PACC Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON PUBLIC ACCOUNTS
COMITÉ PERMANENT DES COMPTES PUBLICS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 2 avril 1998
[Traduction]
Le vice-président (M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)): La séance est ouverte.
Nous nous excusons de commencer si tard, mais comme vous le savez, M. Charest a fait une annonce à la Chambre et les divers partis y ont répondu. C'est une journée relativement importante pour les affaires du pays.
Nous allons maintenant entendre nos témoins en commençant par M. Desautels.
M. L. Denis Desautels (vérificateur général, Bureau du vérificateur général du Canada): Merci, monsieur le président, et merci de me donner l'occasion de présenter les résultats de notre vérification de suivi du Service correctionnel Canada—la garde des détenus, chapitre 16 du rapport de 1994.
Je suis accompagné aujourd'hui par Mme Maria Barrados et M. Robert Chen.
En 1994 et en 1996, le Bureau a publié trois autres chapitres sur le Service correctionnel Canada, lesquels portaient sur les programmes de réadaptation des délinquants, la surveillance des délinquants mis en liberté et la réinsertion sociale des délinquants. Ces chapitres feront l'objet d'un suivi cette année.
Dans notre rapport de 1994, nous avons formulé un certain nombre d'observations et de recommandations concernant la conception et l'application du système de classement des détenus selon le niveau de sécurité du SCC et la gestion par ce dernier du programme de logement des détenus.
À l'issue d'une audience publique sur notre chapitre, le Comité des comptes publics a présenté, en juin 1995, un rapport à la Chambre des communes comprenant des recommandations similaires. En outre, le Comité a recommandé au Service correctionnel d'économiser sur les coûts de l'administration centrale. Plus tard à l'automne de la même année, le SCC a soumis au comité (par l'entremise du solliciteur général) des plans d'action détaillés pour mettre en oeuvre ces recommandations.
Nous sommes heureux de signaler que le Service correctionnel a appliqué ses plans d'action et qu'il a donné suite à toutes les recommandations relatives au logement des détenus. Il a utilisé les analyses coûts-avantages pour évaluer les futurs projets de logement, traité la question de la «double occupation» en intégrant des stratégies de «partage des locaux» à son processus de planification du logement, et nommé un cadre supérieur à temps plein responsable de toutes les fonctions liées au logement.
[Français]
Cependant, le Service correctionnel examine de nouveau sa politique de logement des détenus en ce qui a trait à l'utilisation de la «double occupation» et du «partage des locaux»—que l'on appelle dans les deux cas «double occupation». Le comité voudra peut-être obtenir du Service un rapport d'étape sur l'examen de la politique et sur la manière dont la politique révisée sur la double occupation influera sur le logement des détenus.
Dans le cadre du suivi, nous avons aussi examiné la manière dont le Service correctionnel a répondu à la recommandation du comité voulant qu'il réalise des économies de coûts à l'administration centrale et dans les cinq administrations régionales. D'après les chiffres fournis par le Service correctionnel, nous avons constaté que le coût moyen de l'administration centrale par détenu avait diminué. Toutefois, je crois qu'il est nécessaire d'attirer votre attention sur la conclusion du chapitre portant sur la réinsertion sociale des délinquants, publié en novembre 1996. Dans ce chapitre, nous avions recommandé que le Service correctionnel renforce son administration centrale afin d'élaborer un cadre de gestion pour mieux coordonner ses activités de réinsertion sociale.
Concernant le classement selon les niveaux de sécurité, le Service correctionnel a pris un certain nombre de mesures pour donner suite aux recommandations du Bureau et du Comité des comptes publics. Il a continué d'insister sur l'importance de toujours tenir compte des risques pour la sécurité du public lors de la prise de décisions. Il a aussi validé l'Échelle de classement par niveau de sécurité, confirmant ainsi que l'échelle est bien conçue, et il dispose maintenant d'une meilleure information pour évaluer le risque que posent les sous-placements.
• 1600
Toutefois, nous avons encore deux grandes
préoccupations: l'absence de surveillance de
l'étendue des «dérogations» au classement des détenus et
le retard dans la préparation d'un instrument de
«reclassement» mieux conçu.
[Traduction]
Le Service correctionnel a exigé l'application de l'échelle de classement par niveaux de sécurité à tous les nouveaux délinquants. Cependant, l'application des lignes directrices régissant l'examen de reclassement dès l'évaluation initiale a occasionné un taux de dérogation de 26 p. 100 environ. Ce taux représente presque le double de ce qu'il devrait être et il indique clairement qu'il est nécessaire de dispenser une formation supplémentaire sur l'application de l'échelle.
Au moment de notre suivi, le SCC n'avait pas mis en oeuvre, comme l'avait recommandé le comité, un processus visant à surveiller régulièrement l'étendue des dérogations et à fournir la formation supplémentaire au besoin. Le Service correctionnel nous a dit qu'il serait en mesure, à compter de décembre 1997, de faire rapport sur le nombre de dérogations et les raisons qui les sous- tendent. Le comité voudra peut-être demander au SCC quels sont les progrès accomplis dans ce domaine.
Selon les plans d'action présentés au Comité des comptes publics, le SCC devrait élaborer, au plus tard en juin 1996, un nouvel instrument de «reclassement» qui serait pleinement compatible avec l'instrument de classement initial, l'échelle de classement par niveau de sécurité, et plus quantitatif. Des efforts considérables ont été déployés pour son élaboration, mais le nouvel instrument n'était pas encore opérationnel au moment de notre suivi. Le Service correctionnel estime que la date la plus rapprochée d'utilisation du nouveau système est la fin de 1998. Le comité voudra peut-être obtenir du SCC une mise à jour sur les progrès accomplis à l'égard du nouvel instrument et sur les raisons du retard.
En conclusion, monsieur le président, les mesures prises par le SCC concernant le classement par niveaux de sécurité sont positives, mais la direction doit faire des efforts continus pour améliorer encore davantage l'objectivité de son système de classement par niveaux de sécurité.
Je voudrais souligner l'importance d'un système objectif de classement qui fonctionne bien. Un tel système est essentiel afin de réduire au minimum le risque pour la sécurité du public, d'assurer la sécurité à l'intérieur des établissements, et de réduire les frais de fonctionnement des prisons fédérales.
Monsieur le président, voilà qui conclut mon commentaire d'introduction. Je serai heureux de répondre aux questions du comité sur ce suivi.
Le vice-président (M. Andrew Telegdi): Merci.
Monsieur Ingstrup.
Le commissaire Ole Ingstrup (Service correctionnel du Canada): Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de me donner l'occasion de discuter des résultats du suivi effectué par le vérificateur général concernant sa vérification de 1994 au sujet de la garde des détenus.
Je voudrais signaler tout d'abord que, comme d'habitude, ce rapport contenait des recommandations tout à fait constructives et utiles et nous tenons à en remercier le vérificateur général.
[Français]
En 1994, le vérificateur général a mis le Service correctionnel au défi de faire mieux dans la gestion de l'incarcération des détenus fédéraux. Les principales recommandations tournaient autour des points suivants:
1. les lacunes dans la conception et l'application des processus de classification de sécurité du SCC;
2. la nécessité pour le SCC de disposer d'une information exacte et à jour sur la classification et le placement des détenus aux fins de gestion des coûts;
3. des faiblesses au niveau de la planification du logement des détenus;
4. la nécessité pour le SCC de réviser sa planification à long terme en matière de logement, étant donné qu'il avait proposé d'adopter une politique de double occupation et de partage des locaux.
En juin 1995, votre comité a déposé un rapport à la Chambre des communes, où il présentait des recommandations bien semblables à celles qui figurent dans le rapport du vérificateur général et recommandait que le Service correctionnel trouve le moyen de faire des économies en ce qui concerne les coûts supportés au niveau des bureaux d'administration.
Le Service correctionnel a mis sur pied un certain nombre d'activités en réponse à ces recommandations, qui ont été intégralement acceptées. Il est très important que nous soulignions ceci. Un bon nombre de celles-ci ont été entièrement mises en oeuvre, tandis que d'autres l'ont été en partie, et il reste à mettre la dernière main à quelques-unes.
• 1605
Je vous
présente un bref résumé et, dans quelques minutes, je
répondrai avec plaisir à vos questions.
D'abord, monsieur le président, je tiens à vous informer des mesures que le Service correctionnel a prises jusqu'ici.
En réponse aux préoccupations du vérificateur général en ce qui concerne notre système de classement des détenus selon les niveaux de sécurité, le service a fait un bon nombre de choses. J'en mentionnerai cinq.
Premièrement, le Service a donné de la formation supplémentaire aux agents de libération conditionnelle concernant l'Échelle de classement par niveau de sécurité.
Deuxièmement, il s'est assuré que l'échelle de classement soit utilisée pour tous les niveaux et tout les les nouveaux délinquants fédéraux.
Troisièmement, il a élaboré un nouvel outil de reclassement, actuellement soumis à des tests opérationnels sur le terrain.
Quatrièmement, il a institué un contrôle de la qualité du classement de sécurité, y compris les dérogations.
Finalement, le Service a demandé au personnel de faire en sorte que par une gestion active des cas, le niveau de sécurité requis pour le délinquant soit examiné de façon continue plutôt qu'une fois par année.
Le Service a aussi donné suite à toutes les recommandations touchant la planification... Pardon?
[Traduction]
Le vice-président (M. Andrew Telegdi): Excusez-moi, mais vous pourriez peut-être accélérer. Vous avez déjà parlé quatre minutes et 30 secondes et nous préférons que les exposés durent environ huit minutes.
Le commissaire Ole Ingstrup: Très bien. Je ferai de mon mieux.
Le vice-président (M. Andrew Telegdi): Merci.
[Français]
Comm. Ole Ingstrup: Nous avons accepté toutes les recommandations touchant la planification en matière de logement.
[Traduction]
Nous avons fait des analyses coûts-avantages. Nous avons nommé un commissaire adjoint qui s'occupe du logement et nous avons maintenant une stratégie intégrée visant la double occupation.
Les recommandations du vérificateur général n'ont pas encore toutes été mises en oeuvre. Il reste du travail à faire, en particulier au sujet des dérogations à l'échelle de classement par niveaux de sécurité.
Nous avons maintenant le premier rapport de contrôle. Nous l'avons reçu après la publication du rapport du vérificateur général, mais le système était opérationnel dès le 22 février 1998. Nous avons constaté que, en général, l'échelle ne reflète pas la réalité. Notre échelle avait été conçue pour un plus grand nombre de détenus au niveau de sécurité maximal et un moins grand nombre au niveau de sécurité minimale. Nous avons aussi constaté un assez grand nombre de dérogations.
Par exemple, dans plus de 50 p. 100 des cas, les agents de libération conditionnelle dérogent à l'échelle en plaçant dans des établissements à sécurité moyenne des délinquants que l'échelle de classement a classés au niveau de sécurité maximale. Cela veut dire soit que l'échelle est mal calibrée, soit que notre personnel prend de mauvaises décisions.
Nous avons examiné la réalité opérationnelle et nous avons constaté que le système actuel fonctionne extrêmement bien. Par exemple, dans les établissements à sécurité moyenne, les taux d'évasion ont été de 2 p. 100 et de 3 p. 100, soit les taux les plus bas depuis les huit dernières années. Au cours du dernier exercice financier, il y a eu trois évasions d'établissement à sécurité moyenne et aucun des évadés n'avait été placé en sécurité moyenne à la suite d'une dérogation.
