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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 013 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 11 février 2008

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte. Nous avons un horaire très serré et un ordre du jour très chargé.
    Pour commencer, je voudrais rappeler aux membres du comité que le greffier et moi-même avons travaillé à une liste de sujets que vous nous avez proposés et que nous examinerons cette liste mercredi en vue d'établir nos travaux futurs d'ici juin. Je voulais simplement vous informer que c'est ce que nous ferons mercredi.
    Je voudrais aussi vous faire savoir que nous avons trois témoins pour la première heure et cinq témoins pour la deuxième heure et qu'il nous faudra donc travailler de façon assez ordonnée. Je veux aussi mentionner que des étudiants de l'Université d'Ottawa seront présents dans l'auditoire durant la deuxième heure. Ils ont demandé si quelques-uns d'entre nous pouvaient rester après la séance, car ils aimeraient nous poser quelques questions. J'ai accepté de rester. S'il y en a parmi vous qui en ont le temps et qui voudraient rester, je vous en serais reconnaissant.
    J'accueille maintenant Vicki Pollard, qui est venue de Bruxelles et qui a louangé le climat qu'il fait ici. C'est probablement une bonne chose. Je vous souhaite la bienvenue.
    Bien sûr, nous avons deux autres invités qui sont avec nous par téléconférence et je leur souhaite la bienvenue à eux aussi.
    Je vais demander aux témoins de s'en tenir à environ cinq minutes. J'ai ici un petit bidule qui me dit exactement depuis combien de temps vous parlez. Nous devrons vous couper la parole si vous parlez trop longtemps. Ainsi, les membres du comité auront plus de temps pour poser des questions.
    Nous allons commencer par vous, madame Pollard. Bienvenue au Parlement du Canada.
    Je remercie le comité d'avoir invité la Commission européenne à vous faire part de notre expérience dans le dossier des politiques relatives aux changements climatiques.

[Français]

    C'est avec plaisir que je suis ici aujourd'hui pour vous adresser la parole. Comme je l'ai dit au président, c'est très chouette d'avoir du beau temps d'hiver et beaucoup de soleil. C'est un plaisir d'être ici, à Ottawa. Merci beaucoup.
    Je vais continuer en anglais.

[Traduction]

