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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 11 février 2003




¼ 1800
V         Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.))

¼ 1810
V         Mme Ajit Deol (membre et présidente sortante, Singh Sabha of Winnipeg)
V         Le président

¼ 1815
V         Mme Ajit Deol

¼ 1825
V         Le président
V         Mme Ajit Deol
V         Le président
V         Mme Ajit Deol
V         Le président
V         Mme Ajit Deol
V         Le président
V         Mme Ajit Deol
V         Le président
V         Mme Cathy Woodbeck (directrice de programme, Thunder Bay Multicultural Association)

¼ 1840
V         Le président
V         Dr Vedanand (Université du Manitoba)

¼ 1845
V         Le président

¼ 1850
V         Dr Vedanand

½ 1900
V         Le président

½ 1905
V         Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne)
V         Le président
V         Mme Cathy Woodbeck

½ 1910
V         Le président
V         Mme Cathy Woodbeck
V         Mme Lynne Yelich
V         Le président
V         Mme Cathy Woodbeck
V         Mme Lynne Yelich
V         Mme Cathy Woodbeck
V         Mme Lynne Yelich
V         Le président
V         Mme Ajit Deol

½ 1915
V         Le président
V         Mme Ajit Deol
V         Le président
V         Mme Ajit Deol
V         Le président
V         Mme Ajit Deol
V         Le président
V         Mme Ajit Deol
V         Le président
V         Mme Ajit Deol
V         Le président
V         Dr Vedanand

½ 1920
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD)
V         Dr Vedanand

½ 1925
V         Le président
V         Dr Vedanand
V         Le président
V         Dr Vedanand
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         Dr Vedanand

½ 1930
V         Le président
V         Mme Cathy Woodbeck
V         Le président
V         M. Andrew Telegdi
V         Mme Cathy Woodbeck
V         M. Andrew Telegdi

½ 1935
V         Mme Ajit Deol

½ 1940
V         Le président
V         Mme Ajit Deol
V         M. Andrew Telegdi
V         Mme Ajit Deol
V         Le président
V         Mme Ajit Deol
V         Le président
V         Mme Ajit Deol

½ 1945
V         Le président
V         Dr Vedanand
V         M. Andrew Telegdi
V         Dr Vedanand
V         Le président
V         Mme Cathy Woodbeck
V         M. Andrew Telegdi
V         Le président

½ 1950
V         Mme Cathy Woodbeck
V         Le président
V         Mme Cathy Woodbeck
V         Le président
V         Mme Cathy Woodbeck
V         Le président
V         Mme Cathy Woodbeck
V         Le président

½ 1955
V         Mme Cathy Woodbeck
V         Le président
V         Mme Cathy Woodbeck
V         Le président
V         Mme Ajit Deol
V         Dr Vedanand
V         Le président
V         Dr Vedanand

¾ 2000
V         Le président
V         Dr Vedanand
V         Mme Cathy Woodbeck
V         Le président
V         Le président

¾ 2015
V         Mme Fatima Soares (directrice générale, International Centre--Citizenship Council of Manitoba)

¾ 2020

¾ 2025

¾ 2030
V         Le président
V         M. Tom Denton (coprésident, Manitoba Refugee Sponsors)

¾ 2035
V         Le président

¾ 2040

¾ 2045
V         Le président
V         M. Jim Mair («North End Sponsorship Team»)
V         Le président
V         M. Jim Mair

¾ 2050
V         M. Howard Engel (membre du conseil d'administration, North End Sponsorship Team)

¾ 2055
V         Le président
V         M. Jason Fuerst (agent de liaison, Employment Projects of Winnipeg Inc.)

¿ 2100

¿ 2105

¿ 2110
V         Le président
V         M. Bob Gabuna (À titre individuel)

¿ 2115

¿ 2120
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich

¿ 2125
V         Le président
V         Mme Fatima Soares

¿ 2130
V         Le président
V         M. Tom Denton

¿ 2135
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Tom Denton

¿ 2140
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         Mme Fatima Soares

¿ 2145
V         Le président
V         M. Tom Denton

¿ 2150
V         Le président
V         M. Tom Denton
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Tom Denton
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         Mme Fatima Soares

¿ 2155
V         Le président
V         M. Andrew Telegdi
V         Mme Fatima Soares
V         M. Andrew Telegdi

À 2200
V         Le président
V         Mme Fatima Soares

À 2205
V         Le président
V         M. Jim Mair

À 2210
V         Le président
V         M. Bob Gabuna
V         Le président
V         M. Bob Gabuna
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 025 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 11 février 2003

[Enregistrement électronique]

¼  +(1800)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Bonsoir. Le comité est heureux d'être ici, à Winnipeg, au Manitoba. La province et la ville ont beaucoup de choses dont elles peuvent être fières. Je sais que Cathy vient de Thunder Bay, mais c'est suffisamment près pour être Winnipegois, n'est-ce pas? Une chose est certaine, c'est la même chose partout. Nous arrivons tout juste de Toronto. Il fait froid là-bas ici, et il fait froid à Ottawa. Nous nous dirigeons vers l'Ouest et nous espérons que le temps va se réchauffer un petit peu.

    Nous sommes ravis de vous voir ici, Judy. Bien sûr, nous sommes dans sa ville natale. Elle a été promue à un poste plus important, celui de critique en matière de finances, mais il est bon de la revoir parmi nous. Elle a fait une précieuse contribution au comité au cours des dernières années.

    Bien sûr, un autre membre du comité, lui aussi originaire du Manitoba, est Inky Mark. Comme vous le savez, il se remet d'une assez grave intervention chirurgicale, et nous lui souhaitons un prompt rétablissement. Andrew lui a parlé et il se remet tranquillement, et nous espérons qu'i pourra bientôt revenir au comité.

    Nous sommes ici ce soir avec le premier panel pour discuter un petit peu du projet de loi C-18, Loi concernant la citoyenneté canadienne. C'est la troisième fois qu'un comité de la Chambre des communes se penche sur une loi en matière de citoyenneté mais, pour une raison ou une autre, cela n'a jamais abouti au Sénat ni obtenu la sanction royale, car il y a eu dans l'intervalle des élections et quantité d'autres choses.

    Nous tenons à ce que la loi soit la bonne, et votre participation est donc très importante. Je sais que vous avez déposé des mémoires. Ce que je souhaiterais est que vous résumiez peut-être le contenu de vos mémoires. Vous pourrez prendre cinq, sept ou huit minutes, après quoi nous vous poserons des questions. Allons-y, donc.

    Je suis heureux que nous ayons devant nous le groupe Singh Sabha, de Winnipeg, ici représenté par Ajit Deol, membre et présidente sortante.

    Bienvenue, Ajit. J'envisage avec plaisir votre témoignage et votre participation.

¼  +-(1810)  

+-

    Mme Ajit Deol (membre et présidente sortante, Singh Sabha of Winnipeg): Bonsoir, mesdames et messieurs. Bien qu'il fasse froid dehors, cette soirée passée ensemble sera fort bonne.

    Mon approche a été très différente. D'ailleurs, je me sens vraiment honorée de pouvoir ainsi participer à la séance d'aujourd'hui portant sur le projet de loi C-18. Je regarde le nom du projet de loi, et j'apprécie beaucoup et son objet et son titre. La loi traite de la citoyenneté canadienne et pas simplement de la citoyenneté, comme auparavant. J'en félicite le gouvernement.

    Je l'ai lu dans son entier et s'il me fallait parler de tout, il me faudrait une heure entière, rien que pour moi. Vu qu'on m'a dit que je ne disposais que de cinq minutes, je ne prendrai pas plus de temps que cela. J'ai décidé de me concentrer sur trois articles. Le premier est l'article 20, «Cas de certaines femmes», à la page 13. J'apprécie cet article. Je vais résumer en disant... Ai-je le temps de lire tout ce qui figure sur ma page?

+-

    Le président: Nous avons tout simplement dit cinq minutes parce que si je disais une demi-heure, les gens prendraient 40 minutes. Mais je pense qu'il n'y a pas de problème, Ajit, alors prenez tout le temps qu'il vous faut.

¼  +-(1815)  

+-

    Mme Ajit Deol: Merci.

    Cet article reconnaît le prestige et le statut d'une femme, mais pas seulement en fonction de son mari ou de quelque chose qui lui vient de son mari. Voilà pourquoi j'apprécie. J'ai donc relevé tout particulièrement l'article en matière de citoyenneté dans le cas de certaines femmes:

    Le ministre attribue la citoyenneté dès réception d'un avis écrit d'une femme qui veut acquérir la citoyenneté et qui, à la fois:

a) en raison d'une règle de droit en vigueur au Canada à une date antérieure au 1er janvier 1947 avait, du seul fait de son mariage ou de l'acquisition d'une nationalité étrangère par son mari, perdu sa qualité de sujet britannique....

Cela correspond à la pensée moderne contemporaine, et c'est ce que j'apprécie.

    Et le paragraphe 20b) se poursuit comme suit:

b) aurait eu la qualité de citoyen si la Loi sur la citoyenneté canadienne, chapitre C-19 des Statuts révisés du Canada de 1970, avait été en vigueur immédiatement avant son mariage ou avant l'acquisition d'une nationalité étrangère par son mari.

Ce paragraphe conférera définitivement un statut respectable à une femme, indépendamment de son mari. C'est là-dessus que j'aimerais insister.

    Le deuxième article auquel j'ai réfléchi, l'article 21, est inscrit sous le titre «Interdictions» et le sous-titre «Principes d'une société libre et démocratique». Je pense que les interdictions y sont clairement explicitées:

     (1) Le ministre peut, s'il est convaincu qu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'une personne a fait preuve d'un grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquelles se fonde une société libre et démocratique, présenter un rapport au gouverneur en conseil lui recommandant la prise d'un décret interdisant l'attribution de la citoyenneté à cette personne ou la prestation par elle du serment de citoyenneté.

Il est question ici des valeurs de la démocratie.

    Je poursuis:

    (2) Le ministre avise l'intéressé de son intention de présenter le rapport au moins trente jours avant sa présentation.

Ici encore, ce que nous dit le texte c'est que le Canada, en vertu de ce projet de loi, réitère la valeur réelle de la démocratie et de la liberté dans ce pays. Même si le ministre possède tous ces renseignements sur la personne, celle-ci se voit néanmoins accorder du temps.

    Puis:

    (3) L'avis comporte un résumé des motifs contenus dans le rapport et fait état de la faculté qu'a l'intéressé de présenter, dans les trente jours suivant sa date d'expédition, ses observations écrites au ministre.

Encore une fois, cela vient renforcer les valeurs de la démocratie et de la liberté pour l'individu. Si l'intéressé souhaite présenter des instances, on lui en donne l'occasion, dans l'intérêt de la justice.

    Je passe maintenant à l'article 22:

    (1) Malgré toute autre disposition de la présente, le gouverneur en conseil peut, s'il est convaincu que le rapport du ministre est bien fondé, interdire par décret l'attribution de la citoyenneté à l'intéressé ou la prestation par lui du serment de citoyenneté.

Quel est l'effet de cela?

    Ensuite:

    (2) Dès la prise du décret, toute demande faite par l'intéressé en vue de l'attribution de la citoyenneté ou de la réintégration dans celle-ci est réputée rejetée par le ministre.

On a été juste envers l'intéressé en lui donnant une chance, et la mesure sera maintenant définitive.

Vient ensuite le paragraphe (3):

    (3) Le décret est définitif et, par dérogation à toute autre loi fédérale, n'est pas susceptible d'appel ou de contrôle judiciaire.

Je pense que cela établit que la personne s'est vu accorder une chance. Encore une fois, intervient ici la liberté d'expression, mais une fois le décret définitif, alors c'est terminé. Je suis fermement convaincue que c'est une très bonne mesure.

On lit ensuite:

    (4) Le décret vaut pour une période de cinq ans suivant sa prise.

    Ce n'est pas que la personne fait une erreur ou a quelque problème, comme cela est dit à la partie 1, car la personne ne s'améliore jamais, n'apporte jamais de changement dans son attitude à l'égard de la vie ou du pays dans lequel elle se trouve. Je pense qu'il est tout à fait juste de prévoir cette période de cinq ans. S'il y a amélioration, la personne devrait se voir accorder une chance d'obtenir éventuellement la citoyenneté.

    Enfin:

    (5) Malgré toute autre disposition de la présente loi ou toute autre loi fédérale, le décret fait foi de son contenu.

    Je répéterai simplement que c'est final et que c'est ainsi que sera évaluée la question de la citoyenneté dans le cas de l'intéressé.

    La partie suivante «Le droit à la citoyenneté» est assez long, alors je vais dire simplement que j'en apprécie certaines parties portant sur le statut de l'enfant déserté. Un enfant naît et pendant sept ans il grandit ici, puis il s'agit de décider de son droit à la citoyenneté.

    Pour ce qui est des mineurs et des enfants adoptés, tous les renseignements se trouvent aux pages 3 et 4 puis 5 et 6. Je pense que tout cela doit être discuté dans le détail avec le comité.

    Je n'en dirai pas plus là-dessus, mais je pense que nous devrions nous préoccuper d'un autre point, soit la carte d'identité. Pourquoi nous faut-il faire ce qui a peut-être été fait dans un autre pays? Je vis au Canada depuis 1967, mais il me faut maintenant une carte d'identité pour prouver que je suis digne citoyen? Sommes-nous favorables à cela? Devrions-nous être favorables à cela? J'aimerais en savoir davantage. Il y a des gens formidables qui seront beaucoup mieux en mesure de parler de cela que mon humble personne, mais je me pose de sérieuses questions là-dessus. Lorsque nous aurons une discussion là-dessus, j'aimerais y prendre part.

    Ce que je dis, donc, c'est que les pages traitant de la citoyenneté, c'est-à-dire, comme je le disais, les pages 3 à 7, sont très importantes pour la population, et je demanderais que l'on consacre explicitement du temps à ces articles, qui traitent en réalité des responsabilités et des pouvoirs conférés aux juges et aux commissaires. Ils ne sont que des éléments dans le processus, mais ils seront là et je sais qu'ils s'acquitteront très bien de leurs tâches. Mais le public doit vraiment comprendre la citoyenneté, la façon de s'y prendre et tous les autres articles que j'ai soulignés.

    Chaque page, chaque article recèle des renseignements importants. Je ne pense pas que je puisse à moi seule leur rendre justice, voire même traiter de tous les articles. Je ne peux qu'espérer que nous puissions le faire, mais je pense que nous devrions essayer de comprendre les principales préoccupations. Les autres ont des tâches et des responsabilités et ils s'en acquitteront, mais le public doit connaître le droit à la citoyenneté. Comment peut-on la perdre? Comment peut-on la récupérer? Comment veiller à ce que ces choses fassent partie du projet de loi?

    J'ignore combien de temps j'ai pris, mais je pense que cela suffit.

    Merci beaucoup.

¼  +-(1825)  

+-

    Le président: Puis-je simplement vous demander quelque chose, Ajit? Au point 3, vous avez dit être préoccupée par les certificats de citoyenneté. De quoi parliez-vous exactement? Je ne pense pas que vous ayez expliqué cela. Si vous l'avez fait, je n'ai pas tout à fait saisi.

+-

    Mme Ajit Deol: En vérité, c'est la seule chose pour laquelle je n'ai pas de page ici.

+-

    Le président: Dans votre mémoire, vous dites que les pages 3 à 7 sont très importantes pour le grand public. Vous avez cependant également mentionné un certificat de citoyenneté, et je n'ai pas très bien saisi de quoi vous parliez exactement. Vous semblez avoir oublié cette partie, et je voulais simplement...

+-

    Mme Ajit Deol: Je n'ai tout simplement pas abordé cela dans le détail, mais je le ferai au fil de la discussion.

+-

    Le président: Prenez le temps de le faire tout de suite, si vous voulez.

+-

    Mme Ajit Deol: J'avais noté tout cela, mais...

+-

    Le président: Prenez un instant, et nous vous reviendrons afin que vous puissiez nous expliquer cela.

+-

    Mme Ajit Deol: Certainement. Merci.

+-

    Le président: Nous allons maintenant passer à l'Association multiculturelle de Thunder Bay, ici représentée par Cathy Woodbeck, sa directrice de programme.

    Bienvenue, Cathy.

+-

    Mme Cathy Woodbeck (directrice de programme, Thunder Bay Multicultural Association): Merci beaucoup.

    Je suis très reconnaissante de l'occasion qui m'est ici donnée de présenter au comité nos vues, nos préoccupations, ce que nous aimons dans le projet de loi et ce que nous aimerions voir changer. J'apprécie le processus dans lequel vous vous êtes engagés pour entendre des organisations communautaires et des particuliers relativement à ces questions.

    Je suis directrice de programme à l'Association multiculturelle de Thunder Bay. Les programmes que nous offrons sont destinés à des immigrants et à des réfugiés clients, à de nouveaux arrivants dans ce pays, mais nous sommes également très actifs dans le cadre du processus d'obtention de la citoyenneté. Nous aidons les nouveaux arrivants à faire leur demande de citoyenneté, nous leur offrons des cours pour les préparer à l'examen pour la citoyenneté et nous organisons ensuite la cérémonie de remise des certificats de citoyenneté. En effet, c'est nous qui planifions et animons ces cérémonies. Par la suite, nous fournissons aux nouveaux citoyens renseignements et autres.

    J'aimerais traiter d'un certain nombre de sujets. Premièrement, ce que nous aimons dans le projet de loi c'est que les personnes inculpées d'actes criminels ne vont pas se voir accorder la citoyenneté. Ayant travaillé avec des victimes de violence conjugale, de crimes et de situations tragiques, nous apprécions que cette catégorie de criminels soit exclue.

    L'inadmissibilité de tels contrevenants est louable. Nous n'aurions ici qu'une mise en garde à faire: s'agissant d'évaluer un délit commis dans un autre pays et d'y trouver une équivalence en droit canadien pourrait poser problème, tout comme la comparaison entre lois canadiennes et lois d'autres pays. Je pense que cela pourrait être très difficile.

    Pour ce qui est de la durée de résidence, nous nous réjouissons du fait qu'on ait porté à six ans la période durant laquelle l'intéressé doit avoir résidé pendant trois ans au Canada. Il se peut qu'il y ait des cas dans lesquels l'on pourrait établir un attachement et un engagement au Canada même s'il n'y a pas eu trois années de résidence ici. Ce que je veux dire c'est que nous sommes toujours préoccupés par la migration de sortie et par l'exode de cerveaux du Canada en faveur d'autres pays. Ici, nous allons peut-être refuser d'excellents éléments du fait d'une classification rigide en fonction d'exigences de présence physique. Ce serait peut-être le cas de jeunes gens qui passent plus de temps à travailler à l'étranger, mais qui sont néanmoins très attachés et très engagés envers le pays.

    Certains des clients avec lesquels nous travaillons ont en tout cas trouvé de petites erreurs dans leurs papiers de citoyenneté, s'agissant de l'orthographe de leur nom ou d'autres choses. La possibilité pour ces personnes de faire corriger ces erreurs par le biais d'un processus plus simple et plus pratique qu'un processus qui demande beaucoup de temps est essentielle. Nous pourrions penser que ce n'est pas une grosse affaire, mais le fait qu'il y ait des erreurs dans leurs papiers de citoyenneté peut être très grave pour certaines personnes. Elles s'en inquiètent et le processus à suivre pour rectifier les choses demande énormément de temps. Le fait que cela soit accéléré est une bonne chose.

    Quant à la question de l'apatridie, je pense que je m'en remettrai à l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants et au Conseil canadien pour les réfugiés qui se sont sans doute déjà prononcés là-dessus. Je dirais néanmoins que nous appuyons leurs déclarations et leurs positions en matière d'apatridie. Nous ferions tout simplement ici encore une petite mise en garde: si la loi ou l'un des principes de la loi devait aboutir à une situation où une personne deviendrait apatride, alors ce serait inquiétant. Je sais que le Canada n'a pas signé la convention sur le statut des personnes apatrides, et j'encouragerais donc le pays à poursuivre son travail en ce sens.

    J'ai de nombreuses préoccupations quant à tout le processus de perte de sa citoyenneté. Je pense que c'est là une question qui a été soulevée lors de nombreux autres panels. Cela m'inquiète beaucoup que les mesures de renvoi soient très étroitement liées à la perte de citoyenneté, les deux choses étant presque synonymes. Je ne pense pas qu'une mesure de renvoi devrait être séparée de la perte de citoyenneté, et il faudrait qu'il soit nécessaire de tenir une audience d'examen ou une audience d'admissibilité ne portant pas sur la question de la citoyenneté. Cela devrait continuer de faire l'objet d'un processus distinct.

    Les résidents permanents visés par un ordre de renvoi du fait de déclarations trompeuses devraient se voir reconnaître un droit d'appel. Il semblerait que dans une telle situation un citoyen aurait moins de droits qu'un résident permanent. Dans le cas de résidents permanents, l'on fait un examen des considérations humanitaires, mais le citoyen demandeur perd d'un coup, si vous voulez, la demande de citoyenneté et sa résidence permanente.

    En ce qui concerne le pouvoir d'annuler la citoyenneté, je constate que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration se verrait conférer de nouveaux pouvoirs lui permettant d'annuler la citoyenneté, et une personne ayant obtenu la citoyenneté pourrait la perdre sans possibilité de recours, d'appel ou d'audience. Si cela devait être ramené à une question de coût, le processus d'appel étant coûteux, alors j'aurais honte que cela figure dans le projet de loi. Il me semble que le droit de faire appel et que la procédure d'audience sont essentiels.

    Pour ce qui est des pouvoirs véritables du ministre, que ce soit le ministre lui-même ou des fonctionnaires ou des bureaucrates qui aient la possibilité d'annuler la citoyenneté, nous pensons que cela devrait être une responsabilité du pouvoir judiciaire. La capacité de tout ministre ou fonctionnaire de prendre de telles décisions nous paraît discutable, et j'estime donc que cela devait rester aux mains de la justice plutôt que des décisionnaires politiques.

    Je sais que la question d'un juge utilisant tous les renseignements mais ne les divulguant pas aux candidats à la citoyenneté potentiels dans diverses circonstances va venir sur le tapis. Il semble qu'il ne sera plus possible pour quelqu'un de faire appel auprès d'un comité d'examen, et cela devrait être revu. Je ne pense pas que nous devrions laisser la panique découlant des événements du 11 septembre ou d'un quelconque autre incident terroriste ou autre nous pousser à prendre des décisions ou à adopter des lois réactionnaires. Tout cela doit être bien pensé.

    La pleine divulgation de la preuve est une autre des questions qui nous préoccupent sérieusement. Le droit d'un citoyen de voir quelles allégations ont été portées contre lui et tous les renseignements compilés à son sujet est essentiel. Il nous faut appliquer tout au long du processus la totalité des règles en matière de preuve. En tant que personne née au Canada, je bénéficie du droit fondamental à la justice et de la primauté du droit. J'estime que les citoyens naturalisés devraient se voir reconnaître les mêmes droits en vertu de la Charte.

    Une question qui a déjà été soulevée est celle de l'avis dans les trente jours dans le cas d'une personne jugée.... Je pense que cela figure sous le titre « Interdictions », dans la partie traitant de la perte de la citoyenneté. Nous nous réjouissons du fait que ce soit trente jours, mais ce devrait être trente jours à partir du moment où la personne est mise au courant.

