FOPO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS
COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 9 mai 2001
Le président (M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.)): La séance est ouverte.
En plus de tout ce que nous étudions au cours de notre voyage dans le secteur des pêches, nous allons aussi examiner la structure administrative de la région du golfe aujourd'hui à Moncton.
J'invite les témoins à s'installer. Nous recevons M. Jim Jones, directeur régional, Gestion des pêches, et Mike Chadwick, directeur régional intérimaire, Sciences.
La parole est à vous. Vous avez un exposé à faire, je crois; nous passerons ensuite aux questions.
Je précise à l'intention de mes collègues que nous ne traînerons pas puisqu'il faut partir d'ici au plus tard à 13 heures, d'après ce qu'on m'a dit.
Jim, je vous cède la parole.
M. Jim Jones (directeur régional, Gestion des pêches, Région des Maritimes (Pêches du Golfe), ministère des Pêches et des Océans): Merci, monsieur le président. Bonjour à tous. Je tiens à vous remercier d'être venus à Moncton au Nouveau-Brunswick. Je sais que vous allez vous rendre jusqu'à l'Île-du-Prince-Édouard et que certains d'entre nous vont se joindre à vous plus tard ce soir.
Nos intentions ce matin sont de vous parler de l'administration qui s'occupe du sud du golfe Saint-Laurent et de la région et des caractéristiques de la pêche dans ce secteur. Nous vous parlerons également d'activités novatrices et intéressantes que nous encourageons dans la région, à savoir la création de meilleurs réseaux, discussions et travaux de recherche communs entre Pêches et Océans, le secteur de la pêche et les universités dans le sud du golfe Saint-Laurent.
Nous avons particulièrement travaillé à la création de ce que nous appelons le Réseau de recherche du sud du golfe, mécanisme d'établissement des priorités de recherche scientifique. Le réseau rassemble des représentants de 27 organisations halieutiques, d'universités et d'établissements de recherche. Certains d'entre eux sont ici aujourd'hui, qui représentent l'Atlantic Veterinary College de l'UPEI, la St. Francis Xavier University, l'Université de Moncton et le secteur de la pêche, qui pourront vous parler du réseau et de son potentiel.
J'aimerais d'abord vous décrire brièvement l'état de la pêche dans le sud du golfe Saint-Laurent. Nous avons des trousses d'information pour vous au sujet du golfe et des pêches, ainsi que sur la structure administrative de la région.
J'aimerais d'abord vous décrire ce que nous entendons lorsque l'on parle de la région du golfe. Elle a été recréée en 1999, avec pour mandat d'administrer les pêches dans le sud du golfe Saint-Laurent. Elle compte des services qui s'occupent de la gestion des pêches, des services intégrés et des sciences au bureau de Moncton.
• 1005
Géographiquement, la région du golfe englobe toutes les eaux
du golfe Saint-Laurent contiguës à la côte est du
Nouveau-Brunswick, à la côte du détroit de Northumberland de la
Nouvelle-Écosse et à l'ouest du Cap-Breton, ainsi qu'à totalité de
l'Île-du-Prince-Édouard.
Ces eaux qui représentent moins de 1 p. 100 de la zone économique exclusive du Canada, comptent pour environ 15 p. 100 du total des prises canadiennes et constituent donc l'une des régions maritimes les plus productives du pays.
Sur ce territoire, le bureau régional est situé à Moncton; il y a trois autres bureaux locaux: Tracadie-Sheila au Nouveau-Brunswick, Charlottetown à l'Île-du-Prince-Édouard et Antigonish en Nouvelle-Écosse. Il y a en tout 20 bureaux répartis dans la région, qui desservent 161 ports de pêche et environ 13 000 détenteurs de permis de pêche.
La région est également très complexe. La gestion englobe directement trois provinces, plus le Québec et Terre-Neuve indirectement, à cause du regroupement des quotas de pêche de diverses espèces, comme le crabe, la crevette, la morue, le hareng. Elle regroupe également trois cultures. Les cultures anglophone, francophone et autochtone sont une caractéristique très nette de la région, outre que la région est officiellement bilingue.
Pour plus de précisions sur notre structure, je vous invite à consulter une brochure générale qui se trouve dans votre trousse d'information. Vous y obtiendrez au besoin plus de détails sur la structure et les ressources de la région du golfe.
Pour ce qui est de la pêche, elle est caractérisée par la prédominance de la pêche côtière; les bâtiments de moins de 45 pieds représentent 97 p. 100 de la flottille.
[Français]
En termes de pêche, les mollusques et les crustacés représentent près de 90 p. 100 de la valeur totale des débarquements.
[Traduction]
En général, on peut résumer l'état de la pêche pour la région du golfe en l'an 2000
[Français]
en termes d'une pêche de crustacés et de mollusques, comme je le disais. Selon les données finales du MPO pour l'année 1999, la valeur totale des débarquements des pêcheurs de la région du golfe se situait à 326 millions de dollars, soit deux fois le niveau de 1990. Cette croissance s'explique en grande partie par l'augmentation des prix du homard et du crabe des neiges. La valeur des exportations est de plus de 500 millions de dollars.
[Traduction]
Outre ces chiffres de base, l'industrie de la pêche dans le golfe Saint-Laurent représente des investissements énormes. L'infrastructure de l'activité halieutique dans le golfe Saint- Laurent, c'est-à-dire le coût des navires et du gréement, dépasse les 500 millions de dollars.
Pour ce qui est de la valeur accumulée, ou valeur marchande, des permis de pêche, il y a 3 500 permis de pêche au homard, des pêcheurs désignés, dans le sud du golfe, en plus d'une activité halieutique très active pour le crabe, la crevette et le poisson de fond. Ces permis se transfèrent de main à main et valent plus de 600 millions de dollars.
En ce qui concerne la structure, la valeur des débarquements est supérieure à 300 millions de dollars, celle des exportations à plus de 500 millions et les actifs à plus de 500 millions également. Il s'agit donc du moteur de l'économie dans de nombreux secteurs du sud golfe du Saint-Laurent, en particulier en raison du fait que la pêche se pratique évidemment dans les localités côtières rurales.
Depuis le milieu des années 1990, la plupart des pêches sont gérées à l'aide de plans intégrés de gestion des pêches. Ces plans représentent un important progrès dans la gestion, car ils impliquent de responsabiliser tous les intervenants de la pêche commerciale, ce qui améliore l'exécution et la viabilité des programmes.
[Traduction]
Nous avons tâché notamment d'améliorer la gestion intégrée des pêches, celle qui fait intervenir tous les intéressés, et aussi de développer le concept de la cogestion avec les flottilles côtières et semi-hauturières.
La région compte également une pêche autochtone importante. Les Premières nations et les conseils autochtones pratiquent la pêche de subsistance depuis la décision Sparrow au début des années 90, les Premières nations depuis la décision Marshall en 1999. Il y a deux Premières nations dans l'Île-du-Prince-Édouard, deux sur le littoral du golfe en Nouvelle-Écosse et 12 au Nouveau-Brunswick. Des progrès ont été réalisés: la plupart des bandes ont signé des régimes de pêche intérimaires avec nous l'an dernier. Tout le monde est au courant de la bande qui ne l'a pas fait, celle de Burnt Church et des problèmes que nous avons rencontrés.
Le gros de l'activité est la pêche côtière au homard et la pêche au crabe des neiges. Les collectivités autochtones dans le sud du golfe ont actuellement environ 90 entreprises de pêche au homard, ce qui est beaucoup plus qu'avant la décision Marshall—il y avait moins de 40 entreprises auparavant dans le sud du golfe Saint-Laurent. L'équivalent de 114 entreprises de pêche ont été transférées aux Micmacs et aux Malécites; nous sommes en train de renouveler les régimes intérimaires pour 2001.
Comme les députés voudront nous poser des questions, je vais demander à M. Chadwick, directeur régional pour les Sciences, de vous expliquer les particularités de l'écosystème du sud du golfe Saint-Laurent et de vous parler brièvement des priorités que nous essayons de fixer en collaboration avec les représentants des pêcheurs, des transformateurs de poisson et des universités dans le sud du golfe en matière de recherche sur l'écosystème.
Le président: Monsieur Chadwick, le plus brièvement possible s'il vous plaît.
M. Michael E. Chadwick (directeur régional intérimaire (Sciences), Région du golfe, ministère des Pêches et des Océans): Entendu.
J'ai quatre documents dans votre trousse de plastique bleue. Je veux vous les commenter. Le premier est une série de graphiques en couleur qui illustrent trois choses. D'abord, que le sud du golfe est l'un des écosystèmes les plus riches du pays pour les raisons que je vais vous énumérer très rapidement. Deuxièmement, nous comprenons assez bien les ressources marines de l'écosystème sous l'angle de la pêche. Troisièmement, nous comprenons très mal l'écosystème lui-même.
• 1015
Je vais les commenter pour vous. Je vais ensuite commenter un
deuxième document, le compte rendu de réunions du Réseau de
recherche du sud du golfe. Vous trouverez dans ce document la liste
des priorités de recherche liées à ce que je disais au début.
Comme Jim l'a dit, le sud du golfe est une petite étendue, mais qui est très productive. Cela tient surtout au fait qu'elle reçoit le plus important apport d'eau douce de toutes les mers semi-fermées. Celui-ci provient des nombreux cours d'eau qui s'y déversent et du manteau glaciel, qui libère autant d'eau douce au moment de la fonte du printemps que les cours d'eau pendant toute l'année. Cela, il ne faut pas l'oublier. Les eaux sont peu profondes, ce qui signifie que la lumière du jour alimente tous nos écosystèmes. Les éléments nutritifs du fond se combinent à la lumière du soleil en surface et créent un riche bouillon de culture.
Nous avons aussi des anomalies. L'eau du fond est très froide et abrite des espèces arctiques, comme le crabe des neiges, qui en fait prospèrent dans le sud du golfe, mieux que n'importe où ailleurs à ma connaissance. Nous avons aussi des espèces sur le littoral, comme les huîtres, et le seul autre endroit où on les trouve ensuite c'est au sud de Cape Cod. Elles aussi prospèrent dans le sud du golfe.
Jim vous a déjà parlé du quatrième graphique, aux couleurs horribles. Y est récapitulée la valeur des divers éléments dans le sud du golfe Saint-Laurent. Le suivant illustre la taille de notre équipe scientifique de Moncton.
Les quatre graphiques suivants illustrent l'approche prudente, qui est le cadre dans lequel nous inscrivons toutes les pêches. Quand j'ai dit que nous comprenions assez bien nos ressources marines, cela signifie que nous pouvons intégrer les principales espèces dans cette formule de prudence, de sorte que nous pouvons voir où nous en sommes par rapport au niveau de référence de la biomasse et au taux de référence du taux d'exploitation.
Vous pouvez constater, par exemple, que dans le cas du hareng, l'estimation actuelle de la ressource pour l'automne est une biomasse très élevée et un taux d'exploitation inférieur à notre objectif. C'est inhabituel pour une pêche d'envergure. Pour la morue du sud du golfe, autre stock très important, vous constaterez que c'est le contraire. La biomasse est très peu élevée. Vous pouvez la comparer à l'information diachronique dont nous disposons pour ce stock. Par exemple, nous disposons de renseignements assez bons sur le poisson de fond parce que depuis 1970 nous effectuons chaque année des enquêtes en septembre et que, grâce au fond uniforme du sud du golfe, nous pouvons prélever des poissons et avoir une excellente idée de l'ampleur des stocks, indépendamment des pêches.
Le dernier graphique de cette série porte sur le crabe des neiges. Vous pouvez constater que depuis une dizaine d'années nous sommes dans la zone verte, la zone de sûreté, et vous pouvez comparer l'an 2000 aux autres années. Cette information est-il tirée de notre enquête, où nous pouvons envisager la ressource indépendamment de la pêche.
Sur le graphique suivant, vous pouvez voir quelle proportion des stocks est prélevée par la pêche. Encore une fois, c'est un élément d'information dont on ne dispose généralement pas pour les ressources marines.
Le homard, la pêche la plus importante, est représenté sur le graphique multicolore et montre que la principale zone de pêche devrait en général avoir les mêmes caractéristiques, où les débarquements aujourd'hui sont aussi bons qu'ils l'étaient il y a plus d'un siècle. Encore une fois, il y a peu de stocks pour lesquels on dispose d'autant de renseignements diachroniques—combien de pêches dans le monde montrent cent ans pendant lesquels les débarquements d'aujourd'hui sont aussi bons qu'à l'origine?
Cela est pour vous signaler l'importance des ressources du sud du golfe et le fait que nous avons certaines connaissances sur leur état.
Le graphique suivant montre que dans le sud du golfe, nous avons les pièces principales. Quand vous ajoutez la biomasse du hareng et du poisson du fond, que ce soit la morue ou la plie, et le homard et le crabe ensemble, vous pouvez voir que depuis 1978, la biomasse exploitable est d'environ 500 000 tonnes, ce qui signifie que malgré de grandes différences de composition d'une année à l'autre, la masse totale est restée sensiblement la même.
• 1020
Cette biomasse a été à peu près constante malgré des forts
changements de température de l'eau du fond, où vous pouvez voir
l'étendue des eaux de zéro degré dans les quatre périodes.
Les espèces elles-mêmes, qui se trouvent dans le sud du golfe, ont aussi changé au cours des trente dernières années. Aujourd'hui, par exemple, la morue se retrouve principalement au large de la côte ouest du Cap-Breton. Au début des années 70, elle se trouvait au large de la baie des Chaleurs, de l'autre côté du golfe. Ces enquêtes et cette information servent à expliquer la situation de la ressource aux pêcheurs. Elle est constamment en mouvement.
Cela m'amène à l'écologie et aux contenus stomacaux de la morue. Ici aussi nous avons des prélèvements qui s'échelonnent sur trente ans. Au début des années 70, les contenus étaient essentiellement composés d'euphausides ou de crevettes. Aujourd'hui, il s'agit surtout de harengs. Il y a eu de grands changements dans les contenus stomacaux.
Le document suivant est le procès-verbal des réunions. Encore une fois, l'an dernier nous avons rassemblé les divers intéressés, représentant plus de 30 organisations: universités, associations de pêche, laboratoires de recherche, gouvernements provinciaux, collègues du gouvernement fédéral. Tous nous avions une chose en commun: le sud du golfe. Nous mesurons tous l'importance de la région. Le défi, pour nous, était de déterminer collectivement nos priorités de recherche.
C'est là que vous les trouverez, regroupées en quatre thèmes. Dans chaque thème se trouvent plusieurs priorités. La moitié d'entre elles porte sur une meilleure compréhension de l'écosystème.
Le dernier document est la brochure jaune qui vous donne un aperçu rapide du programme scientifique de l'an dernier. La brochure de cette année n'est pas encore imprimée. Elle vous donne les ressources pour les diverses espèces dont j'ai parlé.
Merci.
Le président: Merci à vous, monsieur Chadwick et à vous, Jim.
Avant de passer aux questions—et vous serez le premier, Dominic—je tiens à préciser notre ordre du jour, pour que ce soit bien clair: «Conformément à l'article 108(2) du Règlement, étude de la structure administrative dans la région du golfe». Ce n'était pas une étude particulière. Je sais, John, que vous avez posé la question plus tôt.
Monsieur LeBlanc.
M. Dominic LeBlanc (Beauséjour—Petitcodiac, Lib.): Merci, monsieur le président. Je vous souhaite la bienvenue, messieurs. Je vous remercie d'être venus au comité ce matin.
Comme vous le savez tous les deux, je crains, comme notre président, et nos électeurs, que Pêches et Océans dans cette région ne puisse pas répondre aux besoins de vos clients et de nos électeurs.
Mike, j'ai lu vos documents sur le Réseau de recherche du sud du golfe. Je vous félicite de travailler avec des gens de l'extérieur du gouvernement et d'avoir réuni ce groupe. Je trouve que c'est une initiative fantastique.
Je suis étonné de voir que tant de travail doive être fait à l'extérieur de la structure normale des sciences de Pêches et Océans. Je suis surpris, par exemple, qu'hier soir à Halifax nous ayons eu une discussion très intéressante à propos de la Loi sur les océans et des problèmes que le pétrole et le gaz peuvent représenter pour les pêcheurs. Je suis surpris que dans la région du golfe, vu l'importance de la pêche commerciale comme l'a dit Jim, il n'y ait pas de personnel de la Direction générale des océans dans votre direction des sciences.
Avez-vous des avis sur la question, Mike?
M. Michael Chadwick: Si j'ai des avis là-dessus?
Le président: Parlez Mike. C'est pour cela que nous sommes ici. Communiquez-nous votre point de vue.
M. Dominic LeBlanc: Nous pourrions vous assermenter si cela vous inquiète.
M. Michael Chadwick: Non, cela ne m'inquiète pas.
À mon avis, oui, il est normal que l'on donne voix au chapitre à ceux qui comprennent les réalités du monde de la pêche et qui disposent de renseignements sur elle, qu'ils puissent se prononcer sur ce qu'on peut faire pour protéger l'écosystème.
M. Dominic LeBlanc: En tant que directeur des sciences dans cette région, et compte tenu de l'importance de la Loi sur les océans et de certaines des mesures qu'on nous a décrites hier soir à Halifax, compte tenu aussi de l'importance de comprendre l'écosystème, car vous avez affirmé que nous ne le connaissons pas assez, est-ce que ce ne serait pas une bonne chose que dans votre région, vous puissiez bénéficier des connaissances, des avis et des ressources scientifiques grâce au nouveau mandat de la Loi sur les océans?
M. Michael Chadwick: Les choses seraient plus simples si tout était regroupé. Qu'il s'agisse de moi ou de mon patron, les choses en seraient simplifiées. Au fond, il s'agit d'une concurrence avec nos clients. On facilite aussi les choses pour eux lorsqu'on parle d'une seule voix plutôt qu'à divers organismes.
M. Dominic LeBlanc: Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Duncan.
M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne): Je pourrais poser des questions sur tant de choses avec un exposé aussi vaste. J'aimerais cependant me concentrer pour le moment sur les ressources aquatiques.
Vous avez parlé de la biomasse de la morue dans le sud du golfe. Le stock reproducteur va diminuer de 1 p. 100 et la pêche est fermée depuis 1992, mais vous ne donnez pas beaucoup de détails. Or il s'agit là d'une question très préoccupante, n'est-ce pas? Je me demande donc si nous assistons à une érosion lente mais sûre de la population actuelle. Est-ce parce que nous ne savons pas à l'heure actuelle si la population va se reconstituer?
M. Michael Chadwick: Merci, vous venez de poser une bonne question. C'est en fait le coeur du problème. Les quatre variétés de morue qu'on trouvait au sud du golfe étaient les espèces fondamentales de la biomasse à la fin des années 70. Aujourd'hui, elles ne le sont plus, c'est le hareng qui a pris leur place.
Il vous intéressera peut-être de savoir qu'une morue de cinq ans est aujourd'hui un tiers plus petite qu'au début des années 80. Autrement dit, le taux de croissance de ce poisson est inférieur à ce qu'il était et la mortalité naturelle a augmenté. Selon nos chiffres estimatifs, elle a probablement doublé au cours de la dernière décennie. Oui, sans qu'il y ait de pêche à la morue cette année, nous prévoyons une légère baisse de la biomasse du stock reproducteur.
Cela dit, on est en train de renouveler le stock progressivement, nous estimons donc qu'il y aura moyen de le reconstituer. Nous sommes très perplexes devant la hausse de la mortalité naturelle chez la morue en l'absence d'activité de pêche. C'est le genre de chose qui exigera des recherches.
M. John Duncan: Qu'est-ce qu'on entend par mortalité naturelle?
M. Michael Chadwick: Il s'agit principalement de pertes observées dans la population qui résultent d'autre chose que de la pêche.
M. John Duncan: Avez-vous les moyens de mesurer une telle mortalité?
M. Michael Chadwick: Oui.
M. John Duncan: Mais vous ne connaissez pas au fait tous les détails de cette mortalité, n'est-ce pas?
M. Michael Chadwick: Notre mesure de la mortalité se fonde sur une enquête effectuée tous les mois de septembre. Ainsi, par exemple, on peut comparer le nombre de morues de cinq ou de six ans observé en 1998 à la même population recensée en 1999. Après comparaison, si l'on observe une centaine d'individus une année puis 80 l'année suivante, cela donne un taux de mortalité de 20 p. 100 sur l'année. C'est ce que j'entends par mortalité naturelle.
• 1030
À la même occasion, nous comptabilisons les prises, qu'elles
soient le résultat de nos pêches indicatrices ou d'autres
activités, mais quoi qu'il en soit, on a observé un changement dans
la mortalité naturelle chez la morue du sud du golfe.
M. John Duncan: Passons à une autre question. Dans les renseignements que vous avez fournis sur la pêche autochtone, il est dit entre autres choses qu'avant le jugement Marshall, les Premières nations détenaient un permis de pêche au thon et qu'elles en ont maintenant sept. Ce n'est pas très descriptif. Est-ce que cela signifie que six permis de pêche ont été cédés en vertu de la Stratégie des pêches autochtones, ou tout simplement que cela résulte d'initiatives privées ou autres?
M. Jim Jones: Je crois qu'en l'occurrence, il s'agit des permis cédés depuis le jugement Marshall.
M. John Duncan: En conséquence de la Stratégie des pêches autochtones?
M. Jim Jones: Nous distinguons entre les deux. La Stratégie des pêches autochtones a été mise en oeuvre à la suite du jugement Sparrow. Depuis le jugement Marshall, les entreprises commerciales autochtones ont augmenté et l'accès que nous accordons aux Premières nations s'est accéléré, et je pense que dans la plupart des cas, cela s'est produit dans le sillage du jugement Marshall de septembre 1999.
M. John Duncan: Dans ce cas, est-ce que la politique établie ou une stratégie relative à la pêche au thon prévoit que la composition des pêcheurs va là aussi évoluer?
M. Jim Jones: Oui, il est vrai qu'un assez grand nombre de bandes situées au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et dans l'Île-du-Prince-Édouard ont manifesté leur désir de participer à la pêche au thon.
M. John Duncan: Merci.
Le président: Madame Tremblay.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Neigette-et-la Mitis, BQ): Merci, monsieur le président. Merci, messieurs, pour votre présentation.
Au début de votre document, quand vous voulez vous présenter et expliquer qui vous êtes, vous dites:
-
Le Réseau de recherche du sud du golfe rassemble des
représentants d'une trentaine d'organismes
halieutiques, d'universités et d'établissements de
recherche qui s'intéressent à l'écosystème.
Est-ce que vous pouvez nous parler un peu de vos partenaires, nous dire qui vous êtes au juste?
M. Michael Chadwick: Madame, aimeriez-vous que je les identifie? Nous avons parmi nous ce matin quelques-uns des intervenants à ce comité.
Mme Suzanne Tremblay: Est-ce qu'il y a des entreprises privées? Est-ce que c'est l'ensemble des universités de la région des Maritimes?
M. Michael Chadwick: Non, ce sont plutôt des universités qui se trouvent dans le sud du golfe Saint-Laurent. Il y en a cinq: l'Université du Québec à Rimouski; l'Université de Moncton; University of Prince Edward Island; Saint Francis Xavier University et Mount Allison University.
Mme Suzanne Tremblay: Vous avez dit que ce sont les universités qui font partie du sud du golfe. Vous avez dit aussi dans votre présentation que vous avez de nouvelles frontières depuis 1999. Comme je suis toute nouvelle au comité, est-ce que vous pourriez me parler de ce que sont ces nouvelles frontières? Vous allez d'où à où exactement, dans le sud du golfe? J'ai la carte ici. Est-ce que ça veut dire que vous commencez ici? Est-ce ici, le sud du golfe?
M. Michael Chadwick: Le sud du golfe, c'est la partie blanche.
Mme Suzanne Tremblay: Tout ce qui est blanc.
M. Michael Chadwick: Oui. Ça va de la péninsule gaspésienne jusqu'à la pointe du Cap-Breton.
Mme Suzanne Tremblay: Qu'est-ce que signifie le blanc à côté de Terre-Neuve?
M. Michael Chadwick: Ça, c'est une autre zone où les eaux ne sont pas profondes. La particularité du sud du golfe, c'est le fait que l'eau, en été, est chaude. Les courants gaspésiens se trouvent au large de la péninsule gaspésienne et c'est ça qui nous donne...
Mme Suzanne Tremblay: La Baie des Chaleurs fait-elle partie du sud du golfe?
M. Michael Chadwick: Oui, exactement.
Mme Suzanne Tremblay: Ce n'était pas le cas avant?
M. Michael Chadwick: Quand on parle du sud du golfe Saint-Laurent, ce n'est pas du point de vue politique; c'est l'écosystème.
Mme Suzanne Tremblay: Je comprends, mais vous avez dit que ça avait changé en 1999. Quand monsieur a fait sa présentation...
M. Michael Chadwick: Non, ça a changé en 1984.
M. Jim Jones: C'est seulement pour la gestion des pêches. Pour la recherche, pour l'écosystème et des choses comme ça, nous avons beaucoup d'interaction avec nos collègues de la région Laurentienne, par exemple avec l'Institut Maurice-Lamontagne, pour faire une partie de la recherche de ce genre. C'était pour le rétablissement de la région, en 1999, mais seulement pour la partie concernant la gestion des pêches. Les activités de recherche, de sciences, etc. continuent...
Mme Suzanne Tremblay: Comme c'était avant.
M. Jim Jones: Oui.
Mme Suzanne Tremblay: D'accord. Quand vous parlez de ce qui a changé, c'est à l'égard de la gestion des pêches.
M. Jim Jones: Oui, c'est ça.
Mme Suzanne Tremblay: Parfait. Merci.
[Traduction]
Merci, madame Tremblay. Monsieur Stoffer.
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Merci, monsieur le président.
La première personne à qui j'ai parlé au ministère des Pêches et des Océans après ma première élection, a été Jim Jones à Moncton.
En guise de première question, est-ce que vous croyez vous-même au principe du propriétaire-exploitant?
M. Jim Jones: Dans l'industrie oeuvrant dans la partie sud du golfe Saint-Laurent, à la fois dans la pêche côtière et semi-hauturière, les pêcheurs ont largement appuyé le principe du propriétaire-exploitant comme fondement de notre système de permis. En tant que gestionnaire chargé de ces pêches, je pense aussi que c'est un des mécanismes fondamentaux que nous utilisons. De plus, à peu près tous les secteurs de mon industrie me disent que c'est là-dessus qu'il faut fonder le système d'attribution des permis. Par conséquent, nous nous sommes efforcés de respecter ce système dans le sud du golfe Saint-Laurent.
M. Peter Stoffer: Monsieur Jones, je voulais savoir si vous appuyiez personnellement le système fondé sur le propriétaire-exploitant?
