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Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité.
Je n'ai été invité qu'hier après-midi à comparaître, et je suis toujours ravi de le faire, mais je n'ai pas eu beaucoup de temps, je le crains, pour préparer un exposé expressément à votre intention. Au déjeuner, aujourd'hui, j'ai prononcé une conférence devant la section d'Ottawa de la Société canadienne de météorologie et d'océanographie. Si vous me le permettez, je vais reprendre avec vous une partie de cet exposé pour illustrer certains points. C'est très scientifique pour un auditoire comme le vôtre. Aussi, je ne vais pas entrer dans les détails de tous les diagrammes, mais je vous invite à m'écouter d'autant plus attentivement.
Il importe que tous comprennent ce qu'est le GIEC, le Groupe d'experts intergouvernemental sur les changements climatique et comment il travaille. L'ONU l'a créé il y a 20 ans expressément pour informer les gouvernements de l'état des connaissances sur le climat et les changements climatiques, et cela, de façon équilibrée, claire, accessible et qui fasse autorité. Il faut comprendre que le GIEC ne fait pas de recherche. Il évalue les produits de la recherche.
Les évaluations sont rédigées par des scientifiques. Francis Zwiers est du reste l'un des principaux auteurs du comité. Le groupe a produit trois imposants volumes, dont l'un sur l'information scientifique, le deuxième sur l'adaptation aux impacts et le dernier à l'atténuation, aux réductions des émissions, à la technologie et à l'économie. On a extrait de ces volumes trois résumés destinés aux décideurs. J'en ai ici des exemplaires. On peut les trouver sur le site Web du GIEC dans les six langues de l'ONU. Je vous invite à les consulter.
L'importance des résumés à l'intention des décideurs tient à ceci: bien qu'ils soient rédigés par des scientifiques, ils sont en fait négociés avec les gouvernements. On n'y trouve rien que les scientifiques ne jugent pas étayable. Les résumés sont donc scientifiquement rigoureux. L'apport des gouvernements fait en sorte que ces résumés sont équilibrés et faciles d'accès, rédigés dans une langue que les gouvernements comprennent. Ils fournissent une information utile. Le point central, en fin de compte, est que, lorsque le résumé à l'intention des décideurs est accepté par les gouvernements, ceux-ci en deviennent en fait les propriétaires. Ils appartiennent donc aux gouvernements du Canada, des États-Unis, de la Russie, de l'Arabie Saoudite, etc. Il est important que vous le compreniez.
Il y a un quatrième volume, le rapport de synthèse. Nous y avons travaillé la semaine dernière et il est maintenant disponible. Il contient plusieurs messages importants et clairs. Je vais les passer en revue en proposant ma propre interprétation, dans mes mots à moi.
Le premier message, c'est que les changements climatiques sont une réalité et que les preuves sont maintenant incontestables.
Le deuxième message, c'est que les humains sont la principale cause de ces changements climatiques et que le réchauffement observé depuis le milieu du XXe siècle est très probablement attribuable à l'activité humaine. Le qualificatif « très probable » employé par le GIEC a un sens précis: le degré de confiance est d'au moins 90 p. 100. En sciences, on peut rarement aller au-delà de ce niveau.
Le rapport conclut aussi que nous subirons assurément des impacts à cause de ce que nous avons déjà fait à la composition de l'atmosphère. Certains impacts sont maintenant inévitables. Si nous ne limitons pas la croissance des émissions, ces impacts ne feront que s'aggraver, et certains seront peut-être soudains et irréversibles. C'est pourquoi l'adaptation n'est plus une question de choix politique, selon moi, mais un impératif.
La bonne nouvelle, d'après le GIEC, c'est que nous pouvons nous en tirer. Nous pouvons stabiliser les émissions à des niveaux qui permettront d'éviter une influence anthropogénique dangereuse sur le système climatique. Il y a déjà des technologies que nous pouvons commencer à appliquer. Pour cela, il faut que les gouvernements donnent des encouragements clairs, il faut qu'il y ait des politiques claires, des incitations nettes et acceptables.
