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Oui, bien sûr, monsieur le président. Je vous remercie beaucoup.
Je suis accompagné de M. David McGovern, qui est sous-ministre adjoint à la Direction générale des affaires internationales au ministère de l'Environnement, ainsi que par MM. Mark Berman et Normand Tremblay, qui faisaient également partie de l'équipe à la Conférence de Bali et ont pris part aux négociations à différentes occasions.
Je vous remercie pour votre invitation qui nous donne l'occasion de vous faire état de différents aspects de la Conférence sur le changements climatiques tenue à Bali au début décembre. Le ministre a participé à la session de haut niveau tenue dans le cadre de cette conférence, alors que mes collègues figuraient parmi ceux qui ont préparé le terrain.
Lors de ces négociations, le ministre a pu compter sur le soutien d'une délégation composée d'experts de différentes instances gouvernementales, y compris le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, le ministère des Ressources naturelles et l'ACDI.
En outre, le et la délégation canadienne ont également eu droit aux judicieux conseils et à l'aide précieuse de quatre conseillers: l'honorable Pierre-Marc Johnson; Mary Simon, présidente de l'Inuit Tapiriit Kanatami; Ian Morton, fondateur de la Fondation Air pur; et Elizabeth Dowdeswell, ancienne directrice générale du Programme des Nations Unies pour l'environnement.
Je n'apprends rien aux membres du comité en soulignant que la conférence a attiré l'attention partout dans le monde. Elle a marqué la fin d'une année au cours de laquelle le public et les médias se sont intéressés comme jamais aux négociations internationales concernant les changements climatiques. Elle a également bien sûr servi de point de départ à un autre processus de deux ans de négociations intensives.
Parmi les événements de l'an dernier qui ont mené à la Conférence de Bali, il faut noter la participation du premier ministre à la réunion de haut niveau du Secrétaire général des Nations Unies concernant les changements climatiques. Le premier ministre a alors présenté les principes sous-jacents de l'approche du Canada en vue de dégager un consensus à la Conférence de Bali. Il s'agissait notamment de trouver un juste équilibre entre protection environnementale et prospérité économique, de se montrer réalistes sur le plan économique et d'éviter de nuire indûment à la croissance d'un pays en particulier. Il fallait aussi dégager une vision à long terme permettant d'établir un nouveau cadre international définissant l'ampleur et le calendrier de réduction des émissions internationales d'ici 2050. Du point de vue technologique, l'objectif était d'appuyer le développement et le déploiement de technologies nouvelles et améliorées, y compris des mécanismes institutionnels, des mesures encourageant les investissements du secteur privé et des initiatives directes de financement pour le transfert de technologies générales.
L'inclusion de tous les grands émetteurs est un autre des principes préconisés. En outre, le cadre établi doit être suffisamment souple pour permettre aux pays et aux secteurs de respecter leurs divers engagements et de poursuivre leurs efforts lors des différentes étapes.
Comme je l'ai indiqué, monsieur le président, l'approche de notre délégation à Bali reposait sur ces principes.
Nous avons tenté d'inclure les principaux émetteurs dans les nouveaux processus de négociation. Il va sans dire que l'objectif ultime de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques ne pourra être atteint si seulement un petit nombre de pays réduisent leurs émissions, aussi importants ces pays soient-ils. Dans le cadre du protocole actuel, seuls les pays développés, qui sont responsables d'à peine 30 p. 100 des émissions à l'échelle mondiale, sont tenus de réduire leurs émissions. Le Canada estime que les principaux émetteurs comme les États-Unis, la Chine et l'Inde devront prendre des mesures concrètes et efficaces.
Nous avons tenté d'établir un nouveau processus de négociation assorti obligatoirement d'un mandat clair et d'un calendrier pour la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Nous sommes heureux de pouvoir dire aujourd'hui — et les membres du comité le savent déjà — que toutes les parties étaient d'accord pour dire que l'élaboration d'un nouvel accord international sur les changements climatiques exhaustif et efficace constituerait un important pas en avant.
Nous avons tenté de fixer une date limite commune pour les deux séries de négociations qui allaient se poursuivre: les négociations en cours entre les pays membres du Protocole de Kyoto et le processus nouveau et élargi pour toutes les parties à la convention.
Pour que les recommandations qui découleront de ces négociations puissent être appliquées à un nouvel accord exhaustif, il était essentiel que les deux processus se terminent à la même date. Ainsi, les engagements établis dans l'un des processus seraient pris en pleine connaissance de ce qui aura été convenu dans l'autre processus de négociation.
