PACC Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON PUBLIC ACCOUNTS
COMITÉ PERMANENT DES COMPTES PUBLICS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 9 juin 1998
[Traduction]
Le président (M. John Williams (St. Albert, Réf.)): Bon après-midi, mesdames et messieurs. Je déclare la séance ouverte.
Conformément à l'alinéa 108(3)e) du Règlement, nous allons étudier le chapitre 6, intitulé «Le vieillissement de la population et l'information destinée au Parlement: pour comprendre les choix», du Rapport du vérificateur général du Canada d'avril 1998.
• 1535
Nous accueillons comme témoins aujourd'hui le vérificateur
général du Canada, M. Denis Desautels; le vérificateur général
adjoint, M. Ron Thompson; le directeur des Opérations de
vérification, M. Basil Zafiriou. Nos témoins du ministère des
Finances sont le sous-ministre, M. Scott Clark; le directeur de la
Division de la politique fiscale, Direction de la politique
économique et fiscale, M. Peter DeVries; et le sous-ministre
associé, M. Don Drummond.
Nous allons d'abord entendre la déclaration liminaire du vérificateur général, M. Desautels.
M. L. Denis Desautels (vérificateur général du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président, de nous donner l'occasion, à mes collègues et à moi-même, de discuter avec vous du chapitre portant sur le vieillissement de la population et l'information destinée au Parlement.
Comme vous le savez sans doute, ce chapitre s'inscrit dans la série de rapports que nous avons publiés au sujet de la nécessité d'améliorer l'information communiquée au Parlement sur la condition financière du gouvernement. En qualité de vérificateur au service du Parlement, je suis chargé de formuler des observations sur la valeur des rapports financiers du gouvernement. À cet égard, je crois qu'il est important que le gouvernement fournisse aux Canadiens l'information dont ils ont besoin pour faire les choix financiers qui non seulement les touchent aujourd'hui, mais qui toucheront également les générations à venir. C'est pourquoi nous avons publié des rapports sur ce thème, surtout qu'il influe sur la situation financière globale du gouvernement.
Dans ce chapitre en particulier, nous insistons précisément sur l'importance de tenir compte des facteurs démographiques et du long terme dans les décisions budgétaires annuelles. À cet égard, il est important de reconnaître la différence entre tenir compte de cette information et rendre compte de l'information.
Le chapitre vise deux objectifs: premièrement, montrer qu'il est possible de faire des projections à long terme de la situation financière globale du gouvernement et d'illustrer l'importance du rôle des facteurs démographiques; deuxièmement, attirer l'attention sur l'insuffisance de l'information financière qui est actuellement fournie au Parlement au sujet de l'incidence possible des tendances démographiques.
[Français]
Pour ce qui est du premier objectif, nous avons montré que le vieillissement des personnes nées avant l'explosion démographique ou le baby-boom risque fort de s'accompagner d'une baisse de la croissance économique et des recettes connexes et d'une accélération possible de l'augmentation des dépenses.
Ce déclin éventuel de la croissance économique repose sur le fait que l'on s'attend à un ralentissement marqué de la croissance de la population active dans une dizaine d'années, moment où les personnes nées avant l'explosion démographique atteindront l'âge de la retraite et commenceront à quitter la population active en grand nombre.
Cet effet néfaste sur l'économie et les recettes du gouvernement pourrait être compensé par des hausses de la productivité du travail. Le taux de croissance de la productivité du travail étant demeuré relativement stable au cours des 20 dernières années, c'est-à-dire près de 1 p. 100, il faudrait une croissance spectaculaire pour compenser la diminution prévue de la croissance de la population active. Nul doute qu'une telle croissance tomberait à point, mais il ne faut pas y compter.
Pour ce qui est des dépenses, les gouvernements peuvent s'attendre à une hausse des coûts au titre des pensions et des soins de santé étant donné que les personnes nées avant l'explosion démographique se rapprochent de la retraite et que la plupart vivent généralement plus longtemps.
Encore une fois, même si cette situation semble inévitable, il faudrait, pour qu'elle ne se produise pas, des changements majeurs dans la façon dont les services médicaux sont utilisés et les pensions financées, principalement la sécurité de la vieillesse et le supplément de revenu garanti.
Toutes ces données vous donnent peut-être à penser que le vérificateur général fait beaucoup de projections économiques, et je serais d'accord avec vous. Je n'ai pas fait toutes ces projections pour prédire l'avenir, mais plutôt pour montrer la nécessité de fournir de l'information aux Canadiens afin de les aider à comprendre les effets éventuels des tendances démographiques sur la situation financière à long terme et pour montrer le lien entre ces tendances démographiques et l'actuel processus de décision en matière de budget.
[Traduction]
Monsieur le président, je vous assure que nos propositions ne sont pas loin de ce qui se fait dans d'autres pays développés. Dans son dernier budget, le gouvernement britannique a annoncé l'avènement d'un nouveau code pour la stabilité fiscale. Ce code exige que des projections financières soient établies pour une période d'au moins dix ans en vue de jeter de la lumière sur l'effet intergénérationnel de la stratégie financière du gouvernement.
En plus du Royaume-Uni, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis accompagnent actuellement leurs budgets annuels de projections à long terme pour montrer les liens entre les décisions budgétaires et le long terme. Et pourtant, le Canada continue à fixer des objectifs mobiles sur deux ans et à ne fournir, ni dans le budget ni dans les Perspectives ministérielles de l'automne, d'informations au sujet de l'effet des facteurs démographiques sur les finances du gouvernement.
• 1540
En conclusion, permettez-moi de clarifier deux points.
Premièrement, je sais très bien que les projections à long terme
sont empreintes d'incertitude. Mais comme l'OCDE l'a fait
remarquer, la plus grande valeur de l'établissement de projections
de cette nature ne réside pas dans les chiffres produits comme
tels, mais dans le fait qu'ils forcent les gens à réfléchir au
sujet de l'avenir. Deuxièmement, je ne propose pas que le ministre
des Finances établisse des prévisions sur un horizon de 10 à 30 ans
et qu'il soit tenu d'en rendre compte. Une telle proposition ne
serait pas pratique. Ce qui nous inquiète, c'est la transparence,
pas la reddition de comptes.
À notre avis, pour que les rapports financiers du gouvernement soient valables, il essentiel que celui-ci informe les Canadiens des effets possibles des facteurs démographiques. Cela ne veut pas nécessairement dire présenter cette information dans le budget annuel. Il serait peut-être préférable que le gouvernement le fasse à l'automne au moment où il consulte le Parlement pour obtenir des commentaires sur le prochain budget.
Merci, monsieur le président. Mon collègue et moi serons maintenant heureux de répondre aux questions du comité.
Le président: Merci, monsieur Desautels.
Je demanderais maintenant à M. Clark d'exposer les remarques d'ouverture du sous-ministre des Finances.
Monsieur Clark.
M. Scott Clark (sous-ministre des Finances): Merci, monsieur le président. Je suis vraiment heureux de me présenter devant vous aujourd'hui pour discuter des recommandations formulées par le vérificateur général au chapitre 6 de son rapport d'avril 1998, à propos de la pertinence de l'évolution démographique dans l'évaluation de la situation financière de l'État.
Je tiens à déclarer dès le départ que nous souscrivons sans réserve à la grande conclusion du chapitre concernant la nécessité de fournir au Parlement et à la population canadienne des informations sur la politique fiscale. Il importe que les principaux aspects de cette politique et les ramifications possibles des solutions de rechange soient bien compris. J'ajouterais que des informations utiles sont à la base d'une politique efficace.
Je suis donc fier des études effectuées par le ministère des Finances sur ce plan et des mesures qu'il a prises pour diffuser les informations sur beaucoup de points mentionnés par le vérificateur général. Ainsi, en septembre dernier, le ministère des Finances a parrainé une conférence sur les objectifs financiers et la croissance économique, organisée par le John Deutsch Institute de l'université Queen's et par l'Institute for Policy Analysis de l'Université de Toronto.
Comme nous l'avions demandé, certaines des communications portaient expressément sur les questions démographiques abordées par le vérificateur général. Voici le titre de quelques-unes de ces communications rédigées par des universitaires: «Tendances démographiques, participation au marché du travail et croissance à long terme», «Projections économiques à long terme» et enfin «Dynamique du ratio dette/PIB et politiques optimales». D'ailleurs, le principal auteur du rapport du vérificateur général a participé à cette conférence.
Pour votre gouverne, j'ai annexé à mes remarques liminaires la liste de toutes les communications qui ont fait l'objet d'une discussion à la conférence et dont le texte devrait être publié sous peu.
De même, en 1992, le ministère des Finances a publié, de concert avec les ministères provinciaux des Finances, une «Étude sur le coût des opérations gouvernementales et la gestion des dépenses» qui porte sur les principales pressions à long terme s'exerçant sur les coûts des gouvernements, notamment dans les secteurs de l'éducation sanitaire et des services sociaux. Cette étude détaillée a été réalisée suivant la méthodologie employée par le vérificateur général pour produire son rapport.
Le ministère a participé récemment aux travaux d'un groupe de travail international ayant pour mandat d'examiner les conséquences du vieillissement de la population dans les pays industrialisés. Cet examen faisait suite à une initiative découlant du Sommet économique de Denver de 1997 où les ministres des Finances des pays du G-10, dont fait partie le Canada, ont été chargés d'évaluer les répercussions financières et macro-économiques du vieillissement de la population. L'étude a été publiée au printemps.
Le ministère des Finances a joué un rôle clé dans ce groupe de travail du G-10. Plusieurs projets de recherche importants ont été réalisés dans le cadre de cette étude et les documents de travail seront rendus publics sous peu.
De plus, deux fonctionnaires de mon ministère ont été invités récemment à participer à un projet de recherche de la Brookings Institution à Washington. Il s'agit d'une recherche sur les effets économiques du vieillissement de la population, à laquelle participent plusieurs pays.
Enfin, comme l'indique le vérificateur général dans son rapport, le ministère a communiqué des renseignements détaillés sur les problèmes structurels à long terme associés au Régime de pensions du Canada, qui ont mené à la récente réforme du régime dont ont convenu le fédéral et les provinces.
Pour votre gouverne, j'ai déposé la liste de tous les documents publiés par le ministère sur des sujets se rattachant à l'incidence économique et financière des changements démographiques. Le ministère procède en outre à des analyses et à des études sur une foule d'autres sujets et il en révèle les résultats dans des publications ministérielles et autres. Chaque année, mes fonctionnaires font des exposés de leurs travaux à l'occasion de différentes réunions de spécialistes.
