J'aimerais régler quelques questions avant d'accueillir nos témoins et tout le reste.
Premièrement, concernant le projet de loi , nous avons reçu les rapports du Parti libéral, du Bloc québécois et du Parti conservateur, qui seront annexés lorsque je vais déposer le rapport demain. Je crois savoir que le rapport du NPD sera terminé sous peu.
Est-il maintenant prêt? Très bien.
De toute manière, si les membres le désirent, nous avons des copies ici. Nous avons besoin de votre permission pour les distribuer à tout le monde. Personne n'a vu les rapports des autres. Alors, que désirez-vous faire?
Des voix: Certainement.
Le président: Monsieur Bigras, est-ce qu'on peut distribuer le vôtre?
Monsieur Cullen?
:
Oui, nous avons la permission de tous pour le faire circuler. Je pense que vous avez entendu M. Cullen dire qu'il achevait de vérifier la version française. Alors, ces documents sont en train d'être distribués. C'est la propriété de chacun des partis. Je pourrais le déposer sans qu'il ait été distribué, mais j'ai obtenu la permission de le distribuer. Alors, vous êtes en train de le recevoir en ce moment même.
Y a-t-il d'autres observations?
Très bien. Alors, je vais déposer le rapport demain.
Pour l'information du comité, nous avons eu une demande du comité de l'environnement du Congrès national du peuple chinois pour comparaître devant notre comité le 3 juin. Je pense qu'il serait très utile de leur poser des questions au sujet de l'environnement. Je peux vous dire qu'ils ont des problèmes plus sérieux que nous.
Alors, nous leur avons provisoirement réservé cette date. Je voulais simplement vous informer que j'ai pris cette initiative. Je pense que vous trouverez assez intéressante l'idée de poser à ces gens des questions sur l'environnement, surtout avec la tenue prochaine des Jeux olympiques et tout ce qui accompagne cet événement.
Des voix: Et le Tibet.
Le président: Je dirais que peut-être le Tibet ne fait pas partie de leur premier souci en matière d'environnement, mais vous pouvez poser des questions sur les perspectives environnementales. De toute manière, je voulais simplement vous en informer.
Pour ce qui est des autres dates, évidemment, aujourd'hui, nous traitons du projet de loi . Mercredi, nous parlerons également de ce projet de loi. Alors, aujourd'hui, il s'agit essentiellement de la portée, mercredi, c'est la structure, et lundi, il s'agira de la compétence. Nous avons des témoins confirmés pour ces trois réunions.
Ensuite, je demande que le mercredi 7 mai, nous accueillons le nouveau commissaire à l'environnement et nous avons, sur une base provisoire, pu établir que ce serait possible, bien que cela resserre... Le 6 mai, il y aura un rapport de la vérificatrice générale, alors cela cadre assez bien avec l'audition de notre nouveau commissaire à l'environnement et ensuite, nous avons une date-butoir pour les amendements le lendemain. Alors, après avoir entendu les témoins lundi, cela vous donne trois jours pour terminer les amendements et les faire parvenir au greffier au plus tard au cours de l'après-midi du jeudi 8 mai. Ensuite, évidemment, nous allons commencer l'étude article par article le lundi suivant.
Oui, monsieur Cullen.
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Certainement. Pourquoi ne pas établir le calendrier et ensuite, nous pourrons fixer une réunion. Nous pourrons examiner cela à ce moment-là.
M. Nathan Cullen: C'est parfait.
Le président: Au travail. Deux de nos trois témoins sont ici et je suis certain que le troisième ne tardera pas à arriver.
Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux. Nous vous avons déjà rencontrés. Évidemment, nous examinons la portée du projet de loi . C'est sur cette question que nous allons nous concentrer aujourd'hui.
Conformément à nos règles habituelles, je vous demanderais de parler pendant 10 minutes ou moins. Ensuite, tous les membres du comité auront l'occasion de vous poser des questions.
Pierre, je pense que vous êtes le premier, alors commençons par vous.
Je veux commencer par vous dire à quel point je suis honoré et enthousiasmé d'être ici aujourd'hui pour parler de ce texte de loi important.
Ce projet de loi est fondé sur un modèle de loi nationale sur la durabilité que la David Suzuki Foundation a rendu public en décembre 2006. Lorsque Thomas Gunton, de l'Université Simon Fraser, et moi avons élaboré conjointement ce modèle, nous pouvions difficilement espérer qu'il recevrait un appui aussi solide et que nous nous retrouverions devant un comité à peine 18 mois après sa publication. Pour cela et pour avoir permis que ce projet de loi continue d'aller de l'avant encore aujourd'hui, nous devons des remerciements à tous et à chacun d'entre vous.
M. Gunton et moi avons rédigé la loi proposée parce que nous nous sommes demandés pourquoi le Canada semble accumuler les crises environnementales les unes après les autres, qu'il s'agisse de la sécheresse dans les Prairies, du nombre record d'avis d'ébullition de l'eau, des tempêtes de vent et des ouragans dévastateurs, des forêts ravagées par le dendroctone et les tempêtes de verglas. Pourquoi le tissu environnemental du Canada qui était vierge à une époque est-il en train de se désagréger? C'est parce que notre pays ne s'est pas doté d'une stratégie nationale pour traiter de l'environnement.
Le Canada a pris un engagement international devant l'ONU en 1992 et un autre engagement en 2002 visant à présenter une stratégie nationale de développement durable. Alors que 20 des pays ayant le meilleur rendement environnemental dans le monde ont déjà respecté leur promesse faite à l'ONU, le Canada n'est toujours pas beaucoup plus avancé pour ce qui est de respecter la sienne.
