FOPO Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS
COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 30 octobre 2001
Le président (M. Wayne Easter (Malpèque, Lib.)): À l'ordre, s'il vous plaît.
Nous accueillons aujourd'hui David Rideout, directeur exécutif de l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquiculture, et Stephen Chase, vice-président, Affaires gouvernementales, de la Fédération du saumon de l'Atlantique. Nous avons invité David et Stephen à venir témoigner dans le contexte de notre examen du rapport du Commissaire au développement de l'aquiculture.
Je propose de donner d'abord la parole à David, pour ses remarques liminaires—ce qui lui permettra de faire le point sur l'industrie—puis à Stephen, après quoi nous passerons aux questions.
Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Je sais que nous avons eu du mal à trouver une date pour vous, David, et que nous n'avons quasiment pas donné de préavis à Stephen. Quoi qu'il en soit, vous êtes tous les deux ici et je vous en remercie.
M. David Rideout (directeur général, Alliance de l'industrie canadienne de l'aquiculture): Merci beaucoup.
Je suis très heureux que Stephen et moi-même ayons cette chance de nous rencontrer car cela fait probablement six mois que nous ne nous sommes pas parlé. Je remercie donc le comité de nous réunir.
J'aimerais d'abord remercier le comité de me donner l'occasion de parler de l'industrie canadienne de l'aquiculture. Je sais que je n'ai qu'une dizaine de minutes et je ne vais donc pas vous lire mon mémoire au complet.
• 0910
L'industrie canadienne de l'aquiculture se concentre sur trois
objectifs clés: la salubrité des aliments, la protection de
l'environnement et la compétitivité globale. Nous vous demandons
d'examiner ces trois objectifs avec soin et de nous aider en nous
fournissant les outils nécessaires pour les atteindre. Comment le
gouvernement pourrait-il aider l'aquiculture à atteindre ces trois
objectifs?
[Français]
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Neigette-et-la Mitis, BQ): Monsieur le président, monsieur parle trop vite.
M. David Rideout: Excusez-moi.
Mme Suzanne Tremblay: Merci.
[Traduction]
M. David Rideout: Je vais ralentir. Je faisais attention à ma limite de 10 minutes.
Le président: Ne vous inquiétez pas, nous avons deux heures à notre disposition. Donc, si vous dépassez vos 10 minutes, ce ne sera pas grave.
M. David Rideout: Il est clair que nous avons besoin des outils politiques et réglementaires qui faciliteront une croissance durable de l'industrie et lui permettront ainsi de créer une richesse côtière et rurale additionnelle à partir de l'environnement marin et d'eau douce.
Les outils requis comprennent d'abord un gouvernement efficace. L'un des outils les plus importants que peut fournir le gouvernement à l'aquiculture est un ministère des Pêches et des Océans et une Agence canadienne d'inspection des aliments véritablement efficaces. L'industrie canadienne de l'aquiculture dépend en grande mesure de leur expertise dans des domaines tels que la durabilité de l'environnement et la salubrité des aliments.
Les questions posées au sujet de l'aquiculture soulèvent inévitablement celle de l'aptitude des institutions publiques fédérales et provinciales à résoudre ces préoccupations. Cela est doublement difficile pour l'aquiculture parce que c'est une industrie neuve et que des questions jugées peu importantes dans d'autres secteurs sont cruciales dans celui-ci.
L'industrie canadienne de l'aquiculture, tout comme de nombreuses autres industries basées sur les ressources naturelles, a tout intérêt à ce qu'il existe des normes mondialement reconnues en matière de salubrité des aliments, de durabilité de l'environnement et de santé animale.
Ceci m'amène à notre deuxième grande préoccupation, la santé des animaux aquatiques. Nous avons fondamentalement besoin d'une politique publique exhaustive appuyant un programme national de santé des animaux aquatiques similaire à celui qui vaut pour les animaux terrestres depuis plus d'un siècle. Les éleveurs d'animaux aquatiques sont parfois accusés de causer des problèmes de maladie et d'utilisation excessive de produits thérapeutiques et de pesticides. Ces accusations sont exagérées et ne sont pas corroborées par les faits.
Certes, il est incontestable que l'industrie a fait certaines erreurs à ses débuts. Toutefois, nous avons déployé des efforts considérables pour les corriger mais, malgré l'attention portée à la santé des animaux aquatiques par les vétérinaires, les ichtyopathologistes et les écologistes, sans parler de l'industrie elle-même, nous n'avons toujours pas de politique publique sur la santé des animaux aquatiques.
L'industrie de l'aquiculture représente aujourd'hui une collectivité de professionnels et de chercheurs qui ne cessent d'étudier ces questions et qui sont prêts, désireux et capables de collaborer avec les gouvernements, les professionnels de la pêche, les groupes écologistes et le secteur de la pêche récréative pour élaborer et mettre en oeuvre un programme exhaustif. Nous sommes encouragés par le processus lancé par le truchement du Conseil canadien des ministres de la Pêche et de l'Aquiculture.
Comme elle veut agir de manière préventive, l'industrie a été forcée de devenir experte dans l'élevage des animaux aquatiques et la gestion des maladies. Toutefois, en dépit du travail considérable accompli ces dernières années, l'industrie ne peut pas à elle seule garantir que les aquiculteurs possèdent le réseau d'intervention le meilleur, le plus efficace et le plus rapide face aux maladies.
L'absence de mécanisme de surveillance exhaustif, de système de rapports obligatoires et d'ordonnances de destruction des stocks malades constitue une lacune fondamentale de la stratégie canadienne globale relative aux animaux aquatiques. Personne ne semble remettre en question la nécessité d'un tel programme pour les animaux terrestres, ce que confirme à l'évidence la réaction du gouvernement à l'EBS et à la fièvre aphteuse. Nous aussi devons être capables de réagir rapidement si une épidémie frappe un élevage de poissons.
Je précise par ailleurs que des mesures de protection similaires devraient être fournies pour les poissons sauvages mais, à quelques exceptions près, les parties concernées ne semblent pas aussi conscientes des risques que les aquiculteurs.
J'aimerais que le comité permanent comprenne bien que nous ne réclamons pas ici l'équivalent d'un programme d'assurance-récolte ou d'un programme de type CSFN. Certes, de tels programmes pourraient être utiles à l'aquiculture, mais ils ne sauraient remplacer un programme national de santé des animaux aquatiques.
Notre position est simple: nous avons besoin d'un programme gouvernemental canadien exhaustif de détection précoce et de déclaration obligatoire des maladies des animaux aquatiques. Comme pour les animaux terrestres, nous croyons que cela ne peut être mis sur pied qu'en permettant aux aquiculteurs d'être indemnisés si l'on ordonne la destruction de leurs stocks. Un tel programme serait un outil essentiel pour l'industrie.
• 0915
Troisièmement, nous réclamons un code exhaustif sur les
introductions et les transferts. L'Alliance de l'industrie
canadienne de l'aquiculture a été très heureuse de voir le Conseil
canadien des ministres des Pêches et de l'Aquiculture signer le
Code relatif à l'introduction et au transfert d'organismes
aquatiques, au cours de son assemblée de Toronto du 20 septembre
2001. C'est là une excellente première étape vers la mise en oeuvre
de méthodes de gestion du risque qui nous permettront peut-être
d'utiliser des stocks de géniteurs différents et plus performants.
Notez bien que j'ai dit «première étape», et c'est là que les
recommandations du comité permanent pourraient nous être
extrêmement utiles.
Je dois en effet souligner que, lors des consultations ayant mené à la signature du code, les participants sont convenus que ce nouveau code ne toucherait probablement que 5 p. 100 environ des introductions et des transferts, étant donné que 95 p. 100 des demandes d'introduction et de transfert sont considérées comme étant des demandes de routine. Pour les 5 p. 100 touchés, le code, sous sa forme actuelle, ne permet de tenir compte que des résultats scientifiques alors que chacun convient qu'il faut aussi élaborer des critères d'évaluation sociaux et économiques pour les preneurs de décisions à risque.
J'ajoute qu'il n'existe absolument aucune restriction quant aux mouvements de poissons vivants destinés à l'alimentation, aux aquariums ou aux appâts. Les mesures de contrôle relatives aux eaux de ballast sont faibles, c'est le moins que l'on puisse dire, et plus de 90 p. 100 du commerce mondial, par poids et par volume, est transporté par les eaux. Cela met en danger la biosécurité à la fois de l'aquiculture et des poissons sauvages et, même si nous saluons cette première étape importante d'accord intergouvernemental que représente le code, et il y a encore beaucoup à faire.
Quatrièmement, nous souhaitons des règles du jeu équitables dans l'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Pratiquement chaque exploitation d'aquiculture doit faire l'objet d'une évaluation environnementale pour obtenir un permis, et l'on estime aujourd'hui que cela coûte plus de 100 000 $ à un salmoniculteur, et environ 20 000 $ à un conchyliculteur. Et cela sans savoir même si le site pour lequel la demande est présentée sera accepté, pour autant qu'il soit approuvé en vertu de la LCÉE.
Même si l'industrie de l'aquiculture comprend parfaitement l'intérêt des évaluations au titre de la LCÉE, nous sommes de plus en plus frustrés quand nous entendons dire que le processus est vicié. Il importe que le gouvernement rehausse la confiance du public envers le processus, notamment en ce qui a trait à l'aquiculture. Bien des gens n'ont aucune idée de la rigueur du système parce que les secteurs d'activité reliés à la pêche sauvage ne sont pas assujettis à des évaluations au titre de la LCÉE et parce qu'il semble y avoir une mécompréhension de la rigueur des évaluations.
L'Alliance canadienne de l'industrie de l'aquiculture appuie sans réserve l'approche de la LCÉE et estime que celle-ci devrait s'appliquer aussi à la gestion des océans et des eaux douces. Nous pensons que le processus devrait être rationalisé par des méthodes telles que l'examen par catégorie modèle, et qu'il devrait être plus efficient pour tous les participants. En revanche, nous nous gardons bien de formuler d'autres recommandations dans ce domaine car nous ne voulons pas courir le risque d'être perçus comme essayant de réduire un volet important de notre stratégie globale de durabilité environnementale.
Le cinquième facteur important est la gestion des zones côtières. Bon nombre d'aquiculteurs craignent que, si nous entamons des discussions sur la gestion des zones côtières, nous finirons par nous retrouver avec des ghettos d'aquiculture. Je suppose que cela provient du fait que nous sommes une industrie très jeune qui se méfie beaucoup lorsqu'il s'agit de trouver des compromis entre des objectifs contradictoires. Il est cependant temps d'abandonner cette attitude de façon à élaborer un système qui nous permettra de savoir clairement quels sont les meilleurs sites pour l'aquiculture et pour les autres industries océaniques. Il est temps de lancer un processus de planification et de discussion qui nous permettra de savoir vraiment quelles sont les meilleures approches.
Nos adversaires ont fort bien réussi à jeter le doute dans l'esprit de certains résidents des collectivités rurales et côtières et, même si j'ai la conviction que ce doute est injustifié, il est tout à fait réel et on doit en tenir compte. Il n'existe pas à l'heure actuelle de mécanisme pour répondre aux craintes des collectivités locales et pour résoudre les chevauchements ou conflits d'usages, et il est donc temps d'en créer un dans le cadre de la Loi sur les océans.
On dit parfois que les touristes sont choqués de voir des fermes aquicoles, mais il ne manque pourtant pas de guides qui nous demandent l'autorisation de faire visiter nos exploitations par les touristes afin qu'ils puissent observer les filets tubulaires de moules ou l'élevage du saumon. Les commentaires de ces touristes sont toujours positifs, pas négatifs, mais je dois préciser que, même si nous appuyons cette activité touristique, les vétérinaires nous disent qu'il est essentiel d'appliquer des mesures adéquates de biosécurité.
Des aquiculteurs m'ont parlé de relations étroites qu'ils établissent avec les pêcheurs de poissons sauvages, et je suis heureux de pouvoir dire que ces relations s'établissent parce que les deux parties y voient un intérêt mutuel.
• 0920
Le sixième facteur est la protection de l'industrie. Il existe
en effet un autre aspect de l'aquiculture, c'est celui des
exploitants négligents et de ceux qui veulent s'enrichir en
vitesse. L'industrie est mal équipée pour contrôler ce type
d'exploitants et il faut maintenant que le gouvernement agisse par
voie réglementaire pour appuyer les initiatives pertinentes, comme
les codes de pratique. Quand un mauvais exploitant cause des
problèmes, ça fait la une des journaux et c'est l'image de toute
l'industrie qui est ternie.
Nous tentons actuellement d'élaborer un code national pour une aquiculture durable qui comportera un processus indépendant de vérification et de sanction.
Le gouvernement a un rôle à jouer pour veiller à ce que les exploitations respectent une norme nationale, et nous pensons que cela doit se faire au moyen de codes de pratique. Nous aimerions que votre comité se penche sur la relation qui existe entre l'activité du gouvernement et les exploitants qui ne respectent pas le code national du CCMPA mis en oeuvre par l'industrie.