M. Jim Jones: Oui. J'ai été à même d'observer ses avantages. Je n'ignore pas que dans d'autres circonstances, certains estimeront que le propriétaire du navire ne devrait pas nécessairement en être l'exploitant. Cela dit, lorsque je revois le travail auquel j'ai participé dans le sud du golfe Saint-Laurent au cours des 20 dernières années, je pense pouvoir affirmer que le système fondé sur le propriétaire-exploitant a été très avantageux pour l'industrie de la pêche.
M. Peter Stoffer: Jim, lorsque la région du golfe a été recréée, elle n'a pas été ramenée à son état antérieur. Quelle proportion a-t-elle récupérée? Quel pourcentage?
M. Jim Jones: Il est difficile de vous donner un pourcentage. Nous sommes chargés de la gestion des pêches, des recherches biologiques, de l'étude des facteurs économiques et de la mise en oeuvre des politiques, et bien entendu, nous sommes appuyés à cet égard par le ministère. Par rapport maintenant aux programmes généraux du ministère des Pêches et des Océans, les océans, y compris l'habitat, les sciences de l'environnement et la mise en oeuvre de la Loi sur les océans, relèvent du bureau de Halifax. Nous disposons également d'une série d'ententes de prestation de services pour ces fonctions de même que pour les ports pour petits bateaux et les activités de la Garde côtière dans le sud du golfe Saint-Laurent.
M. Peter Stoffer: Aussi, étant donné que la région du golfe représente environ 35 p. 100 des pêches de l'Atlantique, corrigez-moi si je suis dans l'erreur, mais les gens de cette région reçoivent moins de 10 p. 100 des ressources scientifiques. Est-ce bien cela?
M. Jim Jones: Je ne connais pas le pourcentage précis pour la région de l'Atlantique. M. Chadwick aura peut-être des données plus précises.
M. Michael Chadwick: Oui.
Le président: M. Chadwick pourra trouver ces renseignements; Peter, vous n'avez du temps que pour une autre question.
M. Peter Stoffer: Très bien, allons-y pour ma dernière question. Jim, vos statistiques indiquent très clairement la forte productivité de cette zone et aussi combien de gens dépendent de cette activité. Sur une note plus personnelle, l'attribution à Corridor Resources d'une concession au large de Cabot au beau milieu de cette zone, sans la moindre évaluation environnementale, a dû faire l'effet d'une onde de choc.
• 1040
Est-ce que la direction de la région du golfe, ou vous-même ou
quelqu'un d'autre du ministère a exprimé des inquiétudes que vous
pourriez nous communiquer publiquement? Quelles inquiétudes avez-
vous exprimées, au nom des pêcheurs, au sujet de leurs craintes
face à d'éventuelles prospections séismiques ou pétrolières et
gazières menées en l'absence des évaluations environnementales pour
protéger leurs intérêts?
M. Jim Jones: Encore une fois, la question du pétrole et du gaz relève de la Direction des océans de Halifax.
Cela dit, nous avons certainement eu voix au chapitre lorsque le ministère s'est prononcé sur ces questions. Je sais que l'une des choses auxquelles Mike et son groupe participent et continueront de participer est l'évaluation des incidences sur la ressource.
Mike, peut-être aimeriez-vous souligner ce processus.
M. Michael Chadwick: Nous allons réexaminer l'état de la ressource et voir de quoi nous avons besoin pour évaluer les incidences, et ce en novembre prochain.
M. Jim Jones: En réponse à votre question, je crois pouvoir dire que nous participons à l'élaboration des réponses du ministère en ce qui a trait à la prospection de pétrole et de gaz.
M. Peter Stoffer: Cela peut-il être connu du public?
M. Jim Jones: Oui.
M. Peter Stoffer: Merci.
Le président: Merci, monsieur Stoffer.
Monsieur Assadourian.
M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Merci.
À la page 2, vous mentionnez les biomasses exploitables puis à la page 3, je ne sais pas si cette observation est de nature scientifique ou non, vous affirmez que lorsque l'eau est chaude il y a davantage de morue et que lorsqu'elle est froide il y a plus de hareng. Quoi qu'il en soit, est-ce que l'augmentation et la diminution des stocks de morue sont liées à la température de l'eau, ou y a-t-il d'autres facteurs écologiques ou d'autres raisons qui interviennent et que nous ne connaissons pas?
Si on se reporte aux illustrations, dans le carré, on voit la situation de 1980 à 1982 puis on retourne à la situation du poisson en 1983. On y voit un nombre très élevé de morue. Lorsqu'on passe ensuite à une période où l'eau est froide, en 1993, les chiffres sont alors très faibles. S'agit-il uniquement d'une observation, ou y a-t-il une vérité scientifique derrière cela, et quelle est-elle?
M. Michael Chadwick: C'est très observateur de votre part, mais ces graphiques ne sont que des illustrations.
Il serait difficile d'effectuer une analyse à partir de ces simples illustrations. Toutefois, il est vrai qu'on a observé un refroidissement de la température à partir de la moitié des années 80 jusqu'à tout récemment. Il est vrai aussi que certains estiment que la température joue un rôle dans la faible croissance et le faible recrutement de la morue, bien que nous ignorions lequel.
Il existe toutefois d'autres facteurs, et c'est précisément le problème en biologie, car tous les facteurs agissent les uns sur les autres. On voit un changement au niveau des proies et un changement de température. Lorsque vous avez regardé la répartition de la morue, vous avez probablement remarqué que lorsque les températures se réchauffaient, il y avait davantage de morue sur le Plateau madelinien qu'on peut voir dans le graphique inférieur gauche de l'avant-dernière page.
Il s'agit d'un sujet complexe, et bien que nous disposions de nombreuses études scientifiques, aucune d'elles n'est concluante.
M. Sarkis Assadourian: Merci.
Le président: Merci.
M. Keddy, puis je reviendrai à M. Lunney.
M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
J'aimerais me reporter à vos graphiques sur les changements observés parmi les espèces, car c'est un sujet qui m'intéresse particulièrement. Les pêcheurs de la Nouvelle-Écosse nous disent que la composition des espèces change à presque tous les ans. En plus, on n'observe pas seulement des poissons différents de ceux que nous avions l'habitude de pêcher, mais aussi des oiseaux marins et terrestres différents.
Les Inuits dans le Nord nous disent la même chose: il y a moins de glace, donc moins d'eau douce. Puis il y a des modifications des espèces, pas tant des espèces marines pour le moment moins que des oiseaux. Je me posais la question... Étant donné que vous êtes très prudent en donnant votre réponse, c'est un trait commun chez les scientifiques. Ces derniers ont tendance à dire: plus on en sait moins il y a de certitude.
• 1045
Croyez-vous que c'est en partie ce qui se passe dans la région
du golfe—c'est-à-dire que des changements climatiques ont lieu?
Quel est le rôle de cette énorme masse d'eau provenant du golfe
Saint-Laurent et tout simplement celui des polluants, qu'ils soient
de nature chimique ou biologique, qui y sont transportés?
M. Michael Chadwick: Lorsqu'on se réfère à l'océan, c'est un endroit énorme. Comme je l'ai dit plus tôt, la productivité du golfe découle du fait que c'est une mer peu profonde. Il n'y a que 60 mètres de profondeur. L'océan moyen a 4 000 mètres de profondeur.
Quand on parle de modifications dans la composition de l'océan, la première question que les scientifiques se posent est la suivante: comment le savez-vous? Il y a très peu d'endroits dans l'océan où nous menons en fait des enquêtes et nous nous servons très peu des pêcheurs pour obtenir un portrait de ce qui se passe vraiment. Il y a là encore beaucoup de travail à faire. On pourrait rassembler les divers points de vue et dégager un consensus.
Parce que ça devient délicat. Oui, nous pourrions observer le hareng, la morue, la plie et le crabe des neiges, puis voir ce qui s'est passé depuis quelques décennies avec ces espèces. Cependant, cela ne nous expliquerait pas ce qui se passe avec les autres espèces, car nous n'avons pas vraiment de recensement de ce côté-là. C'est donc difficile à dire.
Voici quelle serait la question principale: quelle est votre source d'information concernant la modification de la composition des espèces?
M. Gerald Keddy: J'ai une autre question pour vous M. Jones.
Nous avons parlé un peu de Marshall. Encore une fois, nous avons été témoins d'une augmentation rapide du prix des permis dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Premièrement, je me demande si c'est la même chose qui se produit dans la région du golfe.
Deuxièmement, étant donné que M. Stoffer a posé la question de façon indirecte au sujet des propriétaires-exploitants, pourriez-vous nous dire combien de permis les Premières nations détiennent à l'heure actuelle et combien parmi ceux-ci sont utilisés à des fins de pêche? Si les Premières nations veulent pratiquer la pêche, il faut élaborer un programme de formation. Il doit y avoir un genre de mentorat en place. Des membres des Premières nations vont-ils exercer le métier de pêcheur, ou vont-elles simplement percevoir les redevances grâce à des contrats d'affrètement?
M. Jim Jones: Pour ce qui est de votre première question au sujet du prix ou du coût du rachat de permis, je crois que nous avons constaté une augmentation. Je crois qu'une partie de cette augmentation peut être imputée au nombre de permis que nous envisageons de racheter en vertu du programme Marshall.
Il existe normalement un certain marché pour l'échange de permis. De toute évidence, lorsqu'on augmente le nombre de permis requis, il y a des répercussions sur le prix.
Cependant, je crois qu'un autre facteur influe sur les prix et cela découle généralement de... Si on jette un coup d'oeil à la pêche pour des espèces comme le homard dans le sud du golfe Saint-Laurent, où les prises sont généralement restées très bonnes, on voit que les prix sont restés très bons. Avec le temps, la valeur de ces permis s'accroîtra, et cela vaut pour des espèces comme le crabe et la crevette.
À mon avis, il est un peu simpliste de conclure que l'augmentation des prix est uniquement causée par le programme Marshall. Je crois qu'il faut tenir compte des autres facteurs.
D'ailleurs, lorsqu'on a offert de racheter certains permis de crabe par exemple, un certain nombre de personnes ont refusé car des groupes privés leur avaient offert de meilleurs prix.
M. Gerald Keddy: Une petite question si vous me permettez. Dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, les permis de pêche au homard sont passés 0de 150 000 $ à 250 000 $. C'était la fourchette. Dans la ZPH 34, les prix sont passés à 700 000 $ en deux ans. C'est peut-être une façon simpliste de présenter les choses, mais ce n'est pas sorcier.
M. Jim Jones: Non. Cependant, comme je l'ai signalé, je crois qu'une augmentation naturelle des prix entre en ligne de compte, augmentation attribuable à la stabilité de certaines des prises et des prix.
M. Gerald Keddy: L'effondrement d'autres pêches.
M. Jim Jones: L'effondrement d'autres pêches et puis lorsque nous achetons...essayons de retirer des permis pour l'accès, nous offrons un prix supplémentaire à la valeur marchande. Évidemment, les prix augmentent.
Le président: Merci, monsieur Jones.
Monsieur Lunney.
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Messieurs, j'ai été intéressé par les données que vous présentez dans vos graphiques sur la biomasse totale, qui est demeurée relativement stable en dépit de quelques fluctuations au fil des ans, quoique les espèces dominantes semblent avoir changé et continuent de changer.
Lorsque nous avons visité la division des Maritimes, on nous a beaucoup parlé de l'aquaculture. Je me demande quelle influence elle a dans la région du sud du golfe.
Le président: Monsieur Chadwick.
M. Michael Chadwick: L'industrie aquacole est très importante dans le sud du golfe—l'aquaculture des mollusques, la principale espèce étant les moules. Les huîtres viendraient au deuxième rang. L'aquaculture de ces deux espèces est un secteur en pleine expansion et a une valeur d'environ 30 millions de dollars ou peut-être même plus par année. Cette production aquacole ne figurerait pas dans le graphique sur la biomasse puisque les sites aquacoles se trouvent très très près du littoral. En fait ces sites se trouvent plus ou moins dans nos estuaires.
M. James Lunney: Très bien. Merci.
J'aimerais poser une deuxième question. La morue est-elle une prise accidentelle des autres pêches?
M. Michael Chadwick: C'est possible, quoique je croie qu'aujourd'hui ce n'est pas vraiment un problème. Je crois qu'avec notre système de données sur les débarquements, nous savons exactement combien de morues sont pêchées. Mais je dois reconnaître que ceux qui pêchent au chalut ont tendance à pêcher d'autres espèces que l'espèce ciblée.
M. Jim Jones: J'aimerais ajouter que jadis, la pêche de la crevette était caractérisée par des prises accidentelles importantes de morue et de poisson de fond. Grâce à certaines améliorations technologiques apportées au début des années 90, tout particulièrement à la grille séparatrice qu'on appelle la grille Nordmore, nous avons réduit considérablement les problèmes associés aux prises accidentelles dans la pêche de la crevette.
M. James Lunney: Merci.
Le président: Merci, monsieur Lunney.
Une dernière petite question, monsieur LeBlanc.
Excusez-moi, je n'avais pas vu que vous vouliez poser une question. M. Wappel d'abord.
M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.): Merci.
Bonjour, messieurs. Je suis nouveau au comité et je vais vous poser quelques questions qui sembleront peut-être un peu simples, mais elles ne le seront pas pour moi. J'espère que vous seriez patients.
Votre premier graphique dans le coin gauche indique que la région est clairement divisée. Je vois quelques lignes. Que représente 4T?
M. Michael Chadwick: Le 4T représente pratiquement tout le sud du golfe Saint-Laurent.
M. Tom Wappel: Très bien.
M. Michael Chadwick: C'est ce qui se trouve à l'intérieur de la ligne noire.
Le président: Jim, je crois que vous pourriez peut-être nous expliquer les zones, comme 4T, 4S, les zones de l'OPANO. Donnez-nous un bref aperçu. Si nous étudiions une carte un peu plus grosse, nous verrions bien d'autres zones.
M. Tom Wappel: Monsieur le président, je pose cette question parce qu'il semblerait que la zone 4T inclut Gaspé.
M. Michael Chadwick: C'est exact.
M. Tom Wappel: Vous n'avez pas mentionné Gaspé lorsque vous avez dit... Vous avez dit le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard, la région du golfe en Nouvelle-Écosse, mais vous n'avez pas mentionné Gaspé. Cependant Gaspé semble être dans la zone 4T.
M. Jim Jones: C'est parce que nous avons un bureau régional dans la région laurentienne au Québec qui s'occupe des activités au Québec, et nous partageons certaines parties du sud du golfe ainsi que certaines parties du nord du golfe Saint-Laurent avec les autres régions.
M. Tom Wappel: Je pose cette question parce que l'ordre du jour précise une étude de la structure administrative dans la région du golfe, et non pas dans le sud du golfe. C'est pourquoi je pose la question. Est-ce que 4S représenterait le nord du golfe?
M. Jim Jones: Oui, 4S se trouverait dans le nord du golfe.
M. Tom Wappel: Très bien. Et vous n'êtes pas responsable de cette zone non plus?
M. Jim Jones: Du point de vue de la gestion, nous assurons la coordination des pêches qui chevauchent les diverses organisations régionales entre le Québec et Terre-Neuve. Les espèces comme la crevette, la morue et le hareng, par exemple, sont exploitées par des pêcheurs du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard, du Québec et de Terre-Neuve.
M. Tom Wappel: Je vous pose cette question parce que le graphique que l'on trouve dans le coin inférieur gauche de cette page indique «membres d'équipe, 2000». La version anglaise ne mentionne pas de nombre, mais dans la version anglaise, on dit 77 personnes. Sous le graphique, on mentionne «Direction des sciences, Région du Golfe». Est-ce qu'on parle ici de 4T et 4S, simplement 4T, ou une partie de 4T?
M. Jim Jones: Le chiffre 77 représente le nombre d'employés de la Direction des sciences du bureau de Moncton. Nous avons également un nombre important d'employés affectés au secteur de la recherche dans la région laurentienne à l'Institut Maurice-Lamontagne, à Mont-Joli; ils effectuent eux aussi de la recherche fondamentale sur les stocks. Par exemple, je crois que nous nous occupons de la recherche pour le crabe et le poisson de fond dans la zone 4T, ce qui inclut Gaspé. L'Institut Maurice-Lamontagne s'occuperait de la recherche, par exemple, sur la crevette et le sébaste, ainsi que la morue et le hareng du nord du golfe.
M. Tom Wappel: Ainsi, il s'agit d'un diagramme de la Direction des sciences de Moncton.
M. Jim Jones: Oui.
M. Tom Wappel: Très bien. J'aimerais poser deux petites questions supplémentaires. Les biologistes ne sont-ils pas des scientifiques?
M. Michael Chadwick: Oui, plus ou moins. Je suis biologiste de formation. À la fonction publique, nous avons une catégorie pour les chercheurs scientifiques qui est bien distincte de celle des biologistes.
M. Tom Wappel: Mais les biologistes jugent qu'ils sont des scientifiques, n'est-ce pas?
M. Michael Chadwick: Oui, ils sont tout aussi bons, en fait.
Des voix: Oh! Oh!
M. Tom Wappel: Ma dernière question sur le diagramme est... C'est un magnifique diagramme, mais il ne me donne absolument aucun chiffre. Nous n'avons pas besoin de réponse dès maintenant, mais pourriez-vous nous fournir une ventilation du nombre...
M. Jim Jones: Oui. En fait, les chiffres figurent dans le cahier jaune.
M. Tom Wappel: Ah oui? Très bien. Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Wappel.
Monsieur LeBlanc, vous pouvez poser la dernière question sur le graphique.
M. Dominic LeBlanc: Merci, monsieur le président.
Jim, vous avez mentionné lors de votre exposé que les pêches autochtones présentaient certains problèmes. Comme vous le savez, dans ma circonscription, la réserve de Big Cove représente une communauté autochtone importante. Il y en a d'autres. Nombre de pêcheurs de ma circonscription m'ont fait part de leurs préoccupations, me disant qu'ils se demandaient si vous aviez suffisamment de ressources pour assurer l'application.
Il y a un mois ou deux, des pêcheurs que nous avons entendus à Ottawa nous ont parlé de choses inquiétantes, comme des bateaux qui devaient rester à quai parce qu'on n'avait pas suffisamment d'argent pour payer le combustible, même si les équipages étaient payés. Jim, croyez-vous que vous aurez suffisamment de ressources pour assurer l'application lors de la prochaine saison de pêche, de sorte qu'à mon bureau de circonscription, nous ne serons pas inondés d'appels de gens qui diront qu'ils ne peuvent trouver de représentants du MPO qui sont responsables de l'application?
M. Jim Jones: Ma réponse automatique serait de dire que l'on n'aura jamais suffisamment de ressources au niveau de l'application pour faire ce que tout le monde dans les bureaux régionaux juge nécessaire.
Cela dit, je crois que nous avons des ressources importantes, et nous essayons de nous concentrer sur les zones prioritaires de la région. Cela inclut les pêches côtières, les pêches en estuaire, et également les pêches dans les eaux intérieures.
De toute évidence, quand il se produit des situations comme cela a été le cas l'année dernière à Burnt Church, cela éprouve durement les ressources dont nous disposons. Dans des circonstances comme celle-là, nous faisons appel aux ressources des autres régions, comme nous l'avons fait l'année dernière.
Je dois avouer que parfois notre couverture par les patrouilles en mer n'est pas ce qu'elle devrait être, mais je crois que dans l'ensemble il nous est possible de déployer nos ressources pour couvrir toutes les activités dans la région.
M. Dominic LeBlanc: Jim, dans la même veine, puisqu'il y aura pêche alimentaire pendant les prochaines semaines, comment le ministère s'assurera-t-il qu'il n'y aura pas d'abus dans la pêche alimentaire par les Autochtones, comme cela a été le cas, si je ne me trompe, au cours des dernières années, car certains en faisaient une pêche commerciale dissimulée? Avez-vous des plans particuliers qui nous permettront d'éviter certains des problèmes que nous avons rencontrés ces dernières années tout particulièrement en ce qui a trait à la pêche alimentaire qui devrait commencer sous peu?
M. Jim Jones: Il y a plusieurs moyens qui s'offrent à nous. Tout d'abord avec les Premières nations, et vous avez mentionné Big Cove. L'année dernière, nous avons signé une entente par intérim avec cette bande qui prévoyait une série de mesures de gestion à l'égard de leurs activités commerciales et de la pêche alimentaire de leurs membres. Par exemple, nous avons lancé un programme de vérification à quai pour la pêche alimentaire dans cette réserve l'année dernière.
• 1100
De plus, nous avons la planification opérationnelle, soit la
planification de l'application des règlements pour toutes ces
activités. Il est clair que vous savez qu'il y a des circonstances
où certains membres des Premières nations...
Encore une fois, je crois que nous ne pouvons généraliser et dire qu'il s'agit là d'un problème qu'on retrouve chez toutes les Premières nations. Il y a certains membres des Premières nations qui pratiquent la pêche alimentaire comme pêche alimentaire seulement et qui s'en servent comme source de subsistance légitime. Il y en a d'autres qui essaient de s'en servir comme pêche commerciale. Je crois que les récents... Par exemple, nous avons des responsables de l'application des règlements qui essaient de contrecarrer ce genre d'activités dans la région de Richibucto. L'année dernière, des accusations ont été portées contre des personnes qui ont participé à la pêche alimentaire et qui s'en étaient servie pour procéder à des ventes commerciales. Je crois que ce genre d'activités continueront probablement encore une fois cette année.
Le président: Merci, Jim. M. Duncan veut demander une précision et Suzanne a une question.
Monsieur Duncan.
M. John Duncan: Ma question porte sur la zone 4Vn de l'OPANO. Si je regarde la carte dans votre livre si je regarde la carte présentée dans votre document, elle ne semble pas correspondre à la zone 4Vn sur cette carte. Nous entendrons des témoins qui viendront nous parler de la zone 4Vn, et je voulais bien savoir où cette zone se trouve vraiment.
M. Jim Jones: Comme unité administrative, la gestion de la zone 4Vn est assurée à partir de la région des Maritimes à Halifax. Je crois qu'elle est présentée de cette façon ici parce que—et Mike pourra peut-être vous fournir de plus amples détails—si vous étudiez les stocks de poisson de fond et de hareng dans le sud du golfe Saint-Laurent en 4T, ils migrent pendant l'hiver vers la zone 4Vn. Cette zone fait partie intégrante de l'écosystème, mais tout comme nous avons une région laurentienne qui s'occupe de la gestion des activités de pêche au Québec, l'administration des programmes de pêche dans la 4Vn, la zone de Sydney Bight, se fait à partir de notre bureau régional à Halifax.
M. John Duncan: Oui, je comprends cela. Je veux simplement savoir pourquoi ces deux cartes sont différentes.
M. Jim Jones: Il se pourrait donc qu'il y ait une erreur dans cette carte.
M. John Duncan: Elles semblent être différentes.
M. Jim Jones: Entendu. Désolé.
Le président: Jim, la zone 4Vn sur la carte de l'OPANO est plus petite.
M. Jim Jones: Oui, la 4Vn est en fait la région de Sydney Bight. Il y a une erreur sur cette carte, on aurait en fait dû indiquer 4V. Un jour quelqu'un pourra expliquer pourquoi il y a les zones un, deux, trois et quatre et toutes ces lettres différentes qui y sont ajoutées.
Le président: Madame Tremblay.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Monsieur le président, j'interviens justement un peu sur le même sujet. En ce qui a trait à toutes les réponses qui ont été données à M. Wappel, je nage dans la totale et absolue confusion. J'ai de la difficulté à comprendre qu'on nous parle d'une région du sud du golfe. Monsieur semble être le directeur et il dit qu'il y a la région Laurentienne à côté, mais qu'il a un bureau régional dans la zone Laurentienne. Qui est le patron dans la zone Laurentienne? Est-ce que ce sont les gens qui sont dans la zone Laurentienne? Que sont tous ces chevauchements? Noyez-vous les poissons? Est-ce de l'administration qui noie les poissons à longueur de journée?
Monsieur le président, j'aimerais qu'on nous fasse un travail et qu'on nous donne une information très précise sur toute cette histoire de zones. Je comprends que ce n'est pas possible, aujourd'hui, de nous donner cela et de nous démêler, mais je pense que ce serait important, pour des novices comme M. Wappel et moi, qu'on ait l'air moins innocents la prochaine fois et qu'on soit capables de nager comme eux dans les eaux troubles.
[Traduction]
Le président: Je crois que vous pouvez fournir ces renseignements, Jim. Nous en discuterons avec Jim et avec le bureau de Pêches et Océans à Ottawa et nous obtiendrons ces renseignements. Merci beaucoup, monsieur Jones et monsieur Chadwick.
Nous passerons maintenant à l'Union des pêcheurs des Maritimes. J'aimerais signaler aux députés que nous devrons limiter les questions à trois minutes sinon nous ne pourrons partir à l'heure.
• 1105
Je crois que certaines personnes dans la salle se demandent
qui sont les nouveaux membres du comité. Nous sommes venus à
Moncton à quelques reprises. Nous ferons donc un tour de table et
je demanderai aux députés de nous dire quelle circonscription et
quelle province ils représentent. Ne prenez pas trop de temps;
soyez brefs. Nous commencerons par M. Wappel.
M. Tom Wappel: Je m'appelle Tom Wappel. Je suis de Scarborough-Sud-Ouest, une banlieue de Toronto. La limite au sud de ma circonscription est le lac Ontario.
M. Sarkis Assadourian: Je suis le député de Brampton-Centre. Il y a un lac dans ma circonscription qui est trois fois plus gros que cette salle.
M. Dominic LeBlanc: Je suis Dominic LeBlanc de la circonscription voisine, la circonscription de Beauséjour—Petitcodiac, et Ron Cormier est un de mes commettants.
Le président: Je suis Wayne Easter. Ma circonscription est Malpeque dans la région centrale de l'Île-du-Prince-Édouard.
M. John Duncan: Je suis John Duncan de l'île de Vancouver-Nord. Pratiquement 40 p. 100 du littoral de la Colombie-Britannique se trouve dans ma circonscription, ce qui représente quand même un peu plus que la circonscription de Sarkis.
M. James Lunney: Je suis James Lunney de Nanaimo—Alberni, qui se trouve également sur l'île de Vancouver. J'ai l'autre 40 p. 100 du littoral. Je suis un nouveau membre du comité. Évidemment, les pêches sont très importantes pour la côte Ouest et ma circonscription.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Je m'appelle Suzanne Tremblay et je représente le Bloc québécois. Je suis députée de Rimouski-Neigette-et-la Mitis. Je suis nouvelle au Comité des pêches et des océans. Je remplace M. Bernier, qui ne s'est pas représenté aux dernières élections.
[Traduction]
M. Gerald Keddy: Je suis Gerald Keddy, député de South Shore en Nouvelle-Écosse. La circonscription va de St. Margarets Bay à l'île Cap-de-Sable, en fait Charlesville, et jusqu'à la région de Woods Harbour.
M. Peter Stoffer: Je suis Peter Stoffer de la circonscription fédérale de Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore en Nouvelle-Écosse.