• 1545
Tout ça pour dire que nous multiplions les efforts pour faire
en sorte que la population et le Parlement puissent disposer de
données analytiques valables permettant de tenir des discussions
éclairées et de prendre des décisions judicieuses. Nous ne nous
entendons pas avec le vérificateur général sur la façon de procéder
pour communiquer les informations ni sur leur mode de présentation.
Le vérificateur général suggère que des projections économiques et financières à long terme fassent partie intégrante des documents budgétaires annuels ou soient publiées à l'occasion des consultations prébudgétaires menées par le gouvernement. D'après mon expérience, si des projections à long terme étaient incluses dans le processus budgétaire, elles risqueraient de faire oublier l'importance et l'urgence de régler les problèmes immédiats—des problèmes et des enjeux dont il faut s'occuper même en période faste si l'on veut réussir à atteindre les objectifs à long terme. Parlez-en aux ministres des Finances antérieurs qui ont déposé des plans économiques et budgétaires quinquennaux dont les objectifs n'ont jamais été réalisés. L'incapacité d'atteindre les objectifs que l'on s'est fixés se traduit par une perte de crédibilité et, du même coup, par des primes de risque et des taux d'intérêt plus élevés.
Vous vous rappelez peut-être que le vérificateur général, dans son rapport d'octobre 1995, demandait instamment au gouvernement d'établir une stratégie de gestion de la dette à long terme. Le gouvernement s'est effectivement doté d'une telle stratégie fondée sur l'engagement de réduire régulièrement et pour de bon le fardeau de la dette. Toutefois, il a préféré ne pas fixer un objectif à long terme pour le ratio de la dette au produit intérieur brut, et avec raison. Ce genre d'objectif à long terme est si incertain qu'il ne signifie pas grand-chose. Il est carrément impossible de contrôler directement les objectifs de réduction de la dette, en particulier lorsque la dette est calculée en proportion de l'économie.
En effet, non seulement faudrait-il contrôler le numérateur de cette équation, c'est-à-dire l'encours de la dette, mais également le dénominateur, soit la taille de l'économie. Or, c'est tout simplement impossible. Il est déjà difficile de faire des prévisions sur deux ans. À plus forte raison, les projections étalées sur cinq, dix ou 20 ans ne sauraient être que purement hypothétiques.
J'irais jusqu'à dire que même les objectifs fixés sur deux ans pour le déficit sont problématiques. Je vous donne un exemple.
Dans le budget de 1995, on visait pour 1995-1996 un déficit de 32,7 milliards de dollars, ce qui correspondait à un ratio de la dette au PIB de 73,5 p. 100. Dans le budget de 1996, l'objectif est resté le même en raison d'une révision à la baisse du revenu nominal, mais le ratio de la dette au PIB est passé à 74,2 p. 100. Comme, en fin de compte, le déficit de l'exercice 1995-1996 s'est chiffré à 28,6 milliards de dollars, le ratio de la dette au PIB est maintenant estimé à 71,9 p. 100. Cette révision à la baisse du ratio était attribuable en grande partie non pas au déficit moins élevé que prévu mais aux révisions à la hausse subséquentes du PIB par Statistique Canada.
La méthode adoptée par le gouvernement est fondée sur l'établissement d'objectifs budgétaires sur deux ans, incorporés dans un cadre budgétaire à moyen terme. Le premier objectif à moyen terme, c'était l'élimination du déficit. Il comportait implicitement la nécessité de freiner la hausse du ratio de la dette au PIB, puis de le faire décroître de façon constante.
Ce qui importait le plus, cependant, c'était que le gouvernement s'assure d'abord et avant tout d'atteindre les objectifs à court terme. Cette démarche a donné lieu à une discipline financière comme on n'en avait pas vu depuis la fin de la guerre. Ainsi, le gouvernement est parvenu à un budget équilibré beaucoup plus rapidement que quiconque ne l'espérait. Grâce à des plans budgétaires à court terme, le gouvernement a pu atteindre un objectif à plus long terme: enrayer la croissance du ratio de la dette au PIB, une croissance ininterrompue depuis près de 25 ans. Les mesures prises au cours des quatre dernières années et le plan de remboursement de la dette prévu dans le budget de 1998 garantissent une diminution soutenue de ce ratio.
Je ne saurais trop insister sur l'importance que revêt cette réalisation. De fait, le gouvernement fédéral s'est ainsi doté de la latitude nécessaire pour s'attaquer aux problèmes structurels à long terme dont certains sont mentionnés dans le rapport du vérificateur général.
Bien que les plans budgétaires du gouvernement portent sur deux années, ça ne signifie pas que les problèmes financiers à long terme sont négligés. Par exemple, le fédéral et les provinces ont restructuré le Régime de pensions du Canada dans le but précis de tenir compte des pressions démographiques à long terme qui s'exercent sur lui. Le gouvernement entend bien se pencher sur toute question structurelle à long terme qui requiert son intervention.
Le gouvernement n'estime pas devoir changer pour l'instant sa démarche de planification budgétaire, car celle-ci s'est avérée très efficace non seulement en permettant l'atteinte des objectifs à court terme, mais également en contribuant à établir l'assise à partir de laquelle nous serons à même de régler les problèmes structurels à long terme.
Il est évident que nous sommes à l'aube d'une ère nouvelle, une ère comme peu d'entre nous en ont connue. Le dernier excédent budgétaire du fédéral remonte à l'exercice 1969-1970. Ça signifie qu'il faut continuer d'être prudents et de viser des objectifs budgétaires à court terme.
Il se peut que, bientôt, les prévisions budgétaires à long terme fassent de nouveau partie intégrante non du processus budgétaire comme tel, mais des discussions plus générales sur les questions de politique fiscale. Les projections seraient présentées uniquement à titre indicatif et considérées comme telles. Toutefois, je ne crois pas que le temps soit encore venu. Ainsi que le soulignait le vérificateur général, certains pays établissent des projections financières à long terme, mais leur situation budgétaire est meilleure que celle du Canada en ce moment. Je crois que le Canada pourra suivre leur exemple une fois que nous aurons commencé à réduire de façon tangible le ratio de la dette au PIB.
• 1550
En conclusion, comme je l'indiquais au début, nous souscrivons
aux recommandations formulées par le vérificateur général dans son
rapport, mais non à la façon de procéder.
Merci, monsieur le président. Nous sommes maintenant prêts à répondre aux questions du comité.
Le président: Merci, monsieur Clark. Nous passons maintenant aux questions. Monsieur Kenney, vous allez commencer et vous disposez de huit minutes.
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Merci, monsieur le président et merci, messieurs Desautels et Clark.
Ma première question s'adresse à M. Clark. Dans votre déclaration, vous parlez du plan de remboursement de la dette établi dans le budget de 1998. Si je regarde le budget de 1998, je constate qu'on y prévoit à court terme une dette nette de 583,2 milliards de dollars cette année, de 583,2 milliards de dollars l'année suivante et de 583,2 milliards de dollars l'année d'ensuite. En quoi est-ce un plan de remboursement de la dette s'il n'est même pas prévu dans le budget de réduire la dette?
M. Scott Clark: Le plan de remboursement de la dette comporte deux parties. Tout d'abord, il a été établi en fonction du fardeau de la dette, qu'on se comprenne bien. Et il y a donc deux parties, la première visant à encourager une croissance économique soutenue et la seconde, à réduire le niveau d'endettement. Nous avons déclaré dans le budget que si la réserve annuelle de trois milliards de dollars pour éventualités, qui figure au budget pour les imprévus, n'est pas utilisée, elle servira à réduire la dette. Le montant de la dette qui est indiqué ne tient pas compte de cette possibilité. Mais s'il arrivait que la réserve de trois milliards de dollars pour éventualités ne serve pas, alors le montant de la dette indiqué serait réduit de trois milliards de dollars par année.
M. Jason Kenney: Comment nous, parlementaires, peut-on croire que le gouvernement va tenir parole et appliquer la réserve pour éventualités à l'encours de la dette alors qu'il a déjà décidé d'affecter une partie de la réserve actuelle pour éventualités au fonds du millénaire, contrairement à ce que vous avez recommandé au vérificateur général?
M. Scott Clark: Nous n'avons pas affecté la réserve pour éventualités de 1997-1998 au fonds des bourses du millénaire. Je pense qu'au départ, on visait un déficit de 17 milliards de dollars en 1997-1998. Donc, nous n'avons jamais dépensé la réserve pour éventualités. Nous visons plutôt maintenant un budget équilibré en 1997-1998, ce qui est largement inférieur à notre objectif initial et nous n'avons pas eu besoin de la réserve pour éventualités pour équilibrer le budget.
M. Jason Kenney: Monsieur, comme j'ai mentionné le vérificateur général, je devrais sans doute le laisser faire des commentaires lui aussi.
Le président: Monsieur Desautels, avez-vous des commentaires?
M. Denis Desautels: Certainement, si je peux commenter cette observation en particulier. Je pense que tous les chiffres sont là. Le déficit de 1997-1998 sera ce qu'il sera. Mais dans mon esprit, le fonds des bourses du millénaire et la réserve pour éventualités sont deux choses tout à fait distinctes. Je ne crois pas que l'une sera nécessairement utilisée pour l'autre. J'accepte mal le fonds du millénaire, vous le savez...
Le président: En effet.
M. Denis Desautels: ...mais pour des raisons différentes.
M. Jason Kenney: Monsieur Clark, dans votre déclaration, vous dites—et je paraphrase—que le Canada est dans une si mauvaise situation financière par rapport à d'autres économies développées qu'il faut s'en tenir à des objectifs sur deux ans au lieu d'adopter les projections à long terme que recommande entre autres le vérificateur général. Je ne vous suis pas. Il me semble que si on a de graves problèmes financiers structurels persistants, notamment le passif non capitalisé de nos régimes de pension et l'encours de la dette, on serait justifié d'accroître la transparence de la comptabilité de l'État à l'avenir en fournissant le type de projections suggéré. Pourquoi notre piètre situation financière justifierait-elle le gouvernement de ne pas fournir plus d'informations au public? Je ne comprends pas.
M. Scott Clark: Loin de moi l'idée de dire que nous sommes dans une mauvaise situation. Je dirais plutôt qu'étant donné notre histoire, notre situation est assez bonne. Des pays comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni qui viennent d'adopter des projections financières à long terme ne l'ont fait qu'après avoir atteint leurs objectifs financiers à court terme. Ces pays n'ont pas toujours fait des projections à long terme.
• 1555
J'ai dit dans ma déclaration qu'un jour peut-être, quand nous
aurons mieux réussi à atteindre nos objectifs financiers à court
terme, notre situation nous permettra d'utiliser l'analyse
financière à long terme pour ce qu'elle vaut et non... Le
vérificateur général a fait remarquer, me semble-t-il, que le
gouvernement ne devrait pas avoir à rendre des comptes. J'ai déjà
fait des projections financières à moyen terme pour les
gouvernements et je sais d'expérience qu'on leur demande alors des
comptes. On le fait pour toute projection communiquée qui devient
un objectif officiel même si ça n'en est pas un.