En résumé, l'aquiculture s'est fixée des objectifs fondés sur la salubrité des aliments, la sécurité de l'environnement et la compétitivité globale. Pour les atteindre, elle a besoin de certains outils, notamment un MPO et une ACIA efficaces, une politique publique appuyant un programme national de santé des animaux aquatiques, un code exhaustif sur les introductions et les transferts, des règles du jeu équitables à l'égard de la LCÉE, une bonne gestion des zones côtières, et une protection contre les mauvais exploitants.
L'appui de votre comité à l'aquiculture permettra à l'industrie d'atteindre ses objectifs de salubrité des aliments, de durabilité de l'environnement et de compétitivité globale. Plus important encore, il permettra à une industrie solide de contribuer au développement et à l'enrichissement des collectivités côtières et rurales du Canada dans ce qui est aujourd'hui considéré comme l'un des secteurs de production alimentaire connaissant la croissance la plus rapide au sein de l'économie moderne.
Merci.
Le président: Merci, David.
Vous avez la parole, Stephen.
M. Stephen A. Chase (vice-président, Affaires gouvernementales, Fédération du saumon de l'Atlantique): Merci, monsieur le président.
Je suis heureux de pouvoir discuter avec vous aujourd'hui d'aquiculture. Le thème de vos délibérations est très important pour la Fédération du saumon de l'Atlantique, ainsi que pour tout le secteur de l'aquiculture.
Brièvement, la Fédération du saumon de l'Atlantique est une organisation à but non lucratif dont le but est de contribuer à une bonne gestion et à la conservation du saumon sauvage de l'Atlantique. J'ai l'intention d'être relativement bref, mon but étant essentiellement de faire le point sur la situation de notre industrie aujourd'hui, ce qui vous permettra de mesurer le chemin parcouru depuis l'an dernier, la dernière fois que je me suis présenté devant votre comité.
Je veux aujourd'hui exprimer mon appui à la conservation des populations de saumon sauvage de l'Atlantique et du Québec. Je suis ici pour vous encourager à formuler des recommandations qui renforceront notre aptitude collective à conserver, gérer et protéger le saumon des nombreuses rivières et des bassins de l'est du Canada, c'est-à-dire de régions où des milliers de Canadiens autochtones et non autochtones dépendent du saumon du point de vue social, culturel et économique.
Je n'ai pas l'intention de revenir sur les recommandations que nous avions adressées à votre comité il y a un an, en octobre 2000. Les problèmes que nous avions alors évoqués restent tout aussi aigus et urgents et j'espère que vous en tiendrez sérieusement compte dans votre rapport et dans vos recommandations.
Si je suis ici aujourd'hui, c'est surtout pour mettre l'accent sur la meilleure démarche possible pour atteindre nos objectifs de conservation le plus vite possible. Nous croyons en effet que c'est en collaborant que la salmoniculture et le gouvernement parviendront à assurer la conservation du saumon sauvage sans nuire gravement à l'industrie. La collaboration est la meilleure méthode pour trouver des solutions aux problèmes que la salmoniculture pose parfois aux populations de poisson sauvage.
D'autres branches d'industrie, notamment la forêt et l'agriculture, ont réussi à atteindre certains objectifs de conservation et il n'y a aucune raison de ne pas faire la même chose en aquiculture. Nous pouvons atteindre nos buts sans nuire indûment à l'industrie, à condition d'avoir la volonté collective d'y arriver.
Il nous faut veiller à ce que le ministère des Pêches et des Océans et les ministères provinciaux et territoriaux responsables de la pêche et de l'aquiculture prennent des mesures concrètes en faveur de la conservation. Il faut qu'ils fassent preuve de leadership à ce sujet et qu'ils prennent des mesures concrètes. Nous devons passer à l'action en ce qui concerne le mandat énoncé dans la Loi sur les pêches et les engagements internationaux qu'a pris le Canada dans le cadre de l'Organisation pour la conservation du saumon de l'Atlantique nord, l'OCSAN.
Des milliers de Canadiens, surtout des régions rurales, attendent des deux paliers de gouvernement qu'ils mettent en oeuvre, en s'appuyant sur vos recommandations, une structure qui garantira la conservation du poisson sauvage.
• 0925
La pêche récréative au saumon sauvage représente plus de 200
millions de dollars par an pour le Québec et les Maritimes. C'est
donc là un secteur de développement économique très important, quel
que soit le critère envisagé, et nous devons faire tout notre
possible pour le protéger et l'améliorer.
Notre postulat est que cette économie doit être protégée, mais qu'elle doit l'être sans nuire à la salmoniculture. Pour ce faire, il faut que les gouvernements et toutes les parties prenantes adoptent la bonne démarche et la bonne attitude.
En octobre dernier, j'ai présenté un mémoire au comité, au nom de la FSA, lorsqu'il tenait des audiences à St. Andrews pour rencontrer les diverses parties intéressées. J'aimerais revenir aujourd'hui sur cette approche.
Le thème fondamental de notre mémoire et de notre approche était et reste qu'il importe de forger un partenariat pour trouver des solutions aux problèmes que la salmoniculture pose au saumon sauvage. La FSA a montré qu'elle souhaite adopter une démarche modérée sur cette question, nonobstant les problèmes critiques et scientifiquement prouvés que la salmoniculture peut poser aux populations de saumon sauvage.
Nous croyons que notre approche modérée témoigne de notre pragmatisme et de notre souci d'appliquer des pratiques de conservation durable. Nous sommes d'accord avec l'industrie sur la nécessité de garder le poisson dans ses enclos et dans ses installations de retenue en eau douce. Nous sommes d'accord sur l'importance de préserver la santé du poisson. Certes, nous abordons peut-être ces besoins d'un point de vue un peu différent mais cela ne change rien au fait que nous devons partir de ces bases communes pour atteindre nos objectifs.
Il est clair que beaucoup de représentants de l'industrie et du gouvernement conviennent avec nous que la collaboration est essentielle. Nos nombreuses discussions avec les représentants de l'industrie ont clairement mis en relief le caractère improductif de la controverse et de l'animosité. Les mesures de conservation ne se sont pas améliorées et la confiance du public envers l'industrie en a souffert.
Certains membres progressistes de l'industrie et du gouvernement ont décidé de chercher des méthodes de collaboration pour prendre des mesures concrètes en faveur de la conservation, de la restauration des stocks et de la gestion du saumon sauvage. Nous leur sommes sincèrement reconnaissants des efforts qu'ils déploient pour collaborer avec nous.
Dans l'ensemble, toutefois, l'idée que les interactions négatives entre le saumon sauvage et le saumon d'élevage de l'Atlantique posent des problèmes réels qu'il convient d'aborder sérieusement est encore rarement admise dans de nombreux secteurs de l'industrie et du gouvernement. Cela constitue un obstacle fondamental à la recherche de solutions.
Je suis certain que ces gens savent que les problèmes sont réels, car ils sont intelligents, mais je crains que ceux qui refusent les programmes le font délibérément pour éviter quoi que ce soit qui puisse entraver l'expansion de l'industrie ou qui risque de coûter de l'argent, surtout dans un environnement de vive concurrence.
Bref, je dois dire que les progrès que nous avions espérés en présentant notre dernier mémoire n'ont été que limités et ont surtout pris la forme de discussions. Pour l'instant, nous n'avons pas obtenu de résultats concrets et ce, pour trois raisons.
Premièrement, les gouvernements fédéral et provinciaux sont axés sur un objectif unique, qui est l'expansion de l'aquiculture, souvent au détriment de l'environnement et dans un climat de secret quasi absolu.
Deuxièmement, quand la FSA soulève ses préoccupations en matière de conservation et recommande une approche de prudence, à laquelle le Canada souscrit, on lui répond souvent que ses craintes ne sont pas étayées par des données scientifiques. La FSA convient qu'il importe de poursuivre la recherche scientifique pour appuyer une application juste du principe de précaution.
Troisièmement, beaucoup de membres de l'industrie et des gouvernements qui appuient l'aquiculture semblent excessivement préoccupés par ce qu'ils perçoivent comme des critiques lorsque la FSA exprime ses préoccupations en matière de conservation touchant la salmoniculture.
Pour ce qui est du premier obstacle au progrès, mon sentiment est que les gouvernements, tant fédéral que provinciaux, qui ont consacré beaucoup de temps à ce dossier ces dernières années ne gèrent pas le dossier de l'aquiculture de manière transparente et responsable, ce qu'exigerait pourtant la confiance du public. Il n'y a par exemple aucune consultation réelle du public dans le processus d'approbation des sites. Aucune information sérieuse n'est publiée sur les résultats obtenus ensuite par les titulaires de permis.
Ce manque de transparence et de cohérence caractérise aussi le processus des introductions et des transferts sur lequel se fonde l'industrie pour le transport des poissons d'un site à un autre. La FSA a discuté de ce problème avec l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquiculture, et M. Rideout et moi-même avons préparé un mémoire commun à l'intention des ministres fédéral et provinciaux des Pêches.
Ce ne sont là que deux exemples des problèmes actuels. Manifestement, le manque de transparence est un problème qui relève des gouvernements. L'exigence de transparence et de responsabilité que partagent l'industrie et toutes les parties prenantes devrait amener votre comité à recommander des améliorations à ce chapitre. Je précise par ailleurs que cela peut se faire sans porter atteinte à la confidentialité des informations commerciales, facteur que l'on invoque fréquemment pour empêcher la divulgation publique.
• 0930
Notre première recommandation est donc que l'on examine et
améliore les processus de réglementation de l'aquiculture pour
garantir plus de transparence, de cohérence et de responsabilité
publique.
Le deuxième obstacle au progrès en matière de conservation touche la nécessité d'améliorer les études scientifiques relativement aux effets de l'aquiculture sur les populations de saumon sauvage. Comme on possède beaucoup d'études scientifiques révisées par les pairs, au Canada et à l'échelle internationale, et comme beaucoup d'observations ont été faites, on possède aujourd'hui largement assez de preuves justifiant les craintes de la FSA à l'égard des échappées de poissons et des maladies du poisson.
Nous convenons cependant que même les meilleures données scientifiques disponibles ne sont peut-être pas suffisantes et qu'il convient de poursuivre les recherches pour contribuer à la durabilité environnementale globale. Cela favoriserait une application rationnelle du principe de prudence et éviterait son application là où il n'est pas nécessaire.
Il faut également poursuivre les recherches sur les nouvelles technologies auxquelles on peut avoir recours pour prévenir les problèmes. À l'heure actuelle, le MPO finance dans le cadre de sa stratégie sur l'aquiculture un programme destiné à renforcer les recherches scientifiques et technologiques. Nous espérons que ce programme permettra de mieux comprendre les mesures qui s'imposent pour assurer et préserver la conservation.
Nous souhaitons formuler deux recommandations sur ces questions. La FSA recommande que le MPO veille à ce que le volet de financement de la recherche scientifique, de sa stratégie sur l'aquiculture, serve à financer des recherches contribuant à une meilleure connaissance des effets de la salmoniculture sur les populations de saumon sauvage, afin de prendre des mesures d'atténuation. En outre, la FSA recommande au MPO d'orienter sa stratégie aquicole sur l'amélioration des politiques et technologies touchant la retenue et la santé du poisson, de façon à prévenir toute interaction néfaste entre la salmoniculture et le saumon sauvage.
Le troisième obstacle important à une vraie coopération est la susceptibilité excessive de certains membres de l'industrie aquicole—et j'insiste sur «certains»—à l'égard de ce qu'ils considèrent comme des critiques lorsque la FSA exprime ses préoccupations raisonnables en matière de conservation. Je comprends parfaitement la fierté que tirent les salmoniculteurs de leurs accomplissements.
Notre sentiment est que l'industrie n'est pas passive face à la nécessité de régler ses problèmes environnementaux et que bon nombre de progrès ont déjà été faits. La Fédération s'efforce d'ailleurs de le faire savoir lors d'exposés publics et dans les pages du Atlantic Salmon Journal, sa publication phare. La Fédération souhaite contribuer à une meilleure compréhension, chez les salmoniculteurs et dans le grand public, des mesures positives que prend l'industrie pour résoudre ses problèmes environnementaux. En même temps, nous croyons que l'industrie se doit d'admettre que ses problèmes constituent une menace sérieuse à la survie du saumon sauvage.
La Fédération convient que la salmoniculture n'est peut-être pas la principale cause de baisse des stocks de saumon sauvage à l'échelle mondiale, mais c'est certainement un problème dans les secteurs où il y a une forte concentration d'exploitations aquicoles. Il est donc grand temps d'admettre l'évidence et de commencer à collaborer pour trouver des solutions aux problèmes. J'ajoute à cet égard—ce n'est pas dans mon texte—que cela exige que les deux parties se fassent confiance. Les deux doivent tirer un trait sur le passé et forger une nouvelle relation fondée sur la confiance.
