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Bienvenue à tous. Vous savez sûrement que vous comparaissez devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes.
Je dois vous dire immédiatement que si vous avez besoin de l'interprétation, vous pouvez utiliser le dispositif prévu à cet effet, au canal 6 en français ou au canal 5 en anglais. D'ailleurs, puisque tous vos propos sont interprétés dans l'autre langue, je vous demanderais de ne pas parler trop rapidement lors de vos présentations et de vos réponses, afin de permettre aux interprètes de faire correctement leur travail.
Chaque organisme dispose de sept minutes pour faire sa présentation initiale. Je vous avertis: sept minutes, c'est très court, et vous vous en apercevrez rapidement. D'ailleurs, pour vous aider, je vous indiquerai en levant un doigt qu'il vous reste une minute, ce qui vous permettra de conclure, et on passera ensuite à la période des questions et réponses des députés.
Parmi nos invités cet après-midi, nous accueillons, d'Amnistie internationale, Mmes Béatrice Vaugrante et Claudette Cardinal. Vous serez libres de déterminer comment vous voulez séparer vos sept minutes. À titre personnel, nous recevons M. Alain Vallières, avocat. Finalement, nous accueillons, de la Ligue des droits et libertés, Mmes Louise Boivin, coordonnatrice du comité de la Ligue des droits et libertés sur les droits des personnes (im)migrantes et réfugiées, et Nicole Filion, coordonnatrice. Vous déciderez comment vous désirez partager votre temps.
On peut commencer par Mme Vaugrante ou Mme Cardinal. Vous avez sept minutes.
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Merci au comité de nous donner l'occasion de partager ce qu'on a à dire sur ce sujet. Je vais prendre la parole et présenter notre dossier.
Des travailleurs migrants à statut temporaire dans plusieurs catégories d'emploi voient leurs droits non respectés, que ce soit ceux liés au travail ou à leur statut d'immigrant. Nous pensons en particulier aux aides familiales et aux travailleurs agricoles saisonniers participant à des programmes d'emplois temporaires. Des lacunes existent et laissent place à des violations aux droits économiques et sociaux, de même qu'à des atteintes à l'intégrité physique et mentale des travailleurs. Mais ces violations sont liées aussi au phénomène de la traite, particulièrement la traite des femmes. Pour le contrer, le Canada a aussi des obligations à remplir.
Je voudrais parler brièvement de la traite des femmes en général et revenir particulièrement sur les problèmes auxquels font face les aides familiales et les travailleurs agricoles, pour enfin comprendre ce qu'Amnistie recommande.
Le Protocole de Palerme est une addition à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, qui vise à punir la traite. Il définit très bien la traite, et le Canada l'a ratifié en 2002.
Une personne qui subit la traite, ou trafficking en anglais — il faut être précis car il y a souvent confusion —, demeure sous le contrôle d'un trafiquant qui exploite son travail ou ses services, que cette personne ait passé légalement ou illégalement la frontière.
Le consentement n'est pas un élément clé pour reconnaître la traite des femmes, puisque les femmes subissent différents niveaux de coercition et de tromperie et peuvent consentir à migrer, dans un premier temps, pensant ainsi améliorer leurs conditions de vie. Le phénomène est malheureusement très difficilement quantifiable, car la clandestinité prévaut. On n'a pas assez de recherches sur des termes de surcroît mal définis.
Qu'est-ce qui favorise la traite? Un marché lucratif, le silence et l'impunité, des politiques d'immigration plus restrictives, surtout pour les travailleurs peu qualifiés, qui sont surtout des femmes.
Amnistie internationale encourage Citoyenneté et Immigration Canada à poursuivre dans la voie des réformes qui défendent les droits des victimes. Entre autres, depuis 2006, les conditions se sont améliorées. Il reste cependant à améliorer les politiques pour répondre aux obligations du protocole, surtout pour réagir à l'exploitation sexuelle et économique des femmes.
Dans les programmes fédéraux, on trouve des femmes victimes de traite dans plusieurs catégories d'emploi, dont le travail domestique en particulier. Majoritairement féminine, cette catégorie comprend des personnes qui arrivent au Canada avec un visa de touriste, diplomatique ou en vertu du Programme d'aides familiales permanentes.
Certains de ces programmes placent les travailleurs temporaires dans une telle situation de vulnérabilité que cela les rend facilement exploitables: obtention du renouvellement du visa selon la bonne volonté de l'employeur, obligation de résider chez l'employeur, etc. Ce manque de protection ne fait qu'encourager ceux et celles qui les exploitent.
On a mené une campagne sur les aides familiales en 2006, en partenariat avec l'Association des aides familiales du Québec. Le programme fédéral particulier pour les personnes qui veulent migrer comme aides familiales attire de nombreuses femmes chez nous. Il faut retenir que ce programme oblige la migrante à résider chez l'employeur dont le nom est inscrit sur le permis de travail. Après 24 mois de travail, la femme migrante est autorisée, si elle répond à toutes les exigences, à faire une demande de résidence permanente. Le permis de travail nominatif accordé diffère du permis standard, car il ne lui donne pas les mêmes droits.
Dans la pratique, bien que ce programme permette à des femmes migrantes de venir travailler au Canada en toute légalité, ses dispositions n'empêchent pas les abus de la part d'employeurs peu scrupuleux qui exploitent ces femmes.
Dans une publication de Condition féminine Canada en 2003, des chercheurs notent que le rapport contractuel qui existe entre l'aide familiale et son employeur est vraiment inégal. Ils décrivent l'invisibilité et le manque de reconnaissance du travail domestique. On note aussi que le droit de l'immigration est une responsabilité partagée entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux parce que les conditions de travail sont de compétence provinciale. Donc, on trouve des incongruités qui mènent à des abus. Les travailleuses doivent habiter chez leur employeur, mais la loi provinciale ne distingue pas les heures travaillées des heures de disponibilité, par exemple la nuit. Le gouvernement fédéral ne peut pas intervenir dans les cas d'abus, parce que les obligations contractuelles sont de compétence provinciale.
Dès leur arrivée, les femmes sont susceptibles d'être à la merci de certains employeurs qui désirent une main-d'oeuvre bon marché, docile et exclue des lois du travail. Certains maintiennent les aides domestiques dans la terreur en les menaçant de déportation, et leur confisquent leurs papiers d'identité. Elles sont isolées, parfois séquestrées et travaillent de longues heures. C'était le cas de Mme Marie-Violette Vilsaint, qui a témoigné lors de notre conférence de presse en octobre 2006.
Il faut aussi savoir qu'il n'est pas évident pour elles d'appeler à l'aide auprès des institutions ou des forces policières, car parfois, d'où elles viennent, ce ne sont pas toujours des institutions de confiance.
Le deuxième programme dont on voudrait parler concerne les travailleurs agricoles saisonniers. On s'intéresse à la problématique des travailleurs migrants depuis très récemment. On n'a pas fait de recherche approfondie; on commence notre travail. On se questionne et on commence à se documenter auprès de réseaux à ce sujet, mais on n'a pas fait de recherche approfondie à ce jour.
Les travailleurs agricoles et saisonniers, qu'ils soient mexicains ou guatémaltèques, sont recrutés et sélectionnés par leurs gouvernements respectifs. Le contrat de travail est conclu entre le travailleur et l'employeur, et ce dernier détermine toutes les conditions de travail.
Quoique les critères de sélection indiquent que les travailleurs étrangers doivent avoir 18 ans ou plus, dans la pratique, il semble que ceux sélectionnés doivent être mariés ou être dans une relation conjugale avec enfants. En arrivant au Canada ou au Québec, les travailleurs ont les documents requis en leur possession, mais parfois, on leur vole ou on retient ces documents, ce qui est parfaitement illégal. Ils n'ont pas le droit de se syndiquer, ce qui est illégal et démontre que les nouvelles lois ou les normes actuelles du travail ne sont pas du tout adaptées à la nouvelle donne du marché du travail.
Amnistie internationale recommande que le Canada signe la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. On veut aussi que le Canada insiste auprès du gouvernement du Québec pour que la Commission des normes du travail accepte les plaintes des femmes qui ont un statut illégal, une situation qui est hors de leur contrôle parce qu'elles se sont fait prendre leurs papiers.
Un certain nombre de réformes sur les critères des programmes sont accordées aux travailleurs migrants. Le droit de changer d'employeur et le droit de choisir sa résidence devraient être accordés. On devrait mieux développer des mécanismes pour surveiller et contrôler les agences de recrutement et les employeurs d'aides familiales et de travailleurs agricoles. On devrait permettre à des instances qui représentent les travailleurs de participer aux discussions qui définissent les normes du travail pour ces travailleurs migrants. En attendant le droit de se syndiquer, on devrait créer une structure où on peut présenter des plaintes et, enfin, faire des recherches pour savoir de quoi on parle.