Je ne crois pas que nous soyons prêts à le faire. Peut-être l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni ont-ils atteint ce stade. Peut-être que, dans leur situation, ils sont prêts, mais je ne crois pas que nous, nous le soyons.
M. Jason Kenney: Vous avez dit dans votre déclaration que la situation financière de ces pays était meilleure en ce moment que celle du Canada.
M. Scott Clark: Je veux dire par là qu'ils ont atteint leurs objectifs avant nous.
M. Jason Kenney: Je crois comprendre qu'aux États-Unis, on songe de plus en plus à utiliser tout excédent budgétaire éventuel pour réduire le passif non capitalisé de la caisse de sécurité sociale, qui est évidemment analogue au passif non capitalisé de notre Régime de pensions du Canada. Autrement dit, on commence à avoir une vision à plus long terme en utilisant les excédents budgétaires actuels pour régler les problèmes structurels financiers à long terme. Cette forme de pensée novatrice ne ressort pas des exposés que nous présentent les Finances. Pourquoi le courant de pensée se développe-t-il différemment au Canada?
M. Scott Clark: Je ne sais pas ce qui se passe aux États-Unis, mais le président a déclaré avoir l'intention d'utiliser les excédents budgétaires, s'il y en a d'autres, pour le régime de sécurité sociale. Ce n'est pas l'équivalent américain du Régime de pensions du Canada; c'est un régime financé par répartition.
Nous avons fait deux choses. Premièrement, nous nous sommes occupé des problèmes du Régime de pensions du Canada. Deuxièmement, en éliminant le déficit et en amorçant la réduction du fardeau de la dette, ce dont parle le président des États-Unis, nous produisons un dividende. Une partie de ce dividende servira à réduire la dette et une autre fraction sera utilisée pour faire d'autres investissements ou alléger le fardeau fiscal.
Les États-Unis se contentent de prévoir pour le moment la suppression du déficit. Si jamais ils ont un excédent, ils ne s'en serviront pas pour faire des dépenses ou réduire l'impôt. Tout l'argent sera affecté au système de sécurité sociale qui n'est pas un régime non capitalisé mais un régime financé par répartition.
M. Jason Kenney: Eh bien, j'ai du mal à comprendre comment vous pouvez parler d'allégement du fardeau fiscal au Canada alors que vous venez de proposer pour le RPC une hausse des cotisations de 73 p. 100. Je trouve que l'idée des Américains de privilégier plutôt l'affectation des excédents budgétaires à leur passif non capitalisé est plus prudente.
Je pense que mon temps est écoulé, monsieur le président.
Le président: On va vider la question et vous avez droit à une brève réponse. Nous allons nous arrêter là. Avez-vous une question brève à poser?
M. Jason Kenney: Non, juste un commentaire.
Le président: D'accord. Monsieur Dumas, vous allez sauter un tour.
Madame Barnes, vous avez huit minutes.
Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Merci. Je veux souhaiter la bienvenue à nos invités d'aujourd'hui.
Ce n'est que mon deuxième mandat au Parlement, mais je me rappelle que le gouvernement qui a précédé le nôtre n'avait pas d'objectifs à court terme. Il faisait toujours des projections à plus long terme. À l'époque, je me souviens avoir lu quelque chose sur le vérificateur général qui critiquait ces projections.
Pouvez-vous nous ramener en arrière en nous racontant l'histoire des projections et en nous rappelant le rapport du vérificateur général au sujet d'objectifs non atteints et de chiffres légèrement différents de ce qui était annoncé?
M. Denis Desautels: Depuis que je suis vérificateur général, nous avons périodiquement commenté la qualité générale des informations financières données par le gouvernement. À diverses reprises dans le passé, nous avons exprimé notre inquiétude devant l'incapacité des gouvernements d'atteindre certains de leurs objectifs. Je pense que les faits se passent de commentaires.
Mme Sue Barnes: Eh bien, disons-le carrément: personne n'atteignait ces objectifs avant le gouvernement actuel.
M. Denis Desautels: Ça dépend jusqu'où vous voulez remonter dans le temps, mais il est vrai que le gouvernement précédent avait énormément de mal à atteindre ses objectifs. Je le reconnais sans peine.
Mme Sue Barnes: Vous avez dit qu'il devait y avoir de la transparence et non de la reddition de comptes.
M. Denis Desautels: Oui.
Mme Sue Barnes: Je ne suis pas d'accord et je crois que mes électeurs ne le seraient pas non plus. Si on peut faire part de prévisions sans être tenu de les réaliser, il y a une dichotomie qui serait inacceptable pour la majorité et c'est pourtant ce que vous énoncez.
M. Denis Desautels: Monsieur le président, je peux donner des précisions. À l'évidence—et je crois que M. Clark vient de le dire—l'une des raisons pour lesquelles le gouvernement hésite à faire des projections à plus long terme, c'est en partie pour se concentrer sur le court terme, mais c'est aussi parce qu'on risque de lui demander des comptes s'il ne réalise pas ses projections à long terme que certains pourraient considérer comme des objectifs.
Ce n'est pas ce que nous voulons dire. Nous croyons que les objectifs à court terme doivent être bien définis et n'être rien d'autre que des objectifs à court terme. Nous croyons que les parlementaires et les Canadiens en général seront mieux informés si ces objectifs à court terme pouvaient se situer dans un contexte à plus long terme, si je peux dire.
Nous voulons donc que soit établi un cadre à long terme, pas pour prédire ce qui va arriver, mais pour établir certains scénarios afin que les gens comprennent mieux quelles pressions s'exerceront au bout d'un certain temps si les politiques ne changent pas ou si on laisse les choses aller dans une certaine direction.
Il faut donc trouver un moyen de dissocier communication de ces renseignements et obligation redditionnelle du ministre des Finances. Tant que ces deux éléments seront indissociables, les ministres des Finances hésiteront bien entendu à le faire et c'est compréhensible. Mais je pense qu'il y a moyen de les dissocier. Comme on l'a dit, je ne crois pas que ça doive faire partie du budget du ministre des Finances; ça pourrait être un dossier à part.
Mme Sue Barnes: Nous allons y revenir.
M. Denis Desautels: Je pense même que ça ne devrait pas se faire à chaque année. On pourrait le faire seulement aux deux ou trois ans.
Mme Sue Barnes: Vous avez parlé de l'automne et de la préparation du budget. Je crois que le Comité des finances va déjà commencer en juin à tenir des réunions sur ce qu'on va faire pour commencer. Est-ce que cette réunion a déjà eu lieu? Je sais que ça se passe ces jours-ci.
Le greffier du comité: Non, je ne suis pas certain des dates mais les premières réunions auront lieu pendant une semaine ce mois-ci.
Mme Sue Barnes: Nous commençons déjà les consultations pour le budget de l'an prochain.
Parlons maintenant un peu du ministère des Finances. Pour le moment, il est évident que vous avez consacré de l'argent et des ressources à ces conférences qui vous permettent d'obtenir des informations. Croyez-vous que la qualité et la quantité des informations que vous obtenez vous permettront d'établir maintenant vos objectifs?
M. Don Drummond (sous-ministre associé, ministère des Finances): Je crois que ces conférences nous ont apporté énormément de choses, à nous autant qu'aux intéressés. C'était la première fois que nous regroupions tous les intervenants pour discuter ensemble du bien-fondé de certaines hypothèses sous-tendant les projections économiques et financières.
Ce qui est arrivé de plus intéressant depuis la conférence, c'est qu'avant, une seule entreprise au Canada faisait des projections financières: Wood Gundy. En un sens, ce n'était pas très bénéfique pour la population canadienne ni pour le Parlement, puisque seul le ministère des Finances sortait des prévisions économiques et financières. Nous étions en fait la seule source d'informations.
Il y a aujourd'hui neuf entreprises qui publient des projections qui font en quelque sorte concurrence aux nôtres. Je trouve que c'est parfait d'avoir des points de vue divergents grâce au plus grand nombre d'entreprises qui produisent maintenant des scénarios à long terme. Par exemple, il y a aujourd'hui un communiqué de la Banque Royale sur ses projections financières jusqu'en l'an 2006.
Je pense que c'est en partie grâce aux conférences que nous avons organisées pour réunir les gens et mettre à la disposition du monde les informations dont on a besoin pour produire ces projections, par exemple ce qu'on a fait pour les prestations aux personnes âgées et pour le Régime de pensions du Canada, et aussi les informations à long terme qu'on a fournies.
Mme Sue Barnes: Je manque de temps et je voudrais aborder une autre question.
Je souscris sans réserve au principe de la transparence et à l'idée que les gens soient mieux informés. Je pense que le processus des consultations prébudgétaires publiques, qui n'existait pas avant, aurait au moins dû avoir un effet considérable sur votre ministère, puisque les Canadiens sont venus faire part de leurs préoccupations qui comprenaient toutes ces choses comme la maturité de leurs industries, la démographie, etc. Qu'en pensez-vous?
M. Scott Clark: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Tout le processus établi depuis 1993 est plus public que jamais et nous avons grandement bénéficié de ce que les gens sont venus présenter au comité et de la recherche effectuée en toile de fond. Ça n'existait pas avant 1993.
Mme Sue Barnes: Donc, les objectifs à court terme, la transparence... Vous avez réussi à faire ce qu'aucun autre gouvernement n'a fait depuis longtemps—pas le gouvernement, mais le ministère. Le gouvernement a réussi ce qu'on n'arrivait pas à réaliser avec toutes les choses qu'on faisait auparavant.
M. Jason Kenney: Il faut lui en attribuer en partie le mérite.
Mme Sue Barnes: Sa tâche n'est pas terminée... Je veux parler de l'analyse des sexospécificités, parce que vous allez affecter des ressources à ce que le vérificateur général veut... On a prévu une analyse des sexospécificités de la loi...
M. Scott Clark: Oui.
Mme Sue Barnes: ...et j'espère que le ministère a affecté des ressources supplémentaires...
M. Scott Clark: Oui.
Mme Sue Barnes: ...dans ce secteur également. Bien. Comme le sujet n'est pas à l'ordre du jour, je vais laisser tomber et vous donner seulement...
M. Scott Clark: Je croyais que vous alliez poser la question.
Mme Sue Barnes: Vraiment?
Ce sera tout.
Le président: D'accord. Merci, madame Barnes.
Monsieur Mayfield, nous passons maintenant à des tours de quatre minutes.