Le dernier point, à mon avis d'ancien conseiller politique, est qu'il faut concevoir les changements climatiques dans le contexte du développement. Ils constituent un enjeu environnemental, et c'est ainsi qu'on les a définis au départ, mais il peut s'agir aussi d'un enjeu des points de vue du développement, de l'énergie et de la sécurité. Plus on peut définir l'enjeu en des termes larges, plus sera importante la coalition d'intérêts qu'on pourra réunir pour arriver à une solution, me semble-t-il.
Le diagramme que vous avez sous les yeux montre l'évolution de la température depuis 150 ans. Il accompagne le texte au-dessus, reprenant le texte exact du Résumé à l'intention des décideurs du premier groupe de travail. Comme je l'ai déjà dit, il conclut simplement que le réchauffement climatique est sans équivoque. On voit dans le diagramme une série de points noirs, qui représentent la température mondiale moyenne de chaque année depuis environ 1850. Chose curieuse, si on trace une droite sur les 150 dernières années, on obtient la courbe rouge. Si on le fait pour les 100 dernières années, on a la courbe violette. Pour les 50 dernières, c'est la courbe orange. Et pour les 25 dernières, la courbe jaune. Il vous semblera sûrement évident que plus on se rapproche du présent, plus la pente est marquée. Autrement dit, plus on se rapproche du présent, plus le rythme du réchauffement semble s'accélérer.
Il y a des signes semblables d'accélération de la hausse du niveau des mers et de la diminution de la superficie des glaces marines dans l'Arctique. Il y a aussi plusieurs autres indicateurs. Par exemple, de 1961 à 2003, le niveau des mers du monde s'est élevé d'environ 1,8 millimètre par année, mais, ces dix dernières années, de 1993 à 2003, le rythme a doublé.
L'information satellitaire montre très clairement que la superficie moyenne des glaces marines de l'Arctique s'est contractée, surtout en été, à un taux qui peut atteindre 7,5 p. 100 par décennie. Cette année, la superficie a été plus petite que jamais. Il y a également les vents d'ouest aux latitudes moyennes, comme ceux qui ont frappé Vancouver et son parc Stanley il y a deux ans et Halifax l'année précédente. Ces vents ont pris de la force dans les deux hémisphères. Les indications données par les cyclones et ouragans tropicaux sont beaucoup plus subtiles, mais il y a de solides preuves que la fréquence des ouragans les plus violents s'est accrue ces dernières années.
Il y a donc des preuves que le climat a changé, mais il faut se demander si cela tient à des causes naturelles ou humaines. Il est clair que ce sont des causes humaines.
Le côté droit du diagramme illustre les observations qui étayent cette conclusion. Je n'entre pas dans les détails, mais en somme, le trait noir correspond aux observations que vous avez vues dans le diagramme précédent, et le bleu est le résultat obtenu des modèles climatiques si on pousse le système climatique des 100 dernières années avec le seul forçage naturel, soit la variabilité de l'ensoleillement et les volcans, par exemple. Le graphique orange, au haut du diagramme montre ce qui se produirait si on ajoutait le forçage anthropogénique, attribuable surtout aux gaz à effet de serre et aux aérosols. Au début du siècle, il n'est pas difficile de recourir au seul forçage naturel pour expliquer les observations, mais aujourd'hui, il est de plus en plus difficile de le faire. En réalité, on ne peut pas expliquer les observations sans recourir au forçage par les gaz à effet de serre.
À gauche, le diagramme est plutôt compliqué. En bref, il montre que le forçage dû à la variation de l'ensoleillement est de l'ordre d'un dixième de celui qui est attribuable à l'activité humaine. Je le répète, le diagramme est compliqué et je vous demande de m'en excuser, mais je ne vais pas l'expliquer en long et en large.
Du côté gauche, il y a des passages de modèle effectués au moyen de multiples modèles informatisés du climat. Dans tous les scénarios d'émissions du GIEC, il y aura au cours des 20 ou 30 prochaines années à peu près le même réchauffement, peu importe le scénario, essentiellement à cause des changements que nous avons déjà provoqués dans la composition de l'atmosphère. Il y aura donc un réchauffement d'environ un degré d'ici 2025.
