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Je tiens à faire un commentaire à la décharge du greffier.
Quand nous invitons des témoins, nous leur disons toujours que, s'ils ont des documents écrits à présenter, ils devraient les faire parvenir au greffier le plus rapidement possible, pour que nous les transmettions aux membres à l'avance, pour qu'ils puissent les lire au préalable. Je peux vous dire que, dans les 15 années que j'ai passées ici, cette demande a sans doute été faite quatre ou cinq fois par année, chaque année.
Encore une fois, nous essayons de le faire, et je sais que le greffier s'efforce de le faire, mais, pour diverses raisons, il arrive bien souvent que nous ne les ayons pas. Je sais que Norm fait la demande à chaque fois et qu'il essaie de vous les obtenir.
L'autre aspect concerne la traduction. Nous ne pouvons distribuer les documents qui n'ont pas été traduits. Bien souvent nous les recevons dans une seule langue officielle, et nous ne perdons pas de temps pour ce qui est de les faire traduire dans les plus brefs délais.
Mais c'est une demande tout à fait raisonnable. Je sais que, bien des années, j'aurais aimé recevoir les documents deux ou trois jours à l'avance. Nous allons faire la demande, mais je ne peux pas vous promettre que nous les aurons toujours.
Saviez-vous également — peut-être n'étiez-vous pas encore arrivé — qu'en ce qui concerne la réunion de lundi, nous craignons que le ministre Haché du Nouveau-Brunswick ne puisse pas être des nôtres? À cause des inondations causées par le débordement de la rivière, l'Assemblée législative est maintenant sous l'eau. Les problèmes d'inondation sont assez graves. Donc, cela pose problème. Ainsi nous allons peut-être recevoir un seul témoin et éventuellement recevoir les témoignages de l'autre par téléphone ou par un autre moyen.
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Dans ce cas, pourrait-on déterminer que les amendements doivent être déposés au plus tard le 7? Nous avions choisi le 8 simplement pour donner un peu plus de temps à tout le monde, mais il me semble, Norm, que si nous optons pour le 7, il serait effectivement possible de les faire parvenir aux membres avant vendredi, de façon à ce qu'ils les aient pour le week-end.
Y a-t-il d'autres observations concernant la possibilité que la date limite soit désormais le 7 — c'est-à-dire, un jour plus tôt?
Une voix: C'est d'accord.
Le président: Très bien. Donc, la date limite est non pas le 8, mais le 7, et tous les amendements devront avoir été déposés au plus tard à cette date-là.
Nous allons vous faire parvenir un avis sur tout cela, pour que tout le monde soit au courant.
Je voudrais donc souhaiter de nouveau la bienvenue à nos invités. Nous vous sommes très reconnaissants d'être venus nous rencontrer, afin de nous aider à préparer l'étude article par article du projet de loi la semaine prochaine, de même que les amendements qui intéressent les membres. Donc, nous allons parler de la structure.
Comme le prévoit l'ordre du jour, nous allons commencer par entendre les propos de M. James Mitchell. Si vous prenez un maximum de 10 minutes pour votre exposé, il nous restera beaucoup de temps pour les questions des membres.
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Monsieur le président, merci infiniment pour votre invitation. Comme je l'ai indiqué au greffier, je n'ai pas de déclaration liminaire officielle, et c'est pour cette raison que les membres du comité n'ont pas reçu de texte dans les deux langues officielles.
Si vous permettez, je voudrais vous parler brièvement de mes antécédents et des raisons pour lesquelles j'imagine que vous m'avez invité à comparaître. D'ailleurs, je suis ravi d'être parmi vous.
Je dirige un petit cabinet d'experts-conseils à Ottawa qui mène des études portant sur des questions d'intérêt public et d'ordre organisationnel pour le compte du gouvernement du Canada. Ce cabinet existe depuis 14 ans. Avant cela, j'étais haut fonctionnaire au Bureau du Conseil privé, où j'étais chargé de questions liées à l'organisation du gouvernement.
Donc, le travail que j'ai accompli à la fois au sein et à l'extérieur du gouvernement porte essentiellement sur l'appareil fédéral, et c'est en cette qualité-là que j'ai récemment été nommé au groupe d'experts indépendants en environnement et développement durable nommés par la vérificatrice général afin d'examiner le mandat confié au Bureau du vérificateur général en ce qui concerne l'environnement et le développement durable.
J'ai été très heureux d'être membre de ce groupe d'experts indépendants, qui était composé de trois personnes. Nous avons déposé un rapport en décembre, qui est un document public, et dont le comité a sans doute déjà pris connaissance et, comme vous le savez évidemment, la vérificatrice générale a récemment nommé un nouveau commissaire.
Je suis donc à la disposition du comité, non pas en tant qu'expert sur des questions environnementales, même si j'ai appris pas mal de choses en tant que membre du comité d'experts indépendants, mais plutôt, me semble-t-il, en tant qu'ex-fonctionnaire qui connaît bien le fonctionnement du gouvernement fédéral.
C'est tout ce que je voulais vous dire.
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Je tiens à vous remercier de nous avoir invités à faire un exposé devant le comité. Nous pensions qu'il serait utile d'informer le comité du travail actuellement accompli par Statistique Canada relativement aux comptes et de la statistique de l'environnement et de vous expliquer un peu le rôle de Statistique Canada en ce qui concerne la collecte des données dans ce domaine.
Le rôle de Statistique Canada en ce qui concerne la fourniture des données consiste tout simplement à fournir une information neutre, crédible et indépendante du gouvernement pour appuyer les priorités stratégiques qui ont été définies. Notre engagement est donc de trois ordres: la transparence dans tout ce que nous faisons; l'adhésion à des normes de qualité bien établies et connues du public; et l'absence de toute ingérence, réelle ou perçue, de la part d'un groupe particulier.