    J'ai une question à ce sujet. C'est une chose d'avoir des connaissances linguistiques suffisantes pour pouvoir réussir le test de citoyenneté canadienne et comprendre la procédure. C'est tout à fait autre chose de préparer sa propre défense écrite, surtout face à la possibilité de se voir refuser la citoyenneté. Le jargon lui-même est sans doute trop difficile à comprendre et le coût d'un appel serait tel que l'intéressé se trouverait dans l'incapacité de se défendre. Voilà une chose qu'il conviendrait de revoir.

    Pour ce qui est des changements au serment, nous demandons aux nouveaux citoyens de respecter les droits fondamentaux sur lesquels notre société est fondée, que notre pays défend. Je pense qu'il est raisonnable de demander au pays de faire la même chose à l'égard des nouveaux citoyens et de leur offrir le même accès aux voies légales.

    La question suivante est celle des exigences en matière de connaissances linguistiques. Il s'agit d'une chose que nous avons relevée dans le cadre de notre travail avec de nouveaux arrivants et des demandeurs de citoyenneté. Dans certains cas, la connaissance de l'une des langues officielles est tout un obstacle pour de nombreux demandeurs qui, autrement, seraient pleinement admissibles. Je citerais les cas de personnes âgées qui ne peuvent pas suivre des cours pour apprendre l'anglais ou le français, de victimes d'événements traumatisants ou de torture, et de personnes ayant des difficultés d'apprentissage ou autres handicaps. Je pense que c'est là un problème pour eux. En tant qu'évaluatrice de connaissances linguistiques, il m'arrive souvent de rencontrer des résidents permanents qui ont d'excellentes aptitudes de communication verbale, mais qui ne sont pas à la hauteur sur le plan lecture et écriture, ce parce qu'elles sont peut-être analphabètes dans leur propre langue, ce qui rend les choses un peu plus difficiles.

    Passant maintenant à la question du refus de la citoyenneté, il a déjà été fait état du libellé décrivant un « grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique ». Nous demandons que cela soit défini de façon un peu plus claire, peut-être dans le contexte de la Charte. Le manque de définition pourrait donner lieu à une interprétation trop générale, et les facteurs déterminants—les liens avec la jurisprudence et la Charte canadienne des droits et libertés—devraient être explicités et définis de façon exhaustive. Le libellé paraît trop vague s'agissant de tels principes, et laisse trop de place à l'interprétation. Le fait que les décisionnaires n'auront qu'à être convaincus qu'il y a des motifs raisonnables de penser que l'intéressé a manifesté ce comportement non encore défini ne suffit pas. Il importe que des éclaircissements en la matière soient apportés, et dans ce cas-ci, donc, nous ne sommes pas satisfaits du fait qu'il suffise que le ministre soit convaincu. Un petit peu de travail supplémentaire s'impose ici.

    Il serait beaucoup plus responsable de la part du gouvernement, dans son évaluation de la loi, qu'il soumette des libellés définitifs faisant ressortir un plus gros effort pour définir les choses plus clairement et pour séparer les questions qui ont été regroupées ensemble, peut-être pour des motifs de tactique parlementaire. La loi ne devrait pas être considérée comme étant une question de propriété ou de paternité, mais devrait être élaborée en fonction des évaluations, des soumissions et des suggestions faites au comité ici réuni. Il importe en effet que soient respectés les connaissances, le travail et l'esprit non partisan du comité, afin que le texte final de la loi soit de la meilleure qualité possible, pour que d'autres éclaircissements puissent lui être apportés. Que le Canada dépose ce texte en tant que loi du Parlement sera très certainement examiné ultérieurement. La loi sera épluchée et pourrait fort bien servir de modèle dans d'autres pays, et je pense donc que notre responsabilité collective est de veiller à ce qu'elle puisse déboucher sur une mise en oeuvre réussie et efficace et résister à tout examen minutieux qui pourrait en être fait.

    La question que j'ai gardée pour la fin est très importante pour nous à Thunder Bay, et je veux parler de la nomination des commissaires à la citoyenneté. Pour ce qui est de la nouvelle description de fonctions, de la nouvelle définition des commissaires à la citoyenneté, nous recommandons que la nomination de ces commissaires reflète la démographie et la diversité dans notre pays. Les nouveaux commissaires à la citoyenneté seront des hommes et des femmes qui feront la promotion de la citoyenneté canadienne et des responsabilités des citoyens. Il faudrait prévoir pour eux une formation de sensibilisation à l'égalité des sexes et aux réalités culturelles. Les personnes devant prendre ces décisions et participer aux cérémonies devraient avoir bénéficié d'une telle formation.

    Les plus petites localités et les régions mal desservies du pays seraient certainement très favorables à des changements et dans les fonctions correspondant au poste et dans le processus de nomination des commissaires. À Thunder Bay, nous avons un juge de la citoyenneté itinérant, qui se rend chez nous deux fois par an et nous le voyons deux fois par an lors des cérémonies. Notre recommandation serait que ce soit une personne de la localité, qui y habite, qui y passe son temps, qui fasse la promotion active de la citoyenneté, car cette personne serait au courant des services de la communauté et des organisations sans but lucratif, comme la nôtre, qui font le travail sur le terrain. De telles personnes auraient des relations et des liens avec la localité. Elles seraient abordables et le public saurait où les trouver.

    Je pense que cela mènerait à une participation plus active de la part des nouveaux citoyens et à une éducation plus exhaustive des citoyens potentiels si le commissaire était choisi au sein de la collectivité en fonction de certains des critères d'admissibilité que j'ai déjà énumérés. Cela favoriserait la participation communautaire et la pleine intégration des nouveaux arrivants dans la société canadienne et dans nos collectivités.

    J'encourage donc le comité à se pencher sur la façon dont les commissaires sont nommés, en fonction de la région et du fait qu'il faille que ce soit un poste à temps plein ou à temps partiel, de telle sorte que les plus petites localités puissent avoir un commissaire local capable de participer, d'encourager les citoyens et de servir l'intérêt de la collectivité et des nouveaux arrivants qu'elles accueillent. Le commissaire aurait ainsi une identité aux yeux de la communauté des nouveaux arrivants.

    Voilà qui met fin, enfin, à mon exposé.

    Merci beaucoup.

¼  +-(1840)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, Cathy. C'était très riche et très exhaustif. Je suis certain que nous aurons beaucoup de questions pour vous.

    Bienvenue, monsieur Vedanand, de l'Université du Manitoba.

+-

    Dr Vedanand (Université du Manitoba): Merci de l'occasion que m'a donnée le comité de venir comparaître devant lui. Je comparais ici en mon nom propre, ne représentant aucune association ni aucun groupe culturel. J'appartiens depuis longtemps à de nombreux groupes. J'ai même comparu devant le comité parlementaire mixte à l'époque de l'examen de la loi de 1977.

    Permettez-moi de commencer par dire que je suis ravi d'être ici devant vous pour vous exposer mes opinions. Ce que j'aimerais faire c'est non pas répéter certaines des choses que vous entendez partout, mais soulever des questions d'un genre différent dans le contexte du projet de loi C-18.

    La politique en matière d'immigration en est venue à occuper une place centrale dans le programme de la plupart des démocraties libérales développées d'aujourd'hui. Bien qu'il y ait certaines préoccupations, le mouvement de personnes du Sud vers le Nord, ainsi qu'à l'intérieur des diverses régions, a ajouté une nouvelle dimension à la dynamique des populations. L'on appelle les immigrants « communautés transnationales », et leur mouvement est en soi interprété comme faisant partie de la mondialisation. Le paradigme de la mondialisation dit que le mouvement de capitaux et de biens va librement là où il veut. De la même façon, je pense, la main-d'oeuvre, en tant que facteur de production ou agent du changement, va là où elle veut, à la recherche d'une vie meilleure et de possibilités meilleures.

    C'est là un fait concret, mais le paradigme mondial soulève également des perspectives en matière de preuve. L'on constate souvent qu'il y a quantité d'effets différents qui se jouent et qui ne sont pas très bénéfiques aux collectivités, que ce soit une importante fuite de capitaux et de technologies ou de personnes, auquel cas l'on parle d'un exode de cerveaux. D'un autre côté, la question est aggravée du fait que les gens se dirigent vers les démocraties développées, principalement d'Europe et d'Amérique du Nord, et agissent dans le contexte d'une situation d'offre et de demande de main-d'oeuvre. C'est ainsi qu'on les accuse d'amener une baisse des salaires.

    Les perceptions et les stéréotypes que nourrit le public commencent à avoir un effet sur la politique publique. Chaque fois qu'il se présente une situation de guerre raciale ou autre, la politique devient tout d'un coup plus restrictive. Et d'aucuns laissent entendre que la politique canadienne en matière d'immigration a une personnalité double. Il y a un paradoxe autogène. Ce paradoxe est que nous voulons les gens, car sans eux notre marché du travail ne pourra pas être satisfait. Mais en même temps, nous voulons que l'immigration soit limitée.

    Cela fait de plus en plus partie du processus de mondialisation lui-même. Cependant, de nouvelles préoccupations sont en train d'être soulevées au niveau international. Ces préoccupations concernent ce que l'on appelle des biens publics mondiaux. Les droits individuels des êtres humains où qu'ils se trouvent sont censés être un bien public mondial. D'un autre côté, l'on met énormément l'accent sur ce que l'on appelé les maux publics mondiaux, notamment dégradation environnementale, analphabétisme, maladies, problèmes de santé publique, VIH/SIDA, et ainsi de suite. La Banque mondiale est censée avoir ajouté à la rubrique maux publics mondiaux le terrorisme mondial.

    Il me semble que le projet de loi C-18 est une mesure anti-maux, principalement axée sur le règlement de problèmes de sécurité. Si tel est le cas, alors je suppose que certains des articles qui y ont été ajoutés reflètent ce souci. Ce que je suggère, cependant, c'est que vous considériez cette notion ou cette perception comme étant trop serrée. Une conférence internationale sur le développement de la population a recommandé la réduction de la pauvreté comme politique acceptable en vue d'empêcher l'immigration sur une grande échelle des pays les moins développés aux pays développés. Mais si vous regardez les écarts de revenu actuels entre le Nord et le Sud, vous ne pourrez qu'en conclure que la pauvreté est l'une des grandes causes des migrations de populations. Plus il y a de pauvreté, plus il y a de migrations. En fait, les dommages des migrations internationales doivent être examinés dans le contexte d'ensemble, où ce ne sont pas les pauvres qui sont ceux qui bougent. Ils n'ont pas les moyens de bouger. Ceux qui bougent appartiennent aux tranches supérieures de la classe moyenne. Ils ne peuvent aujourd'hui pas payer les frais d'entrée qui sont exigés.

    Dans ce contexte, je vais maintenant prendre un peu de temps pour... en passant, je pense...[Note du rédacteur—Inaudible]...plus de temps que cinq minutes, car...

¼  +-(1845)  

+-

    Le président: Nous avons beaucoup de questions pour vous. Ne vous inquiétez pas, nous disposons de deux heures.

¼  +-(1850)  

+-

    Dr Vedanand: C'est bien.

    La politique en matière d'immigration correspond toujours à la vision d'une collectivité ainsi que d'une identité nationale. C'est ainsi que la plupart des pays, et c'est, bien sûr, le cas tout particulier du Canada, envisagent la chose. Si l'on examine la vision et cette façon de forger une nouvelle identité par le biais d'un processus...[Note du rédacteur—Inaudible]...etc., alors il faut voir de quelle façon le projet de loi aurait une incidence sur les immigrants en puissance. Par exemple, si on leur dit que la citoyenneté n'est pas un droit mais un privilège, la question est de savoir si cela aurait une incidence sur l'afflux d'immigrants. Ces renseignements seront-ils même communiqués aux immigrants potentiels à l'étranger? C'est là l'une de mes inquiétudes. Jusqu'ici, les changements ont dû être intégrés aux canaux de communication de telle sorte que les immigrants potentiels connaissent la vérité quant à la grande démocratie libérale du Canada, ainsi que certaines des restrictions qui sont en train d'être mises en place.

    Le deuxième point que j'aimerais souligner est que si vous regardez le Canada—et j'ai dit que je n'allais pas répéter ce que vous avez déjà entendu—l'on constate aujourd'hui une tension entre le gouvernement et ses citoyens, et entre le gouvernement et le marché. Cette tension est en train de se manifester dans la plupart des démocraties libérales qui accueillent une bonne part de la population immigrante. L'Europe en est pleine. Il y a aujourd'hui tant de tensions en Europe que les parties anti-immigration sont à la hausse. Aux Pays-Bas, par exemple, un tel parti compte 26 sièges et contrôle la balance du pouvoir. En Allemagne, en France et dans la plupart des pays, ces questions sont arrivées presque tout en haut du programme.

    Lorsque je dis qu'il y a tension entre le gouvernement et les citoyens et le gouvernement et le marché, je cherche à déterminer de quelle façon le marché envisage la chose et comment il fera pour veiller à ce que les droits et les avantages qu'offre une société soient vraiment à la portée des nouveaux immigrants. Le gouvernement jouera-t-il un rôle ou bien sera-t-il gardé à l'écart? Je reviendrai là-dessus un peu plus tard.

    Bien que le projet de loi ait, pour la première fois, inscrit un certain nombre de choses en textes législatifs, il a ajouté de nouveaux éléments. Ces nouveaux éléments sont les nouveaux pouvoirs de refus, de révocation et d'annulation de la citoyenneté contenus dans les articles 16 à 18 de la partie 2. D'aucuns ont dit qu'il s'agit là de mesures draconiennes. Malheureusement, l'esprit de cette vision semble être guidé par les inquiétudes actuelles en matière de terrorisme. Il importe néanmoins de veiller à ce que les droits fondamentaux des citoyens canadiens ou des non-citoyens, tels qu'enchâssés dans la Charte des droits et libertés, ne soient pas rendus invalides. L'un des principes fondamentaux de toute démocratie moderne est le respect de la dignité humaine et des droits de base dans le contexte de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Bien que l'État ait pour responsabilité et pour obligation de veiller à la sécurité nationale, il lui faut également veiller à la protection des droits de la personne et des valeurs essentielles. Ce devrait être le fait de Canadiens de protéger ces droits avec zèle.

    C'est ici que je relève un vrai problème. Ce problème s'inscrit dans le contexte des éléments de ces droits qui sont beaucoup plus vastes que les formules inscrites dans une loi sans liberté d'expression. La liberté d'expression sera-t-elle bafouée? Y aura-t-il violation de principes fondamentaux ou de valeurs essentielles? Cela présente une métaphore de type orwellien, où les droits et libertés des gens pourront soit être contenus soit être amoindris par rapport à ce qu'ils étaient auparavant.

    J'en arrive maintenant à quelque chose que j'appelle les plus grosses questions. Ces plus grosses questions concernent, encore une fois, la citoyenneté et la diversité, les droits en matière de citoyenneté et la notion d'identité. C'est ce que j'appelle la «pathologie de la diversité». Certaines de ces questions sont soulevées principalement dans ce contexte. Lorsqu'on commence à refermer les portes parce que ceux qui viennent ne sont pas désirables, et lorsque le marché a besoin de plus de gens, alors quelqu'un devrait commencer à expliquer les choses, afin que ceux qui sont désirables puissent entrer.

    Que devrions-nous faire ici? Si nous prenons la Déclaration universelle des droits de l'homme et certaines des choses auxquelles participe la communauté internationale—la protection, la défense et l'élargissement de cette vision partout dans le monde—ces questions sont en train de devenir de grands sujets de préoccupation pour les citoyens moyens, les intellectuels et les savants qui se penchent sur la loi. Je dirais que la migration internationale est une réalité qui va venir augmenter encore ces tensions. Or, que l'on sache, la migration internationale est peut-être une réalité incontournable et durable. Il nous faut plus d'immigration, et non pas moins.

    Il reste à déterminer si la nouvelle loi va réellement veiller à la possibilité d'un afflux, comme par le passé. Je ne sais trop comment cela va fonctionner, mais les questions que cela soulève ici sont très sérieuses. Les deux principaux éléments dans la citoyenneté sont l'identité et les droits. Les droits sont-ils en train d'être rognés? Voilà une question. Et qu'en est-il de l'identité?

    Un rapport des Nations Unies dit qu'à l'avenir nous n'aurons pas une seule identité. De fait, l'on se penche sur les questions de l'identité multi-ethnique ou ethnique. Les bases mêmes de l'ethnicité sont à l'étude. Le rapport dit que d'ici une ou deux générations le seul élément déterminant de l'ethnicité sera peut-être la couleur de la peau. Si vous regardez la crise survenue dans l'ex-Yougoslavie, même la couleur ne pouvait pas être un élément déterminant de l'ethnicité.

    Par conséquent, comme je l'ai dit plus tôt, les questions qui sont soulevées le sont dans le contexte de la notion de droits versus privilèges. La citoyenneté va-t-elle dorénavant être un privilège? Il faudra que ce soit décidé ou par un ministre, ou par la bureaucratie ou par un processus judiciaire. Il serait assurément préférable que le rôle de l'appareil judiciaire ne soit pas minimisé et qu'il y ait un processus équitable.

    Pour ce qui est du droit d'appel, partout où s'opère ce rognage, cela devrait être possible.

    Si nous entrevoyons une érosion des droits, quelle stratégie de communication devrait être établie afin de, premièrement, bien informer la vague future d'immigrants de la nouvelle situation? Deuxièmement, lorsqu'on peint un tableau très rose du pays de destination de rêve, est-il juste de dire qu'il s'y opère des changements?

    Déjà dans le cadre de notre politique d'immigration, nous laissons venir les gens sur la base d'une stratégie économique, notamment leur indépendance. Les personnes qui arrivent dans le cadre de la catégorie économique et indépendante sont livrés à eux-mêmes après leur arrivée. Allez vous trouver un emploi. Passez sept ou huit ans à livrer des pizzas ou à faire le taxi. Si vous ne pouvez pas faire reconnaître vos diplômes, alors tant pis. Il s'agit certes là d'une question très grave. J'y reviendrai de nouveau demain, mais je mentionne cela ici car c'est là aussi une espèce d'érosion des droits.

    Le troisième point est la notion de...les juristes se penchent sur la notion d'identité individuelle. Plus particulièrement, la communauté internationale se penche sur l'identité individuelle en vertu de laquelle une personne, qu'elle soit du sexe masculin ou du sexe féminin, a des droits dans le contexte de la terminologie juridique. Ces droits reviennent aux résidents, car une fois les droits reconnus, vous commencez à jouir de la plupart des avantages. Vous ne pourrez pas voter, vous n'aurez pas de droits politiques, mais vous aurez des droits sociaux et économiques. Vous pourrez peut-être vous trouver un emploi et à partir de là vous êtes censé pouvoir fonctionner. Cependant, ces mêmes droits dont vous parlez sont en train d'être restreints.

    C'est dans ce contexte que je dirais que la communauté internationale, les Nations Unies, vont se pencher sur les droits dans une perspective très mondiale, universelle. Au niveau mondial, l'universalité des droits a été acceptée. Je dirais donc que cette universalité des droits de l'individu, homme ou femme, adulte ou enfant, doit être sauvegardée, protégée. C'est ce qu'ont toujours fait les démocraties libérales. Si vous échouez à ce niveau-là, alors ce serait un très grave échec de notre part. Je ne dis pas que c'est là le principal objet, mais c'est une interprétation possible.

    Ces développements sont très intimidants. Pourquoi sont-ils intimidants? Parce qu'ils vont à l'encontre des modèles de citoyenneté traditionnels. C'est dans ce contexte que les identités sont également en train de prendre de nouvelles formes. Qui change qui? Robert Park, sociologue à l'Université de Chicago dans les années 50, avait prédit qu'au bout de quelques années tous les quartiers chinois, tous les Chinatowns, allaient disparaître. Qu'ils allaient tous être assimilés. Que les Chinois allaient faire partie du creuset. Rien de tel ne s'est pas ici, et rien de tel va se passer ailleurs.

    Les identités sont l'identité ethnique, l'identité raciale et l'identité religieuse, et le rapport des Nations Unies dit que nous allons à l'avenir avoir des identités multinationales, des identités multi-ethniques, des identités qui seront assimilées et des identités qui vont dissimuler. Par exemple, un groupe pourrait être connu sous quelque identité pan-ethnique d'un groupe plus important, ou bien un groupe pourrait être identifié comme étant de telle ou telle souche, avec le trait d'union. Les appellations «indo-canadiens» et ainsi de suite continueraient d'être employées.

    Comme je l'ai dit, ce que nous constatons, ce sont les débuts de cette nouvelle ère dans le XXIe siècle, et nous constatons également les débuts de nouvelles formes d'identités et de nouveaux modèles de citoyenneté qui vont évoluer. C'est pourquoi l'État, les citoyens, le marché et les pouvoirs publics vont tous participer à cette tension créative. Il va y avoir une tension créative et c'est avec cette tension que devra composer la loi et c'est dans ce contexte qui lui faudra peut-être trouver des solutions. Dans la société mondiale d'aujourd'hui, les décideurs doivent se tourner vers l'avenir pour être en mesure de relever ces défis et ils devraient s'efforcer d'esquisser des solutions raisonnables et acceptables pour les citoyens.

    Je vais m'arrêter là.

½  +-(1900)  

+-

    Le président: Merci, professeur.

    Merci en fait à vous tous. Nous avons bien sûr déjà entendu certaines de ces choses dans nos déplacements, mais nous aimerions explorer vos idées quant à certaines de ces suggestions. Vous avez en tout cas chacun apporté une perspective différente et parfois unique à ce qu'est la citoyenneté et à ce que cela devrait représenter, et je suis donc certain que nous allons vouloir débattre de ces perspectives.

    La parole sera d'abord à Lynne.

½  +-(1905)  

+-

    Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): Merci beaucoup.

    J'aimerais mentionner, Ajit, que si vous pensez que les femmes ont été incluses dans le projet de loi, il s'y trouve toujours un article qui est très troublant, et c'est celui portant sur les enfants perdus. Je ne sais si vous êtes très au courant, mais il s'agit des enfants nés de pères qui travaillaient à l'étranger à l'époque où les femmes et les enfants étaient la propriété du père. Si ces enfants naissaient au Canada—et nous en avons rencontrés deux au comité—alors que leurs pères étaient partis aux États-Unis pour travailler, par exemple, ceux-ci prenaient leurs enfants et leurs épouses avec eux, et les épouses et les enfants étaient considérés comme étant la propriété du père.

    Une femme est revenue au Canada pour y travailler, y vivre et y suivre des études. Elle est ensuite allée en Suisse avec son époux. Ils ont eu des enfants là-bas et lorsqu'elle a voulu que ses enfants deviennent citoyens canadiens, elle a appris qu'elle n'était pas citoyenne canadienne. Elle est un enfant perdu. L'on en dénombre environ 10 000 au Canada, car la loi n'a pas été corrigée entre 1947 et 1977.

    Vous avez donc raison de relever la question des femmes dans la Loi concernant la citoyenneté canadienne. Il est bon que l'on reconnaisse les femmes et les citoyens, car cela fait partie d'une loi réellement obsolète, et c'est une bien triste chose pour ces enfants. Notre parti a en fait soumis un projet de loi à la Chambre tout dernièrement et nous essayons de corriger la situation pour ces enfants perdus. Comme je le disais, ils sont au nombre d'environ 10 000, ce qui est considérable.

