PACC Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON PUBLIC ACCOUNTS
COMITÉ PERMANENT DES COMPTES PUBLICS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 3 décembre 1998
[Traduction]
Le président (M. John Williams (St. Albert, Réf.)): Mesdames et messieurs, conformément à l'alinéa 108(3)e) du Règlement, le comité examine le rapport de décembre 1998 du vérificateur général du Canada.
Nous avons des témoins du Bureau du vérificateur général du Canada: M. Denis Desautels, vérificateur général du Canada; M. Raymond Dubois, sous-vérificateur général aux opérations de vérification; M. Michael McLaughlin, sous-vérificateur général aux services corporatifs; Shahid Minto, vérificateur général adjoint.
Messieurs, bienvenue.
Monsieur Desautels, vous avez préparé une déclaration je crois.
M. L. Denis Desautels (vérificateur général du Canada): Oui, monsieur le président.
Mes collègues et moi-même sommes très heureux d'avoir l'occasion de rencontrer une fois de plus le comité pour discuter du rapport de décembre.
Avant de passer aux priorités proposées, j'aimerais attirer l'attention du comité sur quelques-unes des questions soulevées dans mon chapitre annuel sur les questions d'une importance particulière pour le Parlement. Dans le chapitre, je propose plusieurs moyens pour continuer à améliorer l'économie et l'efficience au gouvernement dans le nouveau contexte de l'après-déficit.
Ces moyens sont tout d'abord un processus budgétaire qui nous rappelle de tenir compte du long terme; deuxièmement des cadres de régie interne qui encouragent la transparence et le bon rendement; troisièmement, une culture de la fonction publique et des structures d'incitatifs qui encouragent l'innovation, la créativité et le souci continu de l'intérêt public; quatrièmement, des systèmes comptables et de gestion de l'information qui produisent de l'information fiable pour la prise des principales décisions sur l'affectation et la gestion des ressources; cinquièmement, l'intégration efficace de la gestion des ressources humaines aux autres fonctions du secteur public afin de garantir les effectifs nécessaires pour appuyer les réformes prévues et de tenir compte des préoccupations des employés au sujet de ces réformes, et enfin un régime redditionnel transparent et significatif qui fournit aux Canadiens l'assurance que leurs opinions comptent et que leurs taxes sont utilisées sagement.
Ensemble, ces éléments constitueraient une philosophie de gestion publique qui, à mon avis, serait très avantageuse généralement, et particulièrement dans le contexte de l'après-déficit actuel.
Avec l'apparition rapide de nouveaux mécanismes de prestation des services dispensés traditionnellement par le gouvernement, j'aimerais aussi attirer votre attention sur l'importance d'assurer la reddition de comptes au Parlement.
• 1550
Ces nouveaux mécanismes de prestation de services prennent
diverses formes. Il peut s'agir d'organismes de services spéciaux
au sein du gouvernement, d'ententes de partenariat avec d'autres
paliers de gouvernement ou avec des participants de l'extérieur du
gouvernement, ou encore de la commercialisation des services. Quel
que soit le type d'organisme utilisé pour assurer un service, quand
celui-ci nécessite des ressources et des pouvoirs fédéraux, les
Canadiens ont le droit de s'attendre à une reddition de comptes et
à une transparence au moyen de rapports complets et fidèles au
Parlement. Les Canadiens doivent recevoir l'assurance que l'intérêt
public et l'argent de leurs taxes sont protégés.
Pour aider le Parlement, mon Bureau a proposé un cadre en quatre points pour évaluer les propositions de nouveaux modes de prestation. Ces quatre principes d'une régie efficace, la protection de l'intérêt public, l'atteinte des objectifs, la reddition de comptes au Parlement et la transparence, sont décrits à la page 21 du chapitre sur les questions d'une importance particulière. Vous vous rappelez sans doute que le document de discussion sur l'évaluation des nouveaux modes de prestation de services remis au comité en juin cette année exposait ces principes.
Les nouveaux modèles de prestation promettent d'offrir, de façon plus efficiente, un service plus ciblé, plus souple et davantage axé sur la clientèle que les ministères traditionnels. Parallèlement, ils peuvent entraîner des changements importants dans les rôles et les responsabilités des ministres et dans la relation entre les fournisseurs de services et les organismes centraux et le Parlement. Le comité pourrait vouloir examiner les mécanismes redditionnels qui régissent quelques-uns de ces modes de prestation.
[Français]
Monsieur le président, au cours des quelques minutes qui nous restent, je vous parlerai brièvement des suggestions présentées dans la lettre de priorités, cela dans l'ordre dans lequel elles apparaissent dans le rapport.
Le chapitre 20 sur la préparation à l'an 2000 conclut que même si le rythme des travaux s'était accéléré, de nombreux systèmes à l'appui de fonctions essentielles du gouvernement présentaient encore des risques. Je crois que l'intérêt continu du comité pourrait favoriser le maintien, par le gouvernement, des objectifs et des priorités fixés afin de relever le défi que pose le passage à l'an 2000. Cela garantira que les parlementaires seront bien informés des progrès accomplis.
Le chapitre 24 traite des problèmes relatifs à la gestion des ressources humaines au sein de la Direction de l'impôt international de Revenu Canada. À mon avis, l'absence d'une action urgente en la matière gênera considérablement la capacité de Revenu Canada de gérer le risque inhérent que présentent les opérations internationales pour l'assiette fiscale du Canada. Le comité voudra peut-être examiner le chapitre afin d'étudier si le ministère est en mesure de gérer ses ressources humaines dans le contexte de la création projetée de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Des problèmes semblables ont été soulevés dans le rapport de suivi sur l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu aux grandes sociétés. C'était le chapitre 37 du rapport de 1996, et on peut retrouver ce suivi aux pages 28-92 et 28-93 du présent rapport.
Le chapitre 25, qui porte sur les investissements de Transports Canada au niveau des routes, révèle un grand nombre de lacunes importantes dans la gestion et l'administration de ces investissements. Au cours des 10 dernières années, Transports Canada a consacré 1,6 milliard de dollars à des travaux sur les routes provinciales et territoriales. Les lacunes décelées vont d'une information insatisfaisante communiquée aux décideurs à l'absence de contrôle des ententes négociées avec les provinces et les territoires. L'examen de ce chapitre par le comité pourrait servir à renforcer la reddition de comptes pour ces importants programmes de contribution.
Le chapitre 26 porte sur les marchés de services professionnels attribués sans processus concurrentiel d'appel d'offres, comme l'exige le règlement de l'État sur la passation des marchés. Les règles applicables à la passation de marchés de services sont claires. Elles sont conçues afin que les entreprises et les particuliers aient une chance égale de soumissionner en vue d'obtenir les marchés du gouvernement, et que le gouvernement en ait pour son argent.
Les résultats de notre vérification ne sont pas encourageants. Trop souvent, les gestionnaires ne respectent pas ces règles, surtout celles qui ont trait aux contrats à fournisseur unique. Cela veut dire que la plupart des marchés de notre échantillon, portant sur la période de la fin août 1995 au début de février 1998, ne résisteraient pas à un examen public.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor doit publier chaque année un rapport sur les marchés passés par le gouvernement. Le paragraphe 26.26 du chapitre indique que le plus récent rapport du gouvernement portait sur 1995. Les représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor ont confirmé qu'aucun rapport n'avait été publié depuis la préparation du chapitre. Au cours de notre vérification, et dans la réponse donnée par le Secrétariat du Conseil du Trésor qui a été publiée dans notre rapport, nous n'avons pas été informés de mesures prises récemment pour combler les lacunes cernées dans le chapitre ou de nouveaux résultats. Un examen de ce secteur préoccupant par le comité pourrait favoriser une plus grande équité dans le processus d'adjudication des marchés et faire en sorte que les sommes affectées aux marchés par le gouvernement soient mieux dépensées.
