faire ce qui est juste. Si des groupes comme le mien vous disaient: « D'accord, créons un avantage à vendre à une entreprise internationale ou à une partie indépendante », je pense que vous auriez raison de nous mettre à la porte en nous riant au nez. Si nous disions: « Créons un énorme avantage à vendre à nos enfants », vous pourriez vous demander si c'est juste. Les gouvernements devraient rester neutres et veiller à ce que le traitement fiscal de la vente d'une entreprise, que ce soit à la famille ou à un tiers, soit le même.
    Je crois que c'est ainsi ailleurs dans le monde. La politique fiscale ne devrait pas orienter notre choix dans la vente d'une entreprise. Les règles du jeu devraient être les mêmes pour tout le monde, de sorte que le marché et les propriétaires d'entreprise puissent déterminer à qui il convient de transférer le contrôle de l'entreprise.
    Honnêtement, si nous devions encourager quelque chose, je crois qu'il est dans l'intérêt national d'encourager le transfert d'entreprise aux enfants pour toutes les raisons dont nous avons parlé, notamment le maintien des entreprises dans les collectivités qui en dépendent pour l'emploi.
    Merci à tous.
    Nous allons passer à M. Kelly, puis M. McLeod devra conclure les échanges avec ce groupe de témoins, parce que nous avons besoin de cinq minutes à la fin et que nous devons nous arrêter à 18 h 29.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais peut-être m'adresser de nouveau à M. Janzen. Il en a déjà parlé, mais je veux vraiment m'assurer que les critiques du projet de loi ou ceux qui semblent le plus s'inquiéter de ses conséquences le comprennent bien: ce projet de loi ne confère pas un avantage fiscal aux entreprises fonctionnant par l'entremise d'une société à responsabilité limitée qui sont transférées d'une génération à l'autre; il élimine un désavantage pour elles.
    N'est-ce pas la façon la plus claire de le dire?
    Tout à fait. D'ailleurs, pour revenir aux commentaires de M. Kelly, il s'agit d'uniformiser les règles du jeu — et encore pas complètement, mais c'est un excellent début.
    Vous avez raison. Si le projet de loi est adopté tel quel, il n'y aura toujours pas d'avantage. Quelqu'un qui vend son entreprise à son enfant ne sera pas avantagé par rapport à quelqu'un qui vend son entreprise à un tiers.
    Exactement. Nous ne faisons que supprimer...
    Nous supprimons une partie du désavantage.
    ... l'un des nombreux désavantages du choix de travailler à son compte. C'est très difficile de gérer sa propre entreprise, et les risques pour la sécurité financière de sa famille sont énormes. Ils sont illimités, en fait.
(1815)
    Vrai.
    Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps; je vais donc me tourner vers Mme David, ou plutôt vers elle et les courtiers d'assurances.
    Les témoins nous ont beaucoup parlé de l'impact sur les fermes, un peu sur les pêcheurs et un peu sur d'autres entreprises. J'ai parlé des restaurants, des petits fabricants et autres cas semblables, mais les fournisseurs de services professionnels, des milliers d'entre eux, ont eux aussi des sociétés à responsabilité limitée et ont bâti une entreprise qu'ils voudraient transférer à leurs héritiers.
    Pourriez-vous nous dire dans quelle mesure les sociétés à responsabilité limitée sont courantes parmi les fournisseurs de services financiers?
    Notre secteur est un excellent exemple, parce que, en dehors d'autres problèmes liés à la diversité, il y a le problème du vieillissement dans les services financiers, notamment dans les services d'assurances. Beaucoup de nos conseillers à la retraite vendent leur entreprise à leurs enfants; c'est probablement une tendance dure du côté familial.
    Il n'est pas nécessaire de chercher bien loin pour trouver des petites entreprises touchées par ce phénomène un peu partout, sur différents marchés du travail
     Les courtiers d'assurances ont-ils quelque chose à ajouter?
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    C'est une excellente question. Les données démographiques applicables aux courtiers sont très semblables à celles qui concernent les petites entreprises. Un certain nombre d'entreprises et un certain nombre de propriétaires d'entreprise doivent déjà ou devront bientôt envisager un transfert de propriété.
    Ce projet de loi offre une occasion en or d'uniformiser les règles du jeu et de faire en sorte que les nombreuses maisons de courtage d'assurances qui sont des entreprises familiales partout au pays puissent envisager un transfert intrafamilial. Nous pensons que c'est absolument essentiel.
    Je sais que Mme Young a aussi une certaine expérience personnelle à partager.
    Comme courtière de deuxième génération, il a été difficile de convaincre mes parents de même envisager de nous vendre l'entreprise, et ce, pour toutes sortes de raisons. La principale était qu'ils pouvaient vendre à une tierce partie pour beaucoup plus d'argent.
    En fin de compte, comme je l'ai dit dans mon exposé préliminaire, ils voulaient continuer de soutenir la collectivité dans laquelle ils ont bâti leur entreprise.
    Il va sans dire que ce serait la même chose pour les entreprises immobilières, les courtiers hypothécaires — c'est mon domaine —, les professionnels de la santé, les juristes, les comptables et toutes sortes d'entreprises de ce genre.
    Sur ce, monsieur Easter, je vous rends la parole.
    Merci, monsieur Kelly.
    Monsieur McLeod, vous êtes le dernier intervenant.
    Merci, monsieur le président. Je serai bref.