    Cathy a parlé des commissaires. J'aimerais que vous tous nous expliquiez quelles sont selon vous les fonctions d'un commissaire. Comme vous le savez, le travail des juges de la citoyenneté va être cédé aux commissaires—si je ne me trompe pas, et je pense bien avoir raison. Une chose a été portée à notre attention. Cathy a dit que les commissaires devraient être sensibles à l'égalité des sexes et à la diversité. Un témoin que nous avons entendu a recommandé que l'on exige des commissaires qu'ils aient un «certain niveau de confort dans les deux langues officielles», que lors de la cérémonie ils «soulignent l'égalité de l'anglais et du français en tant que langues officielles et en tant que valeurs canadiennes fondamentales», et en conséquence que le «commissaire à la citoyenneté veille à ce que la cérémonie se déroule dans les deux langues officielles du Canada». Cela concerne la cérémonie, mais le témoin a bien insisté sur le fait que le commissaire devrait être bilingue.

    J'aimerais donc dans ce contexte poser une question très générale, car j'ai grandi à Toronto. Il y a des gens là-bas qui ont dit que nous n'avons pas besoin d'une nouvelle loi concernant la citoyenneté. La loi antérieure était-elle suffisamment bonne et n'avait-elle besoin que d'un certain peaufinage, ou bien la refonte qui vient d'être faite est-elle une bonne chose? Voilà la question générale que je vous pose à tous les trois.

    J'aimerais également parler un instant avec le professeur. Vous avez dit que les immigrants ne voudront peut-être pas venir au Canada si nous ne leur facilitons pas les choses et qu'une loi comme celle-ci rend les choses difficiles. Cela est une chose que nous avons constatée lorsque nous nous sommes rendus en Europe. C'est là la chose qu'il nous fallait offrir aux gens lorsque nous avons constaté que nous devions faire concurrence à d'autres pour attirer des immigrants. Le Canada offre à ces personnes la citoyenneté au bout de trois ans. C'était vraiment quelque chose lorsque nous nous sommes rendus en Allemagne et dans d'autres pays du genre. Ces pays ne permettront jamais aux gens qui y vont pour travailler de devenir citoyens. Nous, nous offrons cela, et j'ai vraiment été fière du Canada lorsque nous avons appris que nous pouvons très bien concurrencer les autres pour attirer des immigrants du simple fait de cette offre.

    Voilà donc les commentaires que je voulais faire, et j'aimerais entendre les réactions des trois témoins.

+-

    Le président: Commençons par Cathy, avec la première question, si vous le voulez bien, celle concernant le rôle des commissaires comparativement aux juges que nous avons à l'heure actuelle et ce à quoi vous vous attendrez de leur part.

    J'ajouterais simplement, pour enchaîner sur ce qu'a dit Lynne, que j'ai trouvé incroyable que nous n'ayons dans tout le pays que 24 juges. Et voici que j'apprends que dans votre cas particulier, il ou elle ne vient peut-être que deux fois par an. Je ne sais pas combien de demandes de citoyenneté vous traitez. En tout cas, vous faites apparemment énormément de bon travail là-bas à Thunder Bay.

    Vous pourriez peut-être nous raconter un peu l'expérience que vous vivez. Y a-t-il un arriéré du fait que cette personne ne vienne faire un tour que deux fois par an? Les petites collectivités devraient-elles avoir leur propre juge?

+-

    Mme Cathy Woodbeck: Je pense que les communautés locales devraient avoir leur propre commissaire. Notre arriéré est tel qu'il nous faut caser 120 personnes par cérémonie, et cela peut même parfois aller jusqu'à 240. D'autres prêteront le serment mais ne viendront pas à la cérémonie, alors c'est très bousculé et c'est un long processus vu que cela n'arrive que deux fois par an. Le juge qui vient chez nous en ce moment ne connaît pas vraiment la communauté. Il prononce un discours mais aucun lien ne se crée entre lui et les gens. Les gens ont des liens avec notre personnel et avec le personnel de Citoyenneté et Immigration à Thunder Bay, mais le juge ne se déplace chez nous que pour cette seule occasion.

    Notre sentiment est qu'un commissaire local serait beaucoup plus utile, étant donné surtout ce que je vois proposé dans le projet de loi, si ces personnes vont devoir s'investir dans les communautés et faire activement la promotion de la citoyenneté. Vous ne pouvez pas vraiment promouvoir activement la citoyenneté si vous ne venez que deux fois par an pour prononcer un discours de cinq minutes.

    Si la personne vivait dans la collectivité, s'il s'agissait d'un retraité ayant quitté un autre emploi, si la personne y travaillait à temps partiel ou en tout cas avait du temps pour s'en occuper, alors il y aurait beaucoup plus d'interaction avec la collectivité. Le juge pourrait participer aux cours de préparation à la citoyenneté, pour aider les immigrants qui envisagent de faire une demande de citoyenneté à répondre aux questions, et participer à toutes les choses dont nous nous occupons en ce moment. Il serait très utile d'avoir quelqu'un de local, quelqu'un qui est visible dans la communauté, quelqu'un que la communauté des immigrants et des réfugiés verrait comme un promoteur visible de la citoyenneté, quelqu'un à ils pourraient poser des questions et auprès de qui ils pourraient obtenir des renseignements.

½  +-(1910)  

+-

    Le président: Voici une deuxième question. Si nous ne pouvions pas modifier la loi—bien que je sois toujours un optimiste—préféreriez-vous avoir l'actuelle loi ou le projet de loi? Nous osons espérer que certains amendements y seront apportés, mais la question posée par Lynne était excellente, car certains des témoins que nous avons entendus ont demandé ce qui ne va pas avec la loi en vigueur à l'heure actuelle.

+-

    Mme Cathy Woodbeck: J'estime, personnellement—et je pense que ce serait également la perspective de notre association—que ce projet de loi est une amélioration par rapport à la loi, car il règle plusieurs questions qui n'avaient jamais auparavant été abordées. L'on pourrait faire mieux dans certains domaines, notamment en ce qui concerne la clarté du libellé, mais c'est une amélioration par rapport à ce que l'on a eu jusqu'ici.

+-

    Mme Lynne Yelich: [Inaudible]..des détails précis. Vous avez parlé de—

+-

    Le président: Ce sont des mandats dont vous pensez qu'ils devraient être modifiés. C'est ce que vous dites.

+-

    Mme Cathy Woodbeck: Je pense qu'ils le devraient, mais je trouve que certaines choses sont mieux définies dans ce texte de loi. Le fait que la durée de la résidence doive s'inscrire dans une période de six ans au lieu de quatre est une bonne chose. Beaucoup d'aspects encore jamais abordés dans la loi sont traités dans le projet de loi et l'on commence également à apprécier, à examiner et à corriger certaines choses, et je songe notamment aux cas des femmes qui n'étaient pas—

+-

    Mme Lynne Yelich: Nous avons tellement entendu parler de la révocation, de l'annulation et du refus que nous avons presque envie de baisser les bras et de nous demander ce que nous faisons ici. Ce sont là les aspects qui ont été soulignés par tous les témoins. Vous entendre dire dans vos témoignages qu'il y a certains aspects de la loi dont vous êtes vraiment heureux...

+-

    Mme Cathy Woodbeck: C'est le cas.

+-

    Mme Lynne Yelich: —comme par exemple l'aspect interdiction dont vous avez parlé, s'agissant de la violence et des femmes, m'a fait très plaisir. C'était intéressant.

+-

    Le président: Ajit, pourriez-vous répondre aux mêmes questions?

+-

    Mme Ajit Deol: J'aimerais simplement ajouter un petit quelque chose à la discussion en cours. J'ai eu ma cérémonie de citoyenneté à Thunder Bay. Je connais un petit peu les deux provinces, l'Ontario ainsi que le Manitoba. Je pense que les temps ont changé et que nous devrions tenir compte des immigrants à Thunder Bay. Je pense qu'on y a besoin d'un commissaire. C'est le terme maintenant, au lieu de « juge ».

    Au Manitoba, nous avons eu la parité hommes-femmes. Je ne voudrais pas citer de noms, mais nous avons eu une femme commissaire ou juge de la citoyenneté. Nous avons également eu de la diversité, car il y a un immigrant qui fait cela au Manitoba. Si l'on a eu toutes ces choses, l'on a tendance à ne pas penser à ceux qui ne les ont pas eues. Il serait donc peut-être bon de prendre cela en note, car il y a aujourd'hui plus d'immigrants à Thunder Bay comparativement à la situation dans les années 60, voire même dans les années 70. Il importe de reconnaître cela.

    Par ailleurs, pour ce qui est de la liberté d'expression, je pense que c'est là un facteur très important dans la vie d'une personne, mais si quelqu'un estime qu'elle est libre de dire n'importe quoi à n'importe qui, n'importe où, alors il importe de contenir un peu cela. Les droits de la personne sont les droits de la personne et devraient être une donnée de départ. En même temps, il faut qu'il y ait un certain contrôle. Je siège ici à la Commission des droits de la personne du Manitoba, alors je traite moi-même de toutes ces choses. Certaines affaires devraient être traitées comme relevant des droits de la personne. Dans d'autres cas, si vous élargissez la liberté d'expression et sa reconnaissance, alors il faut assortir cela d'un certain nombre de restrictions.

    Quant à l'accréditation des gens, des immigrants arrivant d'autres pays, nous aussi venons d'ailleurs. Je ne suis pas née au Canada. En même temps, je reconnais pleinement, et j'explique aux nouveaux immigrants, qu'ils ne peuvent pas poser le pied sur le sol d'un nouveau pays et exiger qu'on se plie à leurs quatre volontés. Ils doivent suivre les règles en place dans leurs familles, alors pourquoi pas celles du pays? La liberté s'inscrit à l'intérieur de limites.

    Une trop grande permissivité amène parfois des difficultés alors je dirais que la nouvelle loi va donner plus aux immigrants ainsi qu'aux citoyens. Mais mon point... puis-je parler maintenant du point dont vous m'avez demandé de traiter plus tôt?

½  +-(1915)  

+-

    Le président: Oui, bien sûr.

+-

    Mme Ajit Deol: Il s'agit des certificats. J'aimerais en savoir plus. Le paragraphe 35.(1) dit ceci:

    Le ministre délivre, en conformité avec les règlements, un certificat de citoyenneté à tout nouveau citoyen ainsi qu'à tout autre citoyen qui en fait la demande.

    Il me faudrait un peu plus...

+-

    Le président: Je ne suis pas certain que cela change quoi que ce soit. Cela ne figure pas dans l'actuelle loi. À l'heure actuelle, lorsqu'on vous accorde la citoyenneté—comme dans votre cas—on vous donne un certificat et une carte de citoyenneté. C'est tout ce que dit le projet de loi ici. Cela n'a rien à voir avec une carte d'identité nationale. C'est là une toute autre question dont nous allons parler...

+-

    Mme Ajit Deol: J'ai noté les deux sur le document imprimé que je tiens à la main. Cela ne figure pas sur la copie que j'ai déposée auprès du comité.

+-

    Le président: Non, il s'agit ici de la délivrance d'un certificat de citoyenneté.

+-

    Mme Ajit Deol: Juste le certificat de citoyenneté, et rien d'autre? J'ai pris pour acquis que vous obtenez le certificat et qu'ensuite...

+-

    Le président: Oh, vous obtiendrez un certificat, bien sûr.

+-

    Mme Ajit Deol: Oui, je sais cela, mais je voulais en savoir un petit peu plus. Présente-t-il quelque chose de spécial maintenant, ou bien s'agit-il de la même chose qu'avant?

+-

    Le président: C'est à toutes fins pratiques la même chose que ce qu'il y avait dans cet article auparavant.

+-

    Mme Ajit Deol: Très bien. Merci.

    En ce qui concerne mon autre sujet de préoccupation, j'étais en train de noter certaines choses.

    Je pense que nous ne devrions pas tout simplement rejeter le blâme sur le gouvernement ou même dire que c'est lui qui devrait tout faire tout le temps. Nous aussi, en tant que communauté, devrions faire quelque chose s'agissant de renseigner la personne qui demande la citoyenneté, de lui apprendre des choses au sujet du Canada. Ces conditions peuvent être mises de côté également, mais je ne pense pas que nous devrions les ignorer totalement. Nous devrions les avoir, mais là où elles empêchent les gens d'obtenir la citoyenneté, l'on devrait pouvoir les mettre de côté.

+-

    Le président: Professeur, auriez-vous quelque chose à dire en réaction à cette même question qu'a posée Lynne?

+-

    Dr Vedanand Je trouve, personnellement, qu'il y a définitivement des améliorations dans le projet de loi. D'autre part, s'il y a des personnes qui sont venues ici par quelque moyen frauduleux et en donnant de faux renseignements, ou qui ont été associées à un quelconque groupe terroriste, ou encore qui ont été inculpées d'actes criminels et ont obtenu leur citoyenneté canadienne par suite de fausses déclarations, je pense que c'est là quelque chose qu'il faut corriger. Je pense que c'est là une mesure très positive en ce sens que si ces personnes ne sont pas à la hauteur des normes en matière de comportement civilisé de leur pays d'origine, alors il faut qu'il y ait un mécanisme de répudiation. Toutes les personnes partisanes de l'Allemagne nazie ont participé à la même machine de guerre et aux mêmes crimes qui se commettaient là-bas. Encore aujourd'hui, on leur demande de payer pour leurs crimes.

    Dans ce contexte, aux fins de la sécurité intérieure, il s'agit d'une amélioration qui aidera beaucoup. Cependant, il importe de veiller à ce que cela ne donne pas lieu à une chasse aux sorcières ou à ce que les gens ne poursuivent pas leurs recherches avec trop de zèle ou d'enthousiasme, parce que c'est ce que vous demande une autre puissance, prétextant qu'il y a une frontière poreuse et qu'il se passe certaines choses. Voilà quelle serait mon inquiétude. Dans ce sens-là, je pense donc qu'il s'agit d'une amélioration. Néanmoins, comme je l'ai déjà mentionné, il importe de veiller à ce que les droits garantis dans la Charte des droits et libertés du Canada ne soient pas violés.

    Pour ce qui est de l'autre question que vous avez soulevée relativement à la concurrence pour la main-d'oeuvre sur le marché d'Europe ou d'ailleurs, cela est vrai, et je pense que c'est ce que réussit très bien le Canada. Cependant, cette concurrence va à l'avenir être plus intense et beaucoup plus vive. Je pense que l'Allemagne avait réservé 20 000 ou 30 000 visas pour des personnes originaires du Sud-Est asiatique, pour travailler principalement dans le domaine de la technologie de l'information, et le pays veut également des programmeurs d'Inde, etc. Le pays n'a pas pu atteindre ces chiffres, car beaucoup de gens ne veulent pas aller en Allemagne. De nombreux Turcs travaillant dans ce pays comme travailleurs invités sont résidents permanents mais ne veulent pas devenir citoyens.

    La notion de citoyenneté ou de résidence est très intéressante en Europe comparativement au Canada. Nous avons nous aussi beaucoup de travailleurs temporaires ou invités. Bien sûr, les États-Unis sont l'exemple par excellence. Les États-Unis sont en ce moment en train de dire que si une personne travaille depuis plusieurs années elle devrait peut-être se voir offrir la possibilité de devenir résidente et de demander plus tard un visa permanent, la résidence permanente. Ce sont là de nouveaux développements qui sont en train de s'opérer.

    S'agissant de concurrence, voilà le genre de marché dans lequel vous êtes. Vous livrez concurrence à l'intérieur d'un marché très serré, celui des professionnels et des travailleurs spécialisés. Je pense que cela va s'intensifier à l'avenir. C'est là la vraie question en ce moment dans tout le Sud-Est asiatique.

½  +-(1920)  

+-

    Le président: Judy.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): J'aimerais beaucoup poursuivre avec vous la question que vous avez soulevée, monsieur Vedanand, quant au genre de message ce projet de loi concernant la citoyenneté canadienne va communiquer au monde en ce qui concerne les valeurs qui nous tiennent à coeur, en tant que Canadiens. Si cette loi fait plus pour garder les mauvais éléments à l'écart et réagir à la menace ou aux pressions des Américains suite aux événements terroristes du 11 septembre, dont le souvenir est toujours aussi vif dans nos têtes aujourd'hui; s'il faut plus à cet égard que tout simplement résumer notre vision de nous-mêmes en tant que nation, en tant qu'État souverain dans une communauté mondiale, et s'il fait plus qu'enchâsser cette notion de citoyenneté en tant que droit; si, par le biais du projet de loi, nous nous sommes en fait un peu retranchés par rapport à cela et ne parlons que symboliquement de la notion de citoyenneté en tant que droit, traitant cela plutôt comme étant un privilège à conférer selon les caprices du gouvernement du jour ou les normes des temps que l'on vit, alors je pense que nous aurons commis une grave erreur. Je pense qu'il nous faut savoir si c'est le cas avec le projet de loi, et de quelle façon nous pourrions changer cela.

+-

    Dr Vedanand: Je suis d'accord avec vous là-dessus. Vous avez très bien cerné le problème. Cela m'ennuierait profondément que ce texte de loi soit une vraie pénalité en réaction aux pressions exercées par un autre gouvernement, ou un mécanisme pour agir sur les ordres de quelqu'un d'autre. S'il s'agit d'une préoccupation nationale, alors très bien. Que le gouvernement s'y penche. C'est pourquoi j'ai soulevé ces questions au sujet de la concurrence pour attirer de la main-d'oeuvre.

    À l'intérieur du paradigme de la mondialisation, il est probable que ces choses arrivent mais soudainement, le terrorisme étant devenu la principale cible du programme politique, et nous avons réagi immédiatement avec une loi qui permet de satisfaire cette demande. Ce serait triste. D'un autre côté, s'il s'agit d'une mesure que j'appellerais « anti-maux », alors que l'on ait une vision plus positive et plus proactive. Que l'on se penche sur les biens publics mondiaux que sont la citoyenneté, les droits de la personne et les droits des citoyens et des résidents canadiens. Ce serait là quelque chose de louable et qui nous donnerait une image bien supérieure et bien plus positive ailleurs dans le monde, là où il faut livrer concurrence pour approvisionner le marché du travail. Mais si la perception est que cela a été exigé du Canada et que celui-ci a réagi en adoptant cette loi, alors ce serait très triste et très tragique.

½  +-(1925)  

+-

    Le président: Si vous me permettez, professeur, je pense que vous avez soulevé quelques questions, mais cette loi n'a pas vu le jour à cause du 11 septembre. Cela fait trois ans que nous nous efforçons de faire adopter une nouvelle loi sur la citoyenneté. Un certain nombre de choses y figurent, certes, mais je tiens à m'assurer que les gens ne pensent pas que cette loi est tout d'un coup apparue à cause des événements du 11 septembre. C'est un travail que nous menons depuis deux ou trois ans. Il est vrai que certains changements ont été apportés depuis la version originale, peut-être en réaction à certaines choses, comme l'ont dit certains témoins, mais je tenais à inscrire cela dans le bon contexte.

    Pourriez-vous répondre à la question que Judy vous a posée? Pensez-vous que ce soit un droit ou un privilège?

+-

    Dr Vedanand: Permettez-moi simplement...

+-

    Le président: Non, j'aimerais une réponse. Pensez-vous que ce soit un droit ou un privilège? Nous avons beaucoup de questions, mais j'aimerais entendre les réponses.

+-

    Dr Vedanand: Je pense que la citoyenneté devrait être un droit, mais je ne dis pas que ceci résulte principalement des événements du 11 septembre. Je sais qu'il y a eu un projet de loi sur la citoyenneté qui est tombé lorsque les élections ont été déclenchées. On y travaillait, mais la vitesse avec laquelle ce projet de loi a été déposé donne peut-être l'impression au public que c'est à cela que cette initiative est attribuable. Je ne pense pas que ce soit le cas, et je serais très heureux si le projet de loi était perçu dans ce contexte non seulement ici, mais également à l'étranger, là où vous devez faire concurrence pour cette population immigrante.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Ce que beaucoup de gens nous ont dit au cours des derniers mois est en fait que, que l'on parle du nouveau projet de loi sur l'immigration, d'une loi sur la citoyenneté, de la carte d'identité nationale ou du projet de loi C-17, la dernière réaction à cette menace terroriste, il y a en fait une part de vérité dans ce qu'a dit M. Vedanand au sujet de...

+-

    Le président: Je partage ce même sentiment. Je tiens simplement à dissiper toute impression que les gens pourraient avoir que cela résulte des événements du 11 septembre.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Je pense que ce qu'il disait, en fait—et il l'exprime très clairement dans son mémoire—c'est que l'on est en quelque sorte ici confronté à un paradoxe auto-imposé par un gouvernement qui veut que des gens viennent ici et qui veut avoir une société multiculturelle, alors que l'on semble en même temps consacrer beaucoup d'argent à essayer de voir comment s'y prendre pour garder des gens à l'extérieur ou pour les renvoyer dans leur pays d'origine. Je pense que c'est là un point important.

    La question, pour ce qui est de son contexte d'une vision et de notre obligation à l'égard des droits universels et d'une réaction collective mondiale, est la suivante: le projet de loi respecte-t-il l'essentiel, c'est-à-dire l'application régulière de la loi, la règle de droit, le droit d'appel, etc.? Cathy voudra peut-être elle aussi répondre à la question, car c'est un point important.

+-

    Dr Vedanand: J'ai mentionné en passant que l'application régulière de la loi, la règle de droit et le rôle de l'appareil judiciaire devraient être renforcés. Certains éléments ici, notamment la possibilité d'expulser quelqu'un ou de révoquer les droits de citoyenneté de quelqu'un, devraient être pris très au sérieux. C'est à ce niveau-là que j'envisage la question plus large de la citoyenneté en tant que concept. En tant que concept, il s'agit de quelque chose de très sacré. Vous pouvez vivre dans un pays mais ne pas en être citoyen. C'est ce qui se passe en Allemagne. Tous ces travailleurs invités sont là et ils choisissent eux-mêmes de ne pas devenir citoyens ou bien ils ne le peuvent pas. L'Allemagne a changé ses lois. À une époque, n'importe qui pouvait sauter dans un avion, se déclarer réfugié et rester là pendant des mois avant de pouvoir venir au Canada ou aux États-Unis, en dépit de ce qu'il avait peut-être fait dans son pays, même s'il avait commis des crimes.

    C'était de réels refuges, mais ces refuges ne sont plus là. Ils sont... [Note du rédacteur—Inaudible]... et il nous faut en même temps créer cette image positive d'une démocratie véritablement libérale qui examine ces questions de façon proactive et positive.

½  +-(1930)  

+-

    Le président: Cathy.

+-

    Mme Cathy Woodbeck: Pour en revenir à la question de la citoyenneté en tant que droit, je pense que la citoyenneté est en effet un droit, mais qu'il s'agit d'un droit assorti de responsabilités. Je pense qu'il nous faut également faire la distinction entre la Loi sur l'immigration, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, et la Loi sur la citoyenneté. Ce que fait l'une des lois ne doit pas forcément être reprise après coup par les autres lois. Elles doivent travailler très étroitement ensemble. La Loi sur l'immigration fera une chose, mais la Loi sur la citoyenneté est un processus tout autre. Quant à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, elle couvrirait nombre de choses que cette loi-ci n'a pas à englober, mais je pense que les droits universels à l'application régulière de la loi, à la règle de droit et au droit d'appel, comme vous l'avez dit, doivent être examinés sérieusement en vue de leur inclusion dans la loi.