Nous avons essayé de nous assurer que l'examen du Protocole de Kyoto, prévu en 2008 selon les règles du protocole, soit un examen en profondeur. Il est important que celui-ci ne porte pas seulement sur les réductions des émissions obtenues jusqu'à maintenant en vertu du protocole — autrement dit, sur la performance des parties — mais également sur les mécanismes et la structure de celui-ci de manière à en évaluer l'efficacité.
Enfin, nous avons voulu profiter de la conférence de Bali pour rendre opérationnel un fonds sur l'adaptation s'appuyant sur une gouvernance appropriée. Ce fonds a été établi en 2001 à titre de mesure volontaire dans le cadre du protocole pour appuyer les projets locaux. Avant la conférence de Bali, ce fond n'était toujours pas opérationnel et, comme il s'agit d'une priorité importante pour les pays moins développés et les petits états insulaires, un des objectifs de la conférence de Bali était la mise en oeuvre de ce fonds.
Compte tenu du temps à ma disposition, monsieur le président et membres du comité, je vais vous parler très brièvement de notre très ambitieux programme de rencontres bilatérales, y compris des discussions avec le secrétaire général des Nations Unies concernant nos perspectives mutuelles sur un accord pour la période suivant 2012, ainsi que des discussions avec un certain nombre de pays représentés à la conférence.
Le Canada participe activement au travail d'un regroupement de pays qu'on appelle le groupe de coordination qui offre une tribune utile pour discuter des points à l'ordre du jour et des positions communes possibles. Le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, les États-Unis, la Norvège, l'Islande, le Kazakhstan, la Russie et l'Ukraine font partie de ce groupe de coordination. Il s'agit pour ainsi dire de l'un des sous-groupes de pays qui se rencontrent régulièrement pour faire avancer les négociations.
Les négociateurs du Canada se font souvent demander de présider divers groupes de négociation ou de contact à l'occasion de ces rencontres. À Bali, des négociateurs canadiens ont ainsi été invités à diriger un certain nombre de négociations, notamment sur la conformité au protocole, la modification visant à inclure le Bélarus dans le protocole, la mise en oeuvre du fonds d'adaptation et les rapports nationaux liés à l'Annexe 1.
Voici, selon nous, les principaux résultats de la conférence de Bali. Il y a d'abord le lancement d'un processus de négociation officiel visant l'élaboration d'un accord pour l'après-2012, à savoir le plan d'action de Bali.
Deuxièmement, ce plan d'action, qui comprendra un programme clair et un plan de travail, s'appuiera sur quatre composantes de base: l'atténuation, l'adaptation, la technologie et le financement.
Inspiré par la nécessité d'obtenir des réductions importantes des émissions internationales, ce nouveau processus définira les engagements pris par les pays en développement en matière d'atténuation et obligera ces derniers à prendre des mesures d'atténuation mesurables, déclarables et vérifiables. Nous sommes disposés à fournir de plus amples détails au comité à cet égard.
Troisièmement, il y a eu consensus quant à la nécessité de conclure la négociation des nouveaux engagements pour les pays en développement au sein du protocole d'ici 2009, soit en parallèle avec l'accord de l'après-2012 et pour y contribuer.
Enfin, il est nécessaire de rendre opérationnel le fonds d'adaptation.
La conférence de Bali a donc constitué un point de départ positif pour les deux prochaines années de négociations qui s'annoncent, comme je l'ai déjà mentionné, intenses et difficiles.
Deux séries de réunions parallèles auront lieu tous les trois ou quatre mois en 2008-2009 sous l'égide des Nations Unies dans le cadre du nouveau processus de négociation et du processus en cours du Protocole de Kyoto. Les premières réunions sont prévues pour avril 2008. La prochaine rencontre des ministres aura lieu à Poznan, en Pologne en décembre prochain à l'occasion de la 14e conférence des parties. Les négociations se poursuivront sur les deux tableaux en 2009 dans le but de mener à un accord international lors de la 15e conférence des parties, à Copenhague en 2009.
Mes collègues et moi-même nous ferons un plaisir de vous donner de plus amples détails à ce sujet.
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Membres du comité, merci de m'avoir invité à parler de ma perspective de Bali à titre de membres d'une délégation canadienne de jeunes à la 13
e Conférence des parties.