    Je voudrais d'abord vous expliquer quelles sont les bases de la politique de l'UE en matière de changements climatiques. Cette politique est fondée sur des données scientifiques quant aux changements climatiques d'origine humaine. Depuis un certain temps, son objectif est de limiter l'augmentation moyenne de la température planétaire à un maximum de 2 degrés Celsius — soit 3,6 degrés Fahrenheit — au-dessus du niveau préindustriel. À ce niveau, le changement climatique aura quand même des conséquences assez graves, mais nous aurons une chance raisonnable d'éviter des conséquences catastrophiques.
    Cela exige d'agir rapidement et énergiquement pour engager le monde dans une voie qui nous permettra d'éviter les changements climatiques dangereux. De notre point de vue, si nous voulons nous en tenir à cette limite de 2 degrés Celsius, il faut que les émissions mondiales de gaz à effet de serre culminent vers 2020 et diminuent ensuite de façon marquée pour atteindre environ 50 p. 100 du niveau de 1990 d'ici 2050. Les pays industrialisés comme les nôtres doivent prendre l'initiative et réduire leurs émissions de 60 à 80 p. 100 d'ici 2050. C'est là notre point de départ et ce sont nos premiers pas en vue de donner suite à nos engagements pris à Kyoto.
    L'UE est en bonne voie de remplir son engagement de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 8 p. 100 en comparaison du niveau de 1990 d'ici 2008 à 2010. La cible est partagée entre les pays du groupe UE-15, les anciens États membres, et il y a aussi des cibles pour la plupart des nouveaux États membres, à l'exception de deux qui n'ont aucune cible. Nous sommes en bonne voie d'y parvenir grâce à des politiques déjà en place, des politiques qui sont actuellement en discussion et qu'on s'affaire à mettre en place, et en recourant aux mécanismes flexibles de Kyoto, le MDP et la mise en oeuvre conjointe.
    Au cours de la dernière décennie, l'UE et ses États membres ont mis en place une gamme complète de mesures de réduction, notamment: efficience énergétique, énergie renouvelable, fiscalité et normes relatives à la consommation des véhicules et à leurs émissions. La mesure la plus importante est probablement le système obligatoire de plafond et d'échanges, le système d'échange de droits d'émissions de l'UE, qui donne à l'industrie la certitude nécessaire du point de vue des politiques, un incitatif financier continu ainsi que la souplesse voulue pour agir et innover de la manière la plus efficace.
     Le marché des permis d'émission de l'UE s'applique à environ 10 000 installations responsables de 40 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre de l'UE. Nous venons de terminer une phase de trois ans pendant laquelle nous avons appris sur le tas, et la bourse du carbone de l'UE fonctionne bien. Nous en sommes maintenant à la deuxième période d'échange d'émissions, qui coïncide avec la période d'engagement de Kyoto et c'est vraiment la période cruciale, durant laquelle on réduira les émissions durant la période de 2008 à 2012 par rapport aux émissions vérifiées de 6,8 p. 100 de 2005, le cours des permis d'émissions se situant actuellement et d'ailleurs depuis un certain temps aux alentours de 30 $CAN la tonne de CO2.
    L'UE tient aussi à appuyer la mise en place d'un marché mondial du carbone, que nous considérons essentiel pour canaliser les investissements dans la recherche de solutions claires. Les États membres et les compagnies qui participent à la bourse du carbone de l'UE peuvent utiliser des crédits découlant de projets internationaux de réduction des émissions, par exemple dans le cadre du mécanisme de développement propre, pour atteindre en partie leurs objectifs de réduction.
    Pour nous, c'est important à la fois du point de vue du rapport coût-efficacité, pour appuyer des projets de développement propre et pour engager les pays en développement à agir dans le dossier climatique. Pour vous donner une idée de l'ampleur, les États membres de l'UE, au niveau national, ont mis de côté 2,9 milliards d'euros, ce qui représente environ 4,2 milliards de dollars canadiens au taux de change actuel, pour des réductions de plus de 500 millions de tonnes d'équivalents CO2 durant la période visée par les engagements de Kyoto.
    De plus, les secteurs privés des compagnies visées par la bourse du carbone de l'UE peuvent également acheter des crédits de carbone des projets du MDP ou de la mise en oeuvre conjointe, jusqu'à 1 400 millions de tonnes, ou 1,4 gigatonne, allant jusqu'à 2012, dans le cadre de leurs efforts de conformité au titre du marché des émissions de l'UE. Ils peuvent aussi acheter des crédits additionnels, mais ce chiffre s'applique à l'élément de conformité de la bourse du carbone de l'UE.
    Évidemment, Kyoto n'est qu'un tout petit premier pas. Nous devons réaliser des réductions d'émissions planétaires beaucoup plus importantes dans le cadre d'un accord global et planétaire pour la période postérieure à 2012. Dans cette optique, les chefs d'État et de gouvernement de l'UE ont adopté en 2007 un train de mesures aux termes desquelles on invite les pays en développement pris globalement à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 30 p. 100 par rapport au niveau de 1990 d'ici 2020, dans le cadre d'un accord international complet.
    C'est logique du point de vue économique et je pense que c'est important de le signaler. D'après notre propre analyse, investir dans une économie à faible utilisation de carbone réduirait le PIB mondial de seulement 0,19 p. 100 par année jusqu'en 2030. C'est infime par rapport au taux de croissance annuel prévu du PIB, qui est de 2,8 p. 100. C'est donc 0,19 p. 100 par rapport à 2,8 p. 100, et ce, sans même tenir compte des avantages associés sur le plan de la santé, d'une meilleure efficience énergétique et d'une plus grande sécurité d'approvisionnement en énergie et de la réduction des dommages qui auraient été causés par le changement climatique qu'on aurait ainsi évité.
    L'UE est convaincue que les pays industrialisés doivent prendre l'initiative et nous sommes sérieux quand nous disons que nous voulons donner l'exemple. Pour montrer notre détermination de nous attaquer aux changements climatiques et notre conviction qu'une telle orientation est tout à fait compatible avec la croissance économique, l'UE a pris de manière indépendante l'engagement ferme de réaliser une réduction d'au moins 20 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020 en l'absence d'une entente internationale.
    Le mois dernier, la Commission européenne a publié ses propositions détaillées sur la manière dont l'UE va s'y prendre pour atteindre ses cibles en matière d'émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020 avec les mesures voulues pour réduire les émissions d'au moins 20 p. 100, par rapport aux niveaux de 1990, d'ici 2020, peu importe ce que les autres pays pourraient faire...
(1535)
    Je vous invite à terminer, après quoi nous passerons aux questions, si vous le voulez bien.
    Pour l'essentiel, nous avons mis en place un ensemble de mesures pour atteindre l'objectif de 20 p. 100 d'ici 2020, et pour porter la proportion à 30 p. 100 en cas de conclusion d'un accord international, et c'est ce que nous prévoyons. Ces mesures comprennent l'action sur les changements climatiques et sur les énergies renouvelables; elles permettent une répartition des efforts entre les États membres. Je pourrai y revenir tout à l'heure.
    La souplesse des instruments utilisés est très importante. Nous proposons une révision de la législation régissant le système européen de droits d'émissions. Nous avons tenu compte de l'analyse économique.
    Il est vrai que nos propositions comportent un coût, mais leurs avantages l'emportent largement sur ce dernier. Nous avons constitué et présenté notre proposition de façon à mettre l'accent sur le rapport coût-efficacité et sur une juste répartition du fardeau de façon à limiter les coûts de la transition. Nous prévoyons que notre proposition de réduction des émissions de 20 p. 100 d'ici 2020 ne coûtera que de 0,04 à 0,06 p. 100 du PIB par an.
    De surcroît, nous nous attendons à des gains considérables au niveau de l'efficacité et de la sécurité énergiques ainsi que de la santé, grâce à l'atténuation de la pollution atmosphérique: la valeur des gains en santé devrait atteindre environ 11 milliards d'euros, soit 16 milliards de dollars canadiens si nous prenons des mesures pour réduire nos émissions de 20 p. 100 d'ici 2020.
    Mais surtout, la formule devrait entraîner les changements structurels dont l'Europe a besoin pour préserver sa compétitivité. En donnant l'exemple, l'Europe va enclencher l'apparition d'une économie à faibles émissions de carbone, une économie planétaire essentielle pour éviter que les changements climatiques n'atteignent des niveaux dangereux.
    L'Union européenne tient à prendre la tête dans la nouvelle révolution industrielle qui va déclencher une vague d'innovations, de création d'emplois, d'énergies propres et de technologies à haute efficacité.
    Merci.
(1540)
    Merci.
    J'aimerais qu'on passe directement à Mme Arroyo, du centre PEW. Puis-je vous demander, s'il vous plaît, de vous limiter à cinq à sept minutes, de façon que les députés aient le temps de vous poser des questions? Merci.
    Soyez la bienvenue.
    Je vous remercie de m'avoir invitée à m'adresser au comité. Je m'appelle Vicki Arroyo et je suis la directrice de l'analyse des politiques au Pew Center on Global Climate Change. Ce centre est un organisme indépendant, non partisan et sans but lucratif qui propose des analyses et des solutions visant à remédier aux changements climatiques. Notre conseil du leadership environnemental des entreprises regroupe 44 grandes sociétés, ce qui en fait la plus grande association américaine de sociétés axées sur les défis des changements climatiques.
    Je dirige le programme d'analyse du centre, ce qui m'amène à travailler sur les données scientifiques, sur les effets, sur l'économie et sur les politiques. Depuis 10 ans, nous avons publié plus d'une centaine de rapports et d'analyses révisés par des pairs.
    Je tiens à féliciter le comité d'avoir pris cette initiative. Je suis heureuse de signaler qu'aux États-Unis, les changements climatiques sont en train de prendre la vedette depuis quelques mois, et ce, pour différentes raisons: on a davantage de données scientifiques probantes, il y a une prise de conscience dans la population, qui est de plus en plus inquiète, on dénonce la construction de nouvelles centrales conventionnelles au charbon, les États et les régions font preuve de leadership, et enfin, la Cour suprême a affirmé que le dioxyde de carbone constitue un polluant atmosphérique aux termes du Clean Air Act, qui est administré par l'EPA. En outre, le Parti démocrate, devenu majoritaire au Congrès, promet une législation sur les changements climatiques.
    En 2007, le Congrès a consacré plus de 110 séances aux changements climatiques, dont il a été question dans environ 150 projets de loi. En outre, le Congrès a adopté un projet de loi sur l'énergie qui, pour la première fois en plusieurs décennies, a resserré les normes de consommation des véhicules. Par ailleurs, un projet de loi de dépenses a créé et financé un nouveau registre des émissions de gaz à effet de serre.
    Les personnalités du monde des affaires pressent le gouvernement d'agir. Une coalition historique, la United States Climate Action Partnership, s'est constituée l'année dernière. Le centre Pew en fait partie, aux côtés de grandes sociétés et de neuf organismes gouvernementaux. Ce partenariat préconise une politique climatique américaine qui soit obligatoire, ainsi que la coopération dans la conception des politiques. Plusieurs candidats à la présidence en font un thème de leur campagne. En fait, tous les candidats encore en lice sont favorables à un programme de plafonnement et d'échange.
    L'événement le plus marquant a sans doute été l'adoption, par le Comité sénatorial de l'environnement et des travaux publics, du projet de loi sénatorial 2191, le Lieberman-Warner Climate Security Act. Cette proposition de loi novatrice crée pour l'ensemble de l'économie un système de plafonnement des émissions et d'échange des crédits couvrant les six gaz à effet de serre. Il comporte des objectifs de réduction à court, moyen et long terme couvrant 87 p. 100 des émissions américaines: la réduction doit être de 4 p. 100 en deçà des niveaux de 2005 en 2012, de 19 p. 100 en deçà des niveaux de 2005 en 2020 et de 71 en deçà des niveaux de 2005 en 2050. La loi vise des sources spécifiques et son application fera en sorte qu'en 2050, l'ensemble des émissions américaines auront diminué pour atteindre environ 66 p. 100 des niveaux de 1990.
    La proposition permet aux sociétés privées de compenser leur demande d'allocations intérieures jusqu'à concurrence de 15 p. 100. Les compensations sont considérés comme un mécanisme essentiel de contrôle des coûts. En outre, une société peut demander des allocations d'émissions dans le cadre des régimes internationaux homologués d'échange jusqu'à concurrence de 15 p. 100.
    La proposition Lieberman-Warner comporte des exigences spécifiques concernant l'attribution des allocations. Au départ, 74 p. 100 environ des allocations sont accordées afin de faciliter la transition pour les entités réglementées et pour tous ceux qui sont visés par la nouvelle politique, y compris les consommateurs. Cependant, l'attribution gratuite des allocations aux sociétés visées sera progressivement abandonnée d'ici 2031.
    Les revenus des enchères sont consacrés aux découvertes technologiques, étant donné qu'on ne peut pas résoudre le problème sans investir massivement dans la technologie. Par ailleurs, ces revenus profitent aux consommateurs d'énergie à faible revenu dans le cadre, par exemple, de programmes d'intempérisation, de formation des travailleurs et d'adaptation.
    Je signale que d'autres projets de loi consacrés à l'adaptation aux changements climatiques ont également été présentés au Congrès.
    Les principaux responsables du Sénat et du comité collaborent avec les parrains de ces diverses mesures afin qu'un projet de loi soit mis aux voix dès le printemps. En outre, le Comité de l'énergie et du commerce de la Chambre des représentants a préparé des livres blancs sur les éléments de conception essentiels concernant le programme de plafonnement et d'échange, et il est en train de préparer un projet de loi. La présidente Pelosi a inscrit un projet de loi sur les changements climatiques sur la liste restreinte de ses priorités législatives pour cette année.
    Bien qu'on ne puisse prévoir avec certitude que l'actuel président signera un projet de loi de plafonnement et d'échange, on remarquera qu'il risque de se montrer réticent à exercer son veto à la veille de l'élection présidentielle sur une mesure qui, si elle était adoptée, bénéficierait de l'appui des deux partis. Comme je l'ai indiqué, les candidats des deux partis encore en lice sont tous favorables à une intervention sous forme de plafonnement et de bourse d'échange.
    Par ailleurs, le secteur industriel accentue ses pressions par l'intermédiaire du partenariat américain d'action sur les changements climatiques. L'État, lui aussi, s'investit davantage dans ce domaine. Les gouvernements des États et des régions se portent en tête des interventions sur ce sujet qui recueille l'appui des deux partis. En 2005, le gouverneur Schwarzenegger de Californie a préconisé un ambitieux programme de réduction à long terme des gaz à effet de serre. En 2006, il a signé une loi qui place la Californie sur la voie de la réduction des émissions: l'État est obligé de revenir d'ici 2020 au niveau des émissions de 1990. Le gouverneur Charlie Crist de la Floride, qui est lui aussi Républicain, a mis en place d'ambitieux décrets exécutifs qui imposent une réduction des émissions de gaz à effet de serre, lesquelles devront descendre à 80 p. 100 des niveaux de 1990 d'ici 2050.
(1545)
    Les États du Nord et du Centre du littoral atlantique vont mettre en oeuvre leur initiative régionale de réduction des gaz à effet de serre en 2009. Cette initiative plafonne les quantités de dioxyde de carbone émis par les services publics, et les fait diminuer de 10 p. 100 d'ici 2019. D'autres régions ont emboîté le pas. Des initiatives régionales de réduction des gaz à effet de serre ont été prises dans les États de l'Ouest et du Mid-Ouest, en partenariat avec des provinces canadiennes. Par ailleurs, 10 États américains ont adhéré à un partenariat international d'action sur le carbone, qui doit proposer des bourses d'échange compatibles avec celles de l'Europe, de la Nouvelle-Zélande, de la Norvège et de deux provinces canadiennes.
    L'action de tous ces États est effectivement très importante et fort louable, mais elle ne suffira pas à elle seule à infléchir la croissance de l'ensemble des émissions américaines. Pour cette raison et comme, de surcroît, la démarche se traduit par une mosaïque de régimes réglementaires, nous préférerions un programme fédéral plus définitif et plus global, comme le projet de loi Lieberman-Warner ou les projets de loi sur le plafonnement et les bourses d'échange dont le Congrès pourrait être saisi.
    Je vous remercie et je suis prête à répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant au représentant du Royaume-Uni, M. James Hughes.
    Je tiens tout d'abord à vous remercier de m'avoir invité à vous présenter les mesures prises par le Royaume-Uni pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre.
    Je voudrais commencer en vous présentant brièvement les objectifs britanniques de réduction des émissions, faire le point sur la situation actuelle, indiquer comment le Royaume-Uni a procédé à des réductions et enfin, présenter certaines des politiques et des mesures mises en oeuvre.
    Le message essentiel que je souhaite formuler dans mon exposé, c'est que le Royaume-Uni est en train de dépasser, voire de doubler ses engagements au titre du protocole de Kyoto. Nous nous sommes fixé des objectifs intérieurs plus ambitieux, notamment pour 2010, et nous reconnaissons qu'il faudra aller encore plus loin; c'est pourquoi le projet de loi sur les changements climatiques va obliger les gouvernements futurs à respecter les budgets fixés.
    Je voudrais tout d'abord préciser les résultats obtenus par le Royaume-Uni par rapport aux objectifs qu'il s'est fixés, car la question peut prêter à confusion. L'objectif britannique au titre du protocole de Kyoto consiste à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 12,5 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990 au cours de la période allant de 2008 à 2012. Les objectifs intérieurs que nous nous sommes imposés sont plus exigeants: il s'agit de réduire les émissions de dioxyde carbone de 20 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990 d'ici 2010, puis de 26 à 32 p. 100 d'ici 2020 et d'au moins 60 p. 100 d'ici 2050. Le projet de loi britannique sur les changements climatiques, qui fait actuellement l'objet des débats de notre Parlement, conférerait une force contraignante aux objectifs d'émissions de dioxyde de carbone pour 2020 et 2050. Le projet de loi oblige le gouvernement à fixer à l'avance trois budgets quinquennaux de lutte contre les émissions de carbone et à créer un comité sur les changements climatiques qui le conseillera sur les montants à prévoir au budget. Le comité est également invité à réviser l'objectif britannique à long terme et, éventuellement, à le porter à 80 p. 100 d'ici 2050.
    Le 31 janvier 2007, le Royaume-Uni a publié les chiffres définitifs concernant les émissions de gaz à effet de serre en 2006. Ces chiffres confirment que les émissions de GES ont diminué de 20,7 p. 100 par rapport à l'année de référence, compte tenu des quantités échangées, et de 16,4 p. 100 si ces quantités ne sont pas prises en compte. Autrement dit, nos entreprises ont été des acheteurs nets de crédits d'émissions auprès de leurs homologues européennes.
    Nous prévoyons que les émissions de GES vont diminuer de plus de 23 p. 100 d'ici 2010, mais nous n'avons pas aussi bien réussi en ce qui concerne la réduction des émissions de dioxyde de carbone. En 2006, elles étaient de 12,1 p. 100 inférieures à celles de l'année de référence, la réduction passant à 6,4 p. 100 lorsque les quantités échangées en sont exclues. On prévoit qu'elles devraient diminuer d'au moins 16 p. 100 d'ici 2010.
    En résumé, le Royaume-Uni se situe déjà en-dessous de son objectif au titre du protocole de Kyoto et il devrait faire presque deux fois mieux, mais il aura vraisemblablement du mal à atteindre l'objectif intérieur qu'il s'est lui-même fixé pour le CO2.
    Comment avons-nous réussi à réduire nos émissions tout en maintenant la croissance de notre économie? L'explication qui fait état de la « ruée vers le gaz » des années 90 comporte certainement un élément de vérité, mais notre analyse économique montre que le gaz ne représente qu'un faible pourcentage de la réduction d'ensemble. En fait, la réduction des gaz à effet de serre résulte en grande partie de mesures d'efficacité énergétique.
    L'efficacité énergétique a été propulsée par une vaste gamme de politiques, qui comprenaient notamment une taxe climatique, c'est-à-dire une taxe sur les énergies visant à favoriser une plus grande efficacité énergétique dans les entreprises et dans le secteur public; il y a eu aussi des accords sur les changements climatiques, qui sont des accords volontaires en vertu desquels les exploitants obtiennent un taux réduit de taxe climatique lorsqu'ils atteignent leurs ambitieux objectifs d'efficacité énergétique sur une période de 10 ans; il y a enfin la fiducie du carbone: c'est un organisme qui conseille les sociétés désireuses de réduire leurs émissions, et qui leur vient en aide.
    Au plan intérieur, l'engagement d'efficacité énergétique, qui oblige les fournisseurs d'électricité et de gaz à atteindre des objectifs de promotion de l'amélioration de l'efficacité énergétique, a permis d'obtenir d'excellents résultats en matière d'efficacité énergétique dans les foyers britanniques. L'apparition de la concurrence dans la production et la distribution d'électricité a suscité des pressions commerciales qui incitent les entreprises à s'efforcer en permanence d'améliorer leur efficacité, et s'est traduite par une forte réduction des émissions britanniques de gaz à effet de serre depuis le début des années 90.
    Mais ce n'est pas la seule cause de la réduction des émissions de CO2 par unité d'énergie produite au Royaume-Uni. L'obligation concernant les énergies renouvelables a permis de réaliser des économies, et c'est aussi le cas de la plus forte pénétration du diesel et des biocarburants dans les transports, ainsi que de la bourse européenne des crédits d'émissions. On s'attend à ce que ces économies continuent d'augmenter.
    Une différence est également apparue dans les émissions de méthane et d'oxyde d'azote, qui ont diminué de 53 p. 100 et de 40 p. 100 respectivement. Dans le secteur industriel, les réductions ont résulté de la réglementation, du contrôle obligatoire des émissions, et les émissions provenant des déchets ont diminué grâce à la réduction des quantités de déchets placés dans les sites d'enfouissement et grâce aux mesures qui incitent à recueillir et à brûler les gaz provenant des sites d'enfouissement. Au Royaume-Uni, les sites d'enfouissement modernes recueillent et utilisent au moins 90 p. 100 du méthane produit par la décomposition des déchets.
(1550)
    Dans l'ensemble, notre analyse indique qu'en 2006, les réductions d'émissions depuis 1990 résultant de l'efficacité énergétique, des carburants à faible indice de carbone et des réductions des émissions de gaz à effet de serre autres que le CO2 ont atteint environ 265 millions de tonnes de dioxyde de carbone par an, à raison de 40 p. 100 pour l'efficacité énergétique, d'environ 30 p. 100 pour les combustibles à faible teneur en carbone, soit 20 p. 100 pour le gaz dit sans résidu et environ 10 p. 100 pour les énergies renouvelables et les autres combustibles à faible teneur en carbone, et de 30 p. 100 pour les émissions plus faibles de gaz à effet de serre autres que le CO2.
    En plus des autres politiques et mesures diverses qu'il a mises en oeuvre, le Royaume-Unis veut réduire encore ses émissions de façon à atteindre l'objectif qu'il s'est fixé dans le projet de loi sur les changements climatiques. Les politiques et les mesures actuelles sont exposées dans le programme de 2006 sur les changements climatiques et dans le livre blanc de 2007 sur l'énergie.
    J'espère vous avoir présenté un résumé utile et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Je voudrais demander aux membres du comité de se limiter à huit minutes chacun, ce qui devrait nous permettre de respecter l'horaire. Soyez précis dans vos questions, s'il vous plaît. Je sais que nos témoins veulent tous vous donner des réponses.
    Nous allons commencer par M. McGuinty.
(1555)
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins qui se sont joints à nous par téléconférence et par téléphone.
    J'aimerais tout d'abord interroger Mme Arroyo. Pouvez-vous nous aider à déchiffrer la boule de cristal? Nous sommes à un peu moins de neuf mois des résultats de l'élection présidentielle aux États-Unis. Vous avez dit qu'il était question des changements climatiques dans plus de 150 projets de loi et qu'il y a eu au Capitole 110 séances consacrées aux changements climatiques. Je suppose que le projet de loi Lieberman-Warner est sans doute la proposition la plus prometteuse qui reçoive l'appui des deux partis aux États-Unis.
    Pouvez-vous nous aider à mieux comprendre la situation? Notre invitée Vicki Pollard, de l'Union Européenne, a dit notamment que l'Union Européenne cherchait à obtenir ce qu'elle a qualifié d'avantage de première intervention. Autrement dit, l'Union européenne ne veut pas attendre et se lance tout simplement dans la bataille. Pouvez-vous nous donner une idée de ce que pourrait donner, à votre avis, une éventuelle présidence démocrate? Dans quelle mesure les États-Unis peuvent-ils obtenir un avantage de première, voire même de seconde intervention? Pouvez-vous également nous aider à comprendre comment cette course va être considérée aux États-Unis sur le plan économique? Les actions dans ce domaine vont-elles comporter un avantage concurrentiel majeur?
    Je pense que cela devrait nous aider à comprendre les conséquences des objectifs préconisés dans le projet de loi dont nous sommes saisis.
    Je vous remercie beaucoup. Je vais faire de mon mieux.
    D'abord, que le nouveau président soit un démocrate ou un républicain, le fait que les principaux candidats, M. Obama ou Mme Clinton, chez les démocrates, et M. McCain et M. Huckabee, qui est toujours dans la course, chez les républicains, sont favorables à un système « Limites et échanges » pour résoudre ce problème, montre qu'ils reconnaissent l'existence du réchauffement climatique. Vous n'ignorez sans doute pas qu'à cet égard, le sénateur McCain a été à l'avant-garde, qu'il a proposé le premier projet de loi « Limites et échanges » et qu'il l'a présenté de nouveau l'année dernière.
    Cela dit, vous avez raison de penser que le mécanisme à suivre ici est le projet de loi Lieberman-Warner. Fait sans précédent, cette proposition a obtenu l'appui d'un républicain, mais d'un seul, le sénateur Warner, lors des audiences sénatoriales. Ce dernier est cependant déterminé à rallier d'autres membres de son parti, et ce sera d'ailleurs nécessaire pour que le projet de loi sorte victorieux de l'étude en commission sénatoriale.
    Si cela se réalise au cours des prochains mois, et si les efforts déployés en commission sénatoriale donnent naissance à un avant-projet de loi à soumettre au président — mais je le répète, il est difficile de savoir si ce président-ci sera prêt à le signer —, on peut espérer voir d'ici deux ans l'adoption d'une loi relative aux changements climatiques; si ce n'est pas en 2008, ce sera certainement d'ici 2010.
    Certains candidats à l'élection présidentielle parlent des avantages économiques que cela représente. Barack Obama et Hillary Clinton, et dans une certaine mesure John McCain, évoquent les emplois environnementaux qui pourraient résulter de cette manière directe de traiter le problème et de la sécurité énergétique qui en découlerait. Aussi, à mon avis, compte tenu de la possibilité d'une récession, on se demande si, à court terme, un projet de loi sur les « Limites et échanges » ne risquerait pas de nuire à l'économie. Le projet de loi Lieberman-Warner comporte certaines mesures de contrôle des prix telles que des compensations ou des emprunts obtenus à même les allocations à venir mais avec un remboursement. Quant au projet de loi Bingaman-Specter, dont les parrains collaborent étroitement avec l'équipe Lieberman-Warner, il est plus traditionnel, correspondant davantage à une soupape de sûreté. Malheureusement, il limite l'intégrité environnementale du programme, mais cela peut aussi faire l'objet de discussions.
    Je vous remercie de votre réponse.
    J'aimerais maintenant passer à Mme Pollard et à notre invité du Royaume-Uni, M. Hughes.
    Pouvez-vous nous expliquer comment les trois ans d'échange de permis d'émissions ont amélioré le système au sein de l'Union européenne? Dans quelle mesure a-t-on réussi à combler les lacunes et à corriger les problèmes? Je pensais qu'il s'agissait de 10 000 installations mais selon vous, il y en a eu 11 000. Bien. Ça en fait beaucoup.
    Monsieur Hughes, vous êtes le directeur adjoint au ministère de l'Environnement du Royaume-Uni. Je crois savoir que vous avez suivi les derniers rapports du JIEC. Or, l'une des choses que ce groupe nous dit sans relâche, c'est que nous devons fonder nos politiques sur la science et non sur une quelconque pensée magique. À Bali, on entendait souvent parler d'une fourchette de 2 à 4 p. 100.
    Dans le cas de M. Hughes et peut-être de Mme Pollard, dans quelle mesure la science est-elle le fondement de la démarche choisie par l'Union européenne et par le Royaume-Uni dans ce dossier?
(1600)
    Madame Pollard.
    Je vous remercie.
    D'abord, la création du Système de quotas d'émissions de l'Union européenne, le SQE UE, a été une tâche immense. En trois ans à peine, nous avons créé un nouveau marché de produits, ce qui est un grand pas en avant. Ce marché connaît un volume croissant d'échanges. Il a aussi prêté flanc à des critiques fondées au cours de ces trois années et nous en avons tenu compte.
    Le premier problème auquel nous nous sommes heurtés a été un effondrement des prix, vers mai 2006. C'était simplement causé par une question de rareté. Lorsque le SQE UE a été mis sur pied, nous ne disposions pas de données vérifiées sur les émissions provenant des installations couvertes, alors nous nous sommes servis des chiffres disponibles les plus sûrs, mais ils ne l'étaient pas assez.
    En mai 2006, pour la première fois, nous nous sommes fondés sur des données vérifiées comme l'exigeait la nouvelle législation européenne. Par conséquent, la première fois que des données sûres sont devenues disponibles, cela a coïncidé avec l'obligation de présenter des rapports. Nous nous sommes alors rendu compte que trop de quotas avaient été attribués, ce qui avait entraîné un effondrement des cours. Simple question d'économie.
    Nous en avons tenu compte à la deuxième étape. À présent, nos données relatives aux émissions sont vérifiées. Les quotas de la deuxième étape se sont fondés sur des diminutions calculées fondées à même les données de 2005, et nous disposons maintenant des données de 2006. Le marché est donc indéniablement à court, ce qui explique que le prix actuel en cette deuxième période dépasse de beaucoup les 20 euros la tonne, et cela depuis quelque temps déjà.
    Toutefois, nous avons aussi appris d'autres choses très simples, par exemple, comment produire des données de manière à ne pas les fournir au marché en même temps, ce qui ne saute pas toujours aux yeux des gens chargés de la réglementation environnementale. Autre facteur important, il faut savoir simplifier la législation. Si nous sommes passés de 11 000 à 10 000 installations, c'est que nous avons simplement laissé tomber les petites entreprises émettrices pour qui la participation au système est trop lourde, pour nous concentrer sur les grandes installations.
    Un autre important changement surviendra aussi en 2012, à la suite des propositions que nous avons publiées en janvier. Nous cherchons en effet à en arriver à une limite commune à l'ensemble de la communauté européenne, plutôt qu'à des limites d'émissions individuelles par État, cela afin de simplifier le système, mais aussi de tenir davantage d'enchères pour tenir compte des avantages inattendus. Les secteurs qui sont en mesure de transmettre leurs coûts aux clients ne devraient pas avoir droit à des quotas gratuits, comme cela a été le cas jusqu'à maintenant.
    Monsieur Hughes, pouvez-vous répondre brièvement au sujet de cette question posée par M. McGuinty, au sujet des connaissances scientifiques, s'il vous plaît?
    Volontiers.
    Le rapport du GIEC nous a fourni les preuves irréfutables que nous devons agir de toute urgence. Même dans le cas où les émissions de gaz à effet de serre s'arrêteraient demain, nous nous dirigeons inexorablement vers une autre hausse de température de 0,6 p. 100 Celsius au cours des prochaines décennies. Si nous ne révisons pas bientôt à la baisse nos nouvelles émissions, d'ici 2035, le niveau des gaz à effet de serre atteindra vraisemblablement 550 ppm de CO2. Cela se traduira par un réchauffement d'au moins deux degrés Celsius. Ainsi que l'a dit Mme Pollard, il faut que nos émissions cessent d'augmenter en 2020 et que nous réduisions les gaz à effet de serre de 60 à 80 p. 100 d'ici 2050.
    Je vous remercie.
    Monsieur Bigras, la parole est à vous.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue à nos témoins.
    Ma question s'adresse à Mme Pollard. J'étais à Kyoto en 1997 et j'ai été passablement surpris par le niveau de préparation de l'Union européenne lors de cette conférence internationale. Je pense que la clé du succès européen réside dans le fait que ses partenaires ont été capables d'abord de s'entendre entre eux avant de se présenter sur la scène internationale. Cela a fait en sorte que vous avez adopté un modèle triptyque, qui concilie une approche sectorielle et une approche territoriale.
    Au fond, vous vous êtes engagés sur la scène internationale à l'égard d'un objectif, mais dès 1997, vous avez réparti entre les 15 membres de l'Union européenne des objectifs différenciés en tenant compte de l'efficacité énergétique possible, de la structure économique, de la démographie et du climat.
     Cette approche commune et différenciée, propre aux engagements internationaux et intégrée à l'Union européenne, a-t-elle été un gage de succès dans l'atteinte de vos objectifs de réduction de gaz à effet de serre?
(1605)

