FOPO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS
COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 7 juin 2001
Le président (M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.
Tout le monde ici, je pense, sait que nous accueillons ce matin le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, qui est accompagné de Tom Molloy.
Monsieur le ministre, nous avons déjà essayé de vous avoir à notre comité pour connaître votre point de vue au sujet de la décision Marshall, mais nous ne sommes pas parvenus à faire coïncider nos calendriers. Nous sommes donc très heureux de vous accueillir ce matin. Je vous souhaite la bienvenue et je vous cède la parole.
L'honorable Robert Nault (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Merci, monsieur le président. Je vous remercie de m'offrir la possibilité de m'adresser à vous, membres du Comité permanent des pêches et des océans.
Je vais vous lire mon allocution, puis nous passerons aux questions.
Je suis accompagné de notre négociateur Tom Molloy, qui a pour mission de représenter le gouvernement du Canada ainsi que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien dans les négociations des droits ancestraux et issus de traités dans la région de l'Atlantique.
Comme vous le savez, dans le jugement Marshall, la Cour suprême du Canada a statué que les bénéficiaires des traités de 1760 et 1761 possédaient les droits de pêcher, de chasser, de faire la récolte et d'effectuer le commerce des produits tirés de ces activités comme moyen de «subsistance convenable».
Dans les semaines qui ont suivi cette importante décision, je me suis entretenu avec nos partenaires autochtones et provinciaux sur la côte Est. Dans le cadre de ces discussions, nous avons étudié des processus à long terme qui viseraient à tenir compte des répercussions du jugement Marshall et à clarifier d'autres ambiguïtés relativement aux droits ancestraux et issus des traités sur les terres et les ressources.
En février dernier, le ministre Dhaliwal et moi-même faisions connaître la deuxième étape de la stratégie fédérale, qui vise à répondre aux pressions à court et à long termes découlant du jugement Marshall. À la suite de cette annonce, mon collègue et moi-même avons redoublé d'efforts pour que les Micmacs et les Malécites sur la côte Est participent à la réalisation de leurs aspirations, y compris l'application des droits issus des traités reconnus par la Cour suprême du Canada.
Le ministre de Pêches et Océans Canada et moi-même exerçons des rôles et des responsabilités complémentaires pour trouver une solution aux conséquences de l'arrêt Marshall. Je sais que, le 3 avril dernier, le ministre Dhaliwal a présenté au Comité les travaux qu'il a entrepris afin de permettre aux groupes autochtones visés par le jugement Marshall de pratiquer la pêche commerciale de façon immédiate.
En tant que ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, je suis responsable de régler à long terme les questions liées aux droits ancestraux et issus des traités. Pour mener à bien le processus à long terme, j'ai désigné, comme je viens de le dire, M. Tom Molloy, qui représentera le Canada lors des discussions préparatoires et des négociations avec les Micmacs, les Malécites et les résidants des provinces concernées dans l'Est canadien.
À ce jour, nos partenaires autochtones et gouvernementaux en Nouvelle-Écosse ont accepté de s'engager dans un processus de négociations global. Nous nous sommes également adressés à nos partenaires autochtones au Québec, sur l'Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick dans le but d'entamer des discussions préparatoires sur les questions relatives aux droits ancestraux et issus des traités. Jusqu'à maintenant, la majorité de ces groupes se sont montrés relativement favorables à l'idée. De plus, monsieur le président, je poursuis mes démarches visant à encourager les gouvernements provinciaux à participer aux discussions.
M. Molloy a également été mandaté pour négocier avec les Micmacs et les Malécites des mesures de compétence fédérale, autres que celles liées au domaine des pêches, qui traitent des conséquences à court terme de la décision Marshall. M. Molloy continuera de travailler en étroite collaboration avec le négociateur fédéral des pêches nommé par le ministre de Pêches et Océans Canada, à qui l'on a confié de mener, à l'échelle communautaire, des négociations portant sur les questions pratiques à court terme concernant les pêches.
J'ai également demandé à M. Molloy de consulter nos partenaires micmacs, malécites et provinciaux au sujet de la possibilité de créer une commission des traités. Ces consultations, que l'on prévoit amorcer cet été, feront valoir l'importance des traités de paix et d'amitié et de la relation de traités entre les groupes autochtones et la Couronne.
À mesure que s'implantera le processus à long terme, il sera essentiel de prendre en considération les intérêts des tierces parties et du grand public. Je suis conscient que le début de la nouvelle saison de pêche fait accroître l'inquiétude quant à la possibilité de voir naître des tensions ou des conflits sur la côte Est. Comme en témoigne notre réponse à long terme au jugement Marshall, nous déployons maints efforts pour faire en sorte que les collectivités discutent ensemble de leur avenir commun. L'approche à long terme élaborée en vue d'amorcer la deuxième étape donnera aux collectivités autochtones et non autochtones la sécurité dont elles ont besoin pour progresser.
Le processus de négociation global représente la solution idéale pour régler les questions des droits ancestraux et issus des traités qui ont été laissées en suspens. Cependant, il nous faut demeurer réalistes: la conclusion d'ententes à long terme sur ces questions fondamentales exigera beaucoup de temps. Entre-temps, le gouvernement du Canada devra respecter les droits issus des traités que la Cour suprême a reconnus aux Micmacs et aux Malécites à la lumière du jugement Marshall.
• 0910
D'ailleurs, la négociation d'ententes à court terme sur les
pêches, tâche dont s'acquitte mon collègue, le ministre de Pêches
et Océans Canada, veille à honorer un tel engagement. À mon avis,
l'arrêt Marshall ne relève pas seulement du domaine du droit, mais
aussi de la justice sociale et de la qualité de vie.
Je réitère ma volonté à voir les questions autochtones se régler par le dialogue et la négociation. Je crois fermement qu'il est de notre devoir, et non de celui des tribunaux, de définir la relation qu'entretiennent les Autochtones, les gouvernements et le reste de la population canadienne en général. Il nous faut trouver une solution à long terme afin de pouvoir établir une relation juste et équitable avec les Premières nations dans les Maritimes. Ces collectivités ont également besoin d'une assise économique viable sur laquelle elles pourront prendre appui.
Je continue à croire que c'est par la tenue de négociations honorables, respectueuses et honnêtes que nous pourrons effacer les préoccupations des parties concernées.
Avant de conclure, j'aimerais faire quelques commentaires sur certaines des questions qu'ont soulevées des députés du comité au cours de séances précédentes.
On a posé des questions précises sur le nombre de traités historiques conclus dans les Maritimes, sur les signataires en cause et sur les bénéficiaires actuels des traités.
Entre 1725 et 1779, la Couronne britannique a signé un certain nombre de documents historiques avec les Micmacs, la Malécites et les Passamaquoddy. Ces documents sont communément appelés traités. Toutefois, la Cour suprême du Canada a conféré à seulement trois d'entre eux le statut de traité au sens de la Constitution. Il s'agit des deux traités de Laheve, signés en 1760 et 1761, ainsi que du traité de Cope, conclu en 1752.
Je crois savoir que mon collègue, M. Dhaliwal, a déjà remis aux membres du comité une copie des traités de Laheve. On remettra aux membres du comité qui en feront la demande une copie des autres documents de 1760 et 1761, dont le libellé est essentiellement le même que celui des traités de Laheve. Il convient cependant de préciser que les tribunaux n'ont pas déterminé le statut de ces traités en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Cette réserve s'applique également aux autres documents historiques dont on connaît l'existence dans les Maritimes. Vous pourrez aussi obtenir ces documents sur demande.
Par ailleurs, pour reconnaître les groupes autochtones signataires d'ententes historiques avec la Couronne, il importe de se rappeler les frontières géographiques des Maritimes et leur situation politique dans les années 1700.
Dans son arrêt Marshall, la Cour suprême faisait remarquer que:
-
les Britanniques ont signé avec diverses communautés micmaques une
série d'ententes qu'ils entendaient consolider en un traité global
avec les Micmacs, mais qui, dans les faits, n'a jamais vu le jour.
Le juge qui a présidé le procès [...] a conclu que, à la fin de
1761, des traités similaires avaient été conclus avec tous les
villages micmacs de la Nouvelle-Écosse.
Il importe de souligner que, durant l'époque coloniale, les terres de la Nouvelle-Écosse englobaient le Nouveau-Brunswick, tel qu'on le connaît aujourd'hui.
L'autre question portait sur les bénéficiaires actuels des traités de 1760 et 1761. La décision Marshall, rendue par la Cour suprême du Canada, reconnaissait la difficulté d'établir un lien entre les signataires des traités historiques et certaines Premières nations contemporaines. Ce problème est attribuable à la migration des Premières nations, aux mariages ayant uni des membres de nations différentes, aux politiques gouvernementales visant à former des bandes et à d'autres mesures, comme la centralisation des réserves.
En dépit de ces difficultés, le gouvernement du Canada est d'avis que ce sont les communautés qui sont les «manifestations modernes» des collectivités signataires des traités initiaux qui devraient, de nos jours, se prévaloir des droits qu'a reconnus la Cour suprême dans son jugement Marshall. Selon le gouvernement du Canada, il est fort probable qu'à l'heure actuelle, ces collectivités se sont constituées en bandes au sens de la Loi sur les Indiens. Toutefois, d'autres personnes peuvent s'ajouter à ce nombre, si elles arrivent à démontrer qu'elles entretiennent un lien quelconque avec la collectivité bénéficiaire.
• 0915
Je crois qu'une interprétation rigoureuse et restreinte de
l'arrêt Marshall n'aura d'autre effet que d'accroître le nombre de
litiges. Il faut comprendre que les traités de paix et d'amitié
n'envisageaient pas la possibilité que les groupes autochtones
cèdent leurs droits sur les terres et les ressources. Aujourd'hui,
les collectivités autochtones font valoir d'autres droits et
d'autres titres ancestraux sur leur territoire traditionnel, et ces
revendications vont au-delà des droits issus des traités dont il
est question dans l'arrêt Marshall.
Les tribunaux ne cessent d'encourager les gouvernements et les Premières nations à privilégier la négociation aux litiges pour régler les questions laissées en suspens. Voilà pourquoi le gouvernement du Canada a choisi de s'acquitter de ses obligations en vertu des traités et de travailler dans le respect de la décision Marshall, facilitant ainsi le règlement des questions entourant d'autres droits qui pourraient continuer d'exister.
Monsieur le président, espérant avoir abordé certaines de vos préoccupations, je suis maintenant disposé à répondre à vos questions.
Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur le ministre. Nous apprécions le fait que, dans votre présentation, vous avez traité de certaines des grandes préoccupations que le comité a exprimées dans le passé.
Comme nous sommes très pressés par le temps, je vais inviter les députés à se monter le plus concis possible dans leurs questions. Le ministre doit bientôt partir pour une réunion du Cabinet qui, si je ne m'abuse, se tiendra à 10 heures.
Nous allons commencer par M. Cummins.
M. John Cummins (Delta—South Richmond, AC): Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur le ministre, au deuxième paragraphe de votre déclaration, vous dites
-
[...] que les bénéficiaires des traités de 1760 et 1761 possédaient
les droits de pêcher, de chasser, de faire la récolte et
d'effectuer le commerce des produits tirés de ces activités comme
moyen de «subsistance convenable».
Vous indiquez par ailleurs que la Cour suprême du Canada l'a précisé dans le jugement Marshall.