Le président: Merci, chers collègues.
Qui présente l'exposé, M. Cormier ou M. Belliveau?
M. Michael Belliveau (secrétaire général, Union des pêcheurs des Maritimes): Je présenterai les commentaires liminaires, si cela vous convient.
Le président: Allez-y, Mike.
M. Michael Belliveau: Merci, monsieur le président, de nous avoir invités ce matin.
Dans notre présentation écrite, nous avons essayé de nous concentrer sur la question générale de la gestion dans la région du golfe. J'ai écouté avec intérêt certains des commentaires faits par les témoins précédents. Nous avons pour mission de surveiller de près les activités du ministère dans ce domaine. Dans l'ensemble, nous ne sommes pas toujours d'accord avec le ministère des Pêches et des Océans à Moncton, mais clairement, nous reconnaissons sa responsabilité et le besoin d'avoir une région du golfe.
Nous n'appuyons pas la privatisation généralisée des pêches, et nous nous opposons carrément à l'éviscération du bureau du MPO dans la région du golfe, qui a eu lieu pendant les années 90. Nous ne croyons pas que les mesures prises par le gouvernement dans le secteur des pêches dans les années 90 devraient être dissociées de l'effondrement des stocks de morue qui a non seulement dévasté les communautés de pêcheurs mais a également traumatisé le MPO à titre d'institution.
La perte de la morue a été perçue à Ottawa comme la fin d'une industrie, tout au moins c'est ce que nous avons cru comprendre. La pêche était aux yeux du gouvernement une sorte de secteur d'activité en déclin et on distribuait ce qui en restait aux sociétés ou aux flottes pratiquement constituées en sociétés. Ainsi, est née dans les années 90 la stratégie de partenariat qui, à ce jour, n'a rien donné de plus que quelques flottes élites dans le secteur du crabe des neiges, de la crevette nordique ou de la pêche hauturière du pétoncle.
Naturellement, Ottawa chancelait sous le coup de quelque 40 000 pêcheurs et travailleurs d'usine qui se retrouvaient sans travail, mais il était très frustrant pendant cette période, pendant les années 90 et la période suivant la fermeture de la pêche à la morue, de représenter une organisation de pêcheurs côtiers comme la nôtre dans les provinces maritimes où la morue était importante, mais la morue ne représentait pour les pêcheurs côtiers qu'une espèce parmi tant d'autres qu'ils étaient autorisés à pêcher pendant l'année de pêche.
• 1110
C'était frustrant, pendant les années 90, d'être exposés à des
définitions, de nouvelles politiques et des décisions qui
s'inspiraient des modèles de la pêche du poisson de fond et du
bouleversement associé à l'effondrement de la morue à Terre-Neuve.
En 1992, lorsque le ministre M. Crosbie a annoncé l'ampleur de l'effondrement des stocks de morue, il a au même moment annulé tous les permis de pêche du poisson de fond non utilisés. Cela allait à l'encontre du régime d'attribution de permis aux pêcheurs authentiques qui existaient dans le sud du golfe Saint-Laurent, même si cela correspondait à son objectif de réduire le secteur de la pêche du poisson de fond de 50 p. 100. Ce n'est qu'un exemple.
Pendant au moins quatre ou cinq ans, les fonctionnaires n'ont pas semblé comprendre la nature de la pêche dans la région atlantique ailleurs qu'à Terre-Neuve. La pêche dans les Maritimes et tout particulièrement dans le sud du golfe dépendait d'abord et avant tout du homard, qui est une espèce côtière que l'on retrouve dans les eaux peu profondes tout au long de nos côtes. Ce n'est pratiquement qu'après coup que les fonctionnaires ont commencé à remarquer que le homard était la principale pêche au Canada en ce qui a trait à la valeur et au nombre de pêcheurs et communautés qui en dépendaient.
C'est pendant cette période de bouleversement, de réduction radicale des coûts et de rationalisation que la région du golfe a été éliminée. La région a été ignorée. Lorsque nous parlons de la région du golfe, nous entendons évidemment la région du golfe telle que décrite dans la structure du ministère des Pêches et des Océans. Nous ne parlons pas encore de la région écologique. Nous parlons de la région telle qu'elle est décrite dans la structure de gestion du ministère des Pêches et des Océans. La région a été ignorée, à notre avis, tout comme la réalité du travail saisonnier, de l'assurance-chômage et du type d'impact qu'ils ont sur les collectivités rurales du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard. Nous ne croyons pas que cela a été fait par accident.
La région du golfe avait tous ces pêcheurs côtiers authentiques qui participaient à une pêche polyvalente qui se déroulait d'une façon qui allait pratiquement à l'encontre du modèle du partenariat, dans le cadre duquel quelques flottes de type entreprise payaient des montants importants pour la science, la protection, et les permis afin d'avoir des allocations de quotas exclusives pour le pétoncle, le crabe des neiges et d'autres espèces.
Il y avait également un élément culturel, dont on a déjà fait mention. J'ai remarqué que M. Jones a parlé de trois cultures dans le sud du golfe. Cela m'a amené à me demander ce qu'on entendait par culture. Nous avons la culture autochtone et la culture acadienne. Que faire? Vous avez l'Île-du-Prince-Édouard. S'agit-il là d'une culture? Les résidents du Cap-Breton représentent clairement une culture, et ils se trouvent dans le golfe. Nous pourrions également mentionner les Écossais protestants, qui représentent également une sorte de culture. Ils dominent la province de M. Stoffer. Il y a donc plusieurs cultures.
Mais dans le cas qui nous occupe, nous signalons que la région du golfe est très distincte. Si vous l'étudiez de près, vous constaterez que la majorité des intervenants de la pêche dans le sud du golfe sont acadiens, ce que vous ne trouvez nulle part ailleurs. Ainsi c'est unique au pays. C'est unique dans le sens qu'il s'agit d'une région totalement bilingue lorsqu'on parle des services de gestion; le transfert de ces services à Halifax a été un bouleversement extraordinaire, nous savons de quoi nous parlons puisque nous l'avons vécu. Nous l'avons vécu tous les jours. Ce n'est pas nécessairement ma langue maternelle, mais c'est la langue maternelle de nos membres. Il est clair que Halifax n'était pas en mesure de trouver des fonctionnaires francophones pour communiquer avec nos membres.
Il y a d'autres problèmes associés aux services à partir de Halifax. Nous n'avons même pas pu avoir une liste des pêcheurs authentiques pour les députés. Si vous me permettez de m'écarter du sujet pour un instant, quand je parle de pêcheurs authentiques, il s'agit d'un régime d'attribution des permis qui a été lancé au début des années 80; 90 p. 100 des pêcheurs propriétaires exploitants du sud du golfe sont ce que nous appelons des pêcheurs authentiques. Ils sont des pêcheurs côtiers, des détenteurs de permis polyvalents, et le chiffre demeure stable. Lorsque cette catégorie a été créée en 1982, elle regroupait 3 400 membres, et elle en regroupe toujours le même nombre. Il s'agit là d'un régime qui est une réussite, et qui a été employé comme modèle pour le nouveau système d'attribution des permis de la région atlantique, qui a été adopté si je ne me trompe en 1996-1997. Ainsi lorsque je parle des pêcheurs authentiques, je parle d'un régime d'attribution de permis bien précis qui existe dans le sud du golfe. Nous n'avons même pas réussi à obtenir une liste de ces pêcheurs authentiques de Halifax. On l'a intégrée dans une plus longue liste des pêcheurs qui font partie d'une catégorie complètement différente.
• 1115
C'était une période étranger, et elle a duré environ quatre
ans au milieu des années 1990 jusqu'à... Je m'écarte un peu de mon
texte. Je dois me retrouver dans mes documents.
Je reviens à l'élément culturel du sud du golfe. C'est un argument très important qui l'a enfin emporté, et on a su démontrer qu'on avait besoin de quelque chose comme le centre de Moncton ici pour assurer des services aux pêcheurs et aux clients des pêcheurs de la région, dont au moins 50 p. 100 étaient francophones.
Les réformes de l'assurance-chômage n'ont certainement pas été la seule raison expliquant la révolte électorale spectaculaire dont vous avez peut-être entendu parler dans cette région du monde—M. LeBlanc est bien au courant de la situation—il s'agit de la révolte électorale de 1999 et c'est alors que pour la première fois dans notre histoire, le Nouveau Parti Démocratique a été élu le long de la côte est du Nouveau-Brunswick. Cette situation n'était clairement pas attribuable exclusivement à la réforme de l'assurance-emploi, et les gens devraient bien le comprendre. C'était attribuable aussi à la façon dont on assurait la gestion des pêches. Il s'agissait de choses comme la structure de gestion de base, le MPO, qu'on transférait à Halifax. Les communautés ont été ébranlées par ces changements et elles s'y opposaient carrément. On l'a vu dans les collectivités et sur les quais.
Ainsi, le milieu des années 90 a été une époque absolument extraordinaire pour le MPO, et les efforts visant à éliminer la région du golfe représentent une autre erreur monumentale. S'il existe un régime de gestion des pêches naturel dans la région atlantique, c'est celle du sud du golfe Saint-Laurent. Vous avez entendu les commentaires de Mike et Jim, et nous partageons leur point de vue sur l'écologie de cette zone.
Les pêcheurs représentent une communauté d'intérêts fort tangibles dans le sud du golfe. C'est pourquoi ils ont su négocier le régime d'attribution de permis aux pêcheurs authentiques en 1982. La pêche dans ce secteur est principalement une pêche côtière en raison de la pêche du homard, mais également en raison de la rogue de hareng, du maquereau et de la morue que l'on retrouve sur les bancs côtiers dans l'ensemble du sud du golfe. Il s'agit d'un écosystème qui peut être exploité par les milliers de pêcheurs côtiers qui savent—et j'aimerais vous décrire le tableau historique de ce secteur. Lorsque la grande flotte de senneurs industriels pêchait dans le golfe dans les années 60 et 70, ils pêchaient 200 à 300 000 tonnes de hareng à l'embouchure du chenal Laurentien. Tous les pêcheurs du sud du golfe savent quelle sorte de menace ce type de flotte hauturière et semi-hauturière peut représenter pour chacun d'entre eux. Ils ont donc une communauté d'intérêts, et il est logique qu'une organisation générale comme la nôtre dans le sud du golfe, et il est également logique que nous ayons un système d'attribution de permis commun qui, je le crois, est appuyé par les communautés de pêcheurs.
Même le CCRH, le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques, a noté, dans son étude sur le homard, qu'il y a des homards qui demeurent dans une zone bien déterminée, et que dans l'ensemble vous ne les retrouverez donc pas dans le golfe. Les homards ne se déplacent pas à plus de peut-être 20 milles de l'endroit où ils naissent et grandissent, à notre connaissance. Mais le CCRH voit un système de production qui est plus grand, où les larves des systèmes du sud du golfe peuvent flotter sur de longues distances. Le CCRH désigne toute cette région et l'écosystème qu'on y retrouve comme aire de production du homard.
• 1120
Il y a donc toutes sortes de choses du genre, dont a très bien
parlé Mike, qui nous amènent à croire que nous avons une communauté
d'intérêts. Comme le député ici l'a signalé, lorsque Corridor
Resources est autorisé à procéder à de la prospection sismique sans
qu'on soit au courant, tout cela a un impact sur l'ensemble du sud
du golfe. Que le MPO à Moncton n'ait eu ni le mandat ni les
ressources pour savoir ce qui se passait est très suspect. Le MPO
n'avait pas le pouvoir d'étudier la demande, de demander pourquoi
cette prospection serait autorisée dans des lieux de pêche côtiers
critiques.
Un des députés a parlé de Sydney Bight. Si vous reconnaissez l'Île du Cap-Breton, tracez un trait au milieu de l'île et amenez-le jusqu'à la ligne du 3PS; c'est ce qu'est la zone 4Vn. Ce n'est pas toute cette eau. C'est la région de Sydney Bight, et cette zone blanchâtre près de Glace Bay, Sydney, Louisbourg, Nord Sydney, etc. C'est ce qu'on entend par 4Vn.
Nous aimerions communiquer un message très clair au comité. Nous sommes d'avis, et nous le sommes depuis un bon moment, que la zone 4Vn devrait être dans la région du golfe—c'est l'endroit logique. Pratiquement tous nos stocks passent l'hiver dans la zone 4Vn. Lorsque la glace recouvre le golfe, les stocks se dirigent vers la zone 4Vn et passent l'hiver à l'embouchure du chenal Laurentien; la 4Vn devrait donc être dans la région du golfe—je le répète.
Je crois également, madame Tremblay, que Gaspé, la baie des Chaleurs, toutes ces régions devraient être incluses dans la région du golfe. Nous faisons affaire avec les pêcheurs de la région de Gaspé lorsque nous parlons de Newport jusqu'à Percé et de Gaspé même, ce côté de la baie des Chaleurs. Les pêcheurs pêchent le hareng sur les bancs de Miscou. Nous partageons des zones pour la pêche du crabe des neiges. Il est donc logique que cette région se trouve dans le sud du golfe.
La région du sud du golfe a été cannibalisée au fil des ans. Lorsqu'elle a été créée, elle représentait l'ensemble du golfe Saint-Laurent. Peut-être est-il logique de séparer le nord et le sud, parce que dans l'ensemble le chenal Laurentien sépare le golfe en deux et l'écologie n'est pas la même dans le nord que dans le sud. Cependant, le sud golfe du Saint-Laurent ne devrait former qu'une unité. Ce n'est pas le cas pour des raisons politiques. Le Québec est le Québec. Le Québec a une influence politique que nous n'avons pas à Moncton ou que les Acadiens n'ont pas à Ottawa; il y a donc une région du Québec qui inclut la région de Gaspé. Mais du point de vue des pêcheurs—et nous sommes conscients de la situation parce que nous la vivons tous les jours—les pêcheurs de la côte de Gaspé sont les mêmes que les nôtres. Ils pêchent sur les mêmes bancs, ils ont les mêmes intérêts, et ils devraient tout simplement être assujettis au même régime de gestion un point c'est tout.
Le président: Vous devrez accélérer un tout petit peu sinon nous n'aurons pas le temps de passer en revue votre document.
M. Michael Belliveau: Je vais accélérer. Désolé. Ça c'est ma marotte, parce qu'après tout, nous avons vécu toute cette ineptie—et je ne sais pas vraiment quel bon terme employer, monsieur le président. Prendre la région du golfe et la réduire à un bureau régional au milieu des années 90 était travestir de la façon dont les pêches devaient être administrées dans la région de l'Atlantique, et cela n'a rien à voir avec nos relations avec ceux avec qui nous faisons affaire à Moncton, à savoir si nous les aimons ou pas. Ce n'est simplement pas logique, et nombre d'entre nous ont connu bien des tracas en raison de toute cette affaire.
Je vais sauter certaines parties pour gagner du temps, monsieur le président.
Immanquablement, la région du golfe sera associée à une pêche côtière, puisque c'est ce qui domine dans le sud du golfe. À l'époque de Roméo LeBlanc, c'étaient les intervenants de la pêche côtière qui avaient demandé la création de la région. Toute planification des pêches dans le sud du golfe doit désormais avoir comme élément central la pêche côtière par les pêcheurs authentiques.
• 1125
Par exemple, les quatre principaux stocks de morue sont
actuellement appauvris. Il n'y a aucune raison de croire qu'il n'y
aura pas éventuellement un rétablissement, mais lorsque ces stocks
seront en meilleure santé, il ne faudrait certainement pas qu'ils
soient exploités au même niveau qu'avant le moratoire. Il n'est
aucunement nécessaire d'avoir un secteur hauturier de pêche à engin
mobile, spécialisé et concentré pour le stock de morue du golfe. Ce
n'est absolument pas nécessaire.
Il existe actuellement une flotte côtière polyvalente qui est parfaitement en mesure d'exploiter dans le cadre de ses activités générales les stocks de morue rétablis. Pendant l'année, ils peuvent pêcher la morue non pas dans une zone bien concentrée mais dans l'ensemble du sud du golfe—ce qui est en fait un des conseils que nous ont donnés les scientifiques—et ils peuvent pêcher cette morue en zone côtière.
Nous n'hésitons pas à proposer un modèle de rechange pour l'exploitation de la morue, parce que—et nous le répétons sans cesse—nous avons connu un rétablissement extraordinaire des stocks de hareng dans le sud du golfe. Ces stocks avaient été pêchés pratiquement jusqu'à leur extinction en 1980 par des flottes industrielles hauturières. Mais le hareng est revenu dans les zones de pêche côtières en 1981 et représente depuis une pêche relativement stable de quelque 80 000 tonnes métriques par année.
Je n'ai pas eu l'occasion d'étudier la situation en détail, mais j'ai visité l'Europe, et je ne crois pas qu'il y ait eu un retournement de situation semblable à celui-là ailleurs dans le monde industrialisé occidental—où un stock pélagique de cette taille a interrompu son déclin, est retourné en zone côtière, et est géré à un niveau productif et viable. C'est très intéressant.
Je crois que les gens perçoivent le rétablissement des stocks de morue de la même façon. Grâce à la logique et à une gestion sensée, la région du MPO a été rétablie. Nous devons cependant signaler que certains des bateaux de la Garde côtière ont été retirés du service l'année dernière. Nous ne pouvions pas croire qu'on agissait de cette façon surtout que tout cela s'est passé pendant la crise entourant l'arrêt Marshall. Ces bateaux sont maintenant de nouveau en service, et nous félicitons ceux qui étaient responsables du dossier.
Nous signalons dans notre document, et je crois que la question a déjà été soulevée, que la région du golfe a été rétablie. Mais les ressources affectées à la région ne sont pas nécessairement ce qu'elles devraient être. Ça c'est les politiques entourant les pêches. Nous le disons très clairement dans notre document, et nous le répéterons. Seules 9 p. 100 des ressources pour le secteur des sciences sont affectées au golfe, alors que 35 p. 100 de la valeur des débarquements sont attribuables à cette région. Cela ne semble pas être logique.
De plus, la région du golfe est de facto le centre de la majorité des problèmes d'ajustement suivant l'arrêt Marshall. La grande majorité des populations côtières micmaques, quelque 80 p. 100, se trouvent dans l'est du Nouveau-Brunswick et dans le sud du golfe Saint-Laurent.
Vous devez vous rappeler qu'Eskasoni, qui est la plus grande réserve, est située à l'intérieur des terres, sur le lac Bras d'Or, et non sur l'océan. Et en Nouvelle-Écosse, il y a la bande Shubenacadie, qui est assez importante, mais qui ne se trouve pas sur la côte non plus. Pour ce qui est des populations autochtones vivant sur la côte, environ 80 p. 100 se trouvent dans le sud du golfe. Il s'agit là des Autochtones qui, d'après nous, pêcheront.
Une fois que tout ce problème sera réglé, je ne crois pas qu'un grand nombre d'intervenants de Shubenacadie pêcheront. S'ils désirent le faire, ils devront déménager dans une communauté côtière; ils ne pêcheront pas de Shubenacadie. Certains semblent étonnés, mais c'est ma prévision, et je vous en fais simplement part. Je sais que pour l'instant les choses sont bien différentes.
Il y a une autre question qui nous amène à nous pencher sur la nature des politiques entourant les pêches et sur la raison pour laquelle la région a été éliminée puis rétablie en partie. Il s'agit des propositions sur la professionnalisation formulées par le Southern Gulf Bonafide Fishermen's Advisory/Management Board—en fait, c'est notre groupe, la P.E.I. Fishermen's Association—et le Gulf Nova Scotia Fleet Planning Board. Nous avons adopté une approche dynamique à une plus grande professionnalisation de la flotte côtière. Cette approche a été élaborée de concert avec le ministère des Pêches et des Océans dans la région, sous la rubrique des propositions de partenariats et de projets conjoints. Cela a été fait en 1997.
• 1130
Partout au pays tous disent qu'ils appuient la
professionnalisation, mais ce projet n'a jamais vraiment été
appuyé. Aujourd'hui, nous avons raison de croire qu'on pourra enfin
assurer la mise en oeuvre du projet. Mais il y a déjà quatre ans
qu'il a été proposé, et une bonne partie du dynamisme et de
l'énergie qui le caractérisaient a disparu. Nous croyons que la
professionnalisation est une victime de la politique interne et de
l'idéologie au MPO. C'est inévitable, parce que c'est dans le
secteur des pêches—c'est très clair.
S'il y a des questions, je serai heureux d'y répondre. Je terminerai là-dessus, monsieur le président. Nous parlons ici du texte préparé par le Réseau de recherche du sud du golfe. Nous en avons parlé un petit peu, mais si vous désirez y revenir, nous pourrons vous fournir de plus amples détails.
Notre président, Ron Cormier, m'accompagne aujourd'hui. Il ne vous a peut-être pas été présenté. C'est un pêcheur et n'a donc pas l'occasion d'écrire ce genre de textes; il me laisse les lire puis il me dit quoi faire. Peut-être désire-t-il ajouter quelque chose.
Le président: Merci.
M. Ron Cormier (président, Union des pêcheurs des Maritimes): J'aimerais simplement faire un bref commentaire, monsieur le président. Les pêcheurs que Mike et moi représentons s'inquiètent sérieusement du manque de cohérence du ministère en ce qui a trait à certains dossiers.
Comme vous le savez, nous sommes détenteurs de permis polyvalents, et différents types de pêches sont caractérisés par divers problèmes. Depuis l'arrêt Marshall en 1999, le ministère semble avoir mis ces dossiers en veilleuse. Permettez-moi de vous assurer que ces questions doivent être réglées. Elles sont très importantes pour les détenteurs de permis polyvalents.
Nous avons une foule d'exemples: le remplacement des bateaux est une chose dont on parle depuis au moins cinq ou six ans, mais on ne s'est pas encore penché sur le problème; les mécanismes pour les homards, en ce qui a trait à notre industrie du homard, n'ont également pas été étudiés. Il y a nombre d'autres exemples, comme la protection.
Il existe une certaine incohérence quant à la façon dont on se penche sur certains dossiers. Comme je l'ai dit, peut-être que c'est en raison de l'arrêt Marshall en 1999 qu'on a mis tous les dossiers en veilleuse. Permettez-moi de vous dire qu'ils sont quand même très importants.
Merci.
Le président: Merci, Ron et Mike.
Avant de poser des questions sur la professionnalisation, Mike, je suppose que vous avez participé à la révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique; je suppose que la question avait été soulevée lors de ces réunions. Je crains personnellement que la révision de la politique soit, en fait, une façon de justifier ce que l'on fait déjà—ou ce qu'on ne fait pas. Notre comité rencontrera les responsables de la révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique pour discuter avec eux de la question. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette révision?
M. Michael Belliveau: Je suis heureux d'apprendre que vous allez les rencontrer. Nous avions dit d'entrée de jeu que cette révision ne semblait pas avoir été proposée par les représentants élus. Il semble plutôt s'agir d'une créature interne d'Ottawa—un résultat de toutes les autres erreurs, comme le déménagement des services de la région du golfe à Halifax, ou l'adoption d'un programme de partenariat qui n'a rien donné pour les pêcheurs côtiers, ou un trop grand rapprochement avec le système de QIT. Ce sont là les problèmes que nous avons vécus... Entre 1993 et 1997-1998—je ne sais pas, c'est à un historien qu'il appartiendra de faire des commentaires sur ce qui s'est vraiment passé au sein du MPO pendant cette période. Je ne les blâme pas, ils ont perdu la morue. Après les Autochtones, les Premières nations du pays, qu'est-ce qui vient au deuxième rang? La morue. Nous avons perdu la morue, ce qui a durement ébranlé tout le monde.
• 1135
La révision de la politique semble annoncer encore une fois
une nouvelle transition. Dieu seul sait ce qui se passera cette
fois-ci, mais cela vient de la bureaucratie. Cela ne semble pas
venir du ministre des Pêches et des Océans.
Le président: Vous dites tout compte fait que le comité devrait prendre cette révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique très au sérieux et s'assurer qu'il aura voix au chapitre. Je m'en tiendrai à cela pour l'instant, mais je sais qu'à titre de président, je crois qu'un des problèmes c'est que tout cela s'est déroulé si rapidement que nous n'avons pas vraiment trouvé le temps de nous pencher sur le dossier de ce processus de révision. C'est un problème.
M. Michael Belliveau: Je suis parfaitement d'accord avec vous. Vous devez vous pencher sur ce dossier. Les choses se déroulent beaucoup trop rapidement, et la majorité des pêcheurs, je crois, ne comprennent même pas ce que représente cette révision. On ne peut pas comprendre. C'est pratiquement du langage codé. C'est comme essayer de lire dans des feuilles de thé, impossible de comprendre de quoi il s'agit. Il faut absolument que les dirigeants de ce pays participent au processus.
Le président: Merci, Mike.
M. Duncan, chers collègues, nous devrons être concis parce que nous n'aurons pas suffisamment de temps aujourd'hui.
Monsieur Duncan.
M. John Duncan: Encore une fois, merci.
J'ai trois questions que je poserai une à la suite de l'autre pour que nous puissions avoir suffisamment de temps. Je crois qu'elles sont assez simples.
Dans votre mémoire, vous mentionnez les hydrocarbures, et vous avez dit que les pêcheurs du sud du golfe doivent communiquer avec les responsables de la mise en oeuvre de la Loi sur les océans à Halifax qui sont responsables du développement de la plate-forme Scotian. J'aimerais avoir de plus amples renseignements parce que, avant que vous ne teniez ces propos, je ne savais pas que les responsables de la mise en oeuvre de la Loi sur les océans étaient également responsables des hydrocarbures au MPO. Est-ce que vous supposez simplement qu'ils sont responsables ou savez-vous clairement qu'ils le sont?
Ma deuxième question porte sur la situation concernant la zone 4Vn, qui, d'après les témoins représentant le MPO, est logique au point de vue écologique. Peut-être pourriez-vous nous expliquer exactement le raisonnement de ceux qui ne seraient pas du même avis. Est-ce qu'il existe des programmes d'attribution des permis ou des choses de ce genre qui compliqueraient la situation si l'on décidait d'intégrer cette zone dans la région du golfe?
Ma troisième question porte sur votre optimisme en ce qui a trait au stock de morues de la zone 4T. Je me demande s'il s'agit simplement là d'un extraordinaire optimisme fondé en fait sur ce qui s'est passé avec le hareng. Est-ce qu'il existe des preuves qui vous amènent à croire qu'il y aura rétablissement de ce stock?
Le président: Merci, John.
J'aimerais, si c'est possible, avoir des réponses concises.
M. Michael Belliveau: Pour ce qui est des hydrocarbures, nous avons dû nous rendre à Halifax pour convaincre ceux qui travaillent à une nouvelle section des océans du ministère des Pêches et des Océans de se pencher sur ces propositions. C'est l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers qui est responsable du pétrole, mais le golfe ce n'est pas la Nouvelle-Écosse, c'est l'Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick et le Québec, et il est parfaitement logique qu'on constitue un office pour l'ensemble du sud du golfe, un office différent, si l'on envisage la prospection pour le pétrole dans le sud du golfe.