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je vais répondre en anglais car je suis plus à l'aise dans cette langue.
    À la veille des négociations, à mon avis, nous devons énoncer clairement nos objectifs et préciser qui va faire quoi par rapport à eux — et nous allons faire la même chose avant les négociations de 2012. Par conséquent, les mesures adoptées en janvier cherchaient en partie à répartir l'effort entre les États membres.
    C'est utile, car les politiques sont toujours en retard par rapport à la réalité; il faut du temps pour que les politiques de réduction des émissions soient mises en oeuvre. Il faudra attendre peut-être même une décennie ou deux pour que les discussions — les études d'impact et les études économiques, environnementales et sociales, le choix d'instruments législatifs, la filière législative européenne et l'adoption par chaque État membre — débouchent enfin sur des réductions d'émissions.
    Étant donné ce que nous dit la science, à savoir que nous devons cesser d'augmenter nos émissions en 2020 puis passer à des réductions, il nous reste peu de temps. Nous devons donc nous préparer dès maintenant à signer l'entente, ce qui doit se faire dans 18 mois. La fin de 2009 approche. C'est très important.

[Français]

    Le projet de C-377 que nous étudions contient un engagement pour deux termes de réduction, soit 2020 et 2050, et l'année de référence prévue est l'année 1990. Au cours des dernières semaines, l'opposition était à Bali et on a vu la façon dont la négociation internationale se déroulait. Le gouvernement du Canada tentait de repousser l'année de référence le plus loin possible de 1990. Cela a pour conséquence de pénaliser les efforts faits tant par les États souverains que par les entreprises des différents États touchés.
    L'année de référence 1990 permet-elle aux efforts passés d'être pris en considération autant par les membres de l'Union européenne que par toutes les entreprises qui ont décidé, dès 1990, de présenter des plans de lutte contre les changements climatiques?
    Je vois que vous êtes également responsable de l'Unité de la stratégie sur les changements climatiques et des négociations internationales. L'année de référence est-elle un élément fondamental dans les négociations internationales?
    De fait, je travaille pour cette unité; je n'en ai pas toute la responsabilité. Pour nous,

[Traduction]

Les données de référence de 1990 sont importantes, et toutes nos projections s'y reportent d'ailleurs. Toutefois, nous avons dans nos nouveaux programmes les émissions vérifiées de 2005 obtenues pour chacune des installations couvertes par le SQE, et c'est pour cela que nous conservons des données. Par rapport aux négociations internationales cependant, nous nous reportons toujours aux données de 1990. Cela demeure important à nos yeux.

[Français]

    Ma question s'adresse maintenant à Mme Vicki Arroyo.
    Vous avez dit plus tôt que malgré l'entêtement — j'utilise ce mot personnellement — de l'administration américaine à prendre ses distances par rapport à la lutte contre les changements climatiques, il y a quand même une dizaine d'États qui ont décidé d'être proactifs. Je tiens à vous rappeler que le Québec, en particulier, a signé des ententes avec ces États pour lutter contre les changements climatiques. C'est le cas non seulement du Québec, mais également du marché financier québécois. Je pense ici à l'entente signée par la Bourse de Montréal. Le marché climatique de Montréal a signé une entente avec la plateforme boursière de Chicago en vue d'un marché futur des produits dérivés du carbone.
    Cette entente entre la Bourse de Montréal et la plateforme boursière de Chicago sur les produits dérivés du carbone a-t-elle un avenir et est-elle appelée à prendre de l'expansion à l'avenir?
(1610)

[Traduction]

    Je ne connais pas vraiment cette entente. S'agit-il de celle intervenue entre les États de la Nouvelle-Angleterre et les provinces, dans le cadre de discussions entourant la RGGI?

[Français]

    Des ententes ont été signées de gouvernement à gouvernement, d'État à État, mais il existe quand même un marché climatique dans lequel Montréal s'est positionné au cours des dernières années pour attirer le marché du carbone. Une entente a été signée avec la Bourse de Chicago, qui a actuellement un marché volontaire et non contraignant mais qui n'en existe pas moins.
    Ces liens entre certains États américains et certaines provinces canadiennes — je pense au Québec et à l'Ontario — sont-ils viables, dans la mesure où les deux États fédéraux décident de prendre leurs distances par rapport à la lutte contre les changements climatiques?

[Traduction]