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec votre affirmation parce que voici ce que dit clairement la note d'introduction de l'arrêt Marshall
-
L'arrêt Marshall portait toutefois sur la pratique de la pêche à
l'anguille pendant une période de fermeture, en contravention de la
réglementation fédérale sur les pêches. Dans son jugement du
17 septembre 1999, la majorité de notre Cour a statué que Marshall
avait établi l'existence et la violation d'un droit issu d'un
traité local autorisant les Micmacs à pêcher commercialement
l'anguille sur une petite échelle.
J'ai beau parcourir l'arrêt Marshall de long en large, mais je n'y vois pas d'allusion au fait que les bénéficiaires des traités de 1760-1761 ont le droit, comme vous semblez le laisser entendre, de conduire des activités comme moyen de subsistance convenable. Je ne vois donc pas d'où sort cette notion et je suis certain que vous allez nous éclairer sur le sujet.
Le président: Monsieur le ministre.
M. Robert Nault: Comme je l'ai indiqué dans ma déclaration, pour comprendre le lien entre les Premières nations et leurs traités ainsi que nos obligations en vertu de ces traités, il faut aborder la chose dans un contexte très large plutôt et non se limiter à des paramètres étroits, comme semble le suggérer mon homologue.
M. Cummins aurait pu, à juste titre, soutenir que cette cause ne concernait qu'une espèce de poisson et rien d'autre. Il va de soi, cependant, que si les tribunaux indiquent très clairement qu'il existe, dans ce domaine, des droits ancestraux et issus de traités, deux possibilités s'offrent à nous: d'abord, comme certains l'ont laissé entendre, nous pouvons toujours nous en remettre aux tribunaux pour continuer de définir cette relation ou alors accepter la position du gouvernement, à savoir que nous sommes juridiquement tenus de respecter les traités en question et que nous devons instaurer une relation moderne fondée sur les traités eux-mêmes. Telle est la position du gouvernement et telle est l'avis juridique qu'on nous a donné.
Tout cela est très semblable à la situation de la Colombie-Britannique: malgré l'absence de traités liant la province aux Autochtones, les tribunaux ont précisé qu'il existe des droits ancestraux en Colombie-Britannique. Il est, par ailleurs, reconnu que les traités de paix et d'amitié n'ont pas supprimé les droits que les autochtones possèdent sur les terres et sur les ressources, puisque ces traités n'étaient justement que des conventions de paix et d'amitié.
Ce que nous soutenons, monsieur le président, c'est qu'il vaut mieux entamer des négociations pour parvenir à un accord à long terme qui permettra de répondre aux besoins des Autochtones et des non-Autochtones dans la région de l'Atlantique.
Le président: Monsieur Cummins.
M. John Cummins: Les traités de la côte Ouest concernaient précisément des types de pêche bien particuliers. Ils n'avaient rien de général dans leur application. Comme vous le savez sans doute, la cause Gladstone concernait les Autochtones Heiltsuk de Bella Coola et de Bella Bella, dans la partie centrale de la côte de la Colombie-Britannique. Il était question d'oeufs de hareng pondus sur algue et l'on y reconnaissait le droit des Autochtones de pêcher ce type de produit. Quant à la cause Van der Peet, elle concernait la pêche du saumon dans le Fraser.
Aucun tribunal n'a jamais parlé de plus d'une seule espèce et cela tient principalement à la définition de ce qu'est un droit ancestral. Un droit ancestral se définit, dans la pratique, comme une caractéristique que possédait une communauté autochtone avant le contact avec l'Européen.
Vous pouvez toujours défendre l'approche très large que vous proposez, mais il se trouve que le ministère de la Justice en a adopté une autre. J'aimerais savoir pourquoi votre ministère et le ministère des Pêches et Océans entretiennent le point de vue que vous venez de nous exposer.
M. Robert Nault: Eh bien, monsieur le président, comme l'a indiqué mon collègue avant moi et comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons une position très différente de celle défendue par M. Cummins et par son parti. Il est évident que cette situation n'est pas prête de changer, ni ici ni ailleurs.
Au gouvernement nous estimons être investis de l'obligation légale de respecter les traités et de définir les rapports fondés sur les traités en fonction de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Nous sommes aussi intimement convaincus qu'il n'appartient pas aux tribunaux de définir nos relations avec les peuples autochtones. Cette tâche incombe à des gens comme nous, qui ont été élus pour instaurer le genre de relations et de politiques qui pourront fonctionner dans le cas des peuples autochtones et des non-Autochtones.
Voilà donc la différence d'opinion fondamentale qui nous sépare. Je n'espère pas réconcilier ces différences entre le gouvernement et l'Alliance devant votre comité, mais je peux vous dire que nous sommes très à l'aise dans notre position, parce que nous croyons que c'est la meilleure. Voilà pourquoi nous avons instauré une stratégie de négociation à long terme dans l'Atlantique et dans les Maritimes, sur la foi de l'arrêt Marshall qui a confirmé l'existence de droits issus de traités.
Les tribunaux, contrairement à leur habitude, ne sont pas allés dans tous les détails de ces droits issus de traités. Cependant, dans chaque jugement que je me rappelle avoir lu au cours des 12 ou 13 dernières années, les tribunaux n'ont eu de cesse de nous répéter que le gouvernement ne doit pas se tourner vers les tribunaux pour faire définir ce genre de relation, mais qu'ils doivent en négocier les conditions. Il est beaucoup plus approprié que des gens comme vous et moi définissions ces besoins modernes, par l'intermédiaire de nos négociateurs bien sûr.
M. John Cummins: Il est évident que l'objet de tout cet exercice est d'interpréter les droits issus de traités existants et de les prendre en compte. Les tribunaux se sont montrés cohérents sur ce point. Toutefois, je ne pense pas qu'il nous appartienne de créer des droits ancestraux ni des droits issus de traités.
Le ministère de la Justice a, par exemple, bien établi qu'en ce qui concerne la pêche au homard, il n'existe pas de droit ancestral inhérent. Le principal témoin expert du gouvernement, M. Patterson de l'Université du Nouveau-Brunswick, a déclaré qu'il n'existe aucune preuve historique établissant que les Autochtones ont pêché le homard d'une façon qui pourrait nous permettre de conclure à un droit ancestral. Nous nous retrouvons donc encore une fois dans une situation où un produit de pêche autochtone risque d'être menacé. D'ailleurs, le ministère des Pêches et Océans a limité le nombre de nasses pouvant être posées pour ce type de pêche alimentaire. Cependant, cette pêche n'est pas fondée sur un droit de traité ni un droit ancestral, elle relève d'une politique du gouvernement. C'est ainsi qu'il faut voir les choses.
La Cour a par ailleurs laissé entendre que les négociations avec les Autochtones devaient déboucher sur la réconciliation entre les communautés autochtones et les collectivités non autochtones. Vous vous trouvez à ériger des obstacles à ce processus en créant des droits qui n'existaient pas. Cela va donner lieu à des conflits, comme ceux auxquels nous avons assisté l'été dernier dans les provinces maritimes et, depuis plusieurs années, en Colombie-Britannique.
M. Robert Nault: Monsieur le président, je ne peux que réitérer ma ferme conviction: le mieux, pour notre gouvernement et pour notre société, consiste à saisir cette occasion pour instaurer une saine relation avec les Autochtones.
La décision Marshall nous a montré très clairement ce qui peut arriver quand on laisse aux tribunaux le soin de définir les choses pour nous. Si j'osais, je vous dirais que le gouvernement s'est «fait prendre les culottes baissées», qu'il n'était pas prêt à s'attaquer à un dossier qui revêt une telle importance dans cette région du pays.
Si, à l'époque, nous avions été installés à la table des négociations avec nos homologues, avec les provinces et les Premières nations, nous n'aurions certainement pas connu ce genre de confrontation, due au fait que nous avons attendu que les tribunaux nous disent s'il existait ou non des droits issus de traités. Ils ont bien sûr confirmé l'existence de ces droits que le gouvernement reconnaît.
Le président: Madame Tremblay.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Neigette-et-la Mitis, BQ): Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur le ministre. Merci d'avoir été enfin capable de venir nous rencontrer, parce qu'on vous a fait, à plusieurs occasions, l'invitation de venir nous rencontrer, mais cela ne s'est pas concrétisé.
Loin de moi l'idée de contester les droits ancestraux. Je pense que la position de notre parti là-dessus est claire: on n'a absolument pas l'intention de contester cela. Je partage également tout à fait votre philosophie, soit qu'il vaut mieux s'asseoir à une table de négociation que de se présenter devant les tribunaux. Mon père avait l'habitude de nous dire que la pire des ententes valait encore mieux que le meilleur des procès. Alors, s'asseoir et négocier, c'est une approche qui me sourit.
Maintenant, ce qui me gêne, ce sont des choses que j'entends à mon bureau dans ma circonscription. Par exemple, depuis que je suis porte-parole aux Pêches, des personnes me disent qu'elles avaient voulu acheter un permis de pêche et un bateau, à un endroit donné, qui avaient été évalués à la juste valeur de 800 000 $. Toutefois, c'est le gouvernement qui allait les acheter pour les autochtones au prix de 1,5 million de dollars.
Ce qui est un peu dérangeant, pour nous en tout cas, c'est qu'il semblerait que vous ayez fait de la surenchère et des offres assez alléchantes qui font que les gens ne sont pas intéressés à vendre, excusez-moi, aux Blancs. Ils préfèrent vendre aux autochtones parce que c'est vous qui allez payer et qui allez payer deux fois plus cher ou à peu près. C'est une chose qui dérange.
La deuxième chose qui dérange, c'est que si les autochtones veulent qu'on respecte leurs droits ancestraux dans les négociations, c'est impossible qu'ils espèrent avoir le meilleur des deux mondes. Ce qui dérange un peu les gens, c'est qu'ils ont l'impression qu'on prend une telle attitude de coupable à la table de négociation, en pensant à ce qu'on leur a fait, qu'on est prêt à tout donner pour tout se faire pardonner. C'est un peu l'impression que donne l'approche adoptée dans les négociations.
Êtes-vous en mesure de nous confirmer que vous avez vraiment acheté les bateaux beaucoup plus cher que ce qu'ils valaient en réalité ou, au contraire, de nous démontrer par des documents à combien les bateaux et les permis étaient évalués et combien vous les avez payés?
[Traduction]
Le président: J'ai l'impression que votre question porte sur un sujet qui relève en fait de la compétence du ministre des Pêches et Océans.
M. Robert Nault: Vous avez tout à fait raison, Monsieur le président. Le ministre des Affaires indiennes n'a pas à intervenir dans le processus à court terme, comme nous l'appelons, qui consiste à donner aux peuples autochtones un accès immédiat aux pêches. Ce faisant, je n'ai pas d'information sur les coûts.
De concert avec le ministre des Pêches et Océans, nous avons décidé de conclure un accord de trois ans, sous toutes réserves, justement pour nous dégager de tout ce processus de surenchère et permettre aux Autochtones d'accéder à une industrie qui est contingentée. Nous comprenons tout cela. Toutefois, madame Tremblay, je n'ai pas de détail à cet égard et je ne participe pas non plus à ce processus.