À la fin du siècle, le choix de scénario fait une différence, et le réchauffement se situe entre 2°C et 3°C. Pour situer cette donnée en contexte, disons que le réchauffement au cours du dernier siècle a été de 0,6°C. Donc, 3°C représente une augmentation six fois plus importante qu'au siècle précédent.
D'autres résultats montrent ce qui se passerait si nous pouvions bloquer les concentrations à certains niveaux. Le système climatique, à cause de son inertie, de sa mémoire, continue de se réchauffer et le niveau des mers continue de s'élever pendant plusieurs siècles. Si nous pouvions bloquer les concentrations au niveau d'aujourd'hui, ce qui est tout à fait hypothétique, car ce n'est pas possible, en réalité, il y aura au cours de deux ou trois prochaines décennies une augmentation de 0,1°C par décennie. C'est à cause de l'inertie du système climatique.
Une autre forme d'inertie tient aux systèmes technologiques et socioéconomiques. Il est impossible que, du jour au lendemain, tout le monde conduise une Prius ou que toutes les centrales au charbon soient remplacées par des énergies renouvelables. Il y a là aussi de l'inertie. Il est donc plus probable que le réchauffement sera de 0,2°C dans chacune des deux ou trois prochaines décennies, et nous n'y pouvons rien. Autrement dit, une partie de l'histoire est déjà écrite.
Je ne suis pas le seul à m'en inquiéter. À la conférence de presse de Valence, samedi, le président du GIEC aurait dit: « Notre avenir dépend de ce que nous ferons dans les 20 ou 30 prochaines années. C'est une période cruciale. »
Je ne vais pas expliquer tout ce diagramme-ci, qui vient de la troisième évaluation du GIEC. Il illustre plusieurs motifs de préoccupation, depuis le nombre d'écosystèmes menacés jusqu'à la possibilité de discontinuités plus ou moins importantes dans les systèmes géophysiques.
Le rapport de synthèse traite de ces éléments et conclut que les cinq motifs d'inquiétude cernés dans la troisième évaluation demeurent un cadre utilisable pour considérer les vulnérabilités et que ces motifs — voilà qui est important —sont examinés dans la quatrième évaluation et jugés plus convaincants que dans la troisième. C'est qu'on a une plus grande certitude qu'un réchauffement de plus de 2°C présentera des menaces non négligeables pour de nombreux écosystèmes et aura des conséquences pour la biodiversité. Et il y a de plus en plus de preuves, d'après certaines manifestations extrêmes, que la vulnérabilité est plus grande. Il y a plus d'indications selon lesquelles des groupes particuliers, comme les pauvres et les aînés, sont bien plus vulnérables que nous ne l'avions prévu dans le troisième rapport d'évaluation.
Tout cela permet à des scientifiques de tracer le diagramme de droite. On ne trouve pas le même dans la troisième évaluation, et il ne faut pas l'interpréter trop littéralement. Cela demeure tout de même une illustration, un schéma qui montre que les motifs de préoccupation sont devenus plus importants.
Le GIEC a aussi examiné les régions et les secteurs qui subiront des impacts à l'avenir et il a dessiné des diagrammes. On ne peut pas les voir très bien; ils sont plus clairs sur le Web. En voici un qui porte sur les secteurs; il y en a un pour les écosystèmes aquatiques, etc. Il y a aussi un tableau, qui se trouve dans le rapport de synthèse, au sujet des menaces aux diverses régions géographiques.
Le GIEC a également pu cerner les régions particulièrement vulnérables, et je vais en parler. Il y en a quatre. La première est l'Arctique, à cause du fort réchauffement prévu dans les systèmes naturels. Il y a l'Afrique, parce que ses capacités d'adaptation sont actuellement faibles et que l'impact prévu des changements climatiques y est important. Il y a les petites îles parce que leurs populations et leur infrastructure sont à risque à cause de la hausse du niveau des mers et d'ondes de tempête plus marquées. Et il y a les mégadeltas de l'Asie, car on y trouve d'importantes populations qui sont exposées non seulement à la hausse du niveau des mers, mais aussi aux ondes de tempête.