• 1140
Je suis très heureux que vous ayez posé votre deuxième
question sur la zone 4Vn. Une des raisons pour lesquelles cette
zone pourrait être intégrée dans le golfe, à mon avis, c'est qu'il
s'agit principalement là aussi d'une pêche côtière. Il y a environ
600 pêcheurs authentiques dans la zone 4Vn, et ils sont nos
membres—pas tous, mais une bonne partie—, des membres de notre
propre organisation qui ont constaté qu'ils avaient quelque chose
en commun avec les pêcheurs du golfe. Inévitablement, il y aurait
conflit de territoire, mais pour les pêches, j'ai cru comprendre
que la majorité des pêcheurs... Je devrais être prudent. Je ne sais
pas vraiment si la majorité appuierait cette intégration, mais je
sais que nos membres ont toujours cru que ce serait logique.
Pour ce qui est de mon optimisme quant au retour de la morue dans la zone 4T, tout le monde s'inquiète du problème de la mortalité naturelle, et de ce qui se passe dans le système du golfe. Ils commencent même à dire certaines choses sur le hareng—et nous nous posons certaines questions. Mais si l'on suppose qu'il n'y aura pas de catastrophe écologique, il n'y a rien qui devrait empêcher le rétablissement des stocks de morue. Il y a toujours 100 000 tonnes de biomasse dans l'eau—ce n'est pas comme s'il n'y avait pas de morue. Il y a environ, si je ne me trompe, 100 000 tonnes de morue de trois ans et plus dans l'eau. La morue semble se reproduire, mais le problème c'est que les juvéniles, les petites morues, ne semblent pas survivre. Nous ne savons pas ce qui cause ce problème. Peut-être que lorsque les phoques gris auront tous trouvé autre chose à faire, il y aura rétablissement des stocks de morue.
Le président: Merci, Mike.
Madame Tremblay.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Merci, monsieur le président. Bonjour, messieurs Belliveau et Cormier.
Monsieur Cormier, on vous a déjà rencontré il n'y a pas tellement longtemps. Vous vous étiez donné la peine de venir à Ottawa pour nous exposer un problème qui nous avait paru assez important. Est-ce qu'il y a eu des suites à votre visite à Ottawa?
M. Ron Cormier: Non, pas plus que ça. Je n'ai pas eu de suivi autre que ce que j'ai lu dans les médias. Comme vous le savez, le gouvernement fédéral nous a dit qu'il allait augmenter les fonds. On ne nous a pas donné de chiffres ni de véritable grand portrait quant à la façon dont on allait s'occuper de la situation, mais nous attendons encore. J'espère que nous verrons quelque chose de positif dans très peu de temps.
Mme Suzanne Tremblay: Vous nous aviez dit que ça semblait presser beaucoup parce que la saison de la pêche commençait, mais pour l'instant, aucun geste concret n'a été posé à votre connaissance.
M. Ron Cormier: Non, pas à ma connaissance.
Mme Suzanne Tremblay: D'accord, merci.
À la page 5 de votre document, monsieur Belliveau, vous mentionnez que vous êtes très riches en ce qui concerne les prix, mais très pauvres en ce qui concerne les sciences. Vous faites allusion au Bedford Institute, à l'Institut Maurice-Lamontagne et au St. Andrews' Biological Station. Est-ce que vous souhaiteriez qu'il y ait l'équivalent d'un institut dans votre région, à Moncton, par exemple?
M. Michael Belliveau: C'est difficile à dire pour moi. C'est un fait qu'il y a des instituts à Halifax, St. Andrews, Rimouski et Mont-Joli, mais il n'y a rien actuellement à Moncton.
Mme Suzanne Tremblay: Mais pensez-vous que ça serait un élément dynamique important pour...?
M. Michael Belliveau: Oui, ce serait intéressant d'avoir quelque chose comme ça à Moncton, même pour la ville de Moncton. Cela amènerait de nouvelles idées, des emplois, etc.
Même si je vois le président rire, je serais franchement prêt à accepter que cette institution se trouve même à Charlottetown, surtout qu'il a maintenant construit son pont. Ah non, il ne me prendra pas au piège. Je suis prêt à appuyer qu'une institution de ce genre soit construite à Charlottetown ou ailleurs. Shediac est encore mieux.
Le président: Madame Tremblay?
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Merci.
[Traduction]
Le président: Les députés acceptent-ils que les caméras de télévision soient admises dans la salle pendant une minute pour filmer nos travaux brièvement? J'ai dit qu'ils devaient attendre jusqu'à la pause-café, mais ils ont un échéancier. Est-ce que vous acceptez cette proposition?
Dites-leur de rentrer, Andrew, et nous poursuivrons simplement nos travaux.
Merci.
Monsieur Wappel.
M. Tom Wappel: Merci, monsieur le président.
Je m'intéresse beaucoup à vos commentaires sur la structure. J'ai une carte ici que vous connaissez sans doute très bien. Si j'étudie la carte, et que je retrouve la région du golfe, comme profane, je dirais qu'elle devrait inclure la zone 4T. Cette carte figure à la page V du texte français d'un document qui s'intitule Revue statistique.
Je dirais, à titre de profane, que la région du golfe inclut 4T, 4S et peut-être même 4R, à mon avis, quoique cette zone soit très proche de Terre-Neuve. C'est au large de Terre-Neuve. Pour ce qui est de 4T, nous avons clairement Gaspé et, si je ne me trompe, les Îles-de-la-Madeleine.
M. Michael Belliveau: C'est exact.
M. Tom Wappel: Très bien. J'ai demandé aux témoins précédents et... Gaspé et je suppose les Îles-de-la-Madeleine ne sont pas inclus dans ce que nous avons appelé aujourd'hui le sud du golfe.
M. Michael Belliveau: Il s'agit de la structure de gestion.
M. Tom Wappel: La gestion. Bon. Vous dites à la page 3 de votre texte que ce secteur de pêche est un écosystème et que des milliers de pêcheurs côtiers sont de cet avis. Vous avez donné l'exemple des senneurs qui pêchent le hareng dans le chenal Laurentien.
Avez-vous bien dit que vous jugez que pour des fins écologiques, la 4T, telle qu'elle existe actuellement, est exacte et qu'elle devrait inclure Gaspé et les Îles-de-la-Madeleine? Dites-vous que pour des raisons politiques, et non pas écologiques, Gaspé et les Îles-de-la-Madeleine ont été séparées de ce que vous jugez être une vraie entité écologique, soit le sud du golfe? Est-ce que vous pensez?
M. Michael Belliveau: Certainement.
M. Tom Wappel: Vous n'aimez donc pas cette division? Vous ne pensez pas que c'est une façon logique ou intelligente de répartir les zones?
M. Michael Belliveau: Vous savez, il y a tellement de problèmes que celui-ci, c'en est un vieux. Ça s'était fait en 1984. C'était à l'époque où M. De Bané, un de vos anciens collègues, était le ministre.
M. Tom Wappel: Vous en parlez cependant dans votre texte.
M. Michael Belliveau: Nous mentionnons ce problème parce que l'intégration de ces localités serait logique. Gaspé devrait faire partie de la même région de gestion que 4Vn. C'est absolument logique. Mais évidemment ce n'est pas ce qu'on a fait.
M. Tom Wappel: Merci.
Le président: Merci, monsieur Wappel et monsieur Belliveau.
Vous dites que l'on fait ça pour la gestion de la ressource.
M. Michael Belliveau: C'est ça. J'aimerais signaler que lorsqu'il mentionne le nord, 4S et 4R... Prenez la morue par exemple: la morue de 4T semble être un stock distinct. Il se trouve dans le sud du golfe au printemps et à l'été, puis il quitte cette zone à l'automne pour se diriger vers la 4V. Il ne traverse pas le chenal Laurentien. Cette espèce n'est qu'un exemple démontrant que le sud du golfe forme un ensemble et un écosystème logique.
Le président: Merci, monsieur Belliveau. Cette explication est très utile.
Monsieur Stoffer.
M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président. Merci encore une fois, messieurs, d'être venus rencontrer le comité.
Mike, à la page 6 de votre texte, vous dites que vous appuyez «une approche intégrée pour les ressources marines de la région», une qui tient compte de la «communauté d'intérêts». Est-ce que cela voudrait également dire la communauté d'intérêts en ce qui a trait à la gestion, c'est-à-dire la cogestion des ressources?
M. Michael Belliveau: Qu'entendez-vous par «cogestion»?
M. Peter Stoffer: Vous parlez d'une communauté d'intérêts. Nombre de pêcheurs auxquels nous parlons disent qu'ils aimeraient avoir voix au chapitre en ce qui a trait à la gestion des pêches. Ils veulent une gestion de nature coopérative, pas nécessairement du ministère vers la base, mais plutôt un système de coopération. En s'inspirant des connaissances des scientifiques, des pêcheurs, en reconnaissant l'autorité du MPO qui aura le dernier mot au niveau de la gestion, ils voudraient pouvoir participer à un système coopératif de gestion. Est-ce que c'est ce que vous entendez quand vous parlez de la communauté d'intérêts?
M. Michael Belliveau: Oui, il y a... Je tire cette terminologie en fait du mouvement syndical, lorsqu'ils parlent d'une communauté d'intérêts et des choses de ce genre dans le contexte de l'organisation. Il existe une communauté d'intérêts chez les pêcheurs dans le sud du golfe du Saint-Laurent. C'est tangible, reconnaissable et facilement identifiable.
La majorité de nos rapports sont avec les responsables de la gestion, soit le MPO, et nous devrions donc faire affaire avec un seul responsable de la gestion à...bien, c'est à Moncton maintenant, mais un responsable de la gestion dans la région du golfe, soit nous tous, cette communauté d'intérêts. J'ai donné l'exemple de la professionnalisation parce que c'était là un projet qui avait été mis de l'avant par les organisations de pêcheurs. Nous l'avons proposé. Nous l'avons formulé. Nous savions comment faire, et nous savions quoi éviter. Nous avons négocié avec le MPO à Moncton, et une fois que la proposition a quitté Moncton, elle s'est perdue dans la paperasserie du ministère.
Pour avoir ce type de cogestion, vous devez également avoir suffisamment d'autorité en région pour négocier et conclure certaines ententes. Le problème avec les propositions de partenariat du MPO n'était pas qu'elles n'étaient pas bonnes; c'est simplement qu'il n'y avait jamais eu de structure ou de concept quant à la façon d'avoir un partenariat avec 3 500 exploitants assurés en règle. Nous le savions en fait. Nous étions suffisamment naïfs et idéalistes pour croire que nous pouvions conclure une telle entente de partenariat, et tout compte fait la bureaucratie avait plus de problèmes avec ce concept que nous. Je ne sais pas si cela répond à votre question.
Le président: Merci, monsieur Stoffer.
Monsieur LeBlanc, allez-y.
[Français]
M. Dominic LeBlanc: Merci, monsieur le président. Si vous me le permettez, je vais poser une question à M. Cormier.
Dans la présentation que Mike a faite tout à l'heure, il a parlé de sa crainte de voir un manque de services aux francophones au bureau de Halifax. Pour ma part, je crois fondamentalement qu'au bureau de Halifax, toutes les questions concernant les grandes compagnies, toute la question de la culture, que je partage franchement avec vous, vous les avez très bien présentées. Mais la question que soulèvent plusieurs de mes commettants, c'est l'incapacité du bureau régional de Halifax de traiter leurs demandes en français. Comme Mike l'a si bien dit, la culture est très francophone dans notre région. Est-ce que les membres de votre syndicat vous parlent de cela, Ron? Est-ce qu'ils partagent ces préoccupations-là?
M. Ron Cormier: Dans certaines circonstances, oui. Les pêcheurs qu'on représente aiment avoir leur information et des services plus ou moins dans leur langue. Cela a certainement causé des problèmes par le passé. Nous considérons que le fait d'avoir un bureau régional où il est possible de se faire servir en français ou dans les deux langues serait un service très positif pour nos membres. C'est certainement quelque chose dont les pêcheurs nous font part.
[Traduction]
M. Dominic LeBlanc: Merci. J'aimerais poser une toute petite question à Mike ou Ron.
Nous savons qu'une certaine controverse a entouré la proposition de partage de la ressource de crabe des neiges. À mon avis, il devra y avoir un mécanisme de partage permanent des allocations de crabe des neiges avec les pêcheurs côtiers, les membres de votre syndicat. L'entente de cogestion prend fin l'année prochaine, si je ne me trompe.
M. Michael Belliveau: Elle prend fin cette année.
M. Dominic LeBlanc: Cette année—il s'agit de l'entente de cogestion qui portait sur une période de cinq ans.
À votre avis, quelle solution à long terme pourrait-on adopter pour faire disparaître cette incertitude qui revient chaque année, car on ne sait jamais si les pêcheurs côtiers auront accès à cette ressource très importante?
Le président: Monsieur Belliveau, allez-y.
M. Michael Belliveau: L'Union des pêcheurs des Maritimes dans cette affaire soutient que... Nous avons des membres dans l'ensemble de la région, mais dans ce dossier nous représentons nos membres du Nouveau-Brunswick. Les pêcheurs côtiers du Nouveau- Brunswick n'ont pas du tout accès au crabe des neiges. Aucun accès, aucun permis. Il s'agit cependant d'une espèce qui se trouve sur nos lieux de pêche côtiers, et c'est pourquoi...
Nous ne voudrions pas parler de «mécanisme». Nous ne voulons plus de mécanisme après cette année. Nous voulons simplement avoir une part de la ressource en crabe de la zone 12.
M. Dominic LeBlanc: S'agit-il d'une part de la zone, Mike, ou d'une allocation permanente...?
Le président: Dominic, nous devons poursuivre.
La parole est à M. Keddy.
M. Gerald Keddy: Je n'ai qu'une toute petite question à poser. Nous commençons à manquer sérieusement de temps.
Vous avez parlé de l'autorité de gestion, et ça c'est un point de vue un peu différent du mien. Compte tenu de la prestation des services par le MPO et du déménagement d'au moins un de ces grands services vers le bureau de Halifax, avez-vous également enregistré une diminution des services offerts par les bureaux locaux du MPO?
Par exemple, en Nouvelle-Écosse, partout dans la province, nombre des services ont été déménagés soit à Halifax ou à Yarmouth. Par exemple, vous ne pouvez pas obtenir vos étiquettes de homard à votre bureau local du MPO. Vous devez vous rendre à Halifax, ou à Yarmouth. Vous ne pouvez pas vous rendre au bureau local du MPO pour renouveler votre permis, même s'il s'agit simplement d'un permis côtier de pêche de palourdes; vous devez vous rendre à Halifax. Avez-vous noté les mêmes problèmes?
M. Michael Belliveau: Il existe une certaine centralisation, mais certaines de ces choses ne durent pas longtemps. Par exemple pour les étiquettes de homard, je crois que tout cela sera fait par des agents de l'extérieur, et c'est simplement un programme qu'on essaye cette année dans le golfe.
M. Ron Cormier: J'aimerais faire un commentaire, Mike; il existe actuellement un projet pilote. D'après ce que j'ai entendu, on a décidé de mettre tout cela en veilleuse parce que le système prévu pour le paiement de ces étiquettes ne fonctionne pas très bien. En fait, on vous envoie vos étiquettes par courrier. Vous devez payer pour vos permis tout de suite, avant de connaître les conditions assorties à ces permis. On voulait que vous payiez les droits associés aux permis par l'entremise du système bancaire. Malheureusement, il existe des problèmes, les choses ne vont pas aussi bien que prévu cette année. Peut-être pourront-ils régler les problèmes pour l'année prochaine et peut-être ce système sera-t-il à l'avantage du pêcheur.
Le président: Avez-vous une petite question, Gerald, ou avez-vous terminé?
M. Gerald Keddy: C'est tout.
Le président: Très bien.
Dans votre mémoire, messieurs, vous dites dans la conclusion... et M. Wappel m'en a parlé:
-
En conclusion, nous devons signaler que nous avons très peu parlé
des activités dans la région du golfe. Une discussion sur la
question serait plus fructueuse si elle se déroulait dans un
contexte moins public.
Dites-vous qu'il serait bon d'avoir une réunion à huis clos sur la question?
M. Michael Belliveau: Oui, puisque... M. Stoffer a mentionné... Le fait est que—je prends un peu plus de temps que vous l'aviez prévu, mais...
Le président: Ne vous en faites pas, Mike.
M. Michael Belliveau: Nous constatons que l'autorité de gestion dans le secteur des pêches est en butte aux attaques de nombreuses parties. Nous n'appuyons pas nécessairement l'idéologie qui vise à miner l'habileté de l'État de gérer une ressource de propriété commune comme les pêches. Nous hésitons à dire certaines choses en public de crainte que certains ne s'en servent pour appuyer l'idéologie d'autres. Donc je dois avouer que nous...
Le président: Très bien. Nous en prenons note; cela pourrait être une bonne idée, Mike.
Merci beaucoup, messieurs, de votre intervention ce matin. Nous allons prendre une pause de cinq minutes—seulement cinq minutes—puis passer à... Si nous pouvions revenir pour...
Il vaut mieux passer aux témoins du Nouveau-Brunswick. Joseph LaBelle est-il ici? S'il vous plaît, venez prendre place à la table des témoins, Joseph. Nous entendrons également M. Anthony Davis et le représentant de l'Université de Moncton, ensemble si c'est possible.
Le président: Nous reprenons nos travaux.
Monsieur LaBelle, vous avez la parole.
[Français]
M. Joseph LaBelle (directeur exécutif, Association des transformateurs de fruits de mer du Nouveau-Brunswick): Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Joseph LaBelle et je suis le directeur exécutif de l'Association des transformateurs de fruits de mer du Nouveau-Brunswick. Notre association représente 23 des plus grosses entreprises de transformation de la province. Nous sommes actifs autant sur la côte de la Baie de Fundy que dans le golfe Saint-Laurent. Donc, nous avons l'occasion de faire affaire avec les deux différentes régions, les deux régions administratives qui sont impliquées, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse.
Notre production se concentre surtout dans le crabe, le crabe des neiges et le crabe commun, le homard, la crevette, la rave de hareng, les produits fumés de hareng et les produits marinés. Chez nos membres, c'est presque exclusivement un marché d'exportation.
[Traduction]
Comme l'on dit avec beaucoup d'éloquence ceux qui se sont déjà adressés à vous aujourd'hui, le sud du golfe du Saint-Laurent représente une toute petite zone. Écologiquement, c'est une toute petite zone mais elle demeure très importante à nos yeux. Nous sommes des transformateurs qui dépendent de ce qui vient de cet océan, et nous devons absolument comprendre ce qui s'y passe et quels sont les rapports entre les diverses espèces qui y vivent. Nous souhaitons que les décisions en matière de gestion qui sont prises en ce qui a trait à cette ressource tiennent compte de l'ensemble de l'écosystème.
Je ne travaille pas dans le secteur de la transformation des produits de la mer depuis aussi longtemps que d'autres témoins que vous avez entendus, mais je peux comprendre les difficultés du comité qui essaie de saisir la différence entre les régions administratives, de comprendre qui est responsable d'un stock particulier, de comprendre les liens qui existent entre ces régions et les zones de l'OPANO et toutes les autres questions. Tout cela est fort complexe.
Nous participons aux activités du Réseau de recherche du sud du golfe. Nous sommes très intéressés par cette façon de procéder, qui permet de réunir tous ceux qui s'intéressent à la question. Le réseau permet également de réunir des gens qui peuvent nous aider à mieux comprendre ce qui se passe dans l'eau.
• 1215
Nous sommes convaincus que ceux qui profitent de
l'exploitation de cette ressource doivent contribuer à une
meilleure compréhension de la ressource. Notre industrie n'est
peut-être pas aussi rentable qu'on le voudrait, mais nos activités
assurent des revenus à nos propriétaires et aux pêcheurs.
Il s'agit là d'une ressource de propriété commune pour les Canadiens. Nous jugeons que notre industrie doit contribuer à une meilleure compréhension de cette ressource et de l'impact de notre exploitation. Nous espérons que tous les intervenants ou tous ceux qui exploitent cette ressource auront la même attitude.
Nous devons comprendre ce que nous faisons et dans quelle mesure cela a un impact sur cet écosystème; nous devons également savoir et comprendre ce que les autres intervenants font. Je sais qu'à plusieurs reprises ce matin, on a parlé des hydrocarbures au large du Cap-Breton. Il n'y a pas très longtemps, nous avons discuté de la question avec des hauts fonctionnaires du ministère qui s'étonnaient de la réaction des résidents du Cap-Breton face à l'exploitation des concessions de Corridor Resources dans la région. Nous leur avons dit qu'ils ne devraient pas s'étonner puisque les dynamiques et les réalités du sud du golfe et les impacts possibles de divers types d'activités dans cette région ne sont pas vraiment connus. Nous ne savons vraiment quel impact la prospection sismique ou l'exploration ou la production d'hydrocarbures pourrait avoir. Nous sommes au courant de certaines des choses qui se sont produites sur la plate-forme Scotia, mais il s'agit là d'une écostructure et d'un système complètement différents.
Il n'y a pas simplement la prospection des hydrocarbures qui présente un problème immédiat au Cap-Breton. Il y a également un nombre toujours plus important de gens qui veulent utiliser les espaces marins limités. Il faudra des mécanismes d'arbitrage; j'ai bien choisi ce terme parce c'est ce qu'il faudra faire, de l'arbitrage.
Certaines activités seront mutuellement exclusives. Il nous faudra décider comment procéder, collectivement, mettant à contribution tous les utilisateurs, y compris le gouvernement qui est responsable de la stabilité et de la productivité à long terme de ces espaces marins.
Les choses sont plutôt difficiles puisque nous n'avons pas l'avantage d'avoir notre propre service des océans dans la région du golfe. Ceux qui travaillent à partir de la région de Scotia-Fundy, ceux qui travaillent à notre bureau régional de Moncton et qui s'intéressent aux océans travaillent très fort; ils travaillent très fort et essaient de tenir compte des impacts possibles sur le golfe.
Cependant, il n'y a pas de concentration particulière sur la question. Encore une fois, comme nombre d'autres intervenants l'ont signalé, les réalités entourant la plate-forme Scotia, par exemple, sont bien différentes de ce qu'on retrouve dans notre zone. Les espèces sont différentes, les activités aussi, et les questions écologiques qui se posent ne sont pas les mêmes.
Comme je l'ai déjà signalé, nous sommes très enthousiastes quant aux possibilités qu'offre le Réseau de recherche du sud de golfe, parce qu'il nous offre la possibilité de réunir divers intervenants qui ont des points de vue différents. Nous sommes chanceux d'avoir ici dans le golfe une division des sciences qui depuis longtemps met en commun des renseignements biologiques et océanographiques ainsi que des renseignements provenant de ceux qui exploitent la ressource et de ceux qui la transforment.
Dans ce processus, on tient compte de ce qu'on appelle les connaissances traditionnelles pour nombre d'espèces, mais on s'inspire également de données scientifiques et de chiffres bien clairs.
Nous espérons que le Réseau de recherche du sud du golfe nous permettra d'utiliser les ressources très limitées dont disposent le ministère, l'industrie et nos établissements d'enseignement supérieur pour mieux répondre à certaines des questions scientifiques fondamentales qui se posent, et pour mieux comprendre certaines des interrelations fondamentales qu'on y trouve, pour comprendre l'impact de la pêche et des autres utilisateurs sur ces stocks.
Notre association croit fermement dans l'approche de précaution, qui dit que si vous ne comprenez pas vraiment ce que vous faites, il vaut mieux être prudent tant que vous n'en connaîtrez pas plus long.
Quant aux océans, il est intéressant de noter qu'il existe divers paliers de prise de décision et de gestion pour cet espace limité. Comment tenir compte des désirs de tous les intervenants? Je suis convaincu que dans vos travaux vous avez constaté qu'il y a divers utilisateurs de l'océan. Leurs besoins et leurs activités sont multiples. Il nous faut donc un mécanisme et des structures qui nous permettront d'identifier une zone particulière, par exemple, pour la pêche, ou pour créer des zones de protection marine, ou encore réserver certaines zones à certaines activités de pêche particulières.
• 1220
Il nous faut accepter des choses comme des câbles, l'accès
routier et des projets de construction comme le pont de la
Confédération. Comment s'organiser pour que tout le monde ait voix
au chapitre? Comment rendre ce processus viable?
Nous croyons qu'il faut réserver une zone, ou un espace, qui servirait réservé à la pêche commerciale; nous croyons également que le secteur des pêches doit accroître son partenariat avec le MPO, et non pas s'écarter du ministère, mais plutôt améliorer ses partenariats avec le MPO. Comment y parvenir?
J'ai été quelque peu étonné ce matin d'entendre des commentaires sur la rapidité avec laquelle la révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique se déroulait, parce que nombre des mêmes questions que nous avons abordées ce matin sont également abordées dans le document. Nous croyons—et nous avons participé à la révision de la politique et nous sommes intervenus en mars—qu'il faut un cadre clair pour définir la façon dont le processus fonctionnera, la façon dont les décisions seront prises et l'impact à plus long terme de ces décisions.
Pour exploiter une usine de transformation aujourd'hui...cela représente un investissement très important. Vous ne pouvez faire de tels investissements que si vous avez accès à la ressource. Ainsi, si vous ne savez pas comment le processus décisionnel fonctionne, s'il y a des problèmes administratifs parce qu'il n'y a pas de service des océans ou si nous avons cette ligne qui traverse ici, il est très difficile de planifier à long terme et de faire des investissements.
Comme je l'ai déjà signalé, nous nous tournons vers le secteur de la pêche commerciale pour obtenir des mécanismes et des structures de soutien, des mécanismes de gestion d'un espace, qui nous permettront de mieux comprendre des espèces particulières et qui garantiront que nous disposons de mécanismes adéquats pour profiter au maximum des ressources limitées dont nous disposons. Encore une fois, tout cela se déroulerait en fonction des paramètres établis pour assurer une approche prudente pour l'exploitation des stocks disponibles.
À notre avis, le Réseau de recherche du sud du golfe ne serait pas uniquement responsable de la recherche biologique, mais se pencherait également sur les diverses méthodes de pêche, d'exploitation des ressources halieutiques, qui permettront d'accroître la valeur des prises tout en tenant compte de nos circonstances particulières.
Nous n'avons pas, dans le golfe, de grosses entreprises de transformation. Nous avons plutôt des entreprises de taille moyenne. Cela s'explique par le fait que nous avons des produits de grande valeur. Le crabe, le homard et la rogue de hareng sont des produits de très grande valeur, et les économies d'échelle peuvent être plus petites que si nous avions des grosses usines de transformation traditionnelles.