    À mon avis, il est possible d'adopter une démarche de bas en haut, grâce à laquelle, ainsi que je le disais, non seulement les provinces et les États du Nord-Est pourraient négocier et coordonner leurs programmes d'échange, mais aussi les provinces de l'Ouest canadien et les États de l'Ouest et du Midwest américain. Ensuite, grâce à l'initiative ICAP, que j'ai aussi mentionnée, ces derniers pourraient établir des liens avec l'Union européenne, la Norvège, la Nouvelle-Zélande et d'autres endroits, où on a mis sur pied des programmes d'échange de droits d'émission. Ce serait toutefois à l'échelle infranationale. Quant à nous, nous préférerions que le gouvernement fédéral adopte une politique générale cohérente.
    Le Chicago Climate Exchange a été un excellent projet-pilote pour le secteur privé, qui cherche à se roder pour ainsi dire, à prendre un peu d'expérience par rapport à l'échange de droits d'émission. Cela se fonde toutefois sur des cibles volontaires qui ne sont peut-être pas assez exigeantes pour lutter efficacement contre le problème des changements climatiques. Par conséquent, plutôt que de prolonger des cibles volontaires, à notre avis, ce qu'il nous faut, ce sont des cibles nationales plus ambitieuses.
    Nous devrions peut-être étudier attentivement certaines des infrastructures déjà mises sur pied lorsqu'il s'agira de créer un programme d'échange de droits d'émission à l'échelle fédérale.
    Je vous remercie, monsieur Bigras.
    Nous allons maintenant accorder la parole à M. Cullen.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins.
    Madame Arroyo, c'est à vous que je m'adresserai. Au moment où l'on parle de la création impérative d'un cadre national, on observe une certaine agitation au sein du milieu des affaires canadien. Au fur et à mesure que les diverses provinces présentent leur propre plan, qu'elles signent des ententes avec leurs homologues, les États américains, on s'inquiète de l'avenir, on se demande ce qu'il réserve aux milieux d'affaires de ces provinces et États. Bon nombre des compagnies dont nous parlons, c'est-à-dire les gros émetteurs, ont des liens commerciaux qui débordent des frontières des provinces et des États.
    À titre de renseignement, le projet de loi cherche à mettre sur pied un régime de « limites et d'échanges » d'envergure nationale. Quant aux projets de loi dont le Congrès américain est saisi — vous avez mentionné le projet de loi Lieberman-Warner, par exemple... Dans quelle mesure vos industries, celles qui font partie de votre Climate Action Partnership, ont-elles besoin d'une certaine uniformité qui transcenderait les limites tant nationales qu'internationales? Dans quelle mesure ont-elles besoin de cette stabilité pour bien planifier et investir?
    Les membres du United States Climate Action Partnership discutent certainement de cela. Malheureusement, la question est en train de devenir de plus en plus difficile étant donné les délais qui se prolongent au niveau fédéral et le fait que davantage d'États mettent en oeuvre leurs propres programmes.
    Au début, les États et les régions intervenaient dans une sorte de vide, dans une situation où ils ne tenaient pas à ce qu'on les force à agir. Toutefois, étant donné l'inaction prolongée du gouvernement fédéral, ils ont estimé devoir faire quelque chose pour combler ce vide. À présent, nous les avons incités à mettre en vigueur certaines lois et à prendre certains règlements, et ils y ont consacré beaucoup de temps.
    À mon avis, les États et les organisations non gouvernementales — j'entends par là les groupes d'écologistes — hésiteront à retirer leur appui à des politiques prises au niveau des États ou à des initiatives régionales au profit d'un programme fédéral. Et cela sera d'autant plus vrai qu'un programme fédéral se fera longtemps attendre.
    Un programme fédéral rigoureux réduirait la probabilité que les États se lancent dans un programme de « limites et échanges ». Comme cela s'est déjà passé auparavant dans notre pays, les États imposeraient peut-être des normes plus strictes ou des normes complémentaires par souci d'efficacité, ou qui visent les véhicules, comme dans le cas de la Californie. Ce serait cependant malheureux, à mon avis, si l'on aboutissait avec un certain nombre de programmes de limites et d'échanges incapables de se coordonner.
(1615)
    Permettez-moi de vous poser une question qui est peut-être liée aux primaires qui ont présentement lieu et à l'élection à venir. Ainsi que vous l'avez mentionné, les trois candidats restants, tant les Républicains que les démocrates ont pris position, parfois fermement, au sujet du changement climatique, parlant du besoin d'agir, cela au moment même où les États-Unis sont au bord ou au milieu d'une récession.
    Semblable en cela au vôtre, notre gouvernement fédéral a pris prétexte de considérations économiques pour s'opposer à l'environnement, affirmant qu'il fallait faire des choix difficiles. Justement, étant donné les signes d'un début de récession, est-ce que les principaux candidats à la présidence américaine ont laissé tomber leur plan de lutte contre le changement climatique ou leurs initiatives en ce sens? Ont-ils utilisé cette excuse pour remettre à plus tard et à une période de plus grande prospérité leurs mesures de protection de l'environnement, ou bien ont-ils maintenu le cap?
    Nous n'avons pas encore observé quelque chose de ce genre dans cette course à l'élection présidentielle. Toutefois, la dernière fois qu'un nouveau président a été élu, George Bush, en campagne électorale, avait promis de s'attaquer aux émissions de dioxyde de carbone provenant des services publics, c'est-à-dire des centrales électriques, et une fois au pouvoir, il a laissé tomber cette idée, alléguant qu'il y avait une crise énergétique en Californie. Nous espérons que cela ne se produira pas cette fois-ci. Nous disposons d'un plus grand nombre de preuves scientifiques maintenant. Beaucoup plus d'entreprises demandent aussi qu'il y ait davantage de certitude en matière de réglementation, elles tiennent à une politique générale par rapport au climat. J'espère donc que ça ne se produira pas cette fois-ci.
    En fait, si telle est la position de la Cour suprême, un projet de loi établissant un système de limites et d'échanges sera probablement le moyen le plus efficace de lutter contre ce problème. À mon avis, les entreprises ne voudront vraiment pas d'une démarche fragmentée, bien que, selon la Cour suprême, c'est bien ce qui se passe en ce moment sur le plan juridique. C'est certainement possible. Cela signifie donc qu'une EPA pourrait réglementer une installation à la fois, selon un système traditionnel fondé sur les normes, tout au moins, en vertu du jugement de la Cour suprême. Or, à mon avis, cela serait beaucoup moins rentable que les projets de loi que nous envisageons.
    Tout cela est très intéressant, car juste avant Noël et les négociations de Bali, j'ai rencontré ici certaines personnes qui se penchaient sur ces projets de loi. Lorsque j'ai demandé quels étaient les liens entre les Canadiens et les divers sénateurs et membres de la Chambre des représentants, eh bien, il n'y en avait pas du tout. Il n'y avait pas eu la moindre conversation entre le gouvernement du Canada et les gens qui avaient proposé ces projets de loi créant un système de limites et d'échanges, or ils ont manifestement une incidence sur l'économie.
    Je vais maintenant m'adresser à Mme Pollard pendant quelques instants. Vous avez utilisé une expression: « l'apprentissage sur le tas ». Pourquoi était-ce aussi important? Pourquoi n'était-il pas aussi important de bien comprendre le changement climatique avant même d'agir?
    Nous avions le luxe d'avoir mis cela en place dès le début de 2005, ce qui veut dire que nous avions trois ans avant l'échéance de l'engagement de Kyoto, date à laquelle il est devenu absolument impératif de compter sur le marché européen des droits d'émission pour nous aider à atteindre nos objectifs. Nous avons donc été chanceux. Mais c'est une grande entreprise qui exige mûre réflexion.
    Cela dit, nous avons été les premiers à lancer un programme d'une telle envergure pour les émissions de CO2. Nous avons beaucoup appris des États-Unis, qui avaient établi leurs propres systèmes d'échange d'émissions d'oxyde d'azote et d'oxyde de souffre. Nous faisons maintenant de grands efforts pour nous assurer que d'autres pourront apprendre de notre expérience. Nous sommes donc l'un des partenaires du Partenariat international d'action sur le carbone, qu'a évoqué Vicki Arroyo, et qui aide à diffuser les connaissances et l'expérience pour obtenir à l'avenir de meilleurs régimes d'échange de droits d'émissions.
    Le gouvernement actuel et des gouvernements précédents ont invoqué un argument fondé sur l'opposition entre l'environnement et le développement économique. De même, plus récemment, on a entendu à répétition un argument selon lequel tant que la Chine, l'Inde et les autres pays en développement ne feront rien, ce n'est pas une décision intelligente ou sage pour le Canada de prendre des mesures comme celle proposée dans ce projet de loi proposé par M. Layton.
    Pourquoi cela ne vous a-t-il pas empêché d'aller de l'avant? Pourquoi ne considérez-vous pas que cela nous défavorise face à nos concurrents d'agir dans le dossier du changement climatique, comme notre gouvernement l'a laissé entendre encore récemment aux pourparlers de Bali?
    La position de l'UE est celle-ci: nous voulons une entente globale avec une participation élargie et nous ne demandons pas aux pays en développement ou aux économies émergentes de prendre les mêmes engagements que nous, parce que nous croyons qu'ils ont besoin de marges de manoeuvre pour assurer leur développement. Nous adoptons d'ailleurs la même attitude dans notre effort de partage au sein de l'Union européenne. Nous tenons compte du PIB par habitant dans la répartition de l'effort, mais nous disons aussi clairement qu'il doit y avoir différenciation entre les pays en développement.
    À nos yeux, la position se pose plutôt de la manière suivante: si nous pouvons montrer que nous sommes capables de le faire, nous pouvons les convaincre d'agir. En agissant, ce qui comprend des investissements dans leurs pays par l'entremise de mécanismes comme le MDP, nous aidons à faire la démonstration des technologies vertes et nous les engageons dans la voie des instruments de politique novateurs, pour leur montrer ce qu'il est possible de faire, pour les aider à acquérir de l'expérience dans ce domaine, et nous pouvons les aider dans cette voie pour qu'ils prennent des mesures ou renforcent celles qu'ils prennent déjà, jusqu'au niveau voulu.
(1620)
    Ma dernière question s'adresse à M. Hughes. Vous avez évoqué le besoin, l'urgence et les mesures que prend le Royaume-Uni. Vous avez dit également que l'efficience énergétique était l'un des leviers les plus puissants que vous ayez utilisés. Est-ce qu'un mécanisme de plafond et d'échange permet aux compagnies de trouver les méthodes les plus efficientes pour obtenir les résultats voulus, cela permet-il d'atteindre les objectifs dans les plus brefs délais?
    Merci.
    Chose certaine, le régime de plafond et d'échange, la Bourse européenne du carbone, a aidé à cet égard, quoique, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, je pense que le Royaume-Uni a été en fait un acheteur net de crédits. Mais encore une fois, comme je l'ai dit, le Royaume-Uni a pris beaucoup de mesures depuis une dizaine d'années et a décrété que l'efficience énergétique nous fait en quelque sorte gagner sur trois plans: la sécurité énergétique, la réduction des émissions, mais aussi parce que cela coûte moins cher.
    Je voudrais revenir à l'observation que Mme Pollard a faite tout à l'heure, quand elle a parlé du décalage des politiques. Au Royaume-Uni, notre expérience a été la suivante: nous avons lancé initialement notre programme de lutte contre le changement climatique en 2000, l'avons réexaminé en 2006 pour constater que les réductions d'émissions que nous avions prévues au départ ne s'étaient pas réalisées dans la mesure espérée et, en conséquence, nous avons introduit de nouvelles mesures en 2006, encore une fois pour nous aider à atteindre nos objectifs de 2010.
    Mais il est certain qu'en matière d'efficience énergétique, nous avons constaté des progrès appréciables et le régime d'échange de droits d'émission a été un outil complémentaire permettant d'obtenir des réductions supplémentaires des émissions.
    Merci, monsieur Cullen.
    Monsieur Vellacott.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais d'abord apporter une rectification à ce que M. Cullen a dit, car il a donné une idée fausse de la position de notre parti. En fait, nous nous sommes engagés envers des réductions absolues de 20 p. 100 d'ici 2020, et je tiens à ce que nos témoins le sachent bien. Mais il faut obtenir l'engagement de tous les intervenants si l'on veut faire baisser les émissions planétaires. Je voulais seulement faire cette rectification.
    Je vais poser ma question d'abord à Vicki et ensuite à James, au sujet des régimes en place dans leurs pays respectifs.
    Si vos parlements, l'européen et le britannique, étaient saisis d'un projet de loi comme le C-377 que nous étudions aujourd'hui, un projet de loi dont on n'a pas établi le coût, dont on n'a fait aucune analyse économique, à titre de conseillers, que recommanderiez-vous à votre parlement de faire d'un tel projet de loi?
    Du point de vue de la Commission européenne, tous les projets de loi que nous adoptons donnent lieu à une étude d'impact. Celle-ci est plus ou moins approfondie, selon la nature des dispositions proposées.
    Vous recommanderiez donc qu'on aille de l'avant, qu'on en établisse le coût et qu'on fasse une étude économique...
    Une étude d'impact consistant à calculer le coût économique net et les avantages, mais aussi les répercussions sociales et environnementales...
    Avant de le mettre en vigueur?
    Il le faudrait, avant d'aller de l'avant.
    Bien.
    James, peut-être pourriez-vous répondre vous aussi à ma question: que feriez-vous si vous étiez saisis d'un projet de loi comme celui-ci, dont on n'a pas établi le coût et pour lequel on n'a fait aucune analyse économique. Que recommanderiez-vous?
    Ici, au Royaume-Uni, tous les nouveaux règlements en Europe doivent faire l'objet, comme Vicki l'a dit, d'une étude d'impact, laquelle comprendrait une évaluation du coût de cette politique également.
    D'accord. J'ai une autre question pour nos témoins. Ces dernières années, nous avons vu des pays comme la Chine et l'Inde commencer à reconnaître qu'eux aussi doivent entrer dans la danse et assumer des responsabilités dans la lutte contre le changement climatique. Le Canada s'est efforcé d'établir des liens, de faire preuve de leadership, pour en amener d'autres à faire leur part. Et je pense que nous avons enfin réussi, du moins dans une grande mesure, à obtenir que tous les gros émetteurs adhèrent à ces accords internationaux, depuis la déclaration de la ville jusqu'à la dernière entente conclue en Indonésie.
    En novembre dernier, je crois, j'ai reçu une lettre du haut-commissariat de Grande-Bretagne, et je pense que la plupart des députés ici présents l'ont également reçue. Dans cette lettre, on insiste sur l'importance d'obtenir la participation des vraiment gros émetteurs, et c'était dans le cadre des préparatifs des réunions de Bali, en Indonésie. La lettre du haut-commissariat de Grande-Bretagne était assez claire. On y disait en fait, et précisément, que nous avons besoin de la participation de ces gros émetteurs.
    Voici donc ma question à nos témoins. Si des pays comme l'Inde et la Chine poursuivaient leur chemin comme si de rien n'était, ne se laissaient pas convaincre de participer à cela, quel serait l'effet des mesures intérieures du Canada sur le changement climatique?
(1625)
    Pourrais-je répondre en premier? Premièrement, au Royaume-Uni, nous estimons que les statistiques nous indiquent qu'il faut agir maintenant. Les chiffres nous disent que nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas agir. Nous devons donc donner l'exemple et commencer chez nous tout en exerçant notre influence à l'étranger, en étant conscients que des problèmes environnementaux planétaires appellent une approche internationale.
    À notre avis, il faut un accord international englobant tous les pays, y compris tous les gros émetteurs. Et nous estimons que ceux-ci doivent participer.
    Quant à savoir ce que cela voudrait dire pour le Canada... Je devrais peut-être m'abstenir de me prononcer là-dessus. Au Royaume-Uni, nous sommes conscients qu'en termes d'émissions directes, nous représentons environ 2 p. 100 des émissions directes de la planète, et pourtant, nous estimons qu'il est important pour nous de montrer aux pays en développement...
    Je vais vous interrompre, James, et céder la parole à mon collègue. Je lui ai déjà volé un peu de son temps. Les autres témoins pourraient peut-être profiter de leurs interventions ultérieures pour répondre à ma question.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins de comparaître.
    À notre comité, nous avons entendu des scientifiques canadiens du GIEC, nous avons entendu des économistes, et nous entendons maintenant des représentants de groupes de défense de l'environnement. Maintenant, je pensais évidemment que nous discuterions avec les témoins d'aujourd'hui de questions de compétence. J'aimerais orienter nos échanges dans cette direction. Évidemment, si le Canada doit adopter le régime du marché des droits d'émission, il nous faudrait examiner des exemples ailleurs dans le monde et bien nous assurer de toujours comparer des éléments comparables.
    Je vais commencer par vous, madame Pollard et monsieur Hughes. Je voudrais que vous examiniez à notre intention, au sujet de l'élaboration et du fonctionnement du marché des émissions de l'UE, certains défis que vous avez dû relever, certains obstacles que vous avez dû surmonter relativement à l'UE et à ses États membres, certaines difficultés intergouvernementales, des problèmes juridiques ou autres. Aidez-nous à mieux comprendre cette problématique.
    Je pense, madame Arroyo, que je m'adresserai ensuite à vous et vous poserai un peu la même question pour ce qui est des relations entre le gouvernement fédéral des États-Unis et les États membres de l'Union et peut-être aussi au sujet des relations entre États.
    Je vous invite à vous attarder en particulier aux ressemblances entre le Canada et l'UE et entre le Canada et les États-Unis, et aussi aux différences. Si nous adoptons cette méthode, il y a peut-être des éléments qui pourraient facilement être transférés à notre situation, tandis que d'autres ne le pourraient pas. J'aimerais que l'on examine cela d'un peu plus près.
    Madame Pollard, commençons par vous. Je sais que c'est vaste. Je sais que c'est beaucoup demander.
    Je dois admettre que c'est un sujet très vaste, et je ne suis pas spécialiste du Canada, et je vais donc vous donner le point de vue européen et aussi celui d'une personne qui n'était pas présente au moment du lancement du marché des émissions de l'UE, du moins pas professionnellement.
    La principale leçon que nous avons apprise est la simplicité. Le marché des émissions de l'UE est un régime relativement simple. Vous avez dit qu'il fallait comparer des éléments comparables. Nous avons une devise commune, à savoir une tonne métrique de CO2, ce qui est très important. Ensuite, nous avons un engagement d'obtenir une réduction absolue des émissions, cet engagement consistant actuellement en l'addition des plafonds des 27 États membres pour obtenir un plafond global pour l'UE.
    L'une des leçons, en termes de simplicité, que nous appliquerons à la période après 2012 — donc à partir de 2013 — est d'établir le plafond, dans toute la mesure du possible, au niveau de l'UE, parce que l'une des complications est la répartition des quotas. Une fois que le régime est établi et fonctionne, il y a beaucoup d'argent en jeu, ce qui débouche sur des décisions très difficiles à prendre pour quiconque en est chargé, que ce soit, dans le contexte de l'UE, la commission qui examine les quotas nationaux ou bien les gens qui élaborent les plans dans chaque pays et qui décident des quotas attribués à différentes installations à l'intérieur de leur pays respectif.
    Plus cela peut être simplifié, plus c'est conforme à ce qui se fait ailleurs dans le monde, de sorte que les répercussions concurrentielles sur les compagnies qui subissent la concurrence internationale... Plus ces quotas peuvent être vendus — non pas attribués, mais vendus —, par exemple dans le cadre d'une vente aux enchères, plus c'est facile à appliquer. Voilà donc une leçon importante.
    Je vais céder la parole à James. Il aura peut-être d'autres aspects à soulever, du point de vue d'un État membre.
(1630)
    J'avoue que je n'ai pas la responsabilité du système d'échange de droits d'émission de l'Union européenne et je crains ne pas pouvoir vous en parler en détail. Mais comme Vicki l'a mentionné, l'une des leçons qu'on en tire se rapporte au plafond qui est fixé. Comme on l'a déjà dit, je crois qu'il y a eu des problèmes au départ, avec une sur-affectation et la commission a eu la bonne idée de prendre des mesures pour resserrer l'origine, pour sa deuxième phase. Nous avons maintenant l'occasion d'examiner les directives pour faire avancer les choses d'ici 2013 et par la suite. La clé, c'est de s'assurer que les échanges de droits d'émission fonctionnent de manière à obtenir des réductions d'émissions tangibles.
    Les propositions de la commission pour la troisième phase sont très encourageantes et je crois vraiment qu'il y aurait des avantages à avoir un plafond pour l'ensemble du centre de l'Union européenne. Ainsi, au lieu que chaque pays présente sa proposition de plafond à la commission, comme le Royaume-Uni qui cherche à obtenir un plafond qui respecte ses strictes exigences, il serait en fait très utile d'avoir un plafond fixé pour l'ensemble de l'Union européenne centrale, et qu'il y ait un resserrement progressif, de manière à garantir des réductions d'émissions.
    Je suis désolé, monsieur Watson, mais il faut passer au suivant. Nous allons recevoir encore cinq témoins.
    Je tiens à remercier ces trois témoins de leur beau travail. Je sais que les membres du comité n'ont pas reçu toutes les réponses souhaitées, mais ils ont au moins une bonne idée de ce qui se passe à l'étranger.
    Merci beaucoup.
    Je demande maintenant à nos cinq autres témoins de prendre place.