J'expliquerai ce qui leur est arrivé plus tard.
Le taux d'évasion pour les établissements à sécurité minimale était aussi très faible puisqu'il n'était que de 2,8 p. 100. Il s'agit d'une moyenne pour les trois dernières années, mais c'est beaucoup plus faible que le taux que nous avions pour les sept à huit dernières années. Le taux a même baissé de façon marquée même si nous avons maintenant 24 p. 100 de plus de détenus dans les établissements à sécurité minimale.
• 1610
Quant aux détenus placés en établissement à sécurité minimale
à la suite d'une dérogation, 17 se sont évadés et un seul a été
inculpé d'une nouvelle infraction et il s'agissait d'une infraction
au code de la route.
Nous devons donc conclure que l'échelle de classement par niveaux de sécurité est mal calibrée parce qu'elle indique un besoin de classement au niveau de sécurité supérieur plus élevé que ce qu'il nous faut et que notre personnel compense en dérogeant à l'échelle. Nous ne jugeons pas que ce soit une bonne façon de procéder à long terme et nous convenons avec le vérificateur général que nous avons besoin de remanier l'échelle de classement. C'est ce que nous avons fait et nous avons mis au point un nouvel instrument qui sera mis à l'essai et qui devrait être prêt relativement rapidement.
Autre fait important, une fois le nouveau système instauré, le nombre de dérogations diminuera énormément parce que nos employés ne seront plus obligés de déroger à l'échelle pour en arriver aux bonnes conclusions. Nous n'avons pas tout à fait terminé notre travail, mais les choses vont bon train.
[Français]
Le vérificateur général a aussi mentionné le besoin d'un instrument de reclassement à caractère plus quantitatif. Nous sommes d'accord. Un nouvel instrument a été conçu et il est actuellement soumis à des tests opérationnels. Je peux vous promettre, monsieur le président, que sa mise en oeuvre complète sera achevée avant la fin de l'année.
[Traduction]
La différence entre l'instrument de reclassement et l'échelle de classement vient du fait que l'échelle de classement ne tient compte que du comportement passé, alors que l'instrument de reclassement tient aussi compte du comportement actuel en milieu carcéral.
Pour passer maintenant à la politique de logement des détenus, je pense que la double occupation n'est pas une mesure permanente appropriée de logement dans le contexte de bons services correctionnels. La double occupation, c'est-à-dire une pièce ou cellule occupée par deux délinquants, n'est pas une bonne mesure correctionnelle à long terme. Le principe de l'occupation par une seule personne est également conforme aux normes minima des Nations Unies pour le traitement des détenus ainsi qu'aux normes de l'Association canadienne de justice pénale.
Nous sommes en train d'examiner une nouvelle façon de loger nos détenus, surtout en occupation simple. Bien entendu, cela ne peut pas se faire du jour au lendemain et nous n'avons pas l'intention d'entreprendre de gros projets de construction pour atteindre cet objectif. Nous espérons que, en donnant suite à certaines des autres recommandations du vérificateur général, nous pourrons réduire le taux d'incarcération des délinquants et que cela fera en même temps baisser le taux d'occupation double, qui est maintenant de 25 p. 100, à un niveau plus acceptable et que les détenus seront logés avec un autre pour des périodes plus brèves.
Je voulais enfin parler de la recommandation relative à l'administration centrale. Il est vrai que, au moment de l'examen du vérificateur général, nous avions réduit les effectifs à l'administration centrale, mais nous y avons depuis ajouté des employés parce que nous, c'est-à-dire le gouvernement et moi, jugions qu'il nous fallait une administration centrale plus forte, surtout dans le secteur correctionnel, pour gérer un service qui serait unifié et non cinq services ou davantage. Nous croyons aussi que cela nous permet de mieux répondre au désir du Vérificateur général de mieux dominer la situation.
Sur ce, monsieur le président, je m'efforcerai maintenant de répondre à vos questions dans la mesure du possible.
Le vice-président (M. Andrew Telegdi): Merci beaucoup. Nous commencerons par M. Thompson.
M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Merci.
Bienvenue, messieurs, et merci de vos exposés. Je voudrais parler de diverses choses pendant mes huit minutes et je vais donc me hâter et essayer d'être bref.
D'abord, relativement à la double occupation et au partage des locaux. Je sais qu'il y a une différence entre les deux. Y a-t-il maintenant partage des locaux dans vos établissements?
Le commissaire Ole Ingstrup: Monsieur le président, monsieur Thompson, ce que nous appelons le partage des locaux s'applique aux cas où il y a deux détenus dans une cellule construite pour une seule personne. Il y a aussi un certain nombre de cellules construites pour deux personnes, et c'est ce que nous appelons la double occupation. Bien entendu, c'est beaucoup moins inquiétant que le partage des locaux.
M. Myron Thompson: Ce que je veux savoir, c'est s'il y a maintenant partage des locaux?
Le commissaire Ole Ingstrup: Oui.
M. Myron Thompson: Je n'ai rien vu de tel au pénitencier de Kingston. A-t-on éliminé le problème à cet établissement ou est-ce...
Le commissaire Ole Ingstrup: Je peux vous dire exactement où il y a partage des locaux. À Dorchester, dans la région de l'Atlantique, un détenu sur cinq est en situation de partage des locaux, c'est-à-dire qu'il est avec un autre détenu dans une cellule construite pour un seul. Le taux de partage des locaux est de 3,5 p. 100 dans la région du Québec; il est d'environ 11 p. 100 dans la région de l'Ontario; il varie un peu dans la région des Prairies, où il se situe aux environs de 20 p. 100, sauf dans les deux secteurs de réception, où il est de plus de 70 p. 100. Dans la région du Pacifique, il est d'environ 24 ou 25 p. 100.
M. Myron Thompson: Je voudrais passer maintenant à M. Desautels. Je comprends vos recommandations. Le partage des locaux coûte moins cher, mais pas la double occupation. Est-ce exact?
M. Denis Desautels: Monsieur le président, nous n'avions pas recommandé de façon précise le partage des locaux ou la double occupation. Nous avions simplement noté à l'époque que ce que le service faisait ne correspondait pas à la politique officielle. Nous pensions qu'il fallait préciser la politique du ministère pour déterminer si c'était effectivement ce que le ministère voulait faire.
M. Myron Thompson: Mais il y avait une différence de coût.
M. Denis Desautels: Il y a, bien sûr, des différences de coût, mais nous ne voulions pas laisser entendre qu'il faudrait économiser grâce au partage des locaux.
M. Myron Thompson: C'est ce que je voulais savoir.
Monsieur Ingstrup, j'ai vu le nouvel établissement de Drumheller avec les nouvelles cellules construites pour deux détenus. Elles m'ont semblé très confortables et relativement grandes. Les détenus à qui j'ai parlé étaient tout à fait satisfaits de ces cellules, mais vous dites que c'est une pratique très imprudente. Que voulez-vous dire au juste?
Le commissaire Ole Ingstrup: Ce n'est pas certainement pas la meilleure solution carcérale pour toutes sortes de raisons, quoique la double occupation est certes beaucoup moins problématique d'après nous que le partage des locaux. Le simple fait de loger deux hommes, qui ne s'entendent pas nécessairement très bien, dans la même pièce où ils passeront beaucoup de temps peut créer énormément de tension. C'est aussi beaucoup plus difficile de convaincre les détenus de se concentrer sur leurs objectifs de réadaptation s'ils partagent une cellule avec quelqu'un qui est peut-être sur la même longueur d'onde et qui veut avoir une conversation qui risque de nuire à la réinsertion sociale.
Côté coûts, il faut examiner les coûts à court terme et à long terme. Bien entendu, cela coûte moins cher de construire des cellules pour deux personnes que de construire deux cellules individuelles. Cependant, à long terme, cette économie disparaît très rapidement parce que nous avons besoin de plus d'employés si nous avons des cellules doubles. Au bout du compte, l'économie n'en vaut pas vraiment la peine et je doute fort qu'on puisse parler d'économie sur le plan correctionnel.
D'autre part, et je tiens à le souligner, nous ne comptons mettre fin du jour au lendemain à la pratique de la double occupation et commencer à reconstruire. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Nous ne faisons que dire que ce n'est pas la meilleure solution à notre avis. Nous ne proposerons donc pas au Conseil du Trésor à l'avenir de construire des cellules doubles; nous allons plutôt essayer de mieux gérer notre population carcérale conformément aux recommandations du vérificateur général dans certains de ses autres rapports. Nous espérons ainsi pouvoir en arriver à un niveau raisonnable de double occupation et nous débarrasser entièrement du partage des locaux.
M. Myron Thompson: Lors de ma récente visite à l'établissement Kent en Colombie-Britannique il y a quelques semaines, j'ai eu l'occasion de rencontrer l'équipe de réaction en cas d'urgence et de passer bien du temps avec elle. Cette équipe est très efficace dans cet établissement particulier. Elle est très bien équipée et surtout très bien formée. Je pense qu'elle peut faire des choses très utiles de concert avec les services policiers. J'ai vu les films de l'équipe et j'ai aussi constaté que les détenus eux-mêmes ont beaucoup de respect pour cette équipe. Quand l'équipe arrive, les détenus comprennent que ces membres savent ce qu'ils font et qu'il vaut mieux se méfier.
Cependant, ailleurs dans le pays, bien des membres de ces équipes ont démissionné. Ils ne veulent plus en faire partie. Leur équipement est déplorable par rapport à celui que j'ai vu à Kent, ils ne reçoivent aucune formation et le Service correctionnel ne semble rien faire pour que les autres équipes du pays puissent devenir aussi efficaces que celles que j'ai vues à Kent.
Sur le plan financier, il me semble que l'argent qu'on dépenserait pour former ces équipes aussi bien que celles de Kent permettrait de réduire les coûts vu que l'on pourrait empêcher les émeutes et obtenir toutes sortes d'autres bons résultats. Je voudrais savoir ce que vous en pensez.
Le commissaire Ole Ingstrup: Je suis certain que nous avons une très bonne équipe à l'établissement Kent, comme nous en avons d'ailleurs dans bon nombre de nos autres établissements. J'ai parlé à l'équipe du pénitencier de Kingston et je dois dire que, même si cette équipe a déjà été mêlée à toutes sortes d'incidents malheureux, elle s'est bien améliorée depuis. Elle a reçu une très bonne formation, travaille maintenant par l'entremise de médiateurs et les résultats sont très bons.
À mon avis, il y a peut-être certains endroits où la formation a laissé à désirer, mais nous avons un programme de formation pour ces équipes et nous le vérifions comme tous nos autres services. S'il y a des problèmes quelque part, nous devons nous en occuper et je suis tout à fait prêt à le faire. Nous allons certainement jeter un coup d'oeil sur la situation pour pouvoir vous dire exactement ce qu'il en est.
M. Myron Thompson: Êtes-vous au courant de membres de ces équipes qui ont démissionné?
Le commissaire Ole Ingstrup: Non.
M. Myron Thompson: Vous devriez l'être parce que c'est ce qui se passe. Je voudrais que vous jetiez un coup d'oeil là-dessus.