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Permettez-moi de me présenter rapidement parce que manifestement, je crois être un peu moins célèbre qu'Amnistie internationale.
Vous avez déjà le mémoire que j'ai transmis au comité et qui vous a été distribué. Je suis un avocat qui travaille dans le domaine des réfugiés et de l'immigration. C'est à ce titre que je viens vous faire part de mon expérience.
Mon exposé va toucher un peu la facette opposée des personnes qui ont accès au permis temporaire de travail, soit les individus qui se trouvent sur notre sol, qui vivent avec nous, qui travaillent avec nous régulièrement et à qui, suivant mon expérience, on interdit la possibilité de demeurer ici et d'obtenir un permis de travail temporaire éventuellement. Je parle des revendicateurs du statut de réfugié.
Il s'avère que ma pratique se situe à plus de 80 p. 100 dans ce domaine. De nombreuses personnes viennent au Canada pour y trouver refuge, leur vie étant mise en danger dans leur pays d'origine. Beaucoup de ces personnes sont refusées, rejetées. Or, cela ne signifie pas nécessairement qu'elles ne sont pas en danger dans leur pays. Dans beaucoup de cas, cela découle du fait qu'elles n'ont pas réussi à convaincre un décideur que leur vie était en danger dans leur pays, ce qui peut être tout à fait différent.
Par exemple, une personne peut ne pas avoir obtenu les preuves nécessaires sur format papier pour convaincre le décideur. Pensons simplement au certificat de décès, qui est difficile à obtenir dans de nombreux pays. Donc, cette personne est refusée. Elle demeurera ici de nombreuses années en épuisant les recours qui lui sont offerts pour faire vérifier sa situation.
Comme le mentionne le mémoire que j'ai envoyé à ce comité, j'ai une cliente qui est au Canada depuis décembre 2002, soit près de six ans de résidence. Cette personne est tellement bien intégrée qu'elle travaille maintenant pour Flextherm, un petit leader mondial, une entreprise de bon niveau qui exporte à l'étranger des planchers chauffants. Cette entreprise connaît un problème criant de manque de personnel et participe à tous les salons nécessaires pour pallier ce manque. Je représente aussi la compagnie Winners, qui fait face au même problème dans certains de ses magasins.
Cette personne a été formée, depuis plus de deux ans qu'elle travaille dans cette entreprise. Il n'y a que deux employés dans l'entreprise qui aient le même degré de connaissances que celui de ma cliente et qui puissent s'acquitter de toutes les tâches. Aucune autre personne ne peut le faire, sauf une autre employée. Elle doit malheureusement quitter le Canada sous peu puisqu'elle n'a pas obtenu le statut de réfugié. L'employeur, voulant conserver cette employée à tout prix, m'a demandé s'il était possible d'obtenir un permis de résidence pour elle.
Le processus d'immigration normal prend plus de deux ans. L'employeur ne peut faire face à un tel délai. J'ai donc proposé d'essayer d'obtenir un permis de travail temporaire qui permettrait à cette personne de demeurer au Canada, de telle sorte qu'on puisse éventuellement, pendant qu'elle travaillera, régulariser sa situation et entreprendre une procédure d'immigration normale, avec le soutien total de l'entreprise. Elle a sa vie, sa famille et son emploi ici.
Or, dans un tel cas, lorsque j'ai déposé un dossier à Service Canada, on m'a dit que le refus était presque automatique. Non seulement nous trouvons-nous dans une situation où la personne doit partir, mais le processus qui serait offert à d'autres personnes à l'étranger lui est refusé. Pourquoi? D'après l'information qu'on m'a donnée, on lui refuse la possibilité de demander un permis temporaire de travail puisqu'on doute qu'elle parte à la fin du processus. Il n'y a donc pas l'aspect temporaire qui doit normalement mener à l'attribution. Même si j'explique pourquoi je procède de la sorte, on me dit non. Néanmoins, au niveau des autorités québécoises, le refus est automatique.
Nous nous retrouvons dans une situation assez extraordinaire. Une personne dont les qualités et l'intégration au Canada ont été largement démontrées, puisque l'entrepreneur tient à garder cette personne, n'aura d'autre choix que de quitter éventuellement le Québec, le Canada, où elle habite maintenant depuis près de six ans, sans espoir de pouvoir y revenir travailler.
Il nous faudra utiliser un processus normal. Dans ce contexte, dans la mesure où de nombreuses provinces au Canada se plaignent de manquer de personnel, est-il acceptable d'exclure ces personnes? Ces plaintes proviennent de l'Ouest et du Québec maintenant, puisque, comme je le disais, Winners m'a fait état de ses craintes.
Cela me fait un peu penser à un processus de punition, de pénalité. On semble leur dire que, parce qu'ils ont revendiqué le statut de réfugié au Canada et qu'on le leur a refusé, on leur refuse maintenant la possibilité d'obtenir un visa de travail temporaire. Est-ce normal, alors qu'on dénonce la réalité du manque de personnel?
En ce sens, il me semble que, d'un point de vue tout à fait économique, sans que des frais en découlent pour le Canada ou pour qui que ce soit, nous pourrions, ne serait-ce que pour des motifs humanitaires, permettre à ces gens de demeurer au Canada sur cette base et de compléter éventuellement la procédure qui leur permettrait de rester là où elles ont construit leur vie depuis de nombreuses années.
Je vous remercie.
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Ce sera moi, Nicole Filion, qui présenterai l'intervention de la Ligue des droits et libertés.
La Ligue des droits et libertés est un organisme à but non lucratif indépendant et non partisan qui vise à faire connaître, à défendre et à promouvoir l'universalité, l'indivisibilité et l'interdépendance des droits reconnus dans la Charte internationale des droits de l'homme. La ligue est aussi membre de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme.
Dans le cadre de ces audiences, nous interviendrons plus particulièrement sur la question des travailleurs et travailleuses sans papiers, et des travailleurs et travailleuses étrangers temporaires. Nous comprenons que l'étude que le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration entend produire à la suite de ces audiences vise notamment à comprendre les facteurs en jeu et à suggérer des pistes d'intervention sur le plan politique.
La ligue estime que pour bien comprendre les facteurs en jeu, il faut avant tout considérer les causes actuelles des migrations, qui sont souvent liées à des situations de violation des droits humains. Comme le mentionne la Commission mondiale sur les migrations internationales:
[...] la mondialisation a des incidences inégales, et l'on observe des disparités grandissantes dans le niveau de vie et le niveau de sécurité des personnes selon les régions du monde. L'ampleur grandissante des migrations internationales est une conséquence de ces disparités.
Lorsque l'on se penche sur la question des travailleurs et travailleuses sans papiers et étrangers temporaires, il faut avoir en tête que bon nombre de personnes migrantes du monde ont fui leur pays d'origine à cause de conflits, de la misère ou de la persécution qu'elles y subissent. Ces situations invivables sont le fruit des inégalités entre le Nord et le Sud, du soutien des États occidentaux à des régimes irrespectueux des droits de la personne, de l'emprise des entreprises transnationales sur les gouvernements et économies, et de conflits armés souvent soutenus sinon menés par les grandes puissances.
Par ailleurs, lorsqu'il s'agit de suggérer des pistes d'intervention sur le plan des politiques, c'est le principe d'égalité en dignité et en droits qui doit fonder les pratiques des États en cette matière, ce qui impose en conséquence le respect de tous les droits protégés par la Charte internationale des droits de l'homme. Ce principe d'égalité impose aux États, dont le Canada, le respect des droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques pour toute personne, quel que soit son statut, y compris les personnes migrantes, immigrantes et réfugiées.
Ce principe a d'ailleurs été reconnu par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe en 2006, qui souligne que les migrants en situation irrégulière, dans la mesure où ils se trouvent souvent en situation de vulnérabilité, ont tout particulièrement besoin que leurs droits soient protégés, notamment leurs droits civils, politiques, économiques et sociaux. S'il est un principe qui, à notre avis, devrait être retenu par votre comité comme recommandation à soumettre dans votre étude, c'est bien celui-là.
Examinons d'abord la question des personnes sans papiers. Selon les diverses évaluations, il y aurait entre 200 000 et 500 000 personnes sur le territoire canadien en situation irrégulière. La politique d'immigration canadienne est de plus en plus restrictive et a des conséquences graves sur les personnes immigrantes et réfugiées. Elle entraîne un nombre croissant de personnes dans l'irrégularité. Ces personnes se retrouvent dans des situations où l'absence de reconnaissance de leurs droits et d'accès à des mécanismes de recours constituent leur réalité au quotidien.
Mentionnons quelques failles de la politique d'immigration: l'absence, jusqu'à maintenant, du droit d'appel pour les demandeurs d'asile et l'évaluation des demandes par un unique commissaire; le maintien dans un vide juridique d'un grand nombre de personnes sous moratoires; et l'étroitesse des critères d'octroi de la résidence permanente pour motifs humanitaires.