Avec cette toile de fond, permettez-moi de vous parler un peu de notre programme de la statistique environnementale. Nous préparons des statistiques environnementales depuis les années 1970, contrairement à ce que peuvent penser bien des gens. Donc, ce n'est pas un programme nouveau, si ce n'est en ce sens qu'il a pris beaucoup d'expansion au cours des 10 dernières années environ.
À l'heure actuelle, le programme comporte quatre éléments qui sont liés à la statistique environnementale: 1) un nombre grandissant d'enquêtes sur l'environnement; 2) une série de comptes environnementaux, qui reposent sur des données obtenues de sources différentes — certaines émanent de nos enquêtes alors que d'autres, nous viennent de différents ministères fédéraux, et nous les organisons ensuite de manière à les rendre cohérentes par rapport aux statistiques économiques, entre autres; 3) des indicateurs de développement durable et de l'environnement que nous élaborons conjointement avec Environnement Canada et Santé Canada; et, 4) plusieurs rapports analytiques que nous préparons régulièrement.
Nous estimons que nous avons un vaste mandat pour couvrir tous les liens entre l'activité humaine et l'environnement. Il reste que nous essayons de mettre l'accent sur les liens immédiats entre l'activité humaine et l'environnement. Généralement, nous mettons de côté des mesures qui seraient jugées purement environnementales, telles que la concentration de gaz carbonique dans l'atmosphère. Nous ne préparons pas ce genre de données statistiques. À l'occasion, toutefois, nous présentons ce genre d'information dans certains de nos produits analytiques.
Nous avons apporté une liste de la série grandissante d'enquêtes sur l'environnement qui sont menées par Statistique Canada. Environ la moitié des enquêtes qui figurent sur la liste sont ce que je qualifierais d'enquêtes bien établies — c'est-à-dire, des enquêtes que nous menons depuis déjà plusieurs années. L'autre moitié correspond à des enquêtes plus ou moins nouvelles que nous avons lancées au cours des deux ou trois dernières années. Je vous signale celles qui sont nouvelles: l'Enquête menée auprès des ménages au sujet des comportements en matière environnementale; de nouvelles enquêtes sur la consommation énergétique; une nouvelle enquête sur l'utilisation de l'eau; une nouvelle enquête sur la qualité de l'eau; une nouvelle enquête, encore à l'étape de la conception, sur les émissions industrielles de polluants. Les trois dernières — celles sur la gestion des déchets solides, sur les dépenses liées à l'environnement et sur les technologies environnementales — sont des sondages que nous menons depuis environ 10 ans. Elles sont bien établies, et on peut donc dire qu'elles sont maintenant robustes.
Quand je décris notre programme des comptes environnementaux, je dis toujours que les trois caractéristiques de ce programme sont: l'uniformité, l'exhaustivité et la cohérence. Quand nous établissons des comptes environnementaux, nous essayons d'établir des bases de données environnementales structurées qui sont uniformes au fil du temps — autrement dit, elles présentent des variables qui sont mesurées de la même façon année après année. C'est très important pour les analyses des séries chronologiques. Nous essayons donc de présenter des comptes qui soient exhaustifs. Par exemple, si nous mesurons les gaz à effet de serre dans nos comptes environnementaux, nous essayons de présenter toutes les sources des gaz à effet de serre, et pas seulement quelques-unes d'entre elles.
La cohérence est importante aussi. Nous essayons de faire en sorte que nos comptes environnementaux soient cohérents à l'interne, de sorte que différents éléments des comptes permettent d'établir des liens avec d'autres aspects des comptes. Mais, un élément encore plus important est le fait que nous essayons de faire en sorte que nos comptes environnementaux cadrent avec les comptes économiques qui sont au coeur de l'activité fondamentale de Statistique Canada, et pour nous, c'est très important. Lier l'environnement et l'économie par l'entremise d'une série de statistiques présente des possibilités d'analyse extrêmement intéressantes.
Pour ce qui est du genre d'information que nous pouvons obtenir grâce à cette série de comptes environnementaux, il y a essentiellement trois mesures qu'ils nous fournissent: d'abord, des stocks de capital naturel; en d'autres termes, nous mesurons le bois d'oeuvre, l'eau, la terre, les minéraux, le pétrole et le gaz, et ce en termes à la fois monétaires et physiques; deuxièmement, de l'utilisation du capital naturel pour les matières premières et comme puits pour l'épuration des déchets produits par l'activité économique; et, troisièmement, les comptes nous permettent de faire une évaluation des dépenses engagées par les entreprises, les gouvernements et les ménages pour protéger le capital naturel.
Le troisième élément général du programme est une série — une petite série, je dirais — d'indicateurs du développement durable. Ces derniers sont élaborés conjointement, comme je vous l'expliquais il y a quelques instants, par Environnement Canada et Santé Canada. Ils sont publiés depuis 2005, et il y en a trois qui sont publiés. Le premier est un indicateur plus ou moins standard des émissions de gaz à effet de serre. Le deuxième est un indicateur un peu moins standard et légèrement plus intéressant de la qualité de l'air — c'est-à-dire, une moyenne, pondérée en fonction de la population, des concentrations d'ozone troposphérique et de fines particules. Et, le troisième est en réalité, non pas un indicateur, mais plus de 300 indicateurs, dont un consistant à mesurer la qualité de l'eau dans chacun des nombreux sites d'un bout à l'autre du Canada où la qualité de l'eau est mesurée par les gouvernements fédéral et provinciaux.
Et, enfin, nous produisons deux rapports analytiques qui sont préparés régulièrement. Le premier est un rapport que nous publions depuis de nombreuses années; en fait, il remonte aux années 1970. Il s'agit du rapport L'activité humaine et l'environnement, soit un recueil annuel de données environnementales de référence. Chaque année, nous préparons également un portrait statistique détaillé d'un enjeu particulier dont il est question dans le recueil. Donc, si vous regardiez le numéro du recueil de 2008, qui a été publié récemment, vous verriez que son article thématique porte sur les changements climatiques. Nous avons également examiné diverses autres questions: les transports et l'environnement, l'eau, l'énergie et l'environnement, ainsi que de nombreux autres enjeux importants.