De plus, pratiquement tout le poisson que nous obtenons provient de bateaux de moins de 65 pieds, et bien sûr, en raison de la politique de la séparation de la flottille, les activités de transformation sont économiquement distinctes des activités d'exploitation. Ainsi, nous nous retrouvons avec une dynamique quelque peu différente de celle que vivent nos organisations soeurs dans les autres provinces.
Quant à la structure même du ministère, nous n'avons aucune préoccupation particulière à l'égard des fonctions de soutien, de finances, ou du personnel. Le ministère est plus en mesure de s'occuper de ces fonctions. Cependant, lorsqu'on parle des écosystèmes, je crois qu'il importe que les structures du ministère soient établies de manière à faciliter l'étude et la gestion des écosystèmes.
Évidemment, il demeure toutes sortes de questions politiques, par exemple où établir les limites, comment faire la part des choses, mais nous devons rappeler encore une fois qu'il faut comprendre et gérer dans un ensemble les ressources et l'écosystème dont elles font partie. Cette façon de procéder s'impose, tout particulièrement lorsqu'on pense aux problèmes que nous avons vécus avec certaines de nos espèces, les hauts et les bas et les erreurs que nous avons faites au niveau de la gestion, ainsi que certaines des réussites que nous avons eues au niveau de la gestion.
C'est tout ce que j'avais à dire.
Le président: Merci beaucoup, monsieur LaBelle.
Nous passons maintenant aux questions.
M. Duncan a la parole.
M. John Duncan: Je crois que les commentaires que vous faites sur le MPO portent sur deux grands domaines. Tout d'abord, l'administration de tout ce qui touche le pétrole et le gaz, qui est faite à partir de Halifax, ce qui pose des problèmes, et puis la division de l'écosystème en fonction des territoires administratifs. Je crois que votre message est clair.
• 1225
Appuyez-vous la proposition de ceux qui veulent qu'on ajoute
la zone 4Vn à la région du golfe?
M. Joseph LaBelle: Je crois que la structure administrative serait fort complexe puisque chacune des espèces peut être différente. Nous parlons ici de réalités différentes. Prenons par exemple la pêche au maquereau: il s'agit d'un stock qui va du New Jersey vers le nord dans le golfe et puis retourne vers le New Jersey. Je ne sais pas comment vous pouvez vraiment identifier une zone pour cette espèce. De plus, il y a certains aspects dans la 4Vn qui à mon avis sont associés à l'écosystème et à la biologie du sud du golfe, et je crois que cette zone serait protégée de façon plus adéquate si elle était administrée à partir d'une région administrative écologique plutôt que d'une autre. Je ne sais pas si cela répond vraiment à votre question. Je crois que cela dépend de l'espèce, de l'optique qui nous intéresse et des questions que nous posons.
M. John Duncan: Pour ce qui est de l'administration des hydrocarbures, il est clair qu'il existe un certain mécontentement quant à la façon dont tout cela est fait à Halifax. Avez-vous un modèle de rechange à nous proposer?
M. Joseph LaBelle: Le premier problème en ce qui a trait à l'administration des hydrocarbures c'est que tout est décidé par l'OCNEHE, l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers, et tout cela se fait dans une optique de l'exploitation des hydrocarbures. L'Office ne s'intéresse pas beaucoup aux impacts généraux sur l'écosystème et sur l'économie. Nous sommes d'avis qu'avant d'intervenir dans une zone aussi fragile que le golfe, vous devez comprendre quelles concessions vous devrez faire et vous devez prendre des décisions bien éclairées.
Nous sommes d'avis que le sud du golfe représente un écosystème distinct. Qu'il s'agisse des hydrocarbures, de la gestion des stocks de crabe ou de notre approche aux pêches sportives pour le poisson de fond, toutes ces questions doivent être étudiées en fonction du sud du golfe et du système écologique qu'on y retrouve, pas simplement par un office de mise en valeur des hydrocarbures qui a des liens plus étroits avec les zones hauturières et la plate-forme Scotia qu'avec le golfe.
M. John Duncan: Jugez-vous qu'il faut absolument que toute proposition de mise en valeur des hydrocarbures fasse l'objet d'un énoncé des incidences environnementales?
M. Joseph LaBelle: Certainement. Nous ne voulons pas aller pêcher dans cette zone sans savoir quel sera l'impact de cette activité et nous ne croyons pas que d'autres intervenants devraient se livrer à de nouvelles activités économiques quand nous ne savons même pas quelle en sera l'incidence environnementale.
Le président: Merci, monsieur Duncan.
Madame Tremblay, vous avez la parole.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Merci, monsieur le président.
Monsieur LaBelle, vous dites que vous êtes un transformateur. En quoi les décisions qui peuvent être prises et les problèmes d'écosystème peuvent-ils vous déranger puisque vous vous approvisionnez aux endroits où il y a des prises? Que ça vienne d'un endroit ou de l'autre, en autant que vous êtes approvisionné, en quoi les décisions qui peuvent être prises vous dérangent-elles?
M. Joseph LaBelle: Nous dépendons...
Mme Suzanne Tremblay: Vous dites que vous êtes inquiets de certaines décisions qui peuvent être prises.
M. Joseph LaBelle: Nous dépendons de la stabilité des approvisionnements à long terme. Nos entreprises sont centrées au Nouveau-Brunswick. Elles dépendent surtout des membres de nos associations qui travaillent sur le golfe Saint-Laurent, bien que nous ayons de grosses opérations dans le sud-est.
C'est fondamental pour nous qu'on s'assure que l'écosystème puisse supporter la production continue et durable, et aussi que la gestion de la ressource halieutique soit faite pour protéger d'abord la viabilité à long terme et ensuite la stabilité du stock. Il nous est très difficile de fonctionner quand il y a 20 000 tonnes une année, 5 000 tonnes l'année suivante et 17 000 l'année d'ensuite.
Aujourd'hui, établir des marchés, c'est une question d'investir des centaines de milliers dollars sur trois, quatre ou cinq ans pour arriver à une rentabilité dans le nouveau marché.
S'il y a trop de cycles, si la gestion est faite d'une manière extrêmement cyclique, en plus du cycle naturel de la ressource—ce sont des questions de gestion—, il devient très difficile d'avoir une rentabilité et d'avoir le retour qu'on pense pouvoir obtenir si on planifie et on gère bien la ressource.
Mme Suzanne Tremblay: Un peu plus loin, si j'ai bien compris, vous avez dit qu'il faudrait limiter de plus en plus l'accès à l'océan et qu'il faudrait un certain arbitrage quand il y aurait des activités mutuellement exclusives. Pouvez-vous élaborer sur ce que vous visez exactement?
M. Joseph LaBelle: Traditionnellement, il y avait les gens qui faisaient la pêche et les gens qui transportaient des choses. Aujourd'hui, il y a du développement des ressources naturelles sous la mer. Il y a les fils de communication, les gazoducs, les oléoducs qui passent sous l'eau et qui restreignent ce qu'on peut faire là. Il y a aussi la pêche récréative, avec laquelle il faut composer et qui devient de plus en plus importante. Il y a l'utilisation récréative de la mer. Enfin, il y a la pêche et le transport.
On voit qu'il est nécessaire non seulement d'utiliser la ressource, mais aussi de la protéger. Est-ce qu'il y a, dans certaines régions, des méthodes de pêche qui sont nuisibles et qu'on devrait interdire? Est-ce qu'il y a des endroits où on devrait carrément interdire toute activité humaine? Comment fait-on pour développer un cadre pour prendre ces décisions? Il faudrait que des représentants des gens participent à cela. Il faudrait avoir un cadre dans lequel les décisions puissent se prendre.
Contrairement à mon collègue de l'UPM, je pense que si l'État peut établir le cadre et la base sur laquelle les décisions doivent se prendre, beaucoup de décisions pourront être prises par des assemblées de participants. On parle donc d'une espèce de conseil de planification. À notre avis, c'est pour cela qu'il y a une Loi sur les océans. C'est le côté Océans du MPO qui doit évaluer les stratégies et les structures par lesquelles les gens pourront participer.
Comme je l'ai mentionné, on s'attend à ce qu'on tienne compte de la nature unique du golfe dans la structure de la partie Océans, pour l'application de la Loi sur les océans.
Mme Suzanne Tremblay: Merci beaucoup.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur LaBelle.
Monsieur Assadourian, soyez bref s'il vous plaît.
M. Sarkis Assadourian: Merci beaucoup.
Depuis 1995-1996, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a délivré une quarantaine de permis. Avez-vous été consultés ou êtes-vous intervenus auprès du gouvernement avant qu'il ne délivre ces permis?
M. Joseph LaBelle: Non...
M. Sarkis Assadourian: C'était ma première question. J'ai d'autres petites questions à vous poser.
Vous dites que vous préparez des produits pour 25 à 30 compagnies. S'agit-il de compagnies aquacoles ou simplement de groupes de pêcheurs d'espèces sauvages?
Est-ce que la limite de la zone de pêche change quelque chose pour vous? Vous avez dit que la majorité des compagnies avec lesquelles vous faites affaire se trouvent au Nouveau-Brunswick. Pourquoi l'emplacement du bureau chef ou des bureaux régionaux du MPO serait-il important? À mon avis ça ne changerait absolument rien puisque vous ne pêchez que dans cette zone.
Ce sont là mes questions.
M. Joseph LaBelle: Notre association n'a pas été officiellement consultée en ce qui a trait aux hydrocarbures. À notre connaissance, la seule concession active se trouve dans la partie nord du Cap-Breton. Il s'agit de la zone de pêche du crabe numéro 19, qui se trouve au large d'Ingonish. Les autres concessions se trouvent sur la plate-forme Scotia. À ma connaissance, notre industrie n'a pas été consultée en ce qui a trait aux puits qui ont été forés pour les hydrocarbures pendant les années 1970 dans la même zone, juste à côté de la nouvelle concession au Cap-Breton. Ainsi, pour répondre à votre première question, nous n'avons pas été consultés.
Tout semble indiquer que le processus de l'OCNEHE s'est concentré principalement sur la plate-forme Scotia, et qu'on n'a pas encore abordé la région du Cap-Breton qui suscite cette controverse. Un grand nombre d'intervenants de l'industrie de la pêche ont participé aux discussions sur le moratoire visant les activités gazières et pétrolières sur le banc Georges; on avait conclu à l'époque qu'il s'agissait là d'une zone de pêche très importante et qu'il faudrait la réserver à la pêche commerciale plutôt qu'aux activités gazières et pétrolières.
• 1235
Quant à nos activités de transformation, comme j'ai déjà
signalé, elles touchent principalement les espèces sauvages. Ce
sont ces espèces que nous transformons. Certains de nos membres
transforment le saumon, ce qui est particulièrement intéressant
parce qu'ils doivent alors composer avec la controverse qui entoure
le conflit entre le saumon d'élevage et le saumon sauvage. Cela se
produit tout particulièrement dans la baie de Fundy. La pêche à la
nasse dans la baie de Fundy procure du poisson de très haute
qualité pour certains types de transformation, mais les nasses sont
posées exactement au même endroit où vous voudriez installer un
enclos pour le saumon, ce qui suscite des débats très intéressants
au sein de cette organisation et de notre association. Nous croyons
que c'est une bonne chose, que c'est une chose saine, parce que
vous devez en venir à une décision de gestion bien éclairée et qui
sache répondre aux attentes des deux groupes.
Certains de nos membres étudient actuellement la possibilité de transformer des espèces provenant d'élevage, mais pour l'instant la grande majorité de nos activités touchent les espèces sauvages.
M. Sarkis Assadourian: Combien avez-vous d'employés?
Le président: Sarkis, je m'excuse.
La parole est à M. Stoffer.
M. Peter Stoffer: Merci. J'aimerais poser mes questions à M. LaBelle...
M. Joseph LaBelle: On m'avait posé une autre question. On m'avait demandé qu'est-ce que l'emplacement pouvait changer. Je suis membre de 27 comités consultatifs sur les pêches. Il existe un comité consultatif pour chaque espèce et chaque zone. Il existe donc un processus fort complexe de consultation des comités consultatifs et de comités d'examen des données scientifiques. Si nous décidons d'étudier le golfe, et si nous voulons avoir la participation que nous jugeons nécessaire pour vraiment gérer cette zone, il faut que le bureau soit situé là où les gens peuvent se rendre sans qu'il leur en coûte trop cher, et sans qu'on ait besoin de ressources en personnel trop grandes pour simplement communiquer avec ces comités consultatifs.
Le président: Merci beaucoup, monsieur LaBelle.
Monsieur Stoffer, allez-y.
M. Peter Stoffer: Je vous remercie, monsieur LaBelle, de votre exposé. Pour revenir à ce que disait M. Duncan, croyez-vous qu'il devrait y avoir une évaluation de l'incidence environnementale avant que l'on accorde une concession pour la mise en valeur des hydrocarbures?
M. Joseph LaBelle: C'est ce que nous pensons.
M. Peter Stoffer: Merci. Par ailleurs, monsieur, vous avez parlé du principe de précaution, et vous avez raison, nous devrions tous être inspirés par ce principe, mais nombre de ceux à qui nous avons parlé, à qui j'ai parlé, s'inquiètent de la situation, et croient que le MPO ne s'inspire pas suffisamment du principe de précaution. Que pensez-vous de la gestion par le MPO des ressources halieutiques, à l'échelle locale, régionale ou nationale? Pensez-vous que le ministère s'inspire vraiment du principe de précaution? Est-ce que le ministère fait du bon travail? Fait-il du bon travail, ou fait-il simplement fi de ce principe?
M. Joseph LaBelle: Je crois que c'est plutôt inégal et irrégulier. Cela dépend de l'espèce, ainsi que des liens historiques et politiques.
Évidemment, dans notre secteur, nous avons des liens très étroits avec la division des sciences ici à Moncton. Nous sommes très heureux de nos rapports avec ce service. Cependant, en l'absence d'un cadre qui nous permette de bien comprendre qui a accès à la ressource, en l'absence de stabilité à long terme à l'égard du partage d'une ressource fort limitée, nous nous retrouvons souvent avec un mécanisme de décision qui est loin d'être transparent. Parfois, on n'arrive pas vraiment à comprendre pourquoi une décision a été prise, et nous craignons souvent les impacts de telles décisions.
Nous avons connu des périodes où les stocks étaient en bien mauvais état. Nous avons tiré une dure leçon dans le golfe du Saint-Laurent et nous savons qu'il faut être très prudent avec ces stocks.
Nous voyons les choses à plus long terme. Nous n'avons pas autant de groupes qui exercent des pressions sur nous que le ministère.
Pour répondre plus précisément à votre question, la mise en oeuvre ou l'adoption du principe de précaution ne se fait pas aussi rapidement que nous le désirions. Quant à l'impact de la gestion, cela dépend de l'espèce, de la zone, et des liens politiques qui existent dans ces zones.
Le président: Merci, monsieur LaBelle.
Monsieur Keddy, vous avez la dernière question.
M. Gerald Keddy: On a mentionné à plusieurs reprises la zone 3Pn, la zone de Sydney Bight. À titre de représentant du secteur de la transformation, croyez-vous que ces limites ont été imposées en raison des préoccupations du MPO ou plutôt en raison des préoccupations de l'industrie? Plusieurs membres de l'industrie qui sont à Louisbourg se trouvent en fait dans la zone 4X.
• 1240
À titre de représentant de l'industrie, que pensez-vous de
cette situation?
M. Joseph LaBelle: Nous avons toujours des conversations fort intéressantes avec nos collègues des autres provinces.
Il y a beaucoup d'activités à partir de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse dans cette zone. Nous avons un intérêt bien particulier pour cette zone parce que nous avons une allocation importante de hareng pour la flottille semi-hauturière. La flottille de senneur semi-hauturière nous donne du poisson que nous pouvons utiliser pour la consommation et la transformation plutôt qu'à d'autres fins, plutôt que simplement pour la rogue.
Nous nous inquiétons du jeu de navette politique entre les régions. Encore une fois, il vaudrait peut-être mieux ne pas simplement étudier la carte, mais les espèces. Si un stock du golfe se trouve dans la 4Vn, il faut gérer cette partie du stock du golfe. Si on retrouve une espèce particulière sur la plate-forme Scotia, il suffit de gérer cette unité en fonction des caractéristiques biologiques.
M. Gerald Keddy: J'aimerais vous poser une question sur une autre des préoccupations que vous avez soulevées, soit votre interprétation de la Loi sur les océans comme assurant le représentation d'un secteur des pêches multilatéral. Cela inclut les transformateurs, les pêcheurs, les aquaculteurs, l'industrie des hydrocarbures, tout le monde.
Je crois que si la Loi sur les océans a un défaut—et nous avons déjà parlé en long et en large de l'absence de règlements—, c'est qu'elle n'assure pas suffisamment de consultations multilatérales, qu'elle n'assure pas suffisamment la participation de ceux qui travaillent dans l'industrie, qu'ils pêchent ou pas. Tout le monde n'est pas à la table en même temps et tous les points de vue ne peuvent être entendus.
Est-ce ce que vous pensez vous aussi? Ou y a-t-il selon vous une meilleure façon d'assurer la consultation en vertu de la Loi sur les océans?
M. Joseph LaBelle: Clairement, nous croyons que le gouvernement est responsable auprès de tous les Canadiens de l'utilisation viable et productive de nos océans, et ce à long terme.
Il doit donc y avoir un cadre. Il doit y avoir une structure qui permette au gouvernement de communiquer clairement ses décisions politiques. Nous allons accorder la priorité aux utilisations viables et durables de cet océan. Cela pourrait être la décision. Ou nous allons accorder l'accès prioritaire aux activités durables pour 90 p. 100 de l'espace maritime et nous réserverons 3 p. 100 ou 10 p. 100 ou 5 p. 100 pour l'exploitation et la mise en valeur des hydrocarbures.
M. Gerald Keddy: Et les zones de protection marines.
M. Joseph LaBelle: Et les zones de protection marines et les zones récréatives. Il y a beaucoup de gens qui veulent se servir de ce type de zones.
Pour ce faire, il faut cependant un processus décisionnel bien clair de la part du gouvernement. Il ne s'agit pas simplement d'inviter divers groupes dans une salle, car certains des utilisateurs s'excluent mutuellement.
C'est un peu comme l'allocation de la ressource halieutique. Il y a un nombre déterminé de tonnes de poisson. Nous pouvons passer des heures autour d'une table à discuter de la question, mais si tout le monde veut tout le poisson, quelqu'un devra se prononcer. Nous préférerions qu'on établisse une structure où tous les critères, tout le cadre, existent. Il suffit qu'on établisse pour le service des océans ou pour le MPO une série de critères qui précisent qu'il s'agit là d'une décision stratégique du gouvernement et qu'on leur demande de respecter ces paramètres plutôt que de laisser les choses se dérouler comme...
Le président: Merci, monsieur LaBelle.
Monsieur Lunney, une question seulement.
M. James Lunney: Merci, monsieur le président.
Monsieur LaBelle, vous avez dit tout à l'heure que vous siégiez à 27 comités consultatifs sur les pêches. Un peu plus tôt, vous avez mentionné, et il en va de même pour un représentant du MPO, le Réseau de recherche du sud du golfe. On nous a dit qu'il s'agit d'un groupe qui regroupe 30 organisations différentes.
Il y a beaucoup d'intervenants qui parlent au nom du secteur des pêches dans la région. Pouvez-vous nous dire s'il s'agit là des mêmes 27 groupes dont vous parliez plus tôt ou s'agit-il de groupes différents? Je crois que l'optique est bien différente au sein du réseau de recherche.
Je n'ai pas eu l'occasion de poser cette question aux autres témoins un peu plus tôt; pouvez-vous nous donner un peu plus de renseignements sur ce Réseau de recherche du sud du golfe? S'agit-il d'un nouvel intervenant? S'agit-il d'un porte-parole d'un conglomérat? S'agit-il d'une nouvelle initiative? Depuis quand ce groupe se réunit-il? Pouvez-vous nous en dire un peu plus long sur le Réseau de recherche du sud du golfe.
M. Joseph LaBelle: Il s'agit d'une initiative assez récente qui vise à regrouper les divers porte-parole qui se penchent sur des questions particulières ou sur des espèces particulières.
Le réseau de recherche vise une action plus vaste. Il regroupe des gens qui ne se penchent pas nécessairement sur la gestion des pêches, comme les spécialistes en matière de recherche du monde universitaire. Ils n'ont pas souvent l'occasion d'avoir voix au chapitre. Ils ont des ressources financières et beaucoup de connaissances, et comprennent bien certaines des questions biologiques fondamentales que nous posons; ils peuvent répondre à certaines des questions que nous posons sur la technologie des sciences alimentaires, et connaissent des façons d'améliorer les produits. Il s'agit donc d'un groupe qui représente des intervenants d'un plus grand nombre de secteurs que les comités consultatifs. Le réseau étudie les façons d'optimiser les ressources dont nous disposons pour étudier les océans. Nous avons une très grande capacité en matière de recherche dans nos universités. Comment pouvons-nous nous assurer que ces universités se penchent sur des questions que se posent également les intervenants du secteur des pêches, le ministère des Pêches et des Océans, et les organisations de développement social?
Le président: Merci beaucoup.
M. James Lunney: Pouvez-vous me dire depuis quand ce groupe se réunit?
M. Joseph LaBelle: Depuis la fin de 1999 ou le début de l'an 2000.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Lunney.
Merci d'être venu, monsieur LaBelle. Vous nous avez beaucoup appris.
M. Joseph LaBelle: Merci.
Le président: Si seulement nous avions plus de temps. Je pense que nous avons trop voulu en faire aujourd'hui.
Nous accueillons maintenant Anthony Davis de l'Université St. Francis Xavier, M. Chouinard de l'Université de Moncton et M. Cawthorn de l'Atlantic Veterinary College.
Nous entendrons les trois exposés puis nous passerons aux questions.
Qui veut commencer? Nous pourrions peut-être commencer par M. Davis qui est le premier sur la liste. Allez-y, vous avez la parole.
M. Anthony Davis (coordonnateur, Études interdisciplinaires en ressources aquatiques, Université St. Francis Xavier): Il est peut-être assez révélateur que l'on veuille passer tous ensemble les trois représentants du secteur de la recherche et de l'éducation.
J'ai préparé un document de deux pages dont vous recevrez je suppose tous un exemplaire, puisque je l'ai apporté avec moi aujourd'hui. Je ne parlerai pas directement de ce document. Vous pourrez le lire.
Je désire signaler que le Réseau de recherche du sud du golfe doit être perçu comme une initiative proactive dans un domaine où très souvent on adopte des politiques réactives, selon les événements. Évidemment, la vie d'un politicien est dominée par les événements, car votre attention est attirée sur les événements, et sur les choses que vous ne pouvez pas vraiment prédire.
Le Réseau de recherche du sud du golfe ne vise pas à alourdir le fardeau des comités ou quoi que ce soit de ce genre. Il vise plutôt à être une étape positive qui permette aux communautés d'intérêts, si je peux m'exprimer ainsi, ou aux intervenants de la zone écosystémique du sud du golfe, qui dans bien des cas ont des intérêts incompatibles... Le réseau de recherche est un endroit où nous pouvons avoir un dialogue sur l'écosystème et l'élément humain de cet écosystème. Nous ne parlons pas simplement de systèmes biologiques ou océanographiques. Nous parlons d'abord et avant tout des êtres humains et de leurs intérêts particuliers. Ce réseau nous permet de faire preuve de créativité comme jamais auparavant; à mon avis et de l'avis de mes collègues, cette créativité se fait attendre depuis longtemps. Il s'agit donc d'un système novateur et proactif.
Si je ne peux que vous communiquer un message sur le réseau de recherche, c'est qu'il est d'abord et avant tout proactif, novateur, nouveau, et qu'il nous permet d'accomplir beaucoup dans le domaine de la recherche et, c'est peut-être encore plus important, il nous permet de créer des liens entre des groupes qui ont toujours été en conflit.
• 1250
On m'accuserait sans hésitation d'avoir été, au cours de ma
carrière de chercheur et d'écrivain, un critique assez acerbe du
ministère des Pêches et des Océans, de sa gestion, de l'impact de
ce système de gestion sur l'homme. Il suffit de penser un instant
aux commentaires qu'a faits Jim Jones lorsqu'il parlait de la
valeur des permis. Vous pouvez alors vous poser la question.
À Mabou, au Cap-Breton, qu'est-ce que cela veut dire si la pêche au homard est la principale source de revenu des pêcheurs côtiers? Qu'est-ce que cela veut dire s'il faut trouver 300 000 à 350 000 $ pour obtenir un permis de pêche au homard de catégorie A, alors qu'auparavant il suffisait de 125 000 à 150 000 $? Qu'est-ce que cela veut dire s'il vous faut trouver 700 000 $ à Bal Gro? Qu'est-ce que ça représente pour le recrutement dans le secteur? Pour les dynamiques de la famille? Qu'est-ce que ça veut dire si vous êtes un père de famille et que vous avez un permis de catégorie A et que vous avez deux enfants qui veulent faire carrière dans la pêche? Qu'est-ce que cela représente pour la dynamique humaine? Ou encore en ce qui a trait aux hypothèses du ministère des Pêches et des Océans quant à la meilleure façon de répondre aux exigences stipulées dans l'arrêt Marshall?
Je suis un anthropologue qui a longuement étudié les pêches de la Nouvelle-Écosse et les autres pêches, et j'espère sincèrement que nos représentants élus—et c'est mon opinion à titre de citoyen—s'inquiètent de ce que tout cela représente. Il ne s'agit pas simplement des structures du ministère; il s'agit plutôt de savoir ce que ces choses représentent, et quel impact elles ont sur la vie des gens.
J'espère que lorsque vous partirez d'ici vous serez en mesure de vous pencher là-dessus. Je n'en parle pas dans mon document. J'espère également que vous vous poserez la question, lorsque vous parlerez des pêches, que vous vous demanderez qui sont ces gens. La discussion peut être très froide, très neutre. Mais qui sont ces gens? Pour les résidents de la région de l'Atlantique, pour la région de l'Atlantique, qui sont ces gens?
Pour ce qui est du pétrole et du gaz, le problème aux yeux des gens avec qui je travaille dans la région du golfe c'est qu'ils n'ont jamais été consultés. On ne leur a jamais demandé... et lorsqu'ils ont essayé de participer aux discussions, on les a ignorés. On se demande pourquoi les gens affichent tant de cynisme quand on leur parle du rôle de citoyen. Ce qu'ont vécu ces gens—et je vous en fais le rapport—veut simplement dire qu'ils ne sont pas reconnus comme citoyens parce qu'ils n'ont pas voix au chapitre, et ne sont pas appelés à participer au processus décisionnel, et ne sont en fait même pas consultés. C'est là une des principales préoccupations des communautés de pêcheurs avec lesquelles j'ai été en contact, et il ne s'agit pas simplement des non-Autochtones mais également des communautés Mi'kmaq. Ils ne sont pas consultés. Évidemment, il se pourrait que maintenant ils aient le gros bout du bâton, en ce qui a trait à l'intervention. Qui sait?