Je vais faire quelques brèves observations précises sur les objectifs d'une stratégie nationale de développement durable et ensuite, je vais parler de quelques questions clés qui ont été posées lorsque le comité a étudié ce projet de loi pour la dernière fois en mars.
Premièrement — et je pense que c'est évident — le projet de loi ne vise que l'adoption d'un processus pour obtenir une stratégie nationale de développement durable. En soi, il ne vise pas à réduire, ne serait-ce que d'un seul gramme, les émissions ou à prévenir la pollution.
Deuxièmement, une stratégie nationale de développement durable est une politique toujours d'actualité. Elle évoluera. Elle s'améliorera. Elle sera raffinée au fur et à mesure que les gouvernements et les législateurs acquerront de l'expérience avec les politiques de développement durable. Sur cette question précise, certains pourraient nous rappeler la Loi sur le vérificateur général de 1995 et nous dire que le présent projet de loi représente un raffinement de cette loi et des stratégies ministérielles de développement durable qui ont été apportées par cette loi.
Pour parler brièvement de certaines questions qui ont été soulevées au cours de la dernière séance en mars, il y avait un certain nombre de questions sur la façon qu'une stratégie nationale de développement durable s'intégrerait avec les compétences provinciales et les plans provinciaux en matière de développement durable. Évidemment, il y a les questions environnementales qui relèvent clairement de la compétence fédérale. Il y a d'autres questions où il y a chevauchement des compétences entre le fédéral et les provinces et enfin, il y a des domaines, très clairement, qui relèvent exclusivement de la compétence provinciale.
Une stratégie nationale de développement durable s'appliquerait à tous les domaines qui relèvent de la compétence fédérale, mais elle serait conçue de manière à tenir compte de l'espoir que les provinces adoptent leurs propres stratégies de développement durable et de manière que la stratégie nationale puisse s'intégrer à ces stratégies provinciales. Le Québec est un exemple d'une des rares provinces qui ont adopté une stratégie de développement durable et comme vous l'a dit Ron Thompson lorsqu'il a comparu devant vous en mars, il est à la fois concevable et souhaitable qu'à un certain moment dans l'avenir, un commissaire à l'environnement fédéral et un commissaire à l'environnement du Québec collaborent ensemble pour protéger l'environnement.
Dans les domaines de compétence mixte fédérale-provinciale, je crois qu'il serait souhaitable que le gouvernement fédéral tente de faire preuve de leadership dans les cas où l'environnement est négligé. Je caractériserais la situation comme une situation où la stratégie nationale de développement durable s'appliquerait là où c'est nécessaire, mais ne s'appliquerait pas nécessairement.
En bout de ligne, comme c'est le cas de la LCPE, je m'attendrais, étant donné l'énorme intérêt du public et les enjeux importants liés à la protection de l'environnement, que les deux paliers de gouvernement participent à un travail d'équipe et collaborent en matière de développement durable.
Et il y a, évidemment, des questions qui relèvent carrément de la compétence provinciale. Peut-être que ces questions peuvent être traitées de manière nominale dans une stratégie nationale de développement durable, mais uniquement avec l'approbation et la collaboration explicites des provinces, et ce, en le précisant textuellement dans la stratégie.
Enfin, un élément du projet de loi qui est probablement à l'abri du débat, du moins espérons-le, c'est le rôle que jouerait une stratégie nationale de développement durable pour ce qui est de la présentation de rapports sur l'état de l'environnement aux gouvernements et aux Canadiens. Tous les trois ans, un secrétariat au développement durable ferait rapport sur l'environnement à l'échelle nationale et par région pour nous donner une image claire de la qualité de notre air, de notre eau et du reste de notre précieux capital naturel.
Merci.
Lorsque j'ai comparu devant le comité l'an dernier, j'ai fait une déclaration d'ouverture substantielle. Je ne le ferai pas aujourd'hui. Je vais simplement prendre quelques minutes pour partager avec les membres du comité deux citations qui m'aident à garder un sens du contexte et de la perspective lorsque je discute de changements juridiques institutionnels comme la loi qui est devant nous aujourd'hui.
La première citation est de William Ruckelshaus, ancien dirigeant républicain de l'Environmental Protection Agency des États-Unis :
Peut-on amener les nations... dans la direction de la durabilité? Un tel changement serait une modification de la société dont l'ampleur ne serait comparable qu'à deux autres changements: la Révolution agricole de la fin du Néolithique et la Révolution industrielle des deux derniers siècles. Ces révolutions ont été graduelles, spontanées et largement inconscientes. Celle-ci devra être une entreprise pleinement consciente, guidée par la meilleure clairvoyance que la science puisse offrir. Si nous y parvenons effectivement, il s'agira d'une entreprise absolument unique dans l'histoire de l'humanité.
La Commission mondiale sur l'environnement et le développement, dans Notre avenir à tous, a offert cette vision profonde :
... le développement durable n’est pas un état d’équilibre, mais plutôt un processus de changement dans lequel l’exploitation des ressources, le choix des investissements, l’orientation du développement technique ainsi que le changement institutionnel sont déterminés en fonction des besoins tant actuels qu’à venir. Nous ne prétendons certainement pas qu’il s’agit là d’un processus simple.