En 2006, quand le gouvernement a trahi ses obligations internationales énoncées dans l'Accord de Kyoto et a annulé les programmes existants relatifs au changement climatique, de jeunes représentants de plus de 45 organisations commerciales, syndicales et environnementales se sont réunis à Toronto pour créer la Coalition canadienne des jeunes pour le climat. En décembre 2007, la CCJC a rassemblé une équipe de 32 jeunes Canadiens de milieux et d'intérêts divers, unis par leur détermination à affronter la plus grande menace qui ait jamais pesé sur la race humaine, soit le changement climatique.
La délégation de jeunes Canadiens à Bali a reçu bon accueil à la conférence. Dans le cadre de la participation de jeunes du monde entier à la 13 e Conférence des parties, nous avons contribué à une intervention sur l'article 6 concernant l'éducation et à une présentation lors d'une séance plénière de haut niveau. Les membres de la délégation ont rencontré le porte-parole du NPD pour l'environnement, Nathan Cullen, le porte-parole du Bloc québécois pour l'environnement, Bernard Bigras, le chef du Parti libéral, Stéphane Dion, les représentants de plusieurs ONG, le ministre de l'Environnement du Québec, ainsi que ceux de l'Ontario, de l'Alberta, du Royaume-Uni et d'ailleurs.
Le ministre John Baird n'a pas assisté à la discussion, et il a été le seul représentant à refuser de rencontrer la délégation de jeunes du Canada, au contraire de ses prédécesseurs. Pendant toute la durée de la conférence, le bureau du ministre n'a manifesté aucun intérêt pour les points de vue des jeunes Canadiens et a jeté aux orties les principes fondamentaux de transparence, d'ouverture et de civisme. Ils ont même refusé de recevoir une pétition portant les signatures de plus de 60 000 Canadiens.
Nous sommes allés à Bali non seulement pour protester contre l'injustice, mais pour travailler avec notre gouvernement, pour notre pays et le monde, sur un problème qui touche directement notre avenir. L'attitude belliqueuse de ce gouvernement ne s'affiche pas qu'à l'égard de la délégation de jeunes Canadiens. Même si les efforts déployés dans le passé ont été insuffisants, notre pays était à une époque un collaborateur respecté dans les efforts internationaux pour lutter contre le changement climatique. À Bali, la question qu'on nous a le plus souvent posée, à moi-même et à d'autres membres de la délégation, c'est qu'est-il arrivé au Canada? D'anciens alliés dans la lutte contre le changement climatique se sont montrés secoués par la position de notre gouvernement.
Le Canada a été l'un des derniers pays à signer le plan d'action de Bali, et sa réticence à le faire jusqu'à la toute dernière minute démontre le manque de leadership de ce gouvernement. La position du gouvernement Harper a été qualifiée d'« immorale » par un délégué du Bangladesh, de « récalcitrante » par un délégué de la Chine, d'« obstructionniste » par un délégué de l'Allemagne, et le haut diplomate des Nations Unies a affirmé que notre position était « hypocrite ». L'absence de notre ministre de l'environnement à d'importants événements a fait tâche sur le rendement de notre gouvernement à la Conférence des parties. Le ministre Baird a manqué de respect à un public international en choisissant de ne pas assister à sa propre présentation du nouveau plan du Canada, intitulé « Prendre le virage ». Le comportement même du ministre, à certains égards, notamment quand il s'en est violemment pris au fondateur d'une importante ONG internationale, a été un embarras public pour le Canada.
La délégation de jeunes Canadiens est soulagée que la communauté internationale ait convenu de négocier avant 2009 un cadre post-2012 en vue, on l'espère, de résoudre la crise climatique mondiale. Cependant, à cause de l'inaction de ce gouvernement, cette entente manque de vigueur dans ses objectifs et ses échéances. Nous avons relevé trois grandes constantes dans le comportement de notre gouvernement à Bali: tout d'abord, un mépris de la démocratie, des droits et des libertés fondamentaux; deuxièmement, un mépris pour le processus international; troisièmement, un mol engagement dans la lutte contre les changements climatiques pour assurer un avenir sain et durable.
À Bali, la délégation de jeunes Canadiens a promis à notre gouvernement qu'elle ne s'en tiendrait pas là. Je suis ici pour vous aviser de la résolution de milliers de jeunes Canadiens de faire assumer à ce gouvernement la responsabilité de ses défaillances à Bali.