La diapositive que voici porte sur les causes profondes de ce que j'appelle la menace des changements climatiques, c'est-à-dire l'évolution de la composition de l'atmosphère. Nous savons maintenant que nous avons modifié l'atmosphère d'une façon inédite depuis les six ou sept dernières ères glaciaires, ce qui remonte à 650 000 années, voire un million d'années. Nous sommes en territoire inconnu. Voilà pourquoi, selon moi, il faut considérer les changements climatiques comme une menace.
Selon des publications récentes, le rythme de l'accumulation du CO2 dans l'atmosphère s'est accéléré, et les émissions de gaz à effet de serre sont maintenant supérieures à tous les scénarios plausibles que le GIEC a élaborés précédemment. Le diagramme montre que, pour stabiliser les émissions, nous allons devoir plafonner à un certain niveau les émissions mondiales et les réduire ensuite. La vitesse à laquelle il faudra agir dépend du niveau de stabilisation choisi. Ce n'est pas une décision qui est entièrement scientifique; elle est beaucoup plus politique. Elle dépend de ce qu'on pense du risque et de ce à quoi on attache de la valeur.
Les résultats économiques dépendent du point de vue; on peut les voir d'en haut ou d'en bas. D'en bas, on considère surtout les différentes technologies et on essaie d'estimer ce qu'elles peuvent donner. D'en haut, on se sert de modèles d'équilibre économique et essaie de comprendre ce que le système économique peut tolérer.
On estime que, si on ne veut pas dépasser une teneur en CO2 qui soit du double dans l'atmosphère, le coût se situera entre une diminution de 3 p. 100 du PIB mondial et une légère augmentation par rapport au niveau de référence. Les niveaux de référence sont plutôt difficiles à évaluer, bien entendu, mais, au pire, l'impact sur la réduction annuelle moyenne du PIB jusqu'au milieu du siècle sera de l'ordre de 0,1 p. 100. Je ne suis pas économiste, mais je crois que la plupart des économistes situent ce chiffre dans la fourchette de l'erreur d'arrondi.
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D'accord. J'ai presque terminé.
La quatrième évaluation du GIEC donne beaucoup d'information sur ce que les pays peuvent faire pour réduire leurs émissions. Le plus intéressant peut-être, c'est que, après les économies d'énergie — ce que tout le monde comprend, puisque c'est l'objectif le plus facile à atteindre —, l'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments permet de très importantes réductions des émissions à un coût relativement faible.
Il me faut dire un mot de l'adaptation. Comme les impacts sont maintenant inévitables, l'adaptation devient de plus en plus impérieuse. Nous avons beaucoup d'expérience dans l'adaptation aux variations du climat d'aujourd'hui, mais le GIEC conclut qu'il faudra beaucoup d'autres mesures d'adaptation pour éviter certains des impacts les pires, peu importe l'importance de l'atténuation qui se fera au cours de deux ou trois prochaines décennies.
Enfin, j'ai dit au début, en m'appuyant sur le rapport du deuxième groupe de travail, que, s'il y a des avantages à considérer les changements climatiques sous l'angle du développement, des indications de plus en plus nombreuses montrent que les décisions sur la politique macroéconomique, la politique agricole, le développement multilatéral, les prêts bancaires, les pratiques en matière d'assurance, les réformes du marché de l'électricité, la sécurité énergétique et la conservation des forêts — qui sont souvent rattachées à la politique du climat — peuvent réduire les émissions de façon appréciable.
La vulnérabilité aux changements climatiques peut être exacerbée par d'autres facteurs. Si nous examinons ces facteurs non liés au climat et nous y attaquons — par exemple la pauvreté, l'inégalité de l'accès aux ressources, l'insécurité alimentaire, la mondialisation de l'économie, les conflits et la maladie —, nous pouvons aussi atténuer la vulnérabilité et améliorer notre capacité d'affronter la menace des changements climatiques.
Selon moi, la capacité d'adaptation est intimement liée au développement social et économique. Bien sûr, le développement n'est pas uniforme, mais le problème, c'est que les changements climatiques accentueront probablement la disparité entre riches et pauvres.
