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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 008 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 11 décembre 2007

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bienvenue, monsieur Layton. C'est votre projet de loi que nous examinons.
    Je rappelle à tous les membres du comité que pendant la première heure, soit de 15 h 30 à 16 h 30, nous discuterons du projet de loi C-377 avec M. Layton. Pendant la deuxième heure, nous aurons deux témoins qui vont comparaître par téléconférence.
    Monsieur Layton, nous vous demandons de prendre environ 10 minutes. Cela nous laisserait assez de temps pour que chacun puisse vous poser ses questions. Je vous souhaite la bienvenue au nom du comité. La parole est à vous.

[Français]

    Monsieur le président, honorables collègues, je vous remercie de m'avoir invité. C'est pour moi un grand plaisir. Je m'intéresse grandement à votre travail. J'ai assisté à certaines de vos audiences par le passé.

[Traduction]

    Je suis venu vous parler du projet de loi C-377, Loi sur la responsabilité en matière de changements climatiques, que j'ai déposé à la Chambre, comme vous le savez, en octobre 2006. Ce projet de loi propose des cibles canadiennes à moyen et à long termes fondées sur la science dans le but d'éviter des changements climatiques dangereux.
    C'est le propre des projets de loi d'initiative parlementaire de faire leur chemin très lentement dans le processus. Nous en sommes donc rendus au point où nous pouvons en discuter. En fait, j'oserais dire que le passage du temps et les événements de la dernière année ont fait que le moment ne pourrait pas être mieux choisi pour discuter de ce projet de loi. Depuis octobre dernier, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat a déposé de nouveaux rapports scientifiques. Le gouvernement a déposé deux plans. Un comité spécial a rédigé un projet de loi. Il y a eu un sommet du G-8 consacré à cette question et bien sûr il y a eu la conférence des Nations Unies à Nairobi. Pendant que nous discutons ici de cette question, le monde est réuni à Bali pour lancer les négociations visant la deuxième phase du Protocole de Kyoto, celle qui débutera après 2012, et c'est justement ce dont il est question dans ce projet de loi.
    Bien sûr, aujourd'hui, 11 décembre, c'est le 10e anniversaire du Protocole de Kyoto. C'est l'occasion pour nous de nous demander ce qu'il faudra faire dans l'avenir. Il y a eu beaucoup de mises en accusation. Nous savons tous de quelle manière les choses se passent en politique. Il y a eu beaucoup de jeux partisans, etc. Ce serait bon de tourner la page et de penser à l'avenir. Le dossier canadien est clair. Le monde entier le connaît. D'après les chiffres du dernier inventaire national, les émissions de gaz à effet de serre du Canada dépassent de 33 p. 100 notre cible en vertu du Protocole de Kyoto.
    Je pense que tous les membres de ce comité reconnaissent qu'il faut lutter contre le changement climatique. C'est une question fondamentale. Dans quelle mesure? Eh bien, le secrétaire général des Nations Unies a dit que le changement climatique était le plus grand défi de l'humanité au XXIe siècle. Je pense qu'il a raison. Le rapport sur l'avenir de l'environnement mondial du programme des Nations Unies pour l'environnement dit ce qui suit :
Les systèmes sociaux et biophysiques peuvent atteindre des points de basculement, au-delà desquels les changements sont graves, plus rapides et potentiellement irréversibles.

[Français]

    Nous devons faire notre part pour empêcher que la planète arrive au point de non-retour. Cela devrait être notre point de départ, et c'est celui du projet de loi C-377.
    Selon le consensus scientifique, une augmentation de deux degrés de la température de l'air à la surface de la terre par rapport au niveau d'avant l'ère industrielle serait un changement climatique dangereux qui aurait un impact sur toute la terre. Même le ministre des Affaires étrangères du gouvernement accepte ce seuil de deux degrés.
    Pour obtenir des résultats de façon efficace, il faut tout d'abord préciser clairement la direction que nous voulons prendre. Il faut tout établir à l'avance. Il faut fixer des repères pour s'assurer que nous suivons le bon chemin et, pour en être absolument certain, il faut que des experts objectifs surveillent nos progrès. Voilà ce que nous avons fait dans le cadre de ce projet de loi.
(1535)

[Traduction]

    Nous avons fixé le but qui consiste à éviter une augmentation de deux degrés Celsius de la température. Nous avons établi longtemps d'avance ce que serait l'objectif : une réduction de 80 p. 100 d'ici 2050. Nous avons déterminé des points repères : une réduction de 25 p. 100 d'ici 2020 et des cibles quinquennales provisoires qui sont clairement énoncées. Pour assurer l'imputabilité, nous avons prévu des rapports et des contrôles dans le projet de loi.
    C'est un projet de loi très simple. Son objet, comme l'énonce l'article 3, est :
assurer la pleine participation du Canada à la stabilisation des concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique.
    Pour que le Canada fasse sa part pour empêcher une augmentation de deux degrés de la température, nous devrons réduire nos émissions de gaz à effet de serre de l'ordre de 80 p. 100 d'ici 2050. Cette cible est énoncée à l'article 5.
    Nous nous sommes fondés sur le rapport de l'Institut Pembina et de la Fondation David Suzuki, intitulé Réduire radicalement les gaz à effet de serre, que vous connaissez certainement. Je sais que Matthew Bramley sera votre prochain témoin, par téléphone, et il vous décrira ses recherches et ce rapport.
    L'article 5 fixe également une cible à moyen terme de 25 p. 100 de réduction d'ici 2020, cible également fondée sur ce rapport.
    L'article 6 prévoit que ces cibles ainsi que les cibles quinquennales intérimaires seront publiées dans un plan général de réduction des gaz à effet de serre. Le premier plan devrait être déposé dans les six mois après que ce projet de loi aura reçu la sanction royale.

[Français]

    Sur le plan de la responsabilité, ce projet de loi propose, à l'article 10, que le ministre présente des déclarations régulières expliquant les mesures que le gouvernement a prises afin de respecter les cibles et les réductions précises qui devraient en découler.
    L'article 13 prévoit que ces déclarations seront révisées et que des experts objectifs feront part de leur opinion. Tel qu'il est rédigé, il prévoit que le commissaire à l'environnement assumera ce rôle. Cependant, dans le cadre d'un autre projet de loi, il a été décidé que ce rôle était inapproprié. Nous sommes donc prêts à accepter un amendement au projet de loi faisant plutôt référence à la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, par exemple.
    Les cibles prévues dans le projet de loi C-377 correspondent à celles des juridictions les plus progressistes du monde. L'Union européenne s'est engagée à effectuer, d'ici 2050, une réduction de 60 p. 100 à 80 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990. La France a adopté une cible représentant une réduction de 75 p. 100 à 80 p. 100, alors que le Royaume-Uni s'est engagé à atteindre une cible représentant une réduction d'au moins 60 p. 100, et ce, par rapport aux niveaux de 1990. La Norvège s'est engagée à devenir neutre en carbone d'ici 2050.

[Traduction]

    En Amérique du Nord, ce genre de cibles devient de plus en plus courant. La Californie, comme vous le savez, s'est fixé comme objectif de réduire ses émissions de l'ordre de 80 p. 100 d'ici 2050. Les États de la Nouvelle-Angleterre ont adopté une cible de réduction de 75 à 85 p. 100. Le gouvernement de l'Ontario s'est donné comme cible une réduction de 80 p. 100. Les démocrates américains suivent le mouvement; les candidats Hillary Clinton, Barack Obama et John Edwards se sont tous engagés à des réductions de 80 p. 100 d'ici 2050 par rapport aux niveaux de 1990.
    Si le Canada adoptait les cibles prévues dans le projet de loi C-377, il prendrait place parmi les leaders au lieu de rester avec les cancres. Être leader, cela veut dire que nous serons mieux placés pour transformer notre économie en une économie axée sur les nouvelles énergies. C'est là que sont les vraies possibilités.
(1540)

[Français]

    Ce sont les cibles que la science exige. Ce sont les cibles des pays responsables, ceux qui comprennent la place qu'ils occupent dans le monde et la responsabilité qu'ils ont envers les générations futures.

[Traduction]

    J'ajouterai que ces cibles sont une nette amélioration par rapport aux cibles du plan « Prendre le virage » du gouvernement. Le gouvernement dit qu'il réduira de 20 p. 100 les gaz à effet de serre d'ici 2020, mais c'est 20 p. 100 par rapport aux niveaux de 2006, ce qui représente environ 2 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990. Sa cible pour 2050 représente de 49 à 62 p. 100 de réduction par rapport aux niveaux de 1990.
    Je ne sais pas d'où viennent ces cibles. Elles semblent avoir un caractère arbitraire. Elles ne semblent pas liées à un calcul quelconque de l'impact de la température sur la planète. En fait, le gouvernement, contrairement à l'UE, a jusqu'à présent refusé même de se prononcer sur une limite de deux degrés Celsius de la température planétaire.
    Grâce à l'accès à l'information, nous savons maintenant que le ministère des Affaires étrangères connaît l'importance de respecter cette limite, mais, à ce jour, le gouvernement a choisi de ne pas tenir compte de ce qu'il sait ou de ces conseils.

[Français]

    Pour conclure, j'aimerais vous remercier encore une fois de m'avoir invité à présenter ce projet de loi. Je suis heureux à l'idée que vous allez entendre des témoins. Nous sommes ouverts à des améliorations et au perfectionnement. Le plus important, c'est que nous essayions toujours de nous améliorer. Les enjeux sont importants et le temps presse. Nous observons déjà des conséquences.

[Traduction]