La délégation présente les trois recommandations qui suivent au comité pour nettoyer les dégâts causés à Bali par le ministre Baird et le gouvernement Harper.
Tout d'abord, le Canada doit assainir ses propres affaires. Le gouvernement doit immédiatement imposer des réductions des émissions correspondantes aux efforts internationaux pour prévenir une hausse de deux degrés Celsius de la température mondiale. Nous avons beau tergiverser, les preuves scientifiques sont là. Cela signifie que nous devons faire en sorte que les combustibles fossiles ne soient plus la base de notre économie, et ce, au cours de ma vie. Plus nous attendrons, plus nous le paierons tous cher.
Deuxièmement, le gouvernement canadien devrait englober continuellement les jeunes dans les débats sur le changement climatique.
Enfin, le comité devrait produire un rapport pour expliquer l'échec du gouvernement à Bali, en insistant particulièrement sur le manque d'engagement flagrant du ministre Baird à l'égard d'un dialogue constructif sur le changement climatique.
Cela a été pour moi un privilège que de participer à la conférence de Bali, bien que je regrette profondément le rôle que notre gouvernement y a joué. J'espère néanmoins que tous les membres de ce comité entreprendront avec nous de corriger l'orientation qu'a prise ce gouvernement relativement à des enjeux d'une importance fondamentale pour notre avenir.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je vais essayer de parler de quelques-uns des plus grands enjeux concernant Bali, et ce qui est réalisé, plutôt que seulement du point de vue du Canada — du moins, dans mon intervention. Je parlerai néanmoins des conséquences pour le Canada, et je répondrai avec plaisir à vos questions sur le Canada et Bali si vous en avez.
Tout d'abord, est-ce que Bali a été un succès? Si vous permettez une analogie avec le baseball, bien que l'entente finale qui a été conclue à Bali fut loin d'être un coup de circuit, ça n'a pas non plus été un retrait au bâton. Je dirais que c'était peut-être un simple coup amorti. Le monde entier est au but pour parler du changement climatique, mais de justesse. Nous entrons maintenant dans les dernières manches de ce défi global fondamental.
Qu'est-ce qu'a réalisé Bali? Eh bien, ne négligeons pas certaines décisions extrêmement utiles qui ont été prises pour éviter la déforestation, les progrès qui ont été faits au plan du transfert technologique, et un accord important sur l'exploitation du fonds d'adaptation novateur.
Pour la période post-2012, des décisions ont été prises qui constituent un plan d'action qui permettra, on l'espère, aux pays de fixer de nouvelles cibles d'ici à la fin de 2009 à Copenhague. Un guide clair aurait néanmoins été préférable, particulièrement pour les principales économies en développement.
Ce qui ne s'est pas réalisé à Bali, malheureusement, c'est une entente sur ce qui devrait être une cible globale en vue de la réalisation de l'objectif ultime de la conférence. Je comprends bien et je suis tout à fait d'accord avec les attentes de base qu'avait déjà signifiées le gouvernement canadien à propos de Bali, et elles se sont concrétisées, mais je pense qu'il devenait aussi de plus en plus essentiel que la communauté mondiale se concentre sur un objectif global.
Je sais bien que l'atteinte d'un pareil objectif serait une réalisation phénoménale, mais je suis de plus en plus convaincu que la communauté mondiale doit focaliser son attention sur un tel objectif si nous voulons le moindrement faire des progrès dans les négociations ces deux prochaines années.
À part la formulation du cadre de référence des démarches d'atténuation des pays développés et en développement pour la période post-2012, l'enjeu probablement le plus litigieux dans les négociations aura été la détermination de l'ampleur de la réduction que devraient réaliser les pays développés pour éviter la hausse de la température terrestre de plus de deux degrés Celsius.
Le GIEC n'a pas... Soyons clairs. Je suis l'un des auteurs principaux du GIEC, et je sais ce qu'il fait et ce qu'il ne fait pas. Il ne fait pas de recommandations; il présente des rapports de synthèse de la documentation. Ce qu'il a dit, c'est que si nous voulons éviter une hausse de deux degrés Celsius, les pays de l'OCDE doivent réduire leurs émissions de 25 à 40 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990 d'ici à 2020. Mais — et il est intéressant que cela ait été omis de la discussion — cela signifie aussi que les principaux pays en développement devront exiger de leurs entreprises un volte-face par rapport aux scénarios de maintien du statu quo d'ici à la même date.