Merci, monsieur le président.
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Je n'ai pas l'impression que le public en général s'endurcisse. Ce n'est certainement pas le cas en Europe et en Afrique. C'est même tout le contraire.
La science et les scientifiques ont très bien sensibilisé l'opinion à ce problème et imposé cet enjeu dans la politique d'intérêt public. Les scientifiques ont fourni une information abondante.
La difficulté semble être la suivante: bien que les gens soient souvent sensibilisés et au courant, ils ont du mal à intégrer tout cela, à prendre conscience que ce n'est pas un problème abstrait, qu'ils font eux-mêmes partie du problème et peuvent faire partie de la solution. C'est sur ce point qu'il faudra désormais travailler très fort.
À propos de la démarche du GIEC, comme je l'ai dit, derrière chacun de ces rapports, il y a un document scientifique de 600 pages qui ressemble davantage à un manuel pour étudiants de troisième cycle. Il n'est pas vraiment accessible pour bien des décideurs. Le GIEC a donc eu l'idée de produire des résumés à leur intention. Voilà qui est unique dans le processus intergouvernemental de l'ONU.
Les scientifiques rédigent les résumés, qui sont ensuite présentés aux gouvernements. Il y a plusieurs étapes de révision qui font intervenir les gouvernements et les experts. Il faut s'assurer que ce qui est écrit est exact, utile et, par-dessus tout, équilibré.
Nous passons ensuite à la plénière du GIEC, où nous travaillons sur un grand nombre de ces résumés destinés aux décideurs; c'est une forme de négociation. Nous commençons par le texte des scientifiques, puis les gouvernements posent des questions ou proposent des interprétations légèrement différentes de ce qui est écrit. Il va de soi que les gouvernements n'envisagent pas tous les sciences de la même façon; il faut le comprendre. Selon moi, la plupart des gouvernements, à quelques défaillances occasionnelles près, ont eu une attitude très constructive.
Je suis désolé si je fais rougir M. Gray, mais il est certain que, à Valence, la semaine dernière, la délégation canadienne a été extraordinairement constructive et très utile dans le processus.
En définitive, lorsque le marteau tombe sur les derniers mots du document, tous les gouvernements présents à la plénière adhèrent à l'essentiel du document. Ils l'acceptent, reconnaissent qu'il est exact, important, utilisable, et disent qu'ils en tiendront compte.
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Ma formation est dans le domaine de la gestion des risques. Quand on détecte un problème, on en examine les causes et on le règle. J'aime utiliser des exemples. Si mon toit avait une fuite, je l'examinerais pour voir d'où elle vient. Je verrais si c'est quelque chose que je peux régler moi-même ou si je dois faire appel à un professionnel. Je réglerais essentiellement le problème pour éviter que ça cause d'autres dégâts.
Sur le plan professionnel, je travaillais avec des ingénieurs et avec la police pour déterminer où survenaient les accidents automobiles. Je devais souvent faire appel à des professionnels pour qu'ils examinent les causes d'un problème qui se posait à un carrefour déterminé et m'exposer les mesures pouvant éventuellement le régler. Nous faisions, naturellement, un essai et apportions les améliorations recommandées en espérant qu'il n'y aurait plus d'accidents.
J'aimerais, et j'encourage les autres membres du comité à le faire également, mettre l'accent sur les solutions. Je pense que toutes les personnes qui sont autour de cette table reconnaissent qu'il s'agit d'une situation urgente. Il est essentiel d'agir. Plutôt que de parler tout de suite des technologies auxquelles il faut avoir recours, j'aimerais le faire au cours du deuxième volet de mes questions.
Est-il très important pour nous qu'on règle ce problème à l'échelle mondiale et que tous les grands émetteurs participent à la réduction des émissions de gaz à effet de serre?
J'ai assisté à la conférence de Globe G8+5 à Berlin, et certains membres du comité m'y ont accompagné. Nous y avons entendu un législateur venant de l'Inde. Il a signalé que, dans ce pays, un millier de villages n'ont pas l'électricité. La solution rapide et facile pour leur fournir de l'électricité afin d'améliorer la qualité de vie de leurs habitants est la production par combustion du charbon qui non seulement libère des polluants dans l'air mais qui produit aussi des émissions de gaz à effet de serre.