    Le président: Je rappelle aux membres du comité que nous avons maintenant cinq témoins qui nous parleront de la constitutionnalité. C'est un excellent groupe de témoins. Il est dommage que nous ne puissions consacrer toute une séance à chacun des témoins. Je vous demande de vous en tenir à cinq minutes afin que les membres du comité puissent poser un maximum de questions.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue aux étudiants qui sont dans la salle. Je connais M. Elgie depuis quelque temps et je suis convaincu que vous apprenez beaucoup avec lui. Nous espérons que vous apprendrez des choses ici aujourd'hui grâce à notre excellente brochette de témoins.
    Nous allons suivre l'ordre prévu sur l'avis de convocation. Veuillez vous en tenir à environ cinq minutes, afin que les députés puissent poser des questions.
    Nous commençons avec Theresa McClenaghan.
(1635)
    Je suis ravie de comparaître, à l'invitation du comité. Je suis accompagnée de M. Joseph Castrilli, qui est aussi avocat pour l'Association canadienne du droit de l'environnement. Je vais dire quelques mots d'introduction puis M. Castrilli se servira du gros de nos cinq minutes pour présenter les points saillants de notre mémoire.
    On nous a demandé d'étudier la constitutionnalité de ce projet de loi et c'est le contexte dans lequel s'inscrit notre exposé. Précisons que l'Association canadienne du droit de l'environnement est un organisme constitué en vertu d'une loi fédérale il y a 38 ans, sans but lucratif, qui agit aussi comme centre d'aide juridique. Nous sommes absolument non partisans. Nous fournissons des conseils sur les réformes législatives proposées ou possibles, tant au niveau fédéral que provincial et même, municipal. Nous le faisons pour tous les partis politiques.
    Dans nos efforts, nous appuyons toujours le travail des diverses administrations dans le cadre constitutionnel canadien. Nous pensons que les municipalités, les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral ont un rôle important à jouer. Nous travaillons ainsi, estimant que des efforts d'ampleur différente doivent être faits, sur différentes questions. C'est certainement vrai pour la question dont vous êtes saisis, pour laquelle les efforts de certaines grandes municipalités canadiennes sont importants, de même que ceux des gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral.
    Nous serons ravis d'aider davantage le comité après notre bref aperçu, et de lui fournir nos suggestions et nos conseils quant à ce qui sera possible.
    Je donne maintenant la parole à M. Castrilli qui vous donnera un aperçu de deux des rubriques de compétence dont nous traitons dans notre mémoire.
    Merci, monsieur le président, et membres du comité.
    Comme nous l'indiquons dans le mémoire que nous vous avons présenté, l'objet du projet de loi C-377 peut être décrit comme la réduction des émissions de gaz à effet de serre, dans le but de protéger le climat mondial et de réduire les menaces que cela peut représenter pour le Canada. Les moyens proposés en vertu du projet de loi C-377 comprennent à la fois des mesures réglementaires, économiques, budgétaires et coopératives.
    Nous avons peu de temps pour notre déclaration liminaire et je me concentrerai sur deux rubriques de compétence fédérales: la paix, l'ordre et le bon gouvernement, d'une part, et d'autre part, le droit pénal. Je vais aussi traiter brièvement de certains questions constitutionnelles se rapportant au projet de loi C-377 et découlant des lois fédérales et environnementales actuelles.
    Au sujet de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement, comme le comité le sait, c'est un pouvoir résiduel du Parlement pour les questions qui ne relèvent pas explicitement des compétences attribuées aux assemblées législatives provinciales ou au Parlement fédéral. Par conséquent, si on l'invoque pour faire respecter les limites réglementaires ou les administrations d'échanges d'émissions qui ne sont pas vraiment décrites dans le projet de loi C-377, cela pourrait avoir un effet important sur les compétences provinciales dans ce domaine, et ne pas recueillir l'assentiment de la Cour suprême du Canada.
    Il reste que la paix, l'ordre et le bon gouvernement semblent la meilleure compétence à invoquer pour faire respecter les pouvoirs relatifs aux échanges de droits d'émission et aux projets compensateurs qui seraient plus explicites que ce qui est proposé dans le projet de loi C-377, pour l'instant. En effet, ce régime pourrait être admis plus clairement par l'application de mesures sectorielles, qui empiéteraient moins sur les compétences provinciales. La paix, l'ordre et le bon gouvernement seraient bien moins vus par la Cour suprême comme garantissant la constitutionnalité du pouvoir de fixer des limites par règlement en vertu du projet de loi C-377 en toutes circonstances, à cause des effets importants que cela pourrait avoir sur le pouvoir d'agir des provinces, dans bien des domaines.
    Au sujet du droit pénal, à la lumière de l'arrêt de la Cour suprême sur Hydro-Québec, c'est la compétence fédérale qui pourrait le mieux être invoquée pour assurer la constitutionnalité des dispositions réglementaires du projet de loi C-377. Il semble que cela soit possible malgré la complexité du régime, à la condition que le projet de loi soit modifié pour énoncer clairement que, à l'instar de la LCPE, dont la constitutionnalité a été confirmée par l'arrêt Hydro-Québec, il touche seulement un nombre limité de substances, en l'occurrence, les gaz à effet de serre.
    De plus, il faudrait rendre le projet de loi C-377 plus détaillé afin qu'on puisse déterminer si le régime qu'il instaure, soit des limites réglementaires ou l'échange de droits d'émission, est vraiment compatible avec la série de décisions rendues par la Cour suprême depuis le milieu des années 90 qui ont confirmé la validité de régimes réglementaires fédéraux complexes en vertu de la compétence en matière de droit pénal.
    Enfin, parlons très brièvement des questions constitutionnelles relatives au droit environnemental fédéral. Le projet de loi C-377 est censé être un texte législatif autonome qui ne traite aucunement de son lien possible avec la Loi canadienne sur la protection de l'environnement de 1999 pour ce qui est des substances causant les changements climatiques ou y contribuant. Pourtant, les six gaz à effet de serre nommés dans le Protocole de Kyoto font partie de l'annexe 1 de la LCPE de 1999, soit la liste des substances toxiques. Or, dans le projet de loi C-377, on ne dit pas quels gaz à effet de serre sont visés, et on ne les qualifie pas non plus.
    Il y aurait donc lieu d'envisager un certain rapprochement entre le projet de loi C-377 et la LCPE de 1999. On pourrait entre autres transformer le projet de loi en une série de modifications à la LCPE de 1999 plutôt que d'en faire un texte législatif autonome. Le projet de loi pourrait ainsi profiter de l'examen à la lumière de la Constitution auquel la LCPE a déjà été soumise. On pourrait également dissiper une partie de la confusion sur le plan des compétences qui pourrait être créée si le projet de loi C-377 est édicté sous sa forme actuelle, compte tenu que les gaz à effet de serre sont déjà considérés comme des substances toxiques dans la LCPE de 1999.
    Les avocats aiment toujours qu'il y ait des options, et l'autre option, déjà énoncée, serait de donner plus de détails dans le projet de loi C-377, si le Parlement préfère qu'il s'agisse d'un texte législatif autonome. Je proposerais donc trois pistes, et je soupçonne que j'aurai la chance d'y revenir en réponse aux questions que vous poserez: premièrement, préciser à quels gaz à effet de serre s'applique le projet de loi; deuxièmement, décrire précisément les situations où les activités pour lesquelles les émissions doivent être contrôlées ou interdites; et troisièmement, assortir ces interdictions de sanctions pénales.
    Je répondrai volontiers aux questions du comité, au moment voulu. Merci.
(1640)
    Merci beaucoup.
    Je dois préciser que M. Newman, du ministère de la Justice, est aussi ici pour répondre à vos questions.
    Monsieur Hogg, vous avez la parole.
    Vous avez reçu mon mémoire. Pour les besoins de l'interprétation, je précise que je vais lire mes titres de compétence de la page 1 et la conclusion de la page 4. C'est ce que je vais dire.
    Monsieur le président, je suis professeur émérite et ancien doyen de la Osgoode Hall Law School de l'Université York, et professeur résident chez Blake, Cassels et Graydon. Mon domaine de compétence est le droit constitutionnel et j'ai beaucoup écrit sur le sujet, y compris Constitutional Law of Canada. Voilà pour mes titres de compétence.
    Je passe à la conclusion.
    Des voix: Bravo!
    M. Peter Hogg: Je passe à la page 4.
    Le problème constitutionnel relatif au projet de loi C-377 est qu'il confie la réduction des émissions de gaz à effet de serre uniquement à un pouvoir de réglementation conféré à l'exécutif. La seule indication donnée au gouverneur en conseil sur la nature des règlements est qu'il doit « prendre toute mesure d'application de la présente loi » et « veiller à ce que le Canada respecte intégralement l'engagement pris aux termes de l'article 5 » — l'article sur les objectifs pour 2020 — et il y a aussi un objectif ultérieur.
    Ce pouvoir de réglementation extrêmement large et général est censé autoriser tout règlement qui aurait pour effet de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ces règlements pourraient influer sur tous les aspects de la vie économique (et même sociale) au Canada. Le projet de loi ne prévoit aucune restriction sur les types de lois envisagées ou les types d'activités qui peuvent être réglementées. L'octroi d'un tel pouvoir général à l'exécutif est sans précédent en période de paix, et, en plus des considérations constitutionnelles, devrait soulever des préoccupations politiques majeures. Ces problèmes constitutionnels sont cependant suffisants en eux-mêmes pour entraîner le rejet de ce texte législatif, à mon avis.
    D'abord, pour reprendre les deux compétences citées par M. Castrilli, le projet de loi C-377 ne relève pas de la compétence du Parlement en matière de droit pénal, parce que ce domaine de compétence, en plus d'exiger une fin valide en droit criminel, comme c'est la cas pour le projet de loi, soit la prévention du réchauffement climatique et la protection de l'environnement, prévoit en outre qu'elle soit assortie d'une interdiction et d'une sanction. Ce que disait l'arrêt Hydro-Québec, c'est que si la conception et l'application de l'interdiction et de la sanction sont déléguées à l'exécutif, elles doivent être  « bien adaptées » de façon que le Parlement fournisse au moins des indications sur la création des nouvelles infractions criminelles. Le projet de loi C-377 ne donne aucune indication quant aux infractions criminelles qui découleraient du pouvoir de réglementation du gouverneur en conseil. 
    Parlons de la deuxième compétence fédérale citée par M. Castrilli. Le projet de loi C-377 ne relève pas non plus de la compétence du Parlement en matière de paix, d'ordre et de bon gouvernement, parce que la rubrique de l'intérêt national de ce pouvoir autorise l'adoption de lois sur des questions d'intérêt national — s'agissant ici de la réduction des gaz à effet de serre, une question nationale — seulement si la question est suffisamment distincte des questions de compétence provinciale. Par son imprécision — et nous revenons à ce facteur déjà cité — et sa portée, le projet de loi C-377 pourrait influer profondément sur de nombreux domaines de compétence provinciale. Il va de soi que le projet de loi peut porter sur toute activité humaine ou presque qui contribuerait aux émissions de gaz à effet de serre.
(1645)
    Sans définition plus précise des types de règlements envisagés, de manière à en faire un objet distinct ciblé par le projet de loi, celui-ci ne peut pas se réclamer de l'intérêt national en matière de paix, d'ordre et de bon gouvernement.
    En conclusion, si le projet de loi n'est pas modifié comme le suggérait M. Castrilli à la fin de sa déclaration — et il s'agirait de changements assez radicaux —, le Parlement du Canada n'a tout simplement pas les pouvoirs nécessaires pour édicter le projet de loi C-377. Si le projet de loi était édicté, il serait abrogé par la Cour suprême du Canada.
    Voilà qui termine ma déclaration, monsieur le président.
    Merci beaucoup et félicitations, je ne pensais pas que les avocats et les politiciens pouvaient respecter ainsi des délais fixés. Vous avez pris exactement cinq minutes et trois secondes. Bien fait. Félicitations.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Turmel, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président, et honorables membres du comité.
    Je vais commencer la déclaration au nom de l'Association du Barreau canadien et M. Turmel la terminera.
    Je remercie le comité d'avoir invité l'Association du Barreau canadien à parler du projet de loi C-377. Nous sommes ici au nom de la Section nationale du droit de l'environnement, de l'énergie et des ressources dont les membres représentent une vaste gamme d'intérêts liés au droit de l'environnement de toutes les parties du pays.
    L'Association du Barreau canadien est une association nationale représentant plus de 37 000 juristes du Canada. Nous avons pour objectif d'améliorer le droit et l'administration de la justice. C'est dans cette optique que nous avons évalué le projet de loi.
    M. Turmel est secrétaire de cette section et il pratique à Montréal, dans le domaine de l'énergie et des changements climatiques.
    Vous avez reçu copie de notre lettre d'analyse du projet de loi et je vais demander à M. Turmel de vous en parler plus en détail.
(1650)
    Bonjour, monsieur le président, et bonjour aux membres du comité.
    Je suis André Turmel. Je suis associé au cabinet Fasken Martineau de Montréal. Je vous parlerai en français.