La véritable question qui se pose, c'est pourquoi craignons-nous tellement les deux degrés, maintenant? Est-ce que nous ne pourrions pas, sinon nous épanouir, du moins composer avec un monde qui a trois degrés de plus, si tout en nécessitant tout de même d'importantes réductions dans les prochaines décennies, cela nous donnait considérablement plus de temps pour effectuer les énormes changements qui s'imposent?
Le problème, c'est le pendant des constatations du GIEC, qui conclut dans son rapport de synthèse que même avec un scénario de deux degrés, nous allons assister à des changements très réels dans l'écosystème mondial. Avec un scénario de trois degrés et demi, c'est presque l'apocalypse. Quelque 40 à 70 p. 100 — je le répète, 70 p. 100 — des espèces du monde risqueraient l'extinction.
S'il y eut jamais un grand dilemme, c'est maintenant, particulièrement pour le Canada. D'un côté, nous sommes destinés à être l'un des pays les plus touchés par le changement climatique, avec des conséquences potentiellement désastreuses pour nos villes et nos écosystèmes du Nord; et de l'autre, nous avons l'une des économies membres de l'OCDE les plus réticentes à réduire nos émissions de carbone.
La voie à suivre pour le Canada? Tout d'abord, j'ai été réconforté par les commentaires du premier ministre dans son entrevue, pendant les Fêtes, avec la CBC. Il disait que les preuves scientifiques sont convaincantes, qu'il y aura des coûts et des responsabilités pour le Canada, et que nous devons faire preuve de leadership tout en suscitant clairement une réponse globale à laquelle participeraient toutes les grandes économies du monde.
Deuxièmement, nous devons non seulement accélérer la mise en oeuvre du plan actuel, mais faire un suivi des recommandations de la table ronde nationale relativement à la nécessité de fixer un prix élevé pour le carbone, en déterminant maintenant comment le Canada compte atteindre son objectif provisoire de réduction des émissions de 20 p. 100 comparativement aux niveaux de 2006.
Le gouvernement doit aussi proposer des solutions pour réaliser d'autres réductions d'ici à 2020, notamment en faisant de 1990 l'année de référence, et que ces solutions aillent plus dans le sens vers lequel nous pousse maintenant la science avec beaucoup de conviction.
Troisièmement, le gouvernement devrait accepter que le seuil de réchauffement global à ne pas dépasser soit fixé à deux degrés centigrades, ce qui obligerait les pays développés à réduire leurs émissions de 25 à 40 p. 100. Il devrait également insister pour que les grands pays émergents adoptent des mesures équivalentes et, à tout le moins, commencent à souscrire à des objectifs de limitation des émissions dès 2020.
Quatrièmement, la position soi-disant légitime du Canada risque, lors des négociations post-2012, d'être sérieusement minée par le fait que nous sommes incapables de dire comment nous entendons maintenir notre statut en tant que pays signataire de Kyoto si nous ne respectons pas nos engagements de réduction en vertu du protocole.
Le Canada compte-t-il se conformer aux dispositions touchant au non-respect des engagements que prévoit le protocole? Si oui, nous devrions le dire. Si non, nous devrions faire montre de respect à l'égard de la communauté internationale et signifier que le Canada entend se retirer du protocole.
Je vais m'arrêter là-dessus, monsieur le président. Merci beaucoup.
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Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Chris Henderson, et je suis le directeur général d'EXCEL Partnership. Je compte aujourd'hui faire trois choses: vous expliquer qui est EXCEL, vous exposer le point de vue du groupe sur la conférence de Bali, et vous proposer des pistes de solution.
EXCEL, qui veut dire « Excellence in Corporate Environmental Leadership », est une association qui regroupe des entreprises comme Alcan, B.C. Hydro, Dofasco, EnCana, RBC, Teknion, Suncor, DuPont, pour ne mentionner que celles-là.
Seules les sociétés qui jouent un rôle de chef de file dans le développement durable peuvent faire partie du groupe.
EXCEL est affiliée au World Business Council for Sustainable Development, une coalition d'entreprises qui s'intéressent au développement durable à l 'échelle planétaire. Vous pouvez devenir membre d'EXCEL si vous vous engagez, par le biais de programmes de protection de l'environnement et de développement durable, à atteindre certains objectifs de rendement.