En même temps, la Fédération a le devoir de faire connaître au public ses préoccupations légitimes pour le saumon sauvage. Nous savons parfaitement qu'il convient de le faire de manière à ne pas mettre en danger les progrès que nous tentons de réaliser par la collaboration. Dans ses prises de position publiques, la Fédération s'est comportée de manière juste et raisonnable. Elle a fait tout son possible pour trouver un juste équilibre à ce sujet mais l'heure est venue de reconnaître qu'aucun progrès notable n'a été fait en collaborant avec l'industrie et le gouvernement.
Si l'industrie tient sérieusement à mettre fin à la controverse, il faut absolument qu'elle dépasse l'étape d'une susceptibilité injustifiée—et cela vaut pour les deux parties—face à l'expression raisonnable de préoccupations raisonnables. Il faut franchir ce pas si nous voulons faire des progrès sur le plan de la conservation.
• 0935
La FSA estime que nous pourrions avancer rapidement si le
gouvernement faisait preuve de leadership en réunissant les
principales parties prenantes de manière à stimuler des relations
de travail produisant des résultats concrets. Jusqu'à présent, il
ne l'a pas encore fait de manière concertée. Certes, il y a eu
quelques exemples isolés de collaboration, comme l'a indiqué
M. Rideout, par exemple sur la politique des introductions et des
transferts et sur la politique relative à la santé du poisson. Ces
discussions ont débouché sur des résultats positifs. En revanche,
personne n'a encore le sentiment évident que le gouvernement fait
preuve de leadership pour rapprocher les parties prenantes. Ce que
nous avons fait à cet égard procédait de notre propre initiative.
Notre troisième recommandation est que le comité propose au gouvernement de faire des efforts sérieux pour stimuler des relations de travail de coopération entre l'industrie aquicole et les parties prenantes, dans le but de contribuer concrètement à la conservation.
En conclusion, monsieur le président, la Fédération du saumon de l'Atlantique n'a rien contre l'aquiculture. Elle s'oppose aux pratiques aquicoles qui nuisent à l'environnement et qui mettent en danger la survie du saumon sauvage. Nous savons que bon nombre des membres de l'association de M. Rideout partagent cet intérêt.
Notre défi est de trouver des méthodes qui permettront à l'industrie et au gouvernement de mettre sur pied une industrie aquicole responsable et favorable à l'environnement. Nous espérons que votre comité formulera des recommandations fondées sur notre exposé, dans l'intérêt de la conservation du saumon sauvage.
Je vous souhaite beaucoup de succès dans vos délibérations et je vous remercie à nouveau de m'avoir invité aujourd'hui.
Le président: Merci, Stephen et David. Malgré la brièveté de vos exposés, vous nous avez donné beaucoup d'informations.
Nous allons commencer par M. Cummins.
M. John Cummins (Delta—South Richmond, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens moi aussi à remercier les témoins de ce matin.
Monsieur Rideout, l'industrie que vous représentez n'a pas toujours été aimée du public. Ses méthodes ont suscité de vives inquiétudes dans le passé et les aquiculteurs n'ont peut-être pas été aussi transparents qu'ils l'auraient dû. Je vous en donne comme exemple le problème des poissons qui s'échappent. Les représentants de l'industrie de la côte ouest disaient que cela ne devrait inquiéter personne car ces poissons ne pourraient jamais survivre à l'état sauvage, mais c'était faux. L'été dernier, on a vu apparaître un problème de pou du poisson. Le ministère et l'industrie ont nié que c'était un problème; pourtant, nous savons que c'en est un, comme l'Irlande, la Norvège et d'autres pays l'ont reconnu.
Cela dit, j'aimerais attirer ce matin votre attention sur une récente étude américaine. Comme vous le savez, le gouvernement américain a récemment déclaré que le saumon sauvage de l'Atlantique est une espèce menacée dans huit rivières des Maritimes. L'étude a été menée par le gouvernement américain, pas par des écolos détraqués. Y ont participé le Département de l'intérieur, le Service de la pêche et de la faune, le Département du commerce et l'Administration océanique et atmosphérique nationale. Le rapport contient certaines déclarations très vigoureuses dont j'aimerais vous citer quelques extraits et demander vos réactions.
Prenons d'abord le problème de l'AIS. Les auteurs du rapport parlent de segments de population distincts, ou DPS, dans leur jargon, ce qui désigne le saumon sauvage d'une rivière particulière. Au lieu de répéter chaque fois, je vais garder le mot DPS en citant le rapport.
Voici une première citation:
-
...les Services ont conclu que la présence du virus de l'AIS dans
la zone géographique de DPS et l'existence de fortes concentrations
d'enclos à filets créent directement un risque nouveau et important
pour les adultes DPS et, indirectement, pour le programme de
réhabilitation visant actuellement à accroître la population
juvénile de DPS.
-
Les maladies du poisson ont toujours été une source de mortalité
pour le saumon sauvage de l'Atlantique, bien que les pertes
nombreuses dues aux maladies soient généralement associées à la
salmoniculture.
-
Une étude exhaustive des entreprises d'aquiculture du Maine a
permis de conclure qu'aucun virus de l'AIS n'est présent aux États-
Unis. La province du Nouveau-Brunswick a pris des mesures
exhaustives pour contrôler la diffusion du virus mais l'efficacité
de ces mesures n'est pas garantie et les opérations aquicoles
canadiennes touchées sont proches des sites aquicoles américains.
• 0940
Voilà donc deux préoccupations. La diffusion du virus des
enclos vers les espèces sauvages, et le scepticisme des Américains
quant à l'efficacité des mesures prises au Nouveau-Brunswick.
Quelles sont vos réactions à ces deux remarques, s'il vous plaît?
Le président: Avant de donner la parole à David, le rapport date de quand?
M. John Cummins: De novembre 2000.
Le président: David.
M. David Rideout: Merci beaucoup, monsieur le président.
Suis-je encore limité à 10 minutes ou puis-je prendre les deux heures?
Des voix: Oh!
Le président: Il y a une limite. Allez-y.
M. David Rideout: C'est une question très importante. La dernière citation de M. Cummins renforce précisément ce que dit l'industrie aquicole du Canada sur la nécessité d'adopter une politique publique sur la santé des animaux aquatiques, et sur la nécessité des deux paliers de gouvernement et de l'industrie de pouvoir réagir rapidement. Cela montre aussi qu'il faut bien veiller à ce qu'aucun exploitant ne tente de saborder le processus de contrôle car cela pourrait contribuer à l'apparition de maladies.
Je suppose qu'on va me critiquer sévèrement pour ce que je vais dire mais je me demande parfois si l'industrie de l'aquiculture n'est pas en quelque sorte le canari des mines de charbon, c'est-à-dire si elle ne révèle pas des maladies qui ont pu exister dans les espèces sauvages pendant des années. Dans les fermes aquicoles, où les animaux sont très concentrés, on a vu des problèmes comme l'AIS.
Je pense que tout le monde convient, à quelques exceptions près, que l'approche de l'industrie du Nouveau-Brunswick pour contrôler l'AIS a été de loin l'une des plus efficaces au monde. Les problèmes qui se sont posés ces dernières années quant au choix des sites au Nouveau-Brunswick ont été reliés au besoin de l'industrie d'élever des animaux en catégorie d'une seule année plutôt qu'en catégorie d'années mixtes.
Pour ce qui est de segments de population distincts, on admet qu'il se passe quelque chose dans le milieu océanique. On ne sait pas ce que c'est mais on sait que ça touche le saumon sauvage. Nous savons qu'il y a eu certains aménagements industriels extrêmes, comme la construction de barrages sur les rivières dans certains bassins hydrographiques de Nouvelle-Angleterre. Suite aux études, je pense qu'on a depuis démoli l'un des barrages et qu'on constate maintenant un retour des populations. Je ne pense pas me tromper à ce sujet.
La seule chose qui m'inquiète, je vous le dis franchement, quand on parle du saumon, c'est que je doute de la validité des segments de population distincts, dans une perspective historique, c'est-à-dire de ce qu'ils étaient peut-être il y a 100 ans ou 40 ans par rapport à ce qu'ils sont aujourd'hui.
À titre d'information, je crois comprendre que les règles sont fort peu rigoureuses quant au transport de poissons à partir des diverses écloseries, du point de vue de l'amélioration du saumon.
Je suis sûr que M. Chase pourrait nous donner plus d'informations à ce sujet mais j'admets qu'il y a certains problèmes à cet égard, nonobstant l'excellent travail du service américain.
Le président: Si vous pouviez conclure assez rapidement...
M. David Rideout: Si je n'ai pas répondu à la question, peut- être pourriez-vous la poser à nouveau?
M. John Cummins: Vous avez complètement évité ma question mais je veux revenir sur l'une de vos remarques. Vous dites que l'aquiculture joue le rôle du canari dans les mines de charbon. J'ai dit que je voulais vous poser quelques questions sur ce rapport mais j'aimerais vous rappeler un autre incident, car je pense qu'il est relié à votre affirmation.
• 0945
Il y a 10 ans, des stocks de truite de mer sont
mystérieusement disparus en Irlande. Les scientifiques ont convoqué
tous les suspects habituels: la surpêche, les pratiques
forestières, les prédateurs, le climat, la chaîne alimentaire, le
stress des migrations, les maladies, plus cette idée nouvelle d'une
infestation de pou provenant des élevages de saumon. Après des
études exhaustives, ils ont conclu que le seul facteur cohérent
pour expliquer la disparition de ces truites de mer était le pou du
saumon provenant des fermes piscicoles.
Vous venez encore une fois d'évoquer toutes sortes d'explications secondaires de façon à éviter le facteur clé. Je vous demande donc s'il y a vraiment un lien ou non. Que pouvez-vous répondre à ceux qui disent qu'on a raison de s'inquiéter du transfert des maladies des fermes piscicoles vers les stocks sauvages?
Le président: David. Ensuite, je crois que Stephen souhaite intervenir aussi.
M. David Rideout: Je ne peux rien dire au sujet de la situation en Irlande. Tout ce que je peux dire, c'est que l'industrie aquicole estime qu'il est nécessaire d'adopter une politique publique sur la santé des animaux aquatiques, et un programme national de santé des animaux aquatiques portant à la fois sur les stocks sauvages et sur les élevages.
Je dois dire aussi qu'il vaut la peine de se pencher sur la situation au Nouveau-Brunswick étant donné que la province a pratiquement éliminé complètement le problème de l'AIS. En tout cas, elle le maîtrise bien et c'est généralement reconnu.
M. John Cummins: Eh bien, monsieur Rideout, ce n'est pas l'avis des auteurs de ce rapport américain. D'après eux, l'efficacité des mesures prises au Nouveau-Brunswick n'est pas garantie. Je suis déçu que vous n'ayez rien à dire sur le cas irlandais.
J'aimerais cependant poursuivre, si vous me le permettez.
Le président: John, vous allez devoir attendre le tour suivant. Votre temps de parole est écoulé et Stephen souhaite aussi répondre à votre première question.
M. Stephen Chase: Merci, monsieur le président.
Comme David, j'estime que nous avons besoin d'une bonne politique publique pour garantir la santé des populations de poisson d'élevage et de poisson sauvage. Je suis parfaitement d'accord avec lui là-dessus. Il faut que ce soit fait.
Il faut aussi mieux gérer les aquiculteurs négligents. Il y en a et ce sont eux qui ternissent l'image de ceux qui font tout leur possible pour agir correctement.
Nous pourrions féliciter l'industrie des efforts qu'elle a déployés pour contrôler des choses comme l'AIS. Elle a fait beaucoup de bonnes choses à ce sujet, notamment au Nouveau- Brunswick. Nous pensons que les aquiculteurs ont fait du bon travail et nous les appuyons vigoureusement car les populations sauvages qui migrent à proximité des enclos pourraient facilement attraper l'AIS si l'industrie ne faisait rien.
Nous souhaitons que l'industrie réussisse à ce sujet et nous ne saurions recommander trop vigoureusement au gouvernement d'imposer des exigences de politique publique à ce sujet.
J'aimerais soulever un autre problème. On nous jette fréquemment à la figure l'idée que ces poissons ne sont pas sauvages, que ce ne sont pas des populations indigènes car des années et des années de manipulations dans les écloseries leur auraient fait perdre tout caractère sauvage. Nous nous élevons vigoureusement contre cette affirmation.
Il existe dans l'est du Canada un grand nombre de rivières où l'on a démontré la présence de populations sauvages indigènes. Les scientifiques définissent différemment ce qui est indigène et ce qui est sauvage. Je vais vous donner un bon exemple.
La rivière Nepisiguit, au nord du Nouveau-Brunswick, se déverse dans la baie des Chaleurs. Il y a 30 ans, on n'y trouvait pas de saumon car il y avait un barrage. Comme on a réensemencé le système fluvial Kedgwick et Restigouche, on constate aujourd'hui que la rivière Nepisiguit abrite une population dynamique de saumon dont les jeunes émigrent jusqu'au Groenland et reviennent chaque année. Ce sont des animaux solides et de bonne taille. Je le sais parce que j'y pêche chaque année.