[Traduction]
Pour ce qui est du chapitre 27 sur les subventions et les contributions de certains programmes d'Industrie Canada et du ministère du Patrimoine canadien, je ne peux que ressentir de la frustration devant la gestion des programmes de subventions et de contributions. Au cours des 21 dernières années, nous avons produit une longue série d'observations uniformes. Trop souvent, les fonds sont alloués sans que l'on tienne compte des règles régissant ces dépenses. Ce rapport ne fait pas exception. L'examen du chapitre par le comité permettrait peut-être d'améliorer la gestion de ces programmes.
Notre chapitre de suivi fait état des progrès réalisés à l'égard de la mise en oeuvre des recommandations formulées dans 21 vérifications antérieures. Un certain nombre de secteurs importants continue de nous préoccuper. Par exemple, on n'a pas donné suite de manière satisfaisante à la plupart des préoccupations portant sur l'état de préparation du gouvernement fédéral aux situations d'urgence nucléaire qui ont été signalées dans la vérification de 1992. Santé Canada, qui est le ministère responsable dans les situations d'urgence nucléaire, n'est pas en mesure d'assurer une coordination adéquate des activités ni d'intervenir efficacement si des accidents nucléaires graves touchent le Canada. Deux vérifications antérieures et des suivis subséquents sur l'état de préparation du gouvernement en cas de désastres majeurs, comme les tremblements de terre et les déversements d'hydrocarbures, ont montré que les mesures prises par le gouvernement étaient insuffisantes.
De même, nous sommes préoccupés par le manque de leadership du gouvernement et le fait qu'il n'y a pas encore de plan détaillé pour gérer les risques et les coûts associés à plus de 5 000 lieux contaminés fédéraux. Le gouvernement n'est toujours pas en mesure d'assurer aux Canadiens qu'il est informé en ce qui a trait aux risques éventuels pour la santé, la sécurité et l'environnement posés par ces lieux. De plus, le gouvernement ne dispose toujours pas d'un tableau complet des passifs éventuels, ni d'un plan ou d'un calendrier national pour régler les problèmes associés à ces lieux.
Je n'ai pas suggéré l'examen en priorité des progrès réalisés en ce qui a trait à la Stratégie fédérale en matière de sciences et de technologie. Toutefois, je crois qu'un leadership satisfaisant et une surveillance continue exercés par le Parlement contribueraient à faire en sorte que la Stratégie actuelle soit mise en oeuvre comme le gouvernement l'avait prévu quand il l'a annoncée en 1996.
Pour conclure sur une note plus positive, nous avons constaté lors de notre vérification des programmes de pension d'invalidité d'Anciens Combattants Canada qu'il y a eu une réduction importante des délais de traitement des demandes de pension d'invalidité, soit une réduction de 18 mois à 5 mois. Toutefois, le ministère peut améliorer l'uniformité et la qualité de ses décisions. Il doit aussi tenir compte de l'incidence de la proportion croissante de bénéficiaires plus jeunes.
Je vous remercie, monsieur le président, voilà qui complète mon commentaire d'introduction. Nous serons heureux de répondre à vos questions maintenant.
Le président: Merci, monsieur Desautels.
Monsieur Mayfield, vous avez huit minutes.
M. Philip Mayfield (Cariboo-Chilcotin, Réf.): Merci, monsieur le président.
J'aimerais souhaiter un bon après-midi à M. Desautels et à ses collègues.
Nous vous remercions d'être de nouveau présents parmi nous.
J'ai été très intéressé par vos propos dès le début de votre présentation. Vous avez insisté sur la nécessité pour les ministères de rendre des comptes au Parlement. Il me semble qu'il y a à cela une question sous-jacente, c'est-à-dire: avez-vous l'intention de vous pencher sur les cas où vous pourriez constater que le niveau de responsabilité n'est pas à la hauteur ou qu'il a eu tendance à s'affaiblir par rapport à ce qu'il a déjà été? Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet monsieur? Est-ce pour vous une préoccupation et avez-vous des précisions à apporter?
M. Denis Desautels: La question de la responsabilité revêt une importance capitale dans la gestion publique. On a fait de grands efforts au niveau fédéral pour accroître la responsabilité des ministères face au Parlement en ce qui touche les dépenses de fonds publics.
• 1600
Nous avons souligné les rapports de rendement ainsi que les
plans et priorités qui sont disponibles. Les choses se font
différemment, en partie à la suite de demandes formulées par les
députés. Ce sont là des développements très positifs que nous
devons maintenir. Nous devons continuer d'être patients, mais ce
sont des pas dans la bonne direction. Des efforts ont été faits;
nous le reconnaissons et nous les appuyons.
Toutefois, comme nous l'avons souligné dans notre chapitre sur les questions d'une importance particulière, il y a des modifications au chapitre de la prestation des services collectifs. Nous avons tous entendu parler de la mise sur pied de certaines agences très importantes, dont certaines auront des liens un peu particuliers avec le Parlement. Nous savons que certaines opérations gouvernementales sont transférées à l'extérieur du gouvernement ou dans certains cas aux provinces dans le cadre d'ententes de partenariat. Nous savons également que certaines organisations sont mises sur pied pour gérer certains programmes gouvernementaux comme le fonds des bourses d'études du millénaire.
Ce sont tous là de nouveaux projets auxquels nous ne nous opposons aucunement. Nous devons continuer de tenter d'améliorer la prestation de services, mais tout cela a des répercussions sur la reddition de comptes. Dans certains cas, il pourrait y avoir un certain affaiblissement à ce niveau. C'est un phénomène auquel les députés doivent prêter attention. Ils doivent s'assurer que tous les députés sont satisfaits des nouvelles structures.
Pour résumer brièvement, disons qu'il y a eu certaines améliorations intéressantes au chapitre de la reddition de comptes. De plus, il y a eu des améliorations au niveau de la prestation de services et ces dernières ont des répercussions sur la reddition de compte et pourraient même l'affaiblir. Nous ne devons pas l'oublier.
Il y a bien sûr des situations particulières auxquelles nous continuons de faire face et qui pourraient engendrer des lacunes au niveau de la reddition de comptes. Le chapitre du rapport qui traite de la passation des marchés de service en serait un bon exemple. Les règles gouvernementales sur la passation de marchés de service sont très logiques et raisonnables. C'est au niveau de la mise en oeuvre que les problèmes se manifestent. Il est donc nécessaire d'insister davantage sur l'observation de ces règles.
Les sous-ministres doivent donc insister auprès de leurs subalternes pour que les mesures nécessaires soient prises à cet égard. De même, au niveau central, le Conseil du Trésor doit exiger le même genre de reddition de compte de tous les ministères.
J'espère que cela répond à votre question.
M. Philip Mayfield: Mon expérience au sein du comité n'est pas très vaste. Je n'en fais partie que depuis un an. Depuis mon arrivée toutefois, je me rappelle par exemple avoir discuté avec des représentants du ministère de la santé de la question de la surconsommation de médicaments d'ordonnance. Il me semble que cette question a été soulevée par le Vérificateur général il y a peut-être dix ans, et nous en discutons toujours.
Dans votre dernier rapport, vous avez fait certains commentaires sur les problèmes soulevés par le passage à l'an 2000 et parlé de vos préoccupations dans le domaine de l'application de la loi, de l'inspection des aliments et du financement des services sociaux. Lorsque nous avons discuté avec les représentants, on nous a laissé croire que tout cela serait prêt à temps, mais il me semble que ce sont toujours des points litigieux. Ce sont des secteurs pour lesquels le gouvernement fédéral a une grande responsabilité face aux Canadiens. Et je vois que vous soulevez de nouveau la question ici en ce qui touche Santé Canada.