Vos recherches sur le processus de changement institutionnel canadien dans ce domaine prouvent qu'effectivement, le processus de changement n'est pas simple. À titre de comité, vous avez reçu les rapports de 2006, 2007 et 2008 du Commissaire à l'environnement et au développement durable. Ron Thompson vous a dit que les outils fondamentaux de l'expérience canadienne — stratégies de développement durable, évaluation environnementale stratégique, par exemple — sont essentiellement inutilisables et incomplets en l'absence d'une stratégie prédominante fédérale de développement durable.
Par conséquent, le projet de loi qui est devant nous n'est pas seulement un texte législatif comme les autres, mais constitue une étape historique positive, faisant partie du processus de changement institutionnel itératif, de transformation auquel Brundtland et Ruckelshaus ont tous les deux fait allusion. Par conséquent, j'affirme qu'il est crucial de bien faire les choses et de faire de cette loi quelque chose de significatif.
Merci.
:
Merci beaucoup, monsieur Toner.
Notre autre invité n'est pas encore arrivé. J'ai oublié de vous demander d'adopter le rapport supplémentaire que je vais présenter.
Tous ceux qui sont pour?
La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal.]
Le président: Maintenant je peux en faire rapport officiellement. Merci.
Passons aux questions. Il se pourrait que j'interrompe la discussion à l'arrivée de M. Newman. Nous pensions tout simplement prendre un peu plus de temps que prévu.
Nous commençons par M. Godfrey.
:
Au fait, je ne sais pas exactement ce que M. Newman va dire, mais je suppose qu'il ne parlera pas beaucoup. Je pense qu'il vient ici en qualité de personne-ressource.
Je remercie les deux témoins d'être venus. Vous êtes tous deux associés à cette question depuis bien longtemps. Je suppose que les deux témoins ont aussi lu les amendements que je propose au projet de loi et qui tentent de prévoir certaines remarques faites, à juste titre me semble-t-il, par tous les députés présents et aussi de comprendre la nécessité de concrétiser plus ces besoins éventuellement au moyen d'amendements qui seront proposés par chaque parti.
J'aimerais commencer par vous deux et parler un peu du processus élaboré par le Conseil canadien des ministres de l'environnement visant à déterminer des indicateurs canadiens de durabilité de l'environnement et des standards pancanadiens. J'ai quelques questions: comment se déroule ce processus? En quoi est-il différent du projet de loi que nous examinons? Pourra-t-on à l'avenir utiliser le processus du Conseil canadien des ministres de l'environnement pour faire avancer ce projet de loi?
Voilà mes trois questions, peut-être que Pierre voudrait y répondre en premier.
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Je répondrai en premier.
Les indicateurs canadiens de durabilité de l'environnement, que l'on appelle aussi ICDE — j'ai avec moi une copie des faits saillants de 2006 — sont une première étape. C'est une série de rapports mis en oeuvre par Statistique Canada, Environnement Canada et Santé Canada. Ces ministères recueillent des données sur l'état de l'environnement au Canada dans divers contextes, qu'il s'agisse de contextes géographiques, à l'aide d'indicateurs différents — de certains aspects de la qualité de l'air, de la qualité de l'eau et des gaz à effet de serre — et ils en font rapport annuellement.
C'est un commencement, mais ce n'est que cela. On ne donne pas aux Canadiens ni au gouvernement une description globale de l'état de notre environnement. Je crois que le projet de loi contient des outils qui offrent aux Canadiens et aux gouvernements un aperçu bien plus large et plus précis de l'état de l'environnement à n'importe quel moment.
Je crois que le deuxième élément de votre question, monsieur Godfrey, porte sur les standards pancanadiens, en particulier ceux du CCME. Mais voilà, ces standards ne sont que des standards. Ils ont été déterminés volontairement. Ils n'ont pas fait l'objet d'un mandat. Ce ne sont pas des règlements. Ce ne sont pas des objectifs. Et bien qu'ils soient le fruit de bonnes intentions, on n'a pu y donner suite car aucune conséquence n'est prévue en cas de non-conformité. Ils sont aussi relativement peu connus du grand public.
Ce projet de loi présente environ deux douzaines d'initiatives environnementales tirées de rapports, de standards — une partie peu importante des problèmes écologiques au Canada. Le projet de loi présente tous ces éléments et oblige nos dirigeants — c'est-à-dire vous — à élaborer une stratégie globale pour le Canada.
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Nous pourrions peut-être les faire circuler à notre prochaine réunion.
Dans quelle mesure estimez-vous tous deux, que les critiques du commissaire à l'environnement à l'endroit des rapports du développement durable sont...? Tout d'abord, souvenons-nous que les critiques portaient essentiellement sur le fait que personne n'avait pris au sérieux cet exercice, qu'il n'y a pas eu de conséquences et que les ministères ont effectué des exercices pour la forme. Je sais que M. Warawa pensait de même et aussi le précédent ministre de l'Environnement.
Au niveau de la performance du gouvernement fédéral, en quoi, selon vous, ce projet de loi nous permettra de faire face à ces critiques? Les critiques ont fusé de partout: de M. Dion, Mme Ambrose, M. Warawa et des commissaires.
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Si vous lisez attentivement les travaux du commissaire au cours des ans, je crois que vous découvrirez qu'il n'a pas dit que personne ne les prenait sérieusement. Certains ministères ont fait beaucoup d'efforts dans ce domaine. Ils ont mis en place de bonnes pratiques de gestion. Ils ont fait des examens en respectant les délais de trois ans. Ils ont fait beaucoup de bonnes choses.