Concernant les changements climatiques, si vous jetez un coup d'oeil aux résultats du Carbon Disclosure Project, vous allez constater que les sociétés qui se démarquent au chapitre de la divulgation des données, des responsabilités et des mesures d'exécution font toutes partie d'EXCEL Partnership. Nous ne sommes pas ici pour faire du lobbying. Nous ne sommes pas un groupe de lobbyistes.
Partenariat d'apprentissage, EXCEL a vu le jour il y a environ 10 ans. Les membres se réunissent régulièrement en vue de discuter des défis que posent l'environnement et le développement durable et des possibilités d'action qui existent dans ces domaines. Tous les secteurs d'activité collaborent ensemble. Les sociétés qui font partie du groupe proviennent de 10 ou 12 secteurs différents.
EXCEL a été invitée à comparaître devant le comité en raison des liens qu'elle entretient avec le World Business Council for Sustainable Development.
J'aimerais vous parler de la conférence de Bali — et certains de nos membres y étaient — , mais du point de vue des entreprises. Je vais laisser à d'autres, mieux qualifiés que moi, le soin de commenter la nature du protocole et les négociations. La conférence de Bali a produit trois résultats qui présentent un certain intérêt. Je tiens à préciser que je suis d'accord avec l'analogie de John Drexhage: nous n'en sommes encore qu'aux premiers stades et les progrès sont limités.
D'abord, nous aimons bien l'idée de fixer des cibles sectorielles mondiales. La concurrence entre les secteurs économiques constitue un point important pour les entreprises canadiennes. Cela n'empêche pas le Canada d'adopter des règlements. Toutefois, nous jugeons le concept intéressant.
Ensuite, le fait que les autres principaux acteurs, ceux qui n'ont pas signé les ententes, et je fais allusion aux États-Unis et aux grands pays en voie de développement, participent à l'effort constitue un signe positif. Nous appuyons le cadre de négociations post-2012 qui est prévu.
Nous aurions aimé avoir plus de précisions au sujet du marché mondial du carbone, d'où notre déception. Il y a encore trop de points à régler.
Plus important encore, nous estimons, en tant qu'entreprises, qu'il y a tout simplement trop d'incertitudes, à court et à long terme, qui entourent cette question au Canada.
Les sociétés membres d'EXCEL s'intéressent aux changements climatiques, dans certains cas, depuis des décennies. Nous aimerions proposer trois choses aux membres du comité et au Parlement.
D'abord, nous nous attendons, comme vous le savez, à ce que le gouvernement propose des règlements dans les mois à venir. Ils seront les bienvenus. Les entreprises envisagent différemment l'impact que vont avoir ces règlements sur leurs activités. Toutefois, il importe d'adopter, à court terme, un cadre réglementaire pour l'environnement, et à long terme, une approche stratégique qui met l'accent sur les investissements en capital-actions et aussi le développement de technologies qui vont nous permettre de nous attaquer au défi que constituent les émissions de carbone. Or, il nous faut, pour cela, des politiques, chose qui fait défaut à l'heure actuelle au Canada.
Ensuite, si nous voulons nous attaquer de manière efficace aux changements climatiques, nous devons nous doter d'un marché du carbone qui s'appuie, entre autres, sur un cadre réglementaire et des mécanismes d'échange. La tâche n'est pas facile. Il s'agit d'un exercice complexe, long et coûteux.
Comment devons-nous nous y prendre? Dans le passé, l'élaboration d'un plan d'action sur les changements climatiques au Canada réunissait divers intervenants, soit le gouvernement du Canada, le secteur privé, des ONG et d'autres acteurs. Il s'agissait d'un véritable processus interactif. Ce n'est plus le cas. Nous ne savons pas comment le régime d'échange de crédits d'émission va être créé. Nous ne savons pas comment les inventaires préliminaires vont être dressés. Nous ne savons pas comment les protocoles visant la réduction des émissions de GES vont être établis. Nous allons créer un nouvel instrument économique. Or, celui qui possède peut-être le plus d'expérience en la matière, le secteur privé, ne participe pas de manière directe au processus parce que celui-ci n'a pas encore été défini. Il nous faut un processus transparent et ouvert qui fait appel aux joueurs.
Enfin, nous devons privilégier l'innovation. Peu importe les objectifs fixés à court terme, peu importe les objectifs fixés à long terme, ces derniers vont être difficiles à atteindre. Nous devons, pour y arriver, adopter une approche innovatrice qui met l'accent non seulement sur la technologie, mais également sur la collaboration entre le gouvernement, l'industrie et d'autres partenaires, et sur l'application d'idées nouvelles qui vont nous permettre de nous attaquer aux changements climatiques et aux émissions de carbone.