+-

    Le président: Andrew.

+-

    M. Andrew Telegdi: Merci, monsieur le président.

    Je ne peux pas m'empêcher de devenir nostalgique en entendant parler de Thunder Bay. Le ministre Robert Andras était originaire de Thunder Bay et c'est lui qui a été l'artisan de la dernière loi d'importance grâce à laquelle on a éliminé la barrière de la couleur dans le contexte de l'immigration. Cette barrière avait été là auparavant.

+-

    Mme Cathy Woodbeck: Nous parrainons un programme de bourse appelée le Robert Andras Memorial Scholarship.

+-

    M. Andrew Telegdi: Il a fait du très bon travail et il compte parmi les meilleurs ministres de l'immigration que nous ayons jamais eus dans ce pays.

    Je sais que je fais un peu dans l'histoire, mais je mentionnerai également que c'est le conseil municipal de Winnipeg qui, à la fin des années 20 ou au début des années 30, a refusé de remettre au gouvernement fédéral les noms figurant sur les listes des rationnaires. Le gouvernement fédéral avait l'habitude de parcourir ces listes pour voir s'il y avait des immigrants qui étaient rationnaires, auquel cas ils se faisaient expulser du Canada. C'est là un bout de son passé dont la ville de Winnipeg peut être fière dans le domaine de l'immigration.

    Le président a mentionné que Inky Mark n'est pas ici. Inky a fait beaucoup de travail relativement aux droits en matière de citoyenneté. Il a en fait proposé l'adoption de l'un de mes projets de loi d'initiative parlementaire inscrivant le droit à la citoyenneté sous la Charte. La raison pour laquelle le projet de loi antérieur n'a pas vu le jour est que les gens étaient suffisamment nombreux à penser que le processus de répudiation était injuste.

    Les événements du 11 septembre sont récents, mais la Charte des droits et libertés a été signée le 17 avril 1982. La Charte des droits et libertés est très claire. Elle ne parle pas de privilèges. D'aucuns aiment penser que la citoyenneté est un privilège, que l'on accorde. Mais même cela est discutable, car si une personne satisfait toutes les exigences en matière de citoyenneté et qu'on la lui refuse, il faut que cela se fasse conformément à la règle de droit. Cela ne peut pas être fait parce que le roi, un monarque au pouvoir absolu, un ministre ou peut-être un bureaucrate pense qu'il ne le faudrait pas.

    L'article 21 parle des valeurs canadiennes. Quelle valeur fondamentalement canadienne fait plus l'objet d'un consensus dans ce pays que la Charte des droits et libertés? John Bryden, qui est membre du comité, poursuit les membres du comité au sujet d'une chose autant que moi je les poursuis au sujet d'autres questions. Il aimerait que le serment de citoyenneté renferme les principes de base de la Charte afin d'être bien certain que la Charte se trouve reflétée dans le projet de loi.

    Ma question pour vous porte sur l'article 7 de la Charte, et je vais vous en lire le texte car je trouve cela très important:

    Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

Les principes de justice fondamentale ont évolué au Canada et dans la common law et on les retrouve dans nos cours pénales. Personne n'est mieux en mesure de déterminer si une personne a commis de la fraude, oui ou non. En gros, lorsque nous voulons révoquer la citoyenneté, il faut que vous ayez commis de la fraude. Cela doit être très simple à déterminer, car il y a malheureusement des milliers et des milliers d'affaires de fraude qui passent devant les tribunaux chaque année. Mais les tribunaux sont les organes qui sont les mieux placés pour déterminer cela et ils respectent le droit d'appel.

    Clifford Olson et Paul Bernardo ont joui d'un droit d'appel jusqu'à la Cour suprême, mais un citoyen de ce pays, qui est peut-être ici depuis 50 ans, qui n'a rien fait de mal ici, mais qui est accusé d'avoir commis une faute ailleurs, peut se voir accusé d'être entré au pays par des moyens frauduleux. Assurément, cette personne mérite de jouir des mêmes privilèges que M. Olson ou M. Bernardo.

    Je dis cela en sachant fort bien que les gens considèrent ces deux individus comme étant absolument odieux. Mais en plus de ces deux-là, il y a également Guy-Paul Morin, qui a été jugé coupable et incarcéré à tort mais qui a pendant des années bénéficié de cette norme. Il y a également Donald Marshall et il y a bien sûr Steven Truscott, qui est remonté jusqu'à la Cour suprême. Il y a cette lutte pour obtenir justice.

    En tant que société, nous avons pesé le pour et le contre puis rendu une décision. C'est là la question. Une fois que vous avez la citoyenneté—et même si vous ne l'avez pas—vous avez des droits. Ils n'ont rien de spécial, mais il s'agit notamment du droit à une audition équitable. Ma question pour vous est celle de savoir si la Charte des droits et si cette loi concernant la citoyenneté canadienne—choses que comme pays nous brandissons comme emblème des droits de la personne, des libertés civiles et de l'inclusivité devant le reste du monde—devraient être accordées aux personnes qui sont citoyens par choix ou par naturalisation. Devraient-elles bénéficier de la Charte s'agissant de leur citoyenneté? C'est là la question, à la base, et j'aimerais beaucoup entendre une réponse de chacun de vous.

½  +-(1935)  

+-

    Mme Ajit Deol: Je pense que la Charte des droits est la base de nos droits démocratiques. C'est pourquoi nous l'avons: parce qu'elle a une certaine valeur. Si ces valeurs peuvent être reflétées dans le projet de loi, alors ce serait bien.

    Je me suis occupée d'un cas qui est, je pense, très pertinent, et si vous voulez bien m'accorder deux minutes, je vais vous en parler. L'épouse était citoyenne et ils avaient trois enfants. Le mari n'était pas citoyen, mais simplement immigrant. Il y avait une raison à cela: c'était à cause de ses biens en Inde, et il y avait donc des règles différentes.

    Quoi qu'il en soit, ce jeune homme a été faussement accusé d'un crime et une mesure d'expulsion a été prise contre lui. La famille m'a demandé de l'aide. J'ai toujours dit que, quelle que soit la vérité, elle devrait être racontée. Même si vous avez commis un crime, je devrais le savoir. Je verrai ensuite de quelle façon je peux vous aider.

    Dans le cas dont je vous parle, ils m'ont donné chaque petit détail de l'affaire puis l'affaire été entendue par la cour. J'ai comparu au nom du mari. Je ne suis pas avocate; j'aide tout simplement les gens qui en ont besoin, quels qu'ils soient. La couleur de la peau, la religion et la nationalité ne signifient rien pour moi.

    Au bout du compte, le juge m'a demandé si j'avais d'autres questions. J'ai dit que j'en avais une mais que je voulais la lui poser à elle, la juge. Ma question pour la juge a été la suivante: Qui allait payer pour élever ces trois enfants si le mari était expulsé? Les enfants étaient tous âgés de six ans ou moins. Cette mère de famille allait subir la responsabilité de quoi? Où allait-elle aller chercher du pain pour nourrir ses enfants? Si elle cherchait à améliorer ses qualifications afin de pouvoir travailler, qui allait payer? Qu'allait-il advenir de ces enfants?

    Il y a eu un long échange, mais ma dernière question à la juge a été la suivante: Qu'allait gagner le Canada en expulsant cette personne? Je savais qu'il n'avait pas fait ce qu'on lui reprochait. La juge m'a regardée et m'a dit: «Vous prétendez ne pas être avocate?» J'ai répondu: «Je ne le suis pas. Je vous dis que je ne suis pas avocate, mais je suis ici au nom de la défense».

    Y a-t-il moyen pour vous d'améliorer la personne qui a ou n'a pas commis le crime ou qui y a été mêlée à tort? La juge m'a demandé si j'assumerais cette responsabilité, si je m'engagerais à m'occuper de cette personne pour veiller à ce qu'elle s'améliore. Je lui ai demandé de m'accorder un instant pour parler avec le mari. Je lui ai dit que j'avais une question pour lui: Ferait-il ce que je lui dirais de faire pour pouvoir se sauver lui-même et sauver sa famille? Il n'était pas simplement question d'avoir un droit ou un privilège. Il a répondu que oui. La juge s'est retirée dans son cabinet, est revenue, et sa décision a été que l'intéressé ne serait pas expulsé parce que quatre personnes, son épouse et les enfants, allaient être au bien-être social si le père était expulsé.

½  +-(1940)  

+-

    Le président: Faites-moi penser à vous envoyer des clients. Vous avez sans doute mieux fait que ne l'aurait pu un avocat.

    Des voix: Oh! Oh!

+-

    Mme Ajit Deol: En tout cas, j'ai dit au mari qu'il était en libération conditionnelle et que pendant ces deux années de libération conditionnelle il allait être ma responsabilité. Deux ans! Il devait m'appeler trois fois par jour. Je l'appelais à tout bout de champ pour savoir ce qu'il faisait, et j'étais également responsable pour tout son service communautaire. C'est pourquoi je disais que la collectivité a elle aussi certaines responsabilités.

+-

    M. Andrew Telegdi: Eh bien, ce sont là les considérations humanitaires.

+-

    Mme Ajit Deol: C'est exact, et la famille m'est aujourd'hui très reconnaissante. Il faut assumer une certaine part de responsabilité.

+-

    Le président: Je ne sais trop ce que cela a à voir avec la citoyenneté. Je conviens...

+-

    Mme Ajit Deol: Cela a à voir avec la citoyenneté parce que les enfants sont nés ici.

+-

    Le président: Je sais, mais même s'il avait été citoyen, cela n'aurait rien changé. Le fait est que s'il avait commis ce dont il était accusé, il serait peut-être parti de toute façon.

+-

    Mme Ajit Deol: C'est exact.

½  +-(1945)  

+-

    Le président: Ce que je veux dire c'est que je pense que vous avez évoqué une affaire très éloquente quant à la compassion qui vous habite et quant à la façon dont le système pourrait et devrait fonctionner pour venir en aide aux gens. Je suis tout à fait de votre avis.

    Professeur, pourriez-vous répondre à la question de M. Telegdi quant à l'idée que la Charte se trouve reflétée à l'intérieur de cette loi sur la citoyenneté?

+-

    Dr Vedanand: Avant de répondre à cette question, il y a quelque chose qui me préoccupe.

    La Charte des droits et libertés fait partie de notre modèle constitutionnel. Si cette loi devait de quelque façon être contraire aux dispositions de la Charte, alors cela me poserait de sérieux problèmes car la Charte est fondamentale en ce qu'elle définit les valeurs, les droits et nombre d'autres choses qui vont main dans la main avec la citoyenneté.

    La loi proprement dite n'envisage pas la citoyenneté comme étant principalement un point conceptuel ou intellectuel de débat lorsqu'elle établit la façon dont on peut l'acquérir, la façon dont on peut la perdre, la façon dont elle peut être révoquée ou la façon dont elle peut être annulée. Ce sont là des problèmes qui sont survenus dans la loi.

    Tant et aussi longtemps que rien n'est contraire à ce qui est établi dans la Charte des droits et libertés, alors je pense que mes préoccupations demeureront minimes. D'un autre côté, s'il y avait contradiction, alors j'aurais de sérieuses préoccupations.

    J'ignore si j'ai répondu à la question ou non, mais...

+-

    M. Andrew Telegdi: Il y a une contradiction là où l'on parle de la sécurité de la personne. Peu de choses interviennent plus dans la sécurité d'une personne que sa citoyenneté. Par conséquent, si vous allez enlever la citoyenneté, vous allez enlever la sécurité de la personne à une personne alors «qu'il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale».

    Si vous regardez l'article 17 du projet de loi, vous avez une situation dans laquelle une personne est accusée d'un crime mais ignore quel est le crime en question. Elle ne connaît pas le détail du crime, ne sait pas qui l'en accuse, n'est pas présente pour l'audience à laquelle la décision est prise, et il n'y a donc là absolument aucun appel de la décision du juge qui révoque sa citoyenneté et l'expulse du pays.

    Voilà ce que j'entends par droits: le droit de savoir de quoi vous êtes accusé, le droit de confronter votre accusateur et le droit de vérifier les preuves. Le projet de loi dit très clairement que les règles en matière de preuve ne s'appliquent pas en vertu de l'article 17. Nous avons ici un processus très draconien qui va carrément à l'encontre de la Charte des droits et libertés.

+-

    Dr Vedanand: J'aimerais simplement...

+-

    Le président: Excusez-moi, professeur, mais il faut que je donne à chacun l'occasion de participer au lieu qu'il n'y ait qu'un débat entre vous et M. Telegdi. J'aimerais bien entendre vos commentaires, mais, malheureusement, il y a d'autres personnes qui souhaitent elles aussi répondre à sa question.

    Cathy.

+-

    Mme Cathy Woodbeck: J'ai dit plus tôt que les citoyens nés au Canada jouissent de tous ces droits. Les personnes ayant acquis leur citoyenneté par le biais du processus d'immigration ou de reconnaissance du statut de réfugié ne devraient-elles pas se voir accorder les mêmes droits? Les règles en matière de preuve, le droit à la sécurité de la personne, l'application régulière de la loi, la règle de droit et le droit d'appel ne devrait pas faire l'objet d'exceptions. Si cela a été inscrit dans la loi, cela ne pourrait-il pas donner lieu à des contestations en vertu de la Charte? Il me semble que oui. Je pense que les tribunaux seraient sérieusement accaparés par des contestations du genre, car cela serait à l'encontre de la Charte.

+-

    M. Andrew Telegdi: J'aimerais dire, pour votre gouverne, qu'il est très difficile pour une personne de porter une contestation fondée sur la Charte jusqu'à la Cour suprême. Cela demande beaucoup de temps et beaucoup de ressources. La suggestion faite précédemment était que le comité renvoie cela à la Cour suprême si nous nous interrogeons là-dessus.

+-

    Le président: Vous êtes le seul à le demander. C'est pourquoi nous posons la question aux témoins. Jusqu'ici, beaucoup de témoins ont dit que cela déclencherait une contestation fondée sur la Charte à cause de ce qui est contenu ici.

    Nous sommes davantage intéressés par ce que vous vous pensez. Andrew, bien sûr, aimerait que le comité recommande que l'on renvoie cela à la Cour suprême. Je ne suis pas convaincu que la Cour entendrait l'affaire avant qu'un projet de loi ne soit véritablement adopté et avant d'être saisie d'une contestation fondée sur la Charte, mais le comité devra en discuter à un moment donné.

    Pour l'instant, je sais ce que pense Andrew, mais je suis intéressé par ce que vous vous pensez.

½  +-(1950)  

+-

    Mme Cathy Woodbeck: Je pense que cela permettrait de tirer au clair la question de savoir quels citoyens jouissent du droit d'appel, du droit à une audition équitable ou du droit d'entendre les preuves contre eux, et lesquels ne jouissent pas de ces mêmes droits, et pourquoi certaines personnes auraient-elles ces droits, mais d'autres pas?

+-

    Le président: J'ai juste quelques questions.

    Cathy, pour ce qui est des interdictions, d'autres témoins ont dit avoir certaines craintes pour ce qui est du sort réservé aux personnes ayant commis des infractions sommaires: cela pourrait viser des personnes qui sont ici depuis 15, 20, 25 ou 30 ans. Ces personnes n'ont peut-être jamais fait de demande de citoyenneté ou, comme l'a peut-être dit Andrew, ont peut-être découvert qu'elles avaient été accusées il y a fort longtemps mais n'en avaient strictement rien su. Elles pourraient se voir refuser l'accès à la citoyenneté jusqu'à ce que...

    Je sais que vous avez parlé un petit peu dans votre mémoire du fait que vous convenez que dans le cas de personnes ayant causé de la violence familiale ou ayant laissé des victimes de crime dans des circonstances tragiques et ainsi de suit, une punition juste serait peut-être de leur refuser la citoyenneté. Nous ne pourrions pas nous en débarrasser. Ces personnes continueraient d'être résidentes permanentes, alors nous ne pourrions pas faire cela. J'essaie cependant de comprendre comment vous pouvez considérer que c'est un droit mais être prête à le leur enlever ou à ne pas le leur conférer sur la base qu'elles ont peut-être... Je ne parle pas de violence conjugale, car je comprends votre position à cet égard. Mais une personne peut avoir été jugée coupable à deux chefs pour vol à l'étalage ou conduite en état d'ébriété et elle ne pourrait jamais obtenir sa citoyenneté, en tout cas pas avant au moins quatre ou cinq années passées dans le pays.

    J'aimerais comprendre votre position. Vous avez tant vanté cela comme étant un droit, mais voici que tout d'un coup vous voulez punir quelqu'un.

+-

    Mme Cathy Woodbeck: Dans le cas de personnes inculpées d'actes criminels...

+-

    Le président: Le projet de loi parlait d'infractions sommaires. Il ne s'agit pas d'actes criminels.

+-

    Mme Cathy Woodbeck: Pour ce qui est des infractions sommaires ainsi que des accusations portées à l'étranger, il faut faire attention à la façon dont on évalue cela et à la nature de la législation du pays concerné comparée au droit canadien. Je pense que le législateur va devoir examiner cela de plus près que nous ne pouvons le faire dans nos exposés ici, et j'estime qu'il faudrait distinguer entre les infractions punissables par mise en accusation et celles punissables par procédure sommaire, les deux n'étant pas de la même gravité. Évidemment, dans le cas des crimes les plus graves—

+-

    Le président: C'est au système judiciaire de les juger. Cela nous ramène encore une fois à la question de savoir si l'on utilise la Loi sur la citoyenneté pour s'attaquer aux criminels de guerre ou aux terroristes. Pour parler franchement, si nous tombons sur un terroriste, pourquoi voudrions-nous le faire partir? Pourquoi ne pas simplement l'incarcérer? Si le terroriste quittait le Canada, je suis sûr qu'il irait commettre ses méfaits ailleurs. Il s'agit donc de faire la distinction entre l'acte criminel et la citoyenneté qui confère un avantage particulier à quelqu'un, sans doute le plus grand avantage qu'un pays puisse offrir. Je pense que cette question doit...

+-

    Mme Cathy Woodbeck: Ces distinctions doivent être faites s'agissant d'infractions et d'accusations. Comme je l'ai dit, il faut les faire également dans la Loi sur l'immigration et la Loi sur la citoyenneté, le droit pénal par opposition au droit de la citoyenneté et les crimes de guerre et tout le reste. Je ne pense pas que l'on puisse tout mettre dans le même sac et adopter ce projet de loi sans ces distinctions.

+-

    Le président: Vous avez une longue expérience de l'aide aux citoyens futurs et je dois féliciter votre groupe de prendre le temps de les familiariser avec le test, les critères linguistiques et leur enseigner un certain nombre de choses, certains droit et responsabilités, et de travailler en collaboration si étroite avec le Bureau de la citoyenneté. Vous n'en avez pas beaucoup parlé, mais je sais que cela se fait dans quantité de localités.

    Le projet de loi supprime les juges. Les juges de la citoyenneté exercent actuellement certains pouvoirs discrétionnaires, notamment celui de se prononcer sur le respect de l'obligation de résidence. Ils peuvent à cet effet s'asseoir avec l'intéressé, comme nous le faisons ici vous et moi, et user de leur jugement pour dire que quelqu'un a effectivement les mille jours, ou bien que quelqu'un connaît bien le pays et mérite la citoyenneté. Tout cela va disparaître, car le commissaire à la citoyenneté n'aura pas du tout de pouvoir discrétionnaire. Il aura principalement une fonction cérémonielle et d'encouragement et promotion. Selon votre expérience, est-ce une bonne ou une mauvaise chose?

    Je sais que l'on reproche aux juges de commettre trop d'erreurs, de causer trop de problèmes et c'est pourquoi on veut les supprimer et les remplacer par des commissaires. J'aimerais savoir quelle expérience vous avez faite à cet égard et si vous considérez qu'il vaudrait mieux avoir ce pouvoir discrétionnaire confié à un quasi magistrat plutôt qu'une fonction administrative remplie par un fonctionnaire.

½  +-(1955)  

+-

    Mme Cathy Woodbeck: Je ne pense pas que ce rôle doive exercé par un fonctionnaire. Il est nécessaire pour cela d'avoir un magistrat ou un quasi magistrat. Si j'ai bien compris le projet de loi, le commissaire serait dans une position très différente de celle occupée par le juge antérieurement. Que ces fonctionnaires aient un rôle de décision me préoccupe. Si vous avez un juge expérimenté, quelqu'un qui a les compétences et l'expérience pour rendre ce genre de décision, cela vaut mieux. Je pense que le commissaire devrait...

+-

    Le président: Je précise que le commissaire n'aura plus ce rôle. Sa fonction se résume à venir à la cérémonie et à prononcer un joli discours dans les deux langues officielles. Il fera le tour des écoles et des collectivités pour promouvoir la citoyenneté. L'époque de l'entretien avec un juge ou une personne indépendante qui vous accorde la citoyenneté sera révolue.

    Je tenais à poser cette question car on semble considérer que seul le titre change mais que la fonction reste la même. Ce n'est pas du tout le cas et c'est pourquoi cet élément est important et pourquoi je suis intéressé de savoir ce que vous en pensez.

+-

    Mme Cathy Woodbeck: À notre sens, la faculté de ce juge d'examiner un cas particulier et de rendre la décision est une bonne chose. Pour ce qui est du commissaire, comme vous le dites, ses fonctions sont beaucoup plus réduites. Nous souhaitons que cette personne soit visible dans la communauté, mais nous préférerions certainement qu'elle ait les fonctions d'un juge.

+-

    Le président: Avez-vous un avis à ce sujet, Ajit?

+-

    Mme Ajit Deol: J'opterais pour le juge, car avec les circonstances politiques et... Personnellement, je pense qu'un juge serait mieux qualifié qu'un citoyen ordinaire, à moins de dispenser une formation spéciale à cette personne. C'est une possibilité. Si vous donnez à cette personne la formation juridique ou autre, cela pourrait aller. Mais je préférerais que cette personne ait de telles qualifications.

+-

    Dr Vedanand: Monsieur Vedanand, je me suis demandé pourquoi on a introduit cela. Je me suis dit que c'était peut-être par souci d'économie.

    Un juge de la citoyenneté apporterait certainement à la fonction toute la dignité et l'apparat de ce rang. La machine administrative, si elle ne fait qu'appliquer aveuglement les règles, n'aura pas de compassion. Je préfère un juge.

+-

    Le président: Pour terminer, je dois vous poser une question, monsieur, car vous soulevez quantité d'aspects intéressants. Mais vous ne m'avez pas donné beaucoup de réponses, mais c'est peut-être là votre rôle. Jusqu'à présent vous n'avez répondu qu'à la question de savoir si c'est un droit ou un privilège.

    Je comprends maintenant votre point de vue, car vous avez beaucoup dit qu'il ne fallait pas éroder les droits des citoyens et parlé de la distinction à faire entre ceux d'un résident et ceux d'un citoyen. Aujourd'hui, on peut être résident permanent de ce pays et ne jamais en acquérir la citoyenneté, tout en jouissant des mêmes droits, excepté deux ou trois. Vous ne pouvez voter et vous n'êtes pas éligible, mais tout le reste est identique.