Le commissaire Ole Ingstrup: Certainement. Il y a des employés qui démissionnent constamment. L'un des...
M. Myron Thompson: Je voulais dire l'équipe au complet.
Le commissaire Ole Ingstrup: Oui. Cela n'arrive pas régulièrement, mais il y en a qui n'ont pas aimé... et nous devons faire preuve de fermeté pour ces choses-là. À un moment donné, certains employés ont considéré que ce pourrait être dangereux pour eux de suivre rigoureusement les dispositions de la loi, comme l'avait demandé la juge Arbour et, sans doute, les députés eux- mêmes. Ils ne voulaient pas se soumettre à de telles pressions. C'était leur choix.
À mon avis, il n'y a absolument pas le moindre doute qu'une équipe de ce genre doit respecter les lois adoptées par le Parlement et c'est ce qu'elles font. Il me semble que ceux qui font partie de ces équipes maintenant sont très satisfaits de leur travail. C'est un travail pour lequel ils se portent volontaires. Ils peuvent démissionner s'ils le veulent. Nous ne manquons pas d'employés.
M. Myron Thompson: Eh bien, je...
Le vice-président (M. Andrew Telegdi): Merci. Vous avez dépassé votre temps de parole. Nous vous reviendrons la prochaine fois.
Monsieur Laurin.
[Français]
M. René Laurin (Joliette, BQ): Je voudrais revenir au paragraphe 35.71 du rapport du vérificateur général qui traite du nombre de dérogations qui sont accordées. Une étude de validation effectuée par le Service correctionnel fait état d'un taux de dérogation de 26 p. 100, dont seulement la moitié semblait reposer sur des raisons légitimes. Lors de votre présentation d'aujourd'hui, vous nous avez dit que le taux de dérogation était encore à 25 p. 100. Quel pourcentage de ces 25 p. 100 repose sur des raisons légitimes? Est-ce encore la moitié?
Comm. Ole Ingstrup: À mon avis, monsieur le président, toutes les dérogations sont légitimes. On n'a pas trouvé de dérogations illégitimes. Par contre, nous estimons que ces 25 p. 100 représentent un pourcentage trop élevé. On doit se rendre compte que cet instrument n'est qu'un des outils auxquels nous avons recours pour la classification des détenus. Il y a toujours un élément subjectif de la part de la personne qui est là, qui fait les entrevues et l'évaluation. Tel a toujours été l'objectif.
• 1625
Le taux de dérogation devrait normalement se
situer aux environs de 15 p. 100. Nous dépassons donc
ce taux visé de plus de 10 p. 100.
Nous procédons actuellement à un ajustement de cet
instrument pour nous assurer qu'il y ait une plus
grande coordination entre ce qu'on
fait et le résultat de l'utilisation du système de
classification.
M. René Laurin: Monsieur Ingstrup, au paragraphe 35.71 du rapport du vérificateur général, on lit:
-
35.71 En 1996, le Service correctionnel a
effectué une étude de validation de l'Échelle de
classement par niveau de sécurité.
Cette étude, tout en confirmant que l'Échelle était bien
conçue, faisait état d'un taux de dérogation de 26 p.
100 dont seulement la moitié reposait sur des raisons
légitimes.
C'est ce que l'étude confirme. Vous me dites aujourd'hui qu'il n'y a pas de raisons illégitimes. Les raisons dites légitimes ne semblent pas avoir la même signification pour vous que pour le vérificateur général. Je voudrais d'abord demander au vérificateur général de définir ce qu'il entend par raisons légitimes ou illégitimes. Je pourrai par la suite entendre vos commentaires.
M. Denis Desautels: J'aimerais que Mme Barrados réponde à la question de M. Laurin.
Mme Maria Barrados (vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada): L'étude à laquelle fait allusion ce paragraphe a été faite par le Service correctionnel lui-même. L'information que M. Ingstrup divulgue au comité est nouvelle. C'est un changement de position, si vous voulez. L'observation qui figure dans le rapport a été basée sur les faits que nous avons constatés au moment de la vérification.
M. René Laurin: Dois-je comprendre que si vous rédigiez votre rapport aujourd'hui, vous n'écririez pas que la moitié des dérogations sont illégitimes?
Mme Maria Barrados: Non. M. Ingstrup a divulgué une nouvelle information. Si nous entreprenions une nouvelle vérification aujourd'hui, nous devrions nous pencher sur une autre question.
M. René Laurin: Mais à quelle nouvelle information faites-vous allusion? Je ne la vois pas.
Mme Maria Barrados: C'est l'information qu'il nous a divulguée pendant sa présentation, soit la décision du Service correctionnel d'entreprendre une autre étude sur l'échelle et d'adopter une approche différente.
M. René Laurin: Monsieur Ingstrup, puisqu'on laisse toujours un pouvoir discrétionnaire aux agents de libération conditionnelle, combien de ces 25 p. 100 de dérogations ne sont pas la conséquence d'une décision discrétionnaire?
Comm. Ole Ingstrup: Toutes les décisions, monsieur, sont le résultat d'une décision discrétionnaire de la part de la personne qui fait la classification. La différence dont on parle aujourd'hui, c'est que lorsque le Service correctionnel avait donné aux chercheurs l'objectif de développer un système de classification, nous avions précisé que nous désirions nous doter d'un outil qui nous permettrait de répartir les détenus de la façon suivante: 15 p. 100 dans les établissements à sécurité minimale, 73 p. 100 dans les établissements à sécurité moyenne et 12 p. 100 dans les établissements à sécurité maximale. C'était là la base du système de classification.
Nous nous sommes rendu compte que nous pouvions, de façon sûre et sécuritaire, héberger un plus grand nombre de détenus dans les établissements à sécurité moyenne et minimale. Nous constatons que le nombre d'évasions est le plus bas qu'on ait connu au cours des dix dernières années.
• 1630
Ces résultats ont été obtenus alors que 27 p. 100 des
détenus étaient hébergés dans des établissements à
sécurité minimale, 68 p. 100 dans des établissements à
sécurité moyenne et à peine 5 p. 100 dans des
établissements à sécurité maximale.
Cela a très bien fonctionné pendant
trois ans, et nous sommes en train de
recalibrer l'instrument pour refléter cette réalité.
Aussitôt que cet ajustement aura été fait, nous
espérons que le nombre de
dérogations sera minime.
M. René Laurin: Est-ce que dans le cadre de ce pouvoir discrétionnaire laissé aux agents, un seul agent prend une décision discrétionnaire ou s'il s'agit d'un comité de deux ou trois agents?
Comm. Ole Ingstrup: À l'heure actuelle, monsieur le président, un agent est le principal responsable qui détermine cette classification-là. Nous avons toutefois prévu que le surveillant ou la surveillante de cet agent ou agente de libération conditionnelle doit cosigner la classification finale. La responsabilité est donc partagée par deux paliers.
M. René Laurin: Est-ce que vous pourriez me donner un exemple de la façon dont on arrive à cette décision discrétionnaire?
Comm. Ole Ingstrup: Je pourrais vous donner quelques exemples. Prenons l'exemple d'un détenu qui aurait besoin d'être protégé des autres détenus. Ce type de protection existe peut-être dans une institution à sécurité moyenne, mais si on juge qu'il ne risque pas de s'évader, on pourra lui fournir ce type de protection dans un établissement dont la classification de sécurité est inférieure.
Il y a maints autres exemples. Si on prévoit que très peu de temps s'écoulera entre le moment où le détenu arrivera à l'établissement et le moment où il sera libéré d'office, ce qui veut dire qu'il y aura libération obligatoire, le risque d'évasion sera probablement très, très mince. Il s'agit de cas semblables à ceux-là.
[Traduction]
Le vice-président (M. Andrew Telegdi): Merci, monsieur Laurin.
Madame Barnes.
Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Merci. J'ai quelques questions à vous poser. Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins. Je vous demanderai de répondre brièvement et j'essaierai moi-même de poser des questions brèves.
Le rapport que nous étudions maintenant découle du chapitre 16 du rapport du vérificateur général de 1994. Je vais citer le paragraphe 16.73:
-
Si le Service correctionnel met en oeuvre cette nouvelle stratégie
de double occupation des cellules et de partage des locaux, il
pourrait éviter de dépenser des sommes importantes en
immobilisations pour la construction de nouvelles prisons à
l'avenir.
Plus loin dans le paragraphe, on parle du partage des locaux depuis les années 80:
-
[...] cette double occupation a permis au Service correctionnel
d'éviter des déboursés uniques éventuels d'environ 240 millions de
dollars en coûts d'immobilisations et de réduire les dépenses de
fonctionnement d'à peu près 60 millions de dollars par an.
Un peu plus loin dans le même paragraphe, on dit ceci:
-
[...] pour chaque détenu logé à deux par cellule, le Service évite
des coûts de 150 000 $ et réalise des économies annuelles en
dépenses de fonctionnement de 38 000 $.
C'est bien ce que vous dites dans votre rapport? Pouvez-vous nous dire si c'est bien le paragraphe 16.73?
M. Denis Desautels: Oui, monsieur le président, cela fait partie de la section qui porte sur la possibilité d'évitement des coûts.
Mme Sue Barnes: C'est là-dessus que je voulais une précision.
Je voudrais maintenant demander aux fonctionnaires du Service correctionnel de me donner les dimensions d'une cellule simple qui a été transformée en cellule pour partage des locaux. Quelles sont les dimensions de ces cellules?
Le commissaire Ole Ingstrup: Je ne peux pas vous donner les dimensions exactes, mais c'est à peu près une fois et demie la taille d'une cellule normale pour un seul détenu.
Mme Sue Barnes: Non, je parle de la cellule individuelle dans laquelle on a mis un lit étagé. Avez-vous agrandi la cellule?
Le commissaire Ole Ingstrup: Non. C'est pourquoi j'ai parlé de double occupation: nous avons simplement ajouté un lit étagé.
Mme Sue Barnes: Et quelles sont les dimensions de la cellule?
Le commissaire Ole Ingstrup: Je pense que c'est environ sept mètres carrés.
Mme Sue Barnes: Et dans cette espace, il y a deux lits étagés?
Le commissaire Ole Ingstrup: Je pense que c'est le cas, mais je peux vous donner le chiffre exact.
Mme Sue Barnes: Très bien. Est-ce que c'est très petit ou très grand?
Le commissaire Ole Ingstrup: C'est très petit.
Mme Sue Barnes: Est-ce qu'il y a deux lits et une toilette dans cet espace?
Le commissaire Ole Ingstrup: Dans certaines des cellules, oui.
Mme Sue Barnes: D'accord.
Vous nous avez déjà donné les pourcentages; je ne vais donc pas revenir là-dessus.
Quand vous passez à la double occupation, augmentez-vous toujours votre personnel en rapport avec le nombre de détenus?
Le commissaire Ole Ingstrup: C'est ce que nous essayons de faire. Nous avons des normes, mais il y a aussi des limites à ce que nous pouvons faire. Le nombre d'employés que nous avons est limité. C'est ce que nous essayons de faire et c'est ce qui figure dans notre plan général...
Mme Sue Barnes: Je sais que c'est dans le plan, mais est-ce que c'est fait?
Le commissaire Ole Ingstrup: Normalement oui. Je ne peux pas vous assurer que ça l'est dans tous les cas, parce que vous trouverez sans doute une exception.