    Pendant l'été de 2006, juste avant de déposer ce projet de loi, je suis allé dans les forêts de la Colombie-Britannique. J'ai été stupéfait de constater les ravages. J'ai survolé la région avec des gens de l'endroit, y compris le propriétaire de l'usine, et j'ai vu des feuilles rouges et brunes partout dans la forêt. Puis j'ai survolé la région à 30 000 pieds d'altitude, entre deux grandes chaînes des montagnes Rocheuses et tout était rouge à perte de vue. C'est absolument stupéfiant de constater les ravages, le changement catastrophique qui s'est déjà produit.
    Puis, l'été dernier, je suis allé à l'intérieur du cercle arctique, à Pangnirtung, une collectivité inuite. J'ai demandé à l'aîné quels changements il remarquait. Quand nous avons tourné les yeux vers la vallée, il a dit : « Eh bien, le changement est dans la couleur. Nous n'avons jamais vu de vert ici auparavant ». À perte de vue, il y avait une sorte de mousse verte qui poussait le long des remblais de 500 pieds, avec les glaciers tout juste visibles derrière. J'ai dit : « Vous voulez dire que les aînés vous ont dit qu'ils n'avaient jamais vu de vert ici auparavant? » Il m'a répondu : « Non, je veux dire au cours des 10 dernières années. Avant, les glaciers venaient jusqu'ici, il n'y avait que de la roche et de la glace. Il y a eu une énorme transformation. Nous n'avons plus accès à nos sources de protéines, les animaux migrateurs, parce que leurs habitudes ont changé ».
    Nous voyons les résultats. Ils sont dramatiques. Ils ont un effet sur notre planète. Mais ce n'est qu'un début.
    Par contre, il y a tellement de possibilités à exploiter, si seulement nous changions de cap. Je suis convaincu que le Canada pourra être à la fine pointe des changements nécessaires pour accéder à l'économie axée sur les nouvelles énergies. J'espère que ce projet de loi y contribuera.
    Merci beaucoup à vous tous.
    Merci, monsieur Layton.
    Avant d'oublier, j'aimerais rappeler à tous les membres du comité qu'il nous faudrait votre liste de témoins au plus tard vendredi pour que nous puissions prendre les mesures nécessaires. Je vais communiquer avec les membres du comité directeur, j'ose espérer mercredi prochain, au sujet de cette liste. Assurez-vous, s'il vous plaît, de nous la faire parvenir d'ici vendredi.
    C'est M. Godfrey qui va commencer.
    Bienvenu, monsieur Layton. Je suis ravi de vous voir.
    Je vais partager mon tour avec mon collègue, M. Regan, s'il reste du temps.
    J'aimerais vous poser quelques questions. Il y a un certain rapport entre ce projet de loi et le projet de loi d'initiative parlementaire que nous avons adopté l'an dernier, le projet de loi C-288, qui prévoyait le contrôle de l'application du Protocole de Kyoto, et les mécanismes de contrôle envisagés dans votre projet de loi.
    Votre projet de loi a quelques éléments curieux. Tout d'abord, il entre en vigueur en 2015. Comme nous le savons tous, si nous avons suivi les discussions à Bali, la première période d'engagement de Kyoto prend fin en 2012. Je ne vois pas très bien de quelle manière votre projet de loi s'enchaîne au Protocole de Kyoto. Pourquoi n'avez-vous pas choisi 2012 plutôt que 2015, comme font les gens qui sont à Bali.
(1545)
    Premièrement, ce projet de loi a été conçu pour s'enchaîner directement avec le Protocole de Kyoto et ses cibles. Bien sûr, lorsque nous avons rédigé le projet de loi nous ne savions pas encore quel serait le résultat des négociations internationales ni quelle période de transition choisirait la collectivité internationale. Nous avons choisi comme point de départ les cibles de 2050, fondées sur des données scientifiques, et nous avons compté à rebours pour fixer une cible à moyen terme pour 2020 puis des plans quinquennaux à partir de 2015.
    Étant donné ce qui s'est passé dans l'intervalle, si le comité est capable de rédiger des dispositions qui permettraient un meilleur enchaînement entre la fin de la première période et le début de la prochaine, nous serions certainement disposés à les examiner.
    Je suppose qu'on a toujours su que la première période d'engagement de Kyoto prendrait fin en 2012. Donc, les plans de la deuxième période devraient entrer en vigueur immédiatement, sans attendre 2015. Lorsque le projet de loi a été déposé l'an dernier, nous savions déjà que la première période de Kyoto prenait fin en 2012. Je ne comprends toujours pas cet écart de trois ans. Pourquoi ne pas vouloir que le gouvernement prépare un plan pour 2012 de manière à ce que les deux périodes s'enchaînent sans interruption, peu importe le nom qu'on donnera au prochain accord?
    Eh bien, nous sommes prêts à envisager cette idée. Nous avons appuyé le projet de loi C-288, comme vous le savez, nous y avons travaillé, comme nous l'avons fait pour le projet de loi C-30. Je pense que cette série de mesures législatives devrait s'enchaîner de manière à atteindre la cible. Je pense qu'après les négociations de Bali, il ne serait pas surprenant qu'il y ait une cible pour 2020. C'est pourquoi nous avons fixé une cible de 25 p. 100 pour cette année-là.
    Encore une fois, l'écart entre la fin de la période de Kyoto et l'entrée en vigueur de votre projet de loi me laisse un peu perplexe. À l'article 2, sous le titre « Définitions », je lis:
« Émissions canadiennes de gaz à effet de serre » Les émissions annuelles totales — à l'exclusion des émissions résultant de l'utilisation des terres, des changements d'affectation des terres et de la foresterie — quantifiées dans l'inventaire national.
    Cette formulation, représentée parfois par l'acronyme LULUCF, est tirée du Protocole de Kyoto, en vertu duquel ces réductions étaient facultatives. Mais, s'il y a une chose que nous savons au sujet de l'après Kyoto, après 2012, soit la période dont vous parlez, c'est qu'à partir de 2015 ces réductions seront obligatoires. Alors pourquoi exclure de votre définition des émissions de gaz à effet de serre la totalité des émissions produites chaque année par l'utilisation des sols, les modifications survenues dans l'utilisation des sols et la foresterie, puisque, comme nous le savions déjà l'an dernier, lorsque vous avez rédigé votre projet de loi, nous savions que ce ne serait pas possible, et qu'il allait falloir les inclure?
    Eh bien, nous n'avons pas accepté l'interprétation accordée à ces puits. Nous sommes d'avis que le Canada a prôné cette exception à l'époque où cela a été négocié principalement pour lui rendre la réalisation des objectifs plus facile.
    Notre projet de loi exige, nous l'avouons, des réductions très importantes au cours de la prochaine période, c'est-à-dire d'ici 2050, car nous voulions avoir quelque chose de concret et de précis, fondé sur des données scientifiques fiables.
    Je pense que vous seriez d'accord avec moi pour dire que le calcul des puits et des émissions résultant de l'utilisation des terres est encore une science naissante. Il est difficile de faire confiance à des nombres se chiffrant dans les giga-tonnes et provenant de ce genre de définitions à ce stade-ci.
(1550)
    Le problème qu'on y voit est que c'est la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, et non nous, qui exige l'inclusion de ces facteurs pour la période après 2012. Si on appuie le processus de l'ONU, la décision est déjà prise, le train est parti. Nous ne pouvons pas décider d'exclure ces facteurs si nous voulons respecter l'entente internationale citée dans le projet de loi, n'est-ce pas?
    La convention-cadre dit qu'on doit tenir compte de ces choses mais je ne crois pas que la façon de le faire a été négociée ou définie. On pourrait me corriger là-dessus et je suis prêt à entendre les experts, mais je crois que cela n'a pas encore été fait au niveau de la CCNUCC.
    D'après ce que j'ai compris, ce sera une obligation. Ce n'est pas un choix et il y a un consensus international là-dessus.
    Peut-être que mes collègues ont d'autres questions.
    J'ai une question brève que je poserai en m'adressant à vous, monsieur le président.
    Monsieur Layton, que se passerait-il si, pas cette année à Bali mais en 2009, disons, une entente internationale est signée avec des cibles différentes, encore plus sévères, par exemple? Comment verrez-vous les dispositions que vous avez proposées?
    Le Parlement pourrait toujours réexaminer ces chiffres. Je suis sûr que cela se produira. Je ne peux pas imaginer que nous serons au même stade en 2050 quand nous y arriverons. Il est peu probable que je participe aux discussions mais probablement mes enfants ou mes petits-enfants y seront.
    Nous avons favorisé une approche qui consistait à choisir les meilleures cibles pour l'année 2050, en se basant sur les meilleures données scientifiques. Nous nous sommes servi des calculs scientifiques déjà réalisés, et très bien recueillis et résumés par l'Institut Pembina et David Suzuki. Nous avons pensé qu'il s'agissait des meilleurs conseils provenant des meilleures têtes du monde et nous voulions nous en servir comme cible à ce stade-ci. J'imagine que les experts qui vont suivre les plans quinquennaux et notre progrès, et les Canadiens en général, encourageront les parlementaires à réexaminer ces cibles de façon continue à mesure que d'autres données feront surface.
    Je crois qu'il est juste d'affirmer que du point de vue de la science, le chiffre de 80 p. 100 est un minimum. Votre commentaire à l'effet qu'il faudra peut-être aller encore plus loin est peut-être vrai. Les travaux de George Monbiot, par exemple, nous poussent à croire qu'un chiffre plus élevé serait nécessaire.
    Monsieur McGuinty.
    Merci, monsieur Layton, d'être venu. Je suis content de vous revoir, Jack.
    La première fois que j'ai parlé de ce projet de loi en Chambre, j'ai dit que j'estimais que le député qui le présentait était irréprochable dans sa sincérité vis-à-vis de cette question, alors je vous remercie de votre effort.
    Je veux vous poser une question d'ordre pratique. N'êtes-vous pas un peu découragé, étant donné le comportement du gouvernement suite à l'adoption du projet de loi C-288, qui est maintenant exécutoire au Canada, et le fait que le gouvernement a déjà dépassé deux dates limites? En plus, deux ONG sont en train de poursuivre le gouvernement en Cour fédérale afin de le contraindre à respecter ses obligations. N'êtes-vous pas un peu découragé de constater que même si ce projet de loi était adopté, le gouvernement l'ignorerait tout simplement?
    Cela demeure toujours possible.
    Toutefois, j'espère qu'un projet de loi de cette envergure recevra le soutien de la majorité des députés au Parlement, qui représentent, je crois, une très forte majorité de Canadiens et de Québécois. Le gouvernement sera contraint de force de prendre ce projet de loi plus au sérieux qu'il ne semble avoir pris au sérieux le projet de loi précédent.
    Monsieur Layton, il y a la question — je ne suis pas certain si M. Godfrey vous l'a déjà posée. Je pense qu'il n'en était pas loin. Il pourrait vous la poser directement.
    Il y a une chose, entre autres, qui m'inquiète au sujet de ce projet de loi. Il demande au Canada de modifier unilatéralement les cibles en matière d'émissions au Canada, sans mentionner le fait que le Canada et les Canadiens pourraient être pénalisés en vertu du protocole de Kyoto. Auriez-vous omis cet élément par erreur? Je n'ai vu cette question soulevée nulle part dans ce projet de loi.
    Non, c'est vrai. Nous n'avons pas essayé d'aborder la question des sanctions. D'une part, c'est parce que nous ne savons pas exactement quelles seront ces sanctions. D'autre part, nous ne savons pas comment l'application des sanctions sera négociée au cours de la prochaine phase. Nous ne savons pas non plus quel groupe de pays participera à ces négociations. Donc, il nous semblait qu'il était trop tôt pour deviner quelle approche nous devrions adopter.
    Vous êtes peut-être au courant du fait que j'ai déjà soulevé la question des sanctions en Chambre. Sans doute, ceux qui n'auront pas atteint les objectifs de Kyoto en subiront les conséquences. Alors, peut-être que ce comité pourrait nous guider au sujet de leur application. J'en serais reconnaissant.
(1555)
    Merci.
    Merci, monsieur McGuinty.
    Monsieur Lussier.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, monsieur Layton.
    À l'article 6 de votre projet de loi, dès le premier paragraphe, vous mentionnez que vous voulez que le gouvernement établisse « un plan intérimaire d'émissions canadiennes des gaz à effet de serre ». Vous parlez des années, mais donnez-moi un peu de viande, un peu de matière, à savoir ce que contiendra ce plan.
    Merci de votre question.
    Je suis très optimiste quant aux possibilités d'atteindre les cibles précisées ici. À mon avis, il y a toutes sortes d'initiatives partout au Canada et au Québec qui indiquent que le progrès est vraiment possible. Alors, si on a un plan, par exemple pour l'énergie renouvelable, le transport en commun et le charbon, les prochains gouvernements pourront présenter de nombreuses initiatives pour atteindre ces objectifs.
    J'imagine qu'avec les politiques qui changent et les technologies qui sont mises en place, il y aura toutes sortes de choses qu'on ne peut prévoir maintenant mais qui, dans 20 ou 30 ans, seront disponibles pour nous. Mais pour les prochaines années, évidemment, on a des outils disponibles présentement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, s'il y a une volonté de le faire.
    D'accord.
    Vous savez, monsieur Layton, que le Bloc québécois et le NPD partagent la même position en ce qui concerne l'année de base, soit 1990. Nous sommes aussi d'accord sur les cibles absolues et la bourse du carbone pour les échanges de crédits de carbone. Mais là où il y a peut-être une différence d'opinion, c'est au chapitre de l'approche, car le Bloc québécois préconise l'approche territoriale.
    Vous savez que les pays d'Europe ont signé une entente pour partager le fameux « gâteau » d'émissions et que certains pays peuvent majorer leurs émissions. Par exemple, je note ici l'Islande, qui peut majorer ses émissions de 10 p. 100, tandis que les autres pays s'engagent à réduire les leurs. Cependant, au total, on cible un objectif global pour toute l'Europe.
    Je vous donne trois chiffres. Le premier correspond à la production de gaz à effet de serre en 1990: 596 mégatonnes. En 2005, la production était de 747 mégatonnes. Selon vos chiffres, pour atteindre en 2020 une réduction de 25 p. 100 de ses émissions par rapport à 1990, le Canada devra n'en produire que 447 mégatonnes. Donc, pour passer de 747 mégatonnes à 447 mégatonnes, on devra soustraire 300 mégatonnes quelque part.
    Territorialement, comment répartit-on cela?
    La plupart du temps, les analyses ont été faites par secteur d'industrie. Ces chiffres sont disponibles. On sait par exemple qu'une augmentation des émissions attribuable au développement des sables bitumineux est une forte augmentation. C'est donc évident qu'on doit faire quelque chose en ce qui concerne la hausse de ces émissions. Évidemment, les sables bitumineux sont dans un lieu spécifique.
    Alors, si le comité veut chercher d'autres façons de partager les émissions tout en respectant la direction préconisée dans le projet de loi, nous serons très intéressés à en discuter. Toutefois, l'objectif est de réduire les émissions de tout le Canada.
    Êtes-vous d'accord pour dire que les 300 mégatonnes dont j'ai parlé doivent être réparties selon les territoires, selon les provinces? Êtes-vous d'accord sur cette théorie du Bloc selon laquelle la répartition doit être faite territorialement?
(1600)
    Cela dépend où se trouvent les solutions. Si on peut trouver une formule qui tient compte des territoires — de la territorialité, si vous préférez — et des secteurs où on trouve les émissions les plus importantes et qui permet d'atteindre le total de réductions visé, nous sommes prêts à la considérer. Par contre, si dans une partie du Canada on a atteint la réduction proposée dans ce projet de loi mais que dans d'autres parties, les émissions sont quatre fois plus élevées, on n'aura pas respecté l'objectif final de nos efforts. Mais si le comité peut nous aider à élaborer une formule acceptable, nous sommes prêts à la considérer. Nous avons dit la même chose au sujet du projet de loi C-30 et des autres propositions qui étaient devant le comité il y a des semaines et des mois.
    À l'article 10, vous mentionnez que le gouvernement fédéral pourra conclure des ententes, des accords de collaboration avec les provinces.
    De quelle nature seraient ces accords, ces ententes?
    On peut citer plusieurs exemples qu'on a pu observer dans le passé. Nous avons travaillé ensemble pour atteindre toutes sortes d'objectifs avec des modèles très différents, que ce soit dans le domaine de la santé, de l'éducation postsecondaire, de l'immigration ou des pensions pour les aînés. On a beaucoup de modèles. On pense que dans un fédéralisme flexible, il y a une façon de trouver des solutions.
    Est-ce qu'une entente bilatérale avec le Québec serait envisageable en vertu de projet de loi? Le Québec est intéressé à récupérer des budgets, mais il veut administrer le cadre de ses réductions et atteindre des objectifs bien ciblés.
    C'est toujours possible. Nous avons proposé la même chose dans notre projet de loi concernant les garderies, par exemple. Nos propositions ont été adoptées à quelques reprises à la Chambre.
    Avez-vous examiné l'hypothèse européenne, sortie tout dernièrement, selon laquelle les pays industrialisés devront ou voudront réduire leurs émissions non pas de 20 p. 100 ou de 25 p. 100, mais de 30 p. 100? Est-ce que ce chiffre a été porté à votre attention?
    Oui. Nous n'avons pas changé les chiffres dans notre projet de loi. Ce serait assez difficile d'atteindre ces résultats. Les Européens ont commencé il y a quelques décennies à améliorer leur performance sur le plan énergétique. Ils ont donc une avance sur nous maintenant.
    C'est à vous de discuter des cibles. S'il y a des informations scientifiques qui démontrent que nous devons apporter certains changements, nous serons prêts à les accepter.
    Seriez-vous aussi prêts à appuyer une augmentation allant jusqu'à 30 p. 100, c'est-à-dire majorer la réduction des émissions pour la faire passer de 25 p. 100 à 30 p. 100 d'ici 2020?
    On doit étudier la base scientifique de cette proposition. Maintenant, nous utilisons les recherches de groupes canadiens respectés qui ont proposé ces chiffres.
    D'après vous, serait-il long de négocier avec les provinces une entente territoriale pour partager le fameux gâteau de 300 mégatonnes dont je parlais plus tôt entre les territoires et les provinces?
    J'ai dit que si le comité peut trouver une formule pour atteindre les résultats visés dans ce projet de loi, soit une réduction de 80 p. 100 d'ici 2050, nous serons très intéressés à en discuter, parce que c'est l'objectif que nous voulons atteindre.
    Dans vos discussions avec les députés des diverses provinces, avez-vous déjà perçu des demandes de certaines d'entre elles? Je pense par exemple au Manitoba, dont la situation est comparable à celle du Québec au chapitre de l'hydroélectricité. Avez-vous déjà subi des pressions du Manitoba pour que l'approche en matière de réduction des gaz à effet de serre soit une approche territoriale?
    La question soulevée le plus souvent par Gary Doer est la nécessité d'avoir une infrastructure pour que l'énergie renouvelable, l'énergie préférée, soit disponible partout au Canada. Il a beaucoup mis l'accent sur sa fameuse green grid. Il veut aussi que le gouvernement fédéral pose des gestes concrets. Il y a maintenant un accord avec la Californie, par exemple. Pour le gouvernement du Manitoba, c'est toujours une question de commencer à agir et cesser de discuter.
(1605)
    Il me reste un quart de seconde?