    Par conséquent, vu votre discours sur ces droits et la pathologie de la diversité, je me demande si vous considérez ou non que dans le monde du futur nous ne serons pas tous citoyens du monde plutôt que ressortissant d'un pays donné. Notre pays accepte la double nationalité. Nous ne demandons à personne de renoncer à la nationalité antérieure. Pensez-vous qu'il est plus important pour nous de nous distinguer en tant que résidents ou en tant que citoyens, ou bien les deux?

+-

    Dr Vedanand: Ce que j'ai réellement dit de façon sommaire—et je vais le répéter—est que l'État nation lui-même est en péril. Au 21e siècle, il faudra revoir le modèle traditionnel de la citoyenneté. La raison pour laquelle je dis cela est que si vous voulez encourager le civisme dans ce pays, avec toutes les responsabilités qui accompagnent le statut de citoyen et l'adhésion à des valeurs, etc., alors il importe, en premier lieu, de consacrer ces droits sous une certaine forme.

    Deuxièmement, j'ai dit aussi qu'à l'avenir l'identité nationale elle-même devra être débattue dans le contexte de la nation et de la citoyenneté, des pouvoirs publics et de la citoyenneté, et du marché et de l'État. Ces aspects sont remis en question.

    J'entends par là que, oui, la citoyenneté est très importante et un droit sacré, mais lorsque vous avez des gens qui résident pendant 30 ans et ne deviennent pas citoyens, soit il y a un problème soit il faudrait une meilleure stratégie de communication pour les inciter. C'est une des choses que prévoit le projet de loi, l'encouragement à devenir citoyen et à participer pleinement. S'il n'y a pas de participation, ces immigrants vivent dans un mode isolationniste, dans leur propre cocon communautaire. Ils ne sont pas participants à part entière à la vie publique nationale. Or, ils devraient l'être. C'est pourquoi je pense que si vous voulez voter, si vous voulez des droits politiques, vous avez cette obligation.

¾  +-(2000)  

+-

    Le président: Vous dites donc que le projet de loi devrait inciter plus activement les résidents à devenir citoyens et qu'il ne faut pas rester passifs.

+-

    Dr Vedanand: Oui, c'est juste.

+-

    Mme Cathy Woodbeck: Souvent, c'est parce que leur pays d'origine révoquerait leur citoyenneté s'ils devenaient citoyens canadiens. Nous acceptons la double nationalité, mais beaucoup d'autres pays ne le font pas, et cela signifierait que cette personne renoncerait à la nationalité de son pays de naissance.

+-

    Le président: Eh bien, Dieu merci, nous avons des gens comme vous trois pour nous expliquer cette chaîne progressive qui va de l'immigrant et du réfugié au résident permanent et au citoyen. Votre contribution a été excellente et je veux remercier chacun d'entre vous de votre perspicacité et de votre apport.

    Nous allons faire une courte pause avant de passer au panel suivant.

½  +-(1959)  


¾  +-(2013)  

+-

    Le président: Collègues et invités, au cours de cette session nous allons parler un peu de nos programmes d'établissement et d'intégration. Permettez-moi de vous expliquer un peu les raisons qui nous motivent.

    Comme vous le savez, lorsque nous avons adopté la nouvelle Loi sur l'immigration en juin dernier et examiné les règlements, nous avons voyagé à travers le monde pour déterminer comment le Canada se situe sur ce plan et ce que nous pouvons faire pour attirer davantage d'immigrants. Je sais que le Manitoba, plus particulièrement, a un excellent programme de parrainage. Vous êtes très actifs. J'applaudis sans réserve à tout ce que fait non seulement la province, mais aussi la ville et les groupes communautaires en matière d'immigration. Mais il s'agit aussi pour nous d'étudier la phase suivante. C'est une chose que d'attirer les gens, mais que pouvons-nous faire et qu'est-ce que nous omettons de faire s'agissant de faciliter leur établissement et de les faire progresser vers la citoyenneté?

    Nous sommes donc très intéressés par votre expérience sur le plan des programmes d'établissement et d'intégration, de façon à pouvoir remettre au Parlement et au ministre un rapport contenant, nous l'espérons, quelques idées novatrices et créatrices sur la façon de mieux servir les résidents permanents et nouveaux immigrants dans notre pays. Je veux donc vous remercier, chacun d'entre vous, non seulement de vos avis sur le projet de Loi sur l'immigration il y a quelques temps, mais surtout pour les services que vous offrez et dont vous vous occupez aujourd'hui. Nous sommes intéressés d'apprendre ce que nous pouvons faire de plus, à l'échelle nationale, provinciale et locale, sur le plan des programmes d'établissement et des programmes de parrainage provinciaux. Fonctionnent-ils bien? Que pouvons-nous faire de plus?

    Commençons par le Centre international/Conseil manitobain de la citoyenneté, représenté par Fatima Soares. Soyez la bienvenue, Fatima.

¾  +-(2015)  

+-

    Mme Fatima Soares (directrice générale, International Centre--Citizenship Council of Manitoba): Bonsoir.

    Je fais partie du Centre international de Winnipeg, également connu sous son nom légal de Conseil manitobain de la citoyenneté Inc. Nous avons une organisation de services d'établissement qui offre un éventail complet de programmes aux immigrants de Winnipeg, particulièrement ceux de la catégorie familiale, les demandeurs indépendants, les candidats de la province et les immigrants de la catégorie gens d'affaires, dès lors que nous pouvons les joindre et qu'ils ont besoin de notre aide.

    La nature des services aux immigrants est devenue toujours plus complexe au cours des dernières années et nous constatons une augmentation de la demande de services plus spécialisés, qui exigent un type différent de programmes propres à répondre aux besoins individuels de cette nouvelle vague d'immigrants. J'ai remarqué que vous avez commencé par dire que vous vouliez en savoir plus sur les programmes et services parrainés par Citoyenneté et Immigration Canada, particulièrement le Programme d'accueil, le CLIC, etc. Je pense que ces programmes remplissent leur objectif à ce stade. Mais il importe de les réexaminer, d'en réévaluer l'efficacité à la lumière des besoins des nouveaux groupes d'immigrants que nous recevons, et aussi afin de rechercher une approche plus équilibrée de l'enseignement de l'anglais ou du français comme langue seconde, selon le cas.

    La réalité est que nous recevons des immigrants de tout niveau d'instruction et nous ne pouvons avoir un programme identique pour tous. Il faut adapter nos programmes, les tailler sur mesure pour répondre à tout l'éventail des besoins que présentent les immigrants une fois qu'ils s'établissent au Manitoba, et particulièrement dans la ville de Winnipeg. On a consacré beaucoup d'attention à l'exécution des programmes destinés à la clientèle peu et moyennement instruite. Mais nous constatons aujourd'hui que les besoins des immigrants indépendants, dont le nombre augmente, ainsi que de ceux parrainés par la province, sont différents. Ils connaissent mieux la langue mais ils ont besoin néanmoins d'apprendre la langue et la culture du milieu de travail et nous devons adapter nos programmes à leurs besoins particuliers, afin notamment de leur enseigner le vocabulaire dont ils ont besoin dans leur profession.

    Comme nous ne le savons que trop bien, l'établissement réussi passe par un emploi. C'est ce que nous constatons à nos portes. Ce qui trouble nos clients immigrants, les nouveaux arrivés qui sont là depuis une semaine ou deux, c'est le marché du travail et la possibilité pour eux de participer et contribuer à l'économie du Manitoba. Il ne faut donc jamais perdre de vue, au niveau de la conception des programmes, que ces personnes ont des besoins différents et qu'il faut faire un usage très créatif de nos ressources de manière à optimiser leur efficacité. Je recommande donc certainement de réexaminer les programmes et la clientèle qu'ils visent, en assurant que ceux qui ont déjà des connaissances linguistiques y aient accès aussi.

    Je considère également très important d'examiner la capacité d'identifier les tendances régionales et de prévoir les besoins du marché du travail, car l'offre et la demande dictent les possibilités d'emploi des nouveaux arrivants. Nous constatons que beaucoup de gens qui atterrissent à Winnipeg possèdent des qualifications dont le marché du travail n'a pas l'utilité, à cause d'un décalage dans le temps. Il y a un délai entre le moment où ils sont évalués et le moment où ils arrivent. Dans l'intervalle, le marché du travail a changé, car la demande fluctue très rapidement. Il faut donc prêter grande attention à la prévision des tendances du marché du travail, de façon à identifier les secteurs où la demande est forte et pouvoir mieux marier ces besoins aux qualifications des nouveaux arrivants.

    Je pense qu'il faudrait également de nouvelles stratégies afin de sensibiliser la société, particulièrement dans les tranches d'âge supérieures, aux avantages et contributions de l'immigration à l'économie, à la collectivité et à la société dans son ensemble. Je pense qu'une campagne médiatique jetant un éclairage positif sur ces contributions et sensibilisant la population est essentielle si l'on veut induire des changements réels.

¾  +-(2020)  

    L'autre domaine dont je voudrais parler est l'impératif pour les pouvoirs publics d'adopter un langage clair. Nous travaillons avec des immigrants qui connaissent souvent la langue mais ne sont pas très sophistiqués. Les administrations ont un système bureaucratique qui produit de plus en plus de formulaires, nous inonde de paperasses et comptent que nous soyons tous capables d'utiliser les technologies nouvelles et de communiquer avec un centre d'appels. Nous avions jadis des mécanismes conviviaux, mais depuis on a opéré un virage de 180 degrés, voire de 360, qui impose aux administrés le fardeau de la recherche de l'information. En substance, il faut réintroduire le contact personnel.

    En outre, les bureaux des administrations limitent leurs heures d'ouverture. Les gens n'en sont pas informés et si un bureau ne va plus être ouvert que de 9 heures à 15 heures, il faut le faire savoir.

    Lorsqu'on introduit de nouvelles politiques, il faudrait aussi apporter les changements graduellement. On ne peut attendre d'organismes comme les services d'établissement qu'ils fassent constamment des recherches sur les changements intervenus dans la structure gouvernementale s'ils veulent répondre aux besoins de leur clientèle. Il faut réfléchir à l'effet de ces changements. En particulier, avec l'introduction des nouvelles cartes de résident permanent et des nouveaux formulaires de demande, deux changements sont intervenu en l'espace de six semaines sans que nous en ayons été prévenus, ce qui nous oblige à passer du temps sur l'Internet pour chercher l'information. Nous sommes aussi obligés constamment de télécharger des brochures. Les clients vont dans les bureaux de CIC et on leur demande d'aller sur l'Internet, de lire les brochures, de faire ceci et cela. Eh bien, ils ne sont pas encore capables de fonctionner de façon autonome, et donc nous attentes sont en conflit avec les réalités de la vie des usagers et il faudrait introduire un peu plus d'harmonie et lever ces contradictions.

    À mon arrivée ici, quelqu'un parlait de citoyenneté mais je n'ai pas suivre toute la discussion. Cependant, je pense qu'il importe de se pencher sur l'éducation et la préparation à la citoyenneté. C'est un terrain en friche, c'est le moins que l'on puisse dire. C'est du ressort fédéral. Le gouvernement fédéral perçoit des droits pour le traitement des dossiers et l'administration. Cependant, chaque fois que nous demandons une aide en vue de créer les conditions dans lesquelles les gens puissent apprendre et acquérir confiance dans ce qu'ils font et la manière dont ils entreprennent ces tâches, on nous répond: ce n'est pas notre responsabilité, l'éducation et la formation sont du ressort provincial. On se renvoie la balle. Je demande que l'on examine de très près à qui appartiennent les rôles et responsabilités en matière de citoyenneté. Nous incombe-t-il de disséminer cette information, qui est essentielle pour créer les fondements de la citoyenneté future des immigrants?

    Nous sommes une organisation parmi d'autres et je dois féliciter la province de nous avoir donné quelques crédits pour un programme pilote d'éducation et préparation à la citoyenneté. De tels programmes ont existé pendant de nombreuses années et tout d'un coup, tous les crédits ont été supprimés. Si nous voulons devenir une nation de nations et un pays fier de sa citoyenneté, il faut placer l'argent là où sont les besoins.

    Il est également très important de revoir le programme d'accueil. Celui-ci avait son utilité, mais il faut maintenant le revoir et le reconstruire, comme tout le reste.

    Il faudrait envisager le mentorat. Nous voyons des immigrants qui ont des qualifications professionnelles poussées, certains qui détiennent des diplômes multiples et qui ne trouvent pas de travail. Il faudrait aider ces personnes en investissant dans des programmes de mentorat. Ils sont essentiels pour donner à ces gens de l'assurance et qu'ils puissent apprendre ce qu'on attend d'un ingénieur dans le milieu de travail canadien, etc.

    Il faut aussi mettre à profit l'importation des travailleurs intellectuels et souligner les avantages que nous apportent les immigrants possédant d'excellentes qualifications et connaissances, qui compensent la fuite des cerveaux.

    Il faudrait examiner également quelles incitations il faudrait offrir aux entreprises. Nous collaborons très étroitement avec les syndicats et les entreprises et les pouvoirs publics sur le plan de la reconnaissance des diplômes, etc., mais les employeurs restent très hésitants et réticents et il faut mettre en place des mécanismes efficaces par lesquels ils peuvent embaucher des personnes qualifiées et leur donner l'occasion de démontrer qu'elles sont capables et compétentes dans leur domaine, peut-être au moyen d'allégements fiscaux ou même d'une allocation de formation, selon ce que vous jugerez adéquat.

¾  +-(2025)  

    Enfin, il faudrait rendre l'accès aux programmes plus équitable. Actuellement, la plupart des immigrants des catégories que j'ai nommées ne sont pas admissibles à la formation parce qu'ils ne sont pas admissibles à l'aide sociale ni aux prestations d'assurance-emploi, et très peu sont admissibles à la prestation nationale pour enfants. Ils tombent dans les fissures. Ils doivent disposer de moyens propres pour payer leurs droits de scolarité et frais de recyclage, et peut-être contracter un prêt d'études, sinon ils vont rester en plan et occuper des emplois bien inférieurs à leurs qualifications et compétences.

    Pour ce qui est des fournisseurs de services d'établissement, j'aimerais faire quelques remarques qui me paraissent très importantes. Premièrement, il s'agit de reconnaître l'utilité des fournisseurs de services d'établissement pour la collectivité et appuyer leurs efforts au moyen d'un financement durable. Il est grand temps que les gouvernements examinent les résultats de ces organisations. Nous faisons preuve de diligence, nous sommes responsables. Nous existons depuis 20 ou 50 ans, et pourtant on ne nous finance que d'année en année. Nous sommes comme des enfants qui démontrent qu'ils savent gérer leurs activités au jour le jour pourvu qu'on leur donne un budget. Il est grand temps d'apporter des changements significatifs, des changements qui facilitent notre travail, qui reconnaissent notre utilité et la qualité de notre travail, à un moment où les pouvoirs publics se déchargent de plus en plus sur le secteur bénévole. Il est donc essentiel que l'on se penche là-dessus et que les ministères se concertent entre eux afin de mettre un terme à ce financement axé sur des projets et cette obligation de se réinventer année après année, et que nous ayons la possibilité de concevoir et planifier pour le long terme.

    Le Manitoba est l'une des provinces les plus innovatrices et créatives. Nous avons la capacité de collaborer pour doter la collectivité d'une capacité. Nous tirons le maximum de chaque sou et essayons de mettre en place des programmes essentiels en partenariat avec d'autres et de suivre des stratégies de résolution des problèmes. Pourtant, cela ne suffit pas. Je pense que le gouvernement fédéral doit commencer à se pencher sur les besoins des nouveaux arrivants et élaborer une stratégie nationale d'appui aux immigrants afin qu'ils trouvent rapidement des emplois. Ce n'est pas seulement du ressort provincial. Les provinces peuvent déterminer leurs besoins et adapter leur formation aux besoins de ces apprenants, mais nous avons besoin d'un financement qui permette réellement de mettre en place des programmes propres à faire reculer la frustration et le désespoir et à diminuer le nombre de vies brisées que nous voyons.

    On cite dans les médias les cas de médecins qui lavent les planchers dans les hôpitaux, d'ingénieurs qui conduisent des taxis, etc. C'est là une réalité à laquelle nous sommes confrontés chaque jour dans les organismes de services. Les décideurs sont coupés du quotidien que vivent les gens. Qu'est-ce que je puis dire à celui qui n'a pas de pain à manger parce qu'il a perdu son emploi et n'a pas de chèque, ou à celui qui a été expulsé de son logement ou tout ce que vous voudrez? Les problèmes sont multiples. Il n'y a pas assez d'argent pour satisfaire les besoins. Voilà la réalité.

    J'ai déposé un mémoire qui est assez fouillé. Je n'ai pas abordé tout son contenu, mais il renferme beaucoup de recommandations. Sachez que je ne suis pas là seulement pour soulever les problèmes. J'ai présenté des recommandations dont vous voudrez peut-être tenir compte.

    Merci de votre attention.

¾  +-(2030)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, Fatima.

    La parole est à Tom Denton, de Parrainages des réfugiés du Manitoba. Bienvenue.

+-

    M. Tom Denton (coprésident, Manitoba Refugee Sponsors): Merci.

    Je parle d'un sujet différent et m'inscris dans une perspective différente. Je vous présente cet exposé en tant que membre manitobain du Groupe de travail national sur ce qu'on appelle la «stratégie relative aux petites communautés». Ce groupe de travail a pour objectif principal d'explorer ce qui peut être accompli pour encourager des immigrants récents, dont des réfugiés, à s'établir dans des villes plus petites plutôt qu'à Toronto, Montréal et Vancouver, ou même Calgary ou Edmonton. Le groupe de travail est issu de la première Conférence nationale sur l'établissement qui a eu lieu à Kingston en juin 2001. Quatre cent délégués y ont participé, venant des bureaux d'Immigration Canada de tout le pays, des ministères de l'Immigration provinciaux et d'un grand nombre d'ONG, dont des agences d'établissement, des sociétés multiculturelles et des instituts d'enseignement des langues. C'était là une excellente conférence, qui était appuyée financièrement par CIC, l'Initiative du secteur bénévole, et les gouvernements provinciaux.

    La deuxième conférence nationale sur l'établissement aura lieu à Calgary, en octobre prochain, et notre groupe de travail s'y prépare déjà. Ce groupe compte de nombreux représentants des pouvoirs publics et des ONG de tout le pays et travaille depuis presque un an à la préparation d'un document destiné à encadrer et orienter les discussions en octobre prochain. J'en suis le rédacteur.

¾  +-(2035)  

+-

    Le président: Vous en ferez tenir une copie aux membres, bien entendu.

    Vous l'aurez probablement largement à l'avance. Le groupe de travail estimait important que votre comité soit au courant de ce travail et m'a confié la tâche de vous en faire une brève description. Le document complet sera disponible en anglais et en français, probablement en mai.

    Le titre complet de cette étude est «La dispersion dans les régions et la rétention des nouveaux arrivants (stratégie relative aux petites communautés)». Ce document, tout en reconnaissant les réalités bien connues résultant du fait que les immigrants au Canada s'établissent principalement dans les grandes agglomérations, vise à élaborer un cadre de travail autorisant une meilleure dispersion des immigrants et leur fixation dans de plus petites collectivités. Il encourage les collectivités voulant recevoir des immigrants à élaborer des stratégies adaptées à leurs circonstances et à les mettre en oeuvre. Il formule des idées à cette fin.

    La signification de petit centre a donné lieu à des discussions considérables. On s'est accordé à reconnaître que cette expression est inadéquate. Il faut autoriser un certain degré d'auto-identification des régions ou localités qui désirent recevoir des immigrants ou en augmenter le nombre. Ainsi, la totalité de la province du Manitoba forme une telle région, les villes de Kingston et Winnipeg constituent de telles localités, même si ces entités peuvent sembler plutôt grandes aux yeux de régions ou collectivités encore plus petites qui désirent des immigrants.

    Ici, au Manitoba, on peut avoir un avant-goût de l'effondrement démographique que connaîtra le Canada dans 30 ou 40 ans, et peut-être même plus tôt. Nous sommes à l'avant-garde du vieillissement de la population. Notre taux de natalité suit la moyenne canadienne, exception faite de la population autochtone. Notre migration de sortie excède la migration d'entrée en provenance du reste du pays. Sans l'immigration internationale, nous serions déjà une population en déclin. Cependant, nos industries sont prospères et en pleine croissance et réclament chaque année plus de main-d'oeuvre. Il n'est donc pas étonnant qu'on affiche constamment le plus bas taux de chômage de tout le Canada. Le Manitoba pourrait bien être le microcosme de ce que sera le Canada dans trois ou quatre décennies.

    Depuis le lancement du programme de notre groupe de travail, le sujet est passé de la périphérie au centre de la scène nationale. Le printemps dernier, une publication de Citoyenneté et Immigration Canada examinait l'efficacité des stratégies déployées pour assurer une répartition géographique plus équilibrée des immigrants et a abouti à des conclusions décourageantes. Le rapport a été commandé pour déterminer s'il existe des options raisonnables et viables pour disperser les immigrants au-delà des trois principales agglomérations. Tout en reconnaissant l'existence de certaines possibilités, le rapport n'était pas optimiste. Dès le milieu de l'été, le ministre de l'Immigration parlait de la possibilité de conclure des « contrats sociaux » avec les candidats à l'immigration, par lesquels ils s'engageraient à s'établir dans des collectivités cibles. Le projet Metropolis se concentrera sur ce sujet à l'occasion de son prochain colloque national qui aura lieu à Edmonton à la fin de mars. Un site Internet est même consacré à ce thème sous l'égide de Metropolis.

    Des ouvrages récents qui abondent dans le sens des objectifs et politiques actuels du Canada en matière d'immigration ont fait que la régionalisation est devenue un thème majeur du débat plus large. Du fait de la fréquence avec laquelle ce thème surgit, il est devenu une cible mouvante. Notre groupe de travail reconnaît donc que son travail pourra évoluer jusqu'au moment où il lui faudra le finaliser en prévision de la conférence d'octobre.

    Malgré les difficultés évidentes et documentées, nous savons que le sujet suscite un vif intérêt dans maints petits centres de tout le pays. Nous pensons qu'il faut s'efforcer de renforcer le Canada dans toutes ses régions au moyen d'une répartition plus équilibrée des immigrants. Nous pensons que l'avenir même du pays passe par là. Nous croyons en une approche positive prenant la forme d'une collaboration des parties intéressées à l'échelle nationale et régionale. Nous pensons qu'il est possible d'influer sur le cours des choses. Nous pensons que tous les niveaux de gouvernement, les organismes d'établissement et les collectivités cibles ont des rôles à jouer.

    Notre document examine tous ces rôles selon trois grandes rubriques: «emploi», «collectivités d'accueil» et «nouvelles initiatives». Les idées présentées ne sont ni exhaustives ni adaptées à toutes les situations. Elles ont pour objet de démontrer ce qui a fonctionné ou pourrait fonctionner lorsqu'une collectivité, quelle que soit sa taille, est déterminée à attirer et à fixer des immigrants.