• 0930
Le gouvernement m'a confié la tâche d'examiner les
répercussions à long terme de la décision Marshall et de nous
préparer à négocier avec les Micmacs et les Malécites, surtout dans
les régions d'application de l'arrêt Marshall. Nous avons conclu
qu'il s'agit de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, sans
doute de l'Île-du-Prince-Édouard et également de Gaspé. Nous en
sommes à l'étape des discussions exploratoires avec les Premières
nations de Gaspé. J'ai cru comprendre que nous avons entamé des
discussions avec les Premières nations de l'Île-du-Prince-Édouard
pour déterminer s'il existe un droit de traité dans cette région.
Nous avons aussi ouvert des discussions et des négociations
formelles en Nouvelle-Écosse. Je crois pouvoir affirmer, monsieur
le président, que nous allons entreprendre ces discussions
exploratoires au Nouveau-Brunswick, au côté du gouvernement
provincial.
Nous avons eu des entretiens positifs avec les gouvernements concernés. Par ailleurs, nous nous sommes directement entretenus avec le gouvernement du Québec à propos des relations avec les Premières nations dans la région de Gaspé. Nous nous comprenons les uns les autres et nous savons qu'il faut explorer davantage la question sur ce plan, si bien que ces discussions exploratoires se poursuivront.
C'est cela le rôle du ministre des Affaires indiennes, ce n'est pas le processus à court terme, comme nous l'appelons, qui consiste à favoriser l'accès immédiat aux pêches afin que les Autochtones bénéficient d'un moyen de «subsistance convenable».
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Je dois vous indiquer que M. Molloy restera après le départ du ministre et que nous pourrons nous tourner vers lui pour obtenir éventuellement des éclaircissements sur ce que nous aura déclaré le ministre.
Monsieur Farrah.
[Français]
M. Georges Farrah (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, Lib.): Merci, monsieur le président.
Dans la foulée de l'intervention qu'a faite Mme Tremblay, je suis d'accord qu'il y a une insatisfaction ou une incompréhension à l'égard de ce qui se passe dans l'achat des permis.
Quand le ministre s'est présenté devant nous il y a quelques semaines—un mois ou un mois et demi—par rapport à l'arrêt Marshall, je lui avais fait remarquer que le jugement de la Cour suprême peut réparer une injustice, mais que l'impression qui demeure, c'est qu'il est en train d'en créer une autre. Réparer une injustice en en créant une autre crée une nouvelle problématique et ne règle pas nécessairement le problème qu'on sait très complexe.
Voici ma question. Dans le domaine du crabe notamment, dans la zone 12, il y a des entrepreneurs, des propriétaires d'usines de pêche qui ne savent pas d'une année à l'autre quelle quantité de crabe ils vont pouvoir transformer, car les négociations se font souvent à la dernière minute. Donc, il y a des permis qui passent des pêcheurs blancs aux pêcheurs autochtones à la dernière minute.
Ce qu'on ne sait pas, par ailleurs, c'est quelle quantité de poissons ou de crustacés il faut accorder aux autochtones pour répondre au jugement de la Cour suprême, pour respecter l'arrêt Marshall. Par conséquent, personne ne sait quelle est la cible à atteindre et d'année en année, il y a un effritement de la ressource accordée aux communautés blanches. On comprend qu'il faut réparer une injustice envers les autochtones, mais si je prends...
[Traduction]
Le président: Georges, je ne veux pas vous interrompre, mais il ne faudrait pas que vous passiez trop de temps sur une question à laquelle je sais fort bien que le ministre ne peut répondre. C'est un des problèmes que nous avons. Nous avons essayé de faire venir les deux ministres en même temps, mais cela s'est avéré impossible. La question que vous venez d'aborder relève essentiellement de la compétence du ministre des Pêches. M. Nault, lui, s'occupe des discussions générales, alors que le ministre des Pêches et Océans est chargé de la négociation des traités en ce qui concerne les pêches. Ne l'oubliez pas.
[Français]
M. Georges Farrah: D'accord, monsieur le président. Il faut que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien soit quand même conscient qu'à un moment donné il faudra se donner une cible à atteindre. Lui aussi est présent à la table de négociation. Je pense qu'il est important de le sensibiliser à cette question sur laquelle j'aimerais avoir son point de vue, parce qu'actuellement, il n'y a pas de cible. On ne sait pas quand va s'arrêter cette façon de faire qui crée une injustice flagrante. C'est important de le souligner. J'aimerais avoir ses commentaires là-dessus.
Le président: Monsieur le ministre.
M. Robert Nault: Si j'ai bien compris votre question vous dites que les préoccupations exprimées par les blancs, relativement au respect de nos obligations découlant du décret Marshall et de la subsistance convenable, touchent essentiellement aux pêches.
J'ai déclaré à plusieurs reprises, et je n'ai pas été le seul, que cette décision ne concerne pas uniquement les pêches. La notion de subsistance convenable et les obligations qu'elle représente pour nous ne se limitent pas aux pêches. Le tout s'inscrit dans le cadre plus global de l'instauration d'une accise économique pour les Premières nations de l'Atlantique, des Maritimes.
À court terme, je comprends la frustration de ceux qui estiment qu'on ne sait pas exactement ce que vont donner les négociations entreprises, négociations qui vont certainement s'échelonner sur plusieurs années. Mais encore une fois, du point de vue du gouvernement, je tiens à rappeler que si nous nous lançons dans ce genre de négociation très large à long terme, c'est que nous voulons nous acquitter de nos obligations issues des traités, et pas simplement sous l'angle des pêches.
Je ne pense pas que nous parviendrons à satisfaire à nos obligations découlant de traités autour de cette table, en nous limitant uniquement aux pêches et en évacuant les autres formes de subsistance convenable. D'autres secteurs du gouvernement fédéral vont être appelés à s'occuper de ces différents aspects.
Je ne connais pas grand chose à la pêche au crabe ni à la zone 12, qui ne relève pas de ma compétence de ministre des Affaires indiennes. Nos négociateurs communiquent entre eux de façon régulière. M. Molloy et M. MacKenzie ont eu la possibilité de s'entretenir de toutes ces questions-là et des relations entre le processus à court terme en ce qui concerne les pêches et le processus à long terme dans lequel nous voulons nous lancer. Mais nous en sommes à l'amorce de nos discussions sur le processus à long terme.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Je crois comprendre que vous allez partager votre temps, messieurs Farrah et Assadourian.
M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'ai trois petites questions à poser. D'abord, est-ce que, depuis 1725, des traités conclus entre les Autochtones et les gouvernements provinciaux ont porté sur les pêches?
Deuxièmement, M. Molloy pourrait-il nous faire le point des négociations? Où en sommes-nous maintenant?
Troisièmement, monsieur le ministre, à la page 4 de votre allocution, au quatrième paragraphe, vous dites:
-
J'ai également demandé à M. Molloy de consulter nos partenaires
micmacs, malécites et provinciaux au sujet de la possibilité de
créer une commission des traités.
Est-ce que vous pourriez nous en dire un petit peu plus à ce sujet?
Le président: Merci.
Si vous avez encore le temps, monsieur le ministre, je vais vous laisser le soin de répondre à cette question.
M. Robert Nault: Pourriez-vous répéter votre première question?
M. Sarkis Assadourian: Combien de traités ont été signés entre les gouvernements provinciaux concernés, le gouvernement fédéral et les Autochtones depuis 1725?
M. Robert Nault: Autant que je sache, il n'y en a pas eu. Les gouvernements provinciaux n'ont signé aucun traité. Vous parlez ici d'un traité tripartite, en quelque sorte.
M. Sarkis Assadourian: Juste en ce qui concerne les provinces et les Autochtones.
M. Robert Nault: Eh bien, je confirme qu'il n'y en a pas eu.
Je pourrais toujours vérifier, mais autant que je sache, les provinces n'ont signé aucun traité avec les Premières nations. Dans le passé, c'était la Couronne d'Angleterre qui s'en occupait et, dans les temps modernes, aucun traité du genre n'a été signé.
M. Sarkis Assadourian: Donc, depuis 1867 il n'y a eu aucun traité de signé.
M. Robert Nault: Aucun.
Le président: Pour ce qui est de la deuxième question, c'est-à-dire le point sur les négociations, pourrions-nous attendre le départ du ministre? Nous y reviendrons donc plus tard.
M. Sarkis Assadourian: Et la troisième question...
M. Robert Nault: Celle de la commission des traités.
M. Sarkis Assadourian: ...la commission tripartite.
M. Robert Nault: L'aspect le plus important pour les Canadiens et pour les Premières nations tient au respect de nos rapports fondés sur les traités. Je suis tout à fait d'accord avec cela. Si nous voulons instaurer une relation véritable avec les Premières nations, il est important d'informer les gens et d'effectuer des recherches sur nos traités.
J'en reviens à ma déclaration liminaire. Plusieurs ententes, signées entre différentes Premières nations et la Couronne, n'ont pas encore été considérées comme des traités par la Cour suprême. Allons-nous attendre que les tribunaux décrètent que tel est le cas ou allons-nous discuter avec les Autochtones, par l'intermédiaire d'une commission des traités? Allons-nous effectuer des recherches et allons-nous prendre des décisions, en tant que peuple canadien, relativement au genre de relations que nous voulons instaurer?
Nous estimons qu'une commission des traités aurait un double rôle à remplir. Le premier consisterait à informer les Canadiens sur nos rapports fondés sur les traités, afin qu'ils sachent mieux ce dont il est question. Nous voulons avoir des commissions des traités partout au Canada et pas seulement dans l'Atlantique. Comme vous le savez, il y en a déjà une en Saskatchewan et en Colombie-Britannique. Nous sommes en train de négocier avec le gouvernement de l'Alberta l'instauration d'une commission des traités dans cette province, et nous faisons la même chose au Manitoba. En outre, nous en sommes à l'étape des discussions préliminaires avec l'Ontario.
Nous voulons faire connaître la nature du rapport qui nous unit aux Autochtones et c'est pour cela que nous avons entamé ces discussions sur la création de commissions des traités, sur le rôle qu'on pourrait leur confier et sur le genre de paramètres autour desquelles nous allons les structurer. Voilà pourquoi nous estimons qu'il est important d'instaurer une telle commission dans l'Atlantique.
Bien sûr, nous nous opposons toujours à l'argument de ceux qui divergent d'opinion avec nous—et il y en a autour de cette table—de ceux qui voudraient qu'on laisse le soin à la Cour suprême de définir pour nous la nature de ces traités. J'estime que ce serait triste, monsieur le président, pour le gouvernement du Canada et pour le peuple canadien, parce que nous renoncerions à nos responsabilités d'élus, responsabilités qui consistent à prendre les bonnes décisions au nom des Canadiennes et des Canadiens. On pourrait toujours nous rétorquer—et je l'avoue bien franchement devant votre comité—que certaines décisions seront prises pour des raisons liées à la politique gouvernementale plutôt qu'à des considérations légales. Quand on veut créer une relation de nature politique, il n'est pas simplement question d'appliquer la loi, mais d'essayer de travailler et de vivre ensemble, de progresser, ce qui incombe en partie aux élus que nous sommes.
Le président: Merci.
Monsieur Lunney.
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, AC): Merci, monsieur le président. J'ai une seule question à poser et je laisserai ce qui reste de mon temps à M. Cummins.