Le deuxième rapport analytique est nouveau. Nous avons commencé à le publier tout dernièrement, et il s'agit d'un bulletin trimestriel de statistiques environnementales qui met l'accent sur les analyses, puisqu'il présente de courtes études analytiques sur différentes questions environnementales. Par exemple, nous avons récemment mené une petite étude sur les émissions de gaz à effet de serre; mais, plutôt que d'analyser les émissions du point de vue de la source de ces émissions, comme c'est le cas habituellement, nous avons examiné la demande qui existe pour les produits qui donnent lieu à la production d'émissions de gaz à effet de serre. Il s'agissait donc d'une étude des émissions de gaz à effet de serre menée dans une toute autre optique.
Comme tous les programmes, celui-ci a ses forces et ses faiblesses. J'ose espérer qu'il y a plus de forces que de faiblesses, mais certains jours, je n'en suis pas si sûr. Pour ce qui est des points forts, je dirais que le programme est bien fondé du point de vue conceptuel. Je veux dire par là que, d'une certaine manière, nous savons ce que nous voulons mesurer relativement à l'environnement et à l'économie, et ce que nous voulons mesurer est tout à fait conforme aux meilleures pratiques internationales dans le domaine de la statistique environnementale. De plus, nous avons établi les composantes essentielles d'un système d'information environnemental. Nous avons une bonne série d'enquêtes qui continue à croître; nous avons une série de comptes environnementaux; et, nous avons certains indicateurs environnementaux.
En même temps, les lacunes du programme ne sont pas insignifiantes, et j'ai énuméré un certain nombre d'entre elles ici dans mon document. J'insiste aussi sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une liste complète, mais ce sont les lacunes les plus importantes.
Nous n'avons pas non plus autant de données sur la quantité et la qualité de l'eau que nous le souhaiterions.
Nous ne savons pas grand-chose non plus sur les poissons, et quand je dis « nous », je parle de Statistique Canada. Je ne dis pas nécessairement que le gouvernement du Canada ne possède pas suffisamment de connaissances sur les poissons en général; il est évident que le MPO sait beaucoup de choses au sujet des poissons, mais je vous parle plutôt de ce que nous avons fait au niveau de la statistique environnementale et de nos comptes environnementaux.
De même, la pollution atmosphérique n'est vraiment pas aussi bien couverte qu'elle devrait l'être dans le cadre du système actuel. Il en va de même pour la pollution de l'eau et les terrains, à part les terrains agricoles et urbain. Et, je dirais que les écosystèmes ne sont presque pas couverts du tout.
Voilà donc quelques-unes des lacunes actuelles.
Enfin, je voudrais vous parler brièvement de ce que pourrait être le rôle de Statistique Canada — un rôle plus important — en ce qui concerne les données sur le développement durable. Je vous dirai simplement que Statistique Canada est disposé à fournir toutes les données dont le gouvernement peut avoir besoin pour établir des rapports sur le développement durable et, bien entendu, nous allons continuer à faire cela en respectant nos principes comme fournisseur d'informations autonome.
Je vais en rester là, monsieur le président. Merci de m'avoir écouté.
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Merci infiniment de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
Il y a quatre ou cinq éléments que je voudrais mentionner dans mon exposé liminaire. Je suis désolé de ne pas avoir pu vous fournir un texte écrit, mais il n'y avait pas assez de temps entre le moment où j'ai reçu l'invitation et la date de la réunion pour me permettre de produire un document écrit.
Pour commencer, je voudrais vous parler brièvement de moi-même, puisqu'il s'agit de la première fois que je rencontre la plupart d'entre vous.
Ma spécialité est la gouvernance en faveur du développement durable. En d'autres termes, comment peut-on réformer les structures et les procédures d'un gouvernement afin de favoriser la protection environnementale et le développement durable? J'ai un diplôme de premier cycle en sciences politiques de l'Université McGill, et un doctorat de l'Université Oxford. J'ai vécu longtemps au Royaume-Uni — une vingtaine d'années — où j'ai enseigné au Département de la politique, à l'Université de Sheffield, qui est l'une des trois ou quatre meilleures écoles de sciences politiques au Royaume-Uni. Je suis de retour au Canada depuis un peu moins de quatre ans, et j'enseigne actuellement à l'Université Carleton, où je suis titulaire d'une chaire de recherche du Canada en gouvernance pour le développement durable. Donc, le genre de choses dont vous parlez ici correspond tout à fait aux sujets des articles que j'écris et des conférences auxquelles j'assiste.
Ce qui m'intéresse tout particulièrement, c'est la situation dans les pays industrialisés avancés. Évidemment, le développement durable concerne également les pays en développement, mais je m'intéresse aux pays riches et aux mesures prises par les pays riches au cours des 20 dernières années en vue de rajuster leurs structures, procédures et politiques de gouvernance pour être à même de relever une nouvelle série de défis. Depuis quelques années, mon travail porte tout particulièrement sur les politiques en matière d'énergie durable et de changements climatiques. Par exemple, je travaille actuellement à un projet international portant sur le piégeage et l'entreposage du carbone, en vertu duquel nous comparons l'aspect politique et les politiques officielles de piégeage et d'entreposage du carbone dans environ sept pays développés, ainsi qu'au sein de l'Union européenne, vu comme une unité.
Voilà donc pour mes antécédents.
Je voudrais faire quelques observations générales, et j'espère qu'il sera possible, au cours de la période des questions, d'examiner d'autres détails par rapport à l'étude que vous menez actuellement.