Grâce au Réseau de recherche du sud du golfe nous pouvons en fait faire quelque chose de novateur et de créatif, pour mettre à contribution la capacité et les connaissances de recherche qu'on retrouve dans les nombreuses universités de la région—en fait, ces établissements entourent la région du sud du golfe, plus ou moins— qui offrent une capacité qui n'a pas encore vraiment été mobilisée.
Évidemment, les universités—et je ne parle pas ici à titre d'administrateur, même si je pourrais le faire—sont toujours intéressées à avoir accès à des fonds supplémentaires pour la recherche et les initiatives connexes.
J'aimerais faire quelques autres commentaires. En mars 1999, j'ai participé à la conférence annuelle du Conseil international pour l'exploration de la mer, à Montpellier, en France. Le voyage n'a pas été facile. Des scientifiques des pêches de toutes les régions du monde... tous les experts étaient là. À la fin de la réunion, lors de la dernière session de la dernière journée, il y a eu une discussion en groupe sur la gestion des pêches. Pour une raison quelconque, le principal représentant du ministère des Pêches et des Océans qui devait participer à cette discussion et représenter le Canada n'y était pas. On l'a remplacé par le PDG d'une des dernières grandes compagnies de pêche dans la région de l'Atlantique, qui représentait ainsi la gestion des pêches au Canada. Il s'agissait là d'une réunion internationale. Il y avait des représentants de l'UE, des États-Unis, de bien d'autres pays. Et qui nous représente? Un PDG. Il y a un acétate où on avait griffonné rapidement son nom et on avait ajouté un petit drapeau canadien.
Une voix: De qui s'agit-il?
M. Anthony Davis: Disons simplement qu'il s'agit d'un cadre supérieur de la compagnie qui administre maintenant FPI, Fishery Products International.
Je veux simplement dire que cette personne a été nommée à ce comité par un des co-organisateurs de la présente réunion, et qui est un cadre de la division des sciences au ministère des Pêches et des Océans—région Scotia-Fundy—,une personne que vous avez dû rencontrer lorsque vous étiez à Halifax.
Ça c'est un des problèmes au ministère des Pêches et des Océans qui n'a rien à voir avec la qualité et l'orientation de certains des travaux scientifiques qui sont faits au ministère. C'est ce que j'appellerais une culture ministérielle; c'est-à-dire l'optique qui prévaut à la direction du ministère des Pêches et des Océans est très compatible avec certains intérêts du secteur des pêches au Canada, comme cela a été d'ailleurs le cas par le passé. Tout semble indiquer, et je parle ici de preuves biologiques ainsi que sociales, que ces liens très étroits sont à l'origine même de l'effondrement des stocks de morue, de la surexploitation de nos ressources naturelles et des graves irresponsabilités connexes. Il suffit de lire l'article de Jeff Hutchings publié dans Science l'année dernière, si vous voulez vraiment avoir le point de vue d'un expert.
Cela dit, il existe à mon avis dans la région de l'écosystème du sud du golfe une occasion extraordinaire puisque cette région représente une aire de croissance pour plusieurs espèces très importantes. Personne n'a mentionné ici parmi les espèces de poisson de fond la merluche blanche. La région de la baie St-Georges dans le sud du golfe est une aire de croissance, le dernier refuge de la merluche blanche. Il n'y a pas d'autre endroit.
Nous avons donc une occasion de penser, par exemple, à l'avenir, au moment où les stocks de morue et de poisson de fond commencent à se rétablir. Il n'est absolument pas nécessaire, pour répéter ce qu'a dit Mike Belliveau, d'imaginer l'utilisation de technologies de pêche de masse non sélective dans cet écosystème—en fait dans n'importe quel autre écosystème, mais surtout dans celui-ci, car ça ne serait pas absolument pas logique.
J'espère que les membres de ce comité seront conscients de ce problème et de la façon dont les travaux de recherche du passé et ceux d'aujourd'hui peuvent assurer la création des coalitions, le rétablissement de la confiance entre les divers intervenants qui sont si nécessaires si on veut assurer l'avenir des pêches—non pas simplement la gestion, mais des pêches et un gagne-pain viable.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Davis. Nous passerons aux questions plus tard.
Monsieur Cawthorn, vous avez la parole.
M. Rick Cawthorn (directeur, Atlantic Veterinary College): Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je serai bref puisque vous vous rendrez à l'Île-du-Prince-Édouard et que vous aurez l'occasion de visiter le collègue demain après-midi.
Nous avons commencé à étudier le homard à l'Atlantic Veterinary College de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard en 1994 à la demande du secteur de la transformation représenté par la Canadian Atlantic Lobster Promotion Association et Clearwater de Bedford en Nouvelle-Écosse.
L'industrie s'inquiétait du fait qu'environ 10 à 15 p. 100 de la valeur au débarquement du homard était perdue après la pêche. Nous devons donc appliquer 150 ans de médecine vétérinaire traditionnelle à la pêche d'une espèce sauvage comme le homard.
Vous vous demandez ce que les chats et les chiens ont à voir avec les homards, les crevettes et les crabes? Bien, les renseignements que nous avons tirés des chiens et des chats nous donnent des connaissances de base dont nous pouvons nous inspirer pour étudier le homard.
Sept ans et plusieurs centaines de milliers de dollars de recherche plus tard, nous ne pouvons toujours pas vous dire exactement ce qu'est un homard sain, mais nous pourrons le faire bientôt. Les renseignements que nous recueillons et que nous disséminons visent à compléter les renseignements dont disposent déjà les biologistes responsables de l'évaluation et de la gestion des stocks au ministère des Pêches et des Océans. Je suis chanceux de compter au ministère des Pêches et des Océans plusieurs de mes compagnons d'étude, comme Mike Chadwick. Ce sont de bons amis et également des professionnels hors pair.
• 1300
Notre rôle est d'étudier la santé des homards, des crabes,
comme le crabe des neiges, et également l'état des stocks de morue
nordique. Après avoir étudié certains individus, on peut passer à
une étude de l'ensemble de la population. Nous avons recours à la
recherche fondamentale et appliquée, à des programmes
d'éducation...
M. LeBlanc, un de vos électeurs, monsieur Comeau de Burnt Church, est notre dernier étudiant de deuxième cycle et il étudie la génétique moléculaire des larves de homard. Pouvons-nous déterminer où se rendent ces larves lorsqu'elles suivent les courants océaniques?
Nous assurons également les transferts de technologie. Nous avons créé une sonde ultrasonore qui nous permet de déterminer instantanément le rendement en chair du homard vivant, et un jour nous pourrons le faire pour les crabes des neiges vivants. Cet appareil a été développé au collège mais en partenariat avec une entreprise de Paradise à Terre-Neuve. Pour ceux d'entre vous qui ne le savent pas, Paradise est à quelques kilomètres seulement de St. John's. Il s'agit d'une innovation de classe internationale.
Nous avons également créé un système d'étiquetage qui nous permet d'étiqueter les homards, les crabes, les moules, les huîtres et les palourdes pour assurer l'authenticité, le traçage et la reconnaissance de marque, du bateau au consommateur.
L'impact de ces travaux se fait sentir à l'échelle régionale. Nous travaillons dans les cinq provinces de l'est du Canada, y compris le Québec. La pêche au homard aux Îles-de-la-Madeleine représente environ 25 millions de dollars, en valeur au débarquement, par année, ce qui se compare au secteur à Terre-Neuve et au Labrador.
L'impact de nos travaux se fait sentir également à l'échelle internationale. Nos sondes peuvent être utilisées dans le secteur de la pêche au crabe dans le nord-ouest du Pacifique. Nous collaborons également avec l'Union européenne, la Scandinavie, les États-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
Quel est l'impact de l'effondrement de la pêche au homard dans le Long Island Sound sur la région atlantique du Canada et sur la pêche au Québec? Lorsque vous arriverez à l'Île-du-Prince-Édouard ce soir, vous verrez un article sur une entrevue que j'ai donnée hier soir dans The Journal Pioneer.
Nous nous rendrons à Long Island Sound, plus précisément dans trois semaines, pour lancer un programme de recherche en collaboration avec les représentants de l'Université de Connecticut, parce que nous importons des millions et des millions de livres de homard vivant des États-Unis. Nous transformons ce homard à l'Île-du-Prince-Édouard et ailleurs dans la région atlantique. Quel pourrait être l'impact lorsque nous importons du homard d'une région qui connaît un effondrement des pêches pour diverses raisons? Une de ces raisons pourrait être des parasites; l'environnement, qu'il s'agisse de boue toxique ou du réchauffement de la planète, est également très important.
Nous avons élaboré un plan d'affaires, ce qui semble peut-être un peu différent quand on parle d'une université. Nous avons été encadrés par des gens comme des représentants de Clearwater, 3M, et d'autres entreprises qui nous ont aidés à élaborer ce plan. Notre plan d'affaires quinquennal prévoit un budget d'un million de dollars par année. Actuellement, nous avons un financement garanti d'environ 350 000 $ par année.
Nous allons présenter une demande au Fonds d'innovation de l'Atlantique, et nous recevons une aide financière du secteur privé, qui peut aller de 1 000 $ à des montants très importants. Nous avons des engagements fermes du ministère des Pêches et des Océans, de la province de l'Île-du-Prince-Édouard et un engagement verbal de la province du Nouveau-Brunswick. Nous n'avons pas encore eu d'engagement des trois autres provinces.
Un investissement d'un million de dollars par année dans une industrie dont la valeur au débarquement, uniquement dans le secteur du homard, représente un milliard de dollars, n'est pas énorme. Notre rôle est de mettre en valeur les pêches sauvages dans l'est du Canada pour le mieux-être de l'ensemble de la population.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Cawthorn.
Monsieur Chouinard, la parole est à vous.
[Français]
M. Omer Chouinard (professeur, chaire d'études K.C. Irving en développement durable, Université de Moncton): Merci de m'avoir accordé la possibilité d'intervenir. Je vais être assez bref parce que je sais que vous devez aller ailleurs, mais aussi parce que beaucoup de choses ont déjà été dites.
Je voudrais simplement revenir sur certains aspects que je trouve importants. Premièrement, en tant que chercheur de l'Université de Moncton, il y a des spécificités que je voudrais qu'on prenne en considération. Je suis un chercheur en environnement surtout, mais relié à toute la question des écosystèmes et de la pêche.
D'abord, je voudrais simplement faire un rappel historique assez court. On parle toujours des deux solitudes: la solitude des francophones acadiens et la solitude des anglophones. La population anglophone, comme on le sait, est elle aussi composée de plusieurs cultures si on tient compte des Écossais et des Irlandais. La recherche et les études qui ont été faites dans des universités différentes sont arrivées aux mêmes conclusions. Je vais prendre deux chercheurs: un chercheur en sciences humaines, qui est présentement le vice-doyen des sciences humaines à l'Université d'Ottawa et qui s'appelle Joseph-Yvon Thériault, et une chercheure de Memorial qui, elle, a fait ses études à l'Université McGill. Le premier avait fait ses études à l'Université de Paris. Sans se consulter, ils sont tous les deux arrivés aux mêmes conclusions: dans le golfe du Saint-Laurent, traditionnellement, historiquement, les communautés avaient été relativement affaiblies à cause de toute la question des traditions des marchands de poissons qui soutiraient l'argent sans remettre l'équivalent de cet argent dans les communautés et, par conséquent, le golfe nécessitait une approche particulière. Voilà pour ce qui est des approches en histoire économique et en sociologie politique.
• 1305
D'un autre côté, si on examine les études plutôt
scientifiques qui ont été faites par le Dr Harris en
1990, même s'il ne parlait pas du golfe
Saint-Laurent à l'époque, on note qu'il prônait
essentiellement la
position suivante: notre approche
par rapport aux
pêches était erronée et elle devait
tenir davantage compte de la chaîne
alimentaire et
des écosystèmes. Ça s'appliquait aussi bien au
golfe du Saint-Laurent qu'aux autres endroits.
On peut donc dire que déjà, dans l'histoire, on prônait une intégration des connaissances dans l'industrie de la pêche, une intégration qui tienne compte également des facteurs historiques, géographiques, économiques, biologiques, biochimiques, physiques et j'en passe.
Quand on examine ce qui a été fait depuis ce temps-là, on s'aperçoit qu'il y a eu tout de même des décisions qui ont été prises par des hommes politiques qui ont eu le courage de le faire. En 1981, par exemple, le ministre des Pêches, Roméo LeBlanc, a eu le courage de déclarer que le golfe Saint-Laurent était un écosystème et qu'on devait le traiter comme tel. Ce n'est pas souvent qu'il y a des hommes politiques qui ont le courage de faire ça. Cet homme-là s'était aperçu, en écoutant tout simplement les commentaires provenant des communautés de pêche à l'époque, selon le savoir traditionnel que les gens lui apportaient, qu'une sorte d'importance était accordée à cet écosystème en tant qu'entité.
Il a fallu la crise du golfe Saint-Laurent... Je me souviens qu'à ce moment-là, il y avait eu une demande de la part des pêcheurs côtiers d'exclure les chalutiers de la zone qu'on appelait à l'époque Shediac Valley, c'est-à-dire la zone comprise entre l'Île-du-Prince Édouard et le Nouveau-Brunswick, parce qu'on disait qu'il y avait énormément de petits poissons. On a fait cette demande-là pendant 10 ans peut-être. À un moment donné, on a exclu les chalutiers de plus de 50 pieds de cette zone-là.
J'ai eu l'occasion de travailler pour la province du Nouveau-Brunswick avant d'être professeur d'université et je me suis aperçu à ce moment-là que le gouvernement fédéral, au moment de la crise de la morue en 1992, était arrivé avec des données couvrant les années 1970 à 1990, qui démontraient que 80 p. 100 du stock des poissons de fond du golfe du Saint-Laurent se reproduisaient dans cette zone-là. Voilà ce que j'entends par traditional knowledge ou «connaissance traditionnelle». Les pêcheurs côtiers savaient ça. Il y avait longtemps qu'ils disaient aux scientifiques que l'on ne devait pas laisser entrer les gros bateaux là. Mais on leur répondait qu'on n'était pas capable d'entrer leur vocabulaire dans les modèles mathématiques. Il y avait donc une incompatibilité entre les connaissances locales, les connaissances traditionnelles que les gens avaient et les connaissances scientifiques. Il y avait un fossé entre les deux.
Ce que l'on dit alors, c'est qu'il doit y avoir une collaboration entre les disciplines parce qu'il y a des méthodologies qui sont plutôt qualitatives et d'autres qui sont plutôt quantitatives, et qu'on doit les étudier parallèlement et faire des passerelles et des ponts entre les deux. C'est là, à mon avis, qu'il y a actuellement une incompréhension, au niveau des sciences, et c'est ce sur quoi on doit travailler davantage. C'est à ça, entre autres, que nous convie une approche écosystémique.
L'autre point que je veux aborder, c'est le fait qu'on a fait allusion plus tôt à la question de la spécialisation. L'approche écosystémique nous montre que la spécialisation n'a pas sa place parce que le système de reproduction du poisson est cyclique et qu'il y a une interdépendance entre les différentes espèces. Ça, on l'a vu.
Je viens d'une communauté de pêcheurs de la Baie des Chaleurs. Je me souviens très bien qu'on mangeait, dans ma famille, 11 espèces de poissons. Ça, c'était courant. On commençait au mois d'avril et cela allait jusqu'au mois de décembre. Une fois le mois de décembre arrivé, ce n'est pas parce qu'il n'y avait plus de morue dans la Baie des Chaleurs—c'est à la limite de la morue—, mais bien parce que la glace nous empêchait d'entrer dans le havre et d'y pêcher. Il y avait encore suffisamment de morue dans de la Baie des Chaleurs pour qu'on puisse pêcher.
Tout ça, c'est pour vous dire comment l'écosystème a été massacré. Aujourd'hui, on s'aperçoit que le cheptel est tellement petit que les poissons doivent sortir du golfe. Il y avait une migration à l'époque, mais elle était moins forte, et il y avait une distribution beaucoup plus équitable des ressources.
• 1310
Je peux vous dire aussi qu'à la fin des années 1950,
j'ai participé moi-même à cette pêche-là. Dans les
années 1957 à 1961, quand j'étais jeune, je suis parti
à la pêche au calmar dans la Baie des Chaleurs.
Peut-être que les gens ne le savent pas, mais il y avait
du calmar dans la Baie des Chaleurs, une
espèce qui est très recherchée aujourd'hui. Mais étant
donné la pêche industrielle, la pêche en haute mer, on
a coupé cette migration de poisson. À mon
avis, voilà à quoi nous conduit
une approche par spécialisation, par espèce,
par opposition à une approche par écosystème.
Cela nous conduit à détruire les espèces
l'une après l'autre.
L'autre aspect dont on a beaucoup parlé, c'est l'importance des instituts de recherche ou des groupes de recherche. Je suis d'accord là-dessus, et j'insisterais énormément sur l'aspect linguistique. On parle de la connaissance traditionnelle des pêches. Je vous ai raconté plus tôt ce qui se passait en matière de pêche à la morue. On pourrait vous parler de la pêche au homard aussi. Si on veut recueillir les connaissances traditionnelles, il faut les recueillir dans la langue de la personne, parce que qui dit traduction dit aussi trahison. C'est difficile de traduire exactement, dans les termes exacts, ce que la personne veut dire. Actuellement, il est vraiment important, à mon avis, de considérer cela.
Tout à l'heure, des représentants ont parlé de l'importance de la composition acadienne et francophone dans la région du golfe Saint-Laurent. Ils disent qu'elle est d'environ 50 p. 100. Donc, à mon avis, ce sont des choses qui doivent être prises en considération de façon sérieuse.
L'autre chose sur laquelle je voudrais insister a trait aux connaissances traditionnelles, au savoir, aux connaissances locales. J'ai l'occasion de travailler actuellement avec une équipe de recherche à la grandeur du pays où on parle de liens entre la science et les connaissances locales, et on arrive à peu près au même constat, c'est-à-dire qu'il y a vraiment un fossé entre les deux et qu'il faut travailler à le réparer.
Il y a un aspect important ici, celui de la pêche au homard. Je vais intervenir là-dessus parce que je trouve qu'actuellement, il y a un laxisme énorme de la part du gouvernement fédéral dans la compréhension de la pêche au homard. On fait la pêche au homard depuis le jugement Marshall. Je ne remets pas du tout en question la pêche par les autochtones qui, à mon avis, est pleinement justifiée, parce que la société canadienne les a mis dans des réserves il y a 240 ans et parce que ce qu'on a fait subir aux communautés autochtones est complètement inimaginable. Mais ce sont les pêcheurs côtiers qui ont les connaissances traditionnelles en matière de pêche au homard. Si on regarde l'histoire du homard depuis 1971, depuis qu'on a des chiffres, on constate que s'il y a eu des crises cycliques au fil des années, c'est parce que les pêcheurs ont proposé des mesures alternatives pour essayer de corriger la situation, pour essayer de faire en sorte que cette pêche-là soit davantage viable. Quand je dis viable, je parle en termes de vie, en termes de respect pour les vivants. C'est ce que certains appellent «durable», mais je n'aime pas le terme «durable». Je trouve que le terme «viable» est beaucoup mieux.
Je peux vous rappeler aussi que, par exemple, pendant ma courte expérience de travailleur des pêches—j'ai commencé à travailler avec des pêcheurs en 1975—, on parlait, à ce moment-là, de l'espace des lacs, du homard, du mécanisme d'échappement. Il a fallu attendre jusqu'en 1996 pour que le gouvernement décide d'imposer ce règlement qui, à mon avis, était justifié par des pêcheurs qui démontraient que traditionnellement, on respectait l'habitat du poisson en laissant des espaces plus larges et en laissant le homard s'en aller.
On a eu la même chose avec la question de la taille légale du homard. L'organisation pour laquelle je travaillais en 1978 avait adopté la position qu'il fallait augmenter la taille légale du homard. Quand a-t-on pris cette position-là? Elle a été prise très tardivement, seulement dans les années 1990, et c'est seulement récemment que tout le golfe s'est entendu pour l'adopter. C'est là que je vois qu'il y a un décalage entre la science, la gestion et les connaissances traditionnelles et locales. À mon avis, ce fossé-là doit être comblé.
Je reviens à la pêche autochtone. Je trouve que l'attitude du gouvernement est très simpliste. J'étais un de ceux qui, l'an passé, ont prôné une meilleure gestion de cette pêche de la part du fédéral, mais il y a ici une chose que je trouve importante: cela ne se fait pas uniquement en donnant des permis ou des licences. Il faut aussi accompagner ces pêcheurs-là. Il faut aussi accompagner les pêcheurs autochtones. Comme je vous l'ai dit, s'il a fallu plus de 100 ans pour établir des règlements, il faut, à mon avis, que les pêcheurs autochtones soient accompagnés pendant cinq ou dix ans par ceux qui ont les connaissances traditionnelles. Cela veut dire qu'il faut des fonds de formation. Si on laisse seulement des permis et des bateaux, au bout de cinq ou dix ans, on va se rendre compte qu'ils sont peu ou mal utilisés, ce qui va renforcer les préjugés racistes. Les gens diront: vous voyez, on vous avait dit qu'ils ne pouvaient pas pêcher; on vous avait dit qu'ils pêchaient mal. Donc, à mon avis, il y a un point à régler à cet égard.
• 1315
Sur le dernier point, je voudrais mentionner
que je suis d'accord avec tous ceux qui ont
dit que dans le golfe,
il faut qu'il y ait de multiples usages.
Cependant, pour ce qui
est de l'écotourisme, des zones
protégées et de l'exploration gazière,
il faut que ce soit fait avec une
prudence extrême. On sait que le golfe
Saint-Laurent est une des zones les plus riches
en crustacés. À mon avis, la façon dont on
s'oriente actuellement est dangereuse et mal partie.
Je ne suis pas sûr que l'exploration
ne se fasse pas trop rapidement.
Je vais abonder dans le sens de mon prédécesseur. La pêche au homard a maintenu la vitalité de maintes communautés côtières dans le golfe Saint-Laurent, et je trouve qu'il y a trop peu de recherche qui est faite sur cette espèce-là. En 1972, on proclamait que le homard allait être laissé aux pêcheurs côtiers et que la pêche au hareng et à la morue allait être donnée à l'industrie. On a vu ce qui est arrivé après qu'on ait donné cela à l'industrie: il y a eu un crash monumental.
On disait aux pêcheurs côtiers de se professionnaliser, de se donner des réglementations, d'essayer de s'outiller pour mieux réglementer cette pêche. Je pense que les pêcheurs côtiers ont fait un grand bout de chemin pour essayer de réglementer et de se professionnaliser dans cette pêche. Il faut les soutenir davantage et favoriser la création de fonds, comme je vous l'ai dit plus tôt, pour la formation et l'éducation, pour rapprocher les communautés acadiennes et autochtones qui, traditionnellement, ont été des alliés. Aujourd'hui, avec les politiques gouvernementales, on est en train d'en faire des ennemis.
Merci.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, messieurs. Je m'excuse d'avoir dû vous regrouper. Je crois que si c'était à refaire, nous organiserions une table ronde qui nous permettrait d'entendre tous les intervenants le matin. De toute façon, nous avons dû organiser les choses de cette façon.
Nous commencerons par M. Lunney.
M. James Lunney: Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous nos témoins d'être venus. Je suis d'accord avec le président, il aurait été bon de pouvoir discuter avec vous plus longtemps.
Je crois que tous les députés reconnaîtront que ce que nous avons entendu ce matin nous a convaincus du caractère unique de la région du sud du golfe pour toutes sortes de raisons, les caractéristiques scientifiques, géographiques, océanographiques, biologiques, culturelles et linguistiques. Vous nous avez donné beaucoup de raisons qui expliquent le caractère unique de la région. Je crois que nous reconnaissons tous qu'il nous faut mieux comprendre l'écosystème pour nous assurer qu'il est bien protégé.
J'ai été intéressé d'apprendre que la majorité des discussions qui ont eu lieu à ce jour sur les hydrocarbures n'ont pas vraiment tenu compte de l'opinion des citoyens. Vous devez composer avec l'Office des hydrocarbures extracôtiers et avec des projets de mise en valeur pour lesquels on n'a pas vraiment consulté le public; je crois qu'il est bon que la communauté et tous les intervenants discutent de la question. Je voulais vous demander, pour revenir au Réseau de recherche du sud du golfe, s'il y a un porte-parole. Qui parle au nom de ce réseau? Monsieur Davis, parlez-vous aujourd'hui au nom du réseau de recherche?
M. Anthony Davis: Non, je n'en suis qu'un membre, mais j'appuie cette notion sans hésitation.
M. James Lunney: Je vois.
M. Anthony Davis: Ce projet est encore embryonnaire, et il n'existe toujours pas de coeur administratif. Nous nous préoccupons de certaines de ces questions. Je ne veux pas nécessairement que ce réseau soit associé de trop près au ministère des Pêches et des Océans en raison de ses antécédents. J'aimerais qu'il y ait une collaboration qui commence au point zéro et qui assure des échanges ouverts et transparents pour que l'on se défasse d'une partie de notre fardeau.
M. James Lunney: Tout à fait. Je voudrais bien défendre la cause de ceux qui ont de bonnes idées. Je crois que ce que l'on veut relancer au Canada, c'est l'idée qu'il faut vraiment écouter ce que les autres ont à dire, ce que tous les intervenants ont à dire.
J'ai été tout particulièrement intéressé par le commentaire que vous avez fait sur les liens entre le secteur des sciences et les connaissances locales. En fait, si nous nous écoutons les uns les autres, je suis convaincu que nous pourrons trouver de meilleures idées. Je veux donc vous encourager dans vos efforts, pour que vous puissiez mettre en commun toutes ces idées et poursuivre ce processus qui vise à assurer le mieux-être de la population. Je crois qu'on pourra entendre cette voix, et je vous félicite d'être venus nous faire part de vos projets aujourd'hui.
Le président: Madame Tremblay.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Merci, monsieur le président.
Merci pour les exposés. C'est vraiment intéressant. J'espère qu'on aura les textes de ce que vous nous avez dit.
J'ai une question à poser au monsieur qui s'occupe des homards. J'ai lu dans le journal qu'on avait pêché des homards bleus à Terre-Neuve. Ça semblait être un phénomène absolument extraordinaire pour Terre-Neuve. Aux Îles-de-la-Madeleine, on est habitué à cela, mais il semble que ce soit un phénomène à Terre-Neuve.
Pouvez-vous nous dire pourquoi ces homards sont bleus? C'est une couleur qu'on aime beaucoup dans notre parti politique.
[Traduction]
M. Rick Cawthorn: Nous voyons quelques homards bleus à l'Île- du-Prince-Édouard. C'est simplement une couleur. C'est comme avoir les yeux bleus. Ces homards sont très très rares. En Grande- Bretagne on élevait des homards bleus précisément pour pouvoir suivre leur cheminement dans des habitats où la ressource était épuisée; ainsi on pouvait reconstituer les stocks et suivre le homard.