[Français]

    Le projet de loi C-377 traite du défaut du Canada de mettre en oeuvre ses obligations découlant des traités internationaux, plus particulièrement en ce qui concerne les changements climatiques. La Section de l'ABC est certes préoccupée par les graves conséquences du changement climatique et par le fait que le Canada n'a pas mis en oeuvre le Protocole de Kyoto, manquant ainsi à ses obligations internationales. Toutefois, nous sommes d'avis que le projet de loi C-377 ne devrait pas être adopté dans sa forme actuelle. Plutôt que de recommander l'adoption de nouvelles cibles prévues par la loi telles qu'elles ont été proposées, l'ABC exhorte le gouvernement à prendre immédiatement des mesures pour satisfaire aux obligations juridiques internationales du Canada en matière d'environnement afin de lutter contre les changements climatiques.
    La communauté internationale a surtout recours aux traités internationaux pour promouvoir l'action collective concernant les problèmes mondiaux liés à l'environnement. Le Canada est partie à la Convention de Vienne sur le droit des traités, dont l'article 26 mentionne que « Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi. » Des normes du droit coutumier international datant d'aussi loin que 1938 reconnaissent l'obligation des nations d'empêcher la pollution et les dommages à l'environnement transfrontaliers.
     Plus récemment, on peut penser à l'affaire Teck Cominco, qui a été tranchée par une cour d'appel des États-Unis et qui a mené à l'imposition d'obligations administratives aux États-Unis à l'encontre d'une compagnie canadienne qui émettait en sol américain.
    À l'heure actuelle, le Canada conclut de plus en plus d'accords internationaux traitant des questions environnementales. L'ABC a demandé aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de coopérer pour mettre en oeuvre ces accords internationaux en temps utile et de façon complète dans leurs domaines de compétence respectifs. Le maintien de la règle de droit passe par la mise en oeuvre des conventions internationales et des obligations prévues par le droit international.
    J'aimerais maintenant faire quelques commentaires sur le projet de loi C-377. Ce projet de loi vise notamment à remédier au défaut du Canada de se conformer au protocole. Il établirait des cibles reportées qui sont ambitieuses et, à en juger par l'expérience actuelle, probablement très difficiles à atteindre. De plus, les cibles proposées par le projet de loi sont différentes de celles qu'exige le droit international. À supposer que les cibles prévues par la loi soient adoptées, elles devraient être liées et conformes aux cibles présentement en vigueur en droit international. L'existence de deux normes, sans rapport l'une avec l'autre, serait susceptible de prêter à confusion en ce qui concerne le rôle du droit international au sein du droit de l'environnement national, et minimiserait l'importance des obligations juridiques du Canada aux termes du protocole et d'autres traités internationaux.
    Je vais énumérer quelques conséquences juridiques du défaut du Canada de se conformer au Protocole de Kyoto.
    Les accords de Marrakech conclus en application du Protocole de Kyoto traitent du défaut de se conformer à l'article 3.1. Ainsi, le texte prévoit notamment que le groupe de l'exécution du comité de contrôle — c'est ainsi qu'on l'appelle —, qui voit au respect des obligations, doit s'assurer que le Canada respecte ses obligations.
     Celui-ci doit déclarer que le Canada ne respecte pas ses engagements, s'il en déduit que la quantité attribuée au Canada pour la deuxième période d'engagement représente un nombre de tonnes représentant 1,3 fois le nombre de tonnes d'émissions excédentaires. Il exige que le Canada élabore un plan d'action pour le respect des dispositions comprenant une série d'informations qui sont intégrées à la lettre que nous vous avons fait parvenir. Enfin, il peut suspendre l'admissibilité du Canada aux échanges de droits d'émission visés à l'article 17 du protocole.
    Le régime de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, le Protocole de Kyoto qui régit les obligations internationales du Canada et les instruments négociés par la suite dans le cadre de la convention-cadre demeureront vraisemblablement les principales structures juridiques internationales permettant d'aborder la question du changement climatique, y compris les effets du changement climatique après 2012.
    Bien qu'il soit peu probable qu'un pays exerce un recours contre le Canada devant la Cour internationale de justice, on peut s'attendre à ce que des procédures judiciaires internes soient engagées contre le gouvernement fédéral. Déjà, deux affaires ont été déposées devant la Cour fédérale par les Friends of the Earth contre le gouvernement du Canada, l'une en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et l'autre en vertu de la Loi de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto adoptée en 2007.
(1655)
    En conclusion, le projet de loi C-377 traite d'un sujet qui préoccupe profondément les Canadiens et la communauté internationale. Toutefois, il exigerait l'atteinte d'une cible de 80 p. 100 d'ici 2050, une cible considérablement plus élevée que celle qu'adoptent présentement la plupart des pays, qui exigent en règle générale des cibles de réduction d'environ 50 ou 60 p. 100 d'ici 2050. Bien que des normes élevées soient souhaitables, si elles sont réalisables, elles devraient être liées et conformes à des cibles établies par le droit international existant. Les cibles proposées par le projet de loi C-377 ne le sont pas.
    Nous incitons le gouvernement fédéral à prendre immédiatement des mesures pour respecter les accords internationaux du Canada en matière de changement climatique avant d'étudier les cibles prévues par la loi que propose le projet de loi C-377.
    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Elgie, vous avez la parole. Bienvenue.

[Français]

    Merci. Je vais parler en anglais aujourd'hui, mais j'essaierai de répondre aux questions en français si vous parlez lentement.

[Traduction]