Cependant, ce qui est arrivé, c'est qu'il y a eu un processus de désagrégation. Ils ne contribuaient à rien. Ils ne participaient pas à une stratégie fédérale de développement durable. C'est la grande différence. Avec cette loi, les stratégies ministérielles de développement durable contribueront à une stratégie canadienne de développement durable, et les attentes sont plus grandes. Les fonctionnaires auront plus de mal à éviter les tâches difficiles.
Au lieu de dénigrer on ne peut plus les stratégies, les standards établis par les principaux ministères devront être examinés. Le gouvernement, le secrétariat et le cabinet étudieront chacune de ces stratégies afin de contribuer fortement à la stratégie nationale. la dynamique sera très différente de celle qui existait sans le texte introductif, sans inclure quelque part les stratégies distinctes. Ce sera multidimensionnel au lieu d'unidimensionnel et ministériel.
:
Merci, monsieur le président.
j'ai une brève déclaration. Si j'ai bien compris, elle a peut être été distribuée.
[Français]
Monsieur le président, j'ai le plaisir de comparaître aujourd'hui devant votre comité et de répondre aux questions ponctuelles des membres du comité en ce qui a trait à la constitutionnalité du projet de loi au regard du partage des compétences législatives entre le Parlement et les législatures provinciales.
Avant d'entrer dans le vif du débat, je me dois d'apporter quelques nuances. Je suis avocat au sein du ministère de la Justice du Canada, et à ce titre, je conseille le gouvernement de Sa Majesté la Reine, le chef du Canada, sur des questions d'ordre constitutionnel. Ainsi, je relève de la Couronne fédérale et non pas des institutions du Parlement.
[Traduction]
Qui plus est, le projet de loi est d'initiative parlementaire et non pas ministérielle. Vous comprendrez que je m'abstiendrai de me prononcer sur la sagesse d'un tel projet, ou de rendre, aux fins des travaux du comité, un avis juridique sur la portée des dispositions qu'il renferme.
[Français]
Cela dit, j'ai lu avec intérêt la transcription des débats portant sur ce projet de loi, notamment les préoccupations d'ordre fédéral et provincial soulevées par le député de Rosemont—La Petite-Patrie, M. Bigras.
Je serai heureux de répondre, dans la mesure du possible, à vos questions sur le partage des compétences et de la constitutionnalité du projet.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est un bel enchaînement.
Je pense que si nous avions des discussions fédérales-provinciales autour d'une table du Conseil canadien des ministres de l'environnement, on passerait probablement plus de quatre séances à discuter d'un projet de loi qui traite de plusieurs aspects qui, à mon avis, dépassent le cadre habituel d'un projet de loi venant d'Ottawa.
Je suis à Ottawa depuis 11 ans. Même de la part du Parti libéral, qui propose habituellement des projets de loi très centralisateurs, j'ai rarement vu un projet de loi... Quand je lis l'annexe où on traite des éléments touchés par la mise en oeuvre d'une stratégie de développement durable, à l'article 8, je trouve qu'on ratisse pas mal large, monsieur le président. Je pense, entre autres, au taux de recyclage, à la consommation d'eau, à la consommation de matières et à la consommation d'énergie. Je pense aux terres agricoles. Il est plutôt inhabituel qu'on en parle dans un projet de loi venant d'Ottawa. Je pense à l'utilisation du territoire urbain — ce n'est pas rien — et au transport en commun. C'est un large éventail. Je pense au chargement du bétail, à l'utilisation d'engrais et à l'utilisation de pesticides, et ce, en général et non seulement dans le cadre des terres fédérales.
Je m'adresse à vous, monsieur Newman. Dans l'annexe, particulièrement dans ses éléments, y a-t-il des aspects inhabituels pour un projet de loi sur le développement durable et l'environnement? Par exemple, croyez-vous que le taux de recyclage et les objectifs doivent être fixés par Ottawa? Est-ce habituel qu'on retrouve cela dans un projet de loi présenté ici?
:
La décision judiciaire clé en cette matière est l'arrêt Jones de 1975. C'était à l'époque de l'adoption de la Loi sur les langues officielles du Canada qui visait justement les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada. Le juge Laskin avait dit, en tenant compte du pouvoir résiduel dans la Constitution de légiférer en matière de paix, d'ordre et de bon gouvernement :
Point n'est besoin de citer de précédent à l'appui du pouvoir exclusif du Parlement du Canada de légiférer relativement au fonctionnement et à l'administration des institutions et organismes du Parlement et du gouvernement du Canada. Ces institutions et organismes sont de toute évidence hors de la portée des provinces.
Cet article du projet de loi vise donc, dans son aboutissement, des ministères et organismes fédéraux. On crée un commissaire et d'autres organismes chargés de veiller à l'application de la loi, mais ces organismes relèvent du fédéral. Il est vrai que, si le pouvoir réglementaire voulait s'aventurer et ratisser plus large, cela pourrait peut-être causer des problèmes et soulever des questions. Même le pouvoir réglementaire ne me semble pas donner accès à un large éventail de mesures qui peuvent influer directement sur le comportement des provinces, des municipalités ou des organismes municipaux. Ce ne sont pas des pouvoirs réglementaires, par exemple, de droit pénal ou de droit criminel. Cette loi n'est pas fondée sur le droit pénal.
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Merci, monsieur le président.
C'était très intéressant.
Si je devais décrire mes questions, une porte sur les conséquences et une sur la priorité. Je commencerai par la deuxième.