À Terre-Neuve, dans cet article que vous avez lu, on dit qu'un homard sur 20 millions est bleu. À l'Île-du-Prince-Édouard, ou d'après ce que j'ai entendu, on dit que c'est plutôt un sur trois millions. Je ne sais pas qui fait les statistiques.
Nous avons cinq homards bleus vivants dans un de nos viviers au collège. Vous pourrez peut-être les voir demain. Ils sont bleus comme cette enveloppe. Les homards bleus sont des créatures étranges et rares; les gens aiment bien les voir.
Nous avons également quelques homards orange. Nous avons deux homards qui sont orange d'un côté et de couleur foncée de l'autre, comme si c'était séparé par un couteau dans le milieu. Le homard bleu est un animal très étrange.
Le président: Comme les gens bleus.
Madame Tremblay.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Il y a une chose que j'aimerais bien comprendre. Monsieur Chouinard, pourquoi semblez-vous opposer spécialisation et écosystème?
M. Omer Chouinard: C'est pour des raisons écologiques. Quand on regarde la question de la spécialisation, on voit qu'elle implique qu'on ne tient pas compte de la chaîne alimentaire et de l'interaction entre les espèces. Je pense que le rapport Harris l'avait très bien démontré en 1990. Je pense que cela a été une leçon pour tout le monde. On nous montrait que ce que consommait la morue variait selon le temps de l'année. Elle pouvait manger de la crevette, du crabe, du capelan, des homards lorsqu'ils muaient, du hareng, etc.
Quand on s'est mis à dire à l'un qu'il allait devenir un pêcheur de crevette, à l'autre qu'il allait devenir un pêcheur de crabe, à l'autre qu'il allait devenir un pêcheur de capelan, et à l'autre qu'il allait devenir un pêcheur de hareng, qu'est-ce qui est arrivé? Les gens devaient faire cela pour vivre. Il fallait qu'ils triment dur. Ils avaient des prêts à rembourser. Ce n'était plus seulement des pêcheurs traditionnels, comme je vous le disais plus tôt. Mon père a pêché 11 espèces de poisson. Ce n'était plus simplement quelqu'un qui allait prendre quelques espèces au passage. Il fallait que quelqu'un fasse une pêche dirigée pendant toute l'année, ce qui enlevait la ressource à la morue. Tout à coup, au début des années 1990, on s'est demandé comment il se faisait que la morue était si maigre. On se disait que c'était peut-être parce qu'on ne la pêchait pas assez. On trouvait toutes sortes de raisons.
Harris nous avait donné une excellente réponse: on ne tenait pas compte de la chaîne alimentaire. Cette espèce se nourrissait de toutes sortes d'autres espèces qu'on enlevait une à une de la mer au moyen de la spécialisation. Les espèces interagissent entre elles. Si vous parlez avec un pêcheur qui fait la pêche au poisson de fond, il va vous raconter l'histoire suivante. Il vous dire que le stock de la zone 4T a été pêché pas seulement une fois, mais six fois. Avant on l'attendait, il venait et quand il passait, on le prenait. On commençait dans la zone 4VsW parce qu'on s'apercevait que la morue sortait du golfe. Après cela, c'était le tour des gens de 4Vn. On a fait une pêche dirigée dans 4Vn. Après cela, quand on arrivait dans 4T, on avait toutes sortes d'engins de pêche. Il y avait avez des bateaux de 65 à 100 pieds, des bateaux de moins de 65 pieds, des bateaux de moins de 45 pieds. Ensuite, vous avez les pêcheurs à la palangre et les pêcheurs au filet maillant.
• 1325
Au printemps, lorsque
ce poisson arrivait à Chéticamp, tous
les pêcheurs
des Îles-de-la-Madeleine, de la Gaspésie, de la
péninsule acadienne et de
l'Île-du-Prince-Édouard s'en allaient à Chéticamp et
ensuite ils le suivaient. Quand cette morue
arrivait dans le bout de la
Shediac Valley, on la pêchait encore. Tout le monde
courait après cette morue-là. Elle allait dans le
bout du Banc de l'Orphelin, qui n'est
pas loin de chez vous. Elle allait dans ce bout-là,
pas loin de l'île Bonaventure. Les pêcheurs se
concentraient
là. La flottille de la Gaspésie, des
Îles-de-la-Madeleine et de la péninsule acadienne
se concentrait là. Quand elle
en ressortait, elle passait encore par la
Shediac Valley. On se concentrait encore pour
pêcher la morue, et la flottille la poussait encore à
Chéticamp.
Elle se faisait attendre par les bateaux qui avaient
des permissions spéciales pour pêcher dans
4Vn, puis elle sortait dans 4VW.
Et ensuite on se demandait pourquoi la morue
était maigre. Quelqu'un qui serait traqué
comme ça dans sa vie... Les pêcheurs
côtiers, eux, attendaient qu'elle passe chez eux. Ils
ont dit à un moment donné qu'ils n'en prenaient
plus dans
leurs mailles de six pouces. Des gens leur
ont répondu de rapetisser leurs mailles pour la prendre.
Telle a été l'incohérence des politiques. Je prends l'exemple de la morue parce que j'ai eu l'occasion de travailler avec une organisation de pêcheurs côtiers. J'ai travaillé pour le gouvernement provincial du Nouveau-Brunswick, et on l'a remarqué. Quand on retracé l'histoire de la morue, on a vu que ce qu'on avait fait subir à ce stock-là était épouvantable. C'est ça, la spécialisation, comparativement à toute la question de l'intégration dans un écosystème.
Mme Suzanne Tremblay: Est-ce que j'ai encore du temps?
[Traduction]
Le président: Une toute petite question, madame Tremblay, et je demanderai aussi que les réponses soient assez brèves.
[Français]
M. Omer Chouinard: On parle de la complexité de l'écosystème.
Mme Suzanne Tremblay: Monsieur Davis, vous êtes anthropologue, n'est-ce pas?
M. Anthony Davis: Oui.
Mme Suzanne Tremblay: Vous en avez parlé au début et j'ai pris des notes. Qui sont ces gens? Depuis le début, on se promène et on entend parler du fameux golfe du sud. On dit que la Gaspésie devrait en être partie intégrante. Je suis capable d'accepter ça avec ma tête. Je pourrais lire tous les rapports que vous avez là-dessus.
M. Anthony Davis: Avec votre coeur aussi.
Mme Suzanne Tremblay: Je veux bien me rallier à ce qu'on dit théoriquement, mais qui sont ces Québécois qui ne veulent pas être dans le golfe du sud? Il va falloir en tenir compte aussi.
[Traduction]
M. Anthony Davis: Vous me posez cette question?
Écoutez, à titre de citoyens de ce pays ils ont le droit de dire ce qu'ils pensent et de dire de quelles zones ils voudraient faire partie. Certainement tous les groupes de pêcheurs avec lesquels j'ai été en contact, lorsqu'ils se réunissent des quatre coins de la région, trouvent qu'ils ont beaucoup de choses en commun. Si leur identité québécoise ou leur attachement à leur province a préséance sur leur participation à la pêche et à la pêche côtière et aux expériences communes qui en découlent par le contact avec d'autres qui vivent la même chose qu'eux, c'est ce qu'ils veulent, un point c'est tout. Je crois que les gens diront ce qu'ils veulent faire.
De la même façon, nous avons entendu des commentaires sur les Acadiens. Je viens de la Nouvelle-Écosse, d'une région qui est principalement écossaise, regroupant des presbytériens et des catholiques, mais pas exclusivement—il y a quelques Irlandais—il y a également certaines familles acadiennes, des familles autochtones évidemment, et des familles formées de nouveaux immigrants. Tout cela est important pour les gens. Mais je crois qu'à un niveau plus fondamental, vous constaterez que la façon dont les gens gagnent leur vie et leur expérience sur ce plan leur apportent également des choses en commun. C'est ce que j'ai constaté, et ce à plusieurs reprises.
Tout compte fait, si la ligne qui sépare la région de Gaspé du nord du Nouveau-Brunswick représente une différence d'identité—si c'est plus important à mes yeux que le fait que je partage peut-être la même langue ou une histoire sociale ou une culture avec les gens de l'autre côté de cette ligne, ou un peu plus loin, ou avec les gens de la Nouvelle-Écosse, ou même si je ne partage pas leur langue mais le même métier—, bon il faudra en tenir compte. Ils ont certainement le droit de faire ces choix, et je suis convaincu qu'ils n'hésiteront pas à exprimer leur opinion.
Le président: Très bien dit. Merci, monsieur Davis.
J'aimerais apporter une petite précision pour M. Chouinard. Je pense que j'ai raison de dire, monsieur Chouinard, que lorsque vous avez parlé de la chaîne alimentaire, vous entendiez la chaîne alimentaire du poisson. Lorsque vous parliez du rapport Harris, vous parliez de la chaîne alimentaire du poisson. Parfois, nous avons de la difficulté à nous retrouver.
Monsieur LeBlanc, la parole est à vous.
M. Dominic LeBlanc: Merci, monsieur le président. Je serai bref, parce que je vois que les pizzas sont arrivées et qu'elles vont refroidir très vite.
[Français]
J'ai une question très précise pour M. Chouinard et je le remercie beaucoup pour sa présentation. On se connaît depuis un bout de temps. Je trouve que vous faites un travail important et je vous en félicite.
Vous avez dit, monsieur Chouinard, que selon vous, il n'y a pas suffisamment de recherche sur le homard. Je partage cette crainte parce que c'est très important pour l'économie de notre région. Pourquoi dites-vous cela? Si vous étiez gestionnaire au ministère des Pêches, qu'est-ce que vous leur suggéreriez pour augmenter les ressources ou la recherche si importante sur le homard?
M. Omer Chouinard: Je ne veux pas me trouver en contradiction avec moi-même, mais quand je parle de recherche sur le homard, je parle surtout de l'interaction entre la pêche au homard et la pêche aux autres espèces. Le homard est aussi une espèce qui migre. Ce qu'on connaît très mal...
Je me souviens que dans les années 1970, par exemple, les pêcheurs racontaient que le homard partait de la région de la Shediac Valley, où il y a des petites morues, du côté du Parc national Kouchibouguac, et qu'il descendait, lorsque l'eau se réchauffait, vers la région du cap Tourmentin. Il y a des scientifiques qui avaient ri d'eux. Ils disaient que le homard se déplaçait... Le Dr Wilder avait écrit, au début des années 1960, que le homard se déplaçait dans un cercle de trois à cinq milles. Il voulait plutôt dire que le homard revient dans un habitat de trois à cinq milles. On avait pris cela comme parole d'évangile et on n'était jamais allé plus loin.
Toutefois, actuellement, les scientifiques de Pêches et Océans, tels que le Dr Chadwick, s'aperçoivent que le homard voyage véritablement. Il voyage plus vite qu'on ne le pense quand la température de l'eau l'exige. Par exemple, dans la région de Cap-Pelé et cap Tourmentin, que vous connaissez très bien, où il n'y a pas plus de 23 brasses de profondeur, le homard n'a pas tendance à rester là l'hiver. Il va aller dans les endroits plus profonds de la Shediac Valley pour aller dans les fosses où c'est plus chaud.
Donc, on parle de l'interaction du homard avec la température de l'eau et avec les autres espèces. Il y a des pêcheurs qui me disent qu'ils sont contents qu'il n'y ait plus de morue parce que c'est un prédateur du homard.
Vous savez pourquoi? C'est parce qu'on a beaucoup spécialisé les pêcheurs. Si on gardait les pêcheurs polyvalents, ils ne diraient pas cela. On leur a enlevé des permis. Moi, je vous dis que les structures qu'on met actuellement en place divisent les gens.
Plus tôt, madame a parlé de la spécialisation. Les structures administratives nous divisent aussi. Selon mon expérience dans la Baie des Chaleurs et dans le détroit de Northumberland, les pêcheurs voudraient coopérer ensemble. Il n'y a pas de frontière entre les provinces. Les gens savent qu'il y a une interaction.
Quand j'étais petit bonhomme, mon père et mon grand-père me racontaient des choses. Je suis originaire du comté de Bonaventure, pour ceux qui ne le sauraient pas. Ils me disaient que quand ils ne pouvaient pas prendre de homard ou de hareng du côté de la Gaspésie, les gens de Miscou prenaient du hareng qu'ils boucanaient—il y avait des petites boucanières locales—pour faire du hareng fumé. Les gens de Miscou venaient porter du hareng fumé dans le bout de Port-Daniel et de l'Anse-aux-Gascons. Donc, il y a toujours eu de la coopération.
Ce qui est intéressant, c'est l'interaction entre les écosystèmes maritimes. À mon avis, c'est ce qu'on doit de plus en plus examiner actuellement. Nos structures administratives nous divisent, du moins au niveau de la gestion des pêches. On ne respecte pas le fait que...
Une voix: [Note de la rédaction: inaudible].
M. Omer Chouinard: C'est ça.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Chouinard.
Monsieur Stoffer, allez-y.
M. Peter Stoffer: Merci beaucoup. J'ai trois petites questions.
Monsieur Cawthorn, comme vous le savez, le gouvernement du Canada a annoncé des fonds importants pour la recherche. A-t-il annoncé des fonds supplémentaires pour l'AVC, pour la recherche sur le homard?
M. Rick Cawthorn: Non. Pour ce qui est de l'annonce récente de fonds de la part du ministère des Pêches et des Océans, ces fonds sont réservés principalement pour l'aquaculture. Notre entente de financement qui porte sur une période de trois ans avec le ministère des Pêches et des Océans a été signée à la fin de l'automne; nous n'avons donc pas accès à ces fonds. M. Davis, le sous-ministre des Pêches, est venu à l'Île-du-Prince-Édouard au cours des dernières semaines pour parler de programmes de collaboration entre le ministère des Pêches et des Océans et les universités. Nous pourrons peut-être obtenir des fonds dans le cadre de ces programmes.
M. Peter Stoffer: Monsieur Chouinard, j'aimerais que vous répondiez oui ou non à la question suivante. Croyez-vous, tout particulièrement compte tenu de l'écosystème, qu'avant d'accorder une concession pour la mise en valeur des hydrocarbures dans le golfe, ou ailleurs, il faudrait procéder à une évaluation des incidences environnementales? Oui ou non?
M. Omer Chouinard: Oui, mais j'irai plus loin; je crois
[Français]
que même si on fait des études d'impact environnemental, ces études sont souvent menées à la sauvette. À mon avis, ça ne suffit pas. Aujourd'hui, on a des technologies pour faire cela. On sait qu'on peut faire des choses mieux qu'on les a déjà faites. L'environnement est là, et il faut adopter l'approche prudente, la precautionary approach. Pour moi, l'approche prudente veut dire que quand on n'est pas certain, on s'abstient. Pour moi, c'est nécessaire.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup. Nous n'avons pas laissé M. Keddy poser de questions. Gerald.
Une voix: Je veux poser une autre question.
Le président: Vous devrez le faire plus tard.
M. Gerald Keddy: Merci, monsieur le président. Cette discussion a été très intéressante et les points sur lesquels je voudrais faire des commentaires sont presque trop nombreux; un problème a été soulevé mais on semble essayer de l'éviter. Je parle de la structure générale du MPO. On en a parlé brièvement mais... Je ne blâmerai jamais le MPO mais plutôt les politiciens. Au début du processus, un politicien prend une décision. On consulte les fonctionnaires et ceux qui travaillent dans le secteur, du moins on l'espère, mais je crois qu'on a tort de blâmer le MPO.
Si l'on songe à revenir au permis de pêche polyvalente, nous pourrions faire deux choses, mais cela aura des coûts politiques. Tout d'abord, nous pourrions laisser les gens travailler à l'année longue, ou pendant plus longtemps chaque année. Nous pourrions faire disparaître ce cycle où l'on pêche une espèce puis on reçoit des prestations d'assurance-emploi pour le reste de l'année.
Le président: Avez-vous une question, Gerald?
M. Gerald Keddy: Oui.
Deuxièmement, et ceci est à l'intention de nous tous, les politiciens ici présents, nous pourrions aider la ressource elle-même s'il y avait des permis de pêche polyvalente, ou si l'on pouvait détenir plus d'un permis.
Troisièmement, on réduirait le nombre de pêcheurs en mer, à court terme. Peut-être qu'à long terme, les faits seraient différents. Historiquement, on a plutôt fait le contraire. Pour la région atlantique, et dans le golfe, on est passé de 20 000 pêcheurs dans les années 40 et 50 à...
Le président: Posez votre question, Gerald, ou nous passerons à quelqu'un d'autre.
M. Gerald Keddy: Oui.
Pensez-vous que quelqu'un paiera le prix politique de tout cela?
M. Anthony Davis: Je ne crois pas qu'il y en ait un. En fait, à mon avis, ce que vous avez dit vient en partie d'un mythe. Prenons, par exemple, une région de la circonscription que vous représentez...
M. Gerald Keddy: Oui, Lunenburg, Queens et Shelburne.
M. Anthony Davis: Oui. Je parle plus précisément du travail qui se fait à Shelburne.
M. Gerald Keddy: Oui.
M. Anthony Davis: Pour ce qui est de la démographie des pêcheurs, cette région était saturée au milieu du XIXe siècle. En effet, si vous prenez les familles de pêcheurs, le même pourcentage de personnes est resté dans la pêche, dans ces familles, à cause des gens qui sont sortis du comté. Vous devez bien connaître l'histoire de votre coin de pays. Les régions où il y a des pêcheurs au Québec, au Nouveau-Brunswick, à l'Île-du-Prince-Édouard, dans toute cette région, ont vu l'émigration de nombre de leurs jeunes, et particulièrement depuis... Bien entendu, toutes les collectivités rurales vivent ce phénomène, mais je pense actuellement surtout aux collectivités côtières. Il en est ainsi depuis le milieu du XIXe siècle, quand l'espace a été saturé. Il s'agit d'une personne sur deux, et un bon pourcentage de femmes de ces familles.
• 1340
La question plus importante, si on élargit un peu le débat,
c'est qu'en créant des économies durables, on utilise la ressource
d'une manière innovatrice et qui accorde le gros de sa valeur au
fournisseur—la nation, l'exploitant, etc. Malheureusement, au
Canada, si vous permettez cette généralisation, surtout dans le
secteur des pêches, nous avons tendance à agir comme des idiots
lorsqu'il s'agit de traiter de la valeur réelle qu'ont ces
ressources.
Je vais vous donner un exemple. Le thon rouge est débarqué en quelques endroits, au sud du golfe. L'exploitant reçoit 20 000 $ pour ce poisson, disons, et tout le monde se dit que c'est un prix extraordinaire. Pourtant, ce poisson vaut 200 000 $, compte tenu de sa valeur finale. Nous ne gardons qu'environ un dixième de la valeur finale de cette ressource.
Pour chacune de nos ressources, et pas simplement les pêches, on peut arriver au même genre de conclusion. Si vous voulez la diversité économique et la stabilité, et cela, 12 moins par année, il ne s'agit pas seulement d'exploiter la ressource, mais aussi de l'utiliser. C'est en partie ce que fait le Centre de recherche sur le homard. Où se fait l'investissement dans ce genre de choses, au Canada? Qui se préoccupe de ce genre de questions, dans le secteur des pêches?
Le président: Merci beaucoup, monsieur Davis.
Monsieur Chouinard et monsieur Cawthorn, nous devrons mettre un terme à cette discussion.
Le Réseau de recherche du sud du golfe est un intéressant regroupement de personnes ou d'organismes. Produisez-vous des rapports ou des procès-verbaux?
M. Anthony Davis: Je crois que vous avez...
Le président: Nous avons la composition, «Qui nous sommes», et le reste...
M. Anthony Davis: Oui, c'est un document de base. Si vous en lisez les diverses sections, par exemple, «Qui nous sommes», vous verrez que toutes ces qualités sont issues de la réunion de janvier 2001. Je pense que c'était donc une étape assez importante. Auparavant, le dialogue était bien moins formel. De plus en plus, on constate qu'il y a clarification et affermissement de la «mission», mot que je n'aime guère, mais s'il peut servir à décrire...
Le président: Bien. Merci beaucoup, et je m'excuse d'avoir à interrompre la discussion.
Nous faisons une pause de cinq minutes, pour aller nous chercher un morceau de pizza, puis nous reprendrons avec M. Jean Saint-Cyr.
Le président: Pouvons-nous reprendre?
Merci de votre patience, monsieur Saint-Cyr. Vous avez la parole. Présentez-nous votre exposé puis nous passerons aux questions.
[Français]
M. Jean Saint-Cyr (directeur général, Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels): Monsieur le président, Saint-Cyr est un nom français et ne s'épelle pas «St» mais «Saint», pour vos dossiers.
J'étais à Ottawa hier soir et je serai à Vancouver demain. Disons que le fait de me trouver avec vous aujourd'hui a un peu bouleversé mon horaire. C'est la première fois que je comparais devant le comité sans avoir une présentation formelle. La dernière fois que j'ai comparu devant ce comité, c'était sur la question autochtone, à Miramichi. La décision de la Cour suprême était relativement fraîche, et le comité voulait avoir le point de vue des pêcheurs commerciaux.
En fait, aujourd'hui, je devrais toujours être à Ottawa, au Conseil consultatif maritime canadien. De toute évidence, on discute à ce comité de choses concrètes qui sont très importantes pour nos flottilles. Cependant, comme le Conseil consultatif maritime canadien se réunit deux fois par année et qu'il se tenait ici, aujourd'hui, une réunion spéciale du comité permanent pour discuter de la situation de la structure du golfe, j'ai cru bon de venir vous rencontrer pour vous donner une opinion sur cette question-là.
Je comprends très bien Mme Tremblay d'être un peu mêlée lorsqu'elle essaie de regarder de façon rationnelle la structure de gestion qu'on peut avoir dans le golfe du Saint-Laurent. Effectivement, lorsqu'on arrive tout frais de l'extérieur avec un esprit rationnel, il peut être un peu difficile de comprendre la motivation et la façon dont on est arrivé à la structure qui existe actuellement.
Cependant, le père de M. LeBlanc, l'honorable Roméo LeBlanc, que tout le monde connaît très bien, avait créé cette unité de gestion administrative du ministère des Pêches en se basant sur un principe absolument rationnel: le principe de base de la création de la région du golfe était l'unicité écosystémique du golfe du Saint-Laurent. Étant donné la particularité de l'écosystème du golfe du Saint-Laurent, comme ministre des Pêches, il en était arrivé à la conclusion que c'était une excellente idée que de créer une unité de gestion administrative chargée de gérer cette unité écologique, écosystémique.
Elle n'est pas unique simplement par la nature de l'écosystème. Elle est aussi unique, comme plusieurs intervenants l'ont signalé ce matin et au début de l'après-midi, par le type des industries qui opèrent dans le golfe. Je dois vous dire que je représente ce que Mike Belliveau a appelé un peu plus tôt les corporatist-type fleets. Je ne suis pas d'accord sur cette description. Je représente des pêcheurs indépendants qui étaient des pêcheurs côtiers et qui, au cours des années, dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale, ont été fortement encouragés par les politiques gouvernementales, par les programmes de développement, par des mécanismes et des fonds qui ont été mis en place pour développer l'industrie de la pêche au Nouveau-Brunswick et dans le golfe du Saint-Laurent. Cela s'est passé aussi au Québec à peu près à la même époque, de même qu'en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard. Ce sont les mécanismes mis en place par les gouvernements qui ont incité les pêcheurs à adopter de nouvelles techniques de pêche, de nouveaux types de bateaux, à mettre des moteurs dans leurs bateaux, à adopter des chaluts. On était, à cette époque-là, très préoccupé par la productivité des pêcheurs.
• 1400
Maintenant, les flottilles qui font partie de la
Fédération régionale acadienne des pêcheurs
professionnels sont souvent décrites comme des
spécialistes. Elles sont décrites et décriées aussi,
sauf que ce
n'est pas nécessairement notre choix. Comme M.
Chouinard l'a mentionné tout à l'heure, ce sont souvent
les politiques gouvernementales qui ont mené à ces
divisions de flottilles. Si on donnait à mes
pêcheurs le choix d'être des spécialistes
ou d'être polyvalents, je peux
vous assurer qu'ils choisiraient la seconde option,
parce qu'ils ont vécu des hauts et des bas dans
pratiquement toutes les espèces qu'ils exploitent.
Par exemple, nous avons une flottille de 20 crevettiers qui, à l'origine, avait été construite non pas pour pêcher la crevette, mais pour pêcher le sébaste. À la fin des années 1960, il y a eu un effondrement du sébaste, et c'est à ce moment-là que les gouvernements, avec l'aide des pêcheurs, ont développé la pêche au crabe.
Déjà, à la fin des années 1960, il y a eu, non pas un effondrement comme celui qu'on a connu pour la morue au début des années 1990, mais des signes d'affaiblissement de la morue dans le sud du golfe Saint-Laurent. Or, on avait une flottille qui avait été développée par les gouvernements, avec des moyens financiers assez importants, pour pêcher la morue. On a dû développer un autre type de pêche pour ces pêcheurs, parce que la morue n'était pas en quantité suffisante pour soutenir les activités de cette flottille-là. C'est comme ça, à peu près à la même époque que la pêche à la crevette, qu'on a développé la pêche au crabe.
La pêche à la crevette a mis beaucoup de temps avant de devenir une pêche lucrative ou, enfin, viable. La réputation de la pêche au crabe—et ça, je pourrais vous le prouver avec des chiffres—a été largement surfaite en ce qui a trait à sa rentabilité. Oui, c'est une pêche qui peut, ponctuellement, être extrêmement lucrative, mais qui a eu des pics extrêmement hauts et des vallées extrêmement creuses.
Lorsqu'on vous parlera d'une partie des flottilles des propriétaires de bateaux de crabiers, on vous dira sans doute qu'ils sont aussi propriétaires d'usines. Ça doit être des gens extrêmement riches s'ils ont pu investir dans des usines. Mais ils ont fait un choix en 1989. Ils voyaient les propriétaires d'usines, qui avaient encaissé le plus gros des profits lors du développement et de l'expansion de la pêche au crabe, fuir la péninsule acadienne, parce que ces propriétaires d'usines étaient convaincus que la pêche au crabe était finie. On était passé d'une moyenne de 26 000 tonnes de crabe dans les années 1980... Jusqu'en 1985, les captures de crabe étaient en moyenne de 26 000 tonnes, cela depuis de nombreuses années. Entre 1985 et 1989, on est passé de 26 000 tonnes à 7 000 tonnes. Le Nouveau-Brunswick—ça, c'est ma flottille—capturait en moyenne 18 000 tonnes par année et il se retrouvait avec 3 000 tonnes. C'est au moment où leurs captures ont été réduites à 3 000 tonnes, alors qu'elles étaient de 18 000 tonnes quelques années auparavant, que les pêcheurs ont fait ce choix. Ils croyaient qu'ils étaient aptes, avec une étroite collaboration du ministère et des scientifiques, à ramener ce stock-là à un niveau viable. Et c'est ce qu'ils ont fait. Mais en 1989, ils étaient pratiquement les seuls à croire qu'on pouvait ramener les stocks de crabe du sud du golfe à un niveau intéressant.