Dans le chapitre de votre plus récent rapport qui traite de notre aptitude à faire face à une urgence nucléaire, il me semble presque irresponsable que nous ne soyons pas prêts à faire face à une situation d'urgence à ce niveau. Selon vos constatations, nous ne sommes pas prêts et les conseils qui ont déjà été formulés n'ont pas été suivis. N'y a-t-il pas une certaine lacune au niveau des comptes qui doivent être rendus au Parlement. Le comité communique avec ces ministères au nom du Parlement et cela ne semble donner aucun résultat.
M. Denis Desautels: M. Mayfield parle ici d'un certain manque de décision ou de rapidité à régler des problèmes qui ont déjà été identifiés. C'est là une situation très frustrante pour bon nombre de personne, y compris les membres du comité et nous-mêmes. On pourrait considérer cela comme une lacune au chapitre de la reddition de comptes, mais c'est une situation que nous devons apprendre à contrôler.
Dans notre chapitre sur le suivi, où l'on parle par exemple de Santé Canada et des situations d'urgence nucléaire, nous sommes d'avis que de façon générale des progrès ont été enregistrés dans certains secteurs, alors que dans d'autres la situation n'évolue pas très rapidement et que dans d'autres encore il n'y a eu que très peu de progrès. La lenteur à régler certains de ces problèmes est très frustrante pour tout le monde.
Toutefois, je suis d'avis que si nous pouvons continuer à jouir de l'appui du comité, qui a l'habitude de demander aux ministères de rendre des comptes sur leur façon de régler certains problèmes comme le passage à l'an 2000 ou les problèmes de santé des groupes de premières nations, cela aura un bon effet sur tout le système. Cela donne un bon coup main au chapitre de la reddition de comptes.
Les députés ont un rôle important à jouer à ce chapitre. Nous vous fournissons des renseignements qui devraient vous aider, du moins du l'espérons, à jouer votre rôle de vérificateurs auprès des ministères et du gouvernement. En utilisant ces renseignements et en exigeant des réponses de chacun des ministères, nous obtenons des résultats de plus en plus probants.
M. Philip Mayfield: Je vous remercie d'avoir terminé sur une note aussi positive.
Le président: Merci, monsieur Mayfield.
Monsieur Myers, vous avez huit minutes.
M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur le Vérificateur général, j'aimerais m'attarder quelques instants sur la question des autres mécanismes de prestation de services. Vous avez souligné, avez beaucoup d'à-propos d'ailleurs, que c'est là un domaine qui évolue rapidement et j'aimerais savoir si vous trouvez que cette évolution est trop rapide, et si les contrôles appropriés sont en place pour assurer le bon déroulement des activités dans ce domaine important. Je reconnais que cela semble être la voie de l'avenir.
En réponse à une question posée plus tôt, vous avez parlé de certains cas qui ont donné de bons résultats selon vous. Je me demandais si vous pourriez nous donner un exemple que vous considérez comme un véritable succès, un exemple à suivre peut-être, et un autre qui n'aurait pas aussi bien fonctionné, une situation à ne pas répéter.
Puis j'aimerais ensuite revenir au sixième paragraphe dans lequel vous avez énoncé un cadre d'évaluation en six points.
M. Denis Desautels: Pour ce qui est de la première partie de la question, j'aimerais souligner que nous nous penchons à l'heure actuelle sur toute cette question des autres mécanismes de prestation de service. Nous espérons pouvoir faire rapport au Comité et au Parlement un peu plus tard au cours de l'année qui vient. Nous effectuerons une analyse en profondeur de tous les mécanismes qui auront été adoptés ainsi que des catégories et modèles qui n'ont pas bien réussi. Nous essaierons d'en tirer des leçons qui pourraient nous être utiles pour l'avenir.
L'une des premières réactions que je pourrais mentionner en analysant la situation est qu'il n'y a pas... Ce n'est pas nécessairement une question de rapidité. C'est plutôt la nécessité de pouvoir compter sur un certain modèle philosophique sur lequel nous pourrions nous baser au moment d'établir de nouveaux modèles. Je ne parle pas d'un modèle précis et rigide, parce que cela freinerait l'innovation. Toutefois, si nous disposions d'un modèle philosophique comprenant des principes fondamentaux à respecter, cela pourrait servir de point de référence pour les gens responsables de l'adoption de nouveaux modèles.
Il ne s'agit donc pas de rapidité d'action, mais plutôt de manque le points de référence sur ce qu'il convient de faire ou non au moment de l'adoption de ces mesures.
• 1610
Pour ce qui est des mesures qui se sont avérées efficaces,
nous avons parlé récemment, pas dans le plus récent rapport, mais
dans celui qui a précédé, de l'Agence canadienne d'inspection des
aliments. Ce chapitre visait justement à cela, c'est-à-dire à tirer
des leçons de toute cette expérience. Je peux dire que cette agence
nous a consultés assez longuement au moment où elle a adopté
certains de ses principes d'opération et nous étions donc bien au
fait de tout le dossier et nous leur avons offert des commentaires
sur leur façon de fonctionner.
Vous trouverez dans ce chapitre des renseignements sur les bons résultats obtenus et je dirais de façon générale que le ton du chapitre est plutôt positif. L'une des choses que nous regrettons, c'est qu'en fait, bien qu'ils aient eu la possibilité de décider de leur propre système de ressources humaines, et c'était d'ailleurs là l'une des raisons de la création de l'agence, ils n'ont toujours pas profité de la plus grande flexibilité qui leur a été accordée au chapitre des ressources humaines et de l'administration financière.
Nous avons parlé il n'y a pas longtemps de la privatisation du GCC, le Groupe Communication Canada. À venir jusqu'à présent, il semble que le transfert de responsabilités s'effectue de façon efficace. Il y a donc des exemples fructueux.
Pour ce qui est des quatre points dont nous avons parlé, ils sont basés sur une lettre que nous avons fait parvenir au comité en réponse à une question que vous avez posée plus tôt.
M. Lynn Myers: Oui,
M. Denis Desautels: Nous voulions faire adopter ce que nous avions proposé plus tôt, pas nécessairement un modèle rigide, mais au moins un genre de cadre philosophique qui permettrait de juger, ou qui serait utile au moment d'adopter de nouveaux projets ou de nouvelles agences.
Nous serions très heureux d'en discuter plus à fond. Il s'agissait d'une première tentative, et même depuis ce temps, nous avons fait de nouvelles expériences. Nous espérons pouvoir nous appuyer sur ces expériences pour faire avancer la discussion.
M. Lynn Myers: Je suis très heureux en fait que vous ayez mentionné l'Agence d'inspection des aliments parmi les projets qui ont bien fonctionné. J'ai eu la chance d'étudier ce projet au sein du comité de la santé et il me semble qu'il est en effet plein de bons sens.
Pour ce qui est des quatre principes, serait-il possible pour vous de les passer rapidement en revue en expliquant chacun d'entre eux, soulignant les principes de base qu'ils mettent en valeur et l'importance relative de chacun. Peut-être y a-t-il même eu de votre part un certain travail de simplification qui vous a permis de vous restreindre à ces quatre principes. En aviez-vous davantage au début? Avez-vous regroupé certains éléments ou avez-vous pu dès le début déterminer que c'étaient là les points importants à conserver?
M. Denis Desautels: Nous avons vraiment tenté de réduire ces principes à leur plus simple expression. Si vous vouliez mettre au point ce que j'ai qualifié de modèle philosophique devant servir de base à la mise sur pied de nouvelles mesures, vous auriez très certainement un plus grand nombre de principes.
Nous avons adopté le point de vue des parlementaires qui doivent évaluer ce genre de dossiers et décider s'ils constituent des projets valables. Nous en sommes arrivés à la conclusion que les parlementaires devraient se poser ces quatre questions. Mais pour un fonctionnaire qui voudrait disons mettre un projet sur pied, il en faudrait plus que cela. Il y a un certain nombre d'autres principes directeurs qui s'imposent.