En lisant ce projet de loi, j'essaie de comprendre les implications sur le terrain s'il était en vigueur aujourd'hui... ou il y a cinq ans. Quel genre de décisions auraient été touchées, et de quelle façon? Bien que je sois en faveur du projet de loi, mes craintes s'apparentent à celles de M. Bigras, que devons-nous renforcer dans ce projet de loi pour mettre l'accent sur les conséquences?
Permettez-moi d'être précis. Prenons le sous-alinéa 8(2)b)(iv) sur la mise en oeuvre. Cela ressemble à ce à quoi M. Bigras vient de consacrer son temps. La gestion écosystémique qui constitue l'un des piliers de l'entente de la forêt pluviale de Great Bear dans l'Ouest du Canada, est encore débattue. Des organisations écologiques, le gouvernement, les premières nations et des compagnies forestières essaient encore de l'inventer et de la comprendre, je pense que du point de vue juridique on ne sait pas ce qu'elle représente.
À quoi sert-il de l'inclure dans un projet de loi si elle est en évolution constante en termes des décisions prises régulièrement, des décisions prises par les provinces et pour tous ceux touchés par ce projet de loi? Comment pouvons-nous permettre que ces incertitudes soient prévues explicitement dans la loi?
Monsieur Sadik, vous pouvez commencer.
:
C'est comme pour le développement durable: des définitions peuvent être généralement acceptées, mais la mise en oeuvre concrète sur le terrain ne l'est pas. Par conséquent, si ce que nous faisons c'est rédiger les termes de la loi et ne pas mettre le gouvernement à l'abri de poursuites judiciaires en cas d'infraction à la loi, j'hésite alors à présenter une loi imprécise. Quand nous avons étudié le projet de loi de M. Layton, les gaz à effet de serre ont fait l'objet d'une prescription. Nous en avons donné une définition précise, donc si le gouvernement n'atteint pas les objectifs prévus dans la loi, les Canadiens pourront prendre une décision claire.
Les déclarations des pieuses intentions du projet de loi — les prescriptions générales pour le développement durable enchâssées dans la loi — me font craindre les dangers que nous courons car le projet de loi n'est ni normatif ni précis. Je crains que si son interprétation est trop large, sa mise en oeuvre sera insignifiante, ce qui n'est certainement pas l'intention de M. Godfrey. En voulant un projet de loi trop large...
Je veux donner un exemple précis. Si les sables bitumineux n'étaient pas encore exploités, si l'on avait calculé leur réserve mais que nous n'étions pas sûrs de leur potentiel et de leur mise en valeur complète — et si le projet de loi existait, comment pourrions-nous agir différemment ou agirions-nous différemment? Y trouve-t-on quelque chose qui guiderait le gouvernement dans l'établissement de règlements pour l'industrie pour un tel projet?
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C'était intéressant, ce pourrait être quelque chose que mes collègues libéraux pourraient soulever quand arrivera leur tour de poser des questions, car le Bureau du vérificateur général s'est beaucoup opposé à ce que les projets du gouvernement soient examinés et évalués.
Je vais perdre du temps, mais j'aimerais poser à M. Toner une question sur les conséquences. Dans les années 1990, le gouvernement a pris des mesures pour réduire le déficit en demandant à son administration de diminuer ses dépenses totales, cette mesure a été efficace et a donné des résultats. Mais, on peut se demander si, dans certains cas, cette politique a été efficace.
Qu'a-t-on fait pour que ce soit efficace? Qu'est-ce qui a encouragé la fonction publique, à dire que les résultats étaient prouvés, contrairement — vous en avez parlé — aux nombreux rapports du commissaire à l'environnement suggérant qu'au chapitre de l'environnement, les résultats laissaient à désirer.
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Année après année, nous voyions les mêmes rapports du Commissaire à l'environnement, dont Glen a parlé tout à l'heure. Nous y trouvions les mêmes critiques envers le gouvernement précédent qu'à l'égard du gouvernement actuel, relativement aux ratés du système de la stratégie ministérielle de développement durable. Alors, Tom Gunton et moi-même avons décidé qu'au lieu de nous contenter de critiquer, ce pourrait être une bonne chose que d'indiquer où étaient les lacunes et d'offrir des solutions au gouvernement canadien en matière de développement durable.
En décembre 2006, nous avons publié le rapport En route vers une stratégie nationale de développement durable pour le Canada. M. Gunton et moi-même avons rédigé une loi type qui y était rattachée. Comme je l'ai dit, ce document a été publié vers la fin de 2006. J'ai fait une tournée pour en discuter avec divers acteurs de la Colline parlementaire. Puis, au printemps 2000, le député du NPD a essentiellement présenté notre loi type en tant que projet de loi d'initiative parlementaire. M. Julian, je crois, a eu plus tard l'occasion de le faire examiner à la Chambre, puis ce fut le tour de M. Godfrey. Celui-ci l'a présenté, je pense, à la fin de l'été ou au début de l'automne 2007 et, bien sûr, s'est adressé à la Fondation pour obtenir des conseils sur la façon de structurer le projet de loi.
Comme j'aime à le dire, nous sommes comme un logiciel libre; nous fournissons des avis à tout le monde. Assister à l'application de nos propositions et solutions est notre raison d'être, à la Fondation David Suzuki, alors nous sommes heureux de voir qu'on porte autant d'intérêt à ce projet de loi.