Dans un premier temps, je voudrais dire que, à mon avis, il est assez évident qu'au cours des prochaines décennies — les trois, quatre ou cinq prochaines décennies — il faudra opérer une transformation fondamentale en ce qui concerne l'interaction des économies et des sociétés des pays développés. Les politiques environnementales modernes remontent à la période se situant entre 1968 et 1970. Dans les quatre décennies qui ont suivi — environ quatre décennies — il y a eu de grandes réalisations dans les pays développés. Par contre, de façon générale, le fardeau humain qui pèse sur les écosystèmes continue à s'alourdir et de nombreuses mesures de l'égalité environnementale mondiale dénotent une baisse, même s'il y a eu des améliorations spécifiques dans des lieux spécifiques permettant de régler des problèmes spécifiques, et notamment celui des changements climatiques.
D'après les plus récentes estimations, les pays riches devront sans doute réduire leurs émissions d'environ 80 p. 100 ou 90 p. 100 au cours des quatre prochaines décennies et demie. Cela suppose une transformation industrielle significative. Les gouvernements auront un rôle important à jouer dans cette transformation. Le gouvernement n'est pas le seul acteur, mais il y a des mesures que les gouvernements peuvent prendre afin de faciliter le genre de changement qui s'impose.
C'était il y a deux décennies environ que le rapport Brundtland a permis de faire connaître, à l'échelle internationale, cette notion de développement durable. Depuis au moins le Sommet de la Terre de Rio, les gouvernements de la grande majorité des pays du monde reconnaissent officiellement que c'est une bonne idée. C'est déjà tout un exploit, étant donné qu'il n'arrive pas bien souvent que de nouveaux principes normatifs deviennent des priorités politiques ou soient adoptés par l'ensemble des pays du monde. Les droits de la personne en est un, et l'histoire de l'acceptation progressive des droits de la personne comme norme admise à l'échelle internationale est très longue, ce qui ne veut pas dire que tout le monde respecte les droits de la personne. Le développement durable est un autre exemple de ce type de nouvelles normes.
L'un des principes clés — et il n'est pas le seul — qui sous-tendent le développement durable est celui de l'intégration: l'intégration des décisions environnementales, sociales et économiques ou — notamment dans les pays riches — l'intégration des questions environnementales dans la prise de décisions économiques. Tout le monde admet ce principe, mais dans la pratique, nous avons beaucoup de mal à changer nos institutions pour que cela se fasse dans la pratique. C'est-à-dire que nous examinons toutes ces dimensions au tout début du processus d'élaboration. Malgré tout, les gouvernements du monde entier sont encore aux prises avec ce problème, même si certains progrès ont été réalisés. Je vais me contenter de vous en citer des exemples — que vous connaissez sans doute tous, mais qui valent la peine d'être mentionnés, selon moi — d'institutions qui essaient de progresser en ce qui concerne l'intégration, voire même l'institutionnalisation du développement durable.
Le premier exemple est évidemment le récent projet de loi sur les changements climatiques déposé au Royaume-Uni, où il est proposé d'adopter des budgets carbone annuels en fonction d'un horizon quinquennal qui prévoit des réductions sur une base prospective jusqu'au milieu du siècle, de façon à inclure une perspective à long terme et des objectifs immédiats. Tous les cinq ans, ces budgets devront être réexaminés par le Parlement, de concert avec un organisme indépendant qui serait un peu comme une banque centrale, mais pas tout à fait si indépendant et important, mais dont le rôle consisterait néanmoins à évaluer les progrès accomplis et à porter un jugement important sur la situation.
Un autre exemple dont vous avez sans doute déjà entendu parler serait les objectifs environnementaux nationaux adoptés en Suède. Ils ont adopté une série intégrée de 16 objectifs qui, au départ, sont très généraux — de l'eau propre pour tous les Suédois — mais qui deviennent ensuite très concrets pour ce qui est des concentrations particulières de substances qui peuvent se trouver dans différents types d'eau. Ils sont désagrégés pour l'ensemble du pays, si bien que chaque municipalité sait exactement ce qu'elle a à faire au cours des cinq ou dix années qui suivent afin d'atteindre l'objectif en question.
Les stratégies de développement durable représentent une autre façon d'implanter ce genre d'approche intégrative. Il y a de nombreuses expériences internationales différentes, présentant différents degrés de succès, en ce qui concerne ce genre de stratégies de développement durable. Voilà ce qu'il est possible de faire, entre autres, grâce à de telles stratégies, même si vous en avez probablement déjà entendu parler, je pense qu'il est important d'insister là-dessus.
Premièrement, elles permettent aux décideurs de prendre du recul et d'avoir une vue d'ensemble qui s'appuie davantage sur le long terme — c'est-à-dire, non pas quatre ou cinq ans, mais 10, 15 ou 25 ans, et même au-delà. Elles permettent également de formuler des objectifs partagés, pour que l'on soit en mesure de déterminer avec précision si l'on s'approche de l'objectif visé ou si l'on s'en éloigne. On peut également revenir par la suite et se dire: dans ce cas, nous avons choisi le mauvais objectif, même s'il est préférable de faire cela de façon explicite et d'en tirer tous les bons enseignements. Les mesures et la surveillance, dont on nous a déjà parlé, sont très importantes parce qu'elles vous permettent de savoir ce que vous réussissez à faire et ce que vous ne réussissez pas à faire.
De plus, les stratégies de développement durable permettent au public de participer jusqu'à un certain point, car les débats qui portent là-dessus se passent au Parlement et sont rapportés par la presse, de se mettre régulièrement au courant de la situation et de se réinterroger sur l'orientation qu'il convient de prendre.
Enfin, je voudrais mentionner le caractère itératif de ces stratégies. Ce qui est important, évidemment, ce n'est pas le document stratégique proprement dit, mais plutôt le processus par lequel les institutions politiques réfléchissent de nouveau à l'orientation retenue et à la mesure dans laquelle il convient de la conserver.
Pour toutes ces raisons, le projet de loi que vous examinez est important, et lors de la période des questions, je veux bien vous fournir d'autres détails sur la façon de formuler tout cela.