Nous avons, ici, affaire à un enjeu fondamental qui touche aux ressources naturelles, aux ressources qui appartiennent à tous les Canadiens et, quelles que soient les règles appliquées pour exploiter ces ressources, il faut qu'elles soient les mêmes pour tout le monde. Je pense que bien des Canadiens sont contrariés par le fait que vous envisagez d'envoyer un policier à bord d'un bateau pour déterminer si tel ou tel pêcheur est blanc ou indien. Peu importe les règles appliquées, elles doivent être valables pour tout le monde.
Nous avons bien d'autres races dans notre village global. Il y a par exemple, les Talibans, qui veulent imposer le port de badges à une partie de la population afghane, ce qui a provoqué une levée de boucliers dans le reste du monde. Comment le ministre peut-il espérer parvenir à l'harmonie à long terme en accordant des droits différents aux uns et aux autres.
Dans vos négociations avec les Premières nations, vous parlez de souveraineté relativement aux vielles colonies de peuplement et aux traités en fonction desquels les Autochtones semblent avoir établi leurs propres règles en matière de ressources. Le poisson, lui, ne respecte aucune limite géographique ni aucune limite inhérente à un traité. La ressource appartient à tout le monde. Personnellement, j'estime que les règles d'exploitation doivent s'appliquer à tout le monde. Si le ministre veut accorder un nombre X de permis aux Autochtones, la distinction devra porter sur le permis et non sur la race, pour que le policier surveillant les pêcheurs ait à déterminer qui est porteur d'un permis et qui ne l'est pas, sans égard à la race. Nous connaissons sans doute tous des Autochtones qu'on ne peut différencier a priori du reste de la population. J'ai traité avec des Autochtones qui sont tout aussi blancs que moi et qui, pourtant, portent dans leur poche une carte attestant de leur appartenance.
• 0945
Cela étant, le ministre peut-il nous expliquer en quoi une
répartition des ressources fondée sur la race va favoriser
l'harmonie à long terme?
Le président: Monsieur le ministre.
M. Robert Nault: Monsieur le président, je crois dans la primauté du droit. Je crois qu'après avoir signé un accord avec quelqu'un—que ce soit en 1760 ou en 2001—un gouvernement se doit de le respecter. Je crois que des traités ont été signés et nous devons bien sûr nous entendre sur l'interprétation à donner à ces traités parce qu'aucun de nous n'était là quand ils ont été signés, ce qui complique les discussions. Il n'en demeure pas moins que, selon moi, nous avons une obligation envers les peuples autochtones et on ne peut affirmer que notre argument est fondé sur des distinctions de race, sur ceci ou sur cela...
Nous entretenons une relation plutôt unique avec les peuples autochtones; c'est une réalité qui découle de la formation de notre pays. Nous savons parfaitement que c'est grâce aux traités dans l'Ouest que cette région est aujourd'hui canadienne. À cette époque, la Couronne d'Angleterre avait signé des traités pour protéger notre souveraineté sur ce territoire, contre les Américains.
Vous pouvez toujours aborder la chose sous un point de vue différent. Vous prétendez que le gouvernement fait fausse route en ne garantissant pas un traitement équitable pour tous. Mois, je maintiens que nous parviendrons à maintenir une relation d'équité avec nos Premières nations en admettant que nous avons envers elles une obligation légale de même qu'une obligation politique, celle de maintenir la relation unique qui nous unis et de garantir le bien du pays.
Avons-nous les paramètres nécessaires en fonction desquels négocier? Je le crois. Nous négocions avec les Premières nations sur la base du cadre juridique canadien. Personne n'est donc en droit de suggérer que nous sortons du cadre juridique canadien quand nous discutons avec les Premières nations. Dans ses questions, le député laisse entendre qu'en reconnaissant une certaine souveraineté aux peuples autochtones, nous allons automatiquement leur permettre d'être souverains au sein de la famille canadienne. Tel n'est pas le cas, tel n'est pas notre mandat et il a été dit très clairement à la table de négociation que notre relation doit s'inscrire dans le cadre des lois fédérales et provinciales valables pour tous les Canadiens, y compris pour les Canadiens autochtones.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Je vous autorise une brève question supplémentaire il vous reste environ 45 secondes.
M. John Cummins: Vous avez dit que les négociations s'appuient sur le cadre juridique canadien mais, plus tôt, vous avez dit qu'il n'est pas simplement question de lois mais aussi de politiques. Le ministère de la Justice a insisté sur le fait qu'il n'existe pas de droit légalement confirmé à la pêche au homard pour la subsistance. C'est la loi qui le dit. Pourtant, vous avez ouvert la porte sur la pêche de subsistance aux Autochtones, et vous êtes sorti du cadre juridique. C'est là, je crois, que réside le problème.
Quand le deuxième jugement de la cause Marshall a été rendu, Phil Fontaine vous a écrit le 25 novembre 1999 pour vous faire part de ses préoccupations relativement aux fondements sur lesquels la Cour suprême du Canada s'est appuyée dans cet arrêt pour établir et mettre en oeuvre des droits issus de traités. Dans cette lettre, il parle de limitations géographiques, de limitations démographiques et d'équité d'accès. Histoire de rafraîchir la mémoire du comité, permettez-moi de vous citer ce que la Cour a dit à cet égard:
-
Les traités et les avantages réciproques en découlant avaient un
caractère local. En l'absence d'une nouvelle entente avec l'État,
l'exercice des droits issus de traité se limite aux territoires
traditionnellement utilisés par la communauté locale [...]
Effectivement, dans Barlow, la Cour déclare:
-
Il ne suffit pas à la partie demanderesse de dire: «Nous nous
référons au traité ainsi qu'aux traités mentionnés dans l'arrêt R
c. Marshall»—sans produire le traité ou les traités en question
sur lesquels elle s'appuie ou ne s'appuie pas, ou du moins sans
préciser, par écrit, les traités sur lesquels elle s'appuie.
Le problème est donc le suivant: vous dites vous fonder sur le droit dans vos négociations, mais moi j'affirme le contraire.
Le président: Monsieur le ministre.
M. Robert Nault: Très rapidement, monsieur le président pour demeurer dans les 45 secondes allouées. Je ne suis bien sûr pas d'accord avec le député à cause d'une divergence fondamentale dans la façon dont nous interprétons le droit et la relation avec les Autochtones, situation qui ne va certainement pas changer ce matin.
Le président: Monsieur Stoffer.
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président. Merci monsieur le ministre.
C'est rafraîchissant de vous entendre vous et le ministre Dhaliwal, ainsi que d'autres, prêcher en faveur de négociations pour éviter des litiges. Vous avez dit, tout à l'heure, que vous ne vouliez pas être «pris les culottes baissées». Toutefois, quand la cause Marshall s'est produite, le gouvernement s'est bel et bien fait prendre dans cette situation délicate que vous voulez éviter. En février de cette année, les Micmacs ont fait des pieds et des mains pour parvenir à un règlement négocié, pendant que le gouvernement attendait que la Cour suprême rende son jugement. C'est comme cela que ça s'est passé.
• 0950
C'est donc très rafraîchissant d'entendre le gouvernement
libéral nous déclarer, par la voix de ses ministres, que ce n'est
plus ainsi que les choses vont se passer. Pourtant, vous avez dit
que les Autochtones doivent prouver qu'ils appartiennent à une
sorte de communauté générale, tandis que les Conseils des
Autochtones de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, qui sont
des descendants micmacs, sont exclus de ce processus. Ils estiment
maintenant devoir régler leurs problèmes devant les tribunaux. Si
vous préférez négocier que d'aller devant les tribunaux, pourquoi
ces groupes sont-ils obligés de recourir à la justice pour être
entendus à une table de négociation?
M. Robert Nault: C'est une excellente question et d'après les avis juridiques que nous avons reçus, ces conseils sont des organisations politiques et non des bénéficiaires, ils ne sont pas la manifestation moderne de ce genre de groupe. Ce sont sans doute les bandes elles-mêmes. Nous avons pour mandat de négocier avec ceux que nous estimons être les bénéficiaires modernes des groupes ayant signé les traités de 1760 et 1761. Ainsi, d'un côté, il est évident que nous préférons la négociation au recours aux tribunaux, ce qui ne nous empêchera pas, quand nous estimerons qu'un groupe n'a pas à bénéficier de tel ou tel droit, de le déclarer et éventuellement de nous retrouver devant les tribunaux.
M. Peter Stoffer: Monsieur le ministre, ne voyez-vous pas une contradiction dans ce que vous venez de dire? Tout à l'heure, vous avez déclaré que le gouvernement était tenu de faire participer les Autochtones à la discussion sur le partage des ressources naturelles et maintenant vous dites que vous êtes prêt à aller devant les tribunaux. Vous faites de belles déclarations, mais on devine en filigrane votre intention de recourir à la justice. Ainsi, continuez-vous de fonder vos décisions sur l'aspect légal des choses, quand vous envisagez une obligation ou une politique gouvernementale?
M. Robert Nault: Non. Vous laissez entendre qu'il y a beaucoup plus dans le processus que l'aspect légal. Nous affirmons que les bandes sont sans doute la manifestation moderne des groupes ayant signé les traités, et c'est donc avec elles que nous devons négocier et que nous négocions. Bien sûr, les conseils, comme vous le savez, n'existaient pas à cette époque et nous estimons donc qu'ils ne sont pas le groupe approprié avec qui négocier. Ils seront représentés par les bandes à la table des négociations. C'est ainsi qu'ils seront représentés, mais pas de la façon dont vous l'avez décrit dans l'énoncé ayant précédé votre question.
Le président: Dernière question, monsieur Stoffer.
M. Peter Stoffer: Très bien.
Mon collègue, M. Lunney, a dit que bien d'autres personnes sont concernées par ce processus également. Vous avez mentionné les provinces tout à l'heure, mais il y a aussi les municipalités qui ont un important rôle à jouer. Des groupes comme les organisations de pêcheurs et les réseaux de collectivités côtières auront également une place non négligeable. Les collectivités non autochtones ont l'impression qu'on est en train de se livrer à un transfert des ressources et que les enfants des pêcheurs blancs n'auront pas autant de possibilités que celles offertes aux Autochtones. Moi, j'essaie de leur dire qu'à long terme tout le monde va en bénéficier. Je vous recommande de demander à votre ministère de veiller à ce que ces gens-là soient intégrés à chaque étape du processus.
Ma question concerne la bande de Conne River, à Terre-Neuve, qui est, elle aussi, d'origine micmaque. Avez-vous des discussions ou des négociations sur ce que ces gens-là estiment être leurs droits ancestraux?
Le président: Merci, monsieur Stoffer.
Monsieur le ministre.
M. Robert Nault: Pour ce qui est de votre dernière question, je vais vous répondre par la négative. On ne considère pas que les Autochtones de Conne River et de Terre-Neuve sont visés par les traités de 1760 et 1761. C'est là aussi notre position juridique.
• 0955
Vous avez soulevé la question de l'intérêt des parties
tierces, notamment des gouvernements non autochtones. On pourrait
bien sûr soutenir—nous l'avons fait dans le passé et nous
continuons de le faire aujourd'hui—que les municipalités sont des
créatures des provinces et qu'elles sont représentées par les
gouvernements provinciaux. Ainsi, nous avons maintenu que ce sont
les gouvernements provinciaux aux tables de négociation qui
représentent les municipalités. D'un autre côté, nous avons
également jugé approprié, ailleurs au Canada—et il n'y a aucune
raison pour que nous le fassions pas dans les Maritimes—de créer
des groupes consultatifs chargés de nous conseiller sur les
intérêts des tierces parties et de veiller à ce que nous
travaillions en commun, pour parvenir à une bonne entente entre
Autochtones et non autochtones.