Ces lacunes, ainsi que de nombreuses autres, exigent une réforme en profondeur de notre politique canadienne en matière d'immigration. Dans l'immédiat, considérant que nombre de personnes sans papiers ont été victimes des failles du système et qu'il est impossible de réviser des processus de sélection qui ont eu lieu il y a déjà longtemps, la ligue demande l'adoption d'un moratoire temporaire sur les déportations et la mise en place d'un programme de régularisation des personnes sans papiers vivant au Canada au moment de la mise en place du programme.
La régularisation doit octroyer aux personnes sans statut un statut permanent, et le programme de régularisation doit être sans impact sur les acceptations régulières.
Dans l’attente du processus de régularisation, afin d’assurer la réalisation des droits des personnes visées, la ligue croit qu'il faut assurer l’accès notamment aux services de santé, aux services sociaux et à l’éducation.
Compte tenu du temps imparti, nous aborderons maintenant la question des travailleurs et travailleuses étrangers temporaires.
Mentionnons en tout premier lieu les effets négatifs du Programme des travailleurs étrangers temporaires sur les droits de ceux et celles qui sont admis dans des catégories d'emplois jugés peu qualifiés.
Mme Vaugrante a largement parlé des conditions dans lesquelles se trouvent notamment deux catégories: les personnes qui sont aides domestiques et les travailleurs agricoles.
J'en viendrai aux recommandations que nous avons à cet égard: que toutes les personnes sélectionnées dans une catégorie de « travailleurs », quelles que soient leurs qualifications reconnues, obtiennent la résidence permanente dès leur arrivée au Canada; qu’elles ne soient pas contraintes à résider chez leur employeur; que soient mises en place des mesures d’inspection gouvernementale des conditions de logement chez l'employeur; que le permis de travail ne soit pas rattaché à un employeur unique mais plutôt à un secteur d'activité spécifique et que cette contrainte soit limitée dans le temps; tenant compte des champs de compétence provinciale et fédérale, que soit instauré un mécanisme gouvernemental de surveillance du respect des droits des travailleurs étrangers, tant dans la phase de leur recrutement que lorsqu'ils sont employés au Canada, et que cela comprenne un mécanisme de recours.
Comme le mentionnait Mme Vaugrante, nous demandons que le Canada adhère à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.
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Merci, monsieur le président.
Bienvenue à vous, mesdames et monsieur.
Nous avons rencontré ce matin des personnes qui représentaient l'Union des producteurs agricoles. J'ai posé une question sur la syndicalisation des employés. On m'a répondu que l'union elle-même ne prenait aucun parti, ni pour ni contre, mais qu'elle laissait aux employeurs le soin de décider avec leurs employés ce qu'ils allaient faire.
Je n'ai pas d'expérience avec l'union elle-même, mais mon expérience avec les employeurs depuis plusieurs années dans ce domaine m'a montré que la majorité des employeurs — je ne donnerai pas de chiffres — ne souhaitent pas que leurs employés se syndicalisent. Dans certains cas, ils ont même renvoyé des employés dans leur pays d'origine, des employés clés qui allaient mener à bien la syndicalisation du groupe.
Par ailleurs, on nous a expliqué que l'union et le groupe de l'union qui s'occupait des employés agricoles temporaires faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour informer les employés de leurs droits, et ainsi de suite. Quand j'ai demandé s'il existait des mesures disciplinaires pour rappeler à l'ordre ou pour pénaliser ces employeurs, la réponse que j'ai reçue ne m'a pas parue tellement satisfaisante.
J'aimerais bien qu'Amnistie internationale ou la Ligue des droits et libertés me donne une réponse différente de celle que j'ai reçue ce matin.
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Non, je voudrais poser une deuxième question.
Je m'excuse, monsieur Vallières, mais j'aurai l'occasion de vous parler plus tard. Vous savez, le temps est tellement...
En ce qui concerne les aides domestiques, j'ai travaillé, il y a plusieurs années, avec l'Association des aides familiales du Québec et l'Organisation des femmes philippines du Québec. À cette époque, on avait amélioré — je le croyais — les conditions de travail de ces personnes, parce qu'on avait vu des situations absolument invraisemblables qui n'étaient vraiment pas loin de l'esclavage dans les domiciles.
La question que je vais vous poser — sans revenir sur ces conditions, parce que je suis très consciente du temps qu'il nous reste —, c'est celle-ci: compte tenu que tout cela est de compétence provinciale, que peut faire le gouvernement fédéral pour aider ces femmes? En effet, ce sont presque toujours des femmes.
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Au mois de juin de l'année dernière, la Chambre des communes a adopté une motion que j'avais proposée au comité qui l'avait d'ailleurs adoptée. Les trois partis à la Chambre des communes se sont rejoints pour appuyer la motion qui établissait essentiellement un moratoire sur la déportation des travailleurs sans papiers — les personnes sans statut — en attendant que nous corrigions les lacunes de tout le système.
J'ai toujours cru que si quelqu'un était assez compétent pour travailler ici, il était assez compétent pour y rester. Nous devrions accueillir ces travailleurs à titre d'immigrants admis, mais notre système de points d'appréciation ne fonctionne pas. Nous le savons. Pour ces travailleurs, il n'y a pas de file d'attente car ils peuvent ne pas être détenteurs de diplômes.
Je me demande si, et je suppose que vous conviendrez, qu'à moins qu'ils... ou la meilleure solution serait qu'ils viennent en tant qu'immigrants admis. Sinon, il faudrait vraiment faire venir des travailleurs temporaires ou alors le visa devrait être accordé en fonction de la profession, pas de l'employeur.
Il faudrait aussi que les agents de l'application de la loi des gouvernements fédéral et provinciaux visitent les lieux de travail pour s'assurer que l'on y respecte le droit du travail. Nous voulons être sûrs que les consultants —- les personnes qui recrutent ces travailleurs dans leur pays d'origine -— ne se remplissent pas les poches, n'agissent pas sans scrupules. Nous voulons être sûrs qu'il y ait une organisation de défense financée peut-être par différents paliers de gouvernement et des intervenants comme vous pour garantir que vous les défendrez. Nous voulons être sûrs que le financement de RHDSC ou de CIC finance des organismes qui offrent des services aux immigrants afin d'aider les travailleurs étrangers temporaires, etc.
Il y a toute une série de recommandations. Pour en venir à ma question, je pense qu'il y a au Parlement des députés qui savent ce qui doit être fait. Nous l'avons dit plusieurs fois dans différents endroits. Nous l'avons entendu à plusieurs reprises.
Je m'adresse à la Ligue et à Amnistie; à votre avis, quel effort commun doit-on faire pour que l'on s'intéresse, peu importe le parti, le gouvernement, le niveau de gouvernement — disons au niveau fédéral —, au sort de ces travailleurs? Les travailleurs sont considérés comme de la main-d'oeuvre à bon marché, et une fois qu'ils ont fait leur travail, un grand nombre d'entre eux doivent quitter le pays.
Au moins, les aides familiaux résidents ont une lumière au bout du tunnel. Les 24 heures, les 36 mois posent un problème, mais il y a un peu d'espoir. Pour la majorité des travailleurs agricoles et des travailleurs peu spécialisés, il n'y a aucun espoir de devenir immigrants admis.
Que croyez-vous que nous pouvons faire collectivement pour faire comprendre aux députés qu'il faut absolument apporter des changements fondamentaux? Cette question est plutôt politique.
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Dans ce cas, puis-je avoir toute la journée?
Des voix: Oh, oh!
Mme Claudette Cardinal: En ce qui concerne le système des réfugiés, je crois que de nombreux groupes ont comparu devant le comité et ont fait des suggestions. En mai ou en juin 2007, le comité a fait des recommandations au gouvernement, et ce dernier les a refusées en déclarant que le système fonctionnait. Je crois que le comité et le gouvernement sont bien au fait des différentes suggestions faites à propos des réfugiés.
Pour ce qui est de la raison de notre présence ici aujourd'hui, c'est-à-dire les travailleurs temporaires — Mme Chow a aussi demandé ce qui peut être fait —, je crois qu'on pourrait faire une grosse campagne médiatique. Je peux donner un exemple et faire un parallèle. Le Sénat est saisi d'un projet de loi, le projet de loi S-218, qui codifie une nouvelle approche envers la traite des personnes. Des avocats qui travaillent avec certaines femmes victimes de ce trafic m'ont dit qu'au Québec seulement deux femmes ont pu bénéficier de ce programme. À d'autres personnes qui ont consulté des avocats, il a été conseillé de présenter une revendication du statut de réfugié parce que les avocats semblent ignorer l'existence d'un programme de protection des personnes victimes de la traite, et particulièrement les femmes.