M. Philip Mayfield (Cariboo—Chilcotin, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.
C'est un plaisir de vous rencontrer cet après-midi. J'ai aimé lire... enfin, «aimé» c'est peut-être un peu fort... disons que j'ai «apprécié» ma lecture du rapport du vérificateur général qui soulève certaines questions inquiétantes, des questions graves non seulement pour vous mais pour les Canadiens et pour le gouvernement qui est chargé d'établir les politiques.
Quand je vois certaines des remarques du vérificateur général, comme les problèmes démographiques causés par le baby-boom, comme la chute des recettes que le gouvernement peut prévoir à cause des besoins accrus des personnes âgées qui ne sont plus sur le marché du travail... le vérificateur général signale toutefois certaines choses qui pourraient aider. Par exemple, il note la capacité d'épargne des Canadiens. Il souligne aussi la productivité croissante d'une main-d'oeuvre peut-être moins nombreuse.
Quelles mesures le gouvernement ou le ministère prévoit-il adopter pour favoriser l'épargne chez les Canadiens et pour encourager la productivité des travailleurs? Quelles sont vos politiques, quels sont vos projets et comment allez-vous les exposer à la population canadienne?
M. Scott Clark: Tout d'abord, je suis tout à fait d'accord. Le chapitre 6 du rapport constitue une excellente analyse. Vous avez commencé par dire que vous aviez aimé le lire, puis vous avez ajouté: «enfin...».
Des voix: Oh, oh!
M. Philip Mayfield: C'est parce que je l'ai trouvé si alarmiste en un sens, mais disons que j'ai...
Le président: C'est à cause de son âge...
Des voix: Oh, oh!
M. Scott Clark: Je pense que nous sommes dans les mêmes âges.
Je trouve que c'est une excellente analyse qui expose clairement les questions dont les gouvernements devraient prendre conscience si ce n'est déjà fait. Mon intervention consistait en partie à indiquer que nous étions déjà au courant de ces problèmes et qu'il y a beaucoup de travail à faire.
Au sujet de l'augmentation de l'épargne, je pense qu'il faut commencer par régler la question du déficit. On ne peut pas parler d'épargne nationale globale quand on a un déficit équivalant à 6 p. 100 du PIB. Il faut commencer par régler le problème à long terme, c'est-à-dire cesser de faire des déficits. Ensuite, il faut avoir un budget constamment équilibré et s'assurer que le fardeau de la dette diminue. C'est évident.
Personne ne contestera la nécessité de réduire le fardeau de la dette du Canada ni la nécessité pour le gouvernement fédéral de réduire le fardeau de sa dette et la part de ses revenus qui sert à payer les intérêts. Bien entendu, si on y parvient, on disposera de plus de ressources pour régler certains des problèmes qui sont signalés dans le rapport du vérificateur général.
Donc, la première chose à faire pour augmenter l'épargne dans l'économie, c'est réduire et éliminer les déficits de l'État et je pense qu'on y est parvenu.
Quant à l'épargne des particuliers, je pense qu'au bout du compte, ce qu'il nous faut vraiment faire pour les particuliers, c'est assurer une croissance économique soutenue et faire augmenter les revenus. Pour épargner, il faut avoir des revenus suffisants et je pense que, dans la conjoncture actuelle, la croissance est assez forte, puisqu'elle a atteint presque 4 p. 100 au cours des sept ou huit derniers trimestres. Je pense que la croissance est essentielle.
En ce qui concerne la croissance de la productivité, c'est un enjeu maintenant...
M. Philip Mayfield: Excusez-moi de vous interrompre, mais est-ce que vos projections indiquent que la croissance se poursuivra au-delà de 2000 ou 2001?
M. Scott Clark: En gros, nous prévoyons une forte croissance au cours des deux prochaines années. Ce sera la plus forte croissance parmi le G-7.
Suis-je capable de prédire la croissance pour les dix prochaines années? Je ne pense pas.
Une voix: Non?
Des voix: Oh, oh!
Le président: À l'ordre!
M. Scott Clark: Je pense que nous sommes capables de soutenir la croissance et il y a longtemps qu'on n'en a plus été capable.
Le président: Merci, monsieur Mayfield.
C'est maintenant au tour de M. Myers; quatre minutes.
M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Clark, vous avez dit dans vos remarques liminaires que le ministre des Finances précédent avait fait des projections à long terme et que l'un des risques de ces projections, c'est une hausse des primes de risque et des taux d'intérêt. Pourriez-vous donner des précisions? Est-ce un risque réel si nous optons pour cette orientation?
M. Scott Clark: Quand je repense à cette période, j'ai l'impression que le gouvernement fédéral canadien n'est pas le seul à avoir perdu de la crédibilité à cause de son incapacité à régler ses problèmes financiers. C'est aussi le cas de plusieurs gouvernements provinciaux et étrangers.
Donc, quand je repense à cette période—et nous étions alors fonctionnaires—à notre incapacité d'atteindre les objectifs, d'établir des projections à long terme qu'on n'arrivait jamais à atteindre et qui étaient rajustées dans le budget suivant, je pense que ça a amené les marchés financiers à se poser de sérieuses questions sur la détermination du gouvernement à régler une fois pour toutes le problème.
En optant pour des objectifs de deux ans qui sont atteints, on démontre notre engagement et on gagne en crédibilité. Selon un vieux dicton, la crédibilité s'acquiert difficilement et se perd facilement et si jamais on n'atteignait pas un objectif, si j'ose dire, les marchés ne nous le pardonneraient pas. C'est pourquoi nous avons encore du chemin à faire. Nous avons enfin un budget équilibré, mais quand nous aurons le bilan définitif pour l'exercice 1997-1998 confirmant l'absence de déficit, ce sera la première fois en plus de 20 ans. Il faudra ensuite consolider et conserver cette crédibilité.
C'est en partie pour cette raison qu'à mon avis, il ne faut pas reprendre nos anciennes méthodes qui n'ont pas marché dans le passé, qu'il faut s'en tenir au court terme et faire en sorte d'atteindre nos objectifs.
M. Lynn Myers: Monsieur Desautels, quel est votre avis? Ça me touche quand j'entends quelqu'un comme M. Clark dire que les taux d'intérêt élevés ébranlent les marchés et tout le reste. Que pensez-vous de cet argument en particulier?
M. Denis Desautels: Monsieur le président, je trouve que la crédibilité est primordiale quand on veut avoir la confiance des marchés financiers pour conserver les mêmes taux d'intérêt et emprunter à un taux avantageux. J'ai toujours été de cet avis et je pense qu'il nous faudra conserver la crédibilité acquise ces dernières années. Nous devons faire ce qu'il faut pour ne pas la perdre.
Je crois toutefois que... Et je rappelle que je ne suis pas le seul à le dire. Même l'OCDE recommande d'atteindre ses objectifs à court terme tout en discutant de façon constructive de certains des obstacles qu'il faudra éventuellement surmonter.
Ça ne veut pas dire que nous devons nécessairement revenir à une époque où on ne s'en faisait pas quand on n'atteignait pas ses objectifs la première ou la deuxième année parce qu'on pouvait se reprendre la troisième, quatrième ou cinquième année. Malheureusement, on ne se reprenait jamais. Je pense qu'il ne faut pas revenir à cette époque.
Il faudrait atteindre les objectifs de cette année et de l'année suivante, mais il faut aussi être en mesure d'établir le contexte des objectifs à court terme pour qu'on puisse commencer à établir les politiques qui toucheront les contribuables et les Canadiens dans 10 ou 15 ans. Or, ces décisions de principe ne pourront être prises que si on dispose d'informations permettant de comprendre le contexte et la situation actuels. Je pense que c'est faisable et qu'on peut dissocier les objectifs à court terme du contexte à long terme.
M. Lynn Myers: Merci.
Très rapidement, monsieur Clark, vous avez dit que le jour viendra où il faudra revenir à ce type de projections, mais seulement si on s'en sert à titre indicatif. Dans quelles conditions et quand faudrait-il le faire? De quoi tiendrait-on compte?
M. Scott Clark: Je ne pense pas pouvoir vous donner de réponse précise sur le moment idéal. Je peux énumérer les conditions que j'envisagerais. Tout d'abord, je voudrais avoir atteint immanquablement nos objectifs à court terme. Notre objectif à court terme, c'est un budget équilibré. Notre objectif à moyen et à long terme, c'est une réduction constante du fardeau de la dette.
La clé, c'est d'accumuler quelques exercices au budget équilibré. Jusqu'à maintenant, nous n'avons eu que deux budgets équilibrés consécutifs. C'était il y a plus de 50 ans. C'est la dernière fois où nous avons eu deux budgets équilibrés consécutifs.
• 1615
Quand je parle aux gens des marchés de New York, de Toronto ou
d'ailleurs, ils ne me recommandent pas du tout de revenir à des
projections à long terme, parce qu'ils savent, comme tout le monde,
que c'est impossible de les réaliser. Ils privilégient sans réserve
les objectifs à court terme.
Le président: Merci.
Monsieur Dumas, vous avez quatre minutes.
[Français]
M. Maurice Dumas (Argenteuil—Papineau, BQ): Plus tôt, M. Desautels a parlé d'initiatives de budgétisation à long terme dans de nombreux pays. Qu'entendez-vous par le long terme? C'est une période de combien d'années? Dans ces budgets à long terme, a-t-on prévu qu'il pourrait y avoir des périodes de récession, des périodes de vaches maigres? Actuellement, nous sommes dans une période de vaches grasses.
M. Denis Desautels: Dans les pays que nous avons cités en exemples, comme la Grande-Bretagne, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis, les projections à plus long terme varient d'une décennie à plusieurs décennies. Aux États-Unis, en particulier, on parle de plusieurs décennies qui vont certainement couvrir plusieurs cycles économiques. Ces pays croient que ce genre d'information, malgré les risques, vaut la peine d'être publiée et d'être discutée.
M. Maurice Dumas: Indépendamment du fait qu'ils peuvent arriver à une récession, comme ce fut le cas il n'y a pas tellement longtemps, il y a peut-être une quinzaine d'années?
M. Denis Desautels: Comme je le disais, aussitôt qu'on fait des prévisions qui dépassent une décennie, comme dans le cas des Américains, des prévisions qui peuvent aller jusqu'à 30 ans, trois décennies, on est sûr de traverser plusieurs cycles économiques, avec des périodes de croissance et des périodes de récession. Les prévisions sont des moyennes qui peuvent nous indiquer où on peut aboutir au bout de 10, 15 ou 20 ans.
M. Maurice Dumas: Merci.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Dumas.
Allez-y, monsieur Mahoney. Vous avez quatre minutes.
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président.