Mme Sue Barnes: Très bien. Je vous dis d'emblée que je suis très heureuse de vous voir abandonner la double occupation. Je suis tout à fait contre. Pour moi, c'est mauvais pour le système carcéral et c'est une fausse économie. La double occupation ne permet de faire aucune économie.
On met des gens dans des prisons surpeuplées. Disposez-vous toujours des installations ou des moyens financiers pour augmenter de façon proportionnelle les programmes à l'intention des détenus?
Le commissaire Ole Ingstrup: Nous avons eu de la chance ces dernières années. Depuis dix ans, nous avons pu recalibrer notre budget. Une grande partie des sommes ont été affectées aux programmes et à ceux qui s'en chargent. À l'heure actuelle, on examine l'autre dimension, le personnel de première ligne; là aussi, les besoins sont pressants, surtout si l'on considère l'augmentation de la population carcérale.
Heureusement, à l'heure actuelle, monsieur le président et madame, la population carcérale est en légère diminution. Nous espérons aussi améliorer les choses en prenant plus au sérieux les recommandations du vérificateur général et en nous occupant des programmes. Nous essayons d'être plus systématiques.
Mme Sue Barnes: Combien de fois par année un détenu a-t-il droit à une audience de libération conditionnelle? Une fois par année?
Le commissaire Ole Ingstrup: Une fois par année normalement, je pense, sauf dans certains cas, où c'est une fois tous les deux ans.
Mme Sue Barnes: Lorsque vous évaluez les risques quand il s'agit de transférer un détenu d'une prison à sécurité maximum, disons, à un établissement de sécurité moyenne ou minimum, celui-ci doit-il réussir un cours de maîtrise de la colère ou...?
Le commissaire Ole Ingstrup: Oui, et cela peut parfois se traduire par un surclassement, lorsqu'un détenu pourrait aller dans un établissement à sécurité minimum et que nous voudrions plutôt le voir réussir un programme. Le détenu restera jusqu'à ce que ce soit fait.
Mme Sue Barnes: C'est donc dire que si vous n'avez pas suffisamment de moyens à l'interne et que le détenu ne peut pas suivre le programme, cela va sans doute retarder son passage d'une classe à une autre, n'est-ce pas?
Le commissaire Ole Ingstrup: Oui, mais en plus, cela va sans doute retarder la libération conditionnelle.
Mme Sue Barnes: Combien cela coûte-t-il par année d'incarcérer quelqu'un?
Le commissaire Ole Ingstrup: Cinquante milles dollars par personne en moyenne.
Mme Sue Barnes: À mon avis, la double occupation, si vous n'avez pas les ressources et les programmes nécessaires, paralyse la population carcérale au lieu de lui faire suivre la filière, ce qui en fait fait monter les coûts. Il n'y a donc pas que les coûts en capital ou d'infrastructure. Au bout du compte, vous maintenez les détenus dans le système, avec les coûts annuels que l'on sait.
Je pose la question au vérificateur général: dans votre rapport de 1994, en avez-vous tenu compte?
M. Denis Desautels: Monsieur le président, je crois que oui. Si l'on prend connaissance de tout ce que nous avions à dire à propos du coût de la double occupation ou du partage des locaux, nous reconnaissons soigneusement qu'une partie des coûts évités sont les coûts de construction non renouvelables, par exemple, et nous déclarons qu'il y a des coûts de fonctionnement qui pourraient aussi être évités.
Si vous allez plus loin, nous disons qu'il y a, au paragraphe 16.75, lieu de procéder avec prudence. Puis nous présentons l'autre côté de la médaille...
Mme Sue Barnes: Ce n'est pas ce que je dis. Je dis que dans votre rapport vous donnez un chiffre précis d'économies par année. Ma question est la suivante: Avez-vous tenu compte de ce que j'appelle les coûts accessoires attribuables à la violence dans un établissement? Avez-vous tenu compte du retard dans les programmes? Avez-vous tenu compte du fait que lorsque l'on fait de la double occupation, on ne peut pas automatiquement...
Je me suis rendue dans des établissements où le nombre de programmes n'augmente pas automatiquement. Des groupes de détenus m'ont dit qu'ils ne peuvent pas suivre les cours dont ils ont besoin pour avancer dans la filière, être entendus par la Commission des libérations conditionnelles et que c'est une autre année de perdue.
En avez-vous tenu compte? Je n'essaie pas d'attribuer des blâmes; j'essaie seulement de bien comprendre, parce que c'est très trompeur de dire que le système coûte moins cher.
M. Denis Desautels: Monsieur le président, je voudrais que notre position soit très claire. Si elle ne l'était pas, je vais essayer de la clarifier une autre fois.
Nous ne préconisons pas la double occupation ou le partage des locaux. Lorsque nous avons examiné le logement dans ce chapitre, nous avons décrit ce qui se faisait à l'époque et ce que cela coûtait. Nous avons essayé de montrer les deux côtés de la médaille, l'objectif étant d'illustrer la dichotomie entre ce qui se faisait et la politique officielle du Service correctionnel canadien.
Mme Sue Barnes: Cela, je l'ai compris. C'est l'autre chose qui n'est pas claire.
M. Denis Desautels: Pour ce qui est des autres conséquences, nous avons examiné les efforts de réinsertion sociale dans nos travaux ultérieurs. Je crois que les autres vérifications que nous avons faites, en 1994 et en 1996, ont tenu compte des facteurs qui ont joué dans les décisions prises au sujet de la garde.
Le vice-président (M. Andrew Telegdi): Merci, madame Barnes.
Le commissaire Ole Ingstrup: Monsieur le président, si vous me le permettez, je voudrais préciser que la double occupation à 25 p. 100 était bien la politique du Service correctionnel canadien à l'époque. Personne ne nous l'a imposée, et je suis coresponsable du changement de la politique. Personne ne nous l'a imposée.
Le vice-président (M. Andrew Telegdi): Merci.
Monsieur Mayfield.
M. Philip Mayfield (Cariboo—Chilcotin, Réf): Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Ingstrup, je trouve intéressant ce qui a été dit dans votre dialogue avec M. Laurin, et j'aimerais revenir là-dessus, si vous me le permettez.
Lorsque l'on a parlé des dérogations, je pense que vous avez dit que dans plus de la moitié des cas ceux qui étaient censés être transférés dans un établissement à sécurité maximum étaient en fait transférés à un établissement à sécurité moyenne ou minimum. La différence du coût de la supervision entre les divers types d'établissements est considérable. Il faut quelque chose comme huit employés pour surveiller dix détenus dans un établissement à sécurité maximum, n'est-ce pas?
Le coût de la surveillance des détenus est-il un facteur dans les dérogations? Est-ce une incitation au transfert des établissements à sécurité maximum vers les établissements à sécurité moyenne ou minimum?
Le commissaire Ole Ingstrup: Non, le coût n'est pas un facteur ici. Même si sur le long terme il y a une différence de coût importante, il ne faut pas oublier qu'un établissement à sécurité maximum occupé à 80 ou 90 p. 100 est presque aussi coûteux que s'il était occupé à 100 p. 100.
M. Philip Mayfield: Dans votre budget, donc, vous devez avoir un moyen d'estimer vos coûts de manière à avoir une idée du nombre de dérogations qu'il y aura. Ces dérogations les feront passer de la sécurité maximum à une catégorie inférieure, n'est-ce pas?
Le commissaire Ole Ingstrup: C'est l'une choses que le vérificateur général a signalées. Nous n'avons pas très bien réussi à le faire. Mais nous le faisons maintenant. Nous collaborons déjà avec le Conseil du Trésor pour établir une formule qui permette d'intégrer l'échelle de classement aux plans de logement à long terme. En gros, ce sera en place pour l'année 1999-2000. Ça l'est déjà en partie actuellement.
Ce qui explique la situation actuelle, c'est que lorsque des agents de libération conditionnelle avec une longue expérience examinent le cas de ces détenus, ils arrivent à la conclusion que tel ou tel détenu a été placé dans une classe trop élevée. Ils trouvent quantités de raisons pour conclure que l'individu ne correspond pas au type pour lequel l'échelle de classement a été conçue. Dans un certain sens, ils avaient raison, puisque le système marche très bien tel qu'il est, mais cela nous invite à revoir l'échelle de classement par niveau de sécurité qui, d'une certaine façon, pêche par excès de prudence.
M. Philip Mayfield: Laissez-moi aller un peu plus loin, dans ce cas. Si vous suivez les dépenses et si vous ne tenez pas compte du fait que les dérogations entraînent un déclassement, qu'arrive- t-il aux fonds budgetés pour les établissements de sécurité maximum alors que la moitié des détenus sont déclassés?
Le commissaire Ole Ingstrup: Le budget ne se fonde pas uniquement sur l'échelle de classement. Le budget s'articule autour de la réalité. Cela signifie que nous tenons compte du nombre attesté de dérogations dans nos plans.
Tout ce que nous faisons, c'est rapprocher l'échelle de classement de la réalité au lieu de forcer notre effectif à se servir d'une échelle qui est loin d'être idéale.
M. Philip Mayfield: Il y a un autre point relatif aux dérogations que j'aimerais aborder avant que mon temps de parole ne soit écoulé.
Dans la conception du nouvel outil relatif aux dérogations et au reclassement, je ne suis pas certain... j'ai cru comprendre que l'outil était déjà conçu ou en voie de l'être, mais qu'il n'avait pas été testé. Mais vous semblez avoir dit que cela avait été fait. Pourriez-vous me dire ce qu'il en est?
Le commissaire Ole Ingstrup: Oui, désolé. J'ai peut-être répondu un peu trop rapidement à l'invitation du président d'alléger mon exposé.
M. Philip Mayfield: Je voudrais savoir quand cet outil sera prêt à utiliser. Quand sera-t-il terminé?
Le commissaire Ole Ingstrup: Le premier outil dont nous allons parler, la recalibration de l'échelle de classement, devrait être prêt dans le courant de l'année. L'outil de reclassement qui prend en compte la peine et le comportement pendant l'incarcération fait actuellement l'objet de tests et, comme je l'ai dit tout à l'heure, il sera adopté intégralement partout au pays d'ici à la fin de l'année.
M. Philip Mayfield: Très bien, si c'est...
Le vice-président (M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.)): Désolé monsieur Mayfield, votre temps est écoulé.
M. Philip Mayfield: Pas de beaucoup.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur Pagtakhan.
M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord—St. Paul, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre exposé. Je m'excuse d'être arrivé en retard.
Le vérificateur général a parlé de la dichotomie qui existe parfois ou qui a existé entre la politique d'une part et les programmes et les opérations d'autre part. Existe-t-elle toujours?
Le commissaire Ole Ingstrup: Je ne sais pas exactement de quoi vous parlez. S'il s'agit de la sempiternelle question du respect des politiques, il est évident que notre organisation, comme toutes les autres, rencontre des difficultés de temps à autre. Les gens ne font pas toujours ce qu'ils sont censés faire. Nous avons pris des mesures importantes pour corriger la situation, mais nos vérifications nous montrent que la politique n'est pas toujours respectée à 100 p. 100.
M. Rey Pagtakhan: De fait, j'ai été frappé par ce que vous dites dans la conclusion de votre texte, à savoir que depuis que vous êtes revenu au Service correctionnel, dites-vous, «le gouvernement souhaitait, et je le souhaitais aussi, qu'il y ait moins de disparité dans les opérations correctionnelles».