Tout d'abord, en ce qui touche l'atteinte des directives, si nous voulons mettre une nouvelle organisation sur pied, c'est que nous sommes d'avis qu'elle pourrait offrir des services de meilleure qualité que ce que l'on retrouve à l'heure actuelle. Encore une fois, l'analyse de rentabilisation doit établir que le nouveau projet à l'étude permettra d'obtenir de meilleurs résultats.
• 1615
Le deuxième point avait trait à la reddition de comptes. Les
dispositions actuelles prévoient-elles un niveau suffisant de
responsabilité face au ministre et au Parlement? Dans ce cas, il
est très important de s'assurer que nous définissons très
soigneusement les liens de responsabilité de l'agence envers le
ministre, d'une façon qui satisfasse les députés. Vous comprenez
sûrement qu'il y a plusieurs méthodes qui pourraient être utilisées
et il pourrait même arriver que le ministre soit un peu tenu à
l'écart et qu'il ne soit en certaines occasions pas en mesure de
répondre au Parlement. Il faut donc établir un certain équilibre
pour répondre aux besoins de tous.
Le troisième point touchait la transparence. Selon les mesures proposées, le Parlement et le public auront-il suffisamment de renseignements? Des renseignements clés? On ne peut fonctionner en secret. L'organisation doit fonctionner de façon ouverte et transparente pour que l'on dispose de tous les renseignements nécessaires sur son fonctionnement, même s'il s'agit d'un organisme indépendant.
Le quatrième point touchait la protection des intérêts du public. Les dispositions en vigueur reconnaissent-elles les objectifs fondamentaux des politiques du gouvernement fédéral? C'est une question très fondamentale. Il faut vraiment s'assurer que l'intérêt et l'ordre public restent au premier plan et que les objectifs secondaires ne prennent pas toute la place et étouffent les principes de base.
M. Lynn Myers: Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, messieurs Myers et Desautels.
Je passe maintenant la parole à M. Bailey.
Nous commençons maintenant le deuxième tour de table, monsieur Bailey. Vous n'avez donc droit qu'à quatre minutes.
M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Merci, monsieur le président.
Il y a certains termes qui me causent des problèmes. Pas tant dans ce qui provient de votre bureau, mais des termes que nous utilisons souvent. Par exemple, j'aimerais que vous me précisiez Monsieur ce que vous entendez par le mot «infrastructure».
Voici la raison pour laquelle je vous pose cette question. Je sais bien ce que le terme «infrastructure» signifie dans le jargon local, municipal. Je sais ce qu'on veut dire par ce mot dans une ville ou un village. Mais ici il arrive que deux gouvernements se croisent, dans ma province bien sûr, et je reçois parfois des documents dans lesquels on dit par exemple que le budget de l'infrastructure sert à financer un groupe artistique. Deux ministres affirment avoir contribué au bien-être de la province, la ministre du Patrimoine et un autre.
Le terme «infrastructure» n'est pas utilisé ici dans son sens habituel. Il est donc toujours un peu étonnant d'entendre quelqu'un dire qu'on construit des locaux pour un groupe quelconque grâce à une subvention du programme d'infrastructure. Puis, lorsqu'on parle d'infrastructure à un ministre provincial, on entend dire «Voyez ce que nous avons dépensé au chapitre de l'infrastructure». Ils rencontrent des gens à la ville ou ailleurs qui demandent comment on a dépensé le budget de l'infrastructure.
J'aimerais donc que vous m'éclairiez à ce sujet. Le terme «infrastructure» signifie-t-il la même chose pour vous que pour ceux qui l'utilisent régulièrement?
M. Denis Desautels: Je dirais que oui. Je crois que le terme «infrastructure» renvoie vraiment à l'infrastructure même. De façon générale, dans le sens de biens publics, il devrait correspondre à ces éléments utilisés pour la prestation de services au public, des routes, des hôpitaux ou des écoles par exemple. L'infrastructure comprend dans un sens tous les biens physiques ou les installations qui sont utilisés d'un bout à l'autre du pays.
Il arrive je suppose que l'on confonde l'infrastructure et la structure organisationnelle, mais ce sont deux choses différentes. Il me semble que la capacité organisationnelle est une chose différente. L'infrastructure, ce sont les installations qui servent à la tenue de certaines activités ou à la prestation de certains services.
• 1620
Nous voyons au gouvernement—et nous avons d'ailleurs consacré
un chapitre à ce sujet et un autre chapitre aux autoroutes—que le
gouvernement contribue à certaines organisations grâce à divers
programmes. Il s'agit parfois de vernir en aide à une organisation
pour qu'elle adopte une certaine infrastructure qui lui permettra
d'effectuer certaines activités, et dans d'autres cas, d'aider
l'organisation à mener à bien son activité, en contribuant par
exemple à défrayer les coûts d'une activité culturelle. Les
subventions et les contributions peuvent servir aux infrastructures
publiques ou à la mise en valeur du potentiel sous une autre forme.
J'espère avoir répondu à votre question.
M. Roy Bailey: Bien, ça me va.
Le président: Rapidement, monsieur Bailey.
M. Roy Bailey: La question de la passation des marchés, dont vous avez parlé dans votre rapport, me préoccupe au plus haut point. Je sais bien comment les choses se passent au niveau local, comment les contrats sont examinés à la loupe. Je sais ce qui se passe au niveau provincial. Je m'occupe de contrats depuis 21 ans.
Mais je dois dire que les procédures utilisées au gouvernement fédéral m'horrifient. Il arrive parfois qu'on inscrive le nom au lieu du contrat et ainsi de suite. Je suis horrifié de voir que l'on peut cacher toutes ces choses au public, malgré les contrôles qui sont effectués. Je sais que vous avez soulevé cette question, mais j'ai remarqué, Monsieur, que l'on étudie toujours les problèmes après coup. Le fait que le gouvernement fédéral ne respecte pas les mêmes procédures que les provinces ou les municipalités pour la passation des contrats rend les choses difficiles.
M. Denis Desautels: Comme je l'ai déjà souligné, nous nous préoccupons nous aussi du respect par les ministères des règlements gouvernementaux en matière de contrats.
Je l'ai déjà dit et je le répète. Les règles sont adéquates. Elles sont logiques et raisonnables. Elles permettent certaines exceptions. Elles permettent l'attribution d'un contrat à fournisseur exclusif dans certains cas d'urgence ou lorsqu'il n'existe pas d'autres fournisseurs. Il y a des exceptions très claires à la règle de base de l'appel d'offres.
Ce que nous n'avons pas aimé, c'est que ces exceptions, qui devraient justement constituer des exceptions, ont pris tellement d'ampleur qu'en 1995 par exemple, elles étaient presque devenues la règle. Il semble donc que les gens interprétaient ces exceptions de façon beaucoup trop libérale. Il est devenu nécessaire d'ajuster la façon d'interpréter ces règles.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Bailey.
Monsieur Assad, vous avez quatre minutes.
[Français]
M. Mark Assad (Gatineau, Lib.): Monsieur Desautels, je voudrais reprendre là où M. Bailey a terminé son intervention.
Vous parlez de contrats uniques. Vous avez expliqué qu'il y a des exceptions, mais que celles-ci sont devenues la règle. D'après votre analyse, quel pourcentage du total des contrats accordés les contrats uniques représentent-ils? Est-ce qu'une somme d'argent assez élevée est dépensée pour ces cas d'exception qu'on appelle des contrats uniques?
M. Denis Desautels: Monsieur le président, je peux vous donner des renseignements assez précis à ce sujet.
En 1995, qui est la dernière année pour laquelle on a une analyse complète disponible, un montant de 4,4 milliards de dollars a été dépensé pour des contrats de services professionnels. De ce montant, environ 650 millions de dollars ont été dépensés pour des contrats de moins de 25 000 $, soit des contrats qui, en règle générale, étaient donnés sans appel d'offres, parce que cela est permis dans le cas des contrats d'une valeur inférieure à 25 000 $. Cela laissait à peu près 3,7 milliards de dollars pour des contrats qui auraient dû faire l'objet de soumissions parce qu'il étaient d'une valeur supérieure à 25 000 $.