Des générations successives de ces poissons se sont reproduites dans la rivière, ont migré dans l'océan comme jeunes sujets et sont revenus ensuite comme adultes. S'agit-il de poissons sauvages? Bien sûr. Combien de générations faudrait-il pour le prouver?
Donc, le problème de l'intervention des écloseries il y a 30, 50 ou 100 ans est tout à fait spécieux. Il y a des rivières où vivent des populations de poissons et, si ces poissons sortent et reviennent sans intervention, ce sont des poissons sauvages.
Le président: Merci, Stephen.
Madame Tremblay.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Merci, monsieur le président. Je voudrais poser des questions à M. Chase parce Jean-Yves et moi habitons une région qui est tout à fait extraordinaire pour la pêche au saumon de l'Atlantique. Nous habitons le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie.
Il y a beaucoup de choses qui m'intéressent dans votre mémoire, mais j'aurais une question préalable à poser à M. le président. Le mémoire de monsieur a été déposé en octobre 2000, c'est-à-dire que ça fait partie de l'ancien gouvernement. Qu'est-il arrivé aux recommandations que monsieur avait faites en octobre 2000?
[Traduction]
Le président: Elles font partie de notre étude actuelle sur l'aquiculture. Nous en tiendrons compte quand nous rédigerons notre rapport. C'est une partie de la documentation qui nous a été remise lorsque nous étions à St. Andrews, avant la dernière élection.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Elles seront donc intégrées dans le rapport que nous allons préparer cette fois-ci. Est-ce bien cela?
[Traduction]
Le président: Oui.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: D'accord. Ce n'est donc pas désespéré. Les recommandations seront intégrées dans le rapport. On pourra donc y revenir.
Est-ce les recommandations que vous aviez faites dans votre mémoire d'octobre 2000 sont encore d'actualité quant à vous? Les referiez-vous toutes encore aujourd'hui?
M. Stephen Chase: Oui, les mêmes recommandations valent toujours.
Mme Suzanne Tremblay: Vous dites qu'il y a des problèmes à gérer l'industrie et la pêche du saumon sauvage de l'Atlantique. Vous dites que l'on refuse de voir les problèmes et que si l'on voyait les problèmes, on arriverait peut-être à trouver des solutions. Quel est le principal problème que vous voyez entre votre industrie et l'industrie de l'aquaculture? À quoi référez-vous précisément?
[Traduction]
M. Stephen Chase: Je pense que le principal problème est de conserver les poissons dans les enclos, et je suis sûr que l'industrie est d'accord avec nous là-dessus.
Comme je l'ai dit, nous abordons le problème d'un angle différent. L'industrie tient à garder les poissons dans les enclos pour ne pas perdre d'argent et, quant à nous, nous pensons que c'est préférable pour minimiser le nombre d'interactions. Même si nous avons des raisons différentes, cela importe peu. L'essentiel est que nous voulons tous garder les poissons dans les enclos.
La technologie qui le permet s'est améliorée et certaines des méthodes utilisées pour gérer ces enclos en filets de nylon se sont améliorées, mais il y a encore des limites physiques et technologiques. C'est là un secteur très important sur lequel nous devons travailler pour réduire encore le nombre de poissons qui s'échappent. L'industrie a déjà réduit ce nombre au cours des 10 à 15 dernières années mais on peut certainement faire encore mieux.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Vous dites que vous connaissez la meilleure façon de protéger le saumon dans de nombreux bassins hydrauliques et rivières de l'Est. Est-ce que vous élimineriez certains types d'installations d'aquaculture? Est-ce que vous voudriez, par exemple, qu'on élimine les bassins qui sont directement en eau salée?
[Traduction]
M. Stephen Chase: Oui. Il y a des régions sans salmoniculture, essentiellement dans le golfe du Saint-Laurent, l'estuaire de Miramichi, la baie des Chaleurs, la Gaspésie et la côte nord du Québec. Il y a certaines limites environnementales et physiques à ce sujet, comme le gel, qui est un gros problème. Nous ne voudrions donc pas voir apparaître des enclos marins dans ces régions.
J'espère que cela répond à votre question.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Oui, merci.
[Traduction]
Le président: David, si vous voulez intervenir, vous n'avez qu'à crier.
Madame Tremblay.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: On dit que le saumon revient toujours à la rivière où il est né. S'il n'est pas né en rivière et qu'on l'échappe, il ne reviendra pas aux rivières où l'on pêche le saumon de l'Atlantique. Comment l'échappée de poissons pourrait-elle vous nuire?
M. Stephen Chase: Les scientifiques ont démontré, autant en Amérique du Nord qu'en Europe, que certains des poissons qui s'échappent migrent dans des rivières où il y a des populations de saumon. Comment ils y arrivent, nous n'en savons rien. Lorsqu'un poisson s'échappe de l'enclos, nous ne savons pas exactement ce qu'il fait, s'il reste autour de l'enclos pendant un certain temps et, si oui, pendant combien de temps; nous ne savons pas non plus où il s'en va mais il ne fait aucun doute que certains remontent des rivières à saumon.
On étudie continuellement cette question dans les rivières de la baie de Fundy et dans le Maine, la région adjacente. La rivière Magaguadavic se trouve au sud du Nouveau-Brunswick, entre St. Stephen et St. George, et il me semble que le nombre de poissons échappés des élevages que l'on y retrouve est 10 fois plus élevé que le nombre de saumons sauvages, voire plus. L'an dernier, je pense que 28 saumons sauvages sont revenus dans la rivière mais il y avait alors plus de 200 échappés des élevages. Il se trouve que cette région est juste à côté des principales fermes piscicoles de la baie de Fundy et du golfe du Maine.
Je ne sais pas si on a trouvé du poisson de pisciculture dans d'autres rivières—dans les rivières de la côte sud de la Nouvelle- Écosse, par exemple, qui sont éloignées—mais je peux vous donner un exemple célèbre.
Cet été, une truite arc-en-ciel pesant quelque cinq ou huit livres, a été trouvée dans la rivière Humber, à Terre-Neuve. On pratique l'élevage de la truite arc-en-ciel dans la baie d'Espoir, sur la côte sud de Terre-Neuve, ainsi qu'à l'Île-du-Prince-Édouard et dans les lacs Bras d'Or de la Nouvelle-Écosse. Selon les informations que nous avons obtenues, cette truite arc-en-ciel venait soit de l'Île-du-Prince-Édouard soit de Bras d'Or et elle s'est retrouvée dans la rivière Humber de Terre-Neuve. Je souligne que la truite arc-en-ciel n'est pas une espèce indigène de la côte atlantique, mais certaines populations y avaient été transplantées il y a une centaine d'années par des pêcheurs. D'où celle-ci est venue, nous n'en savons rien. Selon les scientifiques du MPO, si j'ai bien compris, elle provenait d'une ferme piscicole.
Le président: Monsieur Rideout, après quoi nous passerons au suivant.
M. David Rideout: Merci, monsieur le président.
Le problème de la retenue des poissons est un problème sérieux et important pour l'aquiculture, et c'est pourquoi nous collaborons avec l'Organisation de conservation du saumon de l'Atlantique nord pour établir un comité de liaison entre cette organisation et l'industrie de la salmoniculture de l'Atlantique nord.
En février 2001, nous avons terminé de négocier des lignes directrices en matière de retenue. Elles ont été acceptées par l'OCSAN et par l'industrie de la salmoniculture de l'Atlantique nord, en juin 2001, et nous attendons maintenant qu'elles soient mises en oeuvre au Canada dans le cadre d'un code général d'aquiculture durable.
On a donc fait beaucoup de travail à ce sujet. L'industrie déploie beaucoup d'efforts pour résoudre le problème car, pour elle, ce n'est pas seulement une question de protection de l'environnement, c'est aussi une question de viabilité économique.
Si vous me permettez de vous raconter une anecdote, lors d'un souper avec un éleveur, je lui ai posé une question au sujet du crédit à 30 jours plutôt qu'à 90 jours pour l'achat des aliments pour poissons. Il m'a dit qu'il accepterait n'importe quand le crédit à 90 jours, même s'il ne s'agissait pas d'un producteur local. Quand je lui ai demandé pourquoi, il m'a répondu: «Voyez- vous, le mois dernier, mes aliments pour le poisson m'ont coûté 1,9 million de dollars». Or, je ne parle pas ici d'une multinationale, je parle d'un éleveur local. C'est donc un élément très important pour son exploitation. Et, dans son cas, il assume ce genre de dépense pendant 12 à 18 mois avant de commencer à vendre ses poissons et à se faire payer.
Ce que je veux montrer, c'est qu'il ne tient absolument pas à ce que ses poissons s'échappent, pas plus que les écologistes, pour deux raisons: la raison environnementale, mais aussi la raison économique.
Le président: Monsieur Wappel.
M. Tom Wappel (Scarborough—Sud-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs, de vos exposés. J'ai quelques brèves questions à vous poser.
Monsieur Rideout, depuis combien de temps existe votre Alliance?
M. David Rideout: Elle a été créée en 1995 pour faire suite à une autre organisation qui venait de cesser d'exister. L'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquiculture a été créée le même jour ou très peu après.
M. Tom Wappel: Si je vous pose cette question, c'est parce que je constate que vous demandez aux gouvernements, au point six de votre mémoire, d'adopter des règlements ou des codes de pratique. Je ne suis pas d'accord avec ça. À mon sens, c'est l'industrie elle-même qui devrait élaborer ses codes de pratique. Qu'est-ce que les gens d'Ottawa connaissent de l'aquiculture? Je suis un peu troublé de voir que, six ans après la création de votre organisation, vous n'ayez pas encore de code de pratique. Vous avez dit tout à l'heure que vous travaillez actuellement à l'élaboration d'un code national d'aquiculture durable. Pourquoi n'est-il pas encore prêt?
M. David Rideout: Merci beaucoup de votre question.
Tout d'abord, je vous approuve à 100 p. 100. Nous ne souhaitons pas que le gouvernement adopte une loi pour appliquer des codes. Nous souhaitons plutôt que l'industrie élabore elle-même son code, mais nous avons besoin d'une réglementation gouvernementale pour nous aider dans les secteurs où il y a des aquiculteurs négligents, c'est-à-dire des gens qui ne voudront pas adhérer au code.
L'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquiculture est devenue un conseil sectoriel de Développement des ressources humaines Canada, son principal mandat étant de traiter de questions de ressources humaines pour l'industrie. En décembre 1999, elle a décidé de devenir autonome et de ne plus être un conseil sectoriel de DRHC. En outre, l'approche du gouvernement pour les conseils sectoriels était d'encourager les organisations à devenir autonomes. On a donc adopté cette nouvelle approche et, en avril 2000, l'Alliance est devenue une organisation indépendante.
C'est à ce moment-là que nous avons commencé à lancer de nombreuses initiatives sur les problèmes de l'industrie. De fait, nous avions déjà entrepris des consultations avec le groupe de travail sur l'aquiculture, du Conseil canadien des ministres des Pêches et de l'Aquiculture, qui était fortement en faveur de l'élaboration d'un code par l'industrie pour une aquiculture durable. Voilà pourquoi cela a pris si longtemps.
M. Tom Wappel: D'après vous, quand le code sera-t-il prêt?
M. David Rideout: J'espère que nous pourrons présenter un code aux ministres lors de leur prochaine réunion, en leur demandant de le ratifier. Nous aimerions qu'ils approuvent ainsi publiquement le code national pour une aquiculture durable.
M. Tom Wappel: D'accord, mais c'est quand ça?
M. David Rideout: Je pense qu'ils doivent se réunir en août ou septembre de l'an prochain.
Si vous me le permettez, je dois cependant préciser que le code ne sera pas terminé. En fait, c'est un processus qui continuera d'évoluer. Il y a toujours de nouveaux problèmes. J'ai collaboré avec certains groupes sur l'élevage sans cruauté des animaux, par exemple. Selon nous, le code qui sera élaboré à ce sujet pourrait s'intégrer au nôtre, et son élaboration prendra probablement deux à trois ans.
M. Tom Wappel: Eh bien, je vous invite à vous retrousser les manches et à régler ça le plus vite possible.
Monsieur Chase, vous avez déclaré que:
-
...les gouvernements fédéral et provinciaux sont axés sur un
objectif unique, qui est l'expansion de l'aquiculture, souvent au
détriment de l'environnement et dans un climat de secret quasi
absolu.
Voilà une affirmation lourde de conséquences. Avez-vous des exemples concrets pour la justifier?
M. Stephen Chase: Certainement, monsieur Wappel. Je vais vous donner un exemple.
Cette année, 16 demandes de nouveaux sites dans la baie de Fundy ont été déposées par l'industrie aquicole du Nouveau- Brunswick. L'un des éléments de ces demandes était de pratiquer un système de gestion par classe d'une seule année. La FSA a rédigé une lettre appuyant ces demandes mais nous n'en avions entendu parler que par la presse. Nous ne savions pas... Voilà ma première remarque. L'Alliance n'a entendu parler de ces demandes que par hasard, si vous voulez.