Je crois qu'une grosse campagne médiatique ou qu'un communiqué ministériel serait certainement utile, très utile.
Comme il a été mentionné, il semble que les droits de la personne ne soient plus très importants, pourtant le Canada a la réputation d'être un pays qui a toujours respecté les droits de la personne. On dirait qu'aujourd'hui ils ne sont pas aussi importants que d'autres aspects de notre vie. C'est quelque chose qu'il faut clairement souligner.
Ce que je voudrais dire au sujet de toute la question des travailleurs étrangers temporaires, c'est qu'elle repose sur l'importation de travailleurs jetables. Ce n'est pas tellement différent de ce qu'ont subi les Chinois quand nous les avons fait venir pour construire le chemin de fer. Aujourd'hui, nous procédons différemment; nous ne disons pas que c'est de l'esclavage, mais nous n'en sommes pas loin. Nous engageons des travailleurs à long terme et nous n'avons pas vraiment de respect pour les travailleurs peu spécialisés.
Je tiens seulement à mentionner Frank Stronach, Magna International; Frank Hasenfratz, président de Linamar Corporation; Mike Lazaridis, fabricant de BlackBerry. Aucun d'eux ne serait admis en vertu du système actuel. Cela prouve bien la stupidité de tout le système.
À mon avis, si vous voulez faire affaire à des travailleurs étrangers temporaires qui ont beaucoup de pouvoir parce que leurs compétences sont très demandées... Ils n'ont pas de problème; ce sont ceux au bas de l'échelle qui ont des problèmes.
Au sujet de la régularisation, le gouvernement précédent avait travaillé sur ce dossier et était sur le point de proposer une disposition législative. Mais, le gouvernement est tombé et les bureaucrates sont revenus sur la position qu'ils avaient sous le gouvernement précédent et ils ont pris les choses en main. Ce que je veux dire, c'est que la bureaucratie domine un grand nombre de ces situations. Le fait que nous avons eu sept ministres de l'Immigration au cours de la dernière décennie en est la preuve. Dans beaucoup de cas, nous nous sommes battus contre la bureaucratie pour essayer de faire avancer les choses.
J'espère que lorsque le sera promulgué, tout le monde y gagnera. Il le sera bientôt et c'est aussi sûr que le grand éléphant auquel nous allons être confronté prochainement.
À propos du système des réfugiés, le problème est que nous avons créé une crise. L'arriéré était tombé à 20 000 dossiers et nous avions finalement corrigé les lacunes du système, puis Jean-Guy Fleury a fini par démissionner à cause de pressions politiques. Aujourd'hui, le nombre de dossiers est monté à plus de 42 000; il sera à 60 000 à la fin de l'année, et il manque environ 58 arbitres. Donc la crise a été créée alors que nous avions déjà corrigé les lacunes du système. En politisant la question, nous avons vraiment créé une crise.
Je pense que le public doit être mis au courant de ce qui se passe au niveau de l'immigration, parce qu'il me semble qu'il ne l'est pas, et nous ne devons pas permettre que cette situation soit exploitée à des fins politiques, comme pour obtenir des votes par exemple.
J'aimerais que vous fassiez une petite observation à ce sujet.
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Je vous remercie de nous accueillir aujourd'hui. Nous avons remis un mémoire à M. le greffier. Malheureusement, il n'a pas été traduit, mais nous supposons qu'il le sera. Il s'agit des notes sur lesquelles nous nous fondons pour faire notre présentation.
L'Association des aides familiales du Québec existe depuis 32 ans. Sa mission consiste à défendre les droits des aides familiales par l'entremise d'activités de représentation et de concertation, notamment. Notre objectif aujourd'hui est de porter à votre attention les problèmes des aides familiales migrantes, soit des travailleuses temporaires dont le statut est précaire. Certaines d'entre elles se retrouvent sans statut et font l'objet d'abus de la part d'agences non réglementées, d'agences de recrutement et de placement et d'employeurs non enregistrés qui ne subissent aucune sanction quand ils commettent des abus.
Il existe trois catégories d'aides familiales. Dans le cas des aides familiales qui ne sont pas résidentes, on compte des citoyennes dont les droits sont jusqu'à maintenant bien protégés. Pour leur part, les aides familiales migrantes sans statut sont les plus vulnérables. C'est de ces dernières que nous voudrions parler aujourd'hui. Ces aides familiales sont au Canada en vertu du Programme concernant les aides familiaux résidants, ou PAFR.
Ce programme, qui a été créé en 2001 en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, a continuellement subi des changements. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il y a toujours eu des abus. On a essayé d'améliorer, d'amender le programme. À notre avis, il contrevient à des conventions que le Canada a signées, dont la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Les aides familiales, qui sont majoritairement des femmes, viennent ici et subissent des abus à cause de leur statut juridique.
Nous avons identifié les abus en amont et en aval du programme. Pour ce qui est des caractéristiques du programme, on parle d'un permis temporaire. Les aides familiales doivent travailler 24 mois sur une période de 36 mois. Donc, si elles sont congédiées, elles risquent de faire face à une période d'attente pouvant mettre en péril leur statut. Elles ont un permis de travail nominatif et restrictif, c'est-à-dire qu'elles sont assignées à un employeur et qu'elles ne peuvent pas changer d'employeur sans faire au préalable des démarches administratives. Elles ont l'obligation de rester chez l'employeur, ce qui implique notamment des abus.
En amont de ce programme, il y a les délais de traitement des demandes des aides familiales. Ça occasionne des abus de la part des consultants, des avocats et des multiples intermédiaires qui prétendent pouvoir acheminer leurs demandes. À ce jour, ces agences ne sont pas réglementées. En outre, quand les aides familiales arrivent ici, il peut se produire qu'elles n'aient pas d'employeur, qu'il s'agisse d'un employeur fictif.
En aval, leur statut s'avère un peu catastrophique quand elles n'ont pas d'employeur. Selon Citoyenneté Canada, 10 p. 100 d'entre elles se retrouvent sans employeur à leur arrivée. Il y a aussi les délais pour l'obtention de nouveaux permis. Parfois, elles doivent justifier leur congédiement. Or, les témoignages sont fondés sur leur bonne foi ainsi que sur celle de leur employeur. Les agences de placement interviennent en tant qu'intermédiaires pour leur trouver un autre employeur et leur soutirer de l'argent.
Il existe des mesures de protection, notamment la Loi sur les normes du travail, la Commission des normes du travail, la Commission des droits de la personne, etc. Il y a aussi des lois du domaine criminel et de l'immigration, mais à notre avis, elles restent insuffisantes. En effet, ces mesures sont reliées au droit de l'immigration, au droit du travail, à la protection sociale et aux droits fondamentaux. Nous pensons qu'il faut réglementer et amender certaines de ces lois.
À notre avis, il faudrait avant tout amender la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, de sorte qu'elle inclue la fonction d'aide familiale aux professions en demande au Canada, et qu'elle tienne compte de l'expérience de ces travailleuses, ce qui n'est pas le cas actuellement. C'est d'autant plus nécessaire que le Canada va faire face au vieillissement de sa population au cours des prochaines années.
Il faudrait faciliter l'intégration de ces aides familiales parce qu'étant rattachées à un seul employeur, lorsqu'elles ne se trouvent pas un nouvel emploi, elles doivent faire face à des abus.
Nous recommandons l'instauration d'un permis de travail ouvert, non rattaché à un employeur unique, mais plutôt rattaché, pour une durée limitée, à un secteur d'activité. Nous recommandons aussi l'obtention du statut de résidente permanente, ce qui leur éviterait de se retrouver, par exemple, dans une situation où elles deviendraient sans statut. Celles qui perdent leur permis de travail vivent dans une situation qui s'apparente à de l'esclavage, en ce sens que si elles se retrouvent avec des employeurs abusifs, ces derniers leur confisquent des papiers et abusent de leur vulnérabilité en ne les payant pas. Elles sont parfois séquestrées ou elles s'enferment elles-mêmes parce qu'on leur recommande de ne pas sortir, sinon elles risquent d'être déportées. Elles peuvent aussi subir des ruptures de liens avec leur famille et vivre l'isolement social.
Par rapport aux droits du travail et des protections sociales, malgré les normes du travail qui sont en vigueur, c'est-à-dire un contrat, des rémunérations et des congés, tous ces éléments ne sont pas toujours respectés. Alors, nous recommandons que l'aide familiale puisse avoir droit à la mobilité professionnelle et à une amélioration de ses conditions. Donc, nous recommandons la levée de l'obligation de résidence chez l'employeur, ainsi qu'une inspection gouvernementale — c'est une cinquième recommandation — des conditions de logement chez l'employeur, lorsque c'est le cas.