Je voudrais au moins faire une petite mise en garde, qui est la suivante: même si elles permettent de faire beaucoup de choses, les stratégies de développement durable ne représentent pas la solution. Ce n'est pas comme s'il suffisait d'élaborer une excellente stratégie de développement durable pour que tous les problèmes se règlent d'office. Il y a de nombreuses raisons qui expliquent cet état de fait. L'une d'entre elles est évidemment la nécessité pour les dirigeants politiques, et pour des gens comme vous, de s'attaquer concrètement aux problèmes et de vouloir vraiment trouver des solutions. Il est tout à fait possible de mettre en place un processus officiel qui fonctionne très bien mais qui n'est d'aucune utilité réelle. Autrement dit, il permet la publication de jolis dépliants tous les deux ou trois ans que tout le monde paraphe mais qui n'a absolument rien à voir avec les décisions à prendre sur ce qui est important et sur les objectifs qu'il convient d'atteindre.
L'autre chose que je voulais vous dire est qu'une stratégie de développement durable — du moins celles que nous avons vues jusqu'ici dans les pays développés — n'est pas un processus de planification pleinement intégré et exhaustif qui englobe l'ensemble des décisions stratégiques au sujet de l'environnement. Ce n'est pas possible. C'est un processus qui permet de faire le point, de souligner l'importance de certains éléments et de se concentrer sur certains enjeux. Bien entendu, les décisions continuent d'être prises à différents niveaux hiérarchiques du gouvernement, y compris sur des questions comme les changements climatiques et d'autres questions précises qui peuvent éventuellement être intégrées dans ce processus, mais on ne saurait les subsumer dans ce même processus par suite d'une simple décision politique.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Chers témoins, merci de votre présence aujourd'hui. Nous sommes ravis de revoir la plupart d'entre vous.
Une voix: Nous sommes ravis de les revoir tous.
M. David McGuinty: En effet.
Je voudrais connaître davantage votre opinion — et surtout les vôtres, professeur Meadowcroft et monsieur Mitchell, du moins pour commencer.
Monsieur Mitchell, vous avez été beaucoup trop modeste en vous présentant tout à l'heure. On m'a toujours donné à entendre que vous étiez l'un des grands experts sur l'appareil gouvernemental canadien. Bienvenue au comité.
Je pense que nous serions tous prêts à reconnaître que le système, tel qu'il existe actuellement, est imparfait. C'est un excellent début. Il y a eu beaucoup d'investissements et nous avons réalisé de véritables progrès. Nous avons un commissaire, par exemple; la plupart des pays n'en ont pas. Nous avons établi des stratégies de développement durable; la grande majorité des pays n'en ont pas. Donc, selon moi, nous avons réalisé des progrès considérables au cours des 10 dernières années environ. Il faut également reconnaître, à mon avis, que des questions continuent d'être posées au sujet du lien entre le rôle du commissaire et celui d'un organisme central comme le Bureau du Conseil privé, par exemple.
Si vous me permettez de commencer par vous, monsieur Mitchell, nous, de ce côté-ci de la table, essayons de savoir si vous croyez que le projet de loi, tel qu'il est actuellement rédigé… Je présume que tout le monde a lu tous les articles du projet de loi. J'espère qu'on vous a remis la version modifiée. Je vous signale, à titre d'information, que la principale différence se situe au niveau des passages ou articles demandant la nomination d'un commissaire indépendant, qui ont tous été supprimés de la nouvelle version. Je ne suis pas sûr de savoir quelle version vous a été envoyée par le greffier, mais…
Un témoin: Il y avait deux versions.
M. David McGuinty: Deux versions? D'accord.
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Pourrais-je poser une question de suivi, dans ce cas? Monsieur Mitchell, je vais essayer de résumer les raisons pour lesquelles vous êtes contre l'idée d'un comité créé obligatoirement par le projet de loi. Je pense avoir résumé vos raisons en un mot, qui serait la nécessité de conserver une marge de manoeuvre suffisante pour les futurs premiers ministres, etc.
Quand on examine l'histoire du développement durable — je qualifierais ça, non pas de mouvement, mais plutôt de transition — et donc, de la transition vers le développement durable, dans les années 1987, 1988 et 1992, il était entendu que, si nous, en tant qu'État nation, souhaitions opérationnaliser ce concept en utilisant des moyens valables et utiles, il devrait y avoir — dans le contexte canadien, par exemple, c'est M. Mulroney qui a signé l'accord à Rio en 1992 — un seul ministre ayant l'ultime responsabilité de cette question, à savoir le premier ministre.
Maintenant, si cette structure ne convient plus… il faut bien comprendre, professeur Meadowcroft, que pendant cinq ans, lorsque j'étais président de la Table ronde nationale, je recevais sans arrêt la visite de jeunes qui me suppliaient de les aider à rédiger des SDD. Je peux vous dire que je suis entièrement d'accord avec ce que vous dites, et la situation que vous décrivez est tout à fait celle qui existe maintenant, car je reçois encore ce genre d'appels.
La question est donc la suivante: si ces pouvoirs ne sont pas confiés à l'organisme central qu'est le BCP, qui oriente mais n'exécute pas, et qui assume l'ultime responsabilité, à qui doivent-ils être confiés?
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Merci, monsieur Bigras.
La réponse dépend du domaine statistique dont on parle. Dans le cas des statistiques sociales et économiques, il est certain que la collaboration entre l'Institut de la statistique du Québec, ou ISQ, et Statistique Canada est très étroite. Il y a un partage de données pratiquement continu entre ces deux institutions.
Par contre, notre collaboration concernant les données environnementales ne fait que commencer. Je viens de signer avec l'ISQ — je crois que c'était la semaine dernière — une entente de partage de données portant sur une de nos nouvelles enquêtes. Nous commençons à appliquer dans le domaine de l'environnement les mécanismes de collaboration que nous appliquons dans les domaines économique et social depuis très longtemps.