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Je ne saurais le dire, moi non plus. C'est un fait intéressant, cependant, qu'ils présentent une loi comme celle-là. Nous nous sommes dit d'accord avec le commissaire quant au fait que nous devions faire mieux en tant que gouvernement, et nous nous sommes engagés à atteindre cet objectif. Nous avons promis un examen, qui sera reporté au mois d'octobre. Dans le dernier rapport, on mentionnait 14 ministères, dont neuf qui avaient produit des résultats insatisfaisants et cinq qui s'étaient améliorés, et dont les résultats étaient maintenant satisfaisants. Notre gouvernement a encore beaucoup de travail à faire.
Je trouve ce projet de loi très intéressant; et il représente tout un défi.
J'aimerais maintenant poser des questions concernant un passage de la fin du , là où l'on traite de l'annexe. Je voudrais d'abord citer un passage de votre document. À la page 7, on dit ce qui suit :
Chaque ministère fédéral a sa propre stratégie de développement durable. Mais ces stratégies ne font qu’énumérer une série de mesures, sans démontrer comment ni dans quel ordre ces mesures contribueront à atteindre les objectifs. Deux facteurs sont à la base de ce problème. Premièrement, dans la plupart des cas, on n’a pas défini de cibles mesurables. Deuxièmement, même lorsqu’on a défini de telles cibles, on ne quantifie pas quels seront les effets de la stratégie sur la poursuite des objectifs.
Voilà le centre de ma question. Lorsqu'on examine ces regroupements, et qu'on les développe, c'est énorme. Comment les a-t-on priorisés? En a-t-on calculé les coûts? Quelle réflexion a précédé la création de l'annexe? Comment en assumera-t-on les coûts?
:
À bien des égards, l'annexe fera ses frais, monsieur Warawa. Pour les éléments qui y sont énumérés, la loi prévoit des cibles à court, à moyen ou à long terme. Le court terme signifie de un à trois ans, le moyen terme, de cinq à 10 ans, et le long terme équivaut à 25 ans.
Certaines de ces cibles auraient des effets positifs indéniables pour le Canada. Si nous devions réduire les composantes de l'ozone au niveau du sol, nettoyer l'eau et retirer certains pesticides nocifs de la chaîne alimentaire, les économies dans le seul secteur de la santé se traduiraient en milliards de dollars.
Certains travaux sont effectués sur ce genre de questions. Transports Canada a travaillé dernièrement sur le fardeau des maladies liées à l'environnement causées par les émissions des véhicules automobiles, en le quantifiant sur le plan de ce que coûtent aux Canadiens et à la société canadienne les émissions nocives des véhicules à moteur et autres modes de transport. Ensuite, bien sûr, viennent ces bienfaits inestimables, en dehors des coûts pour notre système de soins de santé, comme le fait que nos parents vivent plus longtemps sans décéder de manière prématurée, et le fait que nos enfants soient en meilleure santé.
:
Je peux le voir aux termes de la LCPE.
Maintenant, en ce qui concerne la question des taux de recyclage soulevée par M. Bigras, il est possible que nous n'ayons pas encore de réponse précise.
Pour ce qui est du Commissaire à l'environnement qui doit approuver ces plans, c'est comme si nous étions entraînés dans le même débat que nous tenions l'an dernier quant au rôle du commissaire à l'environnement. Nous revenons sur ce conflit potentiel entre Mme Gélinas et Mme Fraser.
Pensez-vous qu'un commissaire à l'environnement ou un vérificateur général, de qui relève le commissaire, pourrait considérer un peu trop politique le fait de juger les stratégies des ministères fédéraux?
Je dispose de cinq minutes seulement. Selon moi, il est possible de répondre par oui ou par non dans bien des cas. Afin que je puisse poser le plus grand nombre possible de questions, je vous demanderais de procéder de cette façon.
On parle de développement durable, de l'utilisation de l'énergie et de ce qui est possiblement la principale source d'émissions de gaz à effet de serre, que ce soit le CO2 ou le CH4, notamment. Selon vous, l'hydroélectricité est-elle oui ou non une énergie « durable »?
Monsieur Sadik.
:
Selon vous, ce projet de loi est beaucoup large et permet au gouvernement fédéral d'intervenir dans des champs de compétence qui relèvent des municipalités et des provinces. Par exemple, dans le texte sur les amendements suggérés, il est écrit: « faire en sorte que les villes canadiennes deviennent dynamiques, propres, prospères, sûres et durables et offrent une bonne qualité de vie; ».
Comment allez-vous réaliser une chose semblable si le gouvernement fédéral ne s'arroge pas un pouvoir d'intervention auprès des municipalités?
Vous avez dit que le gouvernement fédéral pourrait intervenir auprès des municipalités. Je vous rappelle qu'en vertu de la Constitution, les municipalités relèvent exclusivement des gouvernements provinciaux. Le gouvernement fédéral ne peut en aucun cas intervenir auprès des municipalités sans l'accord du conseil des ministres des provinces concernées.
Ce projet de loi fait plus que s'adresser uniquement aux ministères et organismes fédéraux. Par ce projet de loi, le gouvernement fédéral s'arroge le pouvoir d'intervenir dans les champs de compétence qui relèvent des provinces. Comment pouvez-vous expliquer cela?
Vous dites qu'il y aura des ententes. Je le comprends, mais ce n'est pas ainsi que le comprendra, par exemple, un ministre provincial de l'Environnement. Je regrette, mais ce projet de loi contient des principes qui sont inacceptables et donne au gouvernement fédéral un pouvoir qu'il n'a pas.
:
Honnêtement, je ne vois pas de différence entre ma position et celle de M. Sadik.