Si on enlève les amendements qui ont été apportés à ces contrats—et là on revient à la valeur initiale des contrats—, il y avait pour 3 milliards de dollars de contrats de plus de 25 000 $ au moment de la signature des contrats. Sur ces 3 milliards de dollars, des contrats totalisant 1,4 milliard de dollars ont été donnés sans appel d'offres, ce qui représente à peu près 49 p. 100 du total.
M. Mark Assad: Si on inclut l'autre montant de 600 millions de dollars pour les contrats de moins de 25 000 $, on parle de 2 milliards de dollars.
M. Denis Desautels: C'est cela. En fait, on peut présumer que presque tous les contrats de moins de 25 000 $ ont été octroyés sans faire l'objet d'appels d'offre, bien que rien n'empêche de procéder de cette façon pour un contrat inférieur à 25 000 $.
M. Mark Assad: Sur le montant de 4,4 milliards de dollars, environ 2 milliards de dollars, à toutes fins pratiques, ont été dépensés pour ce qu'on appelle des exceptions, c'est-à-dire des contrats uniques.
M. Denis Desautels: Oui, on peut parler d'un pourcentage de 49 p. 100.
M. Mark Assad: Vous dites 49 p. 100. Est-ce que ce manque de transparence est le résultat d'un manque de bonne foi?
M. Denis Desautels: Monsieur le président, il est difficile de dire exactement pourquoi cela se produit ainsi. Il y a peut-être deux causes principales à cette situation. D'une part, il peut y avoir un manque de planification dans les travaux qu'on a besoin d'exécuter. Souvent, si on s'y prend à la dernière minute, on se retrouve confronté à une situation où l'on se dit qu'on n'a pas le temps d'utiliser le processus de soumission. Si on veut que le travail se fasse tout de suite, parce qu'il y a une certaine urgence, on se dit qu'on doit accorder un contrat sans appel d'offres. Cela reflète souvent un manque de planification. Si on avait mieux prévu, on aurait eu le temps d'aller en appel d'offres. Le manque de planification peut donc être un facteur.
Le deuxième facteur serait peut-être le fait que les fonctionnaires peuvent développer une certaine relation ou une certaine familiarité avec des fournisseurs. Ils ont bien aimé ce qu'un fournisseur a fait, ils sont à l'aise avec lui et, par conséquent, ils sont moins tentés de changer de fournisseur pour obtenir un service particulier. En fait, on développe des relations et un certain confort avec des fournisseurs donnés. Souvent, on va jusqu'à dire que seul ce fournisseur est vraiment en mesure de faire le travail et que le fait d'utiliser ses services nous sauve du temps et de l'énergie.
M. Mark Assad: D'accord. Je comprends l'aspect de la planification. Toutefois, lorsque cela se produit année après année, il y aurait lieu de faire une meilleure planification. Je peux comprendre qu'il y ait un manque de planification une ou deux fois, mais cela se produit chaque année et on invoque cela comme excuse. Je comprends également qu'on puisse bien s'entendre avec un fournisseur donné. Je peux comprendre qu'il y ait un élément de relation, mais cela rend le ministère très vulnérable au favoritisme, faut-il dire.
M. Denis Desautels: Monsieur le président, en fait, le problème que cela cause se trouve à deux niveaux.
La politique gouvernementale a deux objectifs. Le premier est de chercher les meilleurs prix. C'est donc un objectif d'économie et d'efficience. Le deuxième objectif, c'est l'équité, c'est-à-dire donner à tout le monde une chance égale d'obtenir des contrats du gouvernement.
Lorsqu'un ministère ne va pas en appel d'offres, il y a de fortes chances qu'il aille à l'encontre des deux objectifs. Il est bien sûr que si on ne va pas en appel d'offres, on ne donne pas une chance égale à tout le monde et, souvent, on n'obtient pas nécessairement les meilleurs prix. Un des prix à payer pour le manque de conformité à cette politique est qu'il est possible qu'on paie trop cher et, en même temps, qu'on ne donne pas une chance égale à tout le monde.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Desautels. Monsieur Cardin, vous avez quatre minutes à votre disposition.
M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Merci. J'ai, au départ, un commentaire général à formuler avant de poser une brève question.
On a rarement vu un rapport du vérificateur général être aussi critique à l'endroit du gouvernement fédéral, du moins d'après ce que j'ai vu depuis quelque temps. Vous avez sûrement eu l'occasion d'en parler en mon absence, mais je vais le répéter. On parle de la passation de marchés de services professionnels. À cet égard, on peut donner plusieurs exemples, comme celui des contrats qui étaient d'une valeur initiale de moins de 25 000 $ mais qui finissaient par coûter 300 000 $. On trouve aussi des contrats de 100 000 $ et plus qui ont été octroyés. On a une foule d'exemples. On a aussi l'exemple au niveau de l'impôt international. Il y en a un autre dont je vous ai parlé plus tôt cette semaine, soit celui des subventions fédérales. À cet égard, je me demande si le vérificateur général n'est pas fatigué de répéter la même chose depuis 21 ans.
• 1630
Je vois tout cela, que ce soit au niveau de la rénovation des
bâtiments ou dans le domaine des sciences et de la technologie. Il y a
une multitude d'exemples qu'on pourrait prendre et qui se répètent
année après année.
Je me pose des questions sur toute la dimension de l'imputabilité. J'en avais parlé la dernière fois que nous nous sommes rencontrés. Est-ce qu'il y a une imputabilité au sein de l'appareil gouvernemental et contribue-t-elle souvent à des changements importants pour faire en sorte que tout ce que vous découvrez et dévoilez dans chacun de vos rapports finisse, à long terme, par être corrigé?
Donc, je me pose des questions sur l'imputabilité des différentes personnes qui sont là pour planifier, pour encadrer, pour structurer, pour octroyer des contrats. Quand elles ne respectent pas les règles, est-ce qu'on les garde en poste? Il me semble que tant et aussi longtemps qu'on ne fera pas un certain ménage à tous ces niveaux-là, vous allez continuellement formuler, d'une année à l'autre, des remarques aussi importantes ou, à la limite, aussi graves.
M. Denis Desautels: Monsieur le président, je pense qu'il y a de l'imputabilité. Toutefois, l'imputabilité est une notion relative. On peut en avoir un peu, ou on peut en avoir beaucoup. Elle peut être très efficace, ou moins efficace. Dans un appareil aussi vaste que celui du gouvernement fédéral, l'imputabilité peut, dans les faits, varier d'un programme à l'autre et d'un ministère à l'autre. Il y a certainement des ministères qui sont plus sujets que d'autres à l'analyse publique et qui sont donc plus imputables que d'autres en raison de cela. Pour moi, l'imputabilité est une notion relative. Il faut toujours travailler à l'améliorer et à la rendre le plus efficace possible parce que je pense que c'est très salutaire pour n'importe quel gouvernement. Il ne faut jamais cesser de l'améliorer, selon moi.
Comme je le disais plus tôt, il y a des efforts qui sont faits actuellement pour améliorer l'imputabilité. Ce sont des efforts que nous appuyons et auxquels nous avons même contribué, entre autres sur le plan conceptuel. Je crois que c'est un effort continu de tout le monde. Par contre, comme vous, et je le disais plus tôt, je suis parfois frustré de voir la lenteur dont font montre les différents ministères pour apporter des mesures correctrices
J'ose espérer qu'en ce qui a trait aux points que nous soulevons, et sur lesquels votre comité se penche de façon régulière, nous puissions obtenir plus rapidement des mesures correctrices. Pour en arriver là, il faut maintenir une pression constante sur l'appareil gouvernemental. Comme je le disais à M. Mayfield tout à l'heure, quand le comité fait un suivi en se servant de nos rapports, cela fait vraiment bouger l'appareil gouvernemental. Votre comité a un rôle extrêmement important à jouer à cet égard, tout comme les autres comités permanents.