    Le projet de loi C-208 a été présenté par Larry Maguire, député conservateur. Il a présenté beaucoup d'arguments valables. Beaucoup de gens appuient cette mesure. Il semble logique que les familles puissent transférer leur entreprise à leurs enfants.
    La dernière fois qu'on a soulevé la question, en 2017, beaucoup de problèmes n'avaient pas encore été réglés. Beaucoup de gens qui y travaillent depuis un certain temps m'en parlent. Il semble que ce soit une préoccupation pour beaucoup des témoins ici présents.
    Pourquoi ne l'a-t-on pas fait sous le régime des conservateurs? C'est maintenant qu'ils le proposent. Pourquoi cela n'a-t-il pas été possible avant?
    J'aimerais peut-être entendre M. Kelly ou M. Janzen.
    M. Kelly est ici depuis aussi longtemps que moi. Monsieur Kelly, à vous de décider.
    Les fonctionnaires du ministère des Finances qui détestent aujourd'hui cette idée la détestaient à l'époque et conseillaient au gouvernement de ne pas s'engager dans cette voie. Les conservateurs ont quand même examiné le projet de loi — et c'est tout à leur honneur —, mais ils ne l'ont pas adopté lorsque le député libéral Emmanuel Dubourg l'a proposé il y a quelques années.
    Je vous rappelle que, avant de devenir parlementaire, M. Dubourg était vérificateur à l'ARC et qu'il sait donc de quoi il parle.
    Je pense que l'inaction et d'autres priorités faisaient obstacle. C'est une question complexe, et personne — aucun ministre — ne veut présider à quelque chose qui pourrait créer un énorme vide juridique susceptible de coûter très cher au Trésor.
    Ce n'est pas ce projet de loi qui est en cause. Je crois qu'il prévoit des garde-fous raisonnables. C'est ce que Emmanuel Dubourg a essayé de faire; c'est ce que Guy Caron a essayé de faire. Je pense que Larry Maguire essaie, lui aussi, de trouver l'équilibre qui nous permettrait d'adopter une loi uniformisant les règles du jeu sans nécessairement donner aux petits malins le moyen de se soustraire à leurs obligations fiscales.
    Je pense que le projet de loi y pourvoit. J'invite le Comité à appuyer vigoureusement cette motion pour que nous puissions en finir avec cette question. Si des ajustements sont nécessaires, rappelez-nous. Je vous garantis que le secteur de la comptabilité et les associations de gens d'affaires comme la mienne, et d'autres, seront là pour trouver des moyens de combler les lacunes que nous pourrions découvrir en cours de route. Vous avez ma parole.
(1820)
    Permettez que j'intervienne ici également.
    Historiquement, les projets de loi d'initiative parlementaire sont adoptés ou non pour toutes sortes de raisons, mais les parlementaires ont une occasion unique aujourd'hui. À mon avis, le projet de loi C-208 témoigne d'une plus grande volonté politique.
     Le contexte actuel est différent. Comme vous le savez tous, nous avons traversé une année de pandémie mondiale, et la démographie des petites entreprises a également changé. La situation est mûre.
     Monsieur le président, j'ai une autre petite question.
    Je voudrais savoir si, d'après vous tous, cela va renverser la tendance qui se dessine depuis un certain temps, à savoir que des fermes sont vendues à de grandes sociétés. Désormais, des fermes et des entreprises seront vendues à la famille. Ces entreprises créées grâce aux efforts des parents et des grands-parents pourront survivre.
    Comme conseillère de première ligne en relation avec des propriétaires d'entreprise qui envisagent de prendre leur retraite, je dirais que vous avez mis le doigt dessus. C'est la fiscalité qui dicte le comportement. Si je dois payer des impôts pour vendre mon entreprise à mon enfant, je vais chercher à m'éviter ce souci. Si nous remédions à cela, le comportement sera à l'avenant.
    Cela ne réglera pas tous les problèmes, mais cela aidera.
    Quelqu'un d'autre veut-il ajouter un dernier commentaire avant que nous libérions les témoins?
    Un grand merci à tous les témoins. Nous avons eu une discussion très instructive. Votre expérience personnelle des transferts intergénérationnels, qu'il s'agisse d'exploitations agricoles, de petites entreprises ou d'entreprises de pêche, était visible dans vos commentaires. Je tiens à remercier chacun d'entre vous au nom du Comité.
    J'ai dit tout à l'heure au Comité que nous aurons probablement une possibilité, jeudi, de poursuivre l'étude de ce projet de loi si nous le souhaitons. Nous pourrions reporter au 30 mars la séance à huis clos sur les dépenses liées à la COVID, pour profiter de tous les témoins. Je ne sais pas exactement quel ministère il nous manque, mais il nous en manque un.
    Si vous préférez, nous pourrons entendre la ministre Freeland durant la première heure, puis nous entendrons les fonctionnaires. L'objet en sera le projet de loi C-14. Nous pourrions consacrer la troisième heure à l'étude du projet de loi C-208, en invitant des fonctionnaires et le greffier législatif, et voir si nous pouvons terminer l'étude de ce projet de loi. Nous pourrions ensuite reporter l'autre séance à huis clos au 30.
    Est-ce que cela vous convient? Je vois des hochements de tête.
     D'accord, dans ce cas. La séance à huis clos aura lieu le 30, et nous étudierons le projet de loi C-208 jeudi durant la troisième heure.
    La séance est levée.
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