Pour ce qui est du partage de données entre le fédéral et les provinces relativement à ce que j'appelle les données scientifiques, par exemple sur la qualité de l'eau, de l'air, etc., c'est davantage Environnement Canada qui établit ces ententes en vue d'assurer un partage de données efficace. À ce jour, Statistique Canada n'est pas très impliqué dans ce domaine. Par contre, étant donné que nous collaborons avec Environnement Canada et Santé Canada dans le cadre du projet sur les indicateurs de durabilité environnementale, nous commençons à nous impliquer davantage. Néanmoins, ces collaborations entre le fédéral et les provinces sont toujours du ressort d'Environnement Canada.
Est-ce que ça répond à votre question?
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Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
Mes questions vont surtout porter sur ce qui risque d'arriver si ce projet de loi entre en vigueur et sur les conséquences qu'il pourrait avoir sur le terrain. Par le passé, il nous est arrivé par moments de mettre davantage l'accent sur des plans grandioses et des déclarations audacieuses sur le développement durable et la protection environnementale. Mais, sur le terrain, nous n'avons aucune preuve que les décisions qui sont prises tiennent compte de priorités environnementales et que les Canadiens peuvent en observer les résultats concrets.
Ce qui m'intéresse, c'est d'incorporer dans ce projet de loi, si possible, des mesures de protection infaillibles, pour que, dans cinq ans, si ce projet de loi est en vigueur, nous puissions nous dire que cette mesure législative a constitué une étape importante dans la création d'un pays plus viable sur le plan environnemental. Or je ne suis pas convaincu que ce projet de loi contient toutes les mesures de protection infaillibles nécessaires pour que nous assurions la meilleure protection possible.
Monsieur Mitchell, je vous invite à réagir. Selon vous, quel a été le plus important échec du Canada jusqu'ici par rapport aux efforts déployés pour créer un environnement viable, et par rapport à l'écart entre la promesse de la viabilité environnementale et la réalité d'un changement significatif en ce qui concerne la façon dont le Canada mène ses activités? Si vous pouviez nommer une ou deux choses, d'après vous, quel serait l'échec le plus important du Canada, échec qui est à l'origine de cet écart?
Monsieur Meadowcroft, vos observations au sujet du piégeage et de l'entreposage du carbone m'ont fasciné, et j'espère laisser assez de temps pour solliciter d'autres observations à ce sujet. C'est l'une des solutions sur laquelle reposent les espoirs du monde entier. Si je ne m'abuse, vous avez dit que sept pays différents examinent cette possibilité, et j'espère donc laisser suffisamment de temps pour que nous en discutions.
Aujourd'hui, nous sommes saisis du . Monsieur Mitchell et monsieur Meadowcroft, je compte vous demander de faire part au comité de votre opinion du projet de loi.
Je crois savoir que vous avez reçu le projet de loi original de même qu'une autre version indiquant les changements proposés par les libéraux. Je ne vais pas vous demander de commenter cette deuxième version, car le fait est que nous avons tous des amendements à proposer, si bien que les propositions libérales ne sont pas particulièrement pertinentes pour le moment. Cela va peut-être vous donner une idée de l'orientation proposée par l'un des partis politiques représentés à cette table, mais nous discutons aujourd'hui d'une mesure qui nous a été renvoyée par la Chambre, et il s'agit du , non modifié.
Donc, à votre avis, quels changements faut-il apporter au ? J'ai pris beaucoup de notes pendant que vous parliez. Monsieur Mitchell, vous avez dit que, que nous adoptions ce projet de loi ou un autre, il faut surtout forcer le gouvernement à inclure… Si je ne m'abuse, vous étiez d'accord avec M. Meadowcroft pour dire que les questions économiques, sociales et environnementales doivent absolument faire partie intégrante de toutes les analyses faites par le gouvernement.
Le plus récent rapport du Commissaire portait sur 14 ministères différents; neuf d'entre eux avaient des résultats insatisfaisants, et cinq d'entre eux ont maintenant des résultats satisfaisants. Nous avons donc beaucoup de travail à faire. Comme d'autres l'ont déjà dit, au cours des 15 dernières années, les gouvernements n'ont pas reçu une bonne cote de la part du Commissaire. Est-ce à cause de la structure ou d'un manque de volonté? Qu'est-ce qui doit changer? Comment ce , dont nous sommes actuellement saisis, peut-il…?
Voilà la tâche qui a été confiée au comité. Il ne s'agit pas de renvoyer à la Chambre une mesure qui n'est que de la poudre aux yeux — un autre projet de loi qui donnera l'impression qu'on s'intéresse à l'état de notre environnement, mais plutôt une mesure législative de fond qui aura les effets que nous souhaitons tous; donc, que faut-il changer? S'agit-il de s'assurer que nous avons notre mot à dire?
Après la réunion d'aujourd'hui, il nous reste encore une. Nous aurons en tout quatre réunions avec des témoins, et nous passerons ensuite à l'étude article par article du projet de loi. À votre avis, allons-nous trop vite, ou est-il possible, en ce court laps de temps, d'en arriver à quelque chose de valable qui aura un effet positif?
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En réponse à la question du député, je dois dire que je respecte énormément l'auteur du projet de loi, et je tiens donc à ce que cela figure au compte rendu. J'aimerais tout de même faire les observations suivantes.
Premièrement, je ne suis pas sûr que ce projet de loi donne de bons résultats, étant donné que la définition d'une stratégie de développement durable qu'on y retrouve n'est pas celle que je préfère. Pour moi, il s'agit plutôt d'une stratégie permettant de régler des problèmes environnementaux importants, qui est différent, selon moi, d'une SDD, telle que je l'ai toujours comprise. Donc, la première question que les membres voudront peut-être se poser est celle-ci: s'agit-il d'une définition de SDD qui vous semble appropriée?
Deuxièmement, comme je l'ai déjà dit, personnellement, je ne suis pas tellement en faveur de l'idée que le Parlement adopte un projet de loi qui impose un certain mode de fonctionnement pour le système du Cabinet, et par conséquent, je ne suis pas sûr qu'on ait besoin de cette disposition-là. En fait, je vous la déconseille. À mon avis, il n'y a pas de mal à insister sur la nécessité d'une stratégie nationale de développement durable; je veux que ce soit bien clair. Donc, personnellement, je suis favorable à l'intention fondamentale du projet de loi.