Le président: Merci beaucoup.
M. Serge Cardin: Monsieur le vérificateur général, nous allons vous aider.
[Traduction]
Le président: Vous aviez une autre question, monsieur Bailey?
M. Roy Bailey: Je serai bref.
À la page 3 de votre présentation, au point 9, vous avez parlé du passage à l'an 2000. Vous avez souligné que certaines des fonctions importantes du gouvernement étaient toujours menacées. On semble croire dans le public, tout particulièrement chez les personnes âgées, que tout ira de travers au début de l'an 2000 et que les chèques de sécurité de la vieillesse par exemple ne seront pas transmis et ainsi de suite. Quelqu'un a posé la question un jour. Je ne me rappelle pas des termes exacts de la question, mais on a répondu quelque chose du genre «Nous ferons les chèques manuellement». Je sais que le ton employé était un peu ironique, mais est-vous confiant, à quelque 393 jours du passage à l'an 2000, que tout est en ordre? Votre bureau a-t-il des renseignements contradictoires?
M. Denis Desautels: Il est très difficile de juger si le gouvernement est prêt dans son ensemble pour le passage à l'an 2000. C'est une organisation énorme. Chacun des ministères est énorme. Ce sont de grands projets.
• 1635
Ce que nous avons constaté—et le comité en est bien
conscient—c'est que bon nombre de ministères ont commencé tard à
se préoccuper de la question, à se préparer pour le passage à l'an
2000 et il reste donc beaucoup à faire en très peu de temps. Il
n'est pas certain que nous aurons les ressources humaines
nécessaires pour accomplir tout ce qu'il reste à accomplir.
Dans le chapitre 20, nous avons dit que de façon générale, le gouvernement avait fait des progrès depuis notre premier rapport en octobre 1997. Toutefois, certains ministères traînent toujours de l'arrière. En moyenne, il semble qu'ils étaient prêts à 50 p. 100 en juin dernier. Ce serait acceptable si tous étaient prêts à 50 p. 100. Toutefois, comme vous le savez bien, les moyennes cachent des situations extrêmes et il y a sans doute des ministères où des systèmes très importants ne correspondent pas à cette moyenne. Ces derniers risquent donc de ne pas être prêts à temps. Il pourrait s'agir là de systèmes essentiels, ou du moins très importants.
Puis, nous avons étudié de plus près la situation dans six ministères. Trois d'entre eux avaient encore beaucoup de travail à faire et présentaient plus de risques que les trois autres. À mon avis, il est encore possible que ces trois ministères soient prêts à temps. Toutefois, là où il risque encore d'y avoir des problèmes, il est grand temps maintenant de prévoir des mesures de remplacement et même de faire des essais pour s'assurer que si quelque chose d'imprévu devait arriver, ils sauraient comment réagir. Pour s'assurer qu'ils sauraient par exemple comment préparer des chèques sans les écrire à la main.
Il est possible de prévoir les étapes essentielles si on s'y prend suffisamment à temps.
M. Roy Bailey: Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Bailey.
Monsieur Assad, vous aviez une question à poser.
[Français]
M. Mark Assad: M. Cardin a soulevé la question de l'imputabilité. Je me rappelle que lorsque j'étais député à l'Assemblée nationale du Québec, nous avions justement établi un comité pour étudier cette question. Malheureusement, nous n'avions pas réglé grand-chose, mais nous en étions venus à la conclusion que les sous-ministres ou les sous-ministres adjoints avaient, à toutes fins utiles, la responsabilité d'administrer les ministères.
S'il y avait des problèmes, si des personnes devaient assurer la transparence ou voir à ce que tous aient une chance égale et ainsi de suite, c'étaient effectivement celles qui avaient à administrer le ministère. Quant au ministre, il était responsable de l'aspect politique du ministère.
J'aimerais poser une question à M. Desautels. Est-ce que l'imputabilité devrait résider surtout au niveau des cadres, c'est-à-dire les sous-ministres, les sous-ministres adjoints ou les directeurs? Est-ce que ce serait surtout à eux de dire: «Écoutez, on veut assurer la population que c'est équitable, transparent et dans le meilleur intérêt de tous»? Il me semble que ce sont eux qui devraient être la cible de ces questions-là. Est-ce que j'ai raison ou est-ce qu'il y a quelque chose qui m'échappe?
M. Denis Desautels: Monsieur le président, M. Assad soulève une question très valable. Dans certaines juridictions, il y a des débats assez intéressants sur la façon de définir la responsabilité ministérielle par rapport à celle des hauts fonctionnaires.
Je suis au courant que le gouvernement du Québec a adopté une approche particulière. Toutefois, à l'heure actuelle, et selon ma compréhension des choses, c'est quelque peu différent des principes en vigueur au gouvernement fédéral. La responsabilité ministérielle, telle que définie actuellement au niveau fédéral, fait en sorte que le ministre est ultimement responsable de presque tout. Il peut déléguer à son sous-ministre, mais c'est lui qui est le véritable responsable. Nous avons ici une interprétation assez orthodoxe de la responsabilité ministérielle, comme elle a toujours été interprétée au Parlement de Westminster.
• 1640
Maintenant, vous soulevez quand même un débat intéressant. Il y a
des gens qui, comme vous, vont argumenter qu'il serait peut-être
préférable d'exiger davantage des sous-ministres et sous-ministres
adjoints et d'interpréter la responsabilité ministérielle de façon un
peu plus flexible et un peu moins rigide que nous l'avons fait jusqu'à
maintenant.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Assad.
Pour continuer sur ce point, monsieur Desautels, est-ce une chose que vous recommandez, que les sous-ministres et les sous-ministres adjoints aient une plus grande responsabilité à ce chapitre?
M. Denis Desautels: Eh bien, monsieur le président, tous devraient avoir des comptes à rendre, y compris les sous-ministres et les sous-ministres adjoints. C'est une chaîne. Une situation pyramidale si on veut. Ce que j'essayais de dire en réponse à la question de M. Assad, c'est que face au Parlement et au public, il y a une théorie qui vaut au Canada, du moins au niveau fédéral, et qui rend le ministre responsable devant la Chambre.
Le président: Nous savons que ce dernier tente souvent de s'esquiver, alors peut-être est-il bon de confier la responsabilité aux sous-ministres et aux sous-ministres adjoints.
De toute façon, pour ce qui est du passage à l'an 2000, monsieur Desautels, aux paragraphes 20.85 et 20.86 de votre rapport, vous avez souligné qu'à l'automne 1997, les organismes devraient avoir accompli environ 45 p. 100 du travail et qu'au 30 juin 1998, ils en étaient en fait à 50 p. 100 plutôt qu'à 75 p. 100. Si l'on se fie aux chiffres que l'on trouve en 20.9, il semble donc que selon le Secrétariat du Conseil du Trésor, le 31 décembre 1999, nous n'aurons que 75 p. 100 du travail de fait. Il y a donc un problème. Pourquoi avons-nous tellement de retard alors que nous savons depuis longtemps qu'il y avait des choses à faire? Qui devait en être responsable?
M. Denis Desautels: Ma foi, monsieur le président, un certain nombre de ministères tirent de l'arrière parce qu'ils ont commencé en retard. On n'a pas pris la chose suffisamment au sérieux au début et c'est pourquoi nous vous avons fait rapport en octobre 1997. Nous estimions à l'époque que, dans tout le système, on ne prenait pas cela suffisamment au sérieux, à quelques exceptions près.
Depuis, la situation s'est améliorée mais, comme nous le savons et comme nous le signalons ici, il reste encore beaucoup à faire dans un temps relativement court.