Le commissaire Ole Ingstrup: Oui.
M. Rey Pagtakhan: Y a-t-il un conflit qui pousserait le personnel du Service correctionnel à déroger, si vous me passez l'expression, à la politique du gouvernement?
Le commissaire Ole Ingstrup: Non, ce n'est pas ce que je veux dire, mais vous comprendrez aisément qu'avec cinq régions, la mentalité peut évoluer différemment dans chacune d'elles. Avec le temps, on peut constater des différences statistiques d'une région à l'autre.
L'administration régionale est là pour répondre aux besoins locaux, et cela peut prendre des formes différentes. Moins il y a de rapports à produire ou de contrôles par l'administration centrale, plus le phénomène risque d'être important. Cela ne signifie pas qu'une région est meilleure qu'une autre; elles s'y prennent différemment, c'est tout.
M. Rey Pagtakhan: Vous avez dit que c'est votre souhait à tous les deux d'avoir moins de disparité dans les opérations correctionnelles à l'échelle du pays.
Le commissaire Ole Ingstrup: C'est juste.
M. Rey Pagtakhan: Cela peut évidemment s'interpréter de deux façons. Je veux dire que moins de disparité peut vouloir dire la meilleure qualité qui soit ou la pire qualité qui soit. Qu'en est-il?
Le commissaire Ole Ingstrup: Je vous remercie de votre question. Cela va me donner l'occasion d'apporter des précisions.
• 1650
Cela signifie qu'un délinquant placé dans une région donnée
devrait grosso modo recevoir le même traitement que s'il était
placé ailleurs.
Quelle que soit la politique, vous savez, il y a une certaine souplesse. Une région peut se situer à un extrême, une autre à l'autre. Cela ne signifie pas qu'elles contreviennent à la politique mais qu'elles l'appliquent différemment.
M. Rey Pagtakhan: J'ai une question à propos de la nécessité de disposer d'une information exacte et à jour à propos du classement et du placement des détenus pour les besoins de la gestion des coûts. Sert-elle à d'autres fins que la gestion des coûts?
Le commissaire Ole Ingstrup: L'information? C'est évidemment une façon pour nous de voir si l'échelle de classement est appliquée de façon uniforme d'un bout à l'autre du pays et de dégager des tendances à tel ou tel endroit.
Ce que nous voulons, c'est disposer d'un système de gestion qui permette aux administrateurs locaux de faire le plus possible. En contrepartie, il nous faut, nous, savoir ce qu'ils font. S'ils s'engagent dans la mauvaise voie, nous voulons pouvoir les ramener dans le droit chemin.
M. Rey Pagtakhan: Alors peut-être...
Le vice-président (M. Ivan Grose): Désolé, monsieur Pagtakhan, votre temps est écoulé.
M. Rey Pagtakhan: D'accord. Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur Myers.
M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'aimerais vous poser une question à propos de ce que vous avez dit concernant le nouveau système de reclassement. Je crois vous avoir entendu dire qu'il est actuellement mis à l'essai. Êtes- vous convaincu d'être sur la bonne voie?
Le comité s'est rendu compte que cette recommandation remontait à 1994. Ce n'est toujours pas chose faite. Pouvez-vous nous donner l'assurance que cela se fera cette fois-ci?
Le commissaire Ole Ingstrup: Cette question me préoccupe autant que vous, sinon plus, parce que c'est moi le responsable. J'ai rencontré hier les chargés de projet. Je leur ai posé la même question: «Respectons-nous nos échéanciers? Est-ce que je peux donner la promesse au comité demain que ce sera en place d'ici la fin de l'année?»
Imaginez-vous que je ne tiens pas particulièrement à revenir vous faire la même topo l'année prochaine. Ils m'ont promis que cela se fera et je vais suivre le dossier de près.
M. Lynn Myers: Vous nous en faites la promesse aujourd'hui?
Le commissaire Ole Ingstrup: Oui.
M. Lynn Myers: J'ai aussi une question à poser à propos des économies que vous avez réalisées ces dernières années. Pourriez- vous nous redonner le coût par détenu et aussi nous dire si vous entrevoyez d'autres économies d'échelle dans le système?
Par ailleurs, j'ai constaté avec intérêt récemment que la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et l'Ontario envisagent une forme ou une autre de privatisation et je me demandais si vous-même vous y songez.
Le commissaire Ole Ingstrup: Je peux donner le chiffre à propos du coût par délinquant. Je vais vous donner des chiffres arrondis, même si je peux vous donner les sommes exactes si vous le souhaitez.
Normalement, dans un établissement à sécurité maximum, cela coûte plus de 60 000 $ par année. Dans les établissements à sécurité moyenne, le chiffre varie entre 45 000 $ et 50 000 $. C'est aussi le cas pour les établissements à sécurité minimum.
Les établissements pour femmes sont particulièrement coûteux. Le traitement des délinquants sexuels dans des établissements spéciaux, dans des établissements psychiatriques à l'intérieur ou à l'extérieur du Service correctionnel coûte extrêmement cher. En revanche, ce sont des programmes très efficaces qui nous permettent d'économiser beaucoup d'argent sur le long terme et aussi de sauver beaucoup de vies.
Voilà pour cela. Nous vous donnerons des références utiles.
En ce qui concerne la privatisation, je pense que le Nouveau- Brunswick est revenu sur ses intentions après avoir étudié l'idée de plus près. À l'heure qu'il est, nous n'envisageons rien qui ressemblerait à la privatisation intégrale du service ou d'un établissement en particulier.
Par contre, il faut nuancer. Mon budget est d'environ 1,2 milliard de dollars. Dix pour cent environ, soit 120 millions, iront à l'extérieur de la fonction publique, à des fournisseurs et à des services d'entretien; nous avons aussi une relation de travail précieuse et très importante avec plus de 160 maisons de transition exploitées par la Société John Howard, l'Armée du Salut, la Société Elizabeth Fry, etc. Il faut donc nuancer.
• 1655
Personnellement, je pense que nous devons répondre à un
certain nombre de questions très importantes avant de songer à
privatiser une organisation. En particulier, il faut réfléchir au
concept de l'État. Si les intrusions les plus graves qui soient
dans la vie des citoyens sont privatisées, cela change-t-il le rôle
de l'État? Ce n'est pas à moi à répondre à la question, mais il
faudra y réfléchir sérieusement.
Il ne fait pas de doute qu'aux États-Unis certains établissements sont très bien administrés par des exploitants privés. Cela ne fait pas de doute. C'est aussi le cas en Angleterre. Je crois toutefois que le service correctionnel canadien peut amplement soutenir la comparaison avec ces exploitants parce que le coût n'est pas le seul facteur en cause. Il y a aussi ce que nous faisons à l'intérieur de ces établissements.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Votre temps est écoulé, monsieur Myers.
Monsieur Thompson.
M. Myron Thompson: Je veux poser mes questions très rapidement, Ole, alors je vous demande d'être aussi bref dans vos réponses. Quatre minutes, c'est très court.
Le commissaire Ole Ingstrup: Ce n'est pas beaucoup.
M. Myron Thompson: On a demandé aux comités de détenus de partout au pays de nous dire ce qu'ils considèrent être le plus gros problème. D'abord, un trop grand nombre de détenus n'ont pas d'instruction et sont illettrés. Deuxièmement, ils n'ont aucun métier et sont incapables de faire une honnête journée de travail. Troisièmement, beaucoup d'entre eux sont toxicomanes ou alcooliques. Ce qu'ils disent, c'est que ces problèmes sont délaissés à cause de l'accent trop important mis sur l'apprentissage cognitif des connaissances. Avez-vous déjà entendu parler du programme qui incorpore les compétences cognitives aux autres programmes pour obtenir des résultats sur les deux plans, ce qui permet de gagner beaucoup de temps et d'économiser beaucoup d'énergie? Ils disent que l'apprentissage cognitif des compétences devient un jeu qu'ils apprennent à jouer.
Le commissaire Ole Ingstrup: Je serai aussi bref que possible. Je suis certain qu'ils savent jouer le jeu, mais peu importe, parce qu'au bout du compte ils récidivent moins. Les faits le prouvent. Vous avez raison, l'apprentissage cognitif des compétences à lui seul ne suffira pas.
Au fait, nous avons des programmes de réadaptation à la fois pour les alcooliques et les toxicomanes et, oui, nous les combinons au programme d'apprentissage cognitif.
Vous avez tout à fait raison de dire que nous devrions faire davantage pour instruire les détenus et nous allons le faire. Il faudrait faire davantage pour leur apprendre un métier dont ils puissent se servir après leur libération, et c'est ce que nous allons faire. J'ai demandé au Service correctionnel du Canada d'élargir son mandat à ce chapitre.
M. Myron Thompson: Il est certain que la criminalité coûte plus cher que l'incarcération et la réinsertion sociale.
Le commissaire Ole Ingstrup: C'est juste.
M. Myron Thompson: Faisons donc les choses comme il faut. Tout le monde est d'accord avec cela, je crois.
En ce qui concerne le GIT, je vous encourage à faire le tour et à voir en quoi chacun est différent. Allez à Warkworth, où ils n'ont pas réussi du tout à mettre sur pied un bon GIT. Cela tient au fait que l'établissement est isolé des autres et ne peut pas compter sur autrui. Il a besoin d'aide. Pour monter un bon GIT, il lui faudra de l'aide. Je vous encourage à le faire.
Le dernier point que je vais soulever aujourd'hui a trait à quelque chose de très étrange que j'ai entendu lors d'une audience de libération conditionnelle à Bowden. Le détenu demandait une permission de sortir avec escorte et cela lui a été refusé. J'ai parlé à l'agent d'examen des cas après coup et il m'a dit que la difficulté dans le cas de ce détenu, c'est qu'il n'avait aucune chance de survivre à l'extérieur. Il y en a qui veulent lui faire la peau parce qu'il a accumulé 80 000 $ de dettes en achat de drogue dans les quatorze ans qu'il a passés en prison. Comment un détenu peut-il accumuler 80 000 $ de dettes en prison? Pouvez-vous m'expliquer cela?
Le commissaire Ole Ingstrup: Parmi les détenus, il y en a qui ont tendance à dramatiser. Quant à savoir si c'est vrai ou pas, je ne saurais le dire. Je ne connais pas ce cas. Mais il ne fait pas de doute, monsieur Thompson, qu'il y a de la drogue dans nos établissements. Nous réussissons assez bien à réduire le nombre de consommateurs, mais cela va continuer d'exister. Ils nous arrivent déjà alcooliques ou toxicomanes.
M. Myron Thompson: Vous attaquez-vous aussi au crime organisé?
Le commissaire Ole Ingstrup: Nous faisons ce que nous pouvons faire à l'intérieur, mais, comme vous le savez, c'est là une question qui dépasse le champ strict du Service correctionnel.
M. Myron Thompson: Tout à fait.
Le commissaire Ole Ingstrup: Je tiens toutefois à préciser, comme vous avez pu le constater, qu'un des principaux objectifs de mon ministre, M. Scott, est le crime organisé et l'efficacité du Service correctionnel en est un autre. De toute évidence, le commissaire de la GRC et moi-même travaillons ensemble à cet égard.