[Traduction]

    Vous avez le temps de poser une petite question.

[Français]

    J'ai donc demandé si d'autres provinces appuyaient l'approche québécoise, territoriale. J'ai demandé ce qu'il en était du Manitoba. Je considère qu'il doit aussi y avoir de l'opposition de la part des gens de l'Alberta et de la Saskatchewan à cette approche territoriale.
    Vous devez parler à ces gouvernements; je ne veux pas parler pour eux.
    Je parle de votre députation.
    Ce que j'ai dit, c'est que si on peut concevoir une formule pour atteindre les résultats précisés dans le projet de loi mais qui comporte un certain élément de territorialité, nous sommes ouverts à cette éventualité.
    Mais qui va inventer cette formule, monsieur Layton?
    Nous pouvons y travailler avec vous.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Très bien. Merci, monsieur Lussier.
    Monsieur Christopherson.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, Jack. Je vous souhaite la bienvenue.
    Pour commencer, je veux vous poser la question que vous avez soulevée en parlant de nos enfants et de nos petits-enfants. Pour nous situer dans le contexte, vous avez dit que selon votre propre expérience, nous commençons déjà à observer des symptômes dans les forêts et dans les glaciers, et les médias nous rapportent des phénomènes qui se produisent dans les régions de l'Antarctique et de l'Arctique. Qu'est-ce qui attend nos enfants et nos petits-enfants dans nos villes en particulier, car c'est là qu'habitent plus de 80 p. 100 de la population? Qu'est-ce qui les attend si nous ne prenons pas des mesures concertées? Pour la moyenne de la population, quelles seront les conditions de vie dans nos villes qui entourent les Grands Lacs, mais surtout dans nos grands centres urbains? Quelle sorte de monde laisserons-nous en héritage à nos enfants et à nos petits-enfants si nous n'intervenons pas de la manière proposée par le projet de loi C-377 aujourd'hui?
    Je crois que ce sera un monde très difficile.
    C'est peut-être évident étant donné ce que l'on constate dans certaines de nos villes. Je vis à Toronto. Les vagues de chaleur que nous avons connues au cours des dernières années sont en train de devenir meurtrières. Nous avons dû mettre en place des alertes de chaleur — quelque chose que nous n'aurions jamais pensé faire il y a des années — non seulement pour les gens sans abri, mais pour les personnes âgées dans leurs petites chambres qui n'ont pas les moyens de se payer la climatisation. Ces changements de température ont pour conséquence entre autres d'accélérer le smog, de sorte que les gens se retrouvent avec encore plus de maladies.
    Ce qui me préoccupe surtout cependant, c'est ce qui arrivera lorsque de gros changements commenceront à se produire: lorsque le niveau de la mer commencera vraiment à monter. Je sais que certains d'entre vous ont examiné des projections sur ordinateur. Il y a des scientifiques canadiens dont les projections sont les plus reconnues au monde.
    D'une certaine façon, naturellement, la mer est la dernière partie de la terre à se réchauffer. La mer a trois kilomètres de profondeur en moyenne, et couvre 77 p. 100 de la surface de la planète. Lorsqu'elle commencera à se réchauffer, il y a aura des changements très importants, notamment l'élévation du niveau de la mer, qui n'est pas le changement le moins important. Il ne s'agira pas de quelques pouces ou de quelques centimètres; ce sera beaucoup plus important. Cela signifie que bien des gens dans le monde — notamment bon nombre de Canadiens qui vivent dans des zones côtières — dans ces deltas de faible élévation des grands fleuves du monde, où les civilisations se sont installées, verront leur capacité de produire des aliments diminuer de façon draconienne à mesure que le niveau de la mer montera. Ces gens commenceront à regarder la façon de vivre des autres partout dans le monde et à poser des questions assez sérieuses.
    Je représente une collectivité où vivent beaucoup de Bengalais qui sont venus au Canada. Il y a environ 40 000 Bengalais qui habitent près de ma circonscription. Au Bengale, il y a eu l'un des cyclones les plus dévastateurs et la majeure partie de ce pays se trouve dans l'une de ces régions de faible élévation.
    Selon les prédictions qui ont été faites, ce sont ce genre de pays qui ne seront tout simplement plus vivables. Où ces gens vont-ils aller? Ils vont poser des questions, et nous pourrions nous retrouver avec de très graves problèmes d'instabilité sociale et politique, problèmes que nous n'avons jamais connus auparavant.
    D'un autre côté, je crois que si nous prenons des mesures draconiennes et énergiques — elles doivent être draconiennes et énergiques — nous pourrons éviter tout cela en bonne partie et peut-être complètement. Nous avons l'obligation de faire cela, particulièrement nous, qui sommes un des pays les plus riches et qui ont le plus de succès au monde.
(1610)
    Merci.
    Bien des gens, particulièrement les députés ministériels, disent que les coûts économiques sont tellement énormes qu'à ce moment-ci — et je paraphrase — ce serait la catastrophe économique pour notre génération si nous prenions les mesures nécessaires pour sauver les générations futures. Que pensez-vous de ce choix, c'est-à-dire entre l'environnement ou l'économie, mais pas les deux?
    Je crois que c'est Robert Kennedy qui a dit que l'économie est un sous-ensemble de l'environnement. On ne peut pas avoir une économie qui fonctionne s'il y a de gros problèmes dans l'environnement.
    Mon père, qui était député conservateur ici même il y a bien des années, a installé des systèmes solaires vers la fin des années 60. Il a été parmi les premiers à installer des éoliennes à l'Île-du-Prince-Édouard et en Gaspésie. Imaginez, il a inventé une voiture hybride avec mon frère et tenté de convaincre Ford de la fabriquer dans les années 70, après la grave crise du pétrole. Malheureusement, le prix de l'essence a de nouveau baissé, et cela n'intéressait plus personne. Les Japonais ont alors eu cette idée, et maintenant tout le monde achète leurs voitures.
    Si nous avions pris les devants... Il y a bien des Canadiens qui peuvent être novateurs. En Ontario, il y a une entreprise qui dispose actuellement de l'une des meilleures technologies au monde pour produire des cellules photovoltaïques solaires. Savez-vous où elle va construire sa première grande usine? Elle va la construire en Allemagne de l'Est. Pourquoi? Parce que les Allemands ont une politique pour l'achat d'énergie solaire et l'installation de systèmes solaires dans les immeubles. De plus, la réglementation allemande sur les normes en matière d'énergie renouvelable oblige les services publics à acheter cette énergie solaire. Toutes ces conditions contribuent à créer un marché suffisant. Ils ont décidé de construire cette usine dans une région d'Allemagne de l'Est où le chômage est élevé parce qu'ils voulaient aider cette économie en difficulté.
    Selon moi, c'est un bon exemple de la façon dont nous pourrions bâtir une économie beaucoup plus forte si nous adoptions un point de vue différent en la matière en intégrant les nouvelles possibilités que nous pourrions concrétiser ensemble pour la production d'énergie.
    Je conclus en vous donnant un exemple. Pendant six ans, j'ai eu le privilège d'être le vice-président de la quatrième ou de la cinquième plus grande société de services publics au Canada. Notre secteur le plus rentable par dollar de capital investi aidait les gens à acheter moins de notre électricité. Nous avons fait beaucoup plus d'argent en les aidant à rénover leur maison et leurs immeubles grâce au partenariat que nous avons contribué à mettre en place. Nous avons fait beaucoup plus d'argent en faisant cela et créé beaucoup plus d'emplois à Toronto que nous l'avons fait en vendant des électrons.
    Je pense que les possibilités sont énormes. Pourquoi est-ce tous nos enfants et nos techniciens doivent prendre l'avion jusqu'à Fort McMurray pour travailler dans le secteur de l'énergie? Ils ne sont même pas assez nombreux et il faut aller chercher des travailleurs partout dans le monde. Pourquoi ne pas essayer plutôt de réduire la consommation énergétique à la maison de Mme Smith en l'aidant à rénover de sorte qu'elle ne soit pas obligée de payer ces grosses factures de chauffage et on pourrait ainsi créer de l'emploi dans le secteur de la construction, établir un fonds renouvelable comme nous l'avons fait à la Fédération canadienne des municipalités et ailleurs? Il y a des solutions. C'est quelque chose qui peut aider l'économie.
    Le dernier principe fondamental: l'inefficacité énergétique est néfaste pour les affaires. Ce que nous faisons à l'heure actuelle avec l'énergie est incroyablement inefficace.
    Par ailleurs, en ce moment même à Bali, le gouvernement laisse entendre que les gros émetteurs, les pollueurs, soit l'Inde, la Chine, le Brésil, et on a même cité les Américains, doivent faire leur part. À moins que ces grosses entités ne mettent l'épaule à la roue, le gouvernement ne voit pas l'intérêt de votre projet de loi ou du projet de loi du comité ou de n'importe quelle autre mesure. Ils ne sont pas prêts à faire quoi que ce soit car, soutiennent-ils, pourquoi devraient-ils faire quelque chose seuls de leur côté et nuire à leur économie alors que ceux qui sont responsables de toute la pollution ne font rien? Pourquoi nous placerions-nous nous-mêmes dans une position si désavantageuse? Ils ont donc décidé de ne pas tenir compte de ce projet de loi tant que cette question n'aura pas été réglée et que tout le monde n'aura pas décidé de faire sa part.
    Comment réagissez-vous à cette position que le gouvernement a prise à Bali?
    Je dirais d'abord que ce n'est pas du leadership. Avant on prêchait par l'exemple, et si maintenant nous déclarons que nous n'allons pas respecter ou adopter de vraies cibles de réduction d'émissions à moins que d'autres ne le fassent, alors nous n'avons plus de crédibilité internationale quant vient le moment de demander à d'autres pays d'adopter ces règles. C'est le premier volet de ma réponse.
    Deuxièmement, je crois bien sincèrement que les positions de la Chine et des autres pays sont mal représentées. À ma connaissance, on a déjà investi en Chine, par exemple, 10 milliards de dollars dans les énergies renouvelables. Faisons-nous un effort qui se rapproche de cela, malgré le fait que nous avons une économie importante et prospère? On m'a dit que le huitième homme le plus riche en Chine a fait fortune principalement dans la fabrication de cellules photovoltaïques.
    Je pense que nous sommes en train de manquer le bateau. Il se peut que nous ayons tous besoin de cellules photovoltaïques sur les toits de nos maisons et je crois que nous devrions les installer au plus vite, mais je préfèrerais qu'elles soient fabriquées ici. Si nous ne nous mettons pas à innover, nous allons rater le coche et devoir importer ces cellules photovoltaïques de la Chine, c'est-à-dire acheter de ce pays l'énergie pour réchauffer nos maisons et pour faire fonctionner nos appareils électroménagers.
    De plus, je crois que le principe des responsabilités différenciées a été approuvé dès le départ. Je pense d'ailleurs avoir entendu notre propre ministre de l'Environnement utiliser lui-même cette expression lors d'une entrevue il n'y a même pas 24 heures. Donc, c'était une proposition bidon à l'origine, et ce sont les supposés grands pollueurs qui ont été ciblés.
    Y a-t-il beaucoup de pollution qui émane de la Chine? Oui. Il y a 1,3 milliard d'habitants en Chine. Quelques-uns d'entre eux aimeraient posséder une ampoule électrique. J'ai visité plusieurs localités dans les régions pauvres de la Chine où il n'y a pas d'ampoules électriques. Ils brûlent un tas de bois sur le plancher de leur hutte. Oui, ils aimeraient bien avoir une ampoule.
    Nous voici en train de les pointer du doigt tandis que nous polluons à un rythme presque inégalé ailleurs sur la planète. Nous nous classons quatrième pour la pollution par habitant. J'ai toujours été d'avis que la meilleure façon de convaincre les autres de bien agir, c'était de montrer l'exemple.
(1615)
    L'Australie a signé le Protocole de Kyoto lorsqu'il y a eu un changement de gouvernement. Il y en a qui disent que c'était facile puisqu'il ne leur restait que quelques petites étapes à franchir pour réaliser leurs objectifs.
    Est-ce que le Canada aurait dû signer le Protocole de Kyoto, et dans l'affirmative, que devrions-nous faire dans un contexte où l'inaction de l'ancien gouvernement et du gouvernement actuel a rendu physiquement impossible l'atteinte des cibles de Kyoto? Devrions-nous quand même signer et si la réponse est oui, pourquoi?
    Au fait, nous l'avons signé. On devrait plutôt se demander si nous allons sortir le liquide correcteur et effacer notre nom du document, si je puis me permettre de reformuler votre question. Je ne le crois pas, car nous avons agi de bonne foi avec énormément de soutien de la part des Canadiens. Je crois que les Canadiens veulent que nous participions au processus.
    Est-ce que cela veut dire qu'il y aura des pénalités parce que nous n'aurons pas réussi à atteindre les cibles? Oui. Devrions-nous négocier avec les autres pays la façon dont ces pénalités seront imposées et leur faire part de nos intentions pour la suite des événements? Oui.
    Je me trompe peut-être, mais il me semble que si nous sortons le liquide correcteur, nous serons le seul pays à abandonner l'entente. Les Australiens ne l'ont jamais signé le Protocole de Kyoto , mais ils ont décidé d'en respecter les modalités.