Quand j’ai parlé des organisations fédérales et des sociétés d’État, il est évident que le projet de loi s’applique aux institutions fédérales et à leurs activités. C’est ça l’idée. Il vise l’élaboration de leurs politiques, leur orientation. Comment s’y prendront-elles pour s’y conformer? Il s’applique à elles d’abord et avant tout, et pas directement aux villes ou à d’autres paliers.
[Français]
Lorsque j'ai dit en français que cela vise les institutions fédérales, c'est tout à fait ce que je voulais communiquer par cette expression.
[Traduction]
Cela signifie que vous ne pouvez pas dépenser d’argent? Non, je ne crois pas que c’est ce que ça veut dire.
[Français]
Il se peut fort bien que ce soit un des moyens visés, dans la mesure où le fédéral veut exercer son pouvoir de dépenser pour encourager les municipalités et les organismes provinciaux à collaborer.
:
Merci, monsieur le président.
Merci également à nos témoins d'être ici aujourd'hui.
J’aimerais revenir sur la question d’un commissaire indépendant à l’environnement et au développement durable. Monsieur Sadik, votre réponse était intéressante. Comme M. Thompson était satisfait du processus d’approbation, vous vous êtes dit satisfait vous aussi. J’aimerais revenir là-dessus car, essentiellement, on se trouverait à s’éloigner grandement du rôle traditionnel du Commissaire à l’environnement et au développement durable. Nous tergiversons pour déterminer s’il se fera défenseur des questions relatives à l’environnement et au développement durable, puis nous décidons d’effectuer une vérification de son travail. Peu importe qu’un commissaire intérimaire à l’environnement veule changer ou non sa propre mission, la question est de savoir s’il est souhaitable d’apporter des changements. Je ne suis donc pas satisfait que vous vous contentiez de sa réponse.
Est-il avisé de mettre la vérificatrice dans une position de défenseur puis procéder à une vérification de son travail? Je crois que cela pose de véritables problèmes, et je ne suis pas nécessairement certain que ce soit la chose à faire. Voudriez-vous l’évaluer encore?
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais savoir de quelle façon le fédéral et les provinces seront appelés à collaborer après l'adoption de ce projet de loi. Je crois que lorsque le gouvernement fédéral finance des infrastructures, il le fait en partenariat avec les provinces et les municipalités. Il serait raisonnable de veiller à ce que cet argent soit dépensé de façon durable en ce qui a trait à l'environnement, et de rendre des comptes aux contribuables qui sortent cet argent de leurs poches. Il convient aussi d'affirmer que nous visons, par l'entremise de ce programme, à prendre des mesures qui contribueront à l'écologisation du pays, qu'on se trouve à Victoria, Halifax, Québec ou ailleurs.
Pensez-vous que ce projet de loi aura pour effet d'imposer des responsabilités supplémentaires aux autres ordres de gouvernement? Ou croyez-vous simplement qu'il s'agit de trouver un terrain d'entente? Puis-je avoir vos commentaires à cet égard?
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Monsieur le président, tout ça est nouveau pour moi, évidemment, mais j'aimerais me permettre quelques observations, après avoir entendu les discussions à propos du projet de loi aujourd'hui.
Il est intéressant de constater que l'on n'a pas chiffré les coûts totaux du projet de loi; je crois d'ailleurs qu'on a soulevé ce point plus tôt. Aucune priorité n'a encore été établie pour les objectifs prévus à l'annexe, et on semble même être plus ou moins d'accord quant à la portée du projet de loi.
Mais le point qui me préoccupe le plus, ce sont les conséquences que pourrait avoir l'application de l'ensemble du projet de loi. Je comprends que cela signifie que le gouvernement fédéral n'accorderait aucun soutien aux installations qui ne sont pas conformes aux dispositions du projet de loi. Je crois que M. Sadik a d'ailleurs affirmé qu'il n'y aurait aucune centrale hydroélectrique à la grandeur du pays si le projet de loi venait à être mis en oeuvre dans sa force actuelle. Les centrales nucléaires seraient interdites au pays ou, à tout le moins, le gouvernement fédéral ne pourrait certainement pas accorder son appui à ce genre d'installation. Il n'y aurait pas de biocombustibles, sauf pour les carburants cellulosiques, qui ne sont actuellement pas offerts sur le marché et qui ne sont pas viables de toute façon pour le moment. Finies aussi les centrales thermiques au charbon.
Je m'inquiète des conséquences que cela pourrait avoir. On a affaire à un cas typique de projet de loi de l'opposition qui entraîne de lourdes conséquences et des coûts astronomiques sans qu'il y ait obligation de rendre des comptes, particulièrement pour l'opposition. Voilà l'observation que je voulais faire, mais je suis disposé à entendre vos commentaires.
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Comme je l'ai dit au début de mon intervention, monsieur Anderson, ce projet de loi ne comporte aucune mesure concrète visant à réduire les émissions ou à prévenir la pollution. Il se veut un cadre de travail offert à nos leaders, vous, en l'occurrence, pour qu'ils mènent la barque du développement durable dans la bonne direction, pour employer une image un peu boiteuse.
J'ai également indiqué, monsieur Anderson, que personne n'entend éliminer toutes les sources d'énergie non renouvelables du jour au lendemain. Il faudrait les mettre de côté progressivement au profit d'une utilisation accrue des sources d'énergie renouvelables. Le tout se déroulerait sans que rien n'y paraisse : nous pourrions continuer d'allumer les lumières, de regarder la télévision et de nous rendre où bon nous semble grâce au moyen de transport de notre choix, que ce soit en autobus, en métro ou en voiture.