Troisièmement — et je pense que le président a déjà fait allusion à cela — je ne suis pas tellement en faveur d'un « commissaire indépendant ». C'est une question distincte, mais je crois savoir que ce n'est plus ce qui est envisagé, si bien que je ne vais plus en parler.
Si je peux me permettre de vous expliquer brièvement ce en quoi devrait consister une stratégie fédérale de développement durable, je dirais qu'il ne doit pas s'agir d'un plan exhaustif englobant la totalité des activités gouvernementales, comme M. Meadowcroft vous l'a fait remarquer, me semble-t-il. Il faut choisir les éléments qui vont en faire partie. Elle doit présenter les principaux objectifs et les principaux problèmes qui seront ciblés par le gouvernement, un peu comme un discours du Trône ou les principales composantes d'un budget — plutôt que d'être un plan pour l'administration de toutes les affaires de l'État. Elle ne doit pas tout englober. Voilà donc un premier élément.
Deuxièmement, elle doit, selon moi, présenter des objectifs et indiquer de quelle façon les résultats obtenus seront mesurés par rapport aux objectifs fixés.
Troisièmement, elle doit exister sous la forme d'un document qui donne des conseils utiles aux ministères et organismes individuels, pour que ces derniers puissent faire cadrer leurs principales activités avec les principales orientations de la stratégie.
Enfin, je pense qu'elle devrait expliquer jusqu'à un certain point les normes en vertu desquelles la performance du gouvernement sera évaluée pour ce qui est de l'atteinte des objectifs de la SDD énoncés dans votre projet de loi.
Il est essentiel de s'en tenir à quelque chose de simple, de retenir la forme appropriée de SDD à élaborer, de parler d'objectifs significatifs, et d'obliger le gouvernement à répondre de l'atteinte ou non de ces objectifs.
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Oui, je suis d'accord avec la plupart des arguments qu'on vient d'avancer. Pour moi, l'intention fondamentale du projet de loi est tout à fait valable, parce que le Canada parle d'une stratégie nationale depuis longtemps, mais n'en a toujours pas.
Je pense que vous avez évoqué dans votre question la possibilité que les mécanismes, le manque de volonté politique ou autre chose soient le véritable problème. Je peux vous dire que ces deux éléments ont effectivement posé problème, mais je suis fermement convaincu que le mécanisme, tel qu'il existe actuellement, comporte un grave défaut, étant donné que chaque ministère élabore sa propre stratégie en vase clos. Il faut absolument une vision globale.
Si vous parlez d'une véritable stratégie, l'idée selon laquelle il faut établir un certain nombre de priorités stratégiques clés est absolument critique. Si vous examinez l'expérience internationale en ce qui concerne l'application de stratégies de ce genre, vous verrez que celles qui se sont révélées assez inutiles sont celles qui ont essayé d'intégrer la totalité des activités gouvernementales, dans l'idée d'incorporer absolument tout. Tout est donc incorporé. Vous incluez des énoncés du genre « réduire le nombre d'infractions liées au stationnement dans la ville ».
Ce qu'il vous faut, c'est une stratégie. Cela veut dire que vous déterminez que trois, quatre ou cinq questions sont d'une vive importance stratégique pour que le Canada se remette sur la bonne voie. Cela veut dire qu'il faut faire des choix politiques: les changements climatiques, la qualité de l'eau, l'érosion des sols, ou peu importe. Pour moi, c'est tout à fait fondamental. Mais l'absence d'une stratégie de ce genre signifie que certains ministères réussissent bien, comme vous le disiez tout à l'heure, et d'autres, non — et ce parce qu'il n'y a pas de vision nationale globale.
Je voulais également mentionner que la question de la collaboration avec d'autres gouvernements est très importante dans le contexte canadien. Il faudra donc prévoir un mécanisme dans le projet de loi qui favorise le consensus et la collaboration entre gouvernements, plutôt que d'encourager la dispute, si les gens réagissent en disant: « C'est de l'ingérence dans mon domaine de compétence », ou encore « Ne vous en mêlez pas, parce que cette question relève de ma responsabilité ».
L'observation que je vais vous faire maintenant n'a pas été sollicitée, mais comme j'ai vécu longtemps en Europe, j'ai assisté à l'évolution progressive de la politique environnementale de l'Union européenne, dans le cadre de laquelle cette dernière joue un rôle de plus en plus actif. Je dois dire que, à certains égards, les pays indépendants de l'UE collaborent davantage sur certaines questions environnementales que ne le font le gouvernement fédéral au Canada et les diverses administrations provinciales. Un exemple concret de cela serait les changements climatiques. Étant donné l'accord conclu par l'UE il y a bien longtemps à Kyoto, qui partageait le fardeau entre les différents pays, de sorte que les pays enthousiastes acceptent de se fixer des objectifs ambitieux, alors que ceux qui s'en fichaient, comme l'Espagne, ont pu se contenter d'un objectif de croissance, eh bien, grâce à cette entente politique qui a permis de partager le fardeau entre les pays membres, il leur a été possible de réaliser beaucoup de choses — la situation n'est pas parfaite, mais il y a eu beaucoup de progrès. Par contre, au Canada — où, pour toutes sortes de raisons historiques que vous connaissez très bien, cela n'a pas été le cas — en fait, vous n'avez pas pu progresser, étant donné que chacun restait dans son coin.
En conséquence, je pense qu'il est important d'aborder directement cette question dans le libellé du projet de loi, de manière à mobiliser les autres acteurs clés. Par contre, il faut éviter une structure qui ferait que rien ne puisse se faire si un seul acteur décide de ne pas adhérer à l'accord. C'est donc délicat.
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Merci, monsieur le président.
D'abord, j'aimerais mentionner que je suis content de voir que nos témoins anglophones peuvent se débrouiller merveilleusement bien en français.