Je m'attends bien évidemment à ce que M. Molloy, notre négociateur en chef, fasse la même chose dans l'Atlantique que ce qu'il a fait en tant que chef négociateur dans le dossier des Nisga'as pour lequel nous avons tenu des centaines de séances de consultation avec les collectivités non autochtones afin de tenir compte de leur point de vue et déterminer la meilleure démarche à adopter. Cependant, nous ne sommes qu'au début du processus. Je terminerai en vous disant que nous avons l'intention de consulter les Autochtones et les non-Autochtones, parce qu'il en va tout simplement de notre intérêt.
Le président: Monsieur Keddy, pour une dernière série de questions avant le départ du ministre. Vous avez la parole.
M. Gérald Keddy (South Shore, PC): Merci, monsieur le président.
Il est beaucoup question d'accords tripartites avec le gouvernement fédéral, par la voix de son négociateur, avec les provinces, par la voix de leurs négociateurs, et avec les bandes des Premières nations. Cependant, il y a un groupe d'acteurs qu'on a oublié, je veux parler des pêcheurs commerciaux. Vous dites être en liaison avec votre homologue, M. Dhaliwal, de POC. Vous avez également déclaré que M. Molloy parle avec son homologue, M. Mackenzie. Toutefois, j'ai l'impression qu'aucun de vous n'a inclus les pêcheurs commerciaux ni les pêcheurs non autochtones. Pour que votre entreprise réussisse, il faudrait les inclure dans vos négociations. Pour que cette initiative fonctionne, il faut également faire participer l'élément non autochtone.
Je vais vous faire une suggestion avant de passer à ma question. Par exemple, les Premières nations du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse réclament depuis des années des programmes de formation pour les pêcheurs, et il y a une initiative permanente sur ce plan. Il n'y a que deux endroits où l'on offre une formation aux pêcheurs en Nouvelle-Écosse: Halifax et Cap-Breton—en fait, il y en a trois, parce qu'il y a un petit centre à Pictou. En Nouvelle-Écosse, les pêches se situent essentiellement dans la partie sud-ouest de l'île et c'est là qu'il faut répondre aux besoins de formation. Vous avez dépensé 160 millions de dollars et fourni 190 permis et 100 bateaux l'année dernière. Malgré cela, je parie que vous n'avez même pas 50 personnes qui ont été formées et qui sont prêtes à aller pêcher. Pouvez-vous nous dire si des Micmacs se sont effectivement prévalus des possibilités offertes par votre initiative et par l'argent que vous dépensez? Y a-t-il des pêcheurs micmacs qui se soient prévalus de cet avantage découlant du traité?
M. Robert Nault: Non, je n'ai pas de chiffre à vous donner, monsieur Keddy, pour ce qui est des pêches. Cependant, je sais que l'importance de la formation et la meilleure façon de l'articuler ont fait l'objet de discussion. Si l'on veut offrir une formation permanente et faire en sorte que tout le monde puisse, en permanence, se conformer aux règles établies, il faudra disposer d'un centre où accueillir les pêcheurs pour les former. Je crois savoir qu'il y a eu des discussions entre Pêches et Océans, notre ministère et les groupes autochtones sur la façon d'organiser tout cela. Va-t-on passer par les conseils tribaux où l'on installerait des centres de formation? Va-t-on avoir recours à une tierce partie, par exemple en engageant des organismes de formation externes? Quelle est la meilleure formule à appliquer? Les peuples autochtones et leurs responsables sont conscients de ce que vous venez d'énoncer, autrement dit que les choses ne fonctionneront pas bien si nous n'arrivons pas à former correctement les pêcheurs et si nous ne les outillons pas pour qu'ils puissent gagner leur pain quotidien en pêchant. Pour y parvenir, il faudra un peu de temps.
Voilà la raison pour laquelle nous en sommes là, monsieur Keddy. On me dit qu'il faut beaucoup de temps pour amener quelqu'un à être un bon pêcheur. Personnellement, je ne suis pas pêcheur—je le suis, mais je suis pêcheur à la ligne, ce qui est un peu différent. J'estime que plus tôt nous commencerons—et cela rejoint ce que soutenait le ministre Dhaliwal—sans pour autant nous engager à quoi que ce soit à long terme, et plus tôt nous parviendrons à instaurer une relation grâce à laquelle ces gens-là pourront participer à la pêche.
M. Gérald Keddy: Monsieur le ministre, permettez-moi...
Le président: Soyez bref, monsieur Keddy.
M. Gérald Keddy: ...donc, j'ai assez de temps pour ma dernière question.
En fait, les budgets dont vous venez de parler ne vont pas aller aux pêches. Si vous voulez que cette initiative fonctionne, ce n'est qu'en passant par l'actuel système des pêches que vous y parviendrez. On parle plus particulièrement de la pêche au homard. On a assisté à une véritable surenchère des permis, qui sont passés d'une fourchette de 75 000 à 150 000 $ à 750 000, voire 800 000 $ dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, dans la zone 34. Ce faisant, vous venez de retirer la possibilité aux fils et aux filles des pêcheurs de pouvoir se lancer dans ce secteur d'activité, parce que les permis sont inabordables. En plus, voilà que les pêches d'été viennent non seulement menacer la ressource, mais également la longévité de l'industrie.
Le président: Est-ce qu'il y a une question avec tout cela, Gérald?
M. Gérald Keddy: Oui.
Le président: Eh bien posez-la.
M. Gérald Keddy: Quand on parle de pêche au homard, il est question d'un crustacé à carapace dure capturé en hiver. Si vous voulez que les Premières nations participent à cette pêche, il faudra qu'elles le fassent durant la saison officielle, comme cela se fait depuis 50 ans.
Le président: Quelle est votre question?
M. Gérald Keddy: Plutôt que de mener une pêche commerciale d'été.
M. Robert Nault: Monsieur le président, tout à l'heure, j'ai essayé de vous expliquer qu'il existe un processus à court terme, relevant du ministre des Pêches et Océans, qui porte sur la viabilité et la conservation de la pêche commerciale. Nous avons aussi essayé d'expliquer qu'à long terme, nous allons conclure des ententes qui engloberont les accords sur la pêche pour répondre à nos obligations en vertu des traités, ententes qui seront appropriées à l'industrie des pêches et qui permettront de prélever cette ressource de façon viable. Il incombera à notre négociateur de veiller à ce que cela se retrouve dans tout accord que nous signerons pour le long terme. À court terme, je comprends la frustration des gens, parce que nous en sommes tout juste au début d'un processus et qu'il va nous falloir un certain temps avant que les Autochtones et la région en général n'en profitent.
Le président: Voulez-vous faire une dernière remarque avant de partir, monsieur le ministre? Je vois les gens s'agiter autour de vous, pour vous entraîner hors d'ici.
M. Robert Nault: Monsieur le président, veuillez d'abord accepter mes excuses pour le retard que nous avons mis à venir vous rencontrer. Je me réjouis de participer à ce genre d'occasion et de vous faire part de mes commentaires. Si vous le voulez bien, je vous propose de poursuivre la séance avec M. Molloy qui pourra vous faire un rapport sur les négociations.
Il faut qu'une chose soit bien claire. Nous ne parviendrons pas à négocier des équivalences modernes aux traités qui ont été signés avant que n'existe le pays tel que nous le connaissons, sans la participation des provinces. Quelqu'un a dit que nous nous étions «fait prendre les culottes baissées». Je l'ai dit moi-même. Cela est en partie dû au fait que nous ne sommes pas parvenus à faire asseoir les provinces à la table des négociations. Ce gouvernement et les précédents, parce qu'il faut être juste, ont tous indiqué qu'ils préféraient s'asseoir à la table des négociations. Encore faut-il que les gouvernements provinciaux se joignent à nous parce que, sinon, nous ne pouvons pas sortir du domaine de compétence fédérale, selon la constitution, et nous ne parviendrons pas à signer le genre d'entente que nous recherchons.
Je suis donc très heureux de voir que la Nouvelle-Écosse prend les devants et que le Nouveau-Brunswick a pris langue avec le fédéral à propos de l'importance de ce genre d'entente. En fin de compte, les provinces devront les administrer au quotidien à nos côtés et aux côtés de nos partenaires de nos partenaires autochtones. Je tiens à vous dire que le succès que nous remporterons dans l'ensemble du Canada à cet égard dépendra en grande partie des gouvernements provinciaux. Si nous continuons à ne pas prendre nos obligations au sérieux et à nous en remettre aux tribunaux pour définir la nature de la relation avec les Autochtones, nous continuerons d'avoir le genre de conflit que nous connaissons avec les Autochtones.
• 1005
En conclusion, je tiens à vous dire que les règlements
négociés nous permettront, en toute confiance, de bâtir le genre
d'économie que nous voulons pour les Autochtones et pour les
non-Autochtones. C'est déjà le cas en Colombie-Britannique et dans la
région de l'Atlantique et c'est déjà le cas dans des provinces
comme la mienne, l'Ontario. Si nous n'arrivons pas à instaurer ce
genre de certitude dans nos relations avec les Autochtones, nous ne
parviendrons pas à bâtir une économie solide, parce que les
investisseurs n'aiment pas l'incertitude et qu'ils en tiennent
compte.
Pour reprendre l'exemple de la Colombie-Britannique, cette province a perdu énormément d'argent l'année dernière à cause de l'incertitude qui régnait autour du règlement des revendications territoriales et des droits à la propriété. Très honnêtement, monsieur le président, une fois que nous aurons signé ces ententes... Comme des gens du secteur privé me l'ont déclaré à l'occasion de nombreuses rencontres, les gouvernements sont très en retard par rapport à ce que l'entreprise privée désire sur le plan des relations avec les Premières nations.
Sur ce, je vous remercie et j'espère pouvoir revenir vous faire rapport des progrès que nous réaliserons dans la conclusion des ententes avec les Premières nations des Maritimes.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Nous allons maintenant nous tourner vers M. Molloy. Mais avant cela, je propose que nous lui donnions l'occasion de répondre à la question qu'avait posée M. Assadourian tout à l'heure. Tom, pouvez-vous répondre à cette question?
M. Tom Molloy (chef négociateur, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Oui. Nous allons simplement procéder province par province. Il y a des différences entre provinces.
Pour ce qui est de la Nouvelle-Écosse, j'ai rencontré les représentants du gouvernement provincial, à l'échelon officiel. J'ai également rencontré certains chefs. La province et les Premières nations nous ont dit être disposées à participer à un processus devant déboucher sur l'application d'une entente-cadre. Nous attendons que les Premières nations nomment un chef négociateur qui les représentera à la table.
Pour ce qui est du Nouveau-Brunswick, j'ai, là aussi, rencontré des responsables gouvernementaux et je me suis entretenu avec le Conseil Mawiw. Ces réunions m'ont permis de faire connaissance avec ces gens-là, de savoir qui ils sont et de leur expliquer le mandat dont je suis investi, en plus d'avoir une discussion d'introduction. Quant à eux, ils ont pu faire ma connaissance. Nous n'avons engagé aucune négociation de fond dans ces provinces.