Nous avons constaté, d'après nos observations et les constatations sur le terrain, que les aides familiales ont souvent peur de perdre leur travail, de porter plainte, etc. Malgré toutes les ressources qu'on peut mettre à leur disposition, elles ont peur. Ensuite, elles n'ont pas de garanties, en cas de plainte, que leur plainte sera entendue.
Je vais brièvement présenter le Centre des travailleurs et travailleuses immigrants. Notre centre est situé sur Côte-des-neiges, à Montréal, et il fait majoritairement affaire avec une population immigrante. On travaille beaucoup à la défense des droits du travail auprès de cette population. Au centre, on voit beaucoup d'immigrants qui sont victimes de mauvaises conditions de travail, d'abus et d'exploitation. Il n'est pas rare de voir des travailleurs qui n'ont pas de pauses, pas de vacances, un salaire injuste et qui sont congédiés sans raisons. La majorité des clients qui se présentent au centre le font une fois qu'ils ont été congédiés, alors qu'il est trop tard. La raison pour laquelle ils se présentent lorsqu'il est trop tard, c'est que leur situation est précaire et qu'ils ont peur de ne pas trouver un autre emploi. C'est pire pour les travailleurs temporaires, dont la situation est encore plus précaire étant donné que leur statut dépend de l'employeur et qu'ils ont un visa de travail fermé.
Le nouveau programme va inclure non seulement les travailleurs agricoles et les travailleurs domestiques, mais il va s'étendre, d'après ce que j'ai compris, à plusieurs autres catégories de travailleurs.
Cela nous cause un problème, premièrement parce qu'il est déjà très difficile de rejoindre la clientèle. Ces gens ne sont pas nécessairement au courant de leurs droits, et pour nous, c'est difficile d'aller les chercher. Si en plus ils sont placés dans plusieurs catégories de travail et qu'ils sont isolés, qu'ils n'ont personne à qui parler de leurs difficultés par rapport à leurs conditions de travail, je pense que c'est un problème.
Je vais aussi parler rapidement du problème de la famille. Les travailleurs qui entrent au Canada au moyen du Programme des travailleurs étrangers temporaires vivent des séparations familiales. Cela va de six mois à deux ans, et ils ne peuvent pas venir avec leur famille. Quand ils sont réunis avec leur famille, il y a souvent des problèmes. C'est difficile pour la famille et le travailleur. C'est aussi une des raisons pour lesquelles ils ne se plaignent pas davantage de la violation de leurs droits: ils ne veulent pas perdre leur travail parce que leur famille est encore dans leur pays et qu'ils doivent y envoyer de l'argent. Ce sont toutes des conditions qui font qu'il est très difficile, spécifiquement pour les travailleurs temporaires, de défendre leurs droits en ce qui a trait au travail.
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J'aimerais que chaque membre du comité se souvienne du pire emploi qu'il ou qu'elle a eu dans sa vie, du genre d'occupation que c'était et de son supérieur.
Vous avez probablement soit démissionné soit cherché un autre emploi. Imaginez que vous n'ayez aucune de ces deux possibilités — car c'est ce que nous, le Centre des travailleurs immigrants, pensons qui vous arriverait avec un programme tel que le Programme des travailleurs étrangers temporaires.
Le principe fondamental d'une main-d'oeuvre fonctionnelle repose sur la capacité et la mobilité d'une personne qui quitte un emploi. En liant le statut d'un travailleur à un emploi, on élimine la mobilité ainsi que le pouvoir de négociation visant à obtenir de meilleures conditions de travail, ou quoi que ce soit de meilleur.
Les travailleurs que nous rencontrons sont exploités et victimes de discrimination, et la plupart du temps ils craignent des représailles de la part de leurs employeurs. Je parle de personnes qui ont un statut permanent, pas de celles qui n'auront pas de statut dans le cadre de ce programme.
En conclusion, nous estimons, d'après nos expériences sur le terrain, qu'une augmentation de l'immigration temporaire pour remplir des emplois précaires ne réglera pas la situation. Elle augmentera l'exploitation, la discrimination et les mauvais traitements pour ces travailleurs qui, nous le voulons, travaillent dans notre pays. En ce qui nous concerne, le Canada a besoin de ces travailleurs. Par conséquent, nous devrions leur accorder une résidence permanente. S'il sont suffisamment compétents pour travailler, ils sont suffisamment compétents pour rester; il s'agit là de trouver une solution provisoire à un problème permanent de pénurie de main-d'oeuvre.
Je vous remercie.
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Mon nom est Anna. Je parle au nom de Solidarité sans frontières, un réseau d'immigrants et de leurs alliés à Montréal.
J'aimerais dire un mot sur le dont vous avez, j'en suis sûre, tous entendu parler. Le 14 mars, le gouvernement conservateur a présenté une série d'amendements à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Un projet d'exécution du budget de 136 pages se cache dans le projet de loi. Cette mesure essentiellement non démocratique introduit subrepticement des modifications importantes à la loi canadienne sur l'immigration sans qu'aucun de ces amendements n'ait été présenté au Parlement.
En en faisant une question de confiance, le gouvernement force les partis de l'opposition soit à accepter les modifications soit à déclencher des élections. Je suis sûre que vous le savez aussi, ce projet de loi a déjà été adopté en première lecture hier.
Cette série d'amendements qui donne un plus grand pouvoir arbitraire au reproduit une histoire de politique d'immigration expressément raciste et défavorable aux pauvres au Canada.
En vertu de l'article 11 de la LIPR, quiconque répond aux critères déjà rigoureux d'entrée au Canada à titre de travailleur, d'étudiant, de visiteur ou pour devenir résident permanent recevra ce statut. Mais en vertu des modifications proposées, même si le demandeur répond aux critères déjà établis, le ministre aura le pouvoir de refuser arbitrairement la demande.
En fait, peut tout simplement en décider ainsi parce qu'elle ne veut pas que des gens d'un pays viennent ici. Elle en a le pouvoir.
Cette modification sans précédent de la LIPR risque de favoriser l'introduction subreptice de modifications similaires de politiques expressément racistes qui ont caractérisé la majeure partie de l'histoire canadienne, notamment la Loi sur l'exclusion des Chinois de 1923; le décret de 1911 selon lequel le droit d'établissement au Canada sera interdit à tous les immigrants de race noire; et celui de 1923 excluant tous les immigrants de n'importe quelle race asiatique.
Il n'est pas déraisonnable de faire ces rapprochements qui existent vraiment. Je vous invite à y réfléchir sérieusement.
Les modifications proposées accordent au ministre un pouvoir additionnel, celui de décider de l'ordre de priorité du traitement des nouvelles demandes, quelle que soit la date de leur dépôt. Donc si, si quelqu'un a déposé une demande il y a trois ans, mais que décide qu'elle préfère quelqu'un d'autre qui a fait une demande hier, parce que c'est un travailleur de classe moyenne qui va contribuer à réduire la pénurie de main-d'oeuvre que nous connaissons, elle peut prendre cette décision.
Par conséquent, les nouveaux articles permettront au ministre de retenir, de retourner ou de jeter une demande de visa et d'éviter que cette décision soit examinée par un tribunal. C'est vraiment effrayant.
Les conservateurs prétendent que ces modifications sont nécessaires pour « moderniser » le système d'immigration et réduire le nombre de dossiers en souffrance. Cependant, l'objectif réel est clair si l'on se réfère aux propos du ministre des Finances, Jim Flaherty, selon lesquels le gouvernement souhaite avoir un système d'immigration compétitif qui traitera rapidement les demandes des immigrants spécialisés pouvant contribuer immédiatement à l'économie.
Il est évident que l'ordre de priorité sera le suivant: personnes appartenant aux classes moyennes faisant une demande dans le cadre du Programme des travailleurs spécialisés; demandes faites à titre d'investisseur prospère; et les travailleurs migrants temporaires qui seront de plus en plus vulnérables.
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Eh bien, nous n'avons pas beaucoup de temps, alors...
Nous savons aussi que l'ordre de priorité des demandes d'immigration établi en fonction de leur capacité à répondre à la demande du marché canadien de l'emploi est... Nous avons ici une citation de Diane Finley: « Qu'il s'agisse de travailleurs qui lavent des assiettes et font des sandwiches ou d'ingénieurs hautement qualifiés »; l'ordre de priorité est donc évident.
L'attaque des conservateurs contre les immigrants montre bien que les pauvres, les travailleurs, les gens de couleur et les familles de ces groupes ne doivent pas demander la résidence permanente au Canada. Ils ne peuvent y venir que s'ils sont prêts à occuper temporairement des emplois marginaux où ils seront exploités et où la moindre plainte sur les conditions de travail peut aboutir à un licenciement, une perte du statut et donc à la déportation.