Le président: Vous n'ignorez pas, toutefois, que notre comité a recommandé que le Conseil du Trésor prenne le contrôle de toute l'affaire au lieu de se contenter de recueillir et de coordonner l'information, qu'il prenne directement des mesures. Convenez-vous que c'est ce que devrait faire maintenant le Conseil du Trésor?
M. Denis Desautels: En fait, dans le chapitre concernant cette affaire que nous venons de publier, le chapitre 20, nous recommandons effectivement que le Conseil du Trésor réexamine le rôle qu'il joue dans ce domaine. Il doit être prêt à intervenir plus directement dans certaines situations. Il doit aussi être disposé à procéder à une répartition dans certains cas. Si des situations plus à risques exigent que des ressources soient réacheminées vers elles, le Secrétariat du Conseil du Trésor doit être prêt à jouer ce rôle.
La teneur générale de notre chapitre est donc que, plus les échéances se rapprochent, plus le Conseil du Trésor doit être prêt à intervenir et à faire davantage que recueillir de l'information.
Le président: Pour ce qui est des fournisseurs exclusifs, j'apprends dans un article de journal que le rapport de 1995 est tout ce que vous avez, tout ce que le Conseil du Trésor a bien voulu vous donner. Voici un extrait de l'article en question:
-
Le porte-parole du Conseil du Trésor, Robert Bousquet, a dit que
les rapports dans lesquels sont compilés les dossiers des contrats
des deux dernières années n'ont été complétés que récemment. Le
Conseil du Trésor a refusé de les publier tant que l'avant-projet
n'était pas terminé.
Croyez-vous que c'est une bonne réponse?
Le recours à des fournisseurs exclusifs pose de graves problèmes. Le Conseil du Trésor se doit de surveiller cela. Selon votre rapport, il n'a pas fait sa vérification et nous découvrons maintenant que le rapport retarde de deux ans au moins. Trouvez-vous cela acceptable?
M. Denis Desautels: Lorsque nous avons fait la vérification, nous aurions aimé avoir plus de renseignements à jour sur le pourcentage de contrats qui ont été accordés à un fournisseur unique et, à l'inverse, le pourcentage de ceux qui l'ont été sur appel d'offres. Oui, j'aurais préféré avoir alors une meilleure information à jour.
Le président: Passons aux préavis d'adjudication de contrat qui sont envoyés par courrier électronique et qui informent essentiellement de l'intention d'accorder un contrat à un fournisseur unique à moins que quelqu'un ne proteste et ne dise qu'il veut soumissionner aussi. Est-ce que cela fonctionne bien, à votre avis?
M. Denis Desautels: Je vais demander à M. Minto de répondre à cette question, monsieur le président.
M. Shahid Minto (vérificateur général adjoint du Canada): Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, la pièce 26.2, que vous trouverez à la page 15 du chapitre 26, fait état de certaines conditions qui doivent être respectées pour que des contrats gouvernementaux soient accordés à un fournisseur exclusif. Lorsqu'une de ces conditions est respectée, on publie un PAC, soit un préavis d'adjudication de contrat.
Ce que l'on dit essentiellement avec un PAC, c'est qu'on a l'intention d'accorder un contrat non concurrentiel. Les PAC ne concernent pas des contrats concurrentiels, mais des contrats non concurrentiels.
On en a beaucoup parlé, alors, si vous voulez m'accorder une minute, je vais vous donner un exemple. Comme il s'agit d'un PAC de Justice Canada, je suppose que la formulation est correcte. Voici:
-
Le présent avis vise à solliciter une soumission et à négocier avec
un seul entrepreneur. Ceci n'est pas un avis d'appel d'offres.
Le président: Est-ce que vous citez textuellement?
M. Shahid Minto: Oui.
-
Toutefois, à ou avant la date limite indiquée, les fournisseurs
peuvent manifester leur intérêt et montrer qu'ils sont capables
de mener les activités décrites dans le présent avis. Les
réponses de fournisseurs que nous recevrons par suite du présent
avis à ou avant la date limite serviront seulement à déterminer
s'il faut recourir à un appel d'offres. Le ministère de la
Justice se réserve le droit de ne pas ouvrir cet achat à un appel
d'offres.
Un PAC, Monsieur, n'est donc manifestement qu'une déclaration d'intention de ne pas recourir à un appel d'offres et d'accorder le contrat à une personne.
Le président: Un PAC n'a donc rien à voir avec un appel d'offres, car pourquoi le secteur privé perdrait-il son temps à répondre à une annonce comme celle-là, qui dit ceci: «Si vous répondez, nous recourrons peut-être un appel d'offres, mais nous nous réservons quand même le droit de ne pas tenir compte de votre demande de renseignements ni de votre manifestation d'intérêt et d'accorder le contrat à un fournisseur unique»? Est-ce bien ce que vous êtes en train de nous dire?
M. Shahid Minto: C'est presque mot pour mot ce que dit l'avis.
Le président: Et on appelle cela un appel d'offres?
M. Shahid Minto: Si vous consultez les données que M. Desautels vous a fournies, les 1,4 milliards de dollars de soumissions restreintes comprennent les PAC. Sur cette somme, les PAC comptent pour 100 millions de dollars ou presque.
Le président: D'accord.
Je crois avoir dit tout à l'heure que le Conseil du Trésor n'a pas respecté ses obligations, et je vous renvoie au paragraphe 26.25:
-
Le Secrétariat du Conseil du Trésor effectue également l'examen
périodique des marchés de services de particuliers, y compris de
ceux dont la valeur est inférieure à 5 000 $.
Puis, il est dit ceci au paragraphe 26.26: «On nous a informés qu'il n'existe aucune évaluation ni aucun examen de ce genre». Le Conseil du Trésor ne suit donc même pas ses propres lignes directrices et les ministères encore moins. Est-ce exact?
M. Shahid Minto: Monsieur le président, le chapitre est terminé. La dernière réponse officielle du ministère nous est parvenue à la mi-octobre, et telle était la situation à l'époque. C'est exactement cela.
Le président: Pour ce qui est des subventions et des contributions, chaque fois que je participe à une émission radiophonique qui porte sur ce sujet, on me dit ceci: «Bonté divine! Comment cela peut-il continuer? Quand se décidera-t-on à faire quelque chose pour s'assurer que les Canadiens en ont pour l'argent des subventions et des contributions qu'ils donnent?» Les gens n'en reviennent pas du genre de choses que nous finançons.
Voici que vous nous dites que dans 30 p. 100 environ des dossiers que vous avez vérifiés, vous ne pouviez pas être sûrs que les hauts fonctionnaires de Patrimoine canadien ont exercé une diligence raisonnable dans l'évaluation du projet. Est-ce là ce qu'obtiennent les Canadiens? Un manque de responsabilité? Une mauvaise gestion? Une absence de surveillance? L'octroi pur et simple de subventions et de contributions à qui en demande? La situation est-elle aussi sombre que cela?
M. Raymond Dubois (sous-vérificateur général, Opérations de vérification, Bureau du vérificateur général du Canada): Monsieur le président, je suppose que nous ne savons pas plus que vous pourquoi cette situation perdure. Nous vérifions des subventions et des contributions depuis plus de 20 ans et nous semblons toujours en venir aux mêmes conclusions.
• 1650
Ce que nous disons dans le cas qui nous occupe, c'est que
dans 30 p. 100 des dossiers nous n'avons pas été convaincus que
les hauts fonctionnaires avaient exercé une diligence raisonnable
et avaient fait une bonne analyse des demandes de contributions.
Et cela va un peu plus loin. Tout d'abord, comme le dossier contient peu d'information sur ce que la contribution est censée accomplir dans tel ou tel cas, il devient presque impossible d'en évaluer les résultats après coup. Les lignes directrices du programme lui-même précisent des activités qui sont censées être exclues et pourtant, nous avons vu des cas où des contributions avaient été accordées quand même. Pour chaque activité exclue, nous avons des exemples de contributions qui ont été quand même accordées.