Vous ne publiez pas de projections à long terme et je comprends cela mais vous faites des analyses d'incidence fondées sur divers scénarios. Je pense à des événements comme la grippe asiatique ou l'incidence que l'euro aura sur l'économie mondiale. Il me semble que nos problèmes budgétaires sont étroitement liés à ce qui se passe dans le monde. Faites-vous une analyse ou avez-vous des stratégies en vue d'élaborer des plans d'éventualités ou des mesures analogues?
M. Scott Clark: Comme l'indique un vieux dicton, il faut tenir compte des imprévus. En fait, je crois qu'un des changements importants qui s'est produit est qu'à partir de 1993, nous nous sommes rendu compte de la possibilité que surviennent des événements, tels que la crise asiatique, qui risquent de fausser le plan budgétaire, ce que l'on veut précisément éviter. Par conséquent, à partir de l'exercice 1993-1994, nous avons instauré une réserve annuelle de trois milliards de dollars pour éventualités, pour faire face aux imprévus, et nous avons fondé notre plan budgétaire sur des perspectives économiques ou des événements moins optimistes que les prévisions des conjoncturistes du secteur privé.
Chaque année, quand nous faisons notre plan, nous examinons les prévisions d'une vingtaine de conjoncturistes. Nous examinons ce qu'ils disent au sujet de la croissance des revenus nominaux et au sujet des taux d'intérêt, nous calculons la moyenne, puis nous nous basons sur des taux d'intérêt plus élevés et sur une croissance moins forte pour prévoir dans notre plan budgétaire une certaine marge de manoeuvre nous permettant de faire face aux imprévus. C'est donc un élément important de notre plan budgétaire.
Nous faisons en outre de nombreuses analyses et de nombreuses études—je l'ai d'ailleurs dit à propos de l'intervention—sur l'incidence que divers événements pourraient avoir sur l'économie et évidemment sur le plan budgétaire. À mon avis, un des changements importants que nous avons apportés à la planification budgétaire est la prudence nécessaire pour être certains d'atteindre nos objectifs.
M. Steve Mahoney: Je trouve vos propos légèrement contradictoires. Vous pourriez peut-être m'aider à comprendre, monsieur Scott.
Je pense au fait que votre planification est axée sur une période de deux ans. À la page 4 de vos commentaires, vous dites que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont restructuré le RPC «précisément dans le but de l'adapter en fonction des pressions démographiques à long terme».
• 1620
Il y a cette masse de membres de la génération du
baby-boom—M. Kenney n'est pas encore assez âgé, mais la plupart
d'entre nous en font partie et d'autres font partie de la
génération précédente—qui a commencé à avoir une influence énorme
sur toute l'économie à partir du moment où ils se sont mis à
acheter des automobiles ou une maison. Nous avons constaté l'énorme
influence qu'a ce groupe sur les marchés.
Le vérificateur général parle de ralentissement énorme et emploie d'autres termes de ce genre. Ce sont des propos qui mettent mal à l'aise mais je comprends d'où ils viennent.
Le président: C'est ce que l'on appelle le retour à l'essentiel.
M. Steve Mahoney: Oui, c'est exact.
Si l'on fait des projections pour deux ans seulement, il faut bien analyser et comprendre l'incidence des facteurs démographiques, qui font précisément l'objet de la présente discussion. Comme ce phénomène provoquera un ralentissement de la consommation, il entraînera peut-être un accroissement des investissements dans les REÉR et de l'épargne; les Canadiens commencent à mettre de l'argent de côté. Tout cela doit avoir une énorme incidence sur les activités de votre ministère et sur l'aptitude du gouvernement à faire des projections
M. Scott Clark: Je crois que vous reconnaissez tous—et c'est ce que j'ai dit dans mon allocution—qu'il est absolument nécessaire et extrêmement important de faire des analyses et des études sur ces questions. J'ai énuméré soigneusement—et je vous ai probablement cassé les pieds—toutes les études qui ont été faites, toutes les conférences que nous avons organisées et les autres initiatives qui ont été prises.
Je pense que le vérificateur général et moi sommes bien d'accord sur la nécessité d'examiner ces questions, et c'est d'ailleurs ce que nous faisons. Nous devons en tenir compte quand nous nous mettons à faire des prévisions sur la conjoncture économique.
Par conséquent, je pense que nous sommes absolument d'accord quant à la nécessité de faire des études sérieuses et plus particulièrement des études sur les tendances démographiques et leurs incidences. Cela ne fait aucun doute.
Le président: Merci, monsieur Mahoney.
Monsieur Harb.
M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Merci beaucoup pour votre exposé. Je voudrais faire un commentaire puis savoir ce que vous en pensez.
Plusieurs centaines de facteurs interviennent dans l'économie mondiale actuelle. Dans certains cas, le gestionnaire de fonds communs de placement qui décide de récupérer ses fonds et de pratiquement détruire l'économie peut aller placer ces fonds à l'étranger et y faire la même chose. Ce genre de décision peut provoquer une débâcle dans deux ou trois pays et y avoir une forte influence sur les taux d'intérêt, ce qui peut engendrer une récession, artificielle ou non.
Compte tenu d'événements de ce genre, des fluctuations des cours monétaires et des taux d'intérêt ou des changements qui se produisent chez nos partenaires étrangers, il doit être extrêmement difficile pour vous d'annoncer vos objectifs pour les cinq prochaines années.
M. Scott Clark: Vous feriez peut-être bien de remonter jusqu'aux années 80 et de demander aux ministres des Finances précédents pourquoi ils n'avaient pas atteint leurs objectifs. Les taux d'intérêt et le fait que la croissance ne correspondait pas du tout à leurs prévisions en sont la principale cause.
Ces écarts sont dus au genre d'événements auxquels le député qui a parlé avant vous a fait allusion. On ne sait pas quand ils vont se produire mais ils sont probables. On ne peut être certain de rien à deux ans d'échéance, à plus forte raison quand il s'agit d'une période de cinq ou dix ans. C'est une discussion intéressante mais du point de vue purement budgétaire, il n'est déjà pas facile de faire des projections portant sur une période de deux ans avec un degré de certitude raisonnable.
C'est pourquoi nous tenions à faire preuve de prudence dans la planification budgétaire et à nous fonder sur des assomptions résolument «pessimistes», si je puis dire, par rapport à l'opinion générale des prévisionnistes.
Nous ne pouvons pas nous permettre de nous tromper. Wood Gundy peut se le permettre. L'économiste en chef de Wood Gundy peut changer de ton le lendemain; tout ce qu'il risque s'il se trompe, c'est de recevoir une plus petite prime. Par contre, c'est un luxe que le gouvernement ne peut se permettre.
M. Mac Harb: C'est le premier point. Le deuxième, c'est qu'il existe je ne sais combien de normes différentes lorsqu'il s'agit de faire la comptabilité des dettes et des avoirs du gouvernement, autrement dit de son actif et de son passif.
Si l'on appliquait les méthodes de comptabilité utilisées dans certains pays de l'OCDE, le Canada serait probablement dans une bien meilleure situation financière. Est-ce exact?
M. Scott Clark: Oui.
M. Mac Harb: Dans ce cas, y a-t-il un mouvement qui se dessine, au ministère des Finances ou dans la fonction publique, en faveur de l'établissement de normes internationales efficaces, pour les pays de l'OCDE du moins, qui permettraient de faire des comparaisons précises?
Si nous établissions de telles normes de comptabilité, on parlerait tous de la même chose. Prenez-vous des initiatives dans ce sens?
Je voudrais savoir en outre ce qu'en pense le vérificateur général.
M. Scott Clark: En ce qui concerne les possibilités d'établir des parallèles entre divers pays de l'OCDE, je dirais que ceux-ci ont tendance à utiliser des données appelées «comptes nationaux». C'est une bonne méthode. Elle n'est pas très différente, du point de vue strictement financier, du système fondé sur les «besoins financiers». Notre évaluation du déficit est fondée sur les comptes publics. Notre système est également fondé sur les besoins financiers et il est très proche du système axé sur le «solde budgétaire», comme on l'appelle aux États-Unis.
Je vous signale que dans nos budgets, nous indiquons toujours que notre solde est de X dollars, d'après un calcul basé sur les comptes publics. Si nous le calculions de la même façon qu'aux États-Unis, nous aurions déjà un budget équilibré, parce que nous avons déjà un excédent sur le plan des besoins financiers.
Comme vous pourrez le constater je crois, nous n'adopterons pas la méthode américaine. Ce sont plutôt les États-Unis qui adopteront la nôtre. Les États-Unis ont probablement tendance à vouloir adopter un système axé davantage sur les comptes publics.
Le président: Avez-vous des commentaires à faire au sujet de la question, monsieur Desautels?
M. Denis Desautels: Oui, monsieur le président. Je serai bref et prendrai le dernier commentaire de M. Clark comme point de départ.
De gros efforts sont faits un peu partout dans le monde pour normaliser la comptabilité et la divulgation des renseignements. Je pense aux efforts que font la Fédération internationale des comptables, l'INTOSAI ainsi que d'autres organismes, y compris l'OCDE. Le mouvement est toutefois généralement en faveur d'une divulgation plus complète, d'un système plus proche de celui que nous appliquons ici. Même les États-Unis ont publié pour la première fois, pour l'exercice financier précédent, une série complète d'états financiers dont le but est de donner une idée exacte du passif.
Par conséquent, nous essayons d'indiquer toutes nos obligations et toutes nos dettes, et je crois qu'un nombre croissant de pays suivent maintenant notre exemple.
M. Mac Harb: Merci.
Le président: Monsieur Clark, je constate que vous hésitez à publier ce genre de rapports. Vous prétendez que vous ne voulez pas vous fixer des objectifs susceptibles de jeter la confusion dans les esprits mais je pense que le vérificateur général estime qu'il est temps d'amorcer la discussion.
Vous est-il possible d'envisager d'autres mécanismes que les tournées de consultations prébudgétaires—les documents concernant la planification et les priorités, les documents sur les budgets des dépenses antérieurs, les rapports de rendement des ministères—pour entamer des discussions sur le budget sans fixer des objectifs?
M. Scott Clark: Je crois qu'on pourrait envisager d'autres possibilités. Je crois que le vérificateur général a demandé si nous pouvions le faire au cours de la période prébudgétaire ou à n'importe quel autre moment d'ailleurs. Il s'agit de pouvoir se détacher du système actuel axé sur l'obligation de rendre des comptes et de fournir les renseignements nécessaires pour alimenter une discussion et un débat public intéressants.
Permettez-moi de vous citer un exemple précis: quand mon ministre s'est présenté devant le comité chargé d'examiner le Budget des dépenses principal de notre ministère, il a fait allusion au fait que le ratio dette-PIB était d'environ 40 p. 100 aux États-Unis. Ne serait-il pas formidable qu'il soit semblable chez nous.