M. Myron Thompson: Il y en a un qui entrave le travail de l'autre, d'après ce que je comprends et d'après ce qu'il nous indique. Le crime organisé entrave l'efficacité du Service correctionnel.
Le commissaire Ole Ingstrup: Il y a manifestement des problèmes à cet égard.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Vous avez dépassé le temps qui vous était alloué, monsieur Thompson. Merci.
Je crois que vous avez oublié un des facteurs les plus importants, à savoir la maladie mentale.
[Français]
Monsieur Laurin.
M. René Laurin: Allons-y pour des questions courtes et des réponses courtes, s'il vous plaît.
En ce qui concerne les dérogations, vous dites que si on recalibre les seuils de détermination, le nombre de dérogations s'en trouvera probablement réduit. Le pourcentage est de 25 p. 100 maintenant. Quel est votre objectif?
Comm. Ole Ingstrup: Selon les normes internationales, un taux de dérogation de 15 p. 100 est acceptable.
M. René Laurin: Quand pensez-vous atteindre ce seuil?
Comm. Ole Ingstrup: C'est ce qu'on va implanter aussitôt que possible cette année. C'est ce que j'ai promis.
M. René Laurin: Bon. Maintenant, vous dites avoir établi une liste de motifs justifiant une dérogation à l'échelle. Est-ce que cette liste de motifs est très élaborée?
Comm. Ole Ingstrup: On peut vous donner un exemplaire de la liste. Je l'ai devant moi.
M. René Laurin: Je ne veux pas que vous en fassiez une lecture exhaustive. J'ai seulement quatre minutes et je manquerais de temps.
Comm. Ole Ingstrup: Je peux vous donner...
M. René Laurin: Vous m'avez donné un exemple, celui de la protection du prisonnier. Cela pourrait être une dérogation pour aller à l'infirmerie, j'imagine, ou des choses comme celle-là.
Comm. Ole Ingstrup: Ce pourrait être un ordre de déportation. Il y a des gens qui sont à 5 p. 100 d'une classification de sécurité plus basse. Il y a aussi d'autres éléments.
M. René Laurin: Combien y a-t-il de motifs dans votre liste?
Comm. Ole Ingstrup: Je pense qu'il y en a une dizaine.
M. René Laurin: Une dizaine de motifs. Est-ce qu'en vertu de son pouvoir discrétionnaire, un agent pourrait accorder une dérogation pour un motif qui ne figurerait pas dans la liste?
Comm. Ole Ingstrup: On a un groupe qui s'appelle «autres», mais l'individu doit expliquer par écrit pourquoi il a accordé la dérogation et son superviseur doit donner son approbation. Dans le système de surveillance à Ottawa, on va voir si c'est un groupe qui en train d'augmenter.
M. René Laurin: Donc, lorsqu'une dérogation est accordée pour un motif discrétionnaire, il y a dans le système un mécanisme qui permet à un supérieur de juger si la dérogation a été accordée selon des motifs valables ou pas.
Comm. Ole Ingstrup: Absolument.
M. René Laurin: Est-ce que ce système pourrait permettre à un agent, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, d'accorder des faveurs à un prisonnier sans avoir à en rendre compte à qui que ce soit?
Comm. Ole Ingstrup: On ne parle pas normalement des faveurs, mais il y a des droits et des options qui sont prévus dans nos politiques. Toutes nos politiques ont un élément discrétionnaire, parce qu'on travaille dans la vie réelle. Cela veut dire qu'on ne peut pas avoir des règles trop rigides.
M. René Laurin: D'accord. Donc, ça pourrait arriver.
Comm. Ole Ingstrup: Ça peut arriver, car il y a toujours un élément de discrétion subjective. J'aimerais vous dire que les résultats sont extraordinaires à l'heure actuelle.
M. René Laurin: Bon. Voici ma dernière question. Il y a un nouveau pénitencier pour femmes qui a été inauguré à Joliette il y a un an.
Comm. Ole Ingstrup: Oui.
M. René Laurin: J'aimerais savoir si depuis l'ouverture, non pas l'ouverture officielle parce qu'il n'y en a pas eu étant donné que ce n'est pas un député libéral qui représente la circonscription, mais l'ouverture non officielle, le fonctionnement de cette prison est conforme aux normes nationales de gestion, de sécurité, etc.
• 1705
J'aimerais avoir vos
commentaires là-dessus.
Comm. Ole Ingstrup: J'ai l'impression, monsieur, que l'institution de Joliette fonctionne très bien. J'ai visité cette institution il y a quelques semaines et j'ai parlé avec des employés, avec la gestion et aussi avec des détenues. Il me semble que le système fonctionne selon la mission qu'on a établie pour cette institution-là. Grosso modo, elle fonctionne de la même façon que les institutions d'Edmonton et de Kitchener.
M. René Laurin: Est-ce qu'il y a eu des évasions, jusqu'à maintenant, au pénitencier de Joliette?
Comm. Ole Ingstrup: Pas que je sache.
M. René Laurin: Il n'y a pas eu d'évasions?
Comm. Ole Ingstrup: Je ne le pense pas.
Mme Lynn Balice (directrice, Liaison ministérielle, Service correctionnel du Canada): Je pense que non.
Comm. Ole Ingstrup: Non.
M. René Laurin: D'accord. Je vous remercie.
[Traduction]
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Laurin.
Monsieur Mayfield.
M. Philip Mayfield: J'ai du mal à comprendre ce qu'il en est de ces dérogations. En tant que profane, je suis vraiment très préoccupé par les dérogations, car il ne s'agit pas simplement de ramener le détenu d'un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité minimale, pour quelque raison que ce soit. Il s'agit de ces détenus qui sont libérés alors qu'ils ne se sont pas conformés aux attentes de ceux qui avaient fait le classement, si bien qu'ils commettent de nouveaux actes de violence et de nouveaux actes criminels.
En ma qualité de député, j'ai eu personnellement connaissance d'un individu qui avait été jugé contrevenant dangereux et qui avait été envoyé en prison. Ceux qui en ont la garde me disent que c'est un détenu modèle. Il suit tous les cours et sera sans doute libéré à cause de cela, mais ses gardiens ont de bonnes raisons de croire qu'il récidivera. Je ne peux pas vous dire combien de jeunes gens il a détruits et blessés, et ce, pour le reste de leur vie. Voilà ce qui m'inquiète au sujet du système de classement.
Je voudrais savoir pourquoi il y a dérogation dans 50 p. 100 des cas, comme vous l'avez dit, alors que, d'après le rapport du vérificateur général, il semblait y avoir dérogation dans 26 p. 100 environ des cas. Les représentants du bureau du vérificateur nous disent qu'à 15 p. 100 ou 20 p. 100, il devrait y avoir un mécanisme qui déclencherait un examen par la direction, car il semble qu'on déroge de façon assez arbitraire au classement initial qui est fait quand la personne est placée sous garde, et ce, sans se reporter à des lignes directrices claires.
Je voudrais savoir pourquoi, alors qu'il existe une méthode qui permet de classer les détenus quand ils arrivent en prison, quelqu'un peut simplement décider de déroger à ce classement sans devoir nécessairement se reporter à des lignes directrices ou à un instrument quelconque. Il me semble que le jugement subjectif joue un rôle beaucoup trop important et que les conséquences sont bien trop graves. J'aimerais une réponse à cette question. Pouvez-vous me dire pourquoi il en est ainsi?
Le commissaire Ole Ingstrup: Certainement. En ce qui a trait à la première question concernant le classement selon le niveau de sécurité et la libération, je vous ferai remarquer que l'échelle de classement selon le niveau de sécurité ne s'applique pas à l'évaluation des contrevenants au moment de leur libération. C'est un tout autre ensemble d'outils qui sert à cette évaluation. Nous pouvons en parler, mais ces outils n'ont rien à voir avec les outils servant au classement initial.
Par ailleurs, certains détenus considérés comme des contrevenants dangereux sont des détenus modèles. Mais cela ne veut pas dire qu'ils seront libérés. Si nous jugeons qu'ils sont dangereux au moment où ils seraient normalement libérés, ils peuvent être des détenus modèles tant qu'ils veulent, peu importe. Ce qui importe, c'est le risque qu'ils posent pour la société. Dans le cas des contrevenants dangereux, il est évident qu'ils ne sont pas automatiquement libérés puisqu'ils ont une peine d'une durée indéterminée.
En réponse à la troisième question que vous avez posée, et j'espère que le vérificateur général me corrigera si je me trompe, le vérificateur général dit en fait que le service a un système en place et qu'il y déroge dans 26 p. 100 des cas environ, et que cela n'est pas acceptable. Nous sommes d'accord avec lui.
• 1710
Nous examinons l'écart attribuable aux pouvoirs
discrétionnaires des agents de libération conditionnelle, et nous
nous demandons: est-ce l'échelle qu'il faudrait changer parce
qu'elle n'est pas compatible avec un système correctionnel
efficace? Ou est-ce nos gens qui n'appliquent pas bien l'échelle?
Nous concluons que c'est l'échelle qui n'est pas satisfaisante, c'est pourquoi nous avons décidé de la changer. Une fois que nous l'aurons changée, nous prévoyons que l'écart sera moins important.
Pour ce qui est de votre dernière question, je dois dire, monsieur, que nous nous rendons compte qu'il s'agit de personnes qui peuvent présenter un risque considérable. Le système existant, même compte tenu de l'écart entre l'échelle et le résultat des décisions des agents de libération conditionnelle, nous assure un niveau de sécurité très, très élevé. Le système fonctionne donc bien.
M. Philip Mayfield: Il n'en reste pas moins que nous lisons dans les journaux quelles en sont les conséquences.
J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je voudrais qu'on demande aux témoins, si possible, de la documentation sur le système de classement et le système qui permet d'en arriver à un nouveau classement, afin que le comité puisse les examiner.
Je dois avouer que j'ai du mal à bien saisir ce dont il s'agit. J'aimerais pouvoir regarder les documents. Ces documents pourraient-ils être déposés auprès du comité, s'il vous plaît?
Le vice-président (M. Ivan Grose): Certainement.
M. Philip Mayfield: Merci beaucoup.
Le commissaire Ole Ingstrup: Nous pouvons le faire dès maintenant. Nous avions prévu que la requête pouvait être faite et nous pourrions donc faire venir les documents. Nous serions heureux de...
M. Philip Mayfield: C'est formidable. Merci.
Le commissaire Ole Ingstrup: Il n'y a pas de quoi. Je serais heureux de vous parler de ces documents aussi.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur Pagtakhan, s'il vous plaît.
M. Rey Pagtakhan: Merci, monsieur le président.
À partir du moment où le détenu commence à purger sa peine jusqu'au moment où il est libéré, il y a divers chapitres qui se succèdent pendant cette période. Quel que soit l'échelonnement de la peine, ma question est la suivante.
Premièrement, quand ils sont libérés, combien de contrevenants se révèlent plus tard avoir été effectivement «corrigés» et combien se révèlent avoir été mal «corrigés»?
Le commissaire Ole Ingstrup: Oui, nous pouvons vous donner le chiffre le plus récent que nous avons. L'échantillon est considérable: 71 000.