Cette situation est particulièrement révoltante alors que le gouvernement canadien et les entreprises canadiennes participent activement à la création et au renforcement d'un système de déplacement mondial des migrants et des réfugiés qui fuient la pauvreté, les persécutions, la guerre et l'exploitation de leurs terres par de grandes compagnies.
Nous devons nous opposer aux modifications antidémocratiques et anti-immigration. Nous devons lutter pour l'établissement d'une société qui n'exclut pas et ne marginalise pas les pauvres et les travailleurs, les gens de couleur des pays du Sud et qui ne déporte pas, qui ne met pas en détention et n'exploite pas encore plus les immigrants et les réfugiés.
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Je veux simplement parler brièvement de trois points.
Le premier, c'est que je suis un organisateur au Centre des travailleurs et travailleuses immigrants et je parle au nom de Solidarité sans frontières.
Je pense qu'initialement, ce forum devait avoir lieu dans Côte-des-Neiges. Il est regrettable que cette réunion n'ait pas eu lieu là-bas, parce que je ne pense pas que beaucoup de gens avec lesquels nous travaillons, qu'il s'agisse des employés de maison eux-mêmes ou d'immigrants sri-lankais dans les fabriques de textiles — les gens qui sont effectivement touchés par ce projet de loi — soient effectivement en mesure de venir ici présenter leur point de vue. Alors, il est vraiment dommage que ces audiences n'aient pas eu lieu dans Côte-des-Neiges, où il était initialement prévu qu'elles aient lieu.
Je veux parler de régularisation. Pour Solidarité sans frontières, je pense que nous considérons que le programme concernant les travailleurs étrangers temporaires ainsi que ce qui va commencer à se faire — le projet pilote concernant les travailleurs peu spécialisés — comportent des lacunes fondamentales. Essentiellement, vous créez un système d'immigration permanent à deux vitesses. De nombreuses personnes ont déjà expliqué la situation des personnes à qui on imposera des limites, des limites quant à leurs droits, des limites quant à l'endroit où elles peuvent aller travailler, des limites quant à leurs droits au travail, et ainsi, des limites pour ce qui est de pouvoir exercer les mêmes droits entiers que peuvent effectivement exercer les gens qui ont la citoyenneté ou la résidence permanente.
Je veux parler du cas d'une personne qui a pris un avion d'Edmonton pour venir à Montréal parce qu'elle ne pouvait pas trouver d'aide: elle est ici dans le cadre du programme concernant les travailleurs étrangers temporaires; elle travaille dans un motel Super 8 à Edmonton avec un groupe de migrants philippins. Les abus dont ces gens ont été victimes dans leur lieu de travail étaient tels qu'ils ont quitté ce lieu de travail. Cette femme a perdu son statut et a dû faire une demande de rétablissement de son statut et n'a pas été en mesure d'obtenir ce rétablissement à moins d'obtenir un autre avis relatif au marché du travail. Si vous liez l'immigration à un avis relatif au marché du travail, l'immigration va relever de RHDSC, et cela crée un système permanent à deux vitesses. Maintenant, elle risque d'être expulsée aux Philippines après être venue ici en quête d'une vie meilleure. La seule raison pour laquelle elle a perdu son statut, c'est parce qu'elle ne voulait plus être victime d'abus dans son milieu de travail.
Une régularisation intégrale est absolument possible. Nous l'avons vu en Europe. Nous l'avons vu récemment en Espagne. Je sais qu'une motion a été présentée au Parlement au cours de la dernière session pour discuter de la régularisation intégrale. Vous êtes en train de créer en ce moment un système dans lequel vous avez au moins 250 000 personnes qui n'ont aucun droit, qui sont des migrants « illégaux » sans statut et en plus de cela, vous avez 200 000 autres personnes inscrites dans le programme concernant les travailleurs étrangers temporaires.
Cette situation est semblable à l'apartheid en Afrique du Sud. Créer une situation où un demi-million de personnes ont un statut juridique différent du reste de la société, de sorte qu'elles puissent soutenir tout le poids de l'économie canadienne...
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Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Premièrement, monsieur Henaway, j'ai vérifié auprès du greffier qui me dit qu'il n'a jamais été question que cette réunion ait lieu dans Côte-des-Neiges, alors je pense que vous avez confondu ce comité avec un autre. Cependant, dans la situation actuelle, tout comme nous représentons des gens — je représente les gens de Laval—Les Îles, et je suis une députée élue —, je considère que vous, monsieur Henaway, représentez un certain nombre de voix, tout comme n'importe qui autour de cette table. Alors, bien qu'il eût peut-être été merveilleux d'être au milieu d'une communauté d'immigrants de Côte-des-Neiges, ce n'est pas le but du présent comité. Ce comité a pour but d'entendre quelques personnes qui représentent des milliers et des milliers d'autres personnes. Le fait que vous puissiez être le porte-parole de centaines de personnes de Côte-des-Neiges et d'ailleurs est pour moi une grande source de satisfaction.
Deuxièmement, j'aimerais parler à Mme Mala au sujet du . Cela va de soi, je suis libérale et je suis parfaitement d'accord avec vous, et je sais qu'il en est de même de mon collègue, M. Telegdi. Nous avons tous les deux parlé à nos collègues libéraux du projet de loi C-50. On ne peut permettre que ce projet de loi soit adopté. Sans entrer dans les détails, parce que je sais que je n'aurai pas le temps de le faire, je suis prête à le faire à un autre endroit et à un autre moment avec vous; il y a un certain nombre de stratégies que nous avons commencé à mettre en place dès maintenant. Les autres partis font des choses différentes, mais nous sommes en train de faire certaines choses pour nous assurer que les Canadiens, partout au pays, savent ce que signifie le projet de loi C-50.
Je peux vous dire que j'ai tenu une réunion à Montréal il y a quelques jours et je sais que d'autres partis ont des réunions partout au Canada également. Nous travaillons pour que le soit rejeté. Il y a différentes façons de le faire. Je suis absolument contre certaines des choses que vous avez mentionnées au sujet du projet de loi C-50, telles que les pouvoirs discrétionnaires et discriminatoires du ministre. Le projet de loi accorde beaucoup trop de marge de manoeuvre à une seule personne, alors que nous savons tous que ce qui est important au Canada, ce n'est pas la personne qui occupe le poste, mais la primauté du droit. La personne qui occupe le poste traduit la primauté du droit, mais c'est la primauté du droit qui passe en premier.
La demande accélérée m'inquiète également beaucoup, parce que cela signifie que quelqu'un pourrait retourner à la fin de la ligne et attendre pour toujours avant que sa demande soit reçue. En fait, nous savons, parce que j'ai parlé à des fonctionnaires de ce projet de loi, que si le est adopté, la partie 6, qui concerne l'immigration, signifierait qu'Immigration et Citoyenneté Canada ne serait plus obligé de recevoir la demande d'une personne qui veut immigrer au Canada, demande qui doit à l'heure actuelle être acceptée par ce ministère dans n'importe quelle ambassade dans le monde. En d'autres mots, si nous allions, je ne sais pas, dans le bureau de New Delhi et que nous disions vouloir être un immigrant, à l'heure actuelle, le bureau est obligé à tout le moins d'accepter notre demande. En vertu du projet de loi C-50, une fois que l'arriéré est comblé, le ministère ne serait même pas obligé d'accepter la demande. Il peut dire: « Nous sommes désolés, mais nous avons déjà trop de gens. Oublier cela. Nous vous reverrons dans quelques années. » C'est vraiment ce que ce projet de loi signifie.
Alors, en ce qui concerne le , je suis tout à fait d'accord avec vous et je vous invite fortement, vous et d'autres personnes qui pensent comme vous — des gens comme vous et d'autres personnes autour de cette table — à dénoncer le projet de loi C-50. Nous le faisons à notre manière, qui n'est pas la même que la vôtre, de toute évidence, mais il y a une convergence d'esprit.
[Français]
Je voudrais maintenant revenir à Mme Osmani, s'il me reste du temps.
Madame Osmani, vous et moi, on se connaît depuis longtemps. Il y a 20 ans, j'ai travaillé avec le groupe d'aides domestiques des Philippines. Les problèmes dont vous nous avez parlé sont les mêmes que ceux que nous tentions de régler il y a 20 ans. J'ai l'impression de revenir en arrière presque totalement.
Sans aller dans les détails, le problème qui nous embêtait il y a 20 ans avait trait à la disposition de la compétence provinciale par rapport à la compétence fédérale. Dans le peu de temps qu'il vous reste, pouvez-vous nous parler, madame Osmani ou madame Ouar, de compétence fédérale? Que pouvons-nous faire pour vous aider?
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Présentement, la question des aides familiales est de compétence fédérale à plusieurs points de vue. Des gains ont été réalisés sur le plan des normes du travail au cours des 20 dernières années. Ainsi, les aides familiales résidantes sont couvertes par la loi. Techniquement, elles sont protégées par la Loi sur les normes du travail du Québec, mais le programme, tel qu'il est actuellement, ne les aide absolument pas parce qu'elles ne peuvent pas exercer ce droit.