Le lendemain, le Financial Post a dit «Le ministre des Finances est sur le point d'établir un nouvel objectif en ce qui concerne la dette». La presse était incapable de faire la distinction entre une simple déclaration d'ordre général destinée à alimenter un débat et un objectif précis.
Par conséquent, je crois que le vérificateur général a mis le doigt sur la plaie. Quand atteindrons-nous ce stade? Comment favoriser un débat intéressant en ayant éventuellement recours aux mécanismes que vous avez suggérés, tout en évitant d'engendrer des obligations supplémentaires en matière de reddition de comptes?
Le président: Il existe à mon sens trois problèmes fondamentaux.
Le premier concerne les pensions. Comment avoir les moyens de payer la pension de la multitude de personnes qui vont prendre leur retraite?
Le deuxième est de savoir comment avoir les moyens de financer les soins de santé de ces personnes—et c'est de nous qu'il s'agit—, au cours des dernières années de leur vie? Si j'ai bien compris, d'après certaines statistiques, on consomme environ 50 p. 100 des soins de santé au cours des deux dernières années de sa vie.
Le troisième problème est celui de la diminution de la productivité, à laquelle le vérificateur général a d'ailleurs fait allusion, à la suite de la diminution de la population active que l'on n'arrivera peut-être pas à compenser par un accroissement de la productivité et par des investissements.
• 1630
Par conséquent, les pensions deviennent plus coûteuses et les
soins de santé également; la productivité a tendance à baisser mais
nous ne faisons pas d'économies pour les soins de santé. Nous ne
mettons pas d'argent de côté aujourd'hui pour payer les soins de
santé dans cinq ans; ils sont financés par répartition et nous
savons que cela représentera un coût énorme à l'avenir. Il ne
s'agit pas de fixer un objectif mais de discuter pour voir comment
on pourra arriver à financer les soins de santé en l'an 2030.
Comment déclencher ce genre de discussion?
M. Scott Clark: Je vous signale que je suis du même avis que vous en ce qui concerne les trois problèmes fondamentaux. Comme l'a signalé mon collègue, de nombreux organismes, dont l'OCDE, fournissent ce genre de projections. Je ne suis pas contre le fait de faire des projections et je ne doute pas de l'opportunité de faire des études et des analyses sérieuses. Comme vous, j'estime que le problème de la retraite et des soins de santé—ou plutôt le problème du vieillissement de la population—est un problème critique, principalement à cause de l'accroissement du ratio de dépendance ou du ralentissement de la croissance de la population active. Quant à ce que vous dites au sujet du problème de la diminution de la productivité—que nous essayons de régler, même si cela prendra du temps—, je n'en disconviens pas du tout. Je dirais probablement qu'il faut tenir davantage de discussions publiques sur les problèmes intergénérationnels.
Le président: Cela confirme ce que j'ai dit à propos de votre hésitation à amorcer le débat: vous avez peur de donner l'impression de fixer des objectifs et de vous retrouver coincé. Faites donc preuve d'un peu d'audace et foncez!
M. Scott Clark: Je pense que le vérificateur général a mis exactement le doigt dessus en se demandant par quel moyen je pourrais me détacher de l'obligation de rendre des comptes pour fournir les renseignements nécessaires.
Le président: Oui mais, comme je l'ai dit, l'obligation de rendre des comptes... Prenons l'exemple des soins de santé; c'est un programme qui est strictement financé par répartition. Il n'est nullement question d'économiser de l'argent aujourd'hui pour financer les soins de santé à l'avenir, même si nous savons que les coûts augmenteront. Avons-nous une idée du pourcentage du PIB que représenteront les soins de santé, d'après les hausses de coûts prévues et les autres projections du genre? Il n'est pas question de fixer des objectifs mais de faire prendre conscience du problème, à mon avis.
M. Scott Clark: Je suis d'accord, et c'est pourquoi le ministère des Finances a produit, avec l'aide des provinces, le document sur lequel reposent la plupart des analyses du rapport du vérificateur général. Il s'agit de l'étude de 1992.
Le président: Cela suscitera des discussions entre les provinces. Elles se demanderont qui va payer et si cela coûtera très cher. Il s'agit donc d'amorcer un autre débat, mais un débat qui sera très utile, avant que la situation ne devienne critique. N'êtes-vous pas d'accord?
M. Scott Clark: Je pense qu'il est absolument nécessaire de faire des études et de tenir un débat avant que la situation ne devienne critique. Vous voulez savoir si j'estime inutile de fixer un objectif en matière de réduction de la dette...
Le président: Non, je n'ai pas parlé d'objectifs. Je n'ai rien dit à ce sujet. J'ai dit qu'il fallait faire et publier une analyse indiquant à quel point la situation deviendra critique. Nous venons par exemple d'examiner le problème du Régime de pensions du Canada. Le ministre s'est fait reprocher amèrement à la Chambre d'avoir augmenté de 73 p. 100 le montant des primes versées au RPC parce qu'on prévoit avoir des problèmes d'ici 15, 25 ou 30 ans.
M. Scott Clark: Je suis d'accord. Je n'ai aucune objection contre le fait de faire et de fournir des analyses, ni contre le fait de faire des études et d'en discuter.
Le président: Par conséquent, si vous n'avez aucune objection, je me demande comment vous allez nous communiquer ces renseignements au lieu d'invoquer des prétextes comme: «Je ne veux pas fixer des objectifs; par conséquent, je ne le ferai pas»?
M. Scott Clark: Je suis ici. Vous pouvez toujours demander à des fonctionnaires de venir discuter des problèmes. Je n'essaie pas de vous faire comprendre que je ne serais pas disposé à venir discuter...
Le président: Nous voulons obtenir les études des universitaires et les rapports.
M. Scott Clark: Vous les voulez?
Le président: Je crois que si nous voulons tenir un débat public intelligent, ce n'est pas uniquement en venant discuter de temps en temps autour de cette table que nous y arriverons; il est nécessaire d'examiner les études faites par des universitaires et des analyses intelligentes...
M. Scott Clark: Absolument et c'est pourquoi je vous ai remis la liste complète des rapports d'études faites par des universitaires qui ont été examinés dans le cadre de cette conférence.
Le président: Bien. Monsieur Grose.
M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président.
Le sujet m'intéresse beaucoup. Il nous arrive d'aborder un sujet que je connais un peu. Je suis de près le problème du vieillissement de la population. Je ne veux pas des projections à long terme non plus. Lorsque j'étais dans les affaires et que je voulais emprunter 75 $ à mon gérant de banque, il me demandait des projections portant sur une période de cinq ans; toutes les projections portant sur une période dépassant trois semaines étaient purement hypothétiques mais il les exigeait et me prêtait les 75 $.
Il est notamment question de comprendre les choix. D'après le scénario pour l'an 2010, les membres de la génération du baby-boom commenceront à vouloir, entre autres choses, toucher les prestations du RPC et de la SV alors que d'ici là, toutes les ressources de ces régimes auront été épuisées.
Ce que je veux savoir, c'est quels sont les choix. Dites-le-nous. Vous pouvez nous dire exactement combien de temps ces gens-là vivront et quelles seront leurs attentes. C'est une chose que n'importe quel actuaire est capable de dire. Dites-nous ce qui arrivera si nous ne faisons rien et ce qui arrivera si nous prenons telle ou telle initiative. Oubliez les répercussions politiques d'un doublement ou d'un triplement des primes à verser au RPC mais de grâce, parlez-nous des choix, dites-nous ce qui arrivera si nous ne faisons rien ou ce qui arrivera dans tel ou tel cas.
• 1635
Nous faisons des études sur la question depuis un certain
temps et les perspectives sont plutôt inquiétantes, mais c'est tout
ce que nous savons. Que pourrions-nous ou devrions-nous faire?
Est-il impossible de régler le problème? Faudrait-il seulement
continuer d'en discuter et de faire des études?
M. Scott Clark: Je crois que de nombreux choix se dégagent des analyses et des discussions sur le RPC, quant à ce qui serait arrivé si nous ne nous étions pas entendus avec les provinces sur la nécessité de procéder à une réforme du RPC. Les conclusions de l'actuaire étaient très claires. La nécessité d'une intervention est incontestable. Cela ne fait aucun doute.
De nombreux rapports et de nombreuses études faites par des universitaires ont été publiées au Canada et dans d'autres pays de l'OCDE. L'incidence du vieillissement de la population a été analysée en profondeur, que ce soit sous l'angle d'une réforme du régime de pensions ou de l'augmentation du coût des soins de santé. Je peux vous affirmer que le vieillissement de la population aura des répercussions beaucoup plus fortes sur le coût des services de santé et sur la proportion de la production économique qui y sera consacrée, que sur le revenu de retraite.
Il existe par conséquent des analyses et il convient d'en tenir compte dans un débat public. J'estime cependant que la condition sine qua non pour arriver à régler les problèmes auxquels nous serons confrontés dans le futur, celui du vieillissement en l'occurrence, est de réduire la charge de la dette publique. Il faut qu'elle diminue pour environ 68 p. 100 de la fonction publique. Cela ne fait aucun doute.
Par conséquent, il convient de se demander ce qui se passera si l'on ne fait rien. Il faut absolument réduire la charge de la dette si l'on veut avoir des choix intéressants pour faire face aux changements dus aux tendances démographiques. Cela ne fait aucun doute.
M. Ivan Grose: C'est fascinant, parce que j'ai participé aux audiences de ce matin et nous avons entendu le témoignage de deux groupes qui nous ont dit tous les deux d'oublier la dette et de prendre telle ou telle mesure. Soit dit en passant, ces deux groupes n'étaient pas du tout d'accord entre eux pour ce qui est des mesures à prendre. Il y a toutes sortes de choix très compliqués et c'est ce qui me préoccupe.
J'ai une question toute simple à vous poser au sujet des régimes de retraite privés, dont les Canadiens dépendent. Ils ont perdu confiance dans le régime de pensions du gouvernement et comptent sur les régimes privés comme moyen de subsistance. Est-ce que ce sera le cas à partir de l'an 2010 ou est-ce que le gouvernement devra intervenir—s'il est en mesure de le faire, parce qu'il faut reconnaître que c'est une solution de dernier recours? Les régimes de retraite privés sont-ils en mesure de subvenir aux besoins des Canadiens?
M. Don Drummond: Il existe deux principaux types de régimes de retraite privés. Il y a le régime à prestations déterminées, qui est créé par l'employeur. Quand un employeur offre un régime à ses employés, c'est généralement suffisant pour leur assurer leur pension. Ce ne sont malheureusement pas tous les employés qui sont couverts par de tels régimes et le pourcentage de travailleurs qui en bénéficient est malheureusement en train de diminuer, notamment en raison de l'accroissement du nombre de travailleurs autonomes.