M. Rey Pagtakhan: Je voudrais connaître les proportions.
Le commissaire Ole Ingstrup: Sur les 71 000, 18 p. 100 ont commis une nouvelle infraction pendant qu'ils étaient toujours sous notre surveillance. C'est là, à ma connaissance, un des meilleurs pourcentages qu'on puisse trouver.
Le pourcentage varie toutefois selon les niveaux.
M. Rey Pagtakhan: Non, avant que vous n'abordiez ce sujet, les 18 p. 100 qui avaient été mal «corrigés» ont commis une autre infraction. Si nous partons du principe que même le fait de commettre une infraction différente montre que le contrevenant a été mal «corrigé», combien de ces cas auriez-vous pu prévoir?
Le commissaire Ole Ingstrup: Nous n'aurions pas pu les prévoir, parce que ce que nous faisons...
M. Rey Pagtakhan: Non, ça va. Oubliez ce «parce que». La question est la suivante: cherchez-vous à déterminer quels sont les facteurs de risque?
Le commissaire Ole Ingstrup: Absolument.
M. Rey Pagtakhan: D'accord. À ce jour, quels sont les facteurs de risque que vous auriez pu déterminer et que vous n'avez pas su déterminer?
Le commissaire Ole Ingstrup: Je ne crois pas pouvoir vous donner cette information. Je peux toujours vous dire que nous avons ce que nous appelons des outils qui permettent de prévoir le risque pour la société, non seulement pour les détenus en libération conditionnelle mais aussi pour ceux qui sont réintégrés dans la société.
Bien entendu, il ne s'agit pas d'une science exacte. Ce sont des outils que nous avons élaborés, mais je peux vous dire que partout on s'inspire du programme que nous avons mis en place.
M. Rey Pagtakhan: L'expérience que vous avez acquise vous a-t-elle amenés à modifier votre approche?
Le commissaire Ole Ingstrup: Oui, nous modifions constamment notre approche.
M. Rey Pagtakhan: Ces modifications se trouvent documentées dans l'évaluation de votre rendement et le vérificateur général pourrait à l'avenir consulter les documents en question?
Le commissaire Ole Ingstrup: Non, ils sont...
M. Rey Pagtakhan: Comment savez-vous alors que votre approche est effectivement la meilleure possible et qu'elle est appliquée de la meilleure façon possible?
Le commissaire Ole Ingstrup: Eh bien, la seule façon serait de m'asseoir avec vous et de vous expliquer ce que nous faisons. Je pourrais vous décrire nos activités et comment nous les menons. Nous serions très heureux d'organiser une séance d'information avec vous.
M. Rey Pagtakhan: Vous avez fait allusion à plusieurs facteurs: l'analphabétisme, le manque d'instruction, la drogue et l'endettement. Bien sûr, vous avez mentionné le personnel, mais nous n'avons pas examiné la question.
Y a-t-il des problèmes avec le personnel? Il ne s'agit pas tant du nombre de cours de formation continue qui sont offerts, mais plutôt de la qualité de ces cours. Autrement dit, dans n'importe quelle école, si 50 élèves sont en train d'échouer, on se pose des questions sur l'enseignant aussi. Devrions-nous appliquer ce critère? Devrions-nous évaluer la qualité de la formation fournie?
Le commissaire Ole Ingstrup: Oui, nous le faisons.
M. Rey Pagtakhan: Quel pourcentage a besoin de formation continue?
Le commissaire Ole Ingstrup: Je n'ai pas de chiffres. Je ne pourrais vous donner des chiffres qui seraient...
M. Rey Pagtakhan: Avez-vous des estimations?
Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur Pagtakhan, votre temps est épuisé.
M. Rey Pagtakhan: Avec l'indulgence du président...
Le vice-président (M. Ivan Grose): Allez-y.
M. Rey Pagtakhan: Merci, monsieur le président.
Comment pourrions-nous améliorer le système? Autrement dit, avez-vous un programme de formation professionnelle continue pour le personnel?
Le commissaire Ole Ingstrup: Oui.
M. Rey Pagtakhan: Le personnel profite-t-il des cours de formation continue?
Le commissaire Ole Ingstrup: Oui.
M. Rey Pagtakhan: En fait, qui suit les cours de formation professionnelle? Les employés qui ont des lacunes? Ou est-ce que les employés qui ont des lacunes sont ceux qui n'aiment pas suivre des cours?
Le commissaire Ole Ingstrup: Monsieur le président, je fais de mon mieux pour me préparer pour ces audiences, mais je ne m'attendais pas à des questions sur la formation aujourd'hui. Donc, je n'ai pas ces informations.
M. Rey Pagtakhan: Je suis désolé. Je pensais tout simplement que...
Le commissaire Ole Ingstrup: Je vais m'informer et vous donner des informations sur la question.
M. Rey Pagtakhan: Alors, monsieur le président, ma dernière question porte sur...
Le vice-président (M. Ivan Grose): Vous avez amplement dépassé votre temps. Je vais essayer de vous donner la parole plus tard.
M. Mayfield est le prochain, mais M. Thompson est arrivé.
M. Myron Thompson: J'ai une question à vous poser rapidement. Pour revenir à l'établissement de Kent, il paraît que le Service correctionnel a vidé une unité et se prépare à recevoir des détenus qui n'ont pas respecté leurs conditions de libération conditionnelle. On va les remettre dans cette unité. Êtes-vous au courant de ce projet?
Le commissaire Ole Ingstrup: Je crois comprendre qu'une unité à Kent sera utilisée pour des détenus temporaires.
M. Myron Thompson: D'accord. Les détenus y resteraient pour une semaine ou deux, ou quelque chose du genre. Ils suivaient à nouveau des cours de maîtrise de la colère ou des cours d'apprentissage cognitif des compétences.
L'établissement a inscrit 10 000 $ de téléviseurs à son budget pour cette unité. Quand j'ai posé des questions, voici ce qu'on m'a répondu: «Il nous faut les téléviseurs parce que c'est la seule façon de les garder tranquilles». Voilà la réponse de la direction de l'établissement: il nous faut faire quelque chose avec eux pendant ce temps; donc, nous allons offrir quelques heures d'apprentissage cognitif ou les détenus pourront suivre des cours qu'ils ont déjà suivis pour se rafraîchir la mémoire. Est-ce sensé? Vous dépensez de l'argent pour acheter des téléviseurs pour calmer des gens qui n'ont même pas respecté leurs conditions de libération. Dites-moi, je vous en prie, en quoi cela va contribuer à les réadapter. Quelle sorte de programme constructif est-ce là?
Le commissaire Ole Ingstrup: Cela fait partie de la vie moderne. Les gens font ce qui se fait dans la société. Ces détenus vont réintégrer la société. Ils doivent savoir comment elle fonctionne. Quant à savoir si la télévision les calmera, on peut toujours...
M. Myron Thompson: Vos gens ont dit que c'était pour ça.
Le commissaire Ole Ingstrup: C'est possible. Cela ne veut pas forcément dire que je suis du même avis. À mon sens, être informé de ce qui se pose dans la société, c'est presque un droit de la personne.
M. Myron Thompson: Deux heures de travail constructif sur 22 heures avec des siestes et la télévision? Franchement!
Le commissaire Ole Ingstrup: Dans les établissements à sécurité maximale...
M. Myron Thompson: Pourquoi est-ce que vous ne mettez pas sur pied un programme constructif pour eux, disons huit heures de sommeil, peut-être huit heures de travail constructif, suivies par quelques heures pour la télévision et la détente et les nouvelles, comme c'est le cas pour tous les autres membres de la société?
Le commissaire Ole Ingstrup: En fait, c'est exactement à cela que nous songeons. Je suis d'accord avec vous. Je n'aime pas voir les gens se tourner les pouces dans les établissements. Mais c'est extrêmement difficile de trouver du travail pour les contrevenants sans faire concurrence à des intérêts privés, du travail utile... C'est facile de dire que les gens devraient travailler, mais c'est beaucoup plus difficile de leur trouver du travail. Nous nous y employons activement.
M. Myron Thompson: L'instruction, la lutte contre la toxicomanie et d'autres grands problèmes—vous étiez même en faveur de toutes ces initiatives. Pourquoi ne pas offrir plus de cours? Pourquoi ne pas offrir d'autres programmes de lutte contre la toxicomanie?
Le commissaire Ole Ingstrup: Vous avez tout à fait raison.
M. Myron Thompson: Alors, pourquoi est-ce que vous ne faites pas cela? Pourquoi dites-vous que vous allez seulement offrir ce tout petit programme, et le reste du temps les détenus vont regarder la télévision?
Le commissaire Ole Ingstrup: Je serais étonné que le programme se résume à cela, je vais m'informer auprès des gens de l'établissement.
M. Myron Thompson: J'espère que vous allez le faire. Ce serait une bonne chose.
Le vice-président (M. Andrew Telegdi): Merci, monsieur Thompson.
Monsieur Mayfield, comme vous n'étiez pas ici, vous avez manqué votre tour.
M. Philip Mayfield: D'accord.
Monsieur le président, j'ai demandé des informations sur les systèmes de classement et de reclassement, et je voudrais bien recevoir ces informations, mais je voudrais également m'assurer que ces systèmes comportent vos nouveaux projets. Est-ce qu'ils se retrouvent également dans ces systèmes?
Le commissaire Ole Ingstrup: Nous allons vous envoyer ces informations sans faute, pour que vous puissiez voir exactement en quoi consistent nos activités.
M. Philip Mayfield: Quand j'ai posé mes premières questions, je n'ai pas tout à fait compris...
M. Rey Pagtakhan: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Avant que je n'oublie, et avec tout le respect que je vous dois, je voudrais également demander que le commissaire nous envoie une réponse détaillée, par écrit, à mes questions. Merci.
M. Philip Mayfield: Monsieur le président, cette fois, je voudrais poser des questions au vérificateur général et à ses fonctionnaires, si vous me le permettez. Quand on dresse un budget, il faut savoir combien d'argent on a à dépenser, et ensuite, on doit savoir plus ou moins comment on va le dépenser. Je crois avoir entendu le commissaire dire que les détenus sont classés ou reclassés sans égard au budget ou aux coûts, mais j'ai du mal à comprendre comment on peut classer les détenus en faisant totalement abstraction des coûts.
La réalité financière, c'est que si l'argent manque, ou si le budget est très serré, il me semble qu'il faudrait reclasser certains détenus afin de réduire les coûts.
Croyez-vous que cela se fait dans le système correctionnel?
Mme Maria Barrados: Très rapidement, j'ai deux observations pour répondre à la question.
Manifestement, le classement des détenus aura un impact sur les besoins en logement, ce qui a un impact sur les coûts. C'est très logique. Mais le commissaire pourrait peut-être expliquer pourquoi l'échelle de classement par niveau de sécurité est structurée comme elle l'est. Je ne connais pas l'échelle aussi bien que lui, mais je crois qu'elle dépend des locaux disponibles, des détenus dans les établissements et des considérations administratives. L'élément clé, c'est la combinaison de ces facteurs.