Prenons le cas d'une aide familiale qui habite chez l'employeur et qui n'a donc pas de maison. Imaginons qu'elle se fasse congédier par son employeur ou qu'elle quitte son emploi parce que la situation est inadmissible. À votre avis, irait-elle porter plainte ou chercher un nouvel employeur?
Le délai est de 24 à 36 mois. Trouver un employeur ne se fait pas du jour au lendemain. Ce n'est pas en frappant à la porte de n'importe qui qu'on trouve un employeur. Elle va s'adresser à une agence de recrutement, qui ne va pas forcément respecter ses droits. Pourrait-elle recevoir des prestations d'assurance-emploi? Pas forcément. Enfin, tout est expliqué dans le document. Je n'aborderai pas la question des technicalités de l'assurance-emploi, mais c'est de compétence fédérale.
Elle possède un permis de travail nominatif. Serait-elle disponible pour travailler? Ce n'est pas évident. Elle n'a pas d'argent, pas d'endroit où habiter, elle est dehors. Il faut qu'elle dorme quelque part et paye. Ira-t-elle travailler? Non, parce que c'est illégal, avec un permis de travail nominatif. Il faut donc qu'elle trouve un employeur le plus tôt possible. Il va s'écouler plusieurs mois avant qu'elle n'obtienne un permis de travail.
Je vous pose la question: a-t-elle des droits? J'en doute.
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Merci, monsieur le président.
Je voulais vous rassurer: le Bloc québécois va aussi demander que la partie du projet de loi relative à l'immigration soit étudiée par notre comité. On se rend bien compte de toute la problématique de l'immigration quand on entend les doléances dont vous nous faites part aujourd'hui. Vous résumez une bonne partie de l'ensemble des problèmes, et ceux-ci ne sont pas simples à régler. En tout cas, ce n'est sûrement pas en laissant une personne du ministère dire qu'elle accepte ou non telle ou telle demande. La problématique est beaucoup plus sérieuse que cela.
Nous sommes bien conscients des problèmes que les citoyens que vous représentez vivent. Nous trouvons regrettable que le gouvernement ait voulu modifier cette partie de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés par le biais d'une loi qui touche le budget. On va tout faire pour que le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration puisse étudier ce projet de loi et y apporter les amendements nécessaires.
Je voulais profiter de votre présence pour obtenir certaines précisions au sujet du Programme des aides familiaux résidants. Madame Osmani, vous avez mentionné que 10 p. 100 des employeurs sont fictifs. Je voudrais connaître les conditions d'emploi. Les heures de travail sont-elles énumérées ou précisées dans une sorte de contrat ou d'entente? Le taux salarial y est-il aussi inscrit?
Vous avez aussi demandé que les travailleurs ne soient pas tenus ou obligés de résider au même endroit que l'employeur. Quelle solution de rechange proposez-vous? L'employeur devrait-il s'engager à payer une résidence à l'extérieur de la résidence familiale? J'aimerais connaître les réponses à ces questions.
Vous savez qu'en juin dernier, en 2007, la motion que j'ai présentée et que le présent comité a appuyée a été présentée à la Chambre des communes. Trois partis, au moins, l'ont appuyée dans le passé à la Chambre des communes. Nous attendons toujours que le Parti conservateur la mette en application, qu'il la concrétise, qu'il règle cette question.
Dans le passé, nous avons dit, ou du moins le NPD a dit, que nous devons cesser de traiter les gens comme des entités économiques et les voir comme des êtres humains — ils ont des familles, ils ont des vies — et que nous devons cesser de donner plus d'ampleur au programme concernant les travailleurs étrangers temporaires. Au strict minimum, nous devrions faire venir les travailleurs avec un visa de travail, et non un visa lié à un employeur particulier. Ou encore mieux, nous devrions les accueillir comme des résidents permanents de sorte qu'ils ne soient pas victimes d'abus et d'un déséquilibre total en matière de pouvoir.
Ceci dit, vous avez parlé du projet de loi et malheureusement — je n'ai pas parlé de cette question de toute la journée, monsieur le président — hier, nos amis libéraux n'ont pas appuyé ma motion. À 15 h 30, il y aura un vote à la Chambre des communes et le projet de loi passera en deuxième lecture. Il passera en deuxième lecture aujourd'hui. Après cela — je suppose que les libéraux l'appuieront encore une fois, malheureusement —, il sera renvoyé au comité. Il sera renvoyé au comité des finances. Nous allons faire des pressions pour qu'il y ait des audiences au comité des finances, de sorte que ce comité puisse entendre ce que vous avez à dire.
Dans le cas du présent comité, je crois que le secrétaire parlementaire a une motion visant l'étude de ce projet de loi. Nous étudierons cette motion le 28 avril. Espérons que le comité des finances n'aura pas terminé son étude de ce projet de loi. Nous ne voudrions pas qu'il ait terminé son étude et qu'il ait renvoyé le projet de loi à la Chambre des communes pendant que nous l'étudions; cela ne serait pas juste. Espérons que nous serons en mesure d'avoir un véritable dialogue concernant les changements fondamentaux qui sont présents dans le projet de loi . À bien des égards, il établit des priorités parmi les catégories d'immigrants et les sépare: certaines sont plus importantes que d'autres. Je pensais que tous les êtres humains étaient importants, mais certains semblent être plus importants que d'autres.
Vous avez tous formulé de très bonnes recommandations. Ma question est la suivante: sachant tout ce que nous savons, comment pouvons-nous aller de l'avant et travailler ensemble pour nous assurer que les conservateurs, et c'était les libéraux avant eux, écoutent ce que les communautés veulent? Peut-être qu'après la consultation, les libéraux diront également: « Eh bien, peut-être que nous n'aimons pas les changements contenus dans le projet de loi et que nous allons voter contre. »
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Bonjour, mesdames et monsieur. Merci d'être ici aujourd'hui.
On essaie peut-être de faire passer les conservateurs pour des racistes, mais nous ne parlons pas pour rien, nous agissons.
Parmi mes employés se trouvent un Japonais, une Paraguayenne, une Bulgare, un Camerounais et, depuis peu, un Sénégalais. De plus, ma femme est une immigrante. Nous sommes ici pour vous aider, comprendre le problème et faire avancer les choses.
Le délai de traitement des demandes d'immigration est considérable. Le nombre de personnes qui attendent d'être admises au pays est passé de 50 000 à 800 000. Il faudrait savoir combien une population de 30 millions d'habitants peut recevoir d'immigrants en un an. Je ne veux pas parler d'équilibre, mais il faut permettre aussi aux gens d'arriver, de s'intégrer, de trouver un travail et de s'installer. L'habitation, par exemple, est un des éléments importants dont il faut tenir compte.
Madame Osmani, le problème auquel font face les aides familiales lorsqu'elles arrivent a-t-il quelque chose à voir avec le manque d'information quant à leurs droits?
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De manière structurelle, le programme est discriminatoire dans la mesure où il restreint leurs libertés et leurs droits. En vertu des chartes québécoise et canadienne, toutes les personnes doivent respecter leurs droits, comme le droit à la dignité. Par exemple, une aide familiale peut habiter chez un employeur qui ne ferme pas la porte, elle peut habiter un sous-sol où il n'y a pas de porte ou elle peut dormir avec un enfant. Elle n'a donc pas droit à une vie privée ou intime. C'est une atteinte à la dignité, alors qu'on n'accepte pas cela pour les autres travailleurs canadiens ou québécois.
En termes de droits fondamentaux, on peut aussi prendre l'exemple du droit à la liberté religieuse. Certains employeurs obligent leurs employés à travailler le dimanche, alors qu'ils doivent aller à l'église, par exemple. C'est leur droit d'exercer leur pratique religieuse. Je parle donc d'abord de droits fondamentaux. Il y a aussi tous les autres droits.
D'après ce que vous avez dit, vous êtes soucieux de voir comment le programme doit absorber les nouveaux venus. Je vous rappelle qu'au Canada, 200 000 personnes sont sans papiers. Jusqu'à présent, le Canada n'a pas fait de campagne de régularisation massive comme il y en a en Europe et aux États-Unis. Nous privilégions aussi des approches qui pourraient prendre en compte les personnes qui sont déjà là et qui contribuent à l'économie.
Les aides familiales ne sont pas seulement des aides ménagères. Leurs tâches vont du ménage jusqu'aux soins aux personnes âgées délaissées par leur propre famille. Elles s'occupent de personnes handicapées et même des devoirs des enfants. Je rappelle que le niveau requis pour les aides familiales au Québec est de 12 années d'études. Elles sont aussi parfaitement bilingues, parce qu'elles doivent connaître l'une ou l'autre des langues. Au Québec, elles doivent suivre des cours de français afin de s'intégrer à la société. Elles doivent suivre ces cours après leur programme du samedi, donc pendant leurs heures de repos. Vous voyez les contraintes qu'on leur impose.