Au Nouveau-Brunswick, j'ai rencontré les responsables gouvernementaux et le Conseil Mawiw. Je n'ai pas pu rencontrer le Syndicat des Indiens du Nouveau-Brunswick à cause d'un problème d'agenda. Quand j'étais disponible, il ne l'était pas, et vice-versa. J'espère cependant que je pourrai rencontrer ces gens-là dans un proche avenir.
À l'Île-du-Prince-Édouard, j'ai rencontré les responsables gouvernementaux. Dans les deux prochaines semaines, je rencontrerai certains des représentants des Premières nations. À l'Île-du-Prince-Édouard, nous sommes en train d'examiner l'application des traités. Nous avons effectué quelques recherches de nature historique et nous discutons avec la province et avec les Premières nations.
Au Québec, j'ai rencontré plusieurs chefs de la région de Gaspé. J'ai aussi rencontré les fonctionnaires du gouvernement provincial. Là encore, il est notamment question de savoir quelle recherche effectuer pour déterminer dans quelle mesure les traités vont s'appliquer au Québec. Nous avons déjà effectué certaines recherches et nous en avons discuté avec la province du Québec et les chefs, mais nous voulons déterminer si nous avons besoin de plus d'informations ou pas.
Pour bien préciser les choses, laissez-moi vous dire que nous n'avons pas entrepris de discussion ni de négociation en tant que telles, ni avec les bandes ni avec les provinces. Nous n'en sommes qu'au début.
Le président: Merci, monsieur Molloy.
Madame Tremblay.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Monsieur Molloy, vous nous dites, à ce que j'ai compris, que votre rôle à vous porte sur le long terme. On constate que dans la vie politique, le court terme est long. Que veut dire pour vous le long terme?
• 1010
Vous nous avez exposé clairement la situation: il n'y
a aucune discussion de commencée, aucune négociation de
commencée, et vous vous embarquez dans une négociation à
long terme. Cela veut dire combien de temps?
Qu'est-ce qui va se passer entre maintenant et la fin
du long terme?
[Traduction]
M. Tom Molloy: L'expression «long terme» a deux sens. D'abord, elle veut dire que nous ne parviendrons pas à signer d'accord avant plusieurs mois, voire plusieurs années. Par ailleurs, «long terme» sert à qualifier le genre de solution que nous visons.
Le processus à court terme doit permettre de donner un accès immédiat aux pêches afin d'outiller les Autochtones, mais cette démarche n'est pas liée à leurs droits. Je ne peux donc pas me prononcer avec précision sur le temps qu'il faudra pour arriver à terme. Cela dépendra de la volonté des provinces et de la volonté des Premières nations.
En effet, je peux vous affirmer qu'en ce qui concerne le Canada, nous sommes prêts à entreprendre des discussions avec chacune des quatre provinces en question. Nous aimerions pouvoir débuter tout de suite ce travail, mais il y a les autres, dans chacune des provinces, qui vont en quelque sorte déterminer le calendrier que nous allons suivre et la nature de nos discussions.
Comme le ministre l'a signalé, les provinces apportent beaucoup à la table des négociations et, si elles sont présentes, nous pourrons couvrir plus bien de sujets que si nous devons agir seuls.
Le président: Madame Tremblay.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: J'essaie de saisir quelle est la véritable situation, ce qui n'est pas aussi facile qu'il semble, à moins que je sois fatiguée parce que nous arrivons à la fin de la session.
Si je comprends bien, votre ministère s'occupe du long terme en se basant sur les droits. Le ministre des Pêches, M. Dhaliwal, veut tout de suite donner accès aux pêches afin que les gens puissent aller pêcher.
Les gens vont pêcher dans des conditions qui sont signées à court terme, selon les comportements qu'ils adoptent et qui ne sont pas toujours... À Halifax, un témoin nous a dit jusqu'à quel point était poussée la philosophie des autochtones quant à la protection de la ressource. Plus tard, je lui ai demandé pourquoi lui pêchait à temps et à contretemps. Il nous a répondu qu'il faisait de la désobéissance civile pour que ses droits soient respectés.
Si pendant deux ou trois ans, on leur donne le droit, qui n'en est pas un, ou la permission de pêcher à tort et à travers tout ce qu'ils veulent, sans tenir compte de quotas ou des contrôles, la permission de pêcher en dehors des saisons, au moment où ce n'est pas le temps, etc., comment ferez-vous ensuite pour rétablir le droit basé sur les conditions réelles, alors que pour eux, pendant trois ans, cela aura été le free-for-all?
[Traduction]
M. Tom Molloy: Eh bien, tout cela fait partie de la négociation. Nous sommes prêts à ouvrir les discussions sur l'accès aux pêches à long terme. Le problème, c'est qu'en vertu du processus que je dois appliquer et étant donné le nombre de problèmes à régler, on ne peut envisager—à ma table de négociation—de parvenir à conclure des ententes à temps pour la saison de pêche de cette année ou de l'année prochaine.
Pour éviter le genre de problème que vous venez d'exposer, le ministère des Pêches et Océans, d'après ce que j'ai pu comprendre, a décidé de lancer un processus à court terme pour permettre un accès immédiat aux pêches, sans pour autant avaliser a priori les positions que les parties adopteront à la table des négociations relativement à la mise en oeuvre du processus à long terme et au règlement de ces problèmes.
Le président: Merci, monsieur Molloy.
Monsieur Cummins.
M. John Cummins: Merci, monsieur le président.
Monsieur Molloy, vous avez négocié également l'entente sur le Nunavut, n'est-ce pas?
M. Tom Molloy: C'est exact.
M. John Cummins: Bien! Nous avons largement dépassé le budget prévu dans le cadre de cette opération. Est-ce que cela relevait de votre responsabilité?
M. Tom Molloy: Non.
M. John Cummins: Effectivement, j'en étais sûr. Personne n'est responsable dans ces cas-là. Cependant, je vais vous poser une question...
M. Tom Molloy: J'étais responsable de la négociation du traité, pas...
M. John Cummins: Je comprends bien, mais ce sont les termes du traité qui ont permis ce dépassement budgétaire, à la façon dont j'interprète les choses.
• 1015
Monsieur Molloy, le ministre a laissé entendre dans son
document que les droits issus des traités sont relativement
généraux, qu'ils s'appliquent maintenant à tous les Autochtones.
J'essaie de trouver le passage en question... De toute façon, je
crois que vous n'avez compris. Le ministre n'entend pas
s'intéresser aux traités particuliers signés avec chaque bande.
C'est exact? Je pense que c'est dans son allocution.
M. Tom Molloy: Je pense qu'il a été clair.
M. John Cummins: C'est essentiellement ce qu'il a dit. N'est-ce pas?
M. Tom Molloy: Vous pouvez très bien le lire vous-même.
M. John Cummins: J'essaie de trouver le passage... Essentiellement, il dit qu'il ne va pas s'arrêter au traité individuel pour essayer de trouver qui sont les bénéficiaires modernes de tel ou tel traité.
Dans la cause Mitchell, le ministère de la Justice a déclaré que la ministre avait nié l'existence d'un traité micmac commun, contrairement à ce que tout le monde prétendait. Or, en 1761, les seuls traités signés l'ont été entre les collectivités locales et les Autochtones, ce qui en fait donc des traités locaux. Est-ce que cela ne contre-dit pas ce que le ministre a déclaré tout à l'heure?
M. Tom Molloy: Tout à l'heure, je crois avoir entendu le ministre indiquer très clairement que la décision du gouvernement de négocier les traités ne découle pas uniquement de l'interprétation de la loi, mais qu'il y a aussi un aspect politique. Le gouvernement en est venu à conclure qu'il valait mieux négocier que de contester chaque revendication devant les tribunaux et de s'en remettre à l'appareil judiciaire pour trancher et se faire dire en fin de compte qu'il faut négocier toutes ces questions-là.
M. John Cummins: Mais vous savez fort bien que le gouvernement a appliqué ce point de vue ailleurs. Il l'a fait dans le cas de l'arrêt Sparrow de la Cour suprême du Canada, en 1991, et il a interprété cet arrêt comme devant se traduire par un droit de pêche commerciale du saumon dans le fleuve Fraser. La Cour suprême a renversé cette décision en 1996, mais le gouvernement fédéral s'était déjà lancé dans un programme qui s'est avéré désastreux.
Quant à moi, les choses sont claires et le ministre de la Justice a été clair sur la question de l'emplacement. Il nie que la Baie St. Mary soit située sur le territoire d'une communauté dont aurait hérité la partie appelante, qui est la bande Shubenacadie. Elle nie que la partie demanderesse ait été autorisée à pêcher dans la Baie de St. Mary par la communauté ou par les détenteurs de soi-disant droits de pêche issus de traités dans cette région. C'est ce qu'a déclaré la ministre de la Justice à propos de la cause Mitchell.
Au paragraphe 17 de l'arrêt Marshall, on peut lire:
-
Cela fait, il incomberait alors à l'accusé de démontrer qu'il est
membre d'une communauté autochtone au Canada, communauté qui est
partie à un des traités décrits dans l'opinion majoritaire du
17 septembre 1999, et qu'il exerçait le droit collectif de cette
communauté de chasser ou de pêcher sur ses territoires de chasse et
de pêche traditionnelle.
Dans l'arrêt Marshall il est donc très précisément indiqué que l'activité doit avoir pris place sur des territoires de pêche traditionnels de la communauté. C'est la position qu'adopte la ministre de la Justice dans la cause Mitchell. Il n'empêche que le ministre Nault affirme que cela n'a aucune importance. Où s'applique la primauté du droit dans tout cela?
M. Tom Molloy: Comme nous n'avons pas encore entrepris les négociations sur la pêche à long terme, je ne veux pas préjuger de l'aboutissement de ces négociations.
Le président: Dernière question, John.
M. John Cummins: Vous n'avez pas encore entrepris les négociations à long terme, mais vous allez le faire et vous allez considérablement perturber le milieu de la pêche.
L'autre jour, j'ai lu un article dans le Cape Breton Post. Il y était question d'un groupe de 250 pêcheurs blancs de Yarmouth. On peut lire que Phillip Nickerson, de Yarmouth, accuse le gouvernement de mettre les pêcheurs blancs au chômage à cause de son programme. Il en a assez de travailler uniquement pour payer des impôts qui ne servent qu'à lui retirer son emploi. Personnellement, je n'ai pas l'impression que ce programme soit dicté par des considérations légales. Avez-vous effectué une étude d'incidence économique avant de l'entreprendre?
M. Tom Molloy: Monsieur le président, ce programme relève du ministre des Pêches et Océans.
Le président: John, soyez raisonnable, le ministre a essentiellement répondu à cette question tout à l'heure, vous ne croyez pas?
M. John Cummins: Non. Je veux savoir si M. Molloy est au courant d'une éventuelle étude d'incidence économique grâce à laquelle le gouvernement aurait pu savoir quelles répercussions son programme allait avoir. M. Molloy est le négociateur et il doit être au courant de cela.
Le président: Mais votre question devrait être adressée au ministre des Pêches, parce que c'est lui qui s'occupe de cela.
M. John Cummins: Mais M. Molloy est le négociateur ou pas?
Le président: Certes, mais il négocie les termes d'une entente dans un contexte global. Il ne participe pas aux négociations sur les pêches qui, d'après ce que j'ai compris ici, se font sous toute réserve.
M. John Cummins: Il lui faut d'autant plus savoir si une étude d'incidence économique a été réalisée ou pas.
Le président: Eh bien, monsieur Molloy, répondez comme vous le pourrez.