M. Philip Mayfield: Pourriez-vous nous fournir ces précisions, s'il vous plaît, monsieur?
Le commissaire Ole Ingstrup: Certainement. Je le ferai avec plaisir. L'article 4 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition nous oblige à nous servir de la méthode la moins restrictive possible compatible avec la nécessité d'assurer la protection du public. Cela veut dire qu'on ne doit pas incarcérer une personne dans un établissement à sécurité maximale si elle peut l'être dans un établissement à sécurité moyenne, ou dans un établissement à sécurité moyenne si elle peut purger sa peine en toute sécurité dans un établissement à sécurité minimale. Cela ne constitue pas seulement une très bonne politique en matière correctionnelle; c'est aussi une bonne mesure sur le plan économique, parce que normalement les niveaux de sécurité plus élevés coûtent plus cher que les niveaux de sécurité moins élevés. Alors, les deux choses se déroulent en parallèle et font intervenir le facteur coûts et la philosophie du système correctionnel.
Ce que j'ai dit plus tôt, monsieur, c'est que l'agent de liberté conditionnelle ne dira pas: «Je crois que cette personne devrait être dans un établissement à sécurité maximale, mais pour économiser quelques dollars, je vais plutôt la mettre dans un établissement à sécurité moyenne». Cela ne se passe pas comme ça. Dans la planification globale et pour la mise en application générale de la loi adoptée par le Parlement, nous essayons évidemment d'utiliser la démarche la moins restrictive possible, ce qui convient aussi du point de vue de l'économie.
M. Philip Mayfield: Ce que j'ai de la difficulté à comprendre, c'est que quelqu'un pourrait être classé au niveau maximal... On nous dit que le programme de réinsertion sociale n'est pas si formidable que cela et pourtant 50 p. 100 des détenus sont reclassés à des niveaux de sécurité inférieurs. Cela m'étonne.
Le commissaire Ole Ingstrup: Oui, mais ce n'est pas ce qui se passe. Nous disons que...
M. Philip Mayfield: Vous avez dit que cela se faisait dans plus de 50 p. 100 des cas.
Le commissaire Ole Ingstrup: Non. J'ai dit que lorsque d'après l'échelle de classement une personne est censée aller dans un établissement à sécurité maximale, dans à peu près 50 p. 100 de ces cas, les agents de liberté conditionnelle et les surveillants utilisent leur pouvoir discrétionnaire pour décider que la sécurité maximale n'est pas nécessaire pour ces personnes. On peut les loger dans un établissement à sécurité moyenne. Alors, elles ne seront pas incarcérées au niveau de sécurité maximale, elles seront placées dans un établissement à sécurité moyenne. Il ne s'agit pas d'un reclassement; il s'agit d'un placement et d'un classement.
M. Philip Mayfield: Alors, dans ce cas, l'outil de classement initial n'est pas correct.
Le commissaire Ole Ingstrup: C'est justement ce que nous disons. L'outil préconise des niveaux de sécurité plus élevés que nécessaire. Nous fondons ce jugement sur l'énorme succès que nous obtenons tant dans les établissements à sécurité moyenne que dans les établissements à sécurité minimale. Ce succès montre qu'un système de classement moins élevé est tout à fait compatible avec la sécurité du public.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Je vais demander à nos témoins d'avoir l'obligeance de nous accorder jusqu'à moins vingt. Je sais que c'est inhabituel, mais nous étions en retard. Ce n'était pas de votre faute, ni de la nôtre. Je vous en saurais gré, et je vous garantis pouvoir partir à 17 h 40.
Monsieur Laurin, pourriez-vous poser des questions qui ne nécessitent qu'un oui ou un non?
M. René Laurin: Oui, je n'ai que deux courtes questions.
[Français]
L'échelle de classement est l'instrument de reclassement que vous mettrez en place pour le 31 décembre 1998. Vous dites que ce sera fondé sur le principe de l'objectivité. Par contre, vous dites que vous n'avez pas l'intention de retirer à vos agents de libération conditionnelle leur pouvoir discrétionnaire. Comment peut-on concilier ces deux choses? J'attends une réponse.
J'ai une autre courte question. En 1994, le vérificateur général vous demandait de mettre au point ces instruments, mais ils ne seront prêts qu'au 31 décembre 1998. Pourquoi vous a-t-il fallu autant de temps? Ce sont mes deux questions.
Comm. Ole Ingstrup: Pour répondre à la première question, que je préfère, le système de classification est une aide. Ce n'est pas la réponse finale. Ce n'est pas un système rigide. C'est un outil qui peut aider nos agents de libération conditionnelle à prendre la bonne décision. Cependant, il faut toujours une évaluation de la part du professionnel. Ce qu'il nous faut, c'est cette combinaison des faits, des instruments objectifs et du jugement d'un professionnel expérimenté.
Le problème qu'on voit à l'heure actuelle et qui a été signalé par le vérificateur général, c'est qu'il y a trop de distance entre les deux. C'est ce qu'on est en train de régler.
Pour ce qui est de votre deuxième question, la seule chose que je puisse vous dire, monsieur, c'est que je regrette que cela ait pris autant de temps. Maintenant, on travaille très fort pour...
M. René Laurin: Comment expliquez-vous que cela ait pris tant de temps?
Comm. Ole Ingstrup: Je n'ai pas fait d'analyse détaillée de la façon dont cela s'est produit, mais c'est une chose qui est arrivée. On travaille aussi fort que possible et on peut vous assurer qu'on va avoir un bon système d'ici la fin de l'année. Mais cette méthode n'est pas acceptable et je regrette qu'on n'ait pas pu avoir une meilleure performance.
M. René Laurin: Vous n'avez rien à dire pour votre défense. Vous n'avez aucune raison à nous donner.
Comm. Ole Ingstrup: Je pourrais probablement trouver des raisons, mais je préfère tout simplement dire que je m'excuse, au nom du Service, de ne pas avoir travaillé plus rapidement.
[Traduction]
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Laurin.
Monsieur Pagtakhan, une question.
M. Rey Pagtakhan: Merci, monsieur le président.
D'abord, j'aimerais vous féliciter de votre ouverture. Cela témoigne certainement d'un bon leadership.
Ma question concerne votre affirmation selon laquelle la double occupation ne convient pas pour le logement permanent. Je présume que cela tient compte des normes minimales des Nations Unies et des normes de l'Association canadienne de justice pénale, et que cela découle du fait que cela mine les possibilités de réinsertion sociale. À quand remonte cette norme? Cela fait combien de temps que la question a été étudiée?
• 1730
Je veux savoir si l'étude utilisée pour l'adoption de telles
normes a été réexaminée? En d'autres mots, est-ce qu'elle est
toujours valable aujourd'hui?
Je pense à la possibilité d'un mentor positif. Si votre compagnon de cellule offre déjà un bon modèle, ça pourrait en fait être productif et positif. Alors dire d'emblée que la double occupation n'est pas bonne... Y a-t-il à l'heure actuelle des cas qui montrent que cette considération est encore valable?
Le commissaire Ole Ingstrup: Je crois, monsieur Pagtakhan, qu'il y a des cas où les gens seraient mieux s'ils partageaient leur cellule avec quelqu'un d'autre. Mais je dis qu'en général, on ne devrait pas construire notre système à partir de l'hypothèse que tout le monde profiterait d'avoir un compagnon de cellule. Il y a toutes sortes d'études concernant ces questions.
Je ne préconise pas l'application d'une règle générale, avec des exceptions, parce que tous les systèmes correctionnels que je respecte beaucoup proposent l'application de la norme minimale des Nations Unies, parce qu'on estime que cela constitue la meilleur politique en matière correctionnelle. J'ai parlé à des professionnels dans ce domaine. J'ai ma propre expérience dans ce domaine. Je suis ici depuis plus longtemps que la plupart des détenus. J'ai observé le logement unique et la double occupation. En règle générale, je ne trouve pas que c'est bon.
Mais, en fin de compte, c'est affaire de jugement personnel.
M. Rey Pagtakhan: Une petite observation, monsieur le président.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Non.
M. Rey Pagtakhan: Juste une observation.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Je regrette, mais nous avions un accord.
Monsieur Ingstrup, je vais enfreindre une de mes propres règles. Je ne crois pas que le président devrait poser des questions, mais on m'a imposé cet office. Les questions seront brèves, et j'aimerais avoir des réponses courtes.
Un agent de liberté conditionnelle s'appelait autrefois un agent de classement? J'ai toujours pensé que les agents de liberté conditionnelle intervenaient à la fin de la peine, lorsque le détenu était libéré sous condition.
Le commissaire Ole Ingstrup: C'est exact. C'était comme ça avant qu'on ne les appelle les agents de gestion de cas.
Le vice-président (M. Ivan Grose): D'accord.
Avez-vous des dortoirs?
Le commissaire Ole Ingstrup: Oui, il y en a.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Comment comptez-vous les lits dans les dortoirs?
Le commissaire Ole Ingstrup: En gros, monsieur.
Des voix: Ah, ah.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Alors les chiffres que vous nous avez fournis ne traduisent pas vraiment la situation.
Le commissaire Ole Ingstrup: Nous avons toujours quelques dortoirs. Encore une fois, s'il s'agit de personnes qui passent à travers le système très rapidement et qui ne restent que pour très peu de temps, je crois qu'il n'y a pas grand mal, et nous pouvons l'accepter. Mais s'il s'agit de personnes qui doivent rester pendant longtemps, ce n'est pas bon.
Le vice-président (M. Ivan Grose): D'accord.
Prévoyez-vous de nouvelles constructions?
Le commissaire Ole Ingstrup: Nous prévoyons des ajouts pour certains de nos établissements, mais ce n'est pas une priorité. Heureusement, nous constatons que la population est en baisse, alors nous ne tenons pas à construire davantage.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Je ne me fierais pas à cela.
Je me demandais pourquoi vous examineriez la double occupation quand vous n'avez pas de place, en tout cas, pour les loger.
Le commissaire Ole Ingstrup: À l'heure actuelle, nous avons beaucoup de possibilités de réduire la population des détenus. Si vous regardez l'autre rapport du vérificateur général, il a souligné à maintes reprises que nous pourrions libérer beaucoup de cellules en accélérant le processus de réinsertion sociale.
Pour ne vous donner qu'un exemple—un exemple assez frappant, d'après moi—si nous pouvions, à l'heure actuelle, réintégrer nos détenus un mois plus tôt, en moyenne, par année de peine—et ce n'est pas une révolution, c'est juste un mois par année—on pourrait d'emblée libérer 1 000 cellules.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci.
Je remercie tous nos témoins de leur patience.
Monsieur le vérificateur général, voulez-vous résumer?
M. Denis Desautels: Je serai très bref, monsieur le président. Je sais que nous regardons tous l'horloge.
En général, nous sommes très contents des mesures prises par le Service correctionnel et des déclarations faites aujourd'hui.
Bien sûr, nous aimerions bien avoir des précisions sur la politique relative au partage des locaux. Comme je l'ai déjà dit, nous ferons un suivi des autres questions soulevées dans les rapports de 1994 et 1996 plus tard cette année. Le suivi examinera certaines questions qui ont été abordées aujourd'hui, comme les modifications à l'échelle de classement par niveau de sécurité et les mesures de reclassement.
On nous a dit que ces changements ne devraient pas tarder, mais nous allons vérifier pendant le suivi que nous allons faire cette année sur d'autres questions.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci beaucoup.
Une fois de plus, je vous remercie tous et je vous sais gré de votre patience. Je pense qu'aujourd'hui nous avons vraiment pu aborder des questions de fond. Ce n'est pas toujours le cas.
La séance est levée.