    Je crois que ce serait un jour très triste. J'estime que le 10e anniversaire de Kyoto est une journée d'optimisme parce que je pense que de plus en plus de gens veulent qu'on agisse. Ils le font d'ailleurs eux-mêmes. Des gens de toutes les régions du pays font des choses merveilleuses dans leur propre collectivité. Alors comment nous, au Parlement, allons-nous les soutenir et les encourager avec des objectifs et des cibles qui leur permettront de viser plus haut? Il faut faire comme les entraîneurs pour les jeunes — il faut toujours les pousser à viser plus loin.
    Je pense aux gens qui ont voulu construire un chemin de fer pour relier une extrémité du pays à l'autre. Croyez-vous qu'ils savaient exactement comment ils allaient faire? Croyez-vous qu'ils savaient comment ils allaient pouvoir défrayer tous les coûts? Ont-ils agi parfaitement? La réponse à toutes ces questions est non, mais ils avaient un rêve pour le pays, ils ont décidé de réaliser l'impossible et y ont mis tous leurs efforts.
    Nous le faisons par temps de guerre. Nous l'avons fait à différentes époques de l'histoire. Nous l'avons fait lorsque nous avons entrepris des projets particuliers, avec le sens de la fierté canadienne et avec confiance. Je suis persuadé que nous pouvons y arriver encore une fois. J'en suis absolument convaincu.
    Monsieur Warawa.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais partager mon temps avec M. Watson.
    Merci d'être venu, monsieur Layton. Vous avez dit à la fin de vos commentaires qu'en ce jour d'anniversaire de Kyoto, les Canadiens et les citoyens de toute la planète veulent qu'on agisse. Il y a eu des belles paroles pendant une décennie, mais les réalisations sont lamentables. Nous sommes à 33 p. 100 au-dessus des cibles du Protocole de Kyoto que le Canada a signé.
    Notre gouvernement a pris le taureau par les cornes, pour ainsi dire. Nous avons adopté les règlements et les cibles les plus sévères dans l'histoire du Canada: 20 p. 100 de réduction des émissions d'ici 2020 et de 60 à 70 p. 100 de réduction d'ici 2050. Ces cibles se situent parmi les plus sévères au monde et ce sont assurément les plus rigoureuses au Canada.
    Vous insistez sur le fait que vous vous fondez sur la science. L'analogie que vous venez d'employer portait sur le chemin de fer. Ils ne savaient pas comment ils allaient faire, mais comme le coeur y était, ils ont réussi. C'est suivant cette orientation que je veux vous poser mes questions. Vous dites que vous vous fondez sur la science, mais vous parlez de façon très générale. Il me semble que, comme dans le cas du chemin de fer, vous ne savez pas comment vous allez faire, mais vous allez le faire.
    Ma première question est donc, avez-vous calculé les coûts de votre plan?
(1620)
    Il s'agit d'un ensemble de cibles. Ce sera au gouvernement au pouvoir de proposer des plans et de déterminer comment nous allons atteindre ces cibles.
    Je vais vous demander de donner des réponses brèves, car je n'ai que cinq minutes à ma disposition.
    Donc vous n'avez pas calculé les coûts de votre plan. Est-ce exact?
    Ce sera la responsabilité du gouvernement au pouvoir lorsque le projet de loi sera adopté.
    Donc, vous demandez au gouvernement de chiffrer votre plan.
    Un plan comprendrait toute une série de mesures et d'étapes. Nous en avons présenté un pour Kyoto, par exemple. Ce plan a été entièrement chiffré et nous l'avons soumis à la population, à votre gouvernement, ainsi qu'à l'ancien gouvernement. Si jamais vous désirez approuver quelque partie du plan que ce soit, nous sommes ouverts à cette possibilité. Le projet de loi établit tout simplement les cibles.
    Merci.
    Le projet de loi C-377 me semble assez familier. On dirait une continuation du projet de loi C-288. En fait, on retrouve certaines phrases tirées textuellement du projet deloi C-288 dans le projet de loi que nous avons sous les yeux.
    Qui a rédigé le projet de loi C-377, puisque les deux projets se ressemblent autant? Est-ce que c'est le même auteur qui a rédigé ces deux projets de loi?
    Non.
    Qui a rédigé votre projet de loi?
    Nous l'avons rédigé à la Chambre avec l'aide du conseiller législatif. Nous avons également suivi ce qui s'est passé au comité.
    M. Christopherson a déposé ce document lors de notre dernière réunion jeudi passé, et il a été distribué. Il est fort intéressant.
    Pouvez-vous m'indiquer le titre? Je suis un peu myope et je ne le vois pas.
    Il s'intitule Réduire radicalement les gaz à effet de serre. Vous l'avez sous les yeux.
    Quel était le rôle de l'auteur de ce document, M. Matthew Bramley, qui travaille au Pembina Institute et la Fondation David Suzuki, dans la rédaction du projet de loi C-377?
    Nous avons sollicité des conseils d'un vaste éventail de personnes. C'est ce que nous faisons d'habitude. Nous lui avons certes demandé son avis. Nous étions à la recherche de conseils fondés sur la science, vu qu'il s'agit de la meilleure démarche dans l'établissement des cibles.
    Le plan a-t-il été chiffré?
    Vous devez poser cette question à l'auteur.
    D'accord. Saviez-vous que M. Bramley a également participé à la rédaction du projet de loi C-288?
    C'est fort possible.
    Est-ce que cela explique la partie similaire dans le projet de loi? Vous parlez de l'article 13, qui prévoit la participation obligatoire du commissaire de l'environnement. Tout comme dans le projet de loi C-288, vous envisagez y apporter une modification.
    Nous avons suivi les séances de ce comité, et si le comité estime qu'il existe une meilleure façon de traiter ce volet du projet de loi en particulier, nous sommes prêts à l'écouter.
    Comment les cibles ont-elles été établies? Vous avez déclaré que vous avez rédigé ce projet de loi avec l'aide de l'Institut Pembina. Les cibles qui figurent dans ce document sont identiques aux vôtres.
    Oui.
    Aucun des deux plans n'a été chiffré. Donc, encore une fois, vous avez embauché M. Bramley à titre de consultant pour la rédaction du projet de loi C-377; je crois comprendre que c'est ce que vous avez dit.
    Il était une personne parmi d'autres que nous avons consultées. J'ai été bien précis dans ma réponse, je vous saurais gré de bien citer mes propos.
    Il a participé à la rédaction du projet de loi C-377 et du projet de loi C-288, sans faire de calculs sur les plans. Est-ce que vous vous fondez sur les cibles qui figurent dans ce document?
    Oui. Nous nous sommes basés sur le consensus scientifique mondial voulant qu'une augmentation de deux degrés Celsius par rapport aux températures moyennes mondiales créerait des conditions climatiques dangereuses. Et donc la question suivante se pose : comment faire marche arrière à partir de ce seuil critique de changement climatique qui est utilisé dans tous les modèles informatiques, en ce qui concerne l'accumulation d'énergie à l'intérieur du système climatique terrestre?
(1625)
    D'accord. Il me reste peu de temps.
    Combien de temps au fait?
    Votre temps est écoulé.
    J'ai terminé. Je vous remercie beaucoup.
    Monsieur Watson.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie mon collègue de partager son temps de parole avec moi.
    Monsieur Layton, merci beaucoup de comparaître devant nous. Nous apprécions votre enthousiasme et, soit dit en passant, j'apprécie vos réponses brèves, comme le demandait mon collègue. Cela nous permet de vous poser davantage de questions, et j'espère qu'on va pouvoir garder ce rythme.
    Je pense qu'il serait juste de dire que ce projet de loi est essentiellement une mesure législative post-Kyoto. Parlons donc un peu de l'après-Kyoto, si vous le permettez.
    Il faut freiner l'augmentation de la concentration de GES. De nombreuses personnes ont déclaré que la question est urgente, et nous sommes d'accord. Est-ce que vous croyez qu'il est urgent de stopper cette augmentation de la concentration de GES à l'échelle planétaire? En quelle année espérez-vous atteindre cet objectif?
    Tout d'abord, je suis d'accord avec vous, la question est urgente. Très respectueusement, je crois qu'il faut agir beaucoup plus rapidement que ce que prévoient les propositions gouvernementales actuelles.
    Avec l'application du plan du gouvernement, nous aurons toujours une augmentation de 2 p. 100 des émissions, ce qui me préoccupe.
    Je voudrais savoir en quelle année vous croyez que nous devrions mettre un plafond aux émissions mondiales de gaz à effet de serre.
    Vous voulez dire à quel moment on devrait freiner la croissance, et viser une véritable réduction au Canada?
    Il est question des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Je parle de la période post-Kyoto.
    À l'échelle mondiale? Il faudrait agir dans les dix années qui suivront Kyoto, selon la majorité des analyses scientifiques.
    Selon les témoignages faits devant ce comité, on parle de 10 à 15 ans.
    On nous a également dit qu'il faudra compter encore jusqu'à 20 ans pour que les pays en développement comme la Chine, la Corée du Sud et l'Inde soient tenus d'établir des cibles fermes. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce constat?
    Je suis beaucoup plus intéressé, tel que reflété dans le projet de loi, par ce qui doit être fait ici au Canada. Nous ne devrions pas nous pencher sur ce que devront faire d'autres pays, sans prendre nous-mêmes les mesures qui s'imposent. C'est pourquoi nous avons présenté ce projet de loi.
    Est-ce que cela veut dire que vous êtes d'accord avec cette position ou pas? C'était ma question.
    En ce qui concerne la nature des cibles pour ces autres pays?
    Est-ce qu'on devrait accorder à la Chine et à la Corée du Sud une exemption de 20 ans sur les émissions?
    Tout d'abord, ces pays-là ne réclament pas d'exemption. Nous ne sommes pas favorables à ce qu'ils bénéficient d'une exemption. Nous avons toujours appuyé les dispositions du Protocole de Kyoto et de la CCNUCC qui préconisaient des approches différenciées. Je ne crois toutefois pas qu'il y ait des demandes d'exemption.
    Il devrait donc y avoir des cibles fermes pour tous les émetteurs mondiaux?
    Il devrait y avoir des cibles. Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous entendez exactement par « cibles fermes ». Il serait peut-être bon que vous apportiez des précisions à cet égard. Ici au Canada, nous n'avons pas de cibles fermes, et si je puis me permettre, votre gouvernement n'a pas proposé de telles cibles. Elles sont basées sur l'intensité, ce qui fait qu'on pourrait difficilement imaginer des cibles moins fermes que les vôtres.
    Je ne suis pas d'accord avec vous sur ce point.
    Si nous accordons une exemption de 20 ans aux grands émetteurs comme la Chine, l'Inde et la Corée, avant que ceux-ci adoptent des cibles absolues, les scientifiques du GIEC ont dit que les émissions mondiales vont continuer à augmenter. J'ai donc de la difficulté à bien comprendre, car on ne parviendra jamais à diminuer les GES en l'espace de 10 à 15 ans si l'on accorde des exemptions aux grands émetteurs.
    En fait, on nous a indiqué que si on arrêtait toutes les émissions au Canada et aux États-Unis, les concentrations mondiales de GES continueraient à augmenter. Donc, la question n'est pas réglée
    Je voudrais passer à un autre sujet, c'est-à-dire la « délocalisation » des emplois manufacturiers. Vous et votre parti avez dénoncé cette situation, mais en préconisant, de concert avec les environnementalistes, que des pays comme la Corée du Sud et la Chine ne soient pas tenus d'assumer les coûts de conformité liés à des cibles absolues de réduction pendant la période post-Kyoto, vous octroyez à ces pays un avantage concurrentiel qui va favoriser la poursuite du processus délocalisation pendant les deux prochaines décennies.
    Ne croyez-vous pas que vous faites preuve d'hypocrisie lorsque d'une part, vous dénoncez la délocalisation et que, d'autre part, vous permettez la non-conformité aux exigences environnementales qui se traduit par un avantage concurrentiel? N'est-ce pas une contradiction, monsieur Layton?
    Nous perdons des emplois au profit de pays qui ont des cibles et qui ont décidé de rendre leurs industries plus efficaces en créant des produits moins énergivores. Très franchement, si nous adoptions cette approche, nous serions dans une position économique beaucoup plus favorable.
    Malheureusement, au Canada, nous sommes en train d'accorder des exemptions aux plus grands pollueurs. C'est ce que nos actions ont engendré jusqu'ici.
    J'aimerais citer une personne que vous connaissez très bien. Je vais lire d'abord la citation. Elle est tirée du site Web cbc.ca, en date du 26 avril 2007:
Si on se met à congédier tout le monde et à mettre à plat l'ensemble de l'économie au Canada, notre contribution au problème des GES, qui se chiffre à 2 p. 100, sera palliée par la Chine, les États-Unis, entre autres. Donc, il n'y aura aucun changement.
Pourquoi ne pas délocaliser tous les emplois au Canada vers d'autres pays pour ensuite nous demander comment nous allons acheter les véhicules construits dans ces pays, pendant que nos travailleurs sont en chômage?
    Ce sont les propos de M. Buzz Hargrove, chef du groupe syndical TCA.
    J'en viens donc à vous demander, Monsieur Layton, à qui les travailleurs de l'automobile devraient-ils se fier quant il est question des cibles liées au changement climatique et de sécurité d'emploi dans les industries à forte valeur ajoutée comme celle de l'automobile? Est-ce à vous ou à M. Hargrove?
(1630)
    Eh bien, il y a quatre ans nous avons dévoilé ensemble notre stratégie pour des véhicules écologiques. Si ce projet avait été adopté, j'ose dire que les emplois qu'on espérait garder au Canada auraient été sauvés, car on serait en train de fabriquer le genre de voitures que les Canadiens désirent acheter de plus en plus. Cela se ferait ici au pays. C'était un programme complexe — je n'entrerai pas dans les détails — mais le programme a été annoncé par moi-même, le monsieur que vous venez de citer, ainsi que le responsable de Greenpeace.