    Sous la rubrique «emploi» le document note:

Quel que soit le motif du choix initial de la première collectivité canadienne par les nouveaux arrivants, la raison la plus impérieuse que possède un adulte employable et physiquement apte de demeurer à cet endroit est l'acquisition rapide d'un emploi acceptable.

    Sous la rubrique «collectivités d'accueil» le document observe:

Au-delà de l'emploi, l'hospitalité offerte dans le milieu nouveau et peut-être très étranger aura des répercussions profondes sur la réussite de l'établissement et la rétention. Ce facteur touche toute la famille, que ce soit dans le milieu de travail, à l'école ou à la maison.

    Sous la rubrique «nouvelles initiatives», le document décrit un certain nombre de programmes en cours, tels que les programmes de candidats d'une province ou le parrainage privé de réfugiés dans la ville et la province concernées, et lance de nouvelles idées de programme pour attirer et fixer les nouveaux arrivants: En bref, en amenant les gens à s'engager à s'établir initialement pendant deux ou trois ans dans la collectivité désignée, beaucoup d'entre eux auront tendance à établir des racines dans cette ville d'adoption et à y rester. Cette idée ingénieuse, si elle est populaire dans les plus petites villes, a soulevé une certaine controverse ailleurs et a même été qualifiée de non canadienne. Cependant, en dépit de la soit-disant liberté de circulation et d'établissement garantie par la Charte des droits et libertés, il semblerait qu'il n'existe aucun obstacle de droit s'opposant à l'admission de personnes munies d'un visa temporaire pouvant être converti au bout d'un nombre d'années donné en statut de résident permanent, une fois remplies les conditions d'émission. On a fait remarquer qu'il serait plus problématique d'imposer des sanctions, comme l'expulsion, pour non-respect des conditions d'émission. Alternativement, notre groupe de travail fait observer:

Il semblerait que l'élargissement du programme des travailleurs temporaires existant et un mécanisme souple de conversion de ces visas au statut de résident permanent accomplirait le même résultat que les contrats sociaux de M. Coderre, mais sans susciter de controverse.

Cela garantirait également que la condition de l'emploi dans la collectivité soit remplie.

¾  +-(2040)  

    Donc, avec cette brève introduction, nous portons à votre attention l'existence de ce groupe de travail national et vous informons de ses travaux, dont le fruit devrait vous être communiqué dans le courant du printemps. Ce n'est évidemment là qu'un aspect du débat en matière d'immigration, mais nous espérons que vous le trouverez utile.

    Merci.

¾  +-(2045)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, Tom.

    Effectivement, on a commencé à nous parler de cette idée de contrat à Toronto. Je vous félicite, vous et votre groupe, de commencer à réfléchir aux orientations que ce pays va devoir suivre en matière d'immigration et je ne doute pas que des questions vous seront posées à ce sujet.

    La parole est maintenant à Jim Mair, de North End Sponsorship Team. Soyez le bienvenu.

+-

    M. Jim Mair («North End Sponsorship Team»): Merci beaucoup. Je suis accompagné de Howard R. Engel. Nous allons nous repasser le relais, si vous le voulez bien.

    Merci infiniment de nous offrir l'occasion de vous parler aujourd'hui de ce sujet très important. NEST, le North End Sponsorship Team, regroupe cinq églises luthériennes et deux églises unies du quartier nord de Winnipeg. Il s'agit d'une organisation sans but lucratif entièrement composé de bénévoles. Depuis 1986, nous avons défendu ou parrainé plus de 80 réfugiés. NEST a financé entièrement bon nombre de ces parrainages, les autres ayant été pris en charge par CIC. Nous sommes également cosignataires d'un certain nombre de parrainages familiaux, c'est-à-dire des parrainages où les réfugiés sont pris en charge par leur famille déjà installée à Winnipeg.

    Nous sommes ceux qui accueillent ces gens à la descente de l'avion, ceux qui s'occupent de régler les formalités, mais malheureusement, si certains des problèmes que nous avons restent sans solution, il n'y aura personne à l'aéroport. Nous allons donc vous présenter ce mémoire, qui est incomplet, et dans la mesure du possible nous aimerions rédiger un autre texte et vous le transmettre par écrit.

+-

    Le président: Bien sûr.

+-

    M. Jim Mair: D'accord. Nous avons un certain nombre de choses qui ne figurent pas dans le mémoire et que nous mentionnerons peut-être ce soir, mais que nous étofferons davantage dans notre mémoire ultérieur.

    Je veux mentionner deux exemples qui me tiennent très à coeur. Je sais que l'un d'entre eux se situe dans le passé et que les règles d'admission des personnes ayant des problèmes médicaux ont été modifiées, mais j'aimerais vous donner une idée de ce à quoi nous avons été confrontés pendant des années.

    Le premier cas est celui d'une famille congolaise de cinq personnes: les deux parents et trois garçons. Ils ont eu leur entrevue en août 1999 et leurs examens médicaux initiaux fin 1999. On nous a informé en février, juin et novembre 2000 qu'il fallait des examens médicaux plus approfondis. En janvier 2001, j'ai reçu un appel téléphonique chez moi, à 7 heures du matin, du père toujours en Afrique qui demandait pourquoi les choses tardaient tant et espérait que j'aurais de bonnes nouvelles pour lui. Je lui ai répondu que nous n'avions aucune information officielle mais que nous allions nous renseigner et que nous espérions pour le mieux. Le lendemain, on nous apprend que le parrainage est refusé pour raisons médicales.

    Avez-vous jamais reçu un appel téléphonique d'un réfugié d'Afrique ou d'ailleurs? J'en ai reçu deux. Le deuxième est arrivé une fois la famille avertie du refus. Je ne souhaite à personne d'avoir à prendre un appel comme celui-là. Il était immoral de susciter de faux espoirs en retardant inutilement la réponse, pour ensuite les réduire à néant en informant la famille de son inadmissibilité quinze mois après l'examen médical initial. Dieu merci, les choses ont quelque peu changé sur le plan de l'inadmissibilité pour raisons médicales, mais malheureusement c'était trop tard pour cette famille et la conversation téléphonique ce jour-là a été très pénible.

    Le deuxième exemple en est un avec lequel nous nous débattons en ce moment-même. Cette situation dure depuis deux ans et demi. Il s'agit d'une mère, de sa fille et de deux nièces originaires de la Sierra Leone. Il y avait également un neveu, mais il a disparu et l'on ne sait pas s'il est mort ou vivant. Il s'agit d'un parrainage mixte, c'est-à-dire que les quatre premiers mois devaient pris en charge par CIC et les huit mois suivants par nous-mêmes. Les parrainages mixtes étaient censés bénéficier d'une procédure rapide, étant donné la gravité de la situation en Sierra Leone. Il est vrai que la famille n'a pas toujours été facile à trouver, malheureusement, mais elle a dû fournir des photos de passeport deux ou trois fois. Il y a eu de longues périodes d'attente entre l'entrevue initiale et les suivantes et entre les examens médicaux et les vérifications de sécurité. Des documents ont été perdus et des lettres importantes envoyées aux mauvaises adresses et, malheureusement, les agents de visa se sont succédés au plus mauvais moment. Pendant tout ce temps, la soeur de la femme, qui est ici à Winnipeg, a dû leur envoyer de l'argent, encore et encore, pour qu'ils puissent survivre, bien qu'elle soit elle-même démunie. Elle-même est arrivée de Sierra Leone comme réfugiée il y a quelques années.

    Nous ne blâmons personne en particulier, mais plutôt le système, la bureaucratie. Il faut faire quelque chose pour réduire le délai de traitement de ces demandes. Il s'agit là d'êtres humains. Il est inacceptable de les faire attendre trois ans et plus.

    Nous avons un agent de visa retraité dans notre groupe qui nous conseille sur quantité de démarches telles que les entrevues avec des parrains potentiels membres de la famille, etc. Je lui ai parlé encore tout à l'heure. Il a pris sa retraite après 30 années de service, de 1964 à 1994. Il m'a dit, et je suis d'accord, qu'il n'y a pas de solution simple à cela. Davantage de crédits et de bureaux de visa seraient certes utiles, mais plus on ouvre de bureaux, plus on voit affluer de demandeurs. Le Canada est reconnu dans le monde entier comme pays de refuge. Le nombre de réfugiés arrivant au Canada a beaucoup augmenté au cours des 40 dernières années. La demande est forte et le manque d'agents de visa allonge les délais de traitement. Il faut placer davantage de ressources là où le besoin est le plus grand, particulièrement dans des villes comme Pretoria et Nairobi, en Afrique. Au cours des années 60, plus de 80 p. 100 ou 90 p. 100 des immigrants venaient d'Europe et seulement 10 p. 100 à 20 p. 100 du reste du monde. Aujourd'hui, c'est l'inverse. Il faut simplifier les formalités et manifestement augmenter le nombre d'agents.

    Howard va maintenant poursuivre en français.

¾  +-(2050)  

[Français]

+-

    M. Howard Engel (membre du conseil d'administration, North End Sponsorship Team): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs.

    Je m'appelle Howard R. Engel. Je suis un ancien président de notre organisation, NEST, et avant de passer à notre présentation formelle, je voudrais vous dire qu'avant que nous puissions bien accueillir les réfugiés, il est nécessaire d'enlever aussi vite que possible les obstacles qui les empêchent de venir au Canada.

    Par ailleurs, nous nommes préoccupés également par le fait que l'on veuille établir les États-Unis comme tiers pays sûr. En effet, les réfugiés ayant transité par les États-Unis avant de venir au Canada sont passibles d'être renvoyés vers ce tiers pays sûr. Or, nous craignons que ces réfugiés ne soient tout simplement renvoyés des États-Unis vers leur pays d'origine, une éventualité que nous jugeons inacceptable.

    Enfin, depuis le 11 septembre, le public a concentré ses efforts sur la sécurité, et nous comprenons pourquoi. Cependant, ce qui nous préoccupe, c'est que cela se fasse aux dépens des nouveaux arrivés. Nous ne voudrions pas que quelqu'un, encore moins notre gouvernement, profite sans scrupule de cette faiblesse chez le public pour regarder les nouveaux arrivants avec suspicion, pour fermer les yeux sur les généralisations ethniques et sur la xénophobie en général.

    Nous voudrions, au contraire, que le gouvernement assume davantage un rôle de leadership et défende les immigrants et les réfugiés au lieu de tenter d'apaiser les sentiments d'insécurité à coups de mesures de sécurité comme des cartes d'identité, ou en établissant même des centres de détention aux ports d'entrée.

    Dans ce climat de crainte et d'incertitude, le gouvernement devrait bien rappeler au public les avantages d'un accroissement de l'immigration en général et du nombre de réfugiés en particulier, et montrer que dans un monde où règne l'incertitude, on peut compter sur le Canada pour offrir un havre sans danger aux réfugiés sérieux.

    En outre, l'accroissement naturel de notre population ne permet pas la croissance économique et la prospérité. Nous avons donc besoin des immigrants, parmi lesquels il faudrait beaucoup de réfugiés, pour garantir la croissance de notre pays et la réalisation de son potentiel.

    Il y a un fil conducteur entre les questions évoquées ci-dessus, c'est que le Canada semble fermer ses portes aux réfugiés en rendant leur venue plus difficile ou, une fois qu'ils sont ici, en rendant leur adaptation plus difficile. Le gouvernement canadien, qui fait stagner sinon réduire les quotas annuels, semble de moins en moins appuyer le parrainage de réfugiés.

    Comme nous l'avons entendu tout à l'heure, le Manitoba essaie de faire augmenter son quota d'immigrants pour qu'il corresponde à la proportion de sa population au sein du Canada, c'est-à-dire 4 p. 100. Je crois et nous pouvons dire sans nous tromper que les réfugiés représentent une proportion bien inférieure. Or, il n'y a aucune raison pour qu'un nombre plus important de ces nouveaux arrivants ne soient pas des réfugiés.

    NEST représente une circonscription locale forte de gens qui croient et consacrent beaucoup d'efforts à une réponse humanitaire aux réfugiés du monde telle que définie dans la Convention de Genève de 1951, dont le Canada est signataire.

    Veuillez donc tout faire pour garantir que les dossiers des réfugiés soient traités dans un délai raisonnable et d'une manière juste, que les réfugiés ne soient pas refusés et envoyés dans un pays supposément sûr, et que les réfugiés soient traités comme tous les Canadiens aimeraient l'être, avec respect et dignité.

¾  +-(2055)  

[Traduction]

+-

    Le président: Merci à vous, Howard et Jim.

    Nous passons maintenant à Jason Fuerst, qui représente Employment Projects of Winnipeg. Soyez le bienvenu.

+-

    M. Jason Fuerst (agent de liaison, Employment Projects of Winnipeg Inc.): Merci et bonsoir.

    Moi-même et ma collègue Magaly Diaz, laquelle comparaîtra en fait demain, représentons ici ce soir Employment Projects of Winnipeg. EPW existe depuis 25 ans, est financé par le gouvernement provincial et constitue un organisme sans but lucratif qui sert environ 3 000 clients chaque année. Parmi ces 3 000 personnes, environ la moitié sont des immigrants. EPW accueille principalement une clientèle féminine et immigrante et offre des services gratuits de conseil, de planification de carrière, d'aide à la recherche d'un emploi, ainsi que des cours langue seconde, d'informatique et divers autres ateliers, cours et séminaires, ce genre de choses.

    Nous allons parler de détails plutôt que de généralités. Nous parlerons plus particulièrement des services de placement. Chacune des 20 personnes qui travaillent chez nous dans ce domaine rencontre quotidiennement des problèmes et barrières similaires, ou plutôt ce sont nos clients immigrants qui se heurtent à ces barrières. Je pense qu'il importe de saisir cette occasion pour répéter de nombreuses choses que vous avez sans doute déjà entendues, sans vouloir paraître trop négatifs, en formulant le voeu que quelqu'un y prête attention.

    La non-reconnaissance des diplômes reste à notre avis, nous qui sommes un service de placement, le plus gros obstacle auquel se heurtent les immigrants, surtout ceux appartenant aux professions libérales. Par exemple, le programme des candidats des provinces cible des métiers pour lesquels la demande est forte, alors que, comme quelqu'un l'a mentionné, cette demande n'existe pas toujours. La demande change d'année en année. Suite à ce que l'on peu appeler le non-événement du bogue de l'an 2000, l'informatique est devenue tout d'un coup un secteur stagnant et en déclin. Les immigrants spécialisés dans ce domaine sont confrontés à des établissements d'enseignement et des associations professionnelles qui n'acceptent ou ne reconnaissent pas facilement l'expérience, la formation ou les diplômes acquis à l'étranger. Les organismes qui travaillent avec les immigrants possédant des diplômes étrangers sont souvent lents à réagir, n'accordent que relativement peu de crédits pour ces diplômes et cette expérience et imposent une procédure coûteuse et longue de reconnaissance des titres.

    Je suis moi-même membre d'une profession libérale et admet certes la nécessité de normes, aussi bien en génie qu'en droit ou en médecine. Mais la plupart des gens qui travaillent dans ce domaine se plaignent du mécanisme à suivre plutôt que de l'existence de normes. Si un immigrant récent doit payer 1 000 $ pour passer un examen, alors qu'il est venu avec sa famille et que les billets d'avion pour venir jusqu'au Canada lui ont coûté 35 000 $, cette somme peut représenter une barrière monumentale. Face à des mécanismes tels que l'évaluation et reconnaissance des connaissances acquises, il est souvent plus rentable pour la personne de repasser le diplôme ou certificat plutôt que d'endurer le long processus d'évaluation qui oblige à fournir la preuve des compétences, sans même parler du coût encouru, même si un crédit est finalement accordé pour les titres antérieurs.

    En outre, les immigrants sont souvent obligés d'accepter ce que nous appelons, dans notre domaine, des emplois de survie. Comme on peut s'y attendre, cela entame considérablement l'amour-propre des nouveaux arrivants, et c'est un cas fréquent chez les immigrants membres de professions libérales. Le phénomène frappe particulièrement les hommes, traditionnellement considérés comme le soutien de famille dans leur culture. Il en résulte un véritable choc culturel.

    En outre, la méconnaissance des méthodes de recherche d'emploi constitue certainement un obstacle. C'est déjà vrai d'une chose aussi simple que la production d'un CV. De nombreux étrangers n'ont jamais eu à chercher un emploi, et encore moins à produire un document énonçant leurs qualifications et compétences. Ajoutez à cela la nécessité d'une connaissance suffisante de l'anglais ou du français pour rédiger un CV approprié, remplir tous les formulaires, se présenter à un entretien et savoir ce qu'il convient d'y dire et comment s'y comporter, et tous ces éléments déterminés par la culture tels que le contact visuel, la modestie attendue lorsqu'il s'agit de présenter ses diplômes et son expérience, dans le CV ou en personne lors de l'entretien.

    Un autre problème dont nombre de nos conseillers font état est le fait que les arrivants ignorent les ressources disponibles, et je crois que mon collègue en traitera demain. Imaginez que vous arriviez dans un aéroport international sans savoir quoi faire, vers minuit, quand tous les services à l'aéroport sont fermés et sans savoir quels organismes de services, comme nous-mêmes, ou le centre international, peuvent exister.

    Les barrières linguistiques, évidemment, restent un problème majeur et font qu'ils ne savent pas où trouver les services et ressources et ont du mal à obtenir un emploi. La plupart des métiers, comme ceux d'ingénieur et de programmeur, exigent une très bonne connaissance de l'anglais ou du français. Ce sont de très bons exemples, car ils illustrent le fait que, indépendamment des aptitudes de programmation ou de la possession d'un diplôme d'ingénieur, il faut dans la plupart des cas aujourd'hui être capable de fonctionner à un haut niveau, car ces emplois ne requièrent pas seulement une capacité professionnelle mais aussi une capacité d'expert-conseil, une bonne interaction avec les clients. Cela empêche quantité de diplômés d'être seulement pris en considération par les grandes sociétés multinationales, par exemple, sans donner de noms.

¿  +-(2100)  

    Les immigrants ont aussi besoin de services dans des domaines aussi élémentaires que la nourriture, le logement, l'apprentissage de la langue, les soins de santé et la santé mentale. Les services ne sont pas toujours disponibles dans la langue première du nouvel arrivant, ce qui érige des barrières psychologiques et matérielles. Au Manitoba, on manque de médecins dans tous les domaines et forcément encore plus de médecins capables de parler la langue des nouveaux arrivants. Il y a trop peu de médecins de manière générale, sans même parler d'en trouver un qui parle votre langue.

    Comme Fatima l'a déjà indiqué, la formation linguistique spécialisée est essentielle à l'intégration des nouveaux arrivants au marché du travail. Si un ingénieur ou un comptable connaît bien les principes de sa profession mais ne peut ni les exprimer ni parler la langue des clients, les employeurs ne vont tout simplement pas l'embaucher, comme je l'ai dit.

    L'exigence d'une expérience de travail canadienne quantifiable est un mécanisme par lequel de nombreux immigrants se voient éliminés lors des concours de recrutement. À cela s'ajoute le désir de références locales. Tenter de vérifier une référence à douze fuseaux horaire de distance suppose beaucoup d'efforts de la part de quelqu'un qui voudrait contacter une référence en Inde, par exemple, puisque cela suppose arriver au travail à 6 heures du matin ou en repartir à 6 heures du soir. Très souvent, c'est l'effort supplémentaire que l'employeur ne fera pas lorsqu'il a 25 autres CV sur son bureau.

    Voilà les choses par un bout de la lorgnette. Lorsqu'on regarde par l'autre bout, il y a la responsabilité personnelle. Cet aspect est souvent mal compris des immigrants. Beaucoup ne comprennent pas qu'en dépit d'une longue expérience il puisse être difficile de trouver un emploi au Canada à un niveau comparable, étant donné que les connaissances de base qu'ils peuvent avoir ne correspondent pas nécessairement à l'exercice de cette profession au Canada. Un avocat russe, par exemple, n'a pas forcément la connaissance voulue du droit commercial ou du droit familial canadien. Certaines connaissances peuvent être transférables, par exemple en droit administratif, mais 80 p. 100 des connaissances ne le sont pas. Cela peut évidemment contribuer à la frustration et même, dirions-nous, à un sentiment d'échec dans certains cas.

    Donc, pour conclure là-dessus, il importe que des renseignements précis soient donnés aux immigrants potentiels avant leur départ pour le Canada, et en particulier des renseignements à jour sur le marché du travail, comme d'autres l'ont dit avant moi.

    En outre, certains nouveaux arrivants sont réticents à étudier l'anglais ou le français et à suivre un apprentissage linguistique supplémentaire de façon générale. Certains tendent à penser qu'un emploi leur est dû, sans effort de leur part. D'autres ne comprennent pas l'éthique de travail canadienne. Mais ils sont une petite minorité. Notre expérience montre clairement que les gens essaient de prendre un nouveau départ, de se faire une vie nouvelle et consacrent énormément d'énergie à poursuivre ces objectifs. Il est douloureux de voir quelqu'un possédant plusieurs doctorats ou un ancien secrétaire d'État d'un pays d'Asie du Sud-Est livrer des journaux gratuits.

    Comme je l'ai mentionné, une solution à nombre de ces problèmes et barrières réside dans une éducation et une information suffisantes avant même le départ de ces gens pour le Canada, afin qu'ils nous arrivent avec les outils voulus pour opérer pratiquement la transition par eux-mêmes, avec certes l'assistance d'organismes comme le nôtre. Il s'agira alors de leur fournir des services adaptés, tant sur le plan du contenu que de la sensibilité culturelle. EPW, par exemple, reflète sa clientèle sur les plans culturel et linguistique. Dix de nos employés sur 19, je crois, ont été immigrants eux-mêmes jadis et ils parlent une myriade de langues différentes.

¿  +-(2105)  

    Les ressources disponibles pour offrir le niveau et la gamme de services requis est un problème constant. Le nombre d'immigrants ne cesse d'augmenter, notamment du fait du succès du Programme des candidats de la province au Manitoba. La demande pour les services d'EPW ne cesse donc d'augmenter. Il en va de même pour les autres organismes. Mais les ressources restent précaires et sont même souvent en baisse. On nous coupe les crédits alors que le besoin augmente, et ce à l'intérieur de la même année. Les chiffres du Programme des candidats de la province ont augmenté d'environ 25 p. 100, alors que les ressources ont été réduites de 10 p. 100. Ainsi, nous sommes appelés à fournir plus de services avec moins de ressources, ce qui impose un fardeau extrême à nos conseillers, tant sur le plan du volume que de la variété des services. Nos clients ont besoin de plus en plus de services auxiliaires sans rapport avec l'emploi. Cela oblige à les aiguiller vers d'autres organismes et à donner des conseils sur des sujets tels que l'impôt, la garde d'enfants—nous faisons de tout. Il est difficile de dire à un client qui arrive dans votre bureau avec un enfant dans les bras d'aller plutôt voir une autre agence au bout de la rue.

    En conclusion, il nous faut clairement plus de ressources et de personnel. Combiné à une meilleure information et documentation des immigrants avant leur départ de leur pays d'origine, cela permettrait d'atténuer le choc social et économique de la transition vers la vie au Canada.