Dans le résumé à l'intention des décideurs — je pense que c'est au chapitre 3 ou 4 — on signale l'importance d'un changement de notre mode de vie. Je pense que l'encouragement est pour nous de prendre conscience du fait que l'industrie doit faire de l'assainissement et que, pour cela, nous devons avoir recours à certaines technologies. Nous avons en outre la responsabilité, au niveau individuel, de choisir d'autres types de véhicules, de diminuer la quantité d'énergie que nous utilisons pour les véhicules, pour les transports et aussi d'améliorer nos habitations. Il peut s'agir, par exemple, d'installer une nouvelle chaudière, un nouveau chauffe-eau ou de remplacer les ampoules par des modèles plus écoénergétiques. C'est une partie de l'équation.
L'autre partie de l'équation concerne les demandes, à l'échelle mondiale, des personnes qui veulent un meilleur niveau de vie. Si nous voulons devenir plus efficaces, et c'est indispensable, et c'est également amusant... l'autre partie de l'équation sont les personnes qui, à travers le monde, veulent améliorer leur qualité de vie. Ça signifie davantage d'énergie, davantage d'émissions de gaz à effet de serre et davantage de polluants.
Ma première question — et j'espère qu'elle est sensée — est la suivante: est-il très important que non seulement le Canada adopte des politiques et que le gouvernement s'engage à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 p. 100 ou plus d'ici 2020, mais aussi que des pays comme l'Inde, la Chine et les États-Unis adoptent la même attitude, et s'engagent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre en respectant les objectifs dans ce domaine? Je pense qu'il est essentiel que ces grands émetteurs participent à la solution. Sinon, nous n'arriverons pas à réduire les émissions de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale.
Pourriez-vous faire des commentaires là-dessus, monsieur Weaver d'abord, puis M. Stone?
Le changement climatique est un problème mondial. Comme l'a signalé M. Weaver, c'est un problème mondial parce que le CO2 que nous émettons reste longtemps dans l'atmosphère. Il est bien mélangé et sa provenance n'a aucune importance.
La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques a tenu compte de ce facteur lorsqu'elle a été finalisée, en 1995. Le libellé de la convention mentionne des responsabilités communes mais différenciées, qui dépendent des émissions d'un pays par habitant. Les émissions totales de la Chine sont équivalentes à celles des États-Unis, mais elles sont beaucoup moins importantes par habitant. En d'autres termes, les émissions de la Chine par habitant sont très inférieures à celles des États-Unis.
Le concept des responsabilités communes mais différenciées tient également compte des questions de richesse. Certains pays, en raison de leurs richesses sur les plans technologique, économique, humain ou sur d'autres plans, ont la capacité de réduire leurs émissions davantage que d'autres. Vous avez mentionné des pays qui, comme l'Inde, sont encore pauvres.
La troisième raison, et il y en a probablement d'autres, est liée à l'histoire, à savoir que les pays industrialisés sont les responsables de la plupart des émissions atmosphériques actuelles et, par conséquent, de la plupart des répercussions que nous remarquons déjà et que nous observerons à l'avenir.
Oui, il est essentiel que tout le monde participe, mais il faut comprendre que les capacités de contribution diffèrent d'un pays à l'autre. Je pense que ce que les pays en développement attendent, c'est que les pays développés ou industrialisés, comme le Canada, montrent l'exemple. Je pense que nous avons tous intérêt à nous assurer que ces pays en développement ne suivent pas nécessairement nos traces pour ce qui est du type de développement, et à veiller à leur fournir les technologies, les connaissances et le savoir-faire nécessaires.
En ce qui me concerne, ce qui importe le plus en définitive, aussi valables que puissent être tous ces arguments — et je pense que vous avez posé une question très importante —, c'est qu'il faut passer à l'action et ce, immédiatement. Si nous continuons à tergiverser et à dire « Non, après vous, Alphonse », nous n'aurons jamais l'action dont nous avons absolument besoin.