Quoi qu'il en soit, nous avons envoyé une lettre pour appuyer un certain nombre de demandes, mais il y en avait quatre auxquelles nous nous opposions. Ces quatre se trouvaient dans une région qui s'appelle Maces Bay. Il y a deux rivières qui se déversent dans Maces Bay et où l'on trouve encore des populations de saumon sauvage indigène. Ce sont la New River et la Pocologan River. Nous avons eu un échange de correspondance avec le ministère des Pêches et Océans car nous voulions comprendre exactement quelles règles le ministère allait appliquer pour veiller à ce que les engagements pris par le Canada dans le cadre de l'OCSAN et le principe de prudence...
• 1005
Il existe une disposition—je pense que c'est la résolution
d'Oslo de 1994-1995—selon laquelle aucune nouvelle exploitation de
salmoniculture ne devrait être approuvée à moins de 20 kilomètres
de l'embouchure d'une rivière à saumon. Nous avons demandé au
ministère s'il allait appliquer cette règle. Je ne saurais vous
dire aujourd'hui s'il l'a appliquée, ni même s'il en a tenu compte.
Deux demandes ont été rejetées. L'une concernait des eaux
navigables...
M. Tom Wappel: Veuillez m'excuser, dites-vous que le ministère n'a pas répondu à votre lettre? C'est cela que vous nous dites? Vous affirmez que le ministère agit dans le secret mais, ensuite, vous dites que vous avez procédé à un échange de lettres. Est-ce ce qu'il vous a répondu?
M. Stephen Chase: J'ai obtenu des réponses du ministère mais elles ne m'ont rien dit de très utile. Je ne sais toujours pas dans quelle mesure le ministère des Pêches et Océans ou le ministère des Pêches et de l'Aquiculture du Nouveau-Brunswick ont tenu compte de la règle de 20 kilomètres de la résolution d'Oslo.
M. Tom Wappel: Mais il y a une différence entre refuser de répondre et répondre par du verbiage. Ce n'est pas la même chose.
Le président: Allez-y, monsieur Chase.
M. Stephen Chase: Si nous n'avions pas appris l'existence de ces demandes, nous n'aurions jamais pu... Nous n'avons pas été notifiés.
M. Tom Wappel: D'accord. Donc, l'une de vos revendications est que l'organisation qui formule une demande soit tenue de vous informer pour que vous puissiez donner votre avis?
M. Stephen Chase: C'est ça.
M. Tom Wappel: C'est raisonnable.
Quant à vous, monsieur Chase, vous avez dit:
-
Il n'y a par exemple aucune consultation réelle du public dans le
processus d'approbation des sites. Aucune information sérieuse
n'est publiée sur les résultats obtenus ensuite par les titulaires
de permis.
Êtes-vous d'accord avec ça, monsieur Rideout?
M. David Rideout: Je pense que le système de consultation publique pour la sélection des sites pourrait être amélioré. Nous préférons une approche ouverte et transparente, c'est-à-dire une politique sans surprise.
M. Tom Wappel: Moi aussi, je préférerais que vous appliquiez une politique sans surprise à mon égard et que vous répondiez donc à ma question. Êtes-vous d'accord avec l'affirmation que je viens de lire?
M. David Rideout: Non.
M. Tom Wappel: Vous n'êtes pas d'accord. Merci.
M. Chase a dit aussi que:
-
Comme on possède beaucoup d'études scientifiques révisées par les
pairs, au Canada et à l'échelle internationale, et comme beaucoup
d'observations ont été faites, on possède aujourd'hui largement
assez de preuves justifiant les craintes de la FSA à l'égard des
échappées de poissons et des maladies du poisson.
Monsieur Rideout, êtes-vous d'accord avec ça? Croyez-vous aussi qu'on a «assez de preuves» au sujet des conséquences des échappées et des maladies des poissons?
M. David Rideout: Non.
M. Tom Wappel: Que diriez-vous à ce sujet? Qu'on n'a pas de preuves ou qu'on a peu de preuves? Quelle est votre position?
M. David Rideout: Il faut faire plus de recherche à ce sujet car, pour le moment, il y a beaucoup de suppositions des deux côtés. Certes, suite aux initiatives prises par le gouvernement avec les centres d'excellence pour l'aquiculture au Canada, AquaNet, le Projet de recherche et de développement en collaboration sur l'aquiculture, et le programme de partenariat en aquiculture du Commissaire, beaucoup de recherches commencent à être entreprises mais il en faut plus.
Il y a un certain nombre de questions auxquelles on doit répondre. Je ne pense pas qu'il soit juste de dire qu'on possède maintenant les réponses.
M. Tom Wappel: Très bien. J'ai une dernière question, pour M. Chase.
Le président: Veuillez m'excuser, Tom. Stephen souhaite intervenir et je vais lui en donner la chance, après quoi nous passerons à quelqu'un d'autre.
M. Tom Wappel: Je suis d'accord, je voulais simplement lui demander, si vous le permettez...
Le président: D'accord, vous pourrez faire d'une pierre deux coups. Allez-y.
M. Tom Wappel: Avez-vous remis au comité ces études scientifiques examinées par les pairs, ainsi que les résultats de ces «observations régulières», pour appuyer votre affirmation? Sinon, 2allez-vous le faire?
M. Stephen Chase: Oui, nous le ferons. De fait, je crois que nous l'avons déjà fait. Notre mémoire de l'an dernier contenait en annexe une étude du ministère des Pêches et Océans parlant d'interactions nuisibles.
• 1010
Je voudrais revenir sur le problème des consultations. Le
gouvernement du Nouveau-Brunswick s'est dit prêt à tenir des
consultations ouvertes sur les demandes de sites. Il y a déjà eu
quatre faux départs cette année et je pense que l'industrie tient
autant que nous à ce que le processus démarre.
Cela dit, les informations relatives aux résultats sont considérées comme entièrement confidentielles pour l'exploitant et pour le gouvernement. Elles font l'objet d'une vérification mais seuls l'exploitant et le gouvernement y ont accès. De fait, je pense que les associations qui essaient de gérer les exploitants n'y ont même pas accès elles-mêmes. Et j'ai la certitude que le public n'y a absolument pas accès.
Le président: Merci, monsieur Chase.
Suite à notre motion, je retourne à l'Alliance et je reviendrai ensuite à vous, Peter, puis à Georges, Loyola et, finalement, M. Roy.
M. John Cummins: Merci, monsieur le président.
En réponse à une question de mon collègue M. Wappel sur le problème des maladies et des échappées, vous avez dit, monsieur Rideout, qu'il faut faire plus de recherche. Je vous ai posé tout à l'heure une question sur le cas irlandais, qui est largement connu, et je me permets de vous dire qu'il eût été plus utile que vous donniez votre avis à ce sujet. J'ai peine à croire que vous ne l'avez pas compris.
Je veux cependant revenir sur ce rapport américain. En déclarant que le saumon sauvage du Maine est menacé, les Américains ont exprimé certaines inquiétudes au sujet des poissons échappés, et ils s'appuient même sur certains documents du MPO à ce sujet. Ces documents concernent la rivière Magaguadavic, du Nouveau- Brunswick et de la région maritime du Maine. Voici le premier extrait que je veux vous lire:
-
Les saumons adultes d'élevage sont plus nombreux que les saumons
sauvages dans cette rivière, depuis 1994, et leur proportion a
dépassé 80 p. 100 pendant trois des cinq années entre 1994 et 1998.
On ajoute ensuite:
-
L'analyse d'oeufs prélevés dans la rivière Magaguadavic en 1993 a
révélé qu'au moins 20 p. 100 des séries de nids avaient été
construits par des femelles d'origine aquicole ou élevée, et 35 p.
100 étaient peut-être d'origine élevée. En outre, parmi les
saumoneaux immigrant en 1996, de 51 p. 100 à 67 p. 100 étaient
d'origine aquicole et, parmi ceux qui sont sortis de la rivière en
1998, 80 p. 100 étaient d'origine aquicole, ce que l'on a considéré
comme une preuve de l'échappement de jeunes sujets des
établissements aquicoles du bassin hydrologique.
Et cela vient du MPO! Sa conclusion est qu'il existe des preuves substantielles permettant raisonnablement de prévoir une incidence négative sur les DPS du Maine. Ça, c'est du gouvernement américain. Ce sont des préoccupations qu'il exprime en se fondant sur les documents du MPO.
N'êtes-vous donc pas inquiet que des poissons puissent s'échapper et avoir une incidence sur les sujets sauvages?
M. David Rideout: Non.
M. John Cummins: Pourquoi?
M. David Rideout: Parce que j'estime que l'industrie a fait des progrès considérables pour gérer les échappées. Je pense que nous avons collaboré avec les organisations de conservation pour gérer les échappées, et je pense que nous ferons encore d'autres progrès à l'avenir. Je ne pense pas qu'on puisse prendre le saumon sauvage et le saumon d'aquiculture comme seuls points de discussion.
Si vous discutiez avec d'autres personnes de la rivière Magaguadavic du genre d'arrangements de coopération qui existent entre les pêcheurs locaux et l'industrie, vous verriez qu'il y a des choses très positives qui se font là-bas. Il y a d'autres facteurs qui entrent en jeu aussi, si l'on veut mesurer l'incidence sur les stocks sauvages des rivières Magaguadavic et autres.
M. John Cummins: Je le répète, les gouvernements du Maine et des États-Unis ne sont pas convaincus que les mesures que vous avez prises sont efficaces.
Je vais vous citer une autre de leurs conclusions au sujet de ces poissons échappés:
-
Il existe des preuves substantielles que les saumons d'élevage
échappés perturbent les nids de frai du saumon sauvage, font
concurrence au saumon sauvage pour l'alimentation et l'habitat, se
reproduisent avec le saumon sauvage, transfèrent des maladies ou
des parasites au saumon sauvage et (ou) provoquent une dégradation
de l'habitat benthique.
Voilà des accusations très graves, et elles ne viennent pas de moi mais du gouvernement des États-Unis. Ce gouvernement est très préoccupé par la manière dont vous gérez vos exploitations.
Le président: Monsieur Rideout.
M. David Rideout: Vous n'allez pas aimer ma réponse mais je vais vous la donner quand même. Il nous faut un MPO puissant et efficace pour contrer certaines de ces affirmations.
M. John Cummins: Mais ce que je viens de vous dire venait des rapports du MPO, monsieur Rideout.
Le président: Votre temps de parole est écoulé.
Monsieur Stoffer.
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président, et je vous demande de m'excuser pour mon retard de ce matin.
Je n'ai pu m'empêcher de constater, dans les mémoires de M. Chase et de M. Rideout, que tous deux réclament un mécanisme pour faire face aux préoccupations des communautés et aux chevauchements et conflits éventuels, et qu'ils affirment aussi qu'il n'y a pas vraiment de consultation publique ni de transparence pour établir la confiance du public au sujet de l'aquiculture. Autrement dit, vous dites tous les deux ce que nous disons depuis des années.
Comme vous le savez, monsieur Rideout, Northwest Cove, de la péninsule Aspotogan, a été le lieu d'une bataille furieuse au sujet de la demande de Roger Hammond d'ouverture d'une ferme piscicole. Vous-même, monsieur, avez souvent déclaré devant notre comité et en privé que l'industrie aquicole n'irait pas s'établir là où elle ne serait pas la bienvenue. Or, plus de 90 p. 100 des habitants de cette région vous ont dit de partir et d'aller au diable. Notre difficulté vient du fait que c'est le gouvernement fédéral qui mène les études environnementales et la province qui délivre les permis. C'est ça qui crée de la confusion.
Avant son élection, le premier ministre Hamm avait déclaré qu'il n'imposerait aux collectivités rien qu'elles ne souhaitent pas. Cependant, nous constatons qu'un très grand nombre de pêcheurs au homard de la baie de Fundy s'inquiétaient vivement de l'expansion rapide de l'industrie piscicole dans leur région. Et nous avons constaté la même attitude en Nouvelle-Écosse.
Roger Hammond et Serge Lafrenière, d'Arichat, ne sont pas ce qu'on pourrait appeler des figures emblématiques de l'aquiculture. Pourtant, en discutant avec Marli MacNeil de consultations au sujet du site demandé, elle a prétendu qu'ils ne faisaient pas partie de l'industrie. En réalité, cependant, si vous voulez faire votre propre promotion et regagner la confiance du public, vous devriez vous exprimer publiquement contre ce que j'appellerais les figures repoussoirs de votre industrie et clamer bien haut que ces gens ne représentent aucunement l'industrie aquicole ou votre association. Pourtant, vous ne dites rien et votre silence ne peut qu'exprimer votre assentiment de ce qu'ils font. Et je vous dis, cher monsieur, comme je le lui ai dit à elle, que cela causera beaucoup de tort à votre industrie.
Voici mes deux questions.
Aux États-Unis, certaines rivières de la Nouvelle-Angleterre ont été identifiées comme ayant des stocks de saumon menacés. Si le Canada faisait la même chose pour certains stocks de la baie de Fundy, ou pour d'autres rivières à saumon du Nouveau-Brunswick, seriez-vous d'accord? Je sais que M. Chase appuierait probablement une telle mesure mais je vais quand même lui poser aussi la question. En outre, si vous étiez d'accord avec cette mesure, quelles seraient les conséquences pour votre industrie?