    Monsieur Layton, comme les commentaires cités ont été formulés cette année, on aurait plutôt tendance à se fier à M. Hargrove sur ce point.
    Merci, monsieur Watson.
    Pour que vous puissiez passer de joyeuses Fêtes, je vais vous parler de choses positives qui se font au Canada. Dans ma circonscription, par exemple, nous capturons le CO2 depuis 10 ans déjà — 100 p. 100 chez Dow, 100 p. 100 chez NOVA, et nous arrivons à faire le stockage du carbone. Nous avons un parc éolien qui a commencé avec 130 turbines produisant 82 mégawatts et qui est maintenant constitué de 37 turbines produisant 82 mégawatts. Moi-même, je suis en train d'installer 28 panneaux solaires sur le toit de ma maison. Cela vous démontre que les gens prennent des mesures. Je pourrais également vous parler des déchets.
    Merci beaucoup, monsieur Layton, d'être venu nous aider à y voir plus clair. Je suis certain que l'on aurait encore bien d'autres questions à vous poser. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup. Ce fut une bonne discussion que j'ai beaucoup appréciée.
    Nous allons passer tout de suite à notre prochaine session. Nous avons demandé aux témoins de nous présenter un exposé d'environ sept minutes et, si possible, d'écourter leur allocution afin de donner à chaque député l'occasion de poser des questions.
    Je crois qu'ils sont maintenant en ligne. D'accord, nos deux témoins sont là. C'est la magie de la technologie.
    Matthew, je crois comprendre qu'il est 4 h 30 du matin là où vous êtes, alors merci d'être là de si bonne heure. Oh, on vient de me corriger; il est 5 h 30. Je vous souhaite la bienvenue.
    Madame Donnelly, je vous demande de commencer votre déclaration de sept minutes, après quoi nous allons céder la parole à Matthew.
    Une petite question avant de commencer, est-ce que les membres du comité ont mon mémoire sous les yeux?
    Nous sommes en train de le distribuer.
    S'agit-il de deux pages ou plus?
    Plus.
    D'accord, merci.
    Je vais faire quelques remarques, et j'espère qu'elles seront constructives.
    Quand on me demande quelles seront les répercussions du projet de loi C-377, ma réponse émane d'une perspective plutôt étroite. Je me demande alors si ce projet de loi renferme des dispositions susceptibles de motiver le secteur privé à investir plus qu'il ne le fait maintenant dans un avenir sans émission de gaz carbonique. Malheureusement, si je lis le projet de loi, la réponse à cette question, la question qui m'obsède, est qu'il n'en contient pas. Je dois donc m'interroger sur l'absence de telles dispositions.
    Cela s'explique du fait que l'industrie a vu le gouvernement du Canada s'engager à stabiliser les émissions aux niveaux de 1990 dès l'an 2000, et cet engagement remonte à 1992. Il est intéressant de noter que peu de temps après avoir pris cet engagement, le gouvernement du Canada a sabré dans le financement du programme EnerGuide, programme qui avait été mis sur pied dans le cadre du Plan vert de Brian Mulroney. Ensuite, en 1997, nous nous sommes engagés à réduire ces émissions à un seuil de 6 p. 100 inférieur aux niveaux de 1990 durant la période de 2008 à 2012. L'industrie a longtemps attendu pour voir comment le gouvernement allait traduire cet engagement en obligations pour l'industrie. En 2005, le gouvernement a publié dans la Gazette un règlement qui nous obligeait à limiter l'intensité des émissions de nos usines à 13,5 p. 100 sous le seuil de 2004 d'ici 2012. Le règlement proposé créait des droits illimités d'émission pour les nouvelles usines, tant que ces usines respectaient la nouvelle norme énergétique MTCR. Trois ans plus tard, en 2007, nous envisageons la possibilité de prendre un règlement qui obligerait les usines à réduire l'intensité de leurs émissions à 16 p. 100 sous les seuils de 2006 d'ici 2010, tout en imposant des limites et des niveaux de réduction aux nouvelles installations.
    Pour un entrepreneur du secteur privé qui examine ces antécédents, auxquels pourraient s'ajouter de nouvelles cibles de réduction des émissions, il n'y a rien pour susciter des investissements. Pourrais-je demander au comité de s'informer pour voir s'il existe deux ou trois sources d'information que vous pourriez rendre accessibles pour nous aider à progresser plus rapidement cette fois-ci? C'est la question que je me pose à la première page de mon mémoire. Je me demande quand le gouvernement produira un plan d'application de la loi, que ce soit pour ce projet de loi-ci ou pour un autre. A-t-on convenu de normes à partir desquelles mesurer l'efficacité du plan? De cette façon, lorsque le budget est présenté chaque année, les prévisions actuelles et futures du PIB sur lesquelles se fonde le ministre des Finances pourraient éclairer notre interprétation de ce budget. Que nous soyons d'accord ou non avec ces prévisions, nous connaîtrions le contexte dans lequel les plans ont été établis, ce qui nous permettrait de les évaluer et d'en voir les implications pour la planification de nos activités.
    À la première page de mon mémoire, je montre qu'au cours de l'année écoulée, on a publié au moins quatre — en fait plus de quatre — évaluations principales des plans que le gouvernement a produits. Ces évaluations se fondent sur une gamme très varié de projections des émissions basées sur le maintien du statu quo. Les chefs d'entreprise ne peuvent comparer les évaluations qui sont produites puisque ces prévisions fondées sur le statu quo offrent une cible en constante évolution
(1635)
    Pour que nous puissions aller de l'avant, je me demande si votre comité ne pourrait pas déterminer qu'un des éléments d'infrastructure dont nous avons besoin pour progresser est une projection officielle fondée sur le statu quo au Canada, aussi imparfaite soit-elle — et il en faudrait peut-être trois différentes — , afin que nous ayons tous une base commune pour décider des changements à apporter.
    À la deuxième page de mon document, vous trouverez une estimation du fardeau que représenterait le projet de loi C-377 pour chaque province. C'est une simple analyse. Nous sommes partis des prévisions effectuées par l'Office national de l'énergie (ONE) en fonction d'un scénario de référence pour toutes les provinces ainsi que des projections démographiques de l'ONE. On a appliqué à ces prévisions les objectifs du projet de loi C-377. À partir de ces prévisions des émissions et des projections démographiques, on peut voir quel sera l'effet pour chaque province de l'obligation de réduire les émissions de 25 p. 100 sous le seuil de 1990, sans tenir compte des différences entre les provinces.
    Il est important qu'un tel tableau puisse servir de point de départ à toutes les mesures qui sont présentées.
    En dernière analyse, je ne recommande pas que l'on utilise comme base une prévision fondée sur le statu quo — je sais que personne ne propose de cibles uniformes au Canada — mais si vous regardez de près le tableau de la page 2, vous constaterez qu'il pourrait y avoir d'énormes difficultés qui diviseraient le pays... C'est effrayant, et je trouve effrayant que l'on n'examine pas ces facteurs. Si les cibles ne sont pas différenciées, cela signifie que les Canadiens devront réduire leurs émissions de 27 à 54 p. 100 par habitant d'ici 2020.
    Ce n'est pas tant la portée de ces objectifs de réduction que je trouve effrayante que cette fourchette de 27 à 54 p. 100. C'est en Saskatchewan que le fardeau serait le plus lourd. Les objectifs ne pourront pas être atteints si nous nous engageons dans des discussions sans avoir sous les yeux de tels documents et sans reconnaître que nous n'avons pas eu de plan au cours des 15 dernières années parce que nous n'avons pas examiné les conséquences pour les régions et que nous demandons aux fonctionnaires d'établir des plans sans les conseils du Parlement.
    C'est un projet d'une importance énorme; c'est bien plus important que la péréquation ou toute autre question.
    Il me reste peu de temps, mais il y a deux autres éléments d'infrastructure à mettre en place, quelles que soient les cibles visées; il n'est pas nécessaire de s'entendre sur les cibles pour établir ces deux éléments.
    Tout d'abord, vous devez déterminer vous-mêmes à quel moment le prix devient trop élevé. Il y a beaucoup de progrès dans le domaine de l'énergie solaire en Allemagne, et c'est très bien, mais l'Allemagne garantit aux fournisseurs d'énergie solaire un prix de 550 $ le mégawatt pour au moins dix ans. On parle de 550 $ le mégawatt comparativement à 5 $ le mégawatt, par exemple, qui est le prix normal de l'électricité en Ontario à l'heure actuelle.
    Mon but n'est pas de dire que 550 $, c'est trop cher. Je veux seulement savoir s'il existe un maximum pour les politiciens canadiens ou s'il n'y a aucune limite quant au prix qui devrait être payé. C'est une question raisonnable, et nous devons y trouver réponse; nous devons écouter l'opinion des gens sur ce qui constituerait un prix trop élevé, s'il y en a un.
(1640)
    Madame Donnelly, excusez-moi de vous interrompre, mais votre temps est écoulé. Pourriez-vous conclure très rapidement, s'il vous plaît?
    Je suis désolée. Oui, bien sûr.
    Ma dernière observation est que la prochaine étape consiste à se doter d'une stratégie d'investissement. En 1994, huit des 11 groupes propulseurs pour véhicules les moins polluants homologués par le California Air Resources Board avaient été entièrement fabriqués au Canada; aujourd'hui, plus un seul des groupes propulseurs à faibles émissions homologués par cette même agence californienne n'est fabriqué au Canada.
    En 1994, nous commencions à avoir au Canada une infrastructure de production d'énergie non polluante. Nous l'avons perdue parce que nous n'avions de cibles, parce que nous n'avions pas de stratégie nationale d'investissement. Le comité ferait peut-être meilleur usage de son temps s'il commençait à travailler pour que cette infrastructure soit intégrée à notre cadre de référence.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à Matthew Bramley.
    Bonjour et merci de me donner à nouveau l'occasion de témoigner.
    Je vais commencer en félicitant monsieur Layton de son leadership et de la vision qu'il a démontré en présentant ce projet de loi. À ma connaissance, c'est la première fois que l'on essaie de faire en sorte que le Canada soit tenu légalement de faire sa juste part pour éviter de dangereux changements climatiques, ce qui correspond à l'objectif ultime de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, une convention-cadre qui a été ratifiée par à peu près tous les pays du monde.
    Il y a un peu plus de deux ans, le Pembina Institute et la Fondation David Suzuki ont décidé qu'il importait de comprendre quelles réductions devraient être effectuées au Canada quant aux émissions de gaz à effet de serre pour que notre pays fasse pleinement sa part dans l'atteinte des objectifs de la convention-cadre des Nations Unies. Nous avons produit un rapport intitulé Réduire radicalement les gaz à effet de serre : les responsabilités du Canada pour prévenir les changements climatiques. Vous devriez en avoir des exemplaires.
    Dans ce rapport, nous avons fondé notre analyse sur une suite logique de questions: premièrement, à quel moment le réchauffement devient-il dangereux, d'après les prévisions des répercussions mondiales faites par les scientifiques? Deuxièmement, si l'on veut éviter un tel réchauffement, à quel niveau faut-il stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère? Troisièmement, pour stabiliser les concentrations de gaz à ce niveau, de combien faudrait-il réduire les émissions mondiales? Et quatrièmement, pour abaisser les émissions mondiales à ce niveau, de combien les émissions des pays industrialisés doivent-elles être réduites?
    Pour répondre à la première de ces questions, il est déjà largement reconnu depuis deux ans que si l'on veut être à peu près sûr d'éviter des répercussions catastrophiques, il faut essayer de limiter le réchauffement moyen de la planète à un maximum de deux degrés Celsius par rapport au niveau préindustriel. De nos jours, l'adhésion à cette limite de deux degrés pour le réchauffement de la planète est beaucoup plus vaste encore. D'après la Déclaration des scientifiques sur le climat à l'occasion de la conférence de Bali, l'objectif principal du prochain traité mondial sur le climat doit être la limite de deux degrés. La déclaration a été signée par des climatologues canadiens distingués, dont Corinne Le Quéré, Richard Peltier et Andrew Weaver.
    Je n'ai pas le temps de passer en revue avec vous chacune des étapes de l'analyse des arguments en faveur de réductions majeures, mais notre conclusion a été que le Canada doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre à 25 p. 100 sous le niveau de 1990 d'ici 2020 et à 80 p. 100 sous le niveau de 1990 d'ici 2050. Ce sont des cibles que M. Layton a inscrites dans son projet de loi C-377.
    Cette année, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC, a confirmé que ces cibles correspondent à ce que préconisent les scientifiques. Le quatrième rapport d'évaluation du GIEC indiquait que si l'on voulait qu'il soit raisonnablement possible d'éviter un réchauffement planétaire de deux degrés, les pays industrialisés devraient réduire leurs émissions à 25 à 40 p. 100 sous le niveau de 1990 d'ici 2020 et à 80 à 95 p. 100 sous le même niveau d'ici 2050. Ces chiffres figurent au tableau 1 du document technique des Nations Unies, dont vous devriez également avoir copie. Veuillez noter que les cibles indiquées au projet de loi C-377 se situent à la limite inférieure des fourchettes préconisées par le GIEC; autrement dit, ce sont des cibles modérées.