    Je suis professeur à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa. Je me spécialise en droit de l'environnement et en droit constitutionnel. Je suis aussi un ancien plaidant. Dans mon ancienne vie, je faisais du droit de l'environnement et j'ai plaidé dans trois causes de droit environnemental et constitutionnel devant la Cour suprême du Canada, y compris celle d'Hydro-Québec, et j'ai eu la chance de représenter la partie gagnante chaque fois, ce qui explique peut-être pourquoi je ne plaide plus. J'ai préféré faire une sortie en beauté.
    Quoi qu'il en soit, on m'a demandé de vous entretenir aujourd'hui des aspects constitutionnels du projet de loi.
    Permettez-moi, comme Peter Hogg, de commencer par vous donner ma conclusion pour ensuite vous expliquer comment j'y suis arrivé.
    Ma conclusion est la suivante: il est fort probable que ce projet de loi, sous sa forme actuelle, ne serait pas jugé valide en vertu du pouvoir de légiférer en matière criminelle. J'estime qu'il aurait des chances supérieures à la moyenne d'être jugé constitutionnel en vertu du pouvoir de garantir la paix, l'ordre et le bon gouvernement, et je vous expliquerai mon raisonnement à ce sujet dans un moment, car j'aimerais en venir à ce qui pourrait améliorer la constitutionnalité du projet de loi. On pourrait améliorer les chances de succès en apportant quelques changements précis et, selon moi, faisables.
    Vous savez, les avocats présentent deux grandes caractéristiques. Le président en a déjà mentionné une, à savoir que nous avons tendance à nous étendre sur le sujet. L'autre caractéristique, c'est que nous nous entendons rarement, et si tel n'était pas le cas, nous n'aurions pas de profession et aucune cause n'aurait deux parties. Par conséquent, certains avocats vous diront que ce projet de loi est constitutionnel, d'autres que non, mais le plus important, c'est que votre comité peut le modifier afin d'augmenter ses chances d'être jugé constitutionnel, et c'est sur quoi je voudrais insister.
    Très rapidement, en ce qui concerne le pouvoir de légiférer en matière criminelle, les autres témoins ont déjà indiqué qu'il faudrait étoffer le pouvoir de réglementation, qu'il faudrait mieux le définir, et je crois en effet que cela améliorerait le texte de loi.
    Au sujet du pouvoir relatif à la paix, l'ordre et le bon gouvernement, à l'instar du professeur Hogg, j'estime que la Cour suprême du Canada exige que toute loi définisse son sujet d'une façon unique, particulière et indivisible, pour reprendre les termes de la cour. Il faut donc réduire le sujet à ses éléments fondamentaux. Le gouvernement fédéral ne pourrait donc dire qu'il légifère en matière d'environnement ou de pollution. Il doit définir la matière de la loi de façon plus précise.
    Selon moi, le sujet le plus précis en l'occurrence serait la réduction des gaz à effet de serre. Il n'y a que six gaz à effet de serre. Un traité international les définit et exige que nous prenions des mesures en vue de réduire les émissions de ces six gaz. La liste de ces gaz à effet de serre n'est pas illimitée. La Cour suprême a déjà déclaré que le fait qu'un traité international définisse un sujet comme étant une matière particulière constitue un fort élément de preuve. Ce n'est pas une preuve concluante, mais c'est un fort élément prouvant que le sujet de la loi est unique et particulier aux fins constitutionnelles. À mon avis, si le projet de loi avait pour sujet la réduction des gaz à effet de serre, on jugerait qu'il satisfait aux critères de la matière unique et particulière.
    Généralement, pour déterminer si un sujet est particulier, la cour établit si l'inaction d'une province dans un domaine a une incidence sur d'autres provinces ou pays. Dans le cas du changement climatique, il ne fait aucun doute que l'inaction d'une province aurait des répercussions importantes sur d'autres provinces et pays.
    Je pourrais vous en dire plus, mais permettez-moi d'aborder tout de suite le point le plus important, à savoir quelles sont les mesures qui pourraient rendre ce projet de loi plus susceptible d'être jugé constitutionnel. Il y en a plusieurs qui m'apparaissent tout à fait réalisables.
    Tout d'abord, il faut définir le pouvoir de réglementation. On semble s'entendre là-dessus. Ce n'est d'ailleurs pas très difficile. Il suffit d'examiner ce qui a été jugé valide par la cour. La cour a confirmé la validité de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement comme loi criminelle; on pourrait donc tout simplement reprendre les dispositions de la LCPE en matière de pouvoir de réglementation. Il n'est pas nécessaire de réinventer la roue.
    Il y a encore plus simple: il suffit de s'inspirer du projet de loi C-288, la loi de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto. Cette loi comporte déjà des pouvoirs de réglementation tirés de la LCPE. Ces pouvoirs sont moins vastes que ceux de la LCPE, ils en constituent l'essentiel. Il y a environ six pouvoirs de réglementation alors que la LCPE en compte une vingtaine, mais il suffirait de les inclure à ce projet de loi-ci. Ils traitent de l'établissement de cibles et de limites et de systèmes d'échange de droits d'émission. Nul besoin de réinventer la roue. Il suffirait d'inclure au projet de loi les pouvoirs qui figurent déjà dans d'autres lois dont la validité a été confirmée ou qui ont été récemment adoptés par le Parlement.
    Deuxièmement, j'estime aussi que bien définir les gaz à effet de serre, bien préciser que le projet de loi ne s'applique qu'à ces six, contribuerait grandement à bien délimiter le sujet du projet de loi et, encore une fois, pour ce faire, on pourrait s'inspirer du projet de loi C-288 qui définit les six gaz à effet de serre. Il suffirait d'inclure ces dispositions dans ce projet de loi-ci. Encore une fois, nul besoin de réinventer la roue.
(1700)
    Troisièmement, je suis d'accord encore une fois avec ceux qui ont suggéré qu'on inclue un renvoi à la structure réglementaire prévue dans la LCPE, loi qui a été jugée constitutionnelle par la Cour suprême du Canada. Il suffirait, dans la disposition conférant le pouvoir de réglementation, de stipuler que le gouverneur en conseil peut prendre un règlement conformément à la présente loi ou à toute autre loi fédérale. En ajoutant les mots « ou à toute autre loi fédérale », vous permettriez le recours à la machine réglementaire de la LCPE pour prendre des règlements visant l'atteinte des objectifs du projet de loi. Ce serait beaucoup plus simple que de récrire toute la LCPE.
    Quatrièmement, afin que le projet de loi soit plus susceptible d'être jugé constitutionnel en vertu du pouvoir de légiférer pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement, le préambule devrait simplement déclarer que les gaz à effet de serre traversent les frontières provinciales et nationales et représentent un enjeu mondial. Encore une fois, il suffit de s'inspirer du préambule du projet de loi C-288. Je peux vous assurer que les tribunaux tiennent compte des préambules. Même dans l'affaire Hydro-Québec, où la cour a jugé que la LCPE ne relevait pas du pouvoir de légiférer pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement, les juges ont précisé que si la loi avait été conçue de façon à ne s'appliquer qu'aux sujets ayant des répercussions extra-provinciales, leur conclusion aurait peut-être été différente. En définissant les gaz à effet de serre comme étant un problème aux effets extra-provinciaux et extra-nationaux, on améliorerait grandement les chances de faire déclarer le projet de loi constitutionnel.
    Pour préciser les pouvoirs des provinces, je recommande que vous jetiez un coup d'oeil au paragraphe 6(2) du projet de loi C-288, la Loi de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto, qui dispose que la loi n'empêche pas les provinces de légiférer pour mettre en oeuvre de mesures de lutte contre les gaz à effet de serre. Ça confirme que les provinces disposent d'un pouvoir parallèle.
    Enfin — j'ai probablement dépassé mes cinq minutes et cela me vaudra une réprimande de la part du président — il y a un point qui n'a pas été soulevé et dont j'aimerais traiter, à savoir que le projet de loi oblige le gouverneur en conseil à atteindre toutes ces cibles par voie réglementaire. Or, dans les faits, le Canada atteindra ses objectifs en matière de réduction des gaz à effet de serre non seulement par le biais de règlements, mais aussi par le biais d'autres instruments, tels que les dépenses, les taxes et impôts et les accords entre le gouvernement fédéral et les provinces. Encore une fois, je vous suggère de reprendre une disposition duprojet de loi C-288, soit le paragraphe 7(3), qui stipule que, dans la prise de règlements pour atteindre ces objectifs, le gouverneur en conseil peut prendre en considération les réductions réalisées grâce à d'autres mesures prises par le gouvernement du Canada — affectation de fonds, imposition, conclusion d'accords fédéraux-provinciaux — à condition que les réductions escomptées grâce à ces autres mesures soient précisées. Autrement dit, n'obligez pas le Canada à atteindre sa cible de réduction de 80 p. 100 seulement par le biais de règlements. Permettez qu'on recoure à d'autres mesures à condition qu'on emploie toute la rigueur nécessaire pour s'assurer d'atteindre les cibles.
    En terminant, certains ont fait remarquer qu'il ne serait pas facile de réaliser une réduction de 25 p. 100 d'ici 2020. Nous aurons en effet beaucoup de chemin à parcourir, mais depuis que ce projet de loi a été rédigé, le Canada et d'autres pays industrialisés ont conclu un accord de principe sur cet objectif à Bali. À la conférence de Bali, le Canada a confirmé qu'il acceptait le plan d'action de la Conférence des Parties pour des négociations en vue de réduire les gaz à effet de serre de 25 p. 100 d'ici 2020. Ce projet de loi est donc conforme à l'engagement de principe que nous avons négocié à l'échelle internationale.
    Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.
(1705)
    Merci. Vous avez confirmé ce que je pense des politiciens et des avocats.
    Je cède tout de suite la parole à M. Godfrey.
    Tous vos exposés ont été très instructifs. Il est utile de réfléchir aux solutions que vous avez proposées. Les observations de Stewart Elgie ont été très utiles à cet égard.
    Il me semble — et vous êtes les avocats, ce que je ne suis pas... J'ai deux ou trois grandes questions à vous poser. Premièrement, pourquoi prendre des règlements? La situation est-elle urgente et si elle l'est véritablement, cela ne nous permet-il pas de s'appuyer sur les dispositions sur la paix, l'ordre et le bon gouvernement?
    M. Hogg a plus ou moins vendu la mèche quand, dans sa conclusion, il a dit qu'il nous faudrait faire valoir que la situation où nous nous trouvons est aussi grave que l'état de guerre. Je crois que nous serions en effet prêts à invoquer cet argument. La question de savoir quelle est la gravité de la situation, non seulement pour le Canada mais pour la planète... Compte tenu de tout ce que nous savons, je serais très étonné que nous ne puissions invoquer cet argument.
    L'autre question que je veux vous poser, c'est, comment devrions-nous procéder. Vous avez suggéré des solutions intéressantes. Vous nous avez rappelé que le gouvernement fédéral peut, une fois que l'état de crise a été déclaré, prendre certaines mesures fiscales, par exemple, à différentes fins.
    Je crois que personne n'a toutefois fait mention — hors du contexte de la LCPE — de la capacité qu'a le gouvernement fédéral d'imposer, par règlement, des normes, telles que des normes de produits pour le diesel à faible teneur en soufre, et ce, pour tout le pays. Une fois que nous aurons déterminé l'importance de la crise, diverses stratégies s'offrent à nous.
    Pour en finir avec mon préambule, j'ai été assez troublé de constater que l'Association du Barreau canadien semble encore douter des preuves scientifiques du changement climatique. Peut-être voudrons-nous inclure dans le préambule du projet de loi les dernières données provenant du groupe d'experts sur le changement climatique de l'ONU, mais il me semble que toute personne raisonnable reconnaîtrait que la situation est grave. Nous pourrions être un peu plus catégoriques dans le préambule.
    Revenons aux critiques. Je m'adresserai d'abord à vous, professeur Hogg, sur la paix, l'ordre et le bon gouvernement. J'aimerais d'abord savoir si j'ai mal interprété votre argument sur l'urgence de la situation.
    Deuxièmement, j'aimerais savoir si les différentes suggestions de messieurs Castrilli et Elgie — plus précisément, l'idée de s'inspirer davantage du libellé du projet de loi C-288 et inclure un renvoi à la LCPE, d'employer des formules qui ont permis d'établir un précédent — permettraient d'apaiser certaines de vos inquiétudes.
    Merci, monsieur Godfrey.
    En droit constitutionnel, l'analogie avec la guerre ne tient probablement pas. Pendant les deux grandes guerres mondiales, la Loi des mesures de guerre permettait à l'ensemble du gouvernement de la nation d'être subordonné à la réglementation, et cela même dans des domaines qui, en temps de paix, relevaient exclusivement de la compétence provinciale. La raison en était le pouvoir d'urgence de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement. Ce pouvoir d'urgence, de même que le bon gouvernement, interdit toute mesure législative d'une portée aussi grande de ce qu'on trouve dans ce projet de loi.
    Il pourrait y avoir matière à désaccord à ce sujet, mais je ne pense pas qu'un tribunal puisse affirmer que nous faisons face à une situation d'urgence comparable à la Première ou à la Seconde Guerre mondiale, et que, partant, une loi d'urgence aussi vaste soit justifiée. Je ne pense pas que cela puisse se faire en droit constitutionnel.
    Je suis tout à fait d'accord avec M. Castrilli et M. Elgie pour dire que si le projet de loi était plus précis, ses chances seraient meilleures. Je pense qu'il est plus facile d'arriver à une bonne entente aux termes des pouvoirs prévus par le droit pénal, parce que c'est en vertu de ce même droit que la LCPE est promulguée. L'essentiel de ce qui peut être fait pour réduire les émissions de gaz à effet de serre peut manifestement l'être par des modifications à la LCPE, et nous disposons déjà d'un jugement précisant que celle-ci est une loi pénale valide. Par conséquent, si le projet de loi était mieux circonscrit dans son texte — et en particulier si, comme le disait M. Castrilli, l'un était présenté comme un amendement à la LCPE — je pense que nous aurions effectivement une loi pénale valide. Cela dit, il est bien entendu qu'il n'est pas possible de faire tout et n'importe quoi en vertu des pouvoirs conférés par le droit pénal.
    Je ne suis par contre pas d'accord avec M. Elgie qui affirme qu'il serait facile d'y remédier au titre de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement. La cause Zellerbach est celle qui fait ici précédent pour ce qui est de l'application de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement. En l'occurrence, le gouvernement fédéral avait légiféré, il s'agissait de la Loi sur l'immersion de déchets en mer, une loi qui interdisait les rejets. Les tribunaux avaient affirmé que cette mesure pouvait être validée au titre de « l'intérêt national » justifiant l'exercice de la compétence en matière de paix, d'ordre et de bon gouvernement, mais l'application de ce jugement s'arrêtait au rejet des navires dans les eaux maritimes.
    Dans cette cause, le tribunal avait rendu son jugement par quatre voix contre trois. La majorité des juges l'avaient confirmé, mais monsieur le juge La Forest, s'exprimant au nom de la minorité, avait affirmé que le sujet de la pollution marine n'était pas suffisamment distinct — il pouvait conduire à une réglementation, par le fédéral, des activités industrielles et municipales, de l'exploitation des ressources, des bons travaux et des loisirs parce que tous ces secteurs d'activité interviennent dans la pollution des eaux.
    Il me semble que si nous limitions la chose aux gaz à effet de serre définis, il resterait néanmoins la possibilité d'une réglementation de la production d'énergie, des transports, des bâtiments, des maisons, des appareils, de l'agriculture et des forêts. Tous ces éléments pourraient être réglementés par décret du conseil, sous couvert d'une loi fédérale, parce que tous ces éléments contribueraient à la diminution des émissions de gaz à effet de serre. Je ne pense pas que la théorie de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement permette d'aller aussi loin que cela.
(1710)
    Eh bien, Stewart, vous avez quand même eu votre preuve, et les deux côtés de la médaille.
    M. Bigras, puis M. Lussier, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec M. Lussier.
    D'abord, à vous écouter cet après-midi, j'ai l'impression que le message que vous nous lancez est qu'il faut récrire le projet de loi pour qu'il ait un sens. J'invite le greffier à prendre en note ce que nous ont dit nos témoins aujourd'hui et à vérifier la recevabilité de certains amendements qui nous seront présentés au cours des prochaines semaines, pour voir si les modifications proposées par les témoins sont possibles à l'intérieur du projet de loi C-377. J'ai l'impression que, selon les dires et les suggestions de nos témoins, dans bien des cas ces amendements pourraient être jugés irrecevables.
    Ensuite, j'ai été frappé par votre intervention, monsieur Hogg, entre autres à la page 5 de votre témoignage où vous nous dites ce qui suit:
Par son imprécision et sa portée, le projet de loi C-377 pourrait influer profondément sur de nombreux domaines de compétence provinciale. Sans définition plus précise des types de règlements envisagés, le projet de loi ne peut pas se réclamer de l'intérêt national [...]
     Pourtant, le parrain du projet de loi avait probablement vu clair en proposant, à l'article 10, que pour respecter ses engagements prévus à l'article 5, il devait y avoir et je cite: « (iv) de la collaboration ou des accords avec les provinces, les territoires ou d'autres gouvernements; ».
    Dois-je comprendre par votre présentation que cet aspect de l'article 10 ne donne pas non plus de protection et qu'il y a quand même de nombreux éléments qui pourraient empiéter sur les champs de compétence provinciale? Peut-on envisager — je sais que c'est le cas dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement — la possibilité de signer des accords d'équivalence avec les provinces dans certains secteurs? Peut-on envisager des accords d'équivalence, non pas réglementaires mais fondés sur les résultats, tels que ceux que nous avons intégrés à l'intérieur du projet de loi C-288?
(1715)

[Traduction]

    Excusez-moi monsieur si je vous réponds en anglais.
    Si les pouvoirs de réglementation se limitaient aux genres de choses dont font état les diverses sous-rubriques du paragraphe 10(1) comme le suggère M. Elgie, la validité de la loi serait beaucoup plus facile à défendre. Mais selon le texte actuel de l'article 10, il n'y a qu'une liste de choses que le gouvernement du Canada pourrait décider de faire pour pouvoir atteindre l'objectif qu'il se donne à l'article 5. Elle n'impose aucune limite. D'ailleurs, si le gouvernement du Canada décidait de faire toute autre chose pour arriver à ces cibles, il n'y aurait nullement violation de l'article 10. En effet, celui-ci concerne les rapports et il ne contient rien qui limite ou circonscrit de quelque façon que ce soit le pouvoir de réglementation du gouvernement.

[Français]

    Ma question s'adresse à M. Elgie. Dans le jugement sur Hydro-Québec, les juges sont partagés à cinq contre quatre. Parmi les arguments des quatre dissidents, avez-vous trouvé des raisons qui auraient pu influencer votre discours d'aujourd'hui?
    La réponse est oui. Je vais continuer en anglais.

[Traduction]

    Dans deux domaines, l'opposition d'Hydro-Québec concernait à la fois le pouvoir issu du droit pénal et la compétence en matière de paix, d'ordre et de bon gouvernement dont nous parlons ici. L'une des choses qui ont bien été précisées par les juges dissidents — parce que ceux-ci n'étaient pas d'accord pour valider la LCPE au titre du pouvoir pénal — est que le problème doit être beaucoup mieux circonscrit. Dans le cas de la LCPE, ils jugeaient que l'expression « substance toxique » était définie en termes si vagues qu'elle pouvait s'appliquer à peu près à toutes les substances possibles. C'était surtout cela qui leur posait problème dans la loi. Par contre, si on y définissait l'expression « gaz à effet de serre », on limiterait la chose à six substances seulement. Ce qu'ils ont voulu faire valoir, c'est que selon la définition donnée par la LCPE, le mot « toxique » pouvait s'entendre de plusieurs milliers de substances différentes.
    Par conséquent, il serait possible de remédier à leur principale préoccupation en ce qui concerne le pouvoir issu du droit pénal en limitant simplement la portée des substances dont on veut s'occuper ici.
    Pour revenir à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement, il est certain que ce n'est ni le lieu, ni le moment de vider le débat constitutionnel. La minorité a dit que la LCPE était trop vaste pour pouvoir être validée par la doctrine de la compétence en ce qui concerne la paix, l'ordre et le bon gouvernement, mais ces juges dissidents ont néanmoins proposé une feuille de route en précisant les éléments de la loi qui pourraient être refaits afin de les conforter dans la validité de cette doctrine. Ainsi, ils ont affirmé que si, c'est un exemple, on parlait simplement de la gravité des effets nocifs d'une substance... En fait, on sait que les gaz à effet de serre ont un effet nocif assez grave. Mais ensuite ils affirment: « ... limité en fonction de leurs impacts extra-provinciaux... » Ici encore, les gaz à effet de serre sont la vedette d'affiche d'une substance qui a des impacts extra-provinciaux. Tout ce que nous rejetons dans l'atmosphère a un effet qui se fait sentir autour de toute la planète.
    Par conséquent, sans vouloir s'étendre sur les menus détails de la chose, dans le cadre de la doctrine de la compétence relative à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement, si vous précisiez que les gaz à effet de serre ont un impact international et interprovincial, vous amélioreriez assurément l'argument.
(1720)
    Monsieur Lussier, il vous reste une minute.

[Français]

    Monsieur Castrilli, avez-vous les mêmes commentaires concernant les informations reçues des dissidents? Concernant le procès ou le jugement sur Hydro-Québec, les dissidents ont-ils influencé le message que vous avez livré aujourd'hui?