Deuxièmement, monsieur Chase, vous avez dit que c'est de leadership que nous avons besoin, pas de paroles en l'air. Pourriez-vous préciser votre pensée?
Le président: Nous allons commencer avec M. Rideout puis nous passerons à M. Chase.
M. David Rideout: Si vous me le permettez, monsieur le président, je voudrais revenir sur la question des figures emblématiques.
Je n'ai aucun commentaire à faire au sujet de M. Hammond ou de M. Lafrenière mais, en ce qui concerne le silence de l'industrie, je tiens à préciser que nous avons adressé au comité permanent de la Chambre des communes un mémoire sur les exploitants négligents, sur la nécessité de gérer les exploitants négligents et sur la nécessité d'obtenir de l'aide pour gérer les exploitants négligents. Si vous pensez que cela revient à être silencieux, j'affirme pour ma part que c'est un appel à l'action. Nous savons qu'il y a des problèmes mais nous n'avons pas l'intention de nous attaquer à tel ou tel individu dans ce contexte.
En ce qui concerne notre réaction au cas où certains stocks de la baie de Fundy seraient déclarés comme des stocks menacés, en vertu de la Loi sur les espèces en péril, je suppose, il est évident que nous y serions favorables. Nous appuyons cette loi. Nous avons rencontré le Comité de l'environnement et du développement durable pour lui adresser un mémoire au sujet de la Loi sur les espèces en péril. Nous pensons que le plan de rétablissement des stocks devra très certainement être mis en oeuvre avec l'appui de l'industrie aquicole, tout comme il exigera la participation du secteur de la pêche au saumon sauvage. Le problème n'est pas que l'aquiculture met ces espèces en péril, c'est que l'origine du péril vient de l'environnement. Nous avons peut-être tous un rôle à jouer à cet égard et, si l'aquiculture peut contribuer à la solution, elle y contribuera.
• 1020
M. Chase et moi-même nous penchons sur ces questions depuis un
an et demi. Nous ne voulons certainement pas en faire fi. Toute
espèce menacée est importante, non seulement pour cette industrie
mais pour tous les Canadiens.
Le président: Monsieur Chase.
M. Stephen Chase: Merci, monsieur le président et monsieur Stoffer.
Le ministère des Pêches et Océans et chacun des gouvernements provinciaux auxquels il délègue ses responsabilités, par des protocoles d'entente, manquent tristement de leadership—mais pas de paroles en l'air—pour tenter de réunir les parties. J'estime qu'il y aurait beaucoup d'avantages mutuels pour l'aquiculture et pour les écologistes à travailler ensemble, même si nous abordons les mêmes problèmes de points de vue légèrement différents.
J'estime qu'il est très important que les gouvernements fassent preuve de leadership, surtout le ministère des Pêches et Océans, qui a pour mandat d'assurer la conservation des populations de poisson sauvage. Voilà son mandat—et j'ose affirmer que c'est son mandat primordial—mais il a aussi pour fonction de contribuer au développement de l'aquiculture. Il arrive parfois que ces deux éléments soient en conflit au sein du ministère.
Si j'en juge par les résultats que l'on peut observer, certains membres du MPO font tout leur possible pour la conservation des espèces, et il y a parfois dans le mandat un conflit qui empêche le MPO d'appliquer son mandat. Je pense que c'est le genre de leadership...
Je veux dire quelque chose, monsieur le président.
Le président: Allez-y, mais rapidement.
M. Stephen Chase: Je suis venu ici pour appuyer la nécessité d'un partenariat avec l'aquiculture. Je ne suis pas venu ici pour lancer des flèches contre l'industrie et je crains que le débat ne soit en train de dériver dans cette voie.
M. Rideout et moi-même avons collaboré avec beaucoup de succès sur plusieurs questions au cours de l'année écoulée. Nous avons établi ce que je considère être une excellente relation de travail. Je pense cependant qu'il y a certains... Nous aimerions que les choses avancent plus vite mais notre objectif fondamental est de faire en sorte que les gouvernements jettent les bases nécessaires à l'épanouissement de ces partenariats.
Le président: Juste une remarque, Stephen, et je sais que David veut intervenir aussi, je pense que la question principale, au vu de ce que vous proposez tous les deux, est de savoir comment nous, en tant que comité, pouvons assurer...? M. Rideout a dit tout à l'heure qu'il y a un échec du point de vue d'une surveillance exhaustive, de rapports obligatoires, d'ordonner la destruction de stocks, etc., et il a évoqué plusieurs autres carences du ministère dans son mémoire.
La question fondamentale pour nous est de savoir quel rôle nous pouvons jouer pour veiller à ce que le ministre, le ministère et le Commissaire à l'aquiculture répondent aux besoins de vos deux industries. Voilà la clé. Je pense qu'il y a des bons éléments dans votre mémoire et nous essaierons d'en tenir compte.
Je vous remercie de votre remarque.
Soyez rapide, David. Essayez de vous limiter à 20 secondes et je donnerai ensuite la parole à Georges.
M. David Rideout: Merci beaucoup et je vous remercie de ce commentaire.
Le développement de l'aquiculture par rapport à la conservation, à mon sens... Le ministère des Pêches et Océans ne peut pas être schizophrène. Il ne peut pas à la fois contribuer à l'expansion de l'industrie et atteindre ses objectifs de conservation. Par contre, il peut très bien faciliter le développement sur des questions telles que la salubrité des aliments, la protection de l'environnement et la concurrence globale.
Si nous pouvons régler les problèmes de localisation des exploitations, nous aurons réglé bon nombre de problèmes de compétitivité. Or, d'après moi, c'est une responsabilité qui appartient clairement au MPO.
Je pense qu'il lui appartient plus de faciliter le développement que d'en faire la promotion.
Le président: Merci, monsieur Rideout.
Monsieur Farrah.
[Français]
M. Georges Farrah (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, Lib.): Merci, monsieur le président.
C'est plutôt un commentaire que je veux faire parce que je pense que la question a quand même été posée et qu'on y a répondu en partie. Je veux quand même revenir au mémoire de M. Chase.
• 1025
En octobre dernier, vous avez soumis un
mémoire de la fédération à St. Andrews.
Suite à cette rencontre-là, il n'y a pas eu,
malheureusement, beaucoup d'évolution par
rapport aux points que vous aviez soulevés.
Par ailleurs, vous dites dans votre mémoire:
-
De toute évidence, dans l'industrie de
l'aquiculture et au gouvernement, beaucoup de
gens conviennent avec nous des
avantages qu'il y aurait à travailler ensemble.
Dans le paragraphe suivant, vous dites:
-
Dans l'industrie et au gouvernement, des personnes
déterminées à faire avancer le dossier ont entrepris de
chercher des façons de travailler ensemble à mettre au
point des mesures concrètes pour faciliter la
conservation, la reconstitution et la gestion des
populations de saumon sauvage.
Vous dites donc qu'il y a quand même une volonté d'agir. Vous dites aussi qu'il y a des gens qui sont là pour vous aider. Mais, en bout de ligne, votre dossier n'a pas beaucoup progressé depuis octobre dernier. Comment expliquez-vous ça? De plus, que pouvons-nous faire pour que votre dossier puisse avancer? Vous dites qu'il y a des gens, tant au niveau de l'industrie qu'au niveau du gouvernement, qui sont prêts à agir pour vous aider. Mais en bout de ligne, il n'y a rien de concret qui s'est fait jusqu'à présent. Où donc est le problème?
[Traduction]
Le président: Monsieur Chase.
M. Stephen Chase: Merci, monsieur Farrah.
Le progrès peut avoir des sens différents. Depuis environ un an et demi, la Fédération du saumon de l'Atlantique essaie de forger des relations avec des gens comme M. Rideout, le Commissaire de l'aquiculture, et d'autres. Vous savez sans doute que nous avons établi des relations de travail excellentes et constructives. Et nous avons participé ensemble à un certain nombre d'exercices, comme l'élaboration d'une position sur les introductions et les transferts, à l'intention des ministres fédéral-provinciaux- territoriaux et sur la protection de la santé des poissons. Nous avons donc fait des choses constructives et les membres de l'industrie ont fait des choses constructives.
Ce que nous voudrions aujourd'hui, toutefois, c'est qu'on effectue des recherches très sérieuses. Les discours sont excellents et il en faut pour créer un environnement de facilitation, mais je pense qu'il faut maintenant démontrer des choses concrètes—un projet conjoint de recherche—qui vont produire des résultats concrets à la fois pour la conservation du saumon sauvage et pour l'aquiculture.
Notre but est clairement d'obtenir un gain mutuel. En dernière analyse, nous nous intéressons au saumon sauvage mais nous avons besoin de quelque chose de concret témoignant d'un véritable effort commun. On a parlé du projet de Magaguadavic. Diverses personnes se sont penchées sur l'aquiculture et ont dit: «Nous aimerions contribuer au rétablissement des stocks et à ce genre de chose, ou élever des poissons pour pouvoir les remettre dans les rivières». Je pense que c'est bon.
Voilà pourquoi j'ai dit il y a une minute que je suis très préoccupé. Nous ne sommes pas venus ici pour critiquer mais plutôt pour faciliter. Et la question est urgente car les populations de poisson sauvage baissent à un rythme inquiétant. Nous n'avons pas beaucoup d'années devant nous. Cela dit, monsieur le président, je veux faire une autre remarque.
Nous avons pris la peine, en public et en privé, de bien souligner que l'aquiculture n'est que l'un des nombreux facteurs qui ont contribué au déclin du saumon sauvage. En fait, c'est un facteur dans les secteurs où elle existe; manifestement, là où elle n'existe pas, c'est probablement mineur.
J'espère que cela répond à votre question, monsieur Farrah.
Le président: C'est tout, monsieur Farrah?
[Français]
Monsieur Roy, la parole est à vous.
M. Jean-Yves Roy (Matapédia—Matane, BQ): Merci, monsieur le président. Ma question s'adresse à M. Chase.
Dans votre mémoire, vous faites certaines recommandations dont la recommandation 3. Je vais la lire parce que je veux que les autres membres du comité la comprenne bien:
-
La fédération recommande donc au comité de proposer aux
gouvernements de faire des efforts sérieux pour amener
l'industrie aquicole et les intervenants à instaurer
des relations professionnelles constructives qui soient
vraiment favorables à la conservation.
Je comprends bien votre recommandation, mais je voudrais que vous la précisiez. Qu'est-ce que vous demandez au gouvernement? Est-ce que vous demandez au gouvernement d'arbitrer vos relations entre la fédération et l'industrie? Qu'est-ce que vous demandez au comité, au fond, en faisant cette recommandation-là? Voulez-vous que nous disions au gouvernement d'aller arbitrer les problèmes qui existent entre l'industrie et la fédération, entre les aquaculteurs et les pêcheurs sportifs? Au fond, la recommandation m'apparaît vague, et je voudrais que vous la précisiez.
M. Stephen Chase: Je crois, monsieur Roy, que le gouvernement pourrait faire bien des choses pour amener les parties à collaborer à des projets de conservation ou à des activités de recherche. De fait, la stratégie de l'aquiculture—la stratégie de 75 millions de dollars annoncée par le ministre l'an dernier—prévoit des recherches scientifiques communes.
Je pense que le gouvernement souhaite que ces projets de recherche soient entrepris mais je n'ai pas vraiment eu de discussion avec ses représentants à ce sujet. Quoi qu'il en soit, voilà le genre de chose sérieuse et concrète qui témoignerait d'une vraie collaboration.
Les provinces aussi ont un rôle à jouer dans ce domaine. Bien qu'elles soient plus près de l'action, elles n'ont pas fait grand- chose pour rapprocher les parties. Je crois comprendre que Terre- Neuve a certaines intentions à cet égard, et je sais qu'il y a eu au Nouveau-Brunswick plusieurs faux départs pour lancer les consultations. Je ne suis au courant d'aucune initiative de cette nature en Nouvelle-Écosse.
Ce qui manque, c'est un effort concerté, de la part du gouvernement, pour réunir les parties concernées.
Le président: Monsieur Roy.
[Français]
M. Jean-Yves Roy: J'ai seulement une autre question.
À un moment donné, le comité a reçu les représentants du ministère des Pêches et des Océans pour qu'ils viennent nous parler du fleuve Fraser et de la rivière Thompson, entre autres. On nous a dit qu'il y avait un problème qui existait depuis cinq ans en rapport avec un saumon, mais que le ministère n'avait absolument aucune donnée à nous fournir et qu'il ne comprenait absolument pas ce qui se produisait au niveau de ces deux cours d'eau-là.
Ce que vous demandez, au fond, c'est que le ministère des Pêches et des Océans investisse davantage en recherche fondamentale afin d'en connaître davantage sur le poisson. Cependant, on se rend compte que cela ne peut se faire qu'à long terme, alors que le problème que l'on connaît présentement par rapport à l'industrie aquicole, c'est, je pense, un problème à court terme. Comment peut-on résoudre le problème?