    Le Canada est-il en mesure de réduire ses émissions à 80 p. 100 sous le niveau de 1990 d'ici 2050? Pour atteindre cet objectif tout en maintenant un niveau d'activité économique normal, il faudra mettre en place un régime énergétique à peu près sans émission. Tout porte à croire que ce serait réalisable si le Canada se dotait de politiques rigoureuses encourageant une utilisation maximale des énergies renouvelables à faibles effets conjuguées, lorsque cela est nécessaire et faisable, à des technologies à risque plus élevé comme la capture et le stockage du gaz carbonique. Dans les arguments en faveur de réductions majeures, on donne tout un éventail de preuves montrant que de telles réductions sont réalisables d'ici 2050 du point de vue de la technologie, des coûts et de la compétitivité. Le tableau 1 du document technique des Nations Unies cite les travaux du GIEC et montre que dans les scénarios compatibles à une stabilisation du réchauffement planétaire à deux degrés, le PIB mondial pourrait être de jusqu'à 5,5 p. 100 inférieur en 2050 à ce qu'il serait si les émissions ne sont pas contrôlées. Autrement dit, on pourrait perdre en un demi-siècle environ deux années de croissance du PIB. C'est un effet minime qui pourrait entièrement disparaître grâce à l'innovation technologique.
(1645)
    Compte tenu de cela, je ne crois que pas que l'on puisse justifier une atténuation des cibles fixées dans ce projet de loi en fonction des coûts financiers que pourrait avoir la réduction des émissions. Le coût mondial prévu des changements climatiques au delà de deux degrés de réchauffement — et ces coûts seront assumés par les populations, les économies et les écosystèmes —  sont tout simplement prohibitifs. À mon avis, un pays qui dispose de ressources naturelles, financières et intellectuelles aussi abondantes que le Canada se doit de décider que l'objectif est atteignable et de se mettre à la tâche.
    Est-il nécessaire d'inscrire ces cibles dans des lois et d'exiger que des mesures soient prises pour qu'elles soient atteintes? Oui, parce que par le passé comme aujourd'hui, les gouvernements fédéraux ont trop souvent adopté des cibles de réduction des gaz à effet de serre sans prendre par la suite les mesures nécessaires pour les atteindre.
    Le Canada ne serait pas le seul pays à adopter l'approche proposée dans le projet de loi C-377. Ces mesures sont très semblables à celles que le gouvernement britannique a édictées récemment dans son projet de loi sur les changements climatiques.
    Certains diront peut-être que le Canada ne devrait pas adopter des cibles fondées sur les connaissances scientifiques dans le projet de loi C-377 tant que les autres grands pays émetteurs n'en font pas autant. Je répondrai que ce n'est pas là une attitude responsable, et ce, pour deux raisons. Premièrement, les Canadiens veulent faire preuve de leadership et se montrer ambitieux dans la résolution de ce problème. Le gouvernement a également exprimé sa volonté d'être un chef de file dans ce dossier. Deuxièmement, nous disposons des ressources nécessaires à cette fin.
    Certains pays, dont la France, l'Allemagne, la Norvège et le Royaume-Uni, ont déjà adopté des cibles semblables à celles proposées dans ce projet de loi parce que c'est ce qu'il convient moralement de faire et parce qu'ils estiment pouvoir les atteindre.
    D'autres feront valoir que les circonstances particulières au Canada devraient faire en sorte que nous adoptions des cibles moins rigoureuses. Je propose que ceux-là précisent quels pays devraient faire davantage pour compenser ce que le Canada fera de moins. Je vous rappelle également que les cibles prévues dans ce projet de loi se situent déjà au niveau inférieur de ce que doivent faire les pays industrialisés, d'après le GIEC, pour éviter que le réchauffement de la planète atteigne les deux degrés.
    Pour conclure, ce projet de loi n'est pas politique à mon avis. Il vise à ce que les politiques mises en oeuvre se fondent sur les données scientifiques et à ce que le Canada ne se décharge pas de ses responsabilités sur d'autres pays. Je ne vois pas pourquoi il ne serait pas appuyé par tous les partis.
    Merci.
(1650)
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer tout de suite à M. McGuinty.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les deux d'être en ligne.
    Bonjour, monsieur Bramley.
    Je vais commencer avec Mme Donnely. Madame Donnely, j'aimerais que vous m'apportiez quelques précisions. Vous nous avez envoyé un long rapport, d'environ 12 à 15 pages... Tout d'abord, qu'est-ce que WDA Consulting Inc.?
    C'est mon entreprise.
    D'accord.
    Ce rapport a-t-il été préparé à l'intention de notre comité en réaction expressément au projet de loi C-377?
    Oui, je l'ai rédigé au cours de la fin de semaine — comme vous le savez, nous avons été invités sans beaucoup de préavis — mais la plupart des diapositives sont celles que j'avais déjà présentées au comité au sujet du projet de loi C-30, lorsque j'ai témoigné devant vous en février dernier.
    J'allais dire que je reconnaissais une bonne partie de ces diapositives pour les avoir vues lorsque nous avons examiné le projet de loi C-30. Je me demandais comment elles pourraient s'appliquer expressément au projet de loi C-377. Merci de cette précision.
    Puis-je vous demander à tous les deux vos observations à partir de la conclusion de M. Bramley?
    Monsieur Bramley, un peu plus tôt, le secrétaire parlementaire a posé des questions à votre sujet et a demandé si l'on pouvait trouver vos empreintes partout dans ce projet de loi, comme, disait-il, on les trouvait dans le projet de loi C-288. Je crois qu'il essayait d'établir un lien; je ne sais pas s'il voulait faire une remarque plus précise à ce sujet. Il est néanmoins curieux de constater que ses observations font directement suite aux critiques acerbes faites très publiquement hier par le ministre, selon lesquelles les ONG de l'environnement seraient responsables de la situation actuelle au Canada.
    J'aimerais cependant vous poser des questions au sujet des commentaires que M. Bramley a fait au sujet de la science.
    Monsieur Bramley, vous avez dit que votre rapport Réduire radicalement les gaz à effet de serre et les dispositions du projet de loi C-377 allaient de pair avec les connaissances scientifiques, qu'il s'agissait d'une approche axée sur la science.
    Compte tenu des observations faites par M. Weaver il y a deux semaines sur le fait que le gouvernement ne se fonde pas sur les connaissances scientifiques — en fait, il a dit qu'à son avis le gouvernement tenait son inspiration scientifique d'une planche de Ouija — pourriez-vous tous les deux nous aider à comprendre... Hier, à Bali, le président du GIEC a déclaré que le gouvernement fait fi de la science et qu'il n'éclaire certes pas par des connaissances scientifiques sa position de négociation.
    Dans l'optique du projet de loi C-377, de vos diapositives, madame Donnelly, et de votre rapport, monsieur Bramley, pourriez-vous nous aider à comprendre si le plan du gouvernement en matière de changement climatique, qui est la base de notre position aujourd'hui à Bali — le plan « Prendre le virage » — tient compte des connaissances scientifiques et se fonde sur le consensus scientifique planétaire?
    Aucun gouvernement au Canada n'a à ce jour proposé ou promis d'atteindre des cibles de réduction de gaz à effet de serre fondées sur des connaissances scientifiques.
    En ce qui concerne les cibles que le gouvernement actuel a proposé pour le Canada en vue de 2020 et 2050, il n'existe à ma connaissance aucun document public dans lequel le gouvernement explique comment ces cibles ont été établies. Je parle de la réduction à 20 p. 100 sous le niveau de 2006 d'ici 2020 et de 60 à 70 p. 100 sous le niveau de 2006 d'ici 2050.
    À ma connaissance, le gouvernement n'a pas tenté de faire valoir que ces cibles se fondent sur la science, et je ne sais pas sur quelle science elles pourraient bien être fondées.
    Madame Donnelly.
    Comme vous le savez, je travaille à temps plein sur ce dossier depuis 1996, et je ne l'aurais pas fait à moins d'être intimement convaincue que les changements climatiques sont le problème le plus important auquel l'humanité est confrontée. Pour le reste, j'essaie de faire valoir que rien de tout cela n'a nécessairement de l'importance maintenant. Le fait est que les maximums que le gouvernement du Canada propose d'imposer par règlement à l'industrie sont plus rigoureux que tout ce qui a été proposé auparavant au Canada, et nous avons encore de la difficulté à obtenir que ces règlements soient mis en oeuvre.
    Je n'essaie pas de dire qu'ils sont bons, mauvais, suffisants ou insuffisants. Ce que je dis, c'est qu'il y a de bonnes raisons pour lesquelles aucun progrès n'est réalisé du point de vue de la réglementation au Canada, et que ces raisons n'ont rien à voir avec les débats scientifiques. Ces bonnes raisons sont clairement visibles à la page 2 du document que j'ai distribué aujourd'hui.
    Ainsi donc, lorsqu'on essaie de passer de la théorie d'une cible au Canada à la répartition d'obligations légalement contraignantes de réduire les émissions — obligations qui sont assumées par les provinces, les entreprises et les citoyens canadiens — on se retrouve avec le même problème qu'à Bali actuellement, c'est-à-dire qu'il faut faciliter une négociation très difficile entre les provinces alors qu'aucun gouvernement jusqu'à présent n'a entrepris une telle négociation.
    À mon avis, le problème ne vient pas d'une dénégation à l'égard des connaissances scientifiques. Ni les politiciens ni la population ne disposent des informations nécessaires pour entreprendre de façon constructive les discussions qui doivent être tenues. Nous devons nous demander si nous exigeons de la population de la Saskatchewan des réductions plus importantes qu'ailleurs au Canada et, si nous ne le faisons pas, quelle province assumera une part du fardeau de la Saskatchewan.
    Si ces discussions ne sont pas entreprises, peu importe les cibles que l'on inscrira dans les lois à partir de maintenant, nous n'obtiendrons toujours aucun résultat.
(1655)
    L'essentiel de votre argument, madame Donnelly, si je puis le traduire de façon à le comprendre, est que nous avons tout intérêt à reconnaître qu'il y aura des différences entre les provinces. Nous aurions intérêt à provoquer une réunion des premiers ministres, par exemple, pour la première fois depuis deux ans, et commencer à discuter de ces différences. Si je vous ai bien comprise, vous ne dites certes pas que le plan national du Canada en matière de changement climatique et notre position de négociation à Bali ne devraient pas être éclairés par la science, n'est-ce pas?
    Je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites qu'ils ne sont pas éclairés par la science.
    Avez-vous des preuves montrant que le plan se fonde sur la science?
    Je n'ai pas de preuves du contraire non plus.
    Avez-vous vu des analyses réalisées par le gouvernement, à partir d'expériences scientifiques, pour fixer la cible 20 p. 100 d'ici 2020, en fonction de l'année de référence 2006?
    Non. J'ai vu l'analyse que j'ai résumé à la page 1 de mon mémoire. Si dans tous ces rapports on a utilisé des données de référence différentes, les résultats seront différents. Si je faisais une analyse, mes résultats seraient différents de ceux des quatre rapports que la plupart des gens invoquent.
    Le premier élément scientifique dont nous devons nous préoccuper actuellement est de savoir sur quoi nous nous fondons pour établir nos prévisions quant à nos propres émissions.
    Monsieur Bramley, avez-vous consulté des analyses ou des modèles économétriques — un document quelconque du ministère des Finances, une étude commandée à contrat à des firmes d'experts-conseils — qui puissent appuyer le plan national du gouvernement et aussi, évidemment, le plan qui sous-tend notre position de négociation à Bali? Il y a un lien avec le projet de loi C-377, bien sûr, puisque ce projet de loi a un rapport direct à la question des connaissances scientifiques. Savez-vous s'il existe quelque part au gouvernement, dans l'un des ministères en cause, une analyse qui nous aiderait à comprendre comment le gouvernement en est arrivé aux cibles qu'il propose d'ici 2020?
    Dans les documents que le gouvernement a publiés, on mentionne de façon indirecte la cible fixée pour la réduction des émissions d'ici 2020 au Canada. On mentionne une analyse économique préliminaire, mais on donne très peu de détails. Il serait très intéressant de voir si le gouvernement est prêt à déposer publiquement une analyse économique qui nous explique pourquoi la cible de 20 p. 100 sous le niveau de 2006 d'ici 2020 est la bonne, pourquoi cette cible-là a été choisie, pourquoi nous ne pouvons pas faire davantage, parce que, pour ma part, je n'ai pas vu de telle analyse.
    Je comprends cela, monsieur Bramley.
    Le secrétaire parlementaire devrait peut-être demander à son ministre de déposer les analyses, y compris l'analyse préliminaire dont on a fait mention, avez-vous dit, et que ni moi ni les journalistes n'avons vu. En fait, cinq ou six groupes différents ont réclamé cette analyse, et notre comité ne l'a toujours pas reçue. Si l'un d'entre vous mettait la main sur ce document, pourriez-vous s'il vous plaît en faire parvenir copie aux membres du comité?
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur McGuinty.
    Monsieur Lussier.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, madame Donnelly et monsieur Bramley.
    Je veux poser ma première question à Mme Donnelly. Dans votre tableau à la page 2, vous nous donnez la production de gaz à effet de serre par province pour l'année 2005.
    Quel était le but de nous proposer l'année 2005, considérant que le projet de loi C-377 fait toujours référence à 1990?
(1700)