    Pour revenir sur un aspect que Fatima a mentionné, soit l'utilisation d'un langage clair et le contact et service personnels, j'ai été contacté par un journaliste au sujet de la suppression des kiosques de DRHC, les répertoires d'emplois. J'ai eu l'occasion d'en parler à la radio et n'ai pu pleinement traiter le sujet en cinq ou sept minutes, mais cela met en jeu le fait que nos clients, les immigrants en général, les demandeurs d'emploi de toutes origines, couleurs ou langues n'ont pas le savoir-faire technologique, la capacité de naviguer sur l'Internet et d'utiliser le site en ligne de DRHC. Prenez un malvoyant. Les kiosques de DRHC ont une composante audio, ce qui facilite l'accès rien que sur ce plan. Leur utilisation est plus facile que celle de l'Internet, puisqu'il n'y a pas d'ordinateur. C'est un instrument plus facilement disponible qu'un ordinateur car il peut être installé dans un local ouvert. Nous ne parlons même pas ici d'un contact personnel, simplement d'un instrument qui facilite l'accès.

    Nous sommes tous en quête de ressources, mais l'élément financier est primordial. Si nous voulons conserver des employés compétents dans des organisations comme la nôtre, le Centre international, Success Skill Centre et toute la myriade d'agences qui fournissent des services aux immigrants et aux clients nés au Canada, il faut pouvoir leur offrir des perspectives d'épanouissement professionnel ainsi que des salaires convenables. Tout revient donc au financement, mais celui-ci doit être canalisé là où il faut.

    Merci.

¿  +-(2110)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, Jason.

    Nous passons maintenant à Bob Gabuna. Bienvenue.

+-

    M. Bob Gabuna (À titre individuel): Merci, monsieur le président.

    Je vais tenter de relater mes 15 années d'expérience d'immigrant dans un document de deux pages.

    Il est dans la nature des hommes de se déplacer. Même la Bible raconte qu'Abraham, le patriarche des juifs, des musulmans et des chrétiens, né dans le vieil Iraq, s'est mis en chemin et s'est établi sur le littoral de la Palestine. Je n'ai pas de chiffres sur le nombre de personnes qui vivent dans un pays autre que celui de leur naissance, mais je sais que le Canada, ma patrie adoptive, a besoin d'un apport humain pour regonfler notre taux de naissance et notre énergie entrepreneuriale et fournir en main-d'oeuvre nos industries de services. Je dis que le mélange des couleurs au Canada, blanc, noir, brun, rouge, est ce qui définit notre pays aujourd'hui et le définira demain, particulièrement en cette ère de mondialisation.

    Quitter son pays d'origine pour s'établir ailleurs est une décision radicale. Les immigrants aspirent à une vie meilleure pour leurs enfants et eux-mêmes. Leur décision de migrer est fondée sur des raisons tant économiques que politiques. Le Canada est un grand pays, nous dit-on, et nos attentes sont grandes. Comme néo-canadiens, nous avons suivi une démarche longue et douloureuse pour nous adapter à notre nouvelle patrie et nous intégrer dans la société. L'intégration est un processus continu, parfois sans fin, qui commence par l'ajustement à la culture et aux nuances des langues officielles mais qui suppose surtout savoir surmonter toute une série d'obstacles avant de trouver un emploi décent.

    Pour trouver un emploi correspondant à leur vocation, formation ou expérience, les nouveaux arrivants doivent être des athlètes de pentathlon et des coureurs de marathon. Ils doivent être des sauteurs à la perche pour franchir des barres toujours plus hautes à chaque saison. Jadis, un diplômé du secondaire ne connaissant aucune des langues officielles pouvait entrer au Canada comme opérateur de machine à coudre. Aujourd'hui, un nouvel arrivant muni d'un doctorat doit reprendre à zéro ses études universitaires.

    Si l'on regarde l'histoire de l'immigration canadienne, les ancêtres européens qui se sont établis dans les Maritimes avaient à peine 100 $ en poche à leur arrivée. De ce point de vue, on se serait attendu à ce que les immigrants d'antan ne parviennent pas à s'en sortir, et pourtant regardez ce qu'ils sont aujourd'hui. Leurs descendants dirigent la vie économique et politique du pays. Par comparaison, les nouveaux arrivants d'aujourd'hui, particulièrement ceux venant du tiers-monde, doivent être extrêmement riches pour s'établir au Canada. Le Fonds d'établissement est un message subtil mais éloquent, consistant à dire que si vous n'êtes pas millionnaire, il ne faut même pas songer à s'établir au Canada. Pour illustrer mon propos, selon les normes du tiers-monde, un Canadien qui possède une maison et une voiture, des appareils ménagers et des placements dans un REER, au taux de change actuel de 53 pesos au dollar, serait multimillionnaire aux Philippines.

    Dans ces conditions, et vu ce que les intervenants précédents ont dit, le Canada ne peut prétendre que tout va bien sur le plan de l'établissement des immigrants. Je ne nie pas qu'à travers le pays, et notamment en Ontario, il n'existe pas de programme pour aider les nouveaux arrivants à trouver un emploi. Certaines de ces initiatives, comme les prêts aux entrepreneurs en herbe ou les subventions pour ceux qui veulent reprendre des études universitaires, sont excellentes. En revanche, nombre de ces initiatives sont ponctuelles, à court terme ou trop étroitement centrées sur des métiers choisis. Au Manitoba, et sauf mon respect pour Fatima, les organismes chargés de fournir des services aux immigrants pour faciliter leur établissement sont obligés de grappiller sans cesse des crédits pour financer leurs programmes et payer les salaires des employés occasionnels.

¿  +-(2115)  

    L'exode des professionnels des pays du tiers-monde est une sujet émotionnellement chargé, un véritable drainage des compétences, mais à leur arrivée au Canada, ces mêmes professionnels se voient drainés de leurs compétences ou déqualifiés. Ainsi, des médecins se retrouvent à livrer des pizzas au lieu de soigner, rien que pour survivre dans des conditions pathétiques. Des infirmières formées à l'étranger et d'autres diplômés ne se voient reconnaître aucune qualification lorsqu'ils arrivent dans ce pays. La déqualification des professionnels formés à l'étranger est immorale et obscène dans le contexte de cet exode des cerveaux, car ils viennent de pays du tiers-monde plongés dans la pauvreté, qui auraient grand besoin de leurs précieux services, alors qu'ils sont perdus à jamais et se retrouvent à laver les planchers dans des restaurants-minute ou ouvriers au salaire minimum dans des pays riches comme le Canada.

    Je sais que certaines catégories de notre société sont réticentes à ouvrir la porte aux migrants. Leurs craintes vont de l'érosion de la stabilité économique au risque de compromission de la sécurité nationale. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que ce pays est une terre d'immigration et nous devons admettre que l'influence du Canada dans le monde et sa tradition de multiculturalisme dépendent totalement de l'ouverture aux autres peuples du globe.

    Aussi, en cette ère de mondialisation, ériger des barrières devant les nouveaux arrivants est néfaste et représente un gaspillage de ressources humaines. Je propose donc l'ouverture d'un nouveau débat sur l'immigration, avec pour objectif d'assurer les conditions fondamentales de l'immigration et de l'établissement au Canada. Que cet exposé soit le point de départ de nouveaux débats afin que le Canada devienne réellement une terre d'accueil.

    Merci, monsieur le président.

¿  +-(2120)  

+-

    Le président: Merci, Bob, de nous avoir fait part de votre expérience personnelle. Je pense que nous avons ouvert un nouveau débat. Il a commencé il y a deux ans avec la nouvelle Loi sur l'immigration et se poursuit aujourd'hui avec la nouvelle Loi sur la citoyenneté.

    Écoutez, je peux comprendre votre frustration. Lorsque notre comité est venu siéger ici à propos de la Loi sur l'immigration, le Manitoba faisait énormément de bonnes choses et il voudrait faire plus. Chacun des problèmes que vous avez évoqués, depuis les diplômes jusqu'à la dispersion régionale—appelez cela comme vous voulez—les ressources, les réfugiés, a été examiné par le comité sous une forme ou sous une autre. Les députés autour de cette table et ceux qui siègent dans l'Est se sont penchés sur toutes ces questions à au moins trois ou quatre reprises et ont d'ailleurs apporté des améliorations à la législation sur les réfugiés et aux ressources. Lors de notre périple à l'étranger, nous avons constaté que les délais de traitement des dossiers sont beaucoup trop longs, de cinq à sept ans dans certaines régions du monde, de deux ou trois ans en Europe, même lorsqu'il s'agit de travailleurs hautement qualifiés et de spécialistes. C'est inacceptable, nous le savons. La solution réside dans un surcroît de ressources.

    Je peux donc vous dire que tout ce que vous avez dit ce soir sonne vrai aux oreilles du comité et a déjà été abordé dans notre rapport et concrétisé dans certaines modifications de la loi. C'est pourquoi nous avons voulu venir pour parler un peu d'immigration et d'établissement et de certaines choses qui restent à faire aux vues des nouvelles réalités et de notre nouvelle Loi sur l'immigration.

    Je suis sûr que nous aurons énormément de questions à vous poser, et je commencerai avec Lynne.

+-

    Mme Lynne Yelich: Merci.

    Je peux vous dire que lorsque nous étions à l'étranger, le Manitoba était mentionné comme possédant l'un des meilleurs programmes au Canada, et cela grâce aux partenariats que vous nouez.

    Les choses doivent changer. Je ne pense pas que nous puissions mettre à exécution l'idée de Denis Coderre d'obliger les immigrants à s'établir dans ces régions, mais je pense que pendant les six ou douze premiers mois nous devrions lui demander de faire atterrir nos immigrants à Winnipeg et Saskatoon. Nous avons beaucoup à offrir. Nous avons des gymnases, nous avons des écoles, nous avons des bâtiments à moitié vides dans ces provinces. S'ils arrivent dans des localités rurales, ces gens pourraient avoir un très bon début au Canada pendant leurs six à douze premiers mois. À Toronto, aujourd'hui, on nous demandait de l'argent pour l'infrastructure. Nous avons l'infrastructure, nous avons besoin des immigrants. Ils n'ont pas besoin d'immigrants à Toronto, mais ces régions en ont besoin. Nous avons l'infrastructure, nous avons le personnel, nous avons les ressources. En ce sens, je me sens très riche dans ma ville. Je ne me sens pas riche financièrement, mais nous avons beaucoup de ressources. Nous avons des écoles à moitié vides. Le médecin qui lave les planchers à Toronto, s'il faisait cela à Saskatoon, il ne tarderait pas à trouver un emploi car on aurait besoin de lui, vu notre pénurie. Nous manquons de médecins orthopédistes, nous manquons de neurologues, nous manquons de tous ces spécialistes, et ils existent probablement tous à Toronto.

    Je pense donc que ces immigrants, à leur arrivée, devraient passer les six ou huit premiers mois dans des petites villes, et avoir ensuite la latitude de partir dans les plus grandes villes, où ils vont probablement tous aboutir. Je pense que nous devons nous concentrer là-dessus.

    Je suis fasciné de voir combien vous réussissez bien ici. Je pense qu'il faut davantage de partenariats entre tous les niveaux de gouvernement et avec les entreprises et nos églises. Je songeais à tout ce que nous avons à offrir.

    Je viens d'un village de 300 habitants et nous avons parrainé 15 immigrants. Il n'en reste plus que deux. Les autres sont partis à Saskatoon mais ils n'ont pas désiré s'installer à Toronto ou Vancouver. Ils viennent de Sarajevo et Zagreb et ces villes leur manquent mais ils ne veulent plus aujourd'hui retourner dans des grandes villes. Je pense donc que nous devrions demander à notre ministre de leur faire passer au moins les six ou huit premiers mois en région rurale et dans des petites villes, sans leur enlever la liberté ensuite d'aller ailleurs.

    Une chose sur laquelle il faut véritablement travailler, et vous l'avez mentionné, Fatima, c'est la reconnaissance de l'utilité des organisations de services d'établissement et aussi la communication de l'importance de l'immigration. C'est là un aspect primordial. Nous nous heurtons toujours à une réticence à cet égard, même en région rurale où pourtant nous avons une besoin criant d'immigrants et je ne sais pas comment on pourrait monter une campagne médiatique nationale comme celle que vous préconisez. J'aimerais entendre des suggestions.

    Je n'ai pas réellement beaucoup d'autres choses à dire. J'aimerais savoir comment on peut s'y prendre sans priver les immigrants de leurs droits. Je réalise qu'ils veulent arriver à Toronto, car c'est là où se trouve leur famille. Mais peut-être n'est-ce pas quelque chose à encourager.

¿  +-(2125)  

+-

    Le président: Fatima, pourrais-je répondre à la question sur la campagne médiatique nationale et la sensibilisation des Canadiens et collectivités à l'intérêt de l'immigration? Car regardons les choses en face, ce sont parfois les médias qui suscitent certaines craintes. Et Tom, vu que vous avez siégé à cette table ronde, peut-être voudriez-vous parler de la difficulté à attirer les immigrants dans les petits centres, ailleurs que dans les trois grandes villes.

+-

    Mme Fatima Soares: J'aimerais parler des deux sujets.

    Pour ce qui est d'une campagne nationale, cela fait très longtemps que j'aimerais en monter une locale, mais je n'en ai pas les moyens. Il y a deux ans environ, le gouvernement fédéral a lancé une stratégie pour sensibiliser le pays à la nécessité d'ouvrir le milieu de travail aux minorités visibles, etc. et je n'ai pas constaté un gros effet. Je pense qu'il faut apprendre à orchestrer une campagne qui soit efficace et qui change réellement le point de vue de l'auditoire, qui capture l'attention des gens et leur fasse dire que, oui, moi aussi je pourrais contribuer quelque chose au démantèlement des obstacles à l'accès. L'élément humain intéresse toujours et peut être présenté de manière positive et frappante—l'histoire d'un immigrant professionnel qui a contribué quelque chose d'important dans son travail ou une entreprise, juste des instantanés qui peuvent mettre en lumière l'importante contribution des immigrants à la société.

    Ce n'est qu'une suggestion, mais je pense qu'il nous incombe de démonter les obstacles à l'accès, à la communication, à la compréhension, et de réellement chercher à combler le fossé culturel entre qui nous sommes et comment nous vivons et ceux qui viennent à nos portes et dont nous attendons qu'ils s'intègrent et participent pleinement et contribuent à nos collectivités. C'est à la fois une responsabilité et un privilège que de pouvoir mettre en exergue ce genre d'anecdotes qui peuvent véhiculer un message très fort susceptible de transformer ceux qui le reçoivent. Il peut s'agir d'un employeur, de collègues de travail, d'une église, d'un groupe, ou d'un simple particulier qui écoute, mais je pense qu'il faut agir. Je n'ai pas toutes les solutions, mais je pense que l'on peut vraiment mener une campagne positive. Il faut y consacrer des ressources et faire appel à des spécialistes pour la concevoir, en tablant sur l'intérêt économique—c'est ainsi—plutôt que sur les bons sentiments.

    L'autre aspect que vous avez mentionné est la validation, la reconnaissance de la contribution qu'apportent les organismes de services d'établissement et, par extension, toutes les organisations de services qui ont un rôle à jouer dans l'édification du pays et des collectivités, etc. En matière d'immigration, les fournisseurs de services d'établissement sont essentiels. Ils fournissent des services indispensables, pouvant aider les immigrants, une personne à la fois, à mieux s'intégrer, à mieux communiquer et à embrasser les changements dans leur vie et celle de leurs familles. Pendant trop longtemps nous avons été limités à ces contrats d'un an qui sapent l'énergie, les ressources et la créativité, lesquelles devraient être consacrées à la planification à long terme et à l'innovation, en obligeant à rédiger proposition après proposition après proposition pour trouver des crédits. Nous sommes une organisation à source de financement multiple. À la fin de l'année, j'ai un minimum de huit propositions et de huit bailleurs de fonds auxquels je dois faire rapport selon des mécanismes différents, qui ont des attentes différentes et demandent différents rapports mensuels, et tout cela nous prend beaucoup de temps.

    Nous demandons aux pouvoirs publics de signer avec nous des contrats pluriannuels, tout en continuant de faire preuve de rigueur et d'exiger des comptes annuellement sur les résultats et obligations contractuelles, mais en renégociant les budgets à chaque année sans que nous ayons besoin de nous réinventer nous-mêmes et de justifier les mêmes besoins fois après fois.

¿  +-(2130)  

+-

    Le président: Tom.

+-

    M. Tom Denton: La province et la ville ont pleinement conscience du besoin d'immigrants. Ce n'est pas seulement le fait des politiciens et des deux niveaux de gouvernement, c'est largement partagé par le public. C'est le résultat de nombreux discours au fil du temps. Mais curieusement, bien que nous cherchions activement des immigrants, je n'ai entendu personne préconiser l'approche de M. Coderre consistant à imposer le lieu de résidence. Je n'ai pas entendu d'opposition, mais je n'ai entendu personne se prononcer pour cela. Pourquoi? Parce que nous n'en avons pas besoin, parce que les initiatives déjà entreprises marchent et que si on les poursuit jusqu'au bout, nous recevrons le nombre d'immigrants dont nous avons besoin. Nous ne sommes encore qu'à mi-chemin.

    Le Programme des candidats de la province représente 1 500 dossiers par an. Si vous comptez 2,5 personnes par dossier, cela représente probablement 3 000 à 4 000 personnes. Évidemment, le délai avant leur arrivée est long. C'est le chiffre accordé par le gouvernement fédéral à la province. Il nous tient la laisse courte. Nous avons commencé avec 250 candidats il y a trois ou quatre ans et accru le nombre assez agressivement. C'est bien, mais nous avons des dizaines de milliers de demandes au Programme des candidats provinciaux. Nous faisons donc une présélection rapide et s'ils remplissent deux conditions, une offre d'emploi ici et un lien familial là, on les met dans la pile prioritaire et s'ils ne remplissent aucune des deux conditions, autant les mettre sur la pile générale. Nous savons qu'il ne suffit pas de les faire arriver ici, il faut aussi les y fixer. Il ne suffit pas qu'ils passent ici six mois et déménagent ensuite à Toronto. Il faut parvenir à les fixer.

¿  +-(2135)  

+-

    Mme Lynne Yelich: L'argent que le gouvernement fédéral vous donne devrait probablement être utilisé uniquement pour les six premiers mois, afin que les immigrants aient le temps de s'adapter au Canada sans avoir à s'inquiéter de trouver un emploi. Habituellement, ils débarquent et cherchent désespérément un emploi, mais peut-être cet argent devrait-il servir simplement à les aider à s'adapter.

+-

    M. Tom Denton: Nous sommes axés sur l'emploi. Il faut qu'il y ait un lien vers un emploi. Comme vous avez pu le lire dans les journaux hier, le taux de chômage au Manitoba n'est que de 4,9 p. 100, le plus faible du pays.

    J'aimerais m'arrêter un moment là-dessus. On a parlé de reconnaissance des diplômes aujourd'hui, mais j'en entends parler depuis 20 ans. Je connais le problème et je pense que nous faisons de gros progrès à cet égard au Manitoba, mais il ne faut pas croire que si vos diplômes sont reconnus, vous allez automatiquement trouver un emploi. C'est mensonger. Ces dernières années, toute la politique d'immigration a été axée sur les immigrants qualifiés, mais beaucoup d'analystes commencent à dire que notre pays, ou tout autre pays développé, n'a pas tant besoin d'immigrants qualifiés que d'immigrants non qualifiés. Je pense que nous avons prêché l'argument de la qualification pendant si longtemps parce que les masses y sont réceptives. Ainsi les gens pensent que nos immigrants viennent du haut du panier et qu'ils vont facilement s'intégrer. Mais en fait, lorsqu'on parle du titulaire de doctorat qui livre des pizzas ou travaille au 7-Eleven — et il circule quantité d'anecdotes du genre — nous pensons qu'il est terrible que cette personne ne soit pas employée à son niveau. Mais nous apprend qu'il y avait un emploi à combler au 7-Eleven, un emploi non qualifié.

    Le Manitoba a le plus important programme de parrainage privé de réfugiés du pays, particulièrement à Winnipeg. Nous faisons venir davantage de réfugiés sous parrainage privé que n'importe qui d'autre. Beaucoup d'entre eux tendent à être classés comme non qualifiés, selon les critères d'indépendance ou économiques. Nous n'avons pas de difficulté à les placer dans les usines et les entreprises de services de la ville, car il y a un besoin. Je peux vous emmener chez Palliser Furniture, qui est le plus gros employeur de la province, et la plupart des gens qui y travaillent sont des réfugiés, car on a besoin d'eux pour fabriquer les meubles.

    C'est donc un aspect à considérer dans le débat d'ensemble dans ce pays. Est-ce que nous nous leurrons en disant qu'il nous faut des immigrants qualifiés? Ce n'est pas ainsi que le pays a été construit. Comme Bob l'a rappelé, ceux qui ont construit le pays ne sont pas arrivés avec de hautes qualifications, selon la conception actuelle, ils sont venus ici parce qu'ils étaient très travailleurs et voulaient se tailler une place au soleil et il l'ont fait. Cette exigence de qualifications est un piège.

¿  +-(2140)  

+-

    Le président: Nous en parlerons dans une minute.

    Judy.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Eh bien, c'est un point important. Comme vous l'avez dit, Tom, et d'autres aussi, s'il n'y avait pas le Programme des candidats de la province et les parrainages privés, et tout le travail que font les églises et le secteur bénévole, le Manitoba ne connaîtrait pas une augmentation de la population immigrante. Si ce que vous venez de dire est vrai, à savoir que l'accent mis sur les travailleurs qualifiés n'est pas nécessairement dans l'intérêt du Manitoba, il est probable que toute cette orientation nouvelle du projet de loi C-11, qui privilégie les candidats hautement qualifiés et instruits et parlant plusieurs langues, ne va pas du tout bénéficier au Manitoba. J'invite qui veut à réagir.

    L'autre thème commun à tous les exposés en est un, comme Joe l'a dit, avec lequel nous nous débattons depuis longtemps. Qu'il s'agisse de reconnaissance des diplômes, des programmes d'accréditation ou des programmes d'établissement coordonnés, nous sommes réellement là dans un terrain vague, comme Fatima l'a mentionné à l'égard de l'éducation à la citoyenneté. À moins de parvenir à une coordination et à une participation de tous les paliers de gouvernement, et particulièrement du gouvernement fédéral qui n'est pas très actif sur ce plan, je ne vois pas comment on pourra combler ces lacunes. Nous étudions cela depuis une éternité et rien ne bouge. La question est de savoir ce que nous pouvons faire, en tant que comité, pour faire bouger les choses à Ottawa.

+-

    Mme Fatima Soares: Je veux juste dire que je suis d'accord avec Tom. Ce problème est évacué depuis 25 ans. J'ai fait le même constat, depuis le début, avec les réfugiés chiliens. Il y avait alors des programmes d'accueil accélérés de certaines professions et métiers. Il y avait beaucoup plus de subventions salariales et de programmes pour faciliter l'intégration d'immigrants dans certains domaines. C'est une illusion de penser que le niveau éducatif est un bon prédicteur de la performance sur le marché du travail, ce n'est pas la réalité. Il y a un écart entre ce que le marché du travail recherche aujourd'hui et le type d'immigrants que nous recevons, et il faut le combler. Étant donné la croissance des emplois dans le secteur des ventes et les industries de service, nous devons cibler dans la province des candidats semi-qualifiés et ne pas exiger deux ou trois diplômes. Nous n'avons pas besoin d'un nombre si grand d'immigrants bardés de diplômes, nous avons besoin de gens qui ont une bonne éthique de travail et la capacité de s'intégrer et de participer à l'économie canadienne et manitobaine.