[Traduction]

    J'ai assurément pris cela en compte, mais j'ai été influencé surtout par le jugement majoritaire et la façon dont la majorité des juges a, essentiellement, proposé une feuille de route pour assurer la constitutionnalité de la LCPE au titre des pouvoirs issus du droit pénal — quelque chose qui, je crois, a été repris et augmenté quatre ans plus tard lors du renvoi concernant les armes à feu. J'ai donc emprunté mon modèle aux jugements majoritaires, et cela même s'il y avait dissidence dans le cas d'Hydro-Québec.
    Je vous remercie.
    Monsieur Cullen.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais d'abord remercier nos éminents panélistes. N'étant pas moi-même avocat, je dois vous avouer être quelque peu intimidé par la sagesse et l'expérience que nous rencontrons ici aujourd'hui.
    Je m'intéresse par ailleurs beaucoup au processus qui se déroule ici au Parlement lorsqu'il s'agit d'assurer la constitutionnalité d'une mesure, mais aussi une certaine dose d'inconnu par rapport à ce qui va être contesté en cour et qui pourrait résister à cette épreuve. Je voudrais faire valoir à nos témoins ainsi qu'à nos collègues qu'il n'est pas indispensable d'attendre que les juristes s'entendent sur ce point de détail pour faire intervenir le Parlement. À mon avis, la population nous exhorterait à prendre des risques sur le plan de la constitutionnalité afin de pouvoir atteindre les cibles et les objectifs auxquels elle aspire.
    Au lieu de cela, nous nous employons, avec ce projet de loi, à établir des cibles nationales fondées sur des mesures scientifiques afin d'arriver à atténuer les effets des changements climatiques dangereux sur notre société et notre environnement. Je n'ai rien entendu aujourd'hui qui me permette de croire que ce que nous tentons de faire par ce projet de loi est un acte qui ne sied pas au Parlement. Même si les façons d'envisager le projet de loi et le ton sur lequel on le fait sont éminemment variables, il demeure, selon moi, qu'on est en droit de se demander si les témoins ont essayé de trouver le moyen d'améliorer le projet de loi ou plutôt le moyen de prouver qu'ils avaient raison et de le rejeter pour des raisons constitutionnelles.
    Monsieur Hogg, je commencerai par vous. L'argumentaire que vous nous avez présenté selon lequel sous sa forme actuelle, le projet de loi n'est pas suffisamment précis pour qu'un tribunal se sente à l'aise de le déclarer constitutionnel invoquait certaines spécificités. D'après les témoignages que vous avez entendus aujourd'hui, ou d'autres sources peut-être, avez-vous le sentiment qu'en donnant au projet de loi un plus grand niveau de détails, et notamment certains éléments qu'on trouve dans le jugement majoritaire dans l'affaire d'Hydro-Québec et dans le jugement dissident, on pourrait injecter dans ce texte de loi suffisamment de précisions pour que celui-ci, comme le disait M. Elgie, fasse davantage pencher en sa faveur la balance de la constitutionnalité?
    En principe, oui.
    Ce qui me semble contestable dans ce projet de loi, tant du point de vue du pouvoir en matière de droit pénal que du pouvoir en matière de paix, d'ordre et de bon gouvernement, c'est qu'il fixe un objectif dont nous savons qu'il sera extraordinairement difficile à atteindre, qu'il va nécessiter une réglementation très envahissante et qu'il permet tout simplement au gouverneur en conseil d'inventer tous les règlements qu'il veut afin d'atteindre l'objectif.
    Permettez-moi de vous interrompre un instant sur ce premier élément, car je l'ai remarqué dans votre témoignage. Nous avons essayé de nous renseigner aujourd'hui sur la constitutionnalité de la loi, et non pas sur le caractère autoritaire du projet de loi ou sur le caractère agressif d'un objectif que les participants ont évoqué aujourd'hui, à savoir si les mesures envisagées sont efficaces. Je rappelle à mes collègues du parti ministériel que certaines des mesures envisagées dans ce projet de loi sont identiques à celles qui étaient invoquées dans le plan d'action intitulé Prendre le virage. C'est le même mécanisme qui est envisagé. Il faut s'interroger sur la portée de l'objectif, à moins que vous puissiez nous éclairer sur les cibles dont le Canada a besoin pour fixer ses objectifs. Mais je ne pense pas que ce soit votre domaine d'expertise. Est-ce que j'ai raison?
    En effet, je n'ai pas de commentaire à faire sur la portée de l'objectif, sinon pour dire qu'il va nécessiter une vaste gamme de mesures réglementaires rigoureuses, et tout cela est confié au gouverneur en conseil sans la moindre indication.
    Pour apaiser ces craintes et pour en revenir aux éléments spécifiques compris dans le projet de loi... L'alinéa 10(1)a) énumère certaines des mesures que pourrait envisager le gouvernement. Si nous reconnaissons, avec M. Elgie, qu'il conviendrait de donner au gouvernement des indications plus précises, de limiter les pouvoirs du gouvernement lorsqu'il invoque les moyens nécessaires, de permettre, comme c'est déjà le cas dans le projet de loi, la coopération ou les ententes avec les provinces et territoires, on va renforcer la confiance d'un éventuel tribunal constitutionnel envers le projet de loi. Est-ce bien exact?
(1725)
    Oui, absolument.
    Ce qu'on voit dans l'arrêt Hydro-Québec, c'est que si l'interdiction pénale doit être conçue par l'exécutif, il faut alors que le Parlement fixe à ce dernier des lignes directrices pour limiter soigneusement ces pouvoirs, sans s'en remettre intégralement au gouverneur en conseil.
    Je voudrais poser ma dernière question à M. Elgie.
    J'aimerais en revenir à l'orientation de nos travaux en comité en fonction de la contribution des témoins. En fait, il y a deux orientations. La première tente de contester les mérites du projet de loi, et j'ai presque vu de la jubilation sur les visages de mes collègues conservateurs lorsqu'ils ont entendu l'exposé initial de M. Hogg sur la constitutionnalité du projet de loi. La deuxième orientation vise à améliorer le projet de loi, à en faire quelque chose de fonctionnel et de viable.
    En fonction de ce que le Canada a récemment accepté sur la scène internationale, je pense que c'est cette voie qu'il faut prendre. Le Canada s'est avancé et s'est servi de ce qu'il lui reste de bonne réputation dans la communauté internationale quant à ses résultats environnementaux, il reconnaît s'être fixé ces objectifs.
    Le projet de loi vise à les concrétiser. Pensez-vous qu'il soit possible d'y intégrer les mesures que vous préconisez et que préconisent les autres témoins, afin d'en faire un mécanisme viable pour satisfaire les aspirations des Canadiens et pour nous acquitter de nos responsabilités internationales?
     Pour répondre à l'esprit de la question, à savoir non pas s'il s'agit de la cible appropriée mais comment on peut l'atteindre, il me semble que tout avocat qui indique être sûr de l'issue d'une contestation constitutionnelle est un mauvais avocat. Il me semble toutefois que l'approche la plus utile est de se demander comment rédiger ce projet de loi de façon à ce qu'il puisse résister à une contestation constitutionnelle, parce que pratiquement toutes les lois environnementales fédérales d'importance au cours des 15 dernières années ont fait l'objet d'une contestation constitutionnelle.
    Par conséquent, votre objectif ne devrait pas être d'éviter une contestation constitutionnelle parce qu'alors vous n'adopteriez jamais de loi. La Loi sur l'évaluation environnementale, la Loi sur les pêches, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, la Loi sur l'immersion de déchets en mer et sans aucun doute la Loi sur les espèces en voie de disparition feront toutes l'objet de contestations. Et en passant, aucune des lois environnementales n'a été déclarée inconstitutionnelle depuis le milieu des années 70, donc le gouvernement fédéral a obtenu gain de cause en ce qui concerne pratiquement toutes ces lois. Mais cela ne veut pas dire qu'il aura toujours gain de cause. Il faut libeller soigneusement ces lois.
    Donc, en ce qui concerne le libellé, je pense que les aspects dont nous avons parlé amélioreraient nettement les chances de succès. Je suis en fait essentiellement d'accord avec l'argument présenté par le professeur Hogg et M. Castrilli, parce qu'ils disent que nous en savons beaucoup plus à propos des limites du pouvoir en matière de droit pénal. Le pouvoir en matière de paix, d'ordre et de bon gouvernement est plus vague. La cour a fourni des indications moins claires à cet égard, donc il est plus difficile de le délimiter avec autant de certitude. En ce qui concerne le pouvoir en matière de droit pénal, la cour a fourni des indications relativement claires, donc vous pouvez déterminer avec plus de certitude si vous vous y confirmez.
    Il s'agit donc de suivre la feuille de route qui a déjà été établie. Ce ne serait pas vraiment difficile parce que si vous voulez vraiment restreindre les pouvoirs, vous avez deux modèles à votre disposition. Vous pourriez simplement prendre les dispositions réglementaires de la LCPE qui traitent de la réglementation des substances toxiques, qui sont les mêmes que vous utiliseriez si vous réglementiez en vertu de la LCPE, et il vous suffirait de les y insérer, ou vous pourriez prendre la liste plus courte du projet de loi C-288, qui porte sur le même genre de choses: les limites sur les quantités de gaz qui peuvent être émis; des normes de rendement; la réglementation de l'utilisation de la production d'équipements, de carburant, de véhicules; des échanges d'émissions; le même genre de choses qui seront probablement les principaux outils dont se servira le Parlement. Il suffit simplement de les y ajouter. Cela a déjà été fait, de même que certaines des autres mesures dont nous avons parlé, comme le fait de mentionner la LCPE.
    J'ajouterais que si votre objectif est de vous greffer à la LCPE, qui a déjà été déclaré constitutionnelle, vous pouvez procéder de deux façons. La première, comme M. Castrilli l'a indiqué, consiste simplement à présenter ce projet de loi comme un amendement à la LCPE. Je n'ai pas réfléchi à tous les changements qu'il faudrait apporter pour le faire, mais il est possible que vous ayez à apporter toute une série de changements pour que ce projet de loi soit rédigé en temps que projet d'amendement à la LCPE, mais peut-être pas. Il y a peut-être réfléchi de façon plus approfondie.
    L'autre façon de procéder consiste simplement à prévoir dans ce projet de loi que les règlements permettant d'atteindre cette cible peuvent être pris en vertu de la LCPE. Rien ne s'oppose à ce que vous indiquiez que vous pouvez prendre des règlements pour atteindre l'objectif du projet de loi à l'aide d'une autre loi du Parlement. Vous pourriez l'indiquer clairement. Il suffirait de cinq mots. Ce faisant, vous auriez incorporé l'instrument que représente la LCPE, qui a été déclarée constitutionnelle.
    Par conséquent, certains changements renforceraient nettement l'aspect constitutionnel de cette mesure et ces changements consisteraient simplement à greffer le libellé qui a déjà été rédigé et adopté par le Parlement.
(1730)
    Merci beaucoup.
    Chers collègues, je vais reculer l'horloge. J'ai vu le Président de la Chambre l'avancer; je vais reculer l'horloge pour accorder à M. Harvey une période de questions de sept minutes.
    J'espère que cela vous convient, monsieur Harvey.

[Français]

    Merci d'être ici aujourd'hui. Il me semble un peu dommage qu'on n'ait pas beaucoup de temps pour se parler, parce qu'il y aurait effectivement beaucoup de questions à poser, surtout en ce qui concerne la Constitution, et à savoir jusqu'où peuvent aller les interventions du gouvernement fédéral à cet égard.
    C'est sûr que le projet de loi C-377 est meilleur que ce que les libéraux avaient fait avec leur « petit napperon », lorsqu'ils ont opté pour Kyoto. On parle de six pages et demie, comprenant les versions anglaise et française, d'un projet de loi qui engage le Canada à diminuer ses gaz à effet de serre de plus de 53 p. 100, ce dont on parle sur trois pages et demie. On constate l'étendue de la recherche effectuée par le chef du NPD et on apprend aujourd'hui que sa proposition ne tient pas vraiment la route au chapitre de la Constitution. C'est un peu triste.
    J'aurais une question. On peut en profiter, on a ici M. McGuinty, qui est le frère du premier ministre de l'Ontario. Si demain matin, le gouvernement canadien voulait forcer l'Ontario à fermer ses sept centrales au charbon — la principale source de gaz à effet de serre au Canada provient des centrales au charbon — de quelle manière cela pourrait-il être fait?
    Ma question est simple et s'adresse à M. Hogg.

[Traduction]

    En vertu du projet de loi sous sa forme actuelle, si ce n'était pas limité des façons suggérées par M. Elgie et M. Castrilli, et si c'était valable, le gouverneur en conseil pourrait ordonner que les centrales au charbon produisant de l'électricité en Ontario soient fermées et remplacées par des centrales nucléaires. Après tout, c'est une mesure qui aurait comme résultat une réduction des émissions de gaz à effet de serre.
    Même si c'est évident qu'il n'y a aucune administration fédérale qui ferait une telle chose, je crois que cela démontre, avec tout le respect que je vous dois, jusqu'à quel point de projet de loi investirait de grands pouvoirs au gouverneur en conseil.

[Français]

    Par rapport à la Constitution, est-ce que ce serait faisable? L'Ontario pourrait-elle dire que ce n'est pas possible ou qu'elle ne veut pas procéder rapidement, en 5 ou 10 ans?

[Traduction]

    Il existe un peu de jurisprudence peu concluante démontrant à quel point une loi fédérale peut lier les provinces, mais dans la plupart des cas, si la loi fédérale est adoptée en respectant les compétences fédérales, elle peut lier les provinces.
    Prenons par exemple la Loi sur la TPS, qui n'imposait pas cette taxe sur les provinces mais leur imposait l'obligation de la percevoir pour le gouvernement fédéral quand les gens participaient à la prestation de services qui autrement exigeraient la perception de la TPS. L'Alberta s'y était opposée. Elle a contesté et s'est rendue à la Cour suprême du Canada. La Cour suprême du Canada a dit que quand le Parlement exerce son pouvoir d'imposition, il peut imposer des obligations aux provinces.
    C'est un exemple banal et sans intérêt, parce que c'est une question qui est rarement soulevée en ce qui concerne le Parlement fédéral. Mais si ce projet de loi était constitutionnel — et je dis que dans sa forme actuelle ce ne l'est pas, mais si c'était constitutionnel — à ce moment oui, je crois que le gouvernement pourrait ordonner la fermeture des centrales au charbon de l'Ontario.
(1735)

[Français]

    Comme nous le savons, la province de Québec est en train de construire une nouvelle centrale électrique. Est-ce que cela pourrait aller jusqu'à forcer le Québec à vendre ses suppléments d'électricité à l'Ontario pour permettre à cette dernière de fermer ses centrales au charbon?

[Traduction]

    Vous me poussez un petit peu. Je ne suis pas certain de combien de lois corrélatives pourraient être adoptées si....
    Ce n'est évidemment pas relié directement à la production d'émissions de gaz à effet de serre, bien que vous dites que c'est la conséquence de quelque chose qui serait une réduction directe des émissions à gaz à effet de serre. Donc, je ne suis pas certain de la réponse.
    Merci, monsieur Harvey.
    Je présume que cela ressemble à la question « Les anges ont-ils des ailes? » On en a débattu pendant un siècle, si j'ai bien compris, et la conclusion était que certains en ont et d'autres pas.
    Des Voix: Oh, oh!
    Le président: Donc c'était probablement une bonne réponse.
    J'aimerais remercier nos témoins ainsi que nos députés.
    Avant de clore la réunion, j'aimerais rappeler aux députés que nous avons ici les étudiants de M. Elgie. Je crois qu'ils aimeraient avoir la chance de nous rencontrer. Si certains peuvent rester, ils vous en seraient reconnaissants.
    Merci. La séance est levée.