[Traduction]

    J'ai entendu votre question, mais pas le dernier bout. Je ne suis pas sûre de l'avoir bien comprise. Pourriez-vous la répéter en anglais?

[Français]

    Je répète ma question à Mme Donnelly.
    Dans le tableau que vous nous proposez, les données concernant la production de gaz à effet de serre, de CO2, par province ont pour année de référence l'année 2005.
    Pourquoi avoir choisi 2005, et non pas 1990, qui est le point de référence du projet de loi C-377?

[Traduction]

    Je vous remercie de la question.
    Pour le calcul des réductions, les chiffres qui figurent au tableau se fondent sur l'année de référence 1990. Ce que j'ai essayé de démontrer dans ce tableau, c'est ce que cet objectif de réduction représente par rapport aux émissions réelles en 2005. Je n'ai apporté aucun ajustement à la cible proposée. Le tableau illustre ce qui est proposé dans le projet de loi C-377.
    Ce qu'il faut retenir, c'est que l'année 2005 est la dernière année pour laquelle nous ayons des estimations complètes de données. Pour les entreprises et pour monsieur tout-le-monde, ce qui importe, c'est ce que la cible représente quant à leurs obligations actuelles en matière de réduction des émissions.

[Français]

    Madame Donnelly, avez-vous les chiffres de 1990?

[Traduction]

    Oui, et il me ferait plaisir de vous envoyer une version révisée du tableau, avec une autre année de référence. Je serais heureuse de le faire.

[Français]

    Vous pouvez faire le même exercice et distribuer les objectifs de réduction par province jusqu'à 2050?

[Traduction]

    Je peux, oui, si j'utilise une autre série de prévisions fondées sur le statu quo. J'ai choisi celles de l'Office national de l'énergie, qui ne visent que la période prenant fin en 2030. Mais si vous pouvez attendre jusqu'à la semaine prochaine, je pourrai non seulement vous envoyer le tableau, mais aussi un document en Excel qui comprend toutes les données dans le tableau. Je peux facilement y inclure quelques prévisions fondées sur le statu quo pour que vous puissiez choisir celles avec lesquelles vous voulez travailler. Et je peux certainement en préparer au moins jusqu'en 2050. Vous pourriez alors jouer avec les chiffres comme vous voulez.
(1705)
    Je vous saurais gré de bien vouloir transmettre cela au greffier afin que chaque membre puisse avoir une copie.
    Je le ferai avec plaisir.

[Français]

    Madame Donnelly, dans la dernière colonne à droite, vous parlez des réductions de carbone de 2000 à 2005. Est-ce que ce sont des chiffres réels de réduction? Prenons par exemple le chiffre pour le Québec. Il est de -15,7 p. 100.

[Traduction]

    Ce sont des chiffres réels, si vous vous fiez aux prévisions de Statistique Canada. Je les trouve fiables.
    Je suis heureuse que vous ayez mentionné cette colonne, car je l'ai créée pour une raison. Je pense que, pour les Canadiens et les Canadiennes qui jettent un coup d'oeil à ce tableau, les deux dernières colonnes soulèvent une question très importante qui, je crois, fait ressortir l'existence d'un fossé entre les différentes parties au débat national. Certaines personnes vont regarder ces deux dernières colonnes et dire, très raisonnablement,  « Nous avons accompli des progrès notables depuis cinq ans. Il n'est pas nécessaire d'adopter d'autres mesures pour l'instant. » D'autres vont prendre les mêmes chiffres et dire,  « Écoutez, les objectifs de réduction que nous vous demandons d'atteindre à partir d'aujourd'hui n'ont rien d'exagéré. » Nous pouvons également sortir les chiffres pour les dix et 15 dernières années et les inclure dans le tableau que je vous ferai parvenir.
    Je pense que ces colonnes sont très importantes, non pas en raison de ce qu'elles vous portent à conclure, mais parce qu'elles nous permettent de voir comment les gens interprètent différemment les mêmes chiffres.

[Français]

    Madame Donnelly, avez-vous les chiffres de 1990 à 2000 en ce qui a trait aux réductions par province?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Maintenant, revenons à la dernière colonne à droite de votre tableau. Toutes les provinces ont des réductions de carbone négatives, sauf le Yukon, qui contribue très faiblement aux émissions du Canada. Doit-on comprendre que...

[Traduction]

    Et la Saskatchewan.

[Français]

     C'est 7,9. D'accord. Ce chiffre m'avait échappé.
    Dois-je comprendre que la plupart des provinces ont fait un effort considérable depuis l'an 2000 pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre? Ce n'est pas ce qu'on entend dans le discours du gouvernement concernant la réduction des gaz à effet de serre depuis 2000.

[Traduction]

    Je ne peux pas parler au nom du gouvernement. Toutefois, en ce qui concerne l'industrie — et je ne représente pas forcément une entreprise en particulier  — , si l'on me dit que je dois réduire mes émissions de 6 p. 100 ou de 25 p. 100 par rapport à l'année de référence 1990, ou encore de 10 p. 100 par rapport à 2000, la première question que je me pose est la suivante: « Cela représente quel pourcentage de mes émissions actuelles? » Le secteur privé s'appuie habituellement sur l'année la plus récente pour laquelle il possède des prévisions raisonnables pour convertir la norme proposée en objectif.
    Je ne sais pas ce qui pousse le gouvernement à choisir une année de référence plus récente, mais c'est une façon pratique de définir les exigences qu'il souhaite imposer ou qu'il nous demande de respecter. Cela n'a rien à voir avec les cibles qui sont fixées.

[Français]