L'histoire du crabe a deux volets. Il y a un volet beaucoup moins intéressant: le volet sociopolitique. Je l'appellerai comme ça pour être poli. L'autre volet, qui est intéressant, est le volet scientifique, les expériences qu'il a fallu vivre pour connaître la situation qu'on connaît à l'heure actuelle. Je crois que c'est un bel exemple de collaboration entre des exploitants très intéressés—leur survie en dépendait, évidemment—par l'exploitation durable ou viable d'un stock et la connaissance scientifique qu'on pouvait développer avec des moyens adéquats.
• 1405
Ils ont commencé, par le biais du PAPA, le
Programme d'adaptation des pêches de l'Atlantique, à
investir dans les sciences et par la suite, avec
l'avènement de l'entente de cogestion, ils ont continué à
investir dans les sciences, parce qu'ils se sont vite
rendu compte que sans une étude scientifique
approfondie, on pouvait difficilement exploiter un
niveau durable, un niveau fiable de n'importe quel stock
de poisson.
Nous regrettons évidemment, comme plusieurs autres groupes, ce qui est arrivé à des stocks de poisson comme la morue, mais alors que certains voudraient nous désigner comme étant les principaux responsables, je crois que tout le monde doit assumer une part de responsabilité: le gouvernement, les exploitants, qu'ils soient côtiers, semi-hauturiers ou hauturiers, les sociétés d'exploitation. On était tous un peu pris dans l'euphorie de l'expansion, après la zone des 200 milles, et de cet avenir prometteur de la pêche dont on nous avait parlé. Tout le monde était très optimiste au milieu et à la fin des années 1980. Vous n'avez qu'à consulter les archives du ministère pour voir que la Direction des sciences publiait à ce moment-là une projection de ce qu'allaient être les stocks de morue. Tous les stocks étaient en croissance. À la fin des année 1980, c'est ce qu'on nous faisait miroiter.
Pour en revenir à la question de la collaboration entre les exploitants et les sciences, je crois que cela a été une très belle expérience qui dure encore depuis 1989, en particulier. C'est là qu'on voit l'importance d'avoir des unités de gestion qui comprennent bien la dynamique du golfe Saint-Laurent, qui comprennent bien les objectifs et la mentalité des exploitants et qui soient en mesure de réagir en termes concrets et de collaborer avec des groupes d'exploitants.
M. Belliveau de l'UPM et moi-même ne sommes pas souvent d'accord, on a souvent des divergences, mais il est certain qu'en ce qui a trait au dossier de la région du golfe, on est entièrement d'accord sur le fait que ça n'aurait jamais dû se faire. Cette unité de gestion a été démantibulée, d'abord en 1984, par M. De Bané, qui était ministre à l'époque et qui voulait redonner un peu plus de pouvoir aux fonctionnaires issus de sa province, c'est-à-dire le Québec, et ensuite en 1996, avec la région Maritime qu'on a créée sous l'étiquette de la rationalisation des budgets et des ressources. Enfin, il y a eu le grand exercice de downsizing, ce qui était à la mode au début des années 1990, et le gouvernement, réagissant toujours un peu plus tard, croyait que c'était une décision sage à prendre dans tout le contexte des restrictions budgétaires.
Si vous vous en donnez la peine, vous trouverez dans les archives de la correspondance de notre organisation, et pas seulement des organisations de pêcheurs côtiers, qui s'est faite dès le démantèlement de la région du golfe. Notre organisation, qui était à l'époque l'APPA, a changé de nom en 1996 parce qu'elle a changé sa structure. C'est maintenant la FRAPP, mais c'est la même organisation. Nous sommes là depuis 1968. Nous avons toujours été en faveur... On faisait partie du groupe qui s'était réuni à Memramcook lors d'un grand colloque qui a mené à la création de l'unité de gestion du golfe. On a toujours continué à appuyer cette unité de gestion.
• 1410
On a toujours travaillé très étroitement
ensemble,
même si nous avons nos moments de tension avec les
administrateurs du MPO. Puisque je m'adresse à un auditoire de
politiciens, je sais que vous lisez les journaux et
que vous êtes parfaitement conscients de cela.
S'il faut qu'il y ait des tensions, ce qui est
pratiquement inévitable puisque nos rôles nous
amènent à nous confronter,
on aime avoir des tensions
avec des gens qui sont plus près de nous, qui
comprennent notre culture, qui comprennent notre façon
de gérer les choses.
Je ne peux pas dire qu'on a le même rapport à Halifax. Il y a une question de langue. C'est ce qui est le plus évident. Personnellement, je suis bilingue, mais beaucoup de nos membres sont unilingues francophones. Les unilingues francophones n'existent pas seulement au Québec; ils existent également à l'extérieur du Québec. La péninsule acadienne est un de ces endroits, ce qui fait que dans une situation comme celle-là, si les décideurs sont unilingues anglophones ou qu'ils ont passé leur test... Je ne sais pas comment on appelle ça. Comme j'ai déjà été fonctionnaire fédéral, je devrais m'en souvenir. Il y a des fonctionnaires qui sont censés être bilingues, mais qui, en fait, ne le sont pas et qui, après qu'un pêcheur leur aura dit trois mots, vont lui dire d'attendre un instant et vont passer le cas à quelqu'un qui comprend le français, mais qui n'est pas un décideur. Ça cause des problèmes réels de communication entre la clientèle du ministère et les décideurs. Ça n'a jamais été un problème dans la région du golfe.
Il y a aussi la question de l'accès. Pour les pêcheurs de la péninsule acadienne, se rendre à Halifax, c'est exactement deux fois plus long que de se rendre à Moncton. Comme vous le savez, avec le changement qu'il y a eu au cours des dernières années, alors que le ministère cherche à recouvrer les frais plutôt qu'à les couvrir, les frais de déplacement coûtent extrêmement cher à notre organisation de pêcheurs. Quand on éloigne les centres de décisions de notre secteur d'activité, qui est, dans notre cas, le nord du Nouveau-Brunswick, c'est un coût additionnel pour notre organisation de pêcheurs.
Malheureusement, pour l'organisation de pêcheurs, l'espace qu'ont ses permanents pour augmenter les cotisations est occupé par le ministère des Pêches et des Océans. Mon organisation ne reçoit pas de subventions. Elle est financée entièrement par ses membres. Lorsqu'on a fondé ce regroupement, un permis de pêche au crabe coûtait 2 $. Il n'y avait pas de cogestion, pas de vérification au quai, pas d'observateurs en mer, pas de droit d'accès.
Les cinq éléments que je vous ai énumérés coûtent en moyenne, par pêcheur de crabe, entre 30 000 $ et 50 000 $ selon le niveau de contingent, et ça, c'est avant même qu'il ait mis du carburant, acheté de la nourriture, fait l'entretien de son bateau, etc. Avant de partir à la pêche, ces gars-là doivent débourser entre 60 000 $ et 100 000 $ selon les saisons, ce qui fait que, comme permanents d'une organisation de pêcheurs, si on leur demande de cotiser un montant plus élevé encore pour compenser le nombre de réunions et l'éloignement de ces réunions, on est très mal accueillis, parce que l'espace financier a été occupé par les charges qu'ils doivent maintenant payer.
Nous étions contents, en 1999, lorsque le ministre Anderson est venu annoncer que la région du golfe serait créée de nouveau. Mais après un examen de la situation, on s'est rendu compte qu'on ne nous a pas rendu ce qu'on avait perdu. On nous a rendu une partie de ce qu'on avait. Avant que ce soit démantelé, on avait une région plénipotentiaire. C'était une région administrative au même titre que la région Laurentienne et au même titre que la région Scotia—Fundy. Lorsque c'est revenu, il y a des morceaux qui ne sont pas revenus. Certains diront: oui, mais est-ce que ça paraît?
• 1415
Bien sûr, pour nous, comme organisation de pêcheurs,
le plus important, c'est la gestion de la
ressource, parce que ça touche nos opérations
de façon continuelle.
C'est le nerf de la guerre, si vous
voulez. C'est là que se décident les allocations,
l'accès à la ressource, le
niveau d'accès, etc. C'est également là qu'on décide des
mesures de gestion qui sont le plus appropriées à
prendre.
Un ministère mal outillé, disposant de peu de ressources humaines et de peu de ressources financières, ne peut pas desservir sa clientèle avec autant d'efficacité qu'une région qui a des budgets. Plus le budget est élevé, plus il y a de flexibilité, à l'intérieur de ce budget, pour répondre aux besoins de la clientèle. Plus le budget est petit, plus on serre le corset des gestionnaires de la région et moins ils ont de flexibilité pour répondre à nos besoins.
[Traduction]
Le président: Puis-je vous interrompre un instant, monsieur Saint-Cyr. Je veux remercier nos opérateurs. Nous avons travaillé tard hier soir, jusqu'à 23 heures, et ils doivent maintenant prendre l'avion.
Merci beaucoup.
Continuez.
[Français]
M. Jean Saint-Cyr: Donc, pour nous, il est important que la région du golfe redevienne une région plénipotentiaire, avec toutes les ressources humaines et financières nécessaires pour opérer au même titre que les autres régions. Je crois que les chiffres et les résumés qu'a déposés ce matin M. Jones vous indiquent assez clairement l'importance des pêches du golfe. Il est important que cette région ait les budgets et les ressources humaines nécessaires pour répondre aux besoins de notre industrie.
La FRAPP est active, non seulement en termes de revendications, d'intérêts, etc., mais aussi dans le réseau de recherche du sud du golfe. Vous retrouverez dans vos documents un document qui s'appelle Strategic Plan for the Southern Gulf Fisheries. C'est que les gens qui ont été impliqués dans les discussions vont éventuellement... C'est encore à l'état d'ébauche, parce que les organisations de pêcheurs souffrent aussi de restrictions budgétaires. On n'a pas nécessairement toutes les ressources humaines qu'on voudrait pour mener à terme tous les projets qu'on voudrait réaliser. On cherche des sources de financement alternatives.
Notre plan stratégique est là. Lorsqu'on voit les montants d'argent qui sont attribués à la recherche pour l'économie de l'Atlantique, il nous est assez difficile d'accepter que le secteur des pêches ne participe pas aux recherches.
J'espère qu'il est clair dans l'esprit de tous les membres de ce comité que pour l'Atlantique, les pêches sont un secteur économique stratégique. C'est un secteur clé, tant sur le plan social que sur le plan économique et industriel. Dans des régions comme la péninsule acadienne, c'est l'épine dorsale de toute l'économie. Si nos pêches vont mal, c'est toute l'économie régionale qui s'en ressent. On a senti cela lors des réformes de l'assurance-emploi et même avant cela, avec l'effondrement des contingents. Cela a très durement touché la péninsule acadienne.
Comme vous le savez, dans le domaine des pêches, il y a plusieurs facteurs sur lesquels on n'a pas de contrôle, notamment les taux de change, parce qu'on est des exportateurs. Comme tous les autres secteurs de l'industrie des pêches de l'Atlantique, nous exportons nos produits. Donc, les taux de change affectent la viabilité de nos opérations.
Pour ce qui est de la ressource, on essaie, avec l'étroite collaboration des scientifiques, d'avoir les niveaux les plus stables possibles, mais ce n'est pas possible; il y a toujours des cycles de hauts et de bas. Pour ce qui est des marchés, c'est la même chose. Cette année, on s'attendait à ce que le prix du crabe soit fort. Il ne l'est pas; on a perdu un dollar la livre. Le marché de la crevette est affaibli. Pourquoi? Parce qu'il y a énormément de crevette sur les marchés, ce qui exerce une pression à la baisse. Alors, il y a énormément de facteurs sur lesquels on n'a pas de contrôle. Cependant, nous croyons qu'il y a des éléments sur lesquels on pourrait avoir un contrôle. Il y a également des facteurs déstabilisateurs. Selon nous, si on s'entend sur une stratégie à adopter, il y aura moins d'éléments déstabilisateurs de l'industrie.
• 1420
Dans le domaine de la recherche, il
n'y a pas seulement la recherche pure; il y a également
les sciences de la gestion qui, je crois, pourraient
grandement aider le secteur des pêches à planifier
ses activités et sa stratégie de
développement. C'est pour ça qu'on a élaboré une
proposition de plan stratégique qui va impliquer les
universitaires et les gens de tous les secteurs
de l'industrie.
Puisque j'ai été le dernier à prendre la parole, j'ai évidemment eu le loisir d'entendre les points de vue de plusieurs intervenants. J'ai aussi eu à subir des déclarations qui laissent entendre que c'est ça, la réalité et qu'il n'y a pas d'autres réalités que celle-là. Nous n'avons pas le temps de faire cela et ce n'est pas le but de cette audience. Je crois que le but de cette audience est de voir si, oui ou non, la région du golfe doit avoir une structure propre à elle-même, si elle doit être renforcée, si elle est adéquate ou pas actuellement.
On a parlé d'exploration, de partage du crabe, de toutes sortes de choses qui sont un peu en dehors du sujet dont on devait discuter, me semble-t-il. Je ne veux pas reprendre tout ça. J'exprime simplement le désir de comparaître, que ce soit à Ottawa ou ici, selon le bon vouloir du comité, si ce dernier se penche sur la gestion des pêches hauturières. On aimerait aussi avoir l'occasion d'expliquer pourquoi on gère les pêches et pourquoi on collabore avec le ministère de la façon dont on le fait actuellement, pourquoi on a accepté les ententes de cogestion, pourquoi on a accepté les contingents individuels, quel effet pratique cela a eu. On aimerait pouvoir vous expliquer comment nos pêches étaient gérées auparavant et quel effet pratique ça a eu sur l'industrie, sur la sécurité en mer, sur les conditions de travail, tant en usine que sur les bateaux, etc.
Il y a plusieurs mesures de gestion qui, à mots couverts ou à mots ouverts, ont été décriées ce matin. Juste en passant, on nous a donné un petit coup de coude dans les côtes. Je ne voudrais pas réagir aujourd'hui à ces affirmations parce que ce serait superficiel. Je crois que certaines de nos décisions ont été sages et que d'autres ne l'ont pas été. Nous faisons partie d'un groupe qui a reconnu les erreurs du passé et qui veut évoluer vers une gestion durable des pêches. Cela doit passer par une administration fédérale qui manifeste une ouverture d'esprit, qui soit solidaire de l'industrie qu'elle est censée desservir. Cela veut également dire une dépaternalisation et une dépolitisation du processus de gestion. Ça ne veut pas dire que nous ne croyons pas que nos représentants ne peuvent pas être impliqués dans les décisions. Je ne suis pas assez naïf pour penser que ça pourrait arriver, car ça n'arrivera pas. Mais nous sommes conscients que vous avez cette responsabilité envers vos commettants.
Si les membres du comité veulent discuter de questions qui concernent la gestion des pêches, telle que notre groupe l'appuie, s'ils ont des questions sur la manière dont on fait les choses, qu'ils nous donnent au moins la chance de leur expliquer pourquoi on fait les choses de la façon dont on les fait, d'où on est partis et comment on a évolué pour en arriver au point où on en est actuellement.
J'aimerais terminer en parlant d'un sujet qui n'est pas directement relié à ça. Il s'agit de la Direction des océans et de l'environnement. Même si nous n'avons pas été très articulés sur la question de l'exploration pétrolière dans le golfe, c'est une chose qui nous inquiète énormément à l'heure actuelle. C'est même une source d'angoisse, surtout pour nos crabiers parce qu'ils exploitent une ressource qui est relativement stationnaire. Ils sont très inquiets quant aux dommages qu'une exploration débridée pourrait faire dans le golfe.
• 1425
L'industrie des pêches ne semble pas avoir
beaucoup de poids dans les décisions
politiques qui sont prises par rapport à cette
question-là. Je
veux simplement joindre mes inquiétudes à celles
qui ont été manifestées jusqu'à maintenant au sujet
de cette question-là.
Je vous remercie, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Je donne la parole à M. LeBlanc, pour un court commentaire, puis à Mme Tremblay.
[Français]
M. Dominic LeBlanc: Merci, monsieur le président.
Je n'ai pas de questions à poser. Je pense que M. Saint-Cyr a couvert un terrain important. J'ai beaucoup apprécié ses commentaires au sujet de la situation dans le golfe du Saint-Laurent et de la question des pêches semi-hauturières. Je le félicite pour sa présentation et l'en remercie. Je m'excuse auprès de lui parce qu'il a dû attendre, mais on a beaucoup apprécié sa présence. Personnellement, j'ai beaucoup apprécié ses commentaires. C'est tout ce que je voulais dire, monsieur le président.
M. Jean Saint-Cyr: Merci, monsieur LeBlanc. Pendant qu'on est là, face à face, je vous dirai qu'on se connaît de vue, mais pas nécessairement de...
Je sais qu'en raison de vos commettants, vous êtes dans un château fort de la pêche côtière. Vous avez énormément de moyens pour répondre à leurs besoins. J'espère qu'on aura l'occasion quand même de vous exposer la dynamique de nos pêches et que vous manifesterez une ouverture d'esprit par rapport à la problématique qu'on essaie de gérer, nous aussi, parce que ce n'est pas simple. Ce serait intéressant, avant de prendre des décisions, que vous puissiez connaître les deux côtés de la médaille afin d'être en mesure de prendre des décisions éclairées. Merci.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Saint-Cyr.
Madame Tremblay.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Merci, monsieur le président.
Monsieur Saint-Cyr, je voudrais partir d'ici avec une compréhension très claire de ce qui était, de ce qui a été, de ce qui sera et de ce qu'il faudrait qui soit.
En 1981, on a créé une zone du golfe.
M. Jean Saint-Cyr: C'est exact.
Mme Suzanne Tremblay: Est-ce que ça comprenait la péninsule de la Gaspésie?
M. Jean Saint-Cyr: Ça comprenait tout le golfe, y compris la côte ouest de Terre-Neuve.
Mme Suzanne Tremblay: Y compris la côte ouest de Terre-Neuve. Là, c'est clair.
M. Jean Saint-Cyr: La Gaspésie, la Côte-Nord, tout le golfe...
Mme Suzanne Tremblay: La Côte-Nord aussi?
M. Jean Saint-Cyr: La Côte-Nord aussi. Tout le golfe...
Mme Suzanne Tremblay: Là, on n'était pas dans l'écosystème. On nous a dit que l'écosystème était divisé en deux.
M. Jean Saint-Cyr: Non, non. On ne parle pas du sud du golfe. On parle du golfe du Saint-Laurent.
Mme Suzanne Tremblay: On parle de tout le golfe du Saint-Laurent.
M. Jean Saint-Cyr: En 1981, la région du golfe était responsable de la gestion des pêches du golfe.
Mme Suzanne Tremblay: Du golfe, c'est ça?
M. Jean Saint-Cyr: Ça comprenait la Côte-Nord...
Mme Suzanne Tremblay: Est-ce qu'il y avait une région Laurentienne?
M. Jean Saint-Cyr: Non, la région Laurentienne a été créée en 1984.
Mme Suzanne Tremblay: Ne me mêlez pas tout de suite.
M. Jean Saint-Cyr: En 1984... [Note de la rédaction: inaudible].
Mme Suzanne Tremblay: Donc, en 1981, on a le golfe qui comprend la Côte-Nord, l'île d'Anticosti, les Îles-de-la-Madeleine, tout le golfe ici, y compris...
M. Jean Saint-Cyr: Comme vos collègues anglophones diraient, the whole shebang.
Mme Suzanne Tremblay: D'accord. Là, on a cela. En 1984, M. De Bané arrive.
M. Jean Saint-Cyr: C'est ça.
Mme Suzanne Tremblay: Il est toujours ministre des Pêches, toujours dans le même gouvernement, avec le même premier ministre, mais il change d'idée, lui.
M. Jean Saint-Cyr: C'est ça.
Mme Suzanne Tremblay: Ce n'est pas la première fois que cela arrive, remarquez. À ce moment-là, qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce qu'on enlève au golfe?
M. Jean Saint-Cyr: Eh bien, on lui enlève son unicité. Ça, c'est sûr.
Mme Suzanne Tremblay: On enlève le Québec.
M. Jean Saint-Cyr: Là, on redonne au Québec son statut de région plénipotentiaire.
Mme Suzanne Tremblay: C'est alors que l'on crée la région Laurentienne.
M. Jean Saint-Cyr: C'est la région du golfe.
Mme Suzanne Tremblay: Ah, elle reste la région du golfe.
M. Jean Saint-Cyr: C'est la région du Québec, pardon, mais elle va dorénavant partager la gestion avec la région du golfe.
Je vais vous donner un exemple, madame Tremblay. La crevette du golfe est exploitée par des gens du Québec, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve, sauf que le lead dans ce dossier-là, c'est la région Laurentienne. Donc, c'est vraiment la région Laurentienne qui convoque les comités consultatifs, qui prépare les comités consultatifs, qui est en relation avec les représentants des exploitants de la crevette, donc qui coordonne les activités qui ont trait à la gestion de la crevette.
Mme Suzanne Tremblay: Ça, c'est à l'heure actuelle, n'est-ce pas?
M. Jean Saint-Cyr: Oui, à l'heure actuelle. Cela a commencé à cette époque-là, en 1984. Quant à la gestion du crabe des neiges, c'est la région du golfe qui a le lead, qui est le chef de file, qui a la responsabilité première de la gestion du crabe.
Mme Suzanne Tremblay: Est-ce que c'est comme ça même pour le crabe qui se pêche à Rimouski?
M. Jean Saint-Cyr: Non, ça, c'est une autre région. Là, on parle de régions côtières.
• 1430
On ne va pas s'embarquer là-dedans, parce qu'on en
aurait pour deux jours. Avec toutes les régions qui ont
été créées dans le golfe, on a
des problèmes au Nouveau-Brunswick: on n'a
plus accès à ces régions. Ce sont des
stocks semi-hauturiers et seulement certaines provinces
y ont accès. On a perdu beaucoup
de notre histoire là-dedans et on n'est pas contents.
C'est comme ça que tout a commencé. Les gens du golfe étaient rationnels, logiques et se basaient sur l'unicité écosystémique du golfe Saint-Laurent. Arrivèrent par la suite les considérations politiques des bureaucrates. Il y avait beaucoup de fonctionnaires qui étaient à Québec et qui ne voulaient pas déménager; ils voulaient ravoir leur chasse gardée. Ils ont alors réussi à convaincre leur ministre que ce serait une bonne chose de créer la région du Québec; ils avaient une longue liste de raisons pour la créer. Ils l'ont donc créée.
En 1996 est arrivée la nouvelle région des Maritimes, qui maintenant allait superviser la région du golfe. Pour nous, c'était comme après 1981. Toutes les réunions se passaient à Halifax. Les hauts fonctionnaires étaient tous anglophones. Dans les années 1960, avant la Loi sur les langues officielles, tout le monde était... En tout cas, on avait des problèmes à ce niveau-là.
De toute façon...
Mme Suzanne Tremblay: En 1996...
M. Jean Saint-Cyr: En 1996, non seulement la région du golfe a été réduite à une filiale de la région des Maritimes, mais la côte ouest de Terre-Neuve ne faisait plus partie de la région du golfe: elle faisait dorénavant partie de la région de Terre-Neuve.
Mme Suzanne Tremblay: D'accord. Une nouvelle région.
[Traduction]
Le président: Il nous faut passer au suivant, madame Tremblay. Une autre question, pour conclure.
[Français]
M. Jean Saint-Cyr: C'est donc là qu'on en est, madame Tremblay, en termes de structure.
[Traduction]
Le président: Monsieur Stoffer, vous avez la parole.
M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président.
Monsieur Saint-Cyr, merci d'être venu aujourd'hui. Combien de pêcheurs font partie de votre association?
M. Jean Saint-Cyr: En 34 ans?
M. Peter Stoffer: Actuellement.
M. Jean Saint-Cyr: Actuellement, nos membres varient de 400 à 600.
En 1996, nous aussi nous nous sommes restructurés. Au lieu d'avoir une seule association, nous avons maintenant une fédération de quatre associations. Nous avons l'Association des crabiers, dont les membres sont des exploitants de navire, des titulaires de permis. Nous avons l'Association des crevettiers. Il y en a deux dans le nord-est. Tous les pêcheurs semi-hauturiers faisaient autrefois partie de la même organisation, mais il serait trop long d'expliquer tout cela.
Il y a des crevettiers qui ont leur propre association et qui font partie de la fédération. Nous avons une flotte de senneurs, au nombre de cinq seulement, actuellement, et seuls deux d'entre eux sont propriétaires indépendants; cinq autres ont été vendus à des entreprises. Si vous voulez savoir pourquoi, je me ferai un plaisir de vous l'expliquer.
Nous avons aussi l'Association des membres d'équipage du nord- est du Nouveau-Brunswick. C'est le groupe qui compte le plus grand nombre de membres, puisqu'il s'agit de ceux qui travaillent sur les bateaux. Ils ont leur propre association mais sont représentés au conseil d'administration de la fédération.
M. Peter Stoffer: Voici ma dernière question pour vous, monsieur; on parle beaucoup du principe de prudence ou du fait que les pratiques de gestion doivent le respecter, afin de préserver la ressource, évidemment. Votre association croit-elle que le ministère des Pêches et des Océans fait un bon travail dans l'application du principe de prudence à la gestion de la ressource?
M. Jean Saint-Cyr: C'est une question assez large.
M. Peter Stoffer: Répondez par oui ou par non: s'il fait un bon travail, c'est oui; autrement, c'est non, et pourquoi?
M. Jean Saint-Cyr: Pour le crabe, je dirais que jusqu'ici, oui. Pour la crevette aussi. Pour le hareng, ce n'est pas tellement l'aspect scientifique qui laisse à désirer, mais la gestion. Même chose pour la gestion des stocks de morue, jusqu'ici. Cela répond-t-il à votre question?
M. Peter Stoffer: Oui.
M. Jean Saint-Cyr: Bien.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Stoffer.
C'est tout. Toutes les questions ont eu leur réponse.
Madame Tremblay.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Pendant son exposé, M. Saint-Cyr a fait allusion à un document. Avons-nous ce document? J'ai regardé rapidement dans mon dossier, mais...
M. Jean Saint-Cyr: C'est dans le document qui est signé par le Dr Chadwick. Malheureusement...
Mme Suzanne Tremblay: Excellent.
[Traduction]
Le président: Oui, madame Tremblay, nous connaissons ce document. Il a été remis avec le premier exposé.
Merci beaucoup, monsieur Saint-Cyr.
Nous levons maintenant la séance, juste à temps pour prendre l'autobus et aller à l'Île-du-Prince-Édouard.
La séance est levée.