On finit donc par se demander au bout du compte s'ils gèrent le programme ou s'ils ne font qu'agir d'intermédiaires pour la distribution des deniers fédéraux dans tout le pays.
Étant donné que les objectifs de ces programmes de celui-ci, notamment, sont tellement généraux, c'est presque une invitation à tout le monde d'essayer d'obtenir des fonds fédéraux. La gestion de ces fonds est tellement lâche que beaucoup des subventions et des contributions qui sont accordées ne conviennent pas au programme en particulier ou font double emploi avec d'autres programmes fédéraux ou provinciaux.
Pourquoi en est-il ainsi? Nous pourrions mener une analyse sociale et psychologique très complexe. Nous ne le savons pas au juste.
Le président: Est-ce que cette analyse sociale et économique complexe révélerait un manque de responsabilité?
M. Raymond Dubois: Oui, monsieur le président. On pourrait resserrer le système en rendant tout le processus plus transparent, notamment les décisions qui sont prises dans le cours du processus, de telle sorte que la population puisse voir ce qui se passe, quelles décisions sont fondées sur quoi, et qu'elle puisse réagir. Si le système allait jusque là, il est fort probable qu'avec la transparence, on aurait automatiquement la responsabilité.
M. Denis Desautels: Puis-je ajouter une petite chose?
Le président: Oui, monsieur Desautels.
M. Denis Desautels: On ne peut pas avoir de responsabilité lorsqu'on ne commence pas du bon pied. Nous le répétons, les objectifs de certains de ces programmes sont tellement vagues qu'il est très difficile d'assurer une bonne responsabilité.
Nous aurions tous avantage à être un peu plus précis quant aux objectifs que nous cherchons à atteindre avec des programmes de subventions et de contributions et à définir ce que seraient des demandes légitimes à l'égard de ces programmes. Il serait alors plus facile d'évaluer ensuite si l'on a atteint les objectifs de tel ou tel programme. Des objectifs vagues rendent la responsabilité très difficile.
Le président: Il y a plein d'argent qui va à la réalisation de plein d'objectifs vagues.
Je voudrais parler ici de l'observation suivante que vous avez faite:
-
De plus en plus, les ministères offrent des fonds à des
organisations à l'extérieur du gouvernement fédéral qui, à leur
tour, choisissent les derniers bénéficiaires de l'argent et
gèrent les accords de financement.
Si je ne m'abuse, le Conseil du Trésor a une ligne directrice sur les subventions et les contributions qui l'empêche essentiellement de vérifier si les bénéficiaires des fonds les ont bel et bien dépensés comme ils disaient dans leur demande qu'ils allaient le faire. Saviez-vous cela?
M. Raymond Dubois: Monsieur le président, je crois que vous faites allusion à la différence qui existe entre une subvention et une contribution.
Le président: Oui, je crois.
M. Raymond Dubois: Dans le cas des subventions, une fois que l'argent est octroyé, on n'a pas le droit de vérifier ce qu'il est advenu des fonds. Selon la politique du Conseil du Trésor, les contributions, quant à elles, doivent être accompagnées d'une entente dont des dispositions prévoient une vérification et un examen.
Le président: Mais, dans le cas des subventions—10 millions de dollars en tout, je crois—les lignes directrices du Conseil du Trésor prévoient que les bénéficiaires peuvent dépenser l'argent sans que le gouvernement ait le droit de vérifier s'ils l'ont dépensé conformément à la demande, même si les lignes directrices étaient plutôt lâches.
M. Raymond Dubois: C'est exact. On ne peut pas savoir ce qu'il advient d'une subvention une fois qu'elle a été accordée.
Le président: Est-ce bien raisonnable que nous ne puissions pas faire une vérification pour nous assurer que l'argent a servi à ce qu'il devait servir selon la demande?
M. Raymond Dubois: Ma foi, monsieur le président, notre bureau fait valoir depuis 20 ans que les contributions sont préférables parce qu'elles permettent la vérification et la reddition de comptes. Nous ne disons pas qu'on ne devrait pas octroyer de subventions. Nous disons qu'elles devraient être octroyées seulement dans des circonstances très spéciales, lorsque le Parlement décide d'accorder les fonds dans un but précis et qu'il ne veut pas savoir ce qu'il en adviendra. L'octroi des fonds constitue en soi l'objectif.
Avec une approche de ce genre, les programmes de subventions devraient effectivement être très rares, alors qu'ils sont utilisés à toutes les sauces à l'heure actuelle.
Dans ce cas-ci, je crois qu'on a considéré le programme multiculturel comme un programme de subventions. On a décidé de recourir à des subventions plus souvent qu'à des contributions en octroyant les fonds à des organisations et on s'est trouvé ainsi à se limiter.
Cela étant accepté, toutefois, on a, dans ce cas-ci, souvent accordé des subventions aux mêmes organisations en différentes années, alors que les gens devraient se qualifier pour une subvention. C'est ainsi qu'on pourrait exiger qu'ils fournissent dans leur demande tous les renseignements qu'il faut pour s'assurer qu'ils ont besoin d'une subvention. Pour un bénéficiaire qui revient année après année, on peut établir un processus de reddition de comptes sans disposition de vérification ni autres choses du genre. Le programme de subventions peut donc fonctionner dans certaines circonstances.
Le président: Mais il me semble seulement raisonnable de se réserver le droit d'effectuer une vérification. Je ne dis pas qu'on devrait vérifier toutes les subventions, mais si les bénéficiaires savaient que cette possibilité existe, ils seraient plus responsables.
Il me reste seulement une question à poser. Je remarque que, à propos de l'investissement de Transports Canada dans les routes, vous dites ceci:
-
Le ministère n'a pas pu mettre la main sur les approbations de
paiement pour un grand nombre d'ouvrages dans notre échantillon.
Nous venons juste de dire qu'on accorde des subventions plutôt facilement et librement sans exiger trop de comptes. Nous avons parlé de l'octroi de contrats à des fournisseurs uniques, où tout semble facile pour toute personne qui sait s'y prendre avec le gouvernement. Et quand je participe à des émissions-débats et à d'autres émissions sur ces questions, les Canadiens se disent renversés du manque de responsabilité dont on fait preuve.
Qui est responsable de ce que l'argent des contribuables disparaît à coup de millions et de milliards? Comment allons-nous régler ce problème de responsabilité, monsieur Desautels?
M. Denis Desautels: Monsieur le président, nous pouvons avoir une bonne discussion et un bon débat là-dessus, et je crois qu'on peut trouver au gouvernement des exemples de programmes qui semblent fonctionner de façon très satisfaisante.
Si vous consultez l'annexe A de ce chapitre, là où il est question des subventions qui sont octroyées par les divers ministères, vous verrez trois cas intéressants, à savoir: le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, le Conseil de recherches médicales et le Conseil de recherches en sciences humaines. Ce sont là des organismes subventionnaires qui ont établi au fil des années des mécanismes pour examiner et préciser très clairement les critères d'approbation des demandes et dont le conseil d'administration évalue les demandes. Ces conseils subventionnaires semblent fonctionner de façon plutôt satisfaisante.
Il y a donc moyen de bien faire les choses. Ces organismes ont aussi des objectifs clairs. Nous pouvons discuter de ces exemples et nous en servir comme modèles pour établir des principes que les autres devront suivre. Parmi les problèmes que nous avons cernés, il y a des objectifs vagues et le manque de discipline lorsqu'il s'agit de décider qui aura quoi, alors que tout le contraire existe chez les conseils subventionnaires.
Le président: Vous pourriez peut-être un jour faire une étude comparative des bons et des mauvais exemples de telle sorte que nous puissions voir à quel point on peut être mauvais.
Y a-t-il d'autres questions?
Eh bien, je déclare que la séance est levée.