M. Tom Molloy: Cette question touche à un sujet qui relève du ministère des Pêches et Océans et à des négociations qui sont actuellement en cours. Comme je le disais, nous n'avons pas encore entrepris de négociation à long terme avec qui que ce soit.
Le président: Merci, monsieur Molloy et monsieur Cummins.
Monsieur Stoffer, pour une question.
M. Peter Stoffer: Monsieur Molloy, avez-vous reçu le mandat ou l'obligation de négocier d'autres droits touchant à des ressources naturelles pour les communautés autochtones, dans le cadre de ces discussions?
M. Tom Molloy: Je peux entreprendre des discussions sur toutes les questions de compétence fédérale. Pour ce qui est des sujets de compétence provinciale, ce sont bien sûr les provinces qui doivent s'en occuper. Il y a certes des recoupements, parce que rien n'est délimité dans des petites boîtes, mais mes responsabilités touchent à des domaines de compétence fédérale. Les provinces s'occupent des domaines les concernant.
M. Peter Stoffer: Vous-même et le ministre avez souvent parlé—contrairement à M. Dhaliwal, qui ne l'a pas fait dans ce contexte—de «position du Canada» ou de «perspective canadienne» ou de «point de vue du Canada». Je suis le débat entre le fédéral et le Québec depuis des années, sur la question du Québec, et je n'ai jamais entendu ce genre d'expression du style «le Canada et le Québec»—on parle toujours du «gouvernement et du Québec». Quand vous parlez de la «position du Canada», on dirait presque que vous avez affaire à un groupe international, d'un autre pays.
À ce que je sache, les nombreux groupes autochtones avec qui j'ai l'occasion de m'entretenir se disent fiers d'être canadiens. Le gouvernement fédéral représente aussi les Autochtones, ce qui m'amène à m'interroger sur ce genre de vocabulaire. Est-ce voulu de parler de «point de vue du Canada» plutôt que de «position du gouvernement»? Pourquoi dites-vous cela? J'ai presque l'impression que vous traitez avec des gens qui ne se trouvent pas à l'intérieur de nos frontières.
M. Tom Molloy: Ce n'est certainement pas mon intention quand j'utilise le terme «Canada». Je représente le gouvernement du Canada et j'utilise le terme «Canada» plutôt que «gouvernement» pour bien indiquer qu'il est question du gouvernement fédéral plutôt que d'un gouvernement provincial.
Selon moi, cela n'a pas d'effet sur le respect de la souveraineté des Premières nations. Mais comme le ministre l'a dit, nous négocions dans le cadre de la constitution canadienne. Les compétences des gouvernements fédéral et provinciaux sont protégées par la constitution.
Le président: Dernière question, Peter.
M. Peter Stoffer: Le ministre a indiqué que les conseils autochtones de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick sont des organisations politiques et qu'ils ne font donc pas partie du processus. Toutefois, dans le cas des Nisga'as... Soit dit en passant, je trouve que vous avez fait un excellent travail dans ce dossier et dans celui du Nunavut aussi.
Ces gens-là disent descendre des Micmacs et des Malécites, même s'ils ont quitté leur réserve pour habiter ailleurs. Estimez-vous effectivement qu'ils ne doivent pas faire partie de ce processus, surtout quand on entend le ministre déclarer que le gouvernement est tenu d'inclure tous les peuples autochtones?
M. Tom Molloy: C'est un des problèmes qu'il convient de régler dans chaque province: comment la collectivité des voix, qui représente les droits communautaires, sera-t-elle représentée?
Nous avons indiqué notre préférence: nous souhaitons avoir un négociateur représentant les bandes et les Premières nations, un négociateur représentant le Canada et un autre la province concernée, dans chaque région et à chaque table de négociation. C'est ce que nous voulons. Reste à savoir comment nous allons y parvenir et comment les choses vont fonctionner exactement.
Le président: Merci, monsieur Molloy.
Monsieur Keddy.
M. Gérald Keddy: Merci, monsieur le président.
Monsieur Molloy, je respecte votre différence de position par rapport au MAINC et à POC. Il convient toutefois de souligner que, l'année dernière, nous avons dépensé 160 millions de dollars dans les pêches et que nous avons eu des difficultés avec deux bandes qui n'étaient pas signataires d'un accord sur les pêches.
Cette année, dans le cadre de l'initiative de POC, quatre bandes seulement ont signé—en fait, il y en a cinq, parce qu'il y en a une du Nouveau-Brunswick qui a signé aujourd'hui, d'après ce que j'ai lu dans le journal. Quoi qu'il en soit, il n'y en a que cinq qui ont signé une entente.
Votre tâche est écrasante. Je vais vous poser ma question de façon un peu différente. Étant donné votre expérience avec les Nisga'as—certes, le cas des Nisga'as était très différent de ce que vous allez devoir faire sur la côte Est.
M. Tom Molloy: Tout à fait.
M. Gérald Keddy: Avec les Nisga'as, vous aviez affaire à des communautés beaucoup plus serrées, confinées dans une région géographique donnée et, malgré l'existence d'intérêts non autochtones, comme l'industrie du bois d'oeuvre, vous n'avez presque pas eu affaire à des intervenants blancs à propos des terres revendiquées par les Nisga'as.
Parlez-nous un peu des grandes différences entre ces deux dossiers. Sur la côte Est, vous devez composer avec quatre provinces, 34 collectivités...
M. Tom Molloy: La différence est énorme entre la Colombie-Britannique, les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut, le Yukon, d'un côté, et les autres provinces, de l'autre.
Dans ce cas, il y a un traité qui a été signé et nous pouvons être en présence d'autres droits et intérêts autochtones. D'une façon ou d'une autre, nous devons faire en sorte que les choses fonctionnent tout de suite et nous devons aussi parvenir à trouver une solution définitive au problème.
Je suis tout à fait au courant de l'importance de ces traités pour les tierces parties. C'est certainement une des choses sur lesquelles nous allons nous pencher dans la mise en oeuvre du processus et dont nous allons parler avec les autres parties. Je suis conscient du rôle qu'il va falloir donner aux tierces parties, sur le plan de la prestation des conseils à l'étape des négociations.
Le président: J'ai l'impression que M. Cummins a déjà soulevé la question des études d'incidence économique, tout comme Suzanne.
Tom, je crois qu'il serait très utile que vous effectuiez ce genre d'étude. Dans ma région, je connais des gens qui ont économisé pour se lancer un jour dans la pêche, mais pour l'instant ça leur est impossible, à cause du coût très élevé des permis. Les permis sont très chers à cause de la politique qui a favorisé la revente plutôt que l'émission de tels documents.
Telle est la réalité dans toutes nos régions et il convient de s'y intéresser de près. Les gens sentent les pressions qui pèsent sur eux. Je sais que cela n'a rien à voir avec vos discussions, mais il y a des pressions qui s'exercent sur les pêches, du moins en tant que répercussions immédiates de l'arrêt Marshall. Cela a une incidence sur la possibilité, pour de nouveaux arrivants, d'intégrer le secteur des pêches.
Vous devriez peut-être vous pencher sur cet aspect. Je sais que cela ne relève pas de votre compétence, mais bien des témoins nous ont fait part de ce genre de préoccupation et ces gens-là représentaient toutes les régions.
Monsieur Keddy.
M. Gérald Keddy: Je me rends compte que les gouvernements hésitent—et sans doute à juste titre—à revenir en arrière pour analyser la signature du traité Cope de 1752 ainsi que des traités de LaHave de 1760 et de 1761.
Il vaut sans doute la peine de s'y intéresser. Je ne recommande pas de recourir à la filière juridique plutôt qu'à la filière de négociation, et je suis tout à fait d'accord avec la position du gouvernement à ce sujet. Toutefois, dans le cadre des négociations, il faudra tenir compte des causes juridiques antérieures et il faudra chercher à éviter qu'elles se reproduisent dans l'avenir.
Quand on replace les traités de 1760 et de 1761 en contexte, on se rend compte qu'ils ont été signés en pleine guerre ouverte. Sur la rive sud, il régnait une guerre ouverte entre les Micmacs et les Britanniques à l'époque. Il y a eu les massacres d'Autochtones et de non-Autochtones à Lunenburg, Blockhouse et Rafuse Island. Les Orange Rangers du Roi ont été essentiellement créés pour aller ramasser le reste des Acadiens qui se cachaient encore dans la région et pour poursuivre les Indiens.
Il est évident qu'à l'époque le traité a été signé pour des raisons économiques... Je ne peux pas continuer si vous riez.
Le président: Je suis époustouflé par votre leçon d'histoire, Gérald, mais c'est très bien.
M. Gérald Keddy: Le traité a été signé dans un contexte de guerre et de pressions économiques. La question est donc de savoir ce sur quoi porte ce traité? Quelles circonstances ont plongé les gens dans une situation tellement désespérée qu'ils ont signé les traités en question? Était-ce un traité de guerre, était-ce une entente entre deux nations?
M. Tom Molloy: Tout cela a évidemment une incidence sur la façon dont le gouvernement envisage la négociation.
M. Gérald Keddy: Mais dans ce cas-là, vous n'étiez pas en présence de telles circonstances.
M. Tom Molloy: C'est vrai. Il n'y avait pas de traité et, contrairement à ce qui se passe dans cette partie du pays, il n'y avait pas eu de relations antérieures.
Le président: Merci, monsieur Molloy.
Monsieur Keddy, vous devriez recommander aux membres du comité quelques livres d'histoire pour notre édification.
Y a-t-il d'autres questions? Vous avez cinq minutes, monsieur Cummins.
M. John Cummins: Monsieur Molloy, il y a un instant vous avez parlé des traités en vigueur. Moi, j'avais l'impression que vos négociations avaient pour objet de dépoussiérer certains de ces traités.
Quels traités concernent l'Île-du-Prince-Édouard? Quels traités concernent la région de Gaspé et quels traités concernent la côte sud de la Nouvelle-Écosse? Pourriez-vous nous fournir ces renseignements?
M. Tom Molloy: Tout d'abord, je tiens à préciser qu'il n'est pas question de dépoussiérer les traités. Nous n'allons pas renégocier des traités existants. Quant à savoir quels traités s'appliquent dans chaque province, je ne suis pas en mesure de vous fournir cette information pour l'instant.
M. John Cummins: En 1981, la Direction de la recherche, au ministère des Affaires indiennes, a réalisé une étude intitulée «Anglo-Indian Relations in North America to 1763». J'ai le rapport en question avec moi et je pourrai vous laisser y jeter un coup d'oeil, si vous le voulez. On y dit que les traités de 1760 et de 1761 ne sont guère plus que des documents d'une grande banalité. Avez-vous entendu parler de cette étude?
M. Tom Molloy: Non.
M. John Cummins: Elle a été rédigée par Jack Stagg qui, comme vous le savez, a été sous-ministre adjoint aux Pêches et qui, dans l'affaire Marshall, a été directement responsable...
M. Tom Molloy: Mais il n'est plus dans ce poste.
M. John Cummins: On l'a remplacé il y a quelques jours, mais il avait certainement des choses à dire à propos de la cause Marshall.
Est-ce que vous réfutez cette affirmation à propos des traités de 1760, qui ne seraient guère plus que des platitudes?