On dit qu'une véritable recherche scientifique qui mène à une véritable connaissance scientifique peut prendre jusqu'à dix ans. Si on laisse aller l'industrie, les choses vont sans doute changer d'ici dix ans. Les problèmes vont évidemment s'aggraver, augmenter. Que voulez-vous que le ministère des Pêches et des Océans fasse de façon concrète pour éviter que, d'ici dix ans, les problèmes ne s'aggravent davantage? La connaissance scientifique, je ne crois pas que l'on puisse l'obtenir avant un bon nombre d'années.
[Traduction]
M. Stephen Chase: Merci, monsieur Roy.
La FSA a lancé une initiative importante pour tenter de convaincre le gouvernement—le MPO—d'accroître sa capacité de recherche, de manière générale et pas seulement en ce qui concerne l'aquiculture. Il est clair que l'argent qu'investit le MPO dans son programme scientifique n'est qu'une fraction de ce que c'était il y a 10 ans. Les scientifiques chevronnés commencent à prendre leur retraite et on ne les remplace pas. Certains scientifiques du MPO sont surchargés de travail et n'ont donc aucune possibilité d'effectuer les recherches qu'ils voudraient vraiment faire. Et ça ne concerne pas que l'aquiculture.
On a mis un peu d'argent dans ce programme l'an dernier mais, pour répondre à votre question, l'aptitude du MPO à mener des études scientifiques a été sérieusement entamée. Il y a pourtant d'excellentes raisons d'ordre économique à effectuer ces recherches, la première étant qu'une importante économie rurale dépend de la pêche récréative.
• 1035
Nous espérons que des projets de recherche seront entrepris
sur l'aquiculture, dans le cadre de la stratégie du même nom mais,
pour le moment, c'est très incertain. Nous n'avons pas encore
formulé de proposition bien que nous ayons eu des discussions avec
une organisation du secteur de l'aquiculture au Nouveau-Brunswick
sur la possibilité de formuler une proposition dans le cadre de la
stratégie.
En bref, il faut que le MPO consacre beaucoup plus d'argent à son programme scientifique.
Le président: Merci, monsieur Chase.
Monsieur Rideout, pour un bref commentaire, après quoi nous passerons à M. Hearn.
M. David Rideout: Merci.
Je voudrais appuyer les déclarations de Stephen en disant que nous avons besoin d'institutions publiques solides, surtout dans le domaine scientifique. Le programme d'innovation peut déboucher sur des avantages énormes. De même, on peut obtenir d'excellents résultats en coordonnant les activités de R-D au lieu de les parcelliser. Un certain nombre d'organisations font de la recherche et du développement et il serait bon que leurs efforts soient coordonnés.
Le président: Monsieur Hearn.
M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC/RD): Merci, monsieur le président.
Permettez-moi de remercier aussi les témoins de ce matin, dont les déclarations nous permettent incontestablement de mieux saisir la situation.
Pourquoi fait-on de l'aquiculture? Pour deux raisons: premièrement, pour stimuler l'économie et créer des emplois et, deuxièmement, pour remplacer les pertes que nous avons subies dans la pêche traditionnelle.
Je viens d'une petite collectivité de pêche où notre passe- temps, les soirs d'été, consistait à aller au port pour compter combien de saumons pouvaient sauter hors de l'eau en 10 ou 15 minutes. Ça n'existe plus, aujourd'hui. Et comme il n'y a pas de projets d'aquiculture dans la région, ce n'est pas à cause de l'aquiculture. Il y a beaucoup d'autres facteurs, comme la pêche illégale et, peut-être, le fait qu'on se préoccupe trop de l'environnement—ce qui fait qu'on n'a plus le droit de rejeter des déchets de poisson dans l'eau pour attirer les saumons, les anguilles, etc.—et aussi le mépris complet de l'État à l'égard des rivières à saumon, du point de vue de l'observation et de la protection. Il n'existe quasiment plus aucune protection de nos rivières à saumon, aujourd'hui, et la pêche illégale a certainement augmenté.
Comme nos stocks de poisson de fond se sont effondrés, nous nous sommes tournés vers l'aquiculture comme solution de remplacement. Certes, elle offre d'excellentes possibilités mais l'absence complète d'intérêt et d'investissement du gouvernement envers l'aquiculture m'inquiète beaucoup. Quand on voit les milliards de dollars consacrés au programme LSPA et qu'on voit que la pêche est le seul secteur dans lequel on n'est pas autorisé à dépenser de l'argent, c'est inquiétant.
Dans les régions rurales, dans les Maritimes et surtout à Terre-Neuve—mais cela vaut aussi pour la Colombie-Britannique—la pêche est le meilleur secteur de création d'emplois, à condition qu'on investisse dans la recherche, la science et l'infrastructure; et, si l'on examine le budget du ministère, comme on l'a vu dans d'autres secteurs, comme la Garde côtière et d'autres choses, ça n'a été que coupure, coupure, coupure.
Le problème que nous connaissons aujourd'hui vient en partie de l'absence de recherche et d'investissement, non pas des individus du secteur mais des gouvernements qui ont provoqué le déclin des stocks sauvages, que ce soit de saumon, de truite ou d'autres espèces, et de l'absence d'investissement approprié et de recherche scientifique et de protection en relation avec ce qui pourrait se produire ou ce qui se produit dans l'industrie aquicole.
C'est la même chose avec le coût de développement des sites. Le gouvernement devrait certainement savoir si un site est relativement adéquat, et j'affirme qu'il devrait effectuer les évaluations environnementales requises pour le savoir. Au lieu de cela, il s'attend à ce que quelqu'un investisse peut-être 100 000 $ pour se faire dire que le site ne convient pas. Cela ne produit pas d'investissement.
Est-ce que l'un de nos gros problèmes n'est pas un manque d'attention et de financement? Peut-on trouver d'autres solutions? Est-ce que nous sommes trop préoccupés aujourd'hui dans l'aquiculture par le problème de nos stocks sauvages et est-ce que nous ne perdons pas de vue les vraies raisons—de la pêche illégale jusqu'au manque de protection de nos rivières, ou quoi que ce soit d'autre?
• 1040
N'avons nous pas perdu de vue les vrais problèmes? Comment pouvons-
nous rebâtir nos stocks, les stocks sauvages, et peut-être devrais-
je aussi mettre l'aquiculture côtière là-dedans? Quand nous étions
en Écosse, nous avons vu que bon nombre des projets connaissant du
succès sont basés à terre. Est-ce qu'on devrait plus se tourner
vers cette méthode plutôt que d'essayer d'élever du produit en mer?
Le président: Merci, monsieur Hearn.
M. Rideout puis M. Chase.
M. David Rideout: Merci beaucoup pour la question.
Est-ce que le manque de fonds cause problème? Dans certains secteurs, absolument. Je suis d'ailleurs un peu inquiet de voir que la discussion de l'aquiculture est focalisée sur le saumon. Certes, le saumon est un secteur clé de l'aquiculture canadienne et il contribue beaucoup à la productivité globale de l'aquiculture, mais il y a aussi des efforts importants qui sont faits pour les mollusques et le flétan.
J'assistais il y a deux semaines à une conférence côtière à St. Albans, à Terre-Neuve. Nous savons aujourd'hui qu'on peut prendre de la morue et en doubler la taille en trois ou quatre mois, ce qui est important. C'est un peu limité par sa capacité limitée à accepter les aliments en boulettes, mais d'autres recherches continuent sur les aliments humides. Il y a des opportunités extraordinaires en termes d'élevage à maturité. Il convient donc de poursuivre les recherches sur l'établissement d'écloseries et d'élevages de la morue, surtout à Terre-Neuve.
Pour ce qui est du saumon, je suis heureux de voir qu'on fait des recherches et qu'on investit de l'argent, et c'est très bien de voir le MPO être appuyé, et il serait bon que l'ACIA joue un rôle plus actif sur des questions telles que la santé des animaux aquatiques. Néanmoins, s'il faut que le MPO développe l'infrastructure nécessaire, tant pis, mais l'industrie de l'aquiculture, en ce qui concerne le saumon, n'est pas à genoux en train de demander de l'argent, à une exception près: il serait très utile que le gouvernement se penche sur le marketing générique.
Il existe une concurrence très vive sur notre marché. Si nous pouvions obtenir que les consommateurs consomment plus de nos produits du poisson—pas seulement de l'aquiculture mais aussi des produits du poisson canadien—si nous pouvions améliorer ou accroître la consommation par habitant de produits du poisson, nous ferions des progrès considérables sur le marché et les problèmes de concurrence auxquels nous sommes aujourd'hui confrontés seraient réduits. Il serait peut-être utile d'orienter de l'argent dans cette voie.
Pour ce qui est de trouver d'autres méthodes, c'est la source qui me cause le plus de frustration. D'après moi, l'industrie de l'aquiculture fait le plus d'efforts possible pour essayer de résoudre les problèmes. C'est ce que je constate depuis que je m'y intéresse, il y a un an et demi. Le problème est qu'on semble être totalement focalisé sur l'aquiculture et pas sur tout l'éventail de problèmes.
Si la pêche illégale fait problème, trouvons une solution. S'il y a quelque chose qui se passe dans l'environnement océanique, trouvons une solution. Si les barrages présentent un problème, trouvons une solution. Et si l'aquiculture crée un problème, réglons-le. Ne le faisons pas seulement pour M. Chase, pour moi- même et quelques autres mais pour l'ensemble de la collectivité. Adoptons une démarche communautaire à cet égard et trouvons des solutions.
Cette industrie offre un potentiel tellement élevé que c'est incroyable, du point de vue de la résolution des difficultés économiques des collectivités côtières—à condition de bien faire. Voilà pourquoi nous espérons tellement que le comité se penchera très sérieusement sur nos recommandations.
Le président: Monsieur Chase, pour une brève remarque, après quoi je donnerai la parole à M. Lunney et à M. Steckle.
M. Stephen Chase: Merci, monsieur le président.
La Fédération du saumon de l'Atlantique a participé il y a quelques années au développement de l'aquiculture. Nous avions un programme de recherche génétique à St. Andrews qui a contribué en grande mesure à l'éclosion de cette industrie, là-bas. Et nous en sommes très fiers. Quand les stocks de saumon ont commencé à baisser, pour la pêche commerciale, nous avons pensé que l'aquiculture permettrait de compenser cette perte.
• 1045
La question était de savoir si le MPO pourrait faire plus.
J'ai déjà souligné la nécessité d'élargir son programme
scientifique, mais ce sont tous les programmes du ministère qu'il
faut améliorer—protection, gestion, habitat, restauration et
évaluation. C'est une partie de notre initiative.
L'une des questions est de savoir ce qui se passe dans l'océan. Nous savons qu'un certain nombre de facteurs ont contribué au déclin du saumon de l'Atlantique, dans nos rivières et nos bassins hydrologiques—barrages, activités prédatrices, pollution, etc. Mais nous ne savons pas ce qui se passe dans l'océan.
En fait, des mesures ont été prises à ce sujet. Le Canada s'est joint à un fonds international mis sur pied pour étudier les problèmes océaniques que les scientifiques estiment devoir être examinés en priorité. Nous nous attendons à ce que le Canada contribue à ce programme avec la Communauté européenne, les États- Unis et d'autres.
Pour ce qui est du déclin du saumon, comme je l'ai dit, l'aquiculture n'est que l'un de plusieurs facteurs à considérer—et c'est probablement loin d'être le principal. Mais nous avons besoin de recherche dans tous ces domaines pour mieux comprendre les problèmes et commencer à les résoudre.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
Le président: Merci, monsieur Chase.
Monsieur Lunney.
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne): Je voudrais rester sur le même sujet. Je suis rentré hier de Tofino, sur la côte ouest du Canada, où se tenait un festival célébrant le retour du saumon. Nous assistions à la remontée de saumon kéta et de saumon coho.
On a déjà beaucoup fait pour réparer les dégâts causés à l'habitat halieutique par l'activité forestière, mais il avait fallu d'abord admettre que celle-ci avait contribué au déclin des stocks. Les collectivités locales se sont mises à nettoyer les cours d'eau, des surveillants de rivière s'en sont occupés, ainsi que des écloseries locales—ce fut un effort communautaire. Aujourd'hui, on est surpris de voir des milliers de saumons remonter des cours d'eau où on en voyait à peine une cinquantaine il y a quelques années.
Les gens tiennent donc à ce qu'on protège les stocks de saumon sauvage. Il y a encore beaucoup à faire à cet égard mais on fait déjà beaucoup de bonnes choses. Par contre, ce qui inquiète encore vivement les collectivités, c'est l'aquiculture—particulièrement la question du choix des sites.
Aujourd'hui, j'ai entendu parler pour la première fois de l'accord d'Oslo—c'est la question des 20 kilomètres à partir des embouchures. Il me semble que cela soulève des questions très importantes du point de vue des interférences entre les sites et les remontées du saumon. Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet? Que se passe-t-il avec les accords? Est-ce une norme reconnue? Le Canada la respecte-t-elle?