Par conséquent, le nombre de Canadiens qui doivent compter sur un régime du type REÉR est de plus en plus élevé. Nous savons que des sommes considérables sont investies dans les REÉR. D'une manière générale, les travailleurs dont les revenus sont supérieurs à la moyenne sont bien couverts par ces régimes mais, comme on le sait, ceux dont le revenu familial se situe entre 30 000 et 60 000 $ n'ont généralement pas mis assez d'argent de côté dans leur REÉR.
Je crois qu'ils sont conscients du fait qu'il leur faudra probablement davantage pour vivre. Si des mesures incitatives sont en place, leurs économies ne sont pas toujours suffisantes pour que l'on puisse feindre d'ignorer le problème que cela pose. Le revenu de retraite d'un régime privé risque d'être insuffisant. Cette situation devient de plus en plus inquiétante étant donné que le nombre de régimes offerts par les employeurs diminue.
M. Ivan Grose: Merci beaucoup.
Le président: Monsieur Mayfield.
M. Philip Mayfield: Merci beaucoup. J'apprécie certaines des questions qui ont été posées; je voudrais toutefois poser une question analogue mais sous un angle légèrement différent. Je pense à l'attitude des personnes que nous avons encouragées à dépendre de la «nounoucratie»... Autrefois, les médecins usaient de leur ascendant sur les patients et ceux-ci suivaient toutes leurs recommandations sans discuter.
Depuis peu cependant, les gens commencent à prendre davantage leur santé en main et je crois que l'on pourrait en dire autant en ce qui concerne leur retraite.
• 1640
J'insiste pour que l'on adopte la politique de transparence
nécessaire pour permettre aux Canadiens de voir exactement où ils
en sont en ce qui concerne le système des soins de santé ou les
régimes de pension de l'État et de savoir ce qu'il leur restera à
faire pour obtenir les soins de santé nécessaires et pour toucher
les revenus qu'ils souhaitent à la retraite. Ce qui offense
beaucoup les Canadiens, c'est qu'ils croient avoir fait le
nécessaire au moment où la mauvaise nouvelle les prend par
surprise. Ils ne se sentent pas responsables de la situation et
elle les choque profondément.
À l'instar de certains de mes collègues, j'estime que nous devrions essayer de tendre de plus en plus vers l'instauration d'un partenariat avec les Canadiens au lieu d'entretenir une relation de supérieur à inférieur comme celle qui existe entre le médecin et ses patients ou entre les gouvernants et les gouvernés. Comment faire pour que les citoyens sachent ce qu'ils peuvent attendre du gouvernement ou de la «nounoucratie», en ce qui concerne les régimes de pension et les régimes de soins de santé, et pour qu'ils puissent élaborer une tactique pour arriver à subvenir à leurs besoins en fonction de ces renseignements? Réfléchissez-vous à la possibilité de fournir des renseignements assez précis aux Canadiens pour leur permettre de préparer leur avenir?
M. Scott Clark: Certainement.
M. Don Drummond: Je voudrais aborder la question du rôle que jouent les projections à long terme dans la transparence et signaler deux ou trois cas où cela a peut-être été davantage une source de confusion que de transparence.
Le Régime de pensions du Canada est un cas typique parce qu'il a toujours fait l'objet de projections à long terme; on a par conséquent l'impression qu'il est transparent et que l'on devrait savoir où l'on en est. Comme l'a signalé M. Kenney, malgré cette longue tradition de projections à long terme, nous avons dû proposer de très fortes hausses du montant des primes au cours de la série de discussions qui viennent de se terminer. Ces projections à long terme n'ont pas nécessairement apporté la transparence espérée et elles n'ont certainement pas permis aux intéressés de savoir où ils en étaient, à cause des rajustements importants qu'il a fallu faire à ce régime.
Les États-Unis ont peut-être recours depuis plus longtemps que d'autres pays aux traditions de projections à long terme. Au cours de la dernière décennie, le General Accounting Office américain a fait à trois reprises des projections allant jusqu'en 2040. En 1992, il a indiqué qu'en 2016, le déficit représenterait 10 p. 100 du PIB; en 1995, il a signalé qu'il serait toujours de 10 p. 100 en 2016 et cette année, il a dit qu'il n'y aurait plus de déficit jusqu'en 2015 et qu'un ratio déficit/PIB de 10 p. 100 ne se produirait plus avant 2040. Je suppose que c'est ce qu'on peut appeler de la transparence. Par contre, au lieu d'apporter des certitudes, ces chiffres ont été une source de confusion profonde.
À première vue, ces chiffres représentent un écart énorme. Comment peut-on prévoir un déficit de 10 p. 100 pour 2016 la première fois, puis la suppression complète du déficit la fois suivante? Quand on y regarde de plus près, on constate toutefois que la différence est minime. Une toute petite différence du taux de croissance annuelle de la productivité sur une période de 20 à 30 ans représente en fin de compte une différence énorme. Je suis en faveur de ce type d'analyse, mais je pense qu'il faut être bien conscient du fait qu'elle n'apporte aucune certitude, parce qu'une toute petite différence par rapport aux projections que l'on a faites change complètement les résultats.
Dans le cadre d'une étude analogue, on a produit au Canada un document dans lequel on s'interroge sur la stabilité de notre situation financière. On a fait des calculs pour déterminer si les générations futures devront payer des impôts plus élevés que nous. Dans un premier temps, on en est arrivé à la conclusion que le fardeau fiscal des Canadiens devrait augmenter de 73 p. 100. Deux années plus tard, les mêmes auteurs ont dit qu'il n'augmenterait pas du tout. Le résultat des calculs concernant ce qui se passerait d'ici ou deux ou trois générations avait donc complètement changé en deux ans. Ce serait bien d'avoir une certitude à cet égard mais je ne pense pas que nous disposions des moyens nécessaires.
M. Philip Mayfield: Ne pensez-vous pas que vous dites en substance aux Canadiens qu'il n'est pas possible de prévoir avec certitude ce qui se passera dans l'avenir, qu'ils feraient mieux de ne compter que sur eux-mêmes et de considérer tout supplément éventuel comme un cadeau? On dirait que les Canadiens craignent que le gouvernement finisse par mettre la main sur les économies qu'ils font pour l'avenir, afin de compenser ses insuffisances passées. J'ai l'impression que le fait de ne pas adopter une attitude plus coopérative à l'égard des Canadiens comporte certains dangers. Les Canadiens sont débrouillards. Ils s'arrangeront d'une façon ou d'une autre pour subvenir à leurs besoins mais il serait bon que cela se fasse dans un esprit de collaboration avec les gouvernants plutôt que dans un esprit de concurrence.
Le président: Était-ce une affirmation ou une question, monsieur Mayfield?
M. Philip Mayfield: Vous pouvez répondre si vous voulez, mais c'est une affirmation.
M. Scott Clark: C'est ce qu'il me semble.
Le président: Je suppose que cela ne nécessite pas de réponse.
Monsieur Kenney.
M. Jason Kenney: Merci, monsieur le président.
M. Philip Mayfield: J'aurais dû demander au vérificateur général s'il voulait répondre.
Le président: Le vérificateur général souhaite-t-il répondre?
M. Denis Desautels: Pas pour l'instant.
Le président: Monsieur Kenney.
M. Jason Kenney: Au cours de mon premier tour, j'ai fait preuve de négligence en oubliant de dire que je tiens à féliciter le vérificateur général et son bureau pour leur excellent travail. J'estime qu'ils ont fait preuve de beaucoup de leadership en attirant l'attention du Parlement sur ce qui constitue peut-être, à mon avis, le plus grand défi politique des prochaines décennies. J'estime que c'est de l'excellent travail et un excellent point de départ.
Je n'ai que quelques observations à faire au sujet de la discussion. Je poserai ensuite une question au vérificateur général.
Il me semble que notre problème ne soit pas lié à un manque de renseignements. M. Clark et son ministère ont signalé qu'ils étaient tout disposés à fournir des renseignements et à faire ou financer des études inédites sur le problème de l'équité entre générations et sur les facteurs qui risquent d'hypothéquer l'avenir.
J'apprécie le fait que le ministère des Finances ait parrainé la conférence qui s'est tenue à l'université Queen's au début de l'année. J'ai lu deux ou trois des documents qui ont été examinés à cette occasion. J'apprécie la bibliographie qui nous a été fournie. Je connais la plupart des études qui ont été faites à ce sujet par des instituts de recherche tels que l'Institut de recherches politiques et l'Institut C.D. Howe. M. Drummond vient de faire allusion à deux ou trois de ces études. Le Fraser Institute a également financé des recherches de ce genre.
Par conséquent, ce ne sont pas les études qui manquent sur la question mais j'ai par contre l'impression que la carence se situe au niveau de la volonté et du leadership politiques. Ne croyez surtout pas que je dis cela par sectarisme.
M. Mac Harb: Non, loin de là.
M. Ivan Grose: Pas du tout.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Faites votre commentaire, monsieur Kenney.
M. Mac Harb: Le temps dont il disposait est déjà écoulé. Son intervention a duré trois minutes et 59 secondes.
Le président: Non. Allez-y, monsieur Kenney. Vous avez la parole.
M. Jason Kenney: Ce que je veux dire, c'est qu'un problème se pose dans les sociétés démocratiques contemporaines, à savoir l'absence de motivation chez nos dirigeants d'adapter les politiques en fonction du long terme. Winston Churchill a dit que le politicien était par définition une personne qui pense aux prochaines élections alors que l'homme d'État est quelqu'un qui pense à la génération suivante. Quand on est politicien, on a de la difficulté à dire aux citoyens les vérités qui sont dures à entendre.
C'est pourtant ce qu'il faut faire, à mon avis. Permettez-moi de parler d'un passage du rapport du vérificateur général où il a dit que le ministère des Finances a pris une bonne initiative en fournissant ce genre de renseignements sur le débat concernant le RPC. Ce qui me préoccupe, c'est que ce débat se soit déroulé et que ces renseignements aient été communiqués principalement entre décideurs. Cela ressemble à la politique interne dans le milieu du base-ball. À moins d'être un mordu de la politique et de suivre toutes les audiences à la télévision, sur la Chaîne parlementaire, on n'est pas très au courant de ce qui s'est passé.
Comme président d'un groupe d'intérêt, j'ai assisté aux audiences sur la réforme du RPC qui ont été organisées par le gouvernement dans toutes les régions du pays et je me souviens que, la plupart du temps, j'étais la seule personne de moins de 50 ans dans l'assistance. Autrement dit, les représentants de toute une génération directement concernée n'ont pas participé à ce débat.
Pour terminer, je vous poserai la question suivante: ne pensez-vous pas qu'il soit nécessaire de se détacher... Comme l'a indiqué M. Clark, cela ne devrait pas être rattaché au budget. Il n'est pas nécessaire de faire des projections sur le coût des soins de santé d'ici 30 ans dans un budget financier fédéral annuel. C'est absolument ridicule.