M. Tom Molloy: Je ne connais pas cette étude et je ne peux donc pas réagir à ce sujet.
M. John Cummins: Il est intéressant de constater, à propos de cette étude, que, dans ses commentaires sur l'arrêt Marshall, la juge McLachlin a apparemment adhéré aux propos de M. Stagg—qui remontent à 1981—parce qu'elle accordé une importance considérable à son étude.
J'ai l'impression que ce que la juge en chef a déclaré dans l'arrêt Marshall est profondément différent de ce que j'ai entendu ici ce matin. J'ai aussi l'impression que ce qui s'est dit dans cette enceinte diffère considérablement de ce que la ministre de la Justice a déclaré à cet égard. Ma question est donc la suivante. Quand on à affaire à de tels écarts entre ce que déclare la juge en chef de la Cour suprême du Canada, le principal responsable de l'application des lois au Canada et ce que déclare le ministre des Pêches et Océans ainsi que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien à propos de l'arrêt Marshall, comment peut-on s'attendre à ce que les pêcheurs concernés, dont la vie dépend de l'action de ces deux ministres, puissent croire qu'on veille à leurs intérêts?
Le président: Monsieur Molloy.
M. Tom Molloy: Je ne sais pas si je peux répondre à cette question. Je n'ai pas vu les déclarations du ministre à laquelle le député vient de faire allusion, celles du ministre de la Justice.
La question qui se pose est de savoir, comme le ministre l'a déclaré, comment nous allons nous y prendre pour régler ces problèmes. Allons-nous laisser les choses aller et nous en remettre aux tribunaux pour ensuite appliquer des solutions qui n'ont rien de définitif, mais qui sont censées régler les choses au cas par cas? Dans les causes qui concernent le Nouveau-Brunswick, les tribunaux ont déclaré que les Autochtones n'avaient pas de droit de coupe, ce qui ne revient pas à dire qu'ils n'ont pas de tels droits ailleurs au Canada. La cause Marshall donne lieu à la même conclusion. Les tribunaux ont dit: «nous ne sommes pas en mesure de répondre aux autres questions. Vous nous avez posé cette question en particulier et nous avons fondé notre opinion sur telle et telle série de faits.» Allons-nous continuer de nous battre pied à pied devant les tribunaux ou allons-nous nous ranger à l'invitation de ces mêmes tribunaux qui est de régler la question entre nous, la meilleure façon d'y parvenir étant d'asseoir à une même table le gouvernement provincial, le gouvernement fédéral et les Premières nations?
Le président: Ce sera votre dernière question, pour résumer, John.
M. John Cummins: Mon problème, c'est que vous ne tenez pas compte de ce que la Cour suprême vous dit. Vous ne tenez pas compte des lignes directrices qu'elle vous donne. Elle vous a donné des lignes directrices explicites, qu'elle a même repris récemment dans l'arrêt Mitchell, sur ce qui constitue un droit autochtone. Le ministère n'en tient pas compte quand il permet la pêche de subsistance dans la Baie St. Mary. Il n'aborde pas ces questions en conformité avec les orientations de la Cour suprême du Canada, ce qui me contrarie.
M. Tom Molloy: Je crois que nous ne sommes pas d'accord sur l'interprétation à donner à cela et sur l'approche à adopter. Comme l'a déclaré le ministre, la démarche du gouvernement n'est pas fondée sur un raisonnement légaliste. Il a fondé sa démarche sur une politique.
M. John Cummins: Ce n'est pas avec moi que vous n'êtes pas d'accord. C'est avec la ministère de la Justice. C'est cela que vous devez comprendre. C'est contre la tête de ces gens-là que vous allez vous cogner. Je ne cesse de répéter cela depuis le début. C'est l'interprétation que je donne à tout cela, mais il se trouve que c'est également l'interprétation du ministère de la Justice. C'est ce que je n'arrive pas à comprendre. Je ne comprends pas comment un ministère fédéral peut dire telle chose à ce sujet, tandis que des ministres et vous-même avez un point de vue différent et laissez entendre que nous n'avons pas fait notre travail dans cette enceinte.
Le président: John, Je ne crois pas que la ministre de la Justice ait déclaré cela.
M. John Cummins: Mais oui, c'est ce que dit la ministre de la Justice dans ces deux cas.
Le président: Très bien.
Nous allons passer rapidement à M. Keddy pour une brève question, parce que je veux passer à autre chose.
M. Gérald Keddy: Tout à l'heure, nous avons été tous très heureux d'entendre le ministre nous préciser que cette entente ainsi que ces discussions permanentes ne portent pas uniquement sur le poisson. C'est évident. Mais cela m'amène à poser la question suivante: comme tout ce processus ne porte pas uniquement sur le poisson, sur quoi porte-t-il? J'aimerais que vous nous donniez votre opinion à ce sujet.
M. Tom Molloy: Je dirais qu'il porte sur tout un éventail de sujets semblables à ceux qu'on retrouve dans d'autres traités. Cela ne revient pas à dire que le résultat sera forcément le même. Nous n'avons pas encore entamé ce processus avec aucun gouvernement provincial ni aucune Première nation, et nous ne nous sommes pas entendus sur les sujets à négocier. Comme je le disais, si les provinces s'assoient à la table des négociations, il faut s'attendre à ce que nous abordions beaucoup plus de questions que la pêche. Pour ce qui est du Canada, je crois pouvoir dire que nous pourrions parler d'oiseaux migrateurs, de parcs nationaux, de questions d'environnement concernant le fédéral, et ainsi de suite.
Le président: Je vais laisser à Mme Tremblay le soin de poser la dernière question. Mais avant de lui céder la parole, je vous indique que nous sommes saisis d'une motion. Après notre dernière réunion où nous avons accueilli l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers, j'ai demandé à John de nous rédiger une motion pour recommander... Je ne vous donne pas un préavis de 48 heures, parce que je ne pense pas que nous allons nous réunir mardi prochain. Je vais vous lire la motion et vous pourrez y réfléchir pendant que nous poursuivons la discussion. Voici donc la motion:
-
Que le ministre des Ressources naturelles nomme une personne
qualifiée de la pêcherie à un poste à l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des
hydrocarbures extracôtiers.
Encore une fois, cette motion découle de nos échanges lors de la dernière séance.
J'ai besoin de deux choses: votre consentement unanime pour en disposer et un vote sur la motion.
Madame Tremblay, vous pouvez poser votre question.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Monsieur le président, depuis que je fais partie de ce comité, j'essaie d'écouter attentivement et de comprendre ce qui se passe à chaque fois qu'on aborde la fameuse question de l'arrêt Marshall. Très honnêtement, je sens une mauvaise foi, ou plutôt un manque d'ouverture de la part du gouvernement. À chaque fois que le parti de l'Alliance canadienne parle, la réponse est toujours qu'on diverge d'opinion ou d'interprétation, que ce n'est pas ce matin qu'on va changer d'idée d'un côté comme de l'autre, que ce n'est pas ce matin qu'on va se comprendre, que ce n'est pas ce matin ceci, que ce n'est pas ce matin cela.
M. Cummins dit que ce n'est pas avec lui que nous avons une divergence d'opinion mais avec la ministre de la Justice du gouvernement. J'aimerais bien pouvoir consulter un tableau, préparé par nos recherchistes ou quelqu'un d'autre, qui établisse clairement les positions respectives du ministère des Pêches et des Océans, du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, et du ministère de la Justice afin que nous puissions les comparer. Nous pourrions ainsi savoir objectivement si vraiment les deux autres ministres sont en désaccord avec la ministre de la Justice du gouvernement.
Si ce dont nous a parlé M. Cummins constitue une directive, une position officielle de la ministre de la Justice, elle doit bien exister quelque part, et on pourra en discuter une fois pour toutes et déterminer si c'est vrai ou faux. Mais je sens qu'on fait plutôt ces déclarations en se fondant sur des impressions: si c'est l'Alliance canadienne, on est contre; si c'est le Parti libéral, on est contre. Il me semble que ces choses pourraient être établies clairement, et je souhaiterais connaître la position très claire des trois ministres.
[Traduction]
Le président: Madame Tremblay, j'ai l'impression que le premier ministre a très bien indiqué, et à plusieurs reprises, là où se situe son gouvernement à ce sujet. Cette position est celle qu'a exprimée M. Nault tout à l'heure.
Je crois d'ailleurs que nous avons déjà accueilli des représentants du ministère de la Justice, mais peut-être pas à ce sujet. Si le comité veut obtenir des éclaircissements du ministère de la Justice à un moment donné, nous pourrons toujours inviter les gens du ministère. Je ne nous vois pas, pour l'instant, demandant à Alan de rassembler toutes les déclarations faites à ce sujet parce que, avec le temps, elles ont certainement porté sur des thèmes très vastes.
M. John Cummins: Un grand nombre de ces déclarations proviennent de la Cour fédérale, Section de première instance. Il est question de la bande indienne Shubenacadie et du Vérificateur général du Canada. Il s'agit d'un document public.
Le président: Je ne veux pas non plus que nous débattions de cela, mais d'après les décisions qui ont été rendues, j'ai vraiment l'impression que M. Nault nous a clairement énoncé la politique gouvernementale, ce matin. Quoi qu'il en soit, le comité pourra toujours revenir sur cet aspect dans l'avenir.
Dominic dit qu'il y a unanimité autour de la motion que vous ai lue plutôt. Je n'ai pas besoin de comotionnaire.
Des voix: D'accord.
Le président: J'aimerais la modifier un tout petit peu pour qu'elle se lise ainsi:
-
Que le Comité permanent des pêches et des océans recommande au
ministre des Ressources naturelles de nommer une personne qualifiée
de la pêcherie à un poste à l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des
hydrocarbures extracôtiers.
Ai-je un motionnaire?
M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Moi.
(La motion est acceptée)
M. John Cummins: Je tiens à porter à la connaissance des membres du comité la préoccupation exprimée par plusieurs pêcheurs de la Colombie-Britannique relativement à la façon dont le Comité du patrimoine canadien traite le projet de loi C-10. L'ex-directeur général de POC en Colombie-Britannique avait, je crois, promis à un grand nombre de pêcheurs la possibilité de participer amplement à la formulation du projet C-10 ainsi qu'aux séances de consultation du comité, ce qui n'a pas été le cas. Vous vous rappellerez, monsieur le président, que j'ai demandé la tenue de séances communes avec le Comité du patrimoine canadien.
Le président: Ce qui a été refusé.
M. John Cummins: Ce qui ne s'est pas fait. Je ne sais pas ce que nous pouvons faire à ce stade, mais je me suis dit que vous-même, monsieur le président, ainsi que les membres du comité, deviez être mis au courant de cette situation.
Le président: Eh bien cela est simplement consigné au procès-verbal pour l'instant, mais peut-être pourrions-nous ensuite rédiger une lettre à l'intention du président de l'autre comité pour lui faire part de cette préoccupation des pêcheurs, qui estiment qu'on n'a pas tenu compte de leurs points de vue.
M. John Cummins: Je vais donc vous faire remettre des copies des lettres que j'ai reçues pour que vous puissiez les faire traduire et les distribuer ensuite.
Par ailleurs, monsieur le président, la dernière fois vous m'aviez invité à vous communiquer une liste des demandes en suspens, que je vous remets. Voulez-vous que je la lise pour le procès-verbal?
Le président: Non. J'ai vu la liste et je vais y répondre.
La séance est levée.