M. Stephen Chase: Je vais essayer de répondre. La résolution d'Oslo a été soumise à l'OCSAN et elle s'applique certainement au saumon de l'Atlantique, à l'intérieur et autour de la périphérie de l'Atlantique nord. À ma connaissance, elle ne s'applique pas au saumon du Pacifique.
Le Canada a-t-il fait quelque chose pour appliquer la résolution d'Oslo? Je n'en sais vraiment rien. Le Canada a signé le traité de l'OCSAN, avec l'UE, les États-Unis, l'Espagne, la France, la Russie, etc. Ces pays font tous partie de l'OCSAN mais je ne saurais vous dire dans quelle mesure le Canada s'acquitte de ses obligations en vertu de l'OCSAN. S'agit-il de lignes directrices ou de règles absolument impératives? Je ne sais pas. C'est l'une des questions que nous aimerions poser au gouvernement.
L'autre chose que je veux ajouter est qu'il est bon qu'il y ait un festival de «retour du saumon». En Colombie-Britannique, le Canada a consacré 400 millions de dollars à la restauration des stocks de saumon, et, de cette somme, 100 millions étaient censés contribuer à l'épanouissement des groupes communautaires afin que toutes les parties prenantes—l'industrie de la forêt, l'aquiculture et les collectivités autochtones—puissent collaborer à la restauration du saumon. Nous n'avons pas cela pour les populations de saumon de la côte est mais nous en aurions désespérément besoin.
Le président: Monsieur Lunney.
M. James Lunney: Pour revenir à la résolution d'Oslo, si l'on a fixé cette limite par rapport à l'embouchure des rivières, c'est qu'il y avait une raison. Pourriez-vous la préciser, monsieur Chase ou monsieur Rideout? Avez-vous quoi que ce soit à dire sur l'effet des sites d'aquiculture près des embouchures des rivières à saumon?
M. Stephen Chase: D'après les études scientifiques examinées par les pairs que j'ai pu consulter, je peux simplement dire que, plus une exploitation d'aquiculture est située à proximité de l'embouchure d'une rivière où il y a des migrations de poissons, plus il y a un risque d'interaction—que ce soit du point de vue de la santé ou des échappées.
C'est cela qui a entraîné l'adoption de cette résolution. Il y a certainement des documents techniques à ce sujet—on pourrait les obtenir par l'OCSAN ou par le MPO. Je vous suggère de consulter le site Web de l'OCSAN. C'est un bon site où l'on peut trouver toutes ces résolutions.
M. James Lunney: Quelque chose à ajouter, monsieur Rideout?
M. David Rideout: Si je comprends bien, le ministère des Pêches et Océans doit publier chaque année un rapport sur sa mise en application de la résolution d'Oslo. Pour ce qui est de la résolution elle-même, je ne sais pas si l'industrie de l'aquiculture a été consultée. C'était une sorte de fait accompli avant que l'aquiculture n'y mette son nez. Je me trompe peut-être mais je crois que tel fut le cas.
Pour ce qui est de ce qui se passe en Colombie-Britannique, je pense que les efforts déployés pour restaurer l'habitat et les stocks sont très encourageants. J'aimerais souligner que chaque province aborde différemment le problème du choix des sites. En Colombie-Britannique, il y a trois niveaux: il y a l'approche de l'évaluation environnementale, avec la participation du MPO, puis il y a le processus de décision provincial, et enfin le processus communautaire.
Certaines fermes aquicoles ont franchi les deux premières étapes sans aucun problème mais ont ensuite eu des difficultés à l'étape communautaire parce que certaines collectivités ne voulaient pas accueillir d'exploitation aquicole. Cela cause beaucoup de frustration dans l'industrie. En revanche, cela montre qu'il est nécessaire de faire participer tout le monde au processus, dès le départ, pour trouver de bonnes solutions.
M. James Lunney: Je voudrais poser une dernière question sur l'utilisation de lampes à arc en aquiculture pour la photo- adaptation. J'ai entendu des histoires différentes à ce sujet. Des pêcheurs commerciaux ont exprimé de vives préoccupations sur l'effet des lampes à arc sur les stocks sauvages, notamment lorsque l'exploitation aquicole est à proximité de l'embouchure d'une rivière. Apparemment, les saumons sauvages sont attirés vers les filets par la lumière et ils sont ensuite attaqués par les prédateurs. Que savez-vous là-dessus?
M. David Rideout: Selon mes informations, c'est une nouvelle technique et il y a des avis contradictoires à son sujet. C'est une autre question qui mériterait de faire l'objet de recherches attentives.
Le président: Merci, monsieur Lunney et monsieur Rideout.
Monsieur Steckle.
M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Merci, messieurs.
Je crois qu'il faut préciser que ce comité, dans l'ensemble, est en faveur de l'aquiculture. Il est regrettable que nous n'ayons pas pu conclure nos études à ce sujet mais je pense que nous avons obtenu d'excellentes informations ce matin, par exemple sur les notions de transparence et de responsabilité. Vous en avez beaucoup parlé au début de la séance.
Lorsque ces deux principes ne sont pas respectés, ou le sont peu, on a évidemment des raisons de s'inquiéter. Le grand public s'inquiète, tout comme l'industrie—des deux côtés, l'industrie du poisson sauvage et l'industrie de l'aquiculture.
Quand je vois ce qu'a fait le MPO, je constate que, pour ce qui est de la morue, tout indiquait un déclin probable des stocks, il y a quelques années. Les informations fondées sur le savoir traditionnel montraient que les stocks de morue commençaient à s'épuiser. Il y avait donc des signes indicateurs mais, pour ce qui est de leur interprétation, qui devait s'en charger? Ma préoccupation est qu'on semble répondre aux résultats d'une bonne science qui a mal tourné.
Comment résoudre ce problème? On a dit ce matin qu'on ne faisait pas assez d'études scientifiques, ou qu'il n'y a peut-être pas assez de coopération entre notre science et la science basée aux États-Unis—parce que nos espèces se déplacent. Comment pouvons-nous mieux interpréter, et comment pouvons-nous mieux sensibiliser le public au type de science qui existe afin que la science que nous avons devienne une science utile plutôt qu'une science inutile?
M. Stephen Chase: Je vais commencer puis je donnerai une chance à David.
La science est un processus itératif. La meilleure approche est celle de la recherche appliquée, après quoi on cherche des résultats. Vis-à-vis de la science, le MPO ne fait pas un si mauvais travail. Une fois qu'un projet scientifique est en cours ou achevé, des rapports sont régulièrement publiés sur ce que le projet a révélé.
Je ne pense pas que le problème de la transparence et de la responsabilité soit tellement pertinent au sujet de la science. Il vaut essentiellement pour les processus de réglementation et d'approbation. Nous partageons cette préoccupation. Voilà pourquoi nous avons produit un mémoire commun sur le processus des introductions et des transferts. Nous disons dans ce mémoire que le processus est incohérent d'une province à l'autre. On ne révèle pas pourquoi un transfert est approuvé ou rejeté. Voilà simplement un exemple de processus de réglementation au sujet duquel, si les gens étaient plus francs et si nous pouvions comprendre ce qui se passe, certaines de nos préoccupations disparaîtraient probablement. L'absence d'information donne naissance à plus de questions que l'existence de l'information.
Le président: Monsieur Steckle.
M. Paul Steckle: Je crois que c'est M. Rideout qui faisait allusion à l'un des domaines où il y a eu des recommandations. Je connais un peu le secteur de l'eau douce car il se trouve que je le représente. Je ne suis pas aussi familier avec les régions côtières du Pacifique et de l'Atlantique, du point de vue de la pêche. En tout cas, vous avez parlé tout à l'heure de la question de l'eau de ballast.
Nous savons qu'en ce qui concerne l'eau de ballast du système des Grands Lacs, il y a eu un problème inhérent d'espèces introduites par l'eau de ballast. Des recommandations ont été adressées à notre comité à ce sujet. À ma connaissance, il n'y a eu aucune réponse. Nous connaissons déjà les paramètres scientifiques étant donné que les résultats ont été recueillis pendant de nombreuses années, remontant aux années 1920 et peut-être même avant. Pourtant, nous ne semblons avoir tiré aucune leçon de tout cela.
Quand allons-nous tirer les leçons—et je suppose que c'est le fond de ma question—de la science ou des preuves? Comme l'a dit M. Chase, nous devons nous pencher sur les résultats et puis mesurer cela par rapport à quelque chose.
Le président: Monsieur Rideout.
M. David Rideout: Très bientôt, j'espère, surtout sur la question de l'eau de ballast.
Je ne devrais peut-être pas dire ce que je vais dire, monsieur le président, mais je vais le faire quand même.
Mon père avait l'habitude de dire que, si l'on fait une mauvaise réputation à un chien, il essaiera d'être à la hauteur. Je pense qu'il est temps de se calmer avec le MPO. Ce n'est pas l'épouvantail. Le problème est que le MPO n'a pas les outils nécessaires pour faire le travail. C'est cela que réclame l'industrie. Les choses commencent à changer, et je pense que c'est important, mais nous avons besoin de meilleures études scientifiques. Le ministère a besoin de faire plus, nous le comprenons.
Pour revenir à la question d'origine, sur qui interprète la science, elle nous ramène à toute cette question de gestion du risque. Celui qui gère le risque doit avoir les outils nécessaires pour prendre les bonnes décisions, et nous affirmons que ces outils comprennent des considérations scientifiques, sociales et économiques. Il y a certains domaines, par exemple la salubrité des aliments, où le social et l'économique n'ont pas leur place. Mais il y en a d'autres où on pourrait avoir une situation scientifique à faible risque mais une situation sociale ou économique à risque élevé, et c'est alors qu'on dirait non, nous ne prendrons pas cette décision.
Il faut prendre ces choses en considération. Voilà pourquoi je suis encouragé de voir que le centre d'excellence, l'AquaNet, a lancé un appel pour que des recherches soient entreprises par des socio-scientifiques du Canada sur les critères sociaux et économiques de prise de décision pour la gestion du risque. Mais la réponse, je pense, se ramène à une approche de gestion du risque. Qui sont les gestionnaires du risque et quels outils ont-ils pour prendre leurs décisions? Si nous leur donnons les bons outils, je pense qu'ils prendront les bonnes décisions.
Le président: Merci, monsieur Rideout.
Désolé, Peter, nous n'avons plus assez de temps. J'ai moi aussi quatre ou cinq questions que je n'aurai pas le temps de poser.
Quoi qu'il en soit, je voudrais en mentionner une seule. À la troisième recommandation de votre mémoire, monsieur Chase, vous dites:
-
...que le comité propose au gouvernement de faire des efforts
sérieux pour stimuler des relations de travail de coopération entre
l'industrie aquicole et les parties prenantes, dans le but de
contribuer concrètement à la conservation.
• 1100
Je pense que nous pourrions aller plus loin que cela, jusqu'au
développement économique, etc. Stephen, avez-vous des propositions
précises reliées à cela?
Je dois dire que je vous félicite tous les deux, monsieur Chase et monsieur Rideout, des efforts que vous faites pour collaborer. Je pense que la séance de ce matin montre bien que vous essayiez d'oeuvrer ensemble pour améliorer non seulement la pêche au saumon sauvage et la pêche récréative mais aussi l'aquiculture. Cela témoigne d'un effort louable et je pense que c'est dans cette voie qu'il faut poursuivre, pour étendre la participation au MPO et aux autres acteurs clés du secteur. Je vous félicite. Cela dit, comment faire pour que les gouvernements, les acteurs industriels provinciaux et fédéraux, fassent aussi bien que vous dans ce domaine? Cela concerne votre troisième recommandation.
M. Stephen Chase: David et moi-même vous dirons qu'il est parfois très difficile d'obtenir la participation des gouvernements, fédéral ou provinciaux. Si nous parvenons à leur prouver que nous pouvons travailler ensemble, ils se joindront à nous.
Pour vous donner des exemples concrets, je pense que le gouvernement doit être plus inclusif à l'égard des organisations de conservation dans les forums qu'il met à la disposition de l'industrie. Il y a certains exemples à ce sujet mais je pense que nous pourrions être plus cohérents et faire mieux pour inclure les parties qui possèdent un intérêt légitime à la collaboration, par opposition à un intérêt frivole. Nous avons besoin d'entendre le gouvernement dire clairement qu'il veut une vraie collaboration. Je crois que c'est ce qu'il souhaite mais nous voulons qu'il le dise clairement.
Le président: Je regrette, Peter, notre temps de parole est écoulé. Nous avions dépassé l'horaire l'autre fois et cela a causé des problèmes.
Je dois dire au comité que cette séance était la dernière que nous avions prévue au sujet de l'aquiculture, à l'exception peut- être d'une visite d'exploitations aquicoles dans le centre du pays, qui fait toujours partie des possibilités. Nous allons maintenant entreprendre la rédaction du rapport.
Messieurs Rideout et Chase, je vous remercie tous les deux.
La séance est levée.