Aux États-Unis par exemple, le président, avec le concours du Congrès, a institué une commission composée d'un nombre égal de représentants de toutes les parties, c'est-à-dire des personnes âgées, des membres de la génération du baby-boom et de ceux de la génération suivante. Par conséquent, les diverses générations sont représentées de façon équitable au sein d'une commission indépendante où l'on peut discuter franchement de tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés, en dehors de toute considération politique.
Le vérificateur général n'estime-t-il pas qu'une commission de ce genre serait utile au Canada? Elle pourrait examiner ces problèmes sans contrainte et dialoguer plus franchement que les politiciens avec les Canadiens.
M. Denis Desautels: Je crois qu'il existe plusieurs possibilités d'utilisation du genre de renseignements que nous recommandons de fournir. Il n'est pas très difficile de produire ces renseignements, à mon avis. Je pense que le ministère des Finances possède de nombreux renseignements intéressants. C'est surtout ce que l'on en fait quand ils sont accessibles qui importe.
Le principal objectif de notre chapitre est de rendre les renseignements que possède le ministère des Finances accessibles aux députés et aux Canadiens en général, de façon plus complète et plus régulière. Par conséquent, ces renseignements seraient communiqués régulièrement et pas seulement à l'occasion, ce qui permettrait d'avoir chaque fois une vue d'ensemble de la situation. La teneur essentielle de notre message est qu'il faut rendre ce type de renseignements contextuels accessibles aux parlementaires.
• 1650
Je n'ai pas été jusqu'à dire comment ces derniers devraient
les utiliser mais il y aurait plusieurs possibilités. Je crois
sincèrement que c'est possible sans nécessairement négliger pour
autant les objectifs à court terme.
Cela nécessiterait des efforts supplémentaires mais je dirais qu'il faut trouver un moyen d'y arriver sans engager automatiquement la responsabilité du ministre des Finances. En fait, on devrait considérer ces renseignements comme des projections utiles qui ne se concrétisent pas nécessairement. Il est malgré tout utile de les connaître pour pouvoir voir beaucoup plus loin que le très court terme.
M. Jason Kenney: M. Clark pourrait peut-être faire des commentaires à ce sujet.
Le président: Le temps passe, monsieur Kenney. Nous vous donnerons la parole plus tard.
M. Steve Mahoney: Je pensais que nous resterions jusqu'à 4 heures du matin.
Le président: Vous voulez rester jusqu'à 4 heures du matin?
M. Steve Mahoney: Le comité ne siège-t-il pas jusqu'à 4 heures du matin, monsieur le président? Nous siégeons en même temps que la Chambre; j'estime que nous devrions être ici.
Des voix: Oh, oh!
M. Jason Kenney: Certainement. Je suis partant.
Le président: Il faudra présenter une motion à ce sujet plus tard, monsieur Mahoney.
Monsieur Dumas.
[Français]
M. Maurice Dumas: Monsieur le président, je suis à cette réunion-ci parce que je suis responsable du dossier des aînés pour mon parti. Après avoir lu le rapport du vérificateur général, je dois vous dire que l'avenir n'est pas rose pour les futurs retraités. Y a-t-il confirmation qu'on doit s'attendre à des prélèvements sur le revenu plus élevés pour les futurs retraités et à une baisse de la prestation qui est versée aux retraités actuels?
[Traduction]
M. Scott Clark: Non. Je ne crois pas qu'il faille s'attendre à une hausse des impôts, pas dans les prochaines années en tout cas. La suppression du déficit et l'allégement de la dette ont donné au gouvernement une beaucoup plus grande marge de manoeuvre et une capacité nettement accrue de régler le genre de problèmes dont nous avons discuté, celui du vieillissement de la population en tout cas. Cela a également permis au gouvernement et aux Canadiens d'examiner l'opportunité de réduire les impôts, au lieu de les augmenter. Par conséquent, je ne pense pas que dans le contexte actuel, les personnes âgées ou les futurs retraités risquent de voir s'alourdir leur fardeau fiscal.
Le président: Monsieur Dumas.
[Français]
M. Maurice Dumas: Merci.
[Traduction]
Le président: Bien.
J'ai deux ou trois questions à vous poser, monsieur Clark. Je reviens à la thèse que j'ai exposée précédemment, au fait que l'on s'attend à ce que le coût des soins de santé augmente énormément lorsque les membres de la génération du baby-boom arriveront à la fin de leur vie. Comme l'a signalé le vérificateur général, d'ici là, le PIB pourrait très bien diminuer au lieu d'augmenter, à moins d'avoir mis au point un nouveau système. Quelles seraient les options politiques ? Je pense notamment à l'éventualité d'une poussée inflationniste provoquée par la Banque du Canada pour pouvoir rendre la masse monétaire plus accessible mais existe-t-il d'autres options en période d'augmentation des dépenses dans le domaine social voire en période de ralentissement économique?
M. Scott Clark: Je ne pense pas que le vérificateur général—et il pourra le dire lui-même—laisse entendre que le PIB diminuerait. Ce dont il est question, c'est d'une éventualité due à un ralentissement de la croissance de la population active. À supposer que la croissance actuelle de la productivité se poursuive, on assisterait à un ralentissement naturel de la croissance économique potentielle. Par conséquent, je dirais que le PIB continuera d'augmenter; par contre, les possibilités de croissance économique seront inférieures à ce qu'elles sont actuellement et en tout cas inférieures à ce qu'elles étaient dans les années 70 et 80. Je crois que c'est ce que dit le vérificateur général.
C'est intéressant. Le ralentissement de la croissance de la population active a une incidence naturelle sur l'augmentation des revenus. Je dirais cependant que ce ralentissement sera compensé par toutes les économies que les Canadiens ont placées dans les REER, dans d'autres régimes analogues ainsi que dans des régimes de retraite privés, et que tous les revenus que les membres de la génération du baby-boom vont commencer à toucher, seront imposables. En fait, en raison de ces mêmes facteurs démographiques, les déductions d'impôt globales accordées aux participants aux REER diminueront; les recettes fiscales augmenteront puisque nous représenterons une très forte proportion de la population et que tous les revenus tirés de nos REER seront imposables. Par conséquent, on ne sait pas très bien quelles seront les incidences de ces deux tendances sur les recettes nettes.
• 1655
Je suis entièrement d'accord en ce qui concerne l'incidence
sur la santé. J'estime que c'est le problème numéro un des
Canadiens et qu'il s'agit de savoir si tous les paliers de
gouvernement sont capables de collaborer—je crois que quelqu'un a
parlé de coopérer—pour faire fonctionner le système de soins de
santé et apaiser les inquiétudes des Canadiens. Je crois que c'est
un problème auquel tous les paliers de gouvernement sont
confrontés.
Le président: Monsieur Desautels, est-il exact de dire que, d'après votre rapport, le PIB pourrait diminuer, sauf si l'on arrive à accroître la productivité de façon suffisante pour compenser la diminution de la population active?
M. Denis Desautels: Je demanderai à M. Zafiriou de répondre à cette question, monsieur le président.
M. Basil Zafiriou (directeur, Opérations de vérification, Bureau du vérificateur général du Canada): Monsieur le président, comme l'a indiqué M. Clark, c'est le taux de croissance qui diminuera et pas la valeur absolue du PIB. Le taux de croissance diminuera parce que la population active continuera d'augmenter malgré tout et que, si l'on y ajoute l'accroissement de la productivité prévu, on obtiendra toujours une croissance positive, mais celle-ci diminuera beaucoup.
Le président: Si l'accroissement de la productivité n'est pas supérieur à la diminution de la croissance de la population active, le PIB ne diminuera-t-il pas?
M. Basil Zafiriou: Le taux de croissance du PIB diminuera, mais pas le PIB proprement dit. Il y a la croissance de la population active à laquelle il faut ajouter l'accroissement de la productivité...
Le président: Non, je n'ai pas parlé de diminution de la population active.
M. Basil Zafiriou: Je répète que la population active ne diminuera pas; c'est la croissance de la population active qui diminuera.
Le président: Bien.
M. Basil Zafiriou: Par conséquent, même si la population active reste stable et que la productivité augmente de 1 p. 100, le PIB augmentera de 1 p. 100.
Le président: Vous affirmez par conséquent que ce n'est pas la population active, mais sa croissance qui diminuera.
M. Basil Zafiriou: Exactement.
Le président: Bien. Je retire ce que j'ai dit, parce que j'avais mal compris.
Monsieur Kenney, aviez-vous d'autres questions à poser?
M. Jason Kenney: Non.
Le président: J'ai l'impression que mes collègues souhaitent que la séance se termine. Il n'y apparemment plus beaucoup de questions à poser, s'il y en a.
M. Mac Harb: Pourriez-vous remercier ces messieurs en notre nom, monsieur le président?
Le président: Je voudrais que le vérificateur général fasse ses derniers commentaires, puis nos clôturerons la séance.
M. Denis Desautels: Je sera bref également, monsieur le président. Je perçois dans les déclarations du représentant du ministère des Finances une certaine ouverture aux recommandations que nous avons faites. Je suis certain que le ministère est prêt à fournir ce genre de renseignements sur les perspectives à long terme à un certain moment.
Je dois reconnaître que, depuis que nous faisons des recommandations visant à améliorer la qualité des renseignements concernant la situation financière du gouvernement, c'est-à-dire depuis quelques années, nous obtenons généralement une réaction positive; j'espère que nous pourrons trouver le moyen de remédier à ce problème également.
Je le répète, notre message est en substance que nous espérons une communication plus précise et plus régulière de ce genre de renseignements aux parlementaires afin de leur permettre de prendre des décisions à court terme ou immédiates, dans une perspective beaucoup plus éloignée.
En guise de conclusion, je dirais que toutes ces projections à long terme sont tout ce qu'il y a de moins sûr et qu'elles risquent d'être erronées mais, en toute franchise, je ne pense pas que ce soit une raison suffisante pour éviter d'en faire ou du moins de prévoir certains événements futurs qui sont susceptibles d'avoir une incidence sur la situation financière du Canada.
Par conséquent, j'espère que cela ne découragera pas les responsables d'essayer de fournir ce type de renseignements et je dois dire que l'ouverture d'esprit dont le représentant du ministère des Finances a fait preuve aujourd'hui, quant à cette possibilité, est encourageante.
Le président: Merci, monsieur Desautels.
Jeudi, nous examinerons l'ébauche de rapport sur les chapitres 35 et 36, dont un exemplaire a été distribué dans tous les bureaux ce matin, d'après ce que m'a dit le greffier.
La séance est levée.