J'ai envie d'essayer d'en faire autant.
Des voix: Ah, ah!
L'hon. Geoff Regan: Non, c'est trop pénible.
[Traduction]
Monsieur le président, par votre entremise, M. Meadowcroft a parlé de la nécessité d'opérer des changements fondamentaux en ce qui concerne la relation entre la population et l'environnement. Je n'ai pas noté ses propos exacts, mais il a parlé du fait qu'une transformation industrielle s'impose si nous voulons réduire nos émissions de 80 à 90 p. 100.
Monsieur Mitchell, êtes-vous d'accord à ce sujet? Dans l'affirmative, nous parlons de changements fondamentaux. La question qui se pose est celle-ci: en l'absence du genre de structure que propose ce projet de loi — une structure qui existerait au sein du Cabinet — et en l'absence du genre de modification structurelle qui s'est produite lors de la création du Conseil du Trésor, par exemple, comment pourra-t-on concrétiser ce genre de transformation? Vous parlez de changements fondamentaux; je n'en doute pas, mais, n'est-il pas vrai qu'il faut également des changements fondamentaux en ce qui concerne la façon de traiter cette question?
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Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous les témoins.
Ma question s'adresse à M. Mitchell. Vous avez abordé un sujet qui m'intéresse. On a un projet de loi devant nous. Vous l'avez étudié, je pense, avant de venir ici. Je vous réfère au paragraphe 5(2). Comme je suis juriste, je travaille au Comité de la justice, mais comme il ne fonctionne pas présentement, je suis disponible pour l'environnement. Je vais vous lire ce paragraphe afin de m'assurer qu'on se comprenne bien:
(2) Il adopte par conséquent les objectifs ci-après pour le Canada en matière de développement durable :
Passons maintenant au sous-alinéa (ii) qui dit:
(ii) en assurant une utilisation efficace et efficiente de l’énergie et des ressources,
C'est de ressort provincial. Au sous-alinéa (iii), il est dit:
(iii) en modifiant les habitudes de production et de consommation en vue de reproduire les cycles de la nature et de réduire ainsi radicalement la production de déchets et la pollution,
Une partie de cela relève du provincial.
Au sous-alinéa (v), on lit:
(v) en gérant bien ses ressources en eau [...]
Je parle de la province de Québec.
[...] par la protection et la restauration de la quantité et de la qualité de l’eau douce dans les écosystèmes canadiens;
C'est du domaine provincial.
Plus loin, à l'alinéa c), il est écrit:
c) faire en sorte que l’agriculture canadienne fournisse des aliments sains et nutritifs tout en protégeant les terres, l’eau et la biodiversité;
À ce que je sache, c'est d'intérêt provincial. Selon le droit civil, c'est la province qui a la propriété des terres, des mines et de l'eau.
Ensuite, à l'alinéa d), on parle de la protection des écosystèmes et à la dernière ligne, il est écrit: « parcs et réserves intégrales; ».
Est-ce qu'on parle des parcs fédéraux, ou des parcs provinciaux? Je demeure à côté d'un parc national provincial. De quoi parle-t-on? Voyez-vous où je veux en venir? Ma question viendra par la suite, pour vous guider.
Ensuite, à l'alinéa e), il est écrit:
e) faire en sorte que les villes canadiennes deviennent dynamiques, propres [...]
À ce que je sache, c'est du ressort municipal. Les règlements municipaux ne relèvent pas de nous.
La question que j'ai à vous poser est simple. Si on adopte une loi — vous avez utilisé le terme et vous m'avez effectivement devancé, mais je trouve que vous avez résumé ma pensée —, Il y a une obligation législative. Cela veut dire que si je dicte une loi sur le développement durable, si je commence à jouer dans l'eau, on va commencer à avoir des problèmes au Québec. Si je commence à jouer dans les forêts, j'ai des problèmes dans le lac Saint-Jean. Si je commence à jouer dans les mines, j'ai des problèmes dans à peu près toutes les provinces. Donc, si je rédige une loi, j'oblige quelqu'un. Certaines provinces vont coopérer, mais d'autres se braqueront contre le gouvernement parce qu'il semble y avoir de l'ingérence dans les champs de compétence des provinces. Les provinces réagiront très négativement à une telle situation parce que chacune a ses difficultés, soit en raison du pétrole ou de l'eau. Une province n'aimerait pas que le gouvernement fédéral lui dise que 194 de ses lacs sont pollués par les algues bleues, et qu'il lui offre de l'argent en lui disant quoi faire. On sait aussi que les transferts sont donnés aux provinces, mais elles en font ce qu'elles veulent par la suite.
Comment se débrouiller avec cette loi, qui me semble très bien écrite, mais qui intervient directement dans les champs de compétence des provinces?
J'attire votre attention sur les éléments qui se trouvent dans la colonne 2 de l'annexe 1. Il est question d'améliorer l'efficacité environnementale. On parle de consommation d'eau — c'est du domaine provincial. On parle de consommation de matières — on ne sait pas ce que c'est — et de consommation d'énergie — encore une fois, c'est du domaine provincial.
Ce sont de grands sujets. On ouvre une boîte de Pandore. Cela ressemble à un plan à la soviétique, d'une certaine façon.
Vous avez introduit, selon moi, un élément important. Vous semblez d'accord... Nous sommes tous d'accord qu'il faut protéger l'environnement, mais il ne faut pas créer un problème plus grand que celui qui existe déjà. On a dix provinces, trois territoires, et ils ont tous des compétences.
Imaginez les premières nations quand ils ont négocié l'accord de la Baie James. Avez-vous déjà vu des Autochtones négocier? Je vous le dis, c'est plus ardu que vous le pensez. Vous allez voir que ce qu'on dira ici, ils vont s'en balancer. C'est pour cette raison que j'aimerais connaître votre opinion. Au bout du compte, si nous devons adopter cela, il faut prévoir que des problèmes surviendront tôt ou tard.