Merci, monsieur le président. Je vais me contenter de mettre l'accent sur ces trois points.
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Tout comme vous, cela me trouble, mais cela m'inquiète aussi parce que cela veut dire que les intérêts pétroliers ont été représentés à Bali à l'intérieur de la délégation canadienne, alors que les parlementaires, eux, n'ont pas pu faire entendre leur voix à l'intérieur de cette même délégation. Ceux et celles de notre société civile dont la tâche est de protéger les intérêts environnementaux du Canada et du Québec n'y étaient pas non plus. À mon avis, c'est très inquiétant.
Je passe à ma deuxième question. Vous avez parlé, monsieur Henderson, du marché du carbone. Nous étions bien heureux de lire le rapport de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie paru la semaine dernière. On y lisait qu'il fallait fixer un prix au carbone et établir un marché du carbone sous forme de taxe ou de bourse. Cependant, le Canada a clairement indiqué, particulièrement à Bali, qu'il n'avait pas l'intention de prévoir, dans la deuxième phase de réduction, des réductions obligatoires de 25 p. 100 à 40 p. 100 sous le niveau de 1990, d'ici l'an 2020.
Vous avez parlé d'incertitudes plus tôt. Qu'est-ce qui crée ces incertitudes autour d'un futur marché du carbone canadien? Il faut se rappeler la déclaration de M. Ivo de Boer d'il y a environ un mois et demi, qui disait clairement devant la communauté internationale que le marché du carbone pourrait disparaître aussi rapidement qu'il s'est créé.
En voyant la situation actuelle, je constate qu'un fossé existe entre la position européenne et la position canadienne. Ce fossé ne risque-t-il pas d'être un frein à la capacité des entreprises canadiennes de faire affaire sur le marché international, et plus particulièrement sur le marché européen qui représentera plus de 70 milliards de dollars au cours des prochaines années?
La position et l'affaiblissement de la position canadienne à l'échelle internationale ne risquent-ils pas de priver les entreprises canadiennes de parts de marché importantes?
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Il y a trois choses que je dirais en réponse à votre question.
Le prix du carbone doit-il être fixé? Vous pouvez voir la chose de deux façons: vous pouvez fixer un prix pour le carbone, ou vous pouvez créer une demande pour les crédits d'émission dans le cadre d'une réglementation.
Encore une fois, le troisième point que j'ai fait valoir était l'innovation. Par conséquent, la plupart des entreprises et des membres du partenariat EXCEL aiment bien l'idée d'établir un marché du carbone, mais ils comprennent aussi qu'il faut rattacher cela à une certaine réglementation. J'ai dit également qu'il faut prévoir des objectifs à court et à long terme. Alors vous devez comprendre qu'il faut d'abord établir un ensemble initial de règlements, que vous allez renforcer au fil du temps.
Le défi pour les entreprises se situe évidemment dans un contexte de compétition: comment y arriver dans toutes les économies, en particulier avec d'autres pays? C'est pourquoi certains aspects des cibles sectorielles, dans les discussions de Bali étaient utiles. Nous avons donc besoin d'un marché du carbone et nous avons besoin d'un marché pour stimuler les crédits d'émission. Je dirais que la fixation d'un prix n'est pas la solution la plus efficace. Ce n'est pas aussi innovateur que de créer une demande pour les crédits d'émissions en établissant une réglementation qui change au fil du temps et qui reconnaît que des investissements en capital-actions sont nécessaires.
Quant au système d'échanges, si nous ne faisons pas cela, avons-nous une barrière commerciale par rapport aux autres économies qui suivent le protocole, comme en Europe?Je ne le crois pas, à court terme. Je ne vois pas comment les choses vont évoluer. Chose certaine, les entreprises préféreraient que la situation soit claire pour les investissements en capital, et le commerce se fait à l'échelle mondiale; par conséquent, le monde des affaires préférerait que nous prenions part au mouvement mondial en faveur de l'action, au lieu de prendre du recul.
Je dirais qu'il est préférable d'avoir un marché ouvert, avec plus d'innovation, et de le stimuler avec les régimes que vous créez. Faites en sorte toutefois qu'ils tiennent compte des réalités de la concurrence.