C'est une question de sémantique, mais je vous rappelle que, quand on parle de Japonais canadiens ou autres, ce sont aussi des citoyens canadiens. On pourrait rappeler l'origine de ces personnes, mais pour prouver le racisme, ou l'absence de racisme, il ne faut peut-être pas parler de l'origine, mais de l'accès aux droits. On peut être parfaitement Canadien de seconde génération, né ici, et subir les problèmes de discrimination qui existent. Par exemple, ici, dans les communautés noires et chez les minorités visibles, on ne reconnaît toujours pas la situation d'une huitième génération de descendants d'esclaves. De plus, on ne fait pas des programmes pour corriger les discriminations auxquelles ces gens font face.
Je vais corriger vos chiffres sur les travailleurs étrangers sans papiers. Je pense que leur nombre se rapproche probablement davantage de 500 000 que de 250 000.
Cela s'adresse à M. Harvey, pour qu'il puisse comprendre.
Le problème avec les travailleurs étrangers temporaires, les bonnes d'enfants, et certainement les travailleurs sans papiers, c'est qu'ils n'ont absolument aucun pouvoir et qu'ils peuvent être victimes d'abus parce qu'ils n'ont pas de pouvoir. On peut les expulser du pays n'importe quand.
Malheureusement, nous avons affaire à cette question maintenant depuis... Je fais partie de ce comité depuis 10 ans. En fait, mon parti, à cette époque, avait voulu me retirer de ce comité, mais j'ai refusé de partir. Mais les histoires n'ont pas beaucoup changé. Essentiellement, nous devons avoir une politique d'immigration qui permet d'avoir des résidents permanents, et si les immigrants ne deviennent pas des résidents permanents, c'est parce que c'est là leur choix.
Vous prenez quelqu'un qui est bon en haute technologie, ou dont les compétences sont très en demande. Cette personne est mobile. Cette personne a son propre pouvoir. Mais d'aller chercher, tout à coup, des personnes qui sont jetables, cela me rappelle ce qui a été fait dans le passé lorsqu'on a fait venir des Chinois pour construire le chemin de fer. Nous ne pouvons pas emprunter cette voie. Je pense que c'est ça qui est tellement dangereux avec cette nouvelle politique, que nous dépendions de plus en plus des travailleurs étrangers temporaires.
À moins que vous m'interrompiez parce qu'il se trouve que je suis libéral... vérifiez les faits; je me bats pour ce genre de choses depuis un long moment, peu importe ce que les hautes instances du parti pourraient avoir à dire.
C'est le plus gros problème que nous avons et cela témoigne d'une vision tellement à court terme. Vous avez tous entendu Frank Stronach de Magna. Il ne pourrait pas venir au pays aujourd'hui en vertu du système de points actuel. Frank Hasenfratz non plus, lui qui est président de Linamar; et Mike Lazaridis non plus, l'inventeur du BlackBerry.
Nous devons nous secouer la tête et nous demander si nous voulons une société dans laquelle nous avons des gens sans leur famille, avec tous les stress que cela entraîne, ou si nous voulons bâtir un pays qui aura besoin de gens pour occuper des postes aussi bien au bas de l'échelle des emplois qu'en haut, comme c'est le cas à l'heure actuelle? C'est là mon plus gros problème: nous utilisons des gens, de la main-d'oeuvre en provenance d'autres pays, et nous considérons ces gens comme des biens jetables. Cela ne permet pas de construire une bonne société. Il y a suffisamment d'exemples dans le monde de ce que cela donne et voilà le genre de société que vous avez.
C'est simplement un commentaire.
J'ai bien apprécié votre intervention, madame Osmani, après celle de mon collègue M. Harvey. Il s'agit ici de personnes qui sont exploitées par notre pays. Il y a environ 500 000 travailleurs sans papiers, comme l'a mentionné M. Telegdi, et on accueille de plus en plus de travailleurs temporaires qui n'ont pas de droits. C'est ce que vous faites ressortir, et vous mentionnez que c'est à cela qu'il faut vraiment s'attaquer si on est un gouvernement responsable. C'est ce à quoi fait allusion l'article à la fin du projet du loi . C'est vraiment ce qui est critique. Je vais travailler pour qu'on puisse arriver à un résultat.
Je reviens sur la question des aides familiales. Dans les autres provinces, on nous en parlait encore davantage. Quelqu'un a soulevé la difficulté, pour les familles qui habitent une province qui n'a pas un système de garderies adéquat, de devoir dépendre de ce genre de travailleurs pour assurer en partie la garde des enfants.
Du point de vue statistique ou d'après ce que vous savez, la demande d'aides familiales est-elle moins importante au Québec, puisqu'il y a un bon système de garderies?
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Madame Osmani, madame Ouar, nous prenons bonne note de vos sept recommandations pour les aides familiales. Elles sont d'autant plus importantes que, comme on le sait, la population est vieillissante un peu partout au Canada. Il y a aussi le travail que vous faites auprès des enfants. En effet, vous êtes bien souvent les gardiennes d'enfants. C'est très important, et nous prenons bonne note des sept recommandations que vous faites ici aujourd'hui.
On ne vous promet pas de régler les problèmes, mais je vous promets que je ne ferai pas comme Mme Folco. Dans 10 ans, je ne vous dirai pas qu'on se croirait au même point. J'espère qu'on sera en mesure de rendre justice à votre travail .
Pour ce qui est de mes autres amis, j'espère qu'on sera en mesure de mieux leur faire comprendre ce qu'est le projet de loi . Faire en sorte que quelqu'un qui travaille ici n'ait plus besoin de sortir du pays pour faire une demande d'immigration, réduire de moitié les frais relatifs à une demande d'immigration, rendre la chose plus facile par toutes sortes de moyens, ce sont des défis importants. Au Canada, il y a près de 500 000 sans-papiers. Ces personnes n'ont rien, pas de références, elles n'existent pas, mais elles sont ici. Vous comprendrez qu'il faut faire un ménage. Je ne parle évidemment pas de les renvoyer chez eux, mais de régulariser cette situation. C'est un défi important, et c'est avec vous qu'on doit travailler. Vous êtes nos partenaires dans cette histoire. Si on vient vous voir ici aujourd'hui, c'est qu'on est conscients du problème. On doit travailler ensemble pour faire avancer cela. J'en prends bonne note et je veux que vous soyez conscients de cela.
Monsieur Henaway, vous avez fait des commentaires. Je les comprends, mais j'aimerais bien pouvoir m'asseoir avec vous et vous expliquer correctement ce qui va se passer, ce qu'on vise. Si mes collègues libéraux et ceux des autres partis ne sont pas d'accord, ils peuvent voter contre ce projet de loi et le défaire, puisque notre gouvernement est minoritaire. Tout ce qu'on vous dit est donc conditionnel à l'adoption du projet de loi. J'apprécierais qu'on dise la vérité partout, et c'est la situation.
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Je veux simplement répondre rapidement.
Il y a eu beaucoup de discussions au sujet des difficultés liées à la régularisation du statut des gens. Pour une raison quelconque, cela semble très compliqué, et pourtant, en vertu du projet pilote concernant les travailleurs peu spécialisés et du programme concernant les travailleurs étrangers temporaires, il faut une semaine pour faire venir quelqu'un ici. En cinq jours, avec un AMT dans une banque d'emplois fédérale, vous pouvez faire venir quelqu'un ici. Mais alors, pour une raison quelconque, la question devient qu'il est trop compliqué de régulariser la situation de ces gens, ou de traiter de l'arriéré. Pour une raison quelconque, en vertu du projet pilote concernant les travailleurs peu spécialisés, il faut cinq jours, et pourtant nous avons un arriéré de 600 000 personnes.
L'autre question dans ce contexte, l'autre point, c'est la question des vérifications de sécurité et de la réunification des familles. Pour une raison quelconque, après que vous êtes accepté, il n'y a pas de limite de temps pour la vérification des antécédents. Alors, vous avez des familles... Je veux parler de la communauté sri-lankaise. La moyenne est censée être de huit à 12 mois pour traiter environ 50 à 60 p. 100 des demandes. Dans le cas de la majorité des gens que nous voyons, il faut trois ans et plus pour régler la question de la réunification des familles et du parrainage.
Le rôle de l'appareil de sécurité, avec la participation du SCRS dans ces vérifications des antécédents, c'est ce qui leur donne ce temps illimité. Je pense que cela explique une partie très importante de cet arriéré et c'est quelque chose qui, nous l'espérons, sera examiné également par le présent comité. Il y a des façons de régler cette question.