    J'aurais une dernière question à poser à M. Bramley; elle sera très courte.
    Monsieur Bramley, êtes-vous là?
(1710)
    Oui.
    À l'article 3 du projet de loi, on parle de stabilisation des concentrations. Dans le tableau que vous nous avez transmis, il y a toujours une croissance de la concentration de CO2.
    Est-ce que vous croyez à la stabilisation des concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère?
    Je crois qu'il est impératif que le monde entier se donne comme objectif de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui permettra d'atteindre l'objectif de la convention-cadre, c'est-à-dire afin d'empêcher ou de prévenir les impacts climatiques dangereux.
    Merci.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Christopherson, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie tous les deux pour votre collaboration, étant donné qu'il doit être 4 heures et demie du matin chez-vous. Nous vous savons gré d'avoir pris le temps et la peine de nous rencontrer.
    Madame Donnelly, vous avez parlé du déni de la science. Dans la même veine, afin que je puisse bien comprendre la problématique, croyez-vous, tout comme la majorité des scientifiques, qu'une hausse des températures de deux degrés peut déclencher des changements climatiques dangereux?
    Je suis économiste de formation et je ne suis pas certaine de vouloir m'exprimer sur des questions de chimie et de biologie. J'ai décidé, en 1996, que cet enjeu était la question de l'heure sur laquelle je voulais me concentrer. Et ce qui me préoccupe avant tout, c'est que nous n'avons pas fait ce qu'il fallait faire, tant sur le plan national qu'international.
    Je veux surtout savoir comment nous pouvons changer notre façon de faire sur le plan économique. Je suis certaine que si nous adoptons les mesures qui s'imposent, nous allons réaliser des progrès plus vite que prévu. Si nous agissons avec efficacité, nous allons améliorer les choses même si les hypothèses des scientifiques sur les changements climatiques finissent par s'avérer fausses.
    D'accord. Je vois.
    Je trouve cela plutôt surprenant, compte tenu du fait que vous avez dit, si j'ai bien compris, qu'il fallait s'entendre au départ sur une année de référence. J'ai l'impression que s'il vous faut ce renseignement, c'est parce qu'en même temps, vous cherchez à éviter qu'on vous impose une cible, non? Mais je comprends ce que vous dites.
    Je tiens à ce que les choses soient claires. Vous ne m'avez jamais entendue plaider pour ou contre une cible, et vous ne m'entendrez jamais exprimer une opinion là-dessus. Je vous pose la question suivante: que vous faut-il comme outils pour être en mesure de faire des progrès, d'atteindre une cible?
    D'accord.
    J'aimerais vous poser une autre question... Supposons, aux fins de la discussion, que les grands émetteurs, qui, d'après le gouvernement, doivent participer à l'effort de réduction, sinon rien ne sera fait, décident de ne pas collaborer? Que va-t-il arriver si nous ne faisons rien, s'ils ne font rien?
    J'essaie de vous répondre. Je ne crois pas que l'on ne puisse rien faire. La question est de savoir comment le Canada compte-t-il réduire ses émissions? Va-t-il les réduire en transformant une économie dynamique à grande intensité carbonique en une économie dynamique à faible intensité carbonique, ou va-t-il transformer son économie comme l'Europe l'a fait, en délocalisant son secteur manufacturier?
    Il est important de noter que les émissions de gaz à effet de serre pour l'Europe ont diminué, mais que le bilan global de carbone a augmenté, parce que les Européens utilisent plus d'essence, d'électricité, de charbon, de voitures, d'appareils ménagers, et gagnent moins.
    Nous ne contribuerons pas à l'objectif global de réduction des émissions mondiales si nous nous contentons tout simplement de faire comme eux. Au Canada, il va falloir que l'on trouve le moyen de faire ce qu'aucun autre pays n'a jamais fait. Je crois que c'est possible, mais il va falloir se fonder sur des chiffres concrets.
    Merci de votre réponse.
    Monsieur Bramley, concernant ce qui se passe à Bali actuellement, nous avons entendu dire, bien sûr, que le Canada s'était vu décerner le prix « fossile du jour ». Je crois que nous l'avons reçu à trois reprises en une seule journée. Beaucoup de Canadiens sont gênés de voir la façon dont le Canada est perçu de par le monde, surtout que la majorité d'entre nous avons connu le Canada, une nation dans la famille des nations, comme étant non pas le plus puissant et le plus grand des pays, mais certainement le plus respecté de tous. C'est très gênant d'assister à une chose pareille.
    Pouvez-vous nous donner une idée de la gravité de la situation, de la très mauvaise impression que donne le Canada actuellement à cause de son inaction? De plus, j'ai demandé à Jack, plus tôt, si on allait respecter le protocole de Kyoto. Nous avons si peu fait — rien — et nous avons accumulé un tel retard qu'on se demande si, dans les faits, on l'a signé. Nous l'avons fait, bien sûr, mais nous n'y avons pas donné suite, ce qui constitue une autre source d'embarras.
    Jack a recommandé que le Canada respecte sa signature. On devrait payer les pénalités imposées et aller de l'avant. Êtes-vous du même avis? Comment pouvons-nous nous racheter vis-à-vis de Kyoto et retrouver le respect de la communauté internationale?
(1715)
    Je ne rajouterai rien aux diverses critiques que nous avons entendues au sujet du Canada. Je pense que vous avez tous vu cela dans les médias.
    Le gouvernement pourrait dire que les cibles et les politiques que nous avons mises de l'avant jusqu'à maintenant constituent un point de départ, que c'est ce que nous sommes prêts à faire unilatéralement, peu importe ce qui arrive. Le gouvernement, le ministre Baird, pourrait annoncer, à Bali, qu'il est prêt à rehausser considérablement les cibles fixées par le Canada, à faire en sorte qu'elles s'appuient davantage sur les données scientifiques, et surtout à renforcer les politiques qui encadrent les cibles, pour que le Canada participe à l'effort international au cours des deux prochaines années, pendant la durée des pourparlers à Bali.
    Encore une fois, le ministre Baird, depuis son arrivée à Bali, a fait des déclarations qui paraissent fort intransigeantes. Il a déclaré que des objectifs de réduction contraignants devraient être imposés aux pays dont la richesse et les émissions par habitant sont de cinq à dix fois moins élevées que celles du Canada.
    Il a également émis un communiqué, il y a quelques jours, disant qu'il acceptait le principe de cibles collectives mais particulières. Encore une fois, je pense que le ministre Baird devrait en profiter pour préciser qu'il ne croit pas que la Chine ou l'Inde, par exemple, devraient se voir imposer les mêmes cibles que le Canada dans la période postérieure à 2012. Il faudrait adopter des objectifs quantifiés, des engagements nouveaux qui vont contribuer à réduire de façon marquée les émissions de ces pays par rapport aux prévisions fondées sur le statu quo, après 2012. Qui sait, ces pays seront peut-être un jour en mesure de mettre en place des plafonds absolus.
    Le ministre peut faire beaucoup pour réparer le tort causé à la réputation du Canada dans ce domaine.
    Merci.
    Encore une fois, concernant le déni de la science et la hausse de deux degrés celcius, il est évident que vous y croyez. Y a-t-il des acteurs de premier plan qui n'y croient pas, ou est-ce que l'on s'entend de manière quasi unanime pour dire que les deux degrés celcius constituent un chiffre que l'on devrait accepter comme parole d'évangile, si je peux m'exprimer ainsi?
    Je ne dirais pas que l'on s'entend de manière quasi unanime là-dessus. Il s'agit, en fait, d'un objectif que l'Union européenne a adopté en 1996, il y a déjà plus de 10 ans de cela. Ce qui m'a vraiment étonné dernièrement, c'est que des scientifiques du climat qui, jusqu'ici, hésitaient beaucoup à se prononcer sur les changements climatiques dangereux — parce que cela implique non seulement des preuves scientifiques, mais aussi un jugement de valeur — se font maintenant entendre en grand nombre. J'ai cité comme exemple la déclaration des scientifiques sur le climat à l'occasion de la conférence de Bali.
    Beaucoup de scientifiques sont maintenant impatients et disent aux gouvernements, « Écoutez, une hausse de deux degrés celcius serait tout simplement inacceptable, si l'on se fie aux prévisions d'impacts. » Ils sont maintenant nombreux à dire, comme je l'ai indiqué dans ma déclaration, qu'une hausse de deux degrés celcius doit être l'objectif premier du nouvel accord mondial que nous espérons voir négocier dans la foulée de Bali.
    Merci.
    J'ai une dernière question. Il ne me reste que quelques minutes. Cela fait un certain temps que vous avez publié le rapport qui a largement inspiré ce projet de loi. Y a-t-il eu des changements importants dont nous devrions tenir compte?
    De nouvelles preuves scientifiques sur les changements climatiques ont été dévoilées. Elles ont contribué, dans une large mesure, à sonner encore plus l'alarme, à intensifier le sentiment d'urgence. En effet, le troisième volume du quatrième rapport d'évaluation du GIEC qui a été publié cette année confirme les conclusions que nous avons tirées, c'est-à-dire les réductions qui doivent être faites au Canada d'ici 2020 et 2050. Le GIEC a maintenant confirmé que ce sont les cibles à atteindre. En fait, elles se situent toutes à la base des fourchettes que devront viser les pays industrialisés si nous voulons éviter un réchauffement de deux degrés.
(1720)
    Merci à tous les deux.
    Monsieur Vellacott.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous signale, aux fins du compte rendu, que je m'appelle Maurice Vellacott et que je suis député de la Saskatchewan. Pour reprendre les propos de Stéphane Dion, le chef libéral, le projet de loi de M. Layton, le projet de loi C-377, est injuste pour la Saskatchewan, d'après les chiffres fournis par Mme Donnelly dans le mémoire de la WDA Consulting. Le fardeau que devra assumer ma province sera dix fois plus grand que celui de l'Ontario, le double de celui de l'Alberta, douze fois plus grand que celui du Québec, et sept ou huit fois plus grand que celui du Manitoba, ainsi de suite.
    Je ne sais pas si Jack veut s'en prendre à cette belle province qu'est la Saskatchewan parce que ses électeurs ont récemment rejeté le NPD. Je ne comprends pas pourquoi il essaie d'imposer un fardeau particulièrement injuste à la Saskatchewan.
    Ma première question s'adresse à M. Bramley. Elle porte sur son rapport, Réduire radicalement les gaz à effet de serre, qui a été préparé de concert avec la Fondation David Suzuki. Monsieur Bramley, en ce qui a trait à ce rapport, disposez-vous de modèles économiques portant expressément sur le Canada?
    Tout d'abord, vous avez fait quelques observations trompeuses dans votre préambule, car le projet de loi C-377 n'indique aucunement comment les efforts seraient répartis entre les provinces. Ce que vous avez dit est tout à fait faux.
    Permettez-moi de revenir à ma question. Je voudrais savoir si vous avez des modèles...
    Il est tout à fait faux de tirer des conclusions quant au fardeau qu'une province devrait assumer plutôt qu'une autre.
    Eh bien, monsieur Bramley, vous devrez en parler avec notre autre témoin au téléphone, Mme Donnelly, car elle n'est pas d'accord avec vous, et elle a fait un examen très approfondi...
    Peut-être n'avez-vous pas eu l'occasion de voir son document.
    Mais la question que je vous pose, de nouveau...
    Monsieur Vellacott, aucune disposition de ce projet de loi n'indique comment le fardeau ou les responsabilités seraient distribués.
    Monsieur Bramley, je vous en prie, nous ne pouvons pas avoir plus d'une personne qui parle à la fois.
    Monsieur Bramley, dans votre rapport, y a-t-il un modèle économique qui porte expressément sur le Canada? Dans votre rapport Réduire radicalement les gaz à effet de serre, avez-vous un modèle économique applicable au Canada?
    Nous citons un certain nombre d'analyses de modèles économiques, mais aucune qui soit directement liée à l'atteinte de la cible que nous préconisons pour le Canada en 2050. À ma connaissance, il n'existe pas de telle analyse, et il faut qu'on en fasse une.
    Vous n'avez donc pas établi de modèles économiques expressément applicables au Canada?
    Non.
     Monsieur Bramley, comme vous le savez très lien, les libéraux se sont montrés grands parleurs et petits faiseurs. Je fais référence au rapport 2005 de la commissaire, dans lequel elle disait ce qui suit:
Au chapitre de la protection de l'environnement, le gouvernement a fait d'audacieuses promesses, puis les oublie souvent aussitôt que le coup d'envoi est donné. Le gouvernement fédéral semble avoir du mal à croiser le fil d'arrivée.
    Je remarque, monsieur Bramley, que les libéraux semblent plus intéressés maintenant par ce que vous et le Pembina Institute avez à dire que lorsqu'ils étaient au pouvoir. Votre rapport, si j'ai bien compris, remonte à 2005. C'est exact? Il a été publié en 2005?
    Oui, à la toute fin de l'année.
    Très bien. Le gouvernement libéral avait-il, à l'époque, manifesté de l'intérêt pour votre rapport?
    Je ne me souviens pas qu'il y ait eu de rencontres ou d'interaction avec le gouvernement alors au pouvoir au sujet du rapport, mais je crois me rappeler que nous étions à la veille de la campagne électorale au moment de sa publication, le 23 novembre 2005.
    C'est exact. Il est donc irresponsable de la part du Canada de demeurer muet sur ce qu'il entend faire après 2012. Il me semble que les libéraux se sont beaucoup intéressés à votre rapport par la suite, mais lorsqu'ils avaient les rennes du pouvoir entre les mains, ils n'ont pas manifesté beaucoup d'intérêt pour votre plan.
    Ma question s'adresse aux deux témoins. Votre plan, et ce plan-ci, qui est le reflet du projet de loi C-377, ne prévoit aucune mesure. Il ne confère au gouvernement aucun pouvoir de dépenser pour atteindre les objectifs du projet de loi. Comment interprétez-vous ce projet de loi d'initiative parlementaire et, d'après vous, comment le gouvernement prévoit-il atteindre quelque objectif que ce soit sans dépenser un sou?
(1725)
    Comme d'autres l'ont fait remarquer, ce projet de loi est structuré de façon semblable à la loi de mise en oeuvre du protocole de Kyoto, puisqu'il impose au gouvernement l'obligation de présenter régulièrement des plans relativement aux changements climatiques. Le gouvernement au pouvoir a toute liberté de choisir la composition de ses dépenses, que ce soit par règlement, d'instruments reposant sur les mécanismes du marché, d'ententes avec les provinces, ainsi de suite, selon ce qu'il juge le plus efficace pour atteindre les cibles du plan. Le projet de loi demande au gouvernement d'établir ces cibles.
    Madame Donnelly, je vous repose la question. Comment interprétez-vous ce projet de loi d'initiative parlementaire? Croyez-vous que le gouvernement pourra obtenir des résultats sans dépenser un sou? Le projet de loi ne contient ni plan d'action ni pouvoir de dépenser.
    Je ne suis pas une experte de la constitution et je dois donc vous croire sur parole.
    Comme je l'ai dit, je ne crois pas qu'il sera possible de réduire les émissions à un niveau inférieur à celui de 2006 ou de les réduire de 20 p. 100 et plus d'ici 2020 sans que le gouvernement ait à faire d'énormes dépenses. Il y a à cela deux raisons très différentes.
    Premièrement, on parle souvent de grandes possibilités, entre autres de grands projets hydroélectriques, de lignes de transmission Est-Ouest, de transport en commun, ainsi de suite, mais les principaux grands projets qui devront être entrepris — et construits d'ici 2020 — nécessiteront des investissements de capitaux d'au moins 90 milliards de dollars, peut-être même de 125 milliards de dollars, avant 2012. La plupart des provinces sont trop endettées pour pouvoir aller chercher des sommes semblables, même en promettant un rendement sur l'investissement, sans la participation du gouvernement fédéral.
    Deuxièmement, il est important de comprendre que quelles que soient les mesures que nous prenons, le prix de l'énergie va augmenter, ce qui occasionnera des problèmes graves pour les 1,3 million de familles à faible revenu du Canada. Ces familles devront payer au moins 5 milliards de dollars pour payer tous les coûts de rénovation de leur maison afin d'en augmenter l'efficacité énergétique. On ne peut rien faire sans tenir compte de ces dépenses...
    Vous avez raison.
    Merci beaucoup, madame Donnelly.
    M. Harvey veut prendre la parole.

[Français]

    Je regrette que M. Layton soit déjà parti, parce que j'avais des questions à lui poser. J'aimerais que M. Chistopherson lui dise que lorsqu'on nous parle d'émissions de carbone en Chine, on divise par 1,2 milliard, ce qui donne à peu près 3 tonnes. Par contre, pour atteindre le même résultat que nous, la Chine n'aurait pas dû investir 10 milliards de dollars mais plutôt 378 milliards de dollars pour la protection de l'environnement.
    Madame Donnelly, lorsqu'on parle d'une réduction de 25 p. 100 par rapport à 2020, quel pourcentage total cela représente-t-il, si on calcule qu'on en est présentement à plus 33 p. 100? Quelle diminution cela représente-t-il pour 2020, en termes de pourcentage, par rapport aux émissions d'aujourd'hui?

[Traduction]

    Comparativement aux émissions de 2005 — qui étaient à peine inférieures à celles d'aujourd'hui — , ces émissions représentent une réduction de 50,4 p. 100. C'est le chiffre que l'on trouve dans la colonne du centre au bas de mon tableau.

[Français]

    C'est donc environ 52 p. 100?

[Traduction]

    Oui, c'est cela.

[Français]

    On calcule que chaque Canadien produit 20 tonnes de CO2. Sur cette production de 20 tonnes, on pourrait dire qu'environ 7 tonnes sont attribuables à sa production personnelle et 13 tonnes sont attribuables à la production industrielle, aux industries pour lesquelles les Canadiens et les Canadiennes travaillent. C'est bien cela?

[Traduction]

    Non, ce n'est pas ce que cela signifie. Mais ces chiffres sont exacts, ce qui veut dire que pour obtenir une réduction de 50 p. 100, au moins la moitié — mais plus probablement les deux tiers — de toutes les usines canadiennes devront être remplacées, soit en changeant l'équipement actuel, soit en fermant tout à fait ces usines. Pour l'investisseur, c'est du pareil au même.

[Français]

    Monsieur Bramley, lorsque vous avez fait vos études savantes sur la capacité du Canada de réduire ses émissions de gaz à effet de serre et que vous en êtes arrivé à un changement dans l'industrie correspondant à des changements touchant pratiquement les deux tiers de tous les équipements et de toutes les installations d'ici 2020, est-ce que vous avez évalué les coûts, les répercussions économiques, que cela pouvait représenter?
(1730)

[Traduction]

    Comme je l'ai dit dans mon exposé, la promotion des cibles axées sur les preuves scientifiques est basée sur ce que nous, au Canada, devrons assumer comme juste part pour éviter un réchauffement de deux degrés celsius par rapport aux températures moyennes mondiales. Il faudrait, en effet, parler de l'impact économique, de l'impact sur la population, et de l'impact sur les écosystèmes. Je crois que la plupart des gens seraient d'accord pour dire que les conséquences sont inacceptables.
    Quant aux dépenses qui devront être engagées pour atteindre ces cibles, et j'en ai parlé dans mon exposé, c'est une question sérieuse qui se pose, mais nous jouissons d'une certaine souplesse dans l'élaboration des politiques qui touchent, par exemple, les secteurs qui sont les plus exposés à la concurrence internationale. Nous jouissons d'une grande souplesse dans notre façon de procéder, et je vous rappelle encore une fois que d'autres pays ont adopté ces objectifs, car ils savent que c'est la chose qui s'impose. Pour ce qui est de la cible pour 2020, elle n'est pas fixée dans ce projet de loi. On permet au gouvernement, en fait, d'ajuster la cible, si l'action est bien fondée. Donc, il y a une marge de manoeuvre pour ce qui est de la cible 2020.

[Français]

    Monsieur Bramley, il me reste environ 30 secondes. Je veux bien comprendre. Vous nous donnez encore en exemple ce qui s'est fait en Europe. L'Allemagne se propose de réduire ses GES de 40 p. 100, mais en remplaçant de 12 à 25 p. 100 de sa production d'énergie électrique par l'énergie nucléaire.
     Est-ce vraiment l'exemple que l'on doit suivre?

[Traduction]

    Je pense que les Canadiens sont fatigués de se faire dire les raisons pourquoi d'autres pays devraient faire plus que nous alors que nous ne sommes pas à même de faire autant que les autres. Je reviens au rapport du commissaire de l'environnement de 2006 ainsi qu'à l'autre question que j'ai évoquée. Le commissaire de l'environnement a recommandé une augmentation massive des efforts de la part du gouvernement fédéral pour réduire les GES, et je suis déçu de voir que le gouvernement actuel manque à l'appel.
    Je voudrais remercier nos invités. Je sais qu'il est parfois difficile de vous rejoindre par téléphone, mais je vous remercie beaucoup et vous souhaite une très bonne journée, M. Bramley et Mme Donnelly.
    Merci.
    La séance est levée.