    Il faut réellement adopter une approche équilibrée. Sinon, on a ce que nous appelons un processus de séduction et d'abandon. Lorsqu'on veut attirer quelqu'un, on le séduit, on lui donne toutes les possibilités et incitations. Ensuite, lorsqu'ils arrivent, on les abandonne à leur sort et c'est la survie du plus fort. Il faut dix ans, en moyenne, pour qu'un immigrant spécialiste devienne reconnu dans sa profession. Certains parviennent plus rapidement que d'autres à s'établir dans leur profession et il s'agit de déterminer ce qui a bien marché dans leur cas et ne marche pas dans les autres cas.

¿  +-(2145)  

+-

    Le président: Notre comité passe beaucoup de temps à donner des conseils au gouvernement sur le système de points servant à jauger les indépendants. Nous disions qu'il fallait plutôt passer à un modèle de capital humain, par opposition à un modèle professionnel, et considérer tout le potentiel de la personne. Je crois que c'est ce dont parlait Bob, mais avec des termes différents. Le système de points, à notre avis, a été trop lourdement pondéré en faveur de l'éducation, et même de la langue, au point que nous n'allons plus accepter personne. Nous allons étudier le fonctionnement de la nouvelle loi, mais je prédis que nous allons probablement attirer moins d'immigrants que nous le voulions. On nous a dit partout que c'est exactement ce qu'il faut faire, attirer des immigrants.

    Vous utilisez les termes qualifié et non qualifié. Pourriez-vous me donner une définition de ces mots? Énormément d'employeurs seraient ravis de former une personne pour un travail donné, et peut-être accordons-nous trop d'importance à ces mots. Je peux vous le dire d'emblée, si la campagne nationale que vous envisagez annonce que le Canada recherche des travailleurs non qualifiés, et si nous allons lui consacrer 30 millions de dollars, car c'est à peu près le prix d'une campagne nationale, je préfère vous donner cette somme pour vos programmes d'établissement et laisser les responsables municipaux, les employeurs, les syndicats et des gens comme Bob expliquer la valeur, au lieu de donner cet argent à CBC ou CTV. Pouvez-vous imaginer une campagne nationale disant que le Manitoba et le Canada veulent des travailleurs non qualifiés? Savez-vous ce qui se passerait? Tous les voyants dans mon bureau s'allumeraient—êtes-vous complètement fou, qui voulez-vous faire venir dans le pays?

    Je parle donc d'éducation et de tout le reste et peut-être faudrait-il s'en tenir à la notion de travailleur. Vous avez tout à fait raison, Tom. Je suis venu d'Italie, et mon père était policier. Il s'est retrouvé à creuser des puits de mine parce que nous nous sommes installés à Timmins, en Ontario—moins 40 degrés, aujourd'hui, soit dit en passant—plutôt que London ou Niagara Falls, ou Toronto, là où la plupart des Italiens voulaient aller.

    Pendant notre périple à l'étranger, tout le monde disait que le Manitoba était à la pointe. Mais personne ne faisait la promotion du Manitoba. Votre Programme de candidats de la province dit que le Manitoba acceptera 1 500 personnes, voici notre système de points, voici le genre de personnes qui nous recherchons, mais personne ne faisait de publicité pour le Manitoba. Les gens que Lynne et moi avons rencontrés, en fin de compte, voulaient simplement une vie meilleure et étaient prêts à s'installer n'importe où au Canada. Croyez-le ou non, alors que la plupart des gens veulent aller à Toronto, Montréal et Vancouver, des villes comme Winnipeg et Saskatoon, ou encore London ou Kitchener-Waterloo en Ontario, offrent d'excellentes possibilités pour ces gens. Mais ils ne connaissent que Toronto, Vancouver et Montréal car ces villes font une promotion du tonnerre pour elles-mêmes.

    Si le Manitoba ou Winnipeg veulent davantage d'immigrants, on devrait vous les donner. Ce chiffre de 1 500 est un chiffre pitoyable. Demandez-en 3 000, 5 000, montrez que vous pouvez les intégrer et que vous les voulez, puis faites de la promotion en Europe, en Asie du Sud-Est, en Amérique du Sud, pour tous les travailleurs que vous voulez. Je suis totalement d'accord avec vous, les travailleurs temporaires sont la solution. Les gens veulent le visa d'entrée au Canada. Ensuite, une fois qu'ils seront chez vous, il faudra les convaincre de rester à Winnipeg ou au Manitoba, et je crois que c'est possible car une fois que les gens commencent à plonger des racines dans le sol, ils vont rester, surtout s'ils sont bien accueillis. Je crois que c'est cela qui fait la différence.

    Mais peut-être pouvez-vous me parler de ces termes de qualifié et non qualifié, Tom, car c'est vous qui avez abordé le sujet. Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne stratégie publicitaire. J'essaie de trouver un meilleur terme.

+-

    M. Tom Denton: Les deux termes, qualifié et non qualifié, ont une connotation péjorative. Peut-être faudrait-il ne plus les utiliser.

    Vous dites que nous devrions faire notre publicité. Le Manitoba n'a pas besoin de dépenser un sou pour se vendre. Les demandeurs affluent. Notre problème c'est le goulot d'étranglement que représente le Programme des candidats de la province et le goulot d'étranglement du traitement des dossiers outre-mer. Nous avons un nombre énorme de parrainages de réfugiés, autant que les chiffres du Programme des candidats de la province. Le nombre que nous pourrions faire venir au titre de ce programme—je ne sais pas s'il y a une limite. Chaque réfugié qui arrive en nomme trois ou quatre autres qu'il voudrait faire venir. Nous avons des centaines et des centaines de demandes émanant de réfugiés déjà ici qui voudraient faire venir des parents et amis comme réfugiés.

    Donc, encore une fois, nous n'avons pas besoin de faire de promotion, nous avons seulement besoin d'un mécanisme pour éliminer l'embouteillage outre-mer. C'est presque comme si le gouvernement fédéral n'aimait pas le programme et cherchait à limiter le nombre par ce biais. Nous avons des centaines de demandes en souffrance à Nairobi, par exemple. Un seul parrain d'ici, Hopitality House Refugee Ministry, a 372 demandes en souffrance à Nairobi, et cela couvre encore plus de personnes. Nous avons de la chance si quelqu'un est admis après deux ans, d'habitude c'est plus long. Nous pourrions donc avoir le nombre que nous voulons sans aucune publicité, ce ne sont pas les demandeurs qui manquent. Il y a des centaines de milliers de visites sur le site Internet du Programme des candidats de la province chaque année.

¿  +-(2150)  

+-

    Le président: Pour ce qui est des ressources je ne peux que répéter ce que nous ont dit nos agents sur le terrain. Vous avez tout à fait raison, ils ne peuvent traiter qu'un nombre limité de dossiers. Le Programme des candidats de la province est prioritaire dans toutes les catégories, depuis les travailleurs qualifiés jusqu'au regroupement familial. Mais peut-être prenons-nous les choses par le mauvais bout. S'il y avait un vrai partenariat du gouvernement provincial et du gouvernement fédéral en matière d'immigration, par le biais du Programme des candidats de la province, peut-être pourrait-on utiliser du personnel provincial pour traiter des dossiers, car les délais sont inacceptables.

+-

    M. Tom Denton: Une bonne chose dans le cas du Programme des candidats de la province est que les fonctionnaires provinciaux qui étudient les dossiers font tellement bien leur travail que l'acceptation est presque automatique outre-mer. Les choses vont assez bien. Si seulement nous pouvions avoir quelque chose de similaire pour le programme de parrainage des réfugiés, ce serait merveilleux.

+-

    Le président: Judy.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Ce à quoi je veux en venir c'est qu'il semble exister un problème de juridiction, qu'il s'agisse de parrainage, d'accréditation, d'établissement, d'emploi, de soutien familial, de formation linguistique, tout ce que vous voudrez. On se repasse la balle et il n'y pas de centre de responsabilité. Chacun se cantonne dans son silo et dans son niveau de gouvernement. Comment faire bouger les choses? La reconnaissance des diplômes est le meilleur exemple. Nous l'avons encore vu avec le projet de loi C-11. Nous en avons parlé, nous avons réclamé des mesures. Le gouvernement fédéral dit que c'est du ressort provincial. Ensuite, une réunion fédérale-provinciale est censée être organisée à ce sujet, et elle est retardée. Nul n'assume la responsabilité. À qui donc appartient la responsabilité? Comment faire bouger les choses dans tous ces domaines?

+-

    Mme Lynne Yelich: Ils ne semblent pas penser que c'est un problème.

+-

    M. Tom Denton: Oh, je pense que c'est un problème, mais je dis que nous faisons quelques progrès ici, au Manitoba.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: C'est peut-être vrai ici au Manitoba, mais c'est un gros problème à l'échelle nationale.

+-

    Mme Fatima Soares: La province a beaucoup fait pour rassembler les syndicats, les entreprises et les organes de réglementation. Il reste encore beaucoup à faire et la prochaine étape serait peut-être d'identifier les professions clés, celles auxquelles appartient le plus grand nombre d'immigrants, qu'il s'agisse du génie, de la comptabilité, de la pharmacie, pour peut-être travailler avec quatre ou six organes progressistes et mettre à l'essai une approche axée sur les compétences. Il faut aboutir et si nous pouvons nous entendre avec ces organes de réglementation, ils deviendront des modèles et fraieront la voie à d'autres.

    Mais il faut commencer à mettre en place quelques stratégies concrètes pour aboutir. Actuellement, il y a beaucoup d'incohérence et d'injustice. Il n'y a pas non plus de reddition de comptes. Il n'y a pas de recours contre les décisions. Vous pouvez avoir deux diplômés du même établissement ayant une expérience de travail similaire, mettons en comptabilité, l'un se verra attribuer un certain niveau et l'autre un autre niveau. Cela donne lieu à des incohérences et des inégalités au sein du système et il faut donc trouver un moyen de collaborer pour faire bouger les choses et les provinces ont commencé à le faire. Il reste encore beaucoup à faire.

¿  +-(2155)  

+-

    Le président: Merci.

    Andrew.

+-

    M. Andrew Telegdi: Merci beaucoup de vos exposés. Vous faites tous un travail fantastique pour les réfugiés et la justice sociale et il est très agréable de voir que les églises sont actives aussi, car c'est là une manifestation de la foi en action.

    Fatima, je n'ai pu m'empêcher de penser que vous êtes probablement arrivée après la chute d'Allende. Quand êtes-vous arrivée au Canada?

+-

    Mme Fatima Soares: 1975. Les Chiliens sont arrivés en 1977; c'est pour eux que j'ai commencé à faire du bénévolat.

+-

    M. Andrew Telegdi: Je mentionne cela car nous avons maintenant l'accord de pays tiers sûr qui aurait empêché beaucoup de Chiliens de venir au Canada, parce qu'ils ne pourraient plus passer par les États-Unis.

    Nous semblons avoir avec l'immigration une relation d'amour-haine. Je ne sais pas si nous aurons jamais un soutien à 100 p. 100 pour elle, mais dans l'ensemble il est assez bon.

    Joe est arrivé en 1954, moi-même comme réfugié en 1957. Je le mentionne car je crois que c'est important. Dans mon cas, les fonctionnaires de l'immigration étaient sans doute à leur meilleur, y compris le ministre, qui était Jack Pickersgill à l'époque, qui a fait sa valise à Ottawa, est parti en Autriche, et a pris les choses en main. Il a installé 40 000 réfugiés en l'espace de quelques années—un effort extraordinaire. Nous n'avions rien à payer à personne, on nous a aidé à l'arrivée, l'intégration a été rapide et je pense que cela a été vraiment avantageux pour le Canada à long terme. Je suis sensible à ce que vous dites, il est très difficile de se frayer un chemin jusqu'à la terre promise.

    Pour ce qui est de la reconnaissance des diplômes, chez moi, dans la région de Waterloo, nous avons 50 médecins formés à l'étranger qui ont réussi l'examen médical canadien. Il n'est donc pas question de diminuer les normes, le seul problème est que la province ne les laisse pas faire l'internat et sans internat vous n'entrez pas dans le système. Donc, Lynne, si vous voulez quelques médecins qui ne demandent qu'à travailler—c'est une réelle tragédie pour eux et une tragédie pour la population de ma ville—ils ne le peuvent pas chez nous. Si vous voulez des médecins n'importe où au Manitoba ou en Saskatchewan, je peux vous en fournir tout de suite. Ce qui se passe est une tragédie incroyable. Il faut un système d'accréditation à l'échelle nationale. La situation actuelle, à l'ère de la haute technologie, est insensée. C'est aberrant.

    Je peux aller n'importe où en Ontario et voir des hommes d'affaires sikhs à la tête de petites entreprises. Ils ne sont pas allés à Toronto, ils ne sont pas allés à Vancouver, ils ne sont pas allés à Montréal, ils ne sont même pas allés dans des villes de la taille de la mienne, ils sont allés là où il y avait des possibilités. Ils ne répondraient peut-être pas aujourd'hui à tous les critères imposés, mais ce sont certainement des gens d'affaires capables qui créent des choses. Ils vont là où il y a des opportunités. Nous négligeons ces compétences avec notre exigence de diplômes et, à bien des égards, nous ratons le coche. Il nous faut des gens dans ce pays qui veulent réussir. Il ne nous sert à rien de faire venir des gens dont on ne va pas reconnaître les diplômes et qui ne trouveront pas d'emploi. Ils finissent frustrés et cela les déconsidère et nous déconsidère. Ils disent qu'on leur a menti dans leur pays d'origine lorsqu'on les a acceptés. Cela devient une réelle tragédie. J'espère que l'on va revoir ce système, car il devient incroyablement frustrant.

    Mais j'apprécie beaucoup le travail que vous faites dans votre domaine. Fatima, je compatis avec vous pour ce qui est du financement annuel. J'ai une organisation dans ma collectivité qui fonctionnait depuis 27 ans avec Ressources humaines et tout d'un coup, sans avertissement, on lui coupe les jambes, on ne reconduit pas ses crédits. C'est incroyable. Je trouve que faire cela, c'est de l'exploitation du secteur bénévole. Il faut accorder autant de valeur au secteur bénévole qu'à la fonction publique.

À  +-(2200)  

+-

    Le président: Nous allons peut-être conclure sur cette note.

    Lorsque nous parlions d'établissement à Toronto, on nous a dit la même chose. Il faut une approche holistique, taillée sur mesure avec chaque client. Il faut un modèle horizontal, plutôt que des silos et des structures verticales. Tout le monde, administrations fédérales, provinciales, municipales, entreprises, syndicats, doit travailler ensemble à la mise en place d'un système axé sur le client.

    Vous connaissez bien la population immigrante et réfugiée qui s'établit chez vous. Avez-vous idée du montant par personne qu'il vous faudrait pour les cours de langue, la formation, toutes ces choses? Sur 100 immigrants et réfugiés, combien ont besoin de vos services, en gros? Est-ce que tous les 100 auraient besoin de tous les services ou seulement d'une partie? Est-ce 5 p. 100, ou 10 p. 100? Sur ce nombre, certains auront un emploi, d'autres non. Il faut regarder les choses en face, il faut du temps à un nouvel arrivant pour s'intégrer pleinement. Nous essayons de savoir quelle est la norme. Nous faisons payer aux immigrants 975 $ de droit d'entrée et nous dépensons 350 millions pour les programmes d'établissement. Nous recevons davantage d'immigrants, mais les crédits diminuent. Nous devons essayer de cerner le genre de système requis, combien il faut par personne, tout en reconnaissant bien sûr que chaque personne est différente et qu'on ne peut mettre tout le monde dans le même panier. Il s'agit de voir comment vos organisations pourraient être beaucoup plus efficaces. Est-ce qu'il faut aborder les choses client par client? Peut-être pouvez-vous jeter un peu de lumière sur ce qu'il convient de faire avec les programmes d'établissement et de réétablissement des immigrants et réfugiés.

+-

    Mme Fatima Soares: L'idéal serait un guichet unique, car on peut ainsi concentrer les ressources et les programmes, éliminer les frais généraux, réduire les frais d'équipement et répondre au mieux aux besoins des clients de manière centralisée. Mais il faut donner aux gens des choix, car nous travaillons avec des consommateurs qui sont adultes, qui vivent des situations difficiles qui les transforment et s'ils n'aiment pas l'approche utilisée dans un endroit, il faut qu'ils aient un choix. Le guichet unique permettrait de rassembler au même endroit les problèmes de langue, d'emploi, de counselling, tous les services, avec la possibilité d'évaluer les besoins au premier contact et diriger ensuite les clients vers les services et programmes dont ils ont besoin, pas tous les services, uniquement ceux qui répondent à leurs besoins au point d'arrivée. S'ils n'ont pas besoin de cours de langue mais d'aide pour chercher un emploi, il faut leur donner ce type de soutien. S'il s'agit d'évaluer leurs titres, on pourra les diriger vers l'administration compétente.

    Cela commence à se faire. Il y a beaucoup de coopération et de renvois entre les agences, mais il subsiste des problèmes de territorialisme, de lutte pour la survie. La concurrence pour les crédits est féroce à l'heure où les ressources baissent et ne suffisent plus à la tâche.

    Je suis très en faveur du modèle holistique et il importe d'y réfléchir. Les besoins des immigrants ne sont pas compartimentés. Ils sont sans cesse mouvants et mettent en jeu et les individus et les familles. Il se peut qu'ils aient besoin de services d'établissement, d'un logement et de cours de familiarisation, mais ils ont aussi besoin d'emplois. Je ne parle pas ici des réfugiés qui ont un ensemble différent de besoins et d'attente, mais des immigrants en général. Leur préoccupation, ce sont les besoins élémentaires. Si je considère la hiérarchie des besoins et le fondement à partir duquel ils vont pouvoir avancer, faire des études et prospérer, ce fondement est d'avoir un toit sur la tête, la capacité d'être autosuffisant et de contribuer à leur collectivité et à leur famille.

    Donc, en substance, nous souhaitons une approche holistique. Est-elle possible? Au centre, nous avons un continuum de services qui vont de l'établissement à l'éducation des adultes, à l'emploi, à la nutrition, au soutien de bénévoles et au mentorat. C'est comme un buffet: on choisit les éléments qui sont importants pour répondre aux besoins de l'intéressé.

À  +-(2205)  

+-

    Le président: Jim, voudriez-vous répondre? Et Bob, peut-être pourriez-vous nous dire si ce genre de modèle vous aurait facilité les choses.

+-

    M. Jim Mair: Vous savez, lorsque les réfugiés arrivent, on voit très vite s'il leur faudra un an ou bien deux ou trois et quels sont leurs besoins. Nous avions une famille, les deux parents et deux filles. Ils étaient ingénieurs en Afghanistan, puis sont allés en Inde et sont arrivés ici. Ils n'ont toujours pas trouvé d'emploi d'ingénieur, mais nous n'avons pas eu grand-chose à faire pour eux. En revanche, nous avons quatre jeunes du Soudan. Ils avaient besoin que quelqu'un joue le rôle de parent. Ma femme et moi avons été leurs parents pendant leur première année. Malheureusement, ils sont partis à Calgary où il existe un gros contingent soudanais. En fait, je suis sûr que dès le premier ou le deuxième jour après leur arrivée, en juillet 2001, ils recevaient des appels de Calgary pour qu'ils s'y rendent tout de suite. Nous les avons convaincus d'attendre un an et avons joué le rôle de parents de notre mieux pendant ce temps et tenté de garder le contact, mais ils avaient des besoins beaucoup plus grands que l'autre famille dont j'ai parlé. Il y a donc tout un éventail, même chez les réfugiés.

    Je voulais parler également du délai d'un an. Il y a tellement à faire pour certains réfugiés, l'emploi, le transport, la langue, l'éducation, la budgétisation de leurs dépenses, la reconnaissance des diplômes—la liste est interminable—et pour certains une année ne suffit pas. L'argent que leur verse CIC est comme l'aide sociale et ne va pas changer grand-chose. À la fin du parrainage d'un an ou de deux ans, ils dépendent de l'aide sociale et l'allocation de CIC et l'aide sociale sont inférieures au seuil de pauvreté. Ils doivent puiser dans leur budget de nourriture ou prélever sur d'autres dépenses pour se loger décemment. De ce fait, vous voyez beaucoup de réfugiés à Winnipeg concentrés dans certains quartiers où les logements sont bon marché et pas très décents.

    Pour ce qui est de la juridiction, je suis fonctionnaire fédéral le jour. Je travaille avec les Premières nations. J'ai travaillé avec les Premières nations qui prennent la responsabilité de leurs services de santé. Ils prennent l'argent du gouvernement fédéral, ils prennent l'argent de la province, ils prennent l'argent de DRHC, d'AINC, d'un peu partout, et il y a quand même une reddition de comptes pour tout cet argent, qu'ils utilisent ensuite dans l'intérêt de tous dans leurs collectivités. Nous les laissons faire et ils font ce qu'ils peuvent avec ce qu'ils ont et les problèmes de juridiction ne font pas obstacle. Avec cet argent, ils assurent les soins de santé dans la réserve, en dehors de la réserve, aux Indiens inscrits et non inscrits. Donc, une façon de surmonter ces problèmes de juridiction, est que tous les bailleurs de fonds donnent l'argent à une organisation de confiance, de telle façon qu'il y ait reddition de comptes, mais l'organisation elle-même n'a pas à s'inquiéter de juridiction, mais uniquement des clients qu'elle sert.

À  -(2210)  

+-

    Le président: Bob.

+-

    M. Bob Gabuna: Je suis membre de la communauté philippine, où la cohésion est très forte. La plupart des membres de la communauté ne font pas appel aux organismes d'établissement. Ils préfèrent se tourner vers les membres de leur famille ou leur église. Mais ce genre d'expérience conduit parfois à des renseignements erronés. La tante de ma femme était opératrice de machine à coudre et il y en avait d'autres dans la famille. Moi, j'avais une formation différente. J'ai eu une grosse querelle avec ma belle-soeur. Il m'a fallu 15 années pour la convaincre que je n'irai pas travailler à l'usine. Si vous avez des organismes d'établissement comme celui de Fatima, avec des employés compétents et expérimentés, c'est là le modèle que je préconise. Il est dommage que les ressources manquent. J'ai eu la chance d'être bien aiguillé il y a 15 ans lorsqu'un de mes conseillers m'a envoyé vers un programme où j'ai pu réussir. Si je m'en étais tenu aux conseils de ma famille, je me serais retrouvé porteur de ballots dans une usine.

+-

    Le président: La morale est donc qu'il ne faut pas toujours faire confiance à sa famille. Je plaisante, mais il faut d'autres mécanismes de soutien hormis la famille. Il faut des organisations qui peuvent vous aider à chercher des opportunités et à acquérir la formation dont vous avez besoin.

+-

    M. Bob Gabuna: Précisément.

-

    Le président: Merci, à tous. Cela été instructif, vous nous avez apporté beaucoup de bons renseignements et nous apprécions.

    La séance est levée.