Le projet de loi forcera le gouvernement à regarder vers l'avant, à faire des choix en fonction de l'avenir et, dans toute la mesure du possible — et si la volonté politique y est —, à tenir compte de ces conséquences dans toutes les décisions qu'il prend au quotidien.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais reprendre le dernier point. Y a-t-il quelque chose qui empêche le gouvernement d'agir de la sorte à l'heure actuelle? Qu'est-ce qui l'arrête...? En réponse à la question de M. Anderson, vous avez indiqué que le projet de loi ne prévoit pas en soi de mesures de réduction de la pollution. Il oblige plutôt le gouvernement à prendre ses décisions dans une optique respectueuse du développement durable.
Voilà à quoi cela se résume. Nous avons vu défiler tellement de plans, de sous-comités, de comités du Cabinet et de plans écologiques — tous issus des meilleures intentions du monde. Toutefois, si nous avions consacré autant d'efforts à la concrétisation de ces idées qu'à leur annonce proprement dite, nous n'en serions pas là aujourd'hui.
J'aimerais d'abord que vous me disiez si on bonifie les pouvoirs actuels du gouvernement. Le ministre des Transports ne peut-il pas déjà penser au développement durable lorsqu'il élabore de nouvelles lois? Qu'en est-il du ministre de l'Industrie et du ministre des Finances?
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Je veux en revenir à l'annexe à la fin du projet de loi C-474. Ma question s'adresse à M. Sadik et M. Toner.
Monsieur Toner, vous avez indiqué dans votre exposé qu'il fallait faire les choses de la bonne manière, et un grand nombre de questions et préoccupations ont été soulevées lors de notre séance d'aujourd'hui. Ce comité a l'habitude de vouloir précipiter les choses. Par contre, certains travaux exigent beaucoup de temps. Nous voulons trouver le juste équilibre. Nous souhaitons en arriver à un résultat satisfaisant. Il est possible que cela prenne plus de trois minutes; mais peut-être aussi qu'il nous faudra trois réunions.
M. Bigras a soulevé certains points intéressants qui m'ont échappé lorsque j'ai pris connaissance du projet de loi. Il a parlé de développement urbain. D'après mon expérience de la scène municipale, les mesures de zonage aux fins du développement urbain relèvent des municipalités. L'annexe fait référence aux déchets urbains, une autre responsabilité municipale. L'administration municipale est, dans une certaine mesure tout au moins, une créature de la province, ce qui fait que ces questions sont, en bout de ligne, de compétence provinciale.
On veut également s'attaquer aux problèmes de turbidité afin d'assainir les eaux. Doit-on comprendre que le gouvernement fédéral va surveiller les niveaux de turbidité des rivières du Québec en aval des barrages?
Ce projet de loi vise un éventail extrêmement large de questions. M. Godfrey est disposé à accepter des amendements et est fin prêt à en présenter quelques-uns lui-même. Mais pour ce qui est de cette liste de problèmes, les possibilités sont immenses. Cette désignation ne va pas sans d'importantes répercussions financières et logistiques: capacité scientifique, formation, équipement, ressources humaines et système de contrôle. Si nous précipitons les choses pour adopter ce projet de loi avant que M. Godfrey ne nous quitte — et il nous manquera à tous, à certains plus qu'à d'autres — les nombreuses questions demeureront sans réponse. Je pense entre autres au chargement en bétail. Pourquoi cet élément est-il inclus? Est-ce qu'il devrait vraiment figurer sur cette liste? Et la dépendance à l'automobile...
Monsieur Toner, ne serait-il pas préférable d'un point de vue stratégique d'utiliser une liste moins volumineuse? Cette liste très détaillée soulève de nombreuses questions, notamment au chapitre de la compétence provinciale.
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Pour ce qui est de savoir le nombre de séances que le comité devra tenir, je n'en ai pas la moindre idée.
Quant à la taille de la liste, je n'y suis pour rien. Elle nous est arrivée avec le projet de loi. Je suppose qu'on pourrait la parcourir en essayant de cerner les éléments les moins controversés ou les moins susceptibles de causer des différends avec les provinces.
J'ose croire qu'on a voulu ratisser large en retenant les enjeux pouvant toucher les différentes régions du pays. Nous savons que le chargement en bétail, les parcs d'engraissement et les activités qui s'y rattachent peuvent avoir des conséquences graves sur la qualité de l'eau et les pêches, notamment. Je ne sais pas vraiment. Est-ce cela doit apparaître sur la liste? Il faudrait se poser la question pour chacun des éléments désignés, et je ne crois pas vraiment que c'est ce que vous souhaitez faire maintenant.
Je m'efforce de tenir compte des préoccupations provinciales. Je sais bien que les questions d'urbanisme ne relèvent pas des provinces, mais elles ont des conséquences énormes sur le développement durable de notre pays, car 80 p. 100 des Canadiens habitent dans les villes. Comme le gouvernement fédéral assume d'importantes responsabilités au chapitre de la réglementation et du financement pour bon nombre de ces entités, y compris les villes, je ne crois pas que l'on doive s'inquiéter outre mesure de différends possibles à cet égard. Je pense que le développement durable est un objectif qui exige la contribution conjointe de tous les ordres de gouvernement. Nous avons besoin pour ce faire d'une intégration adéquate de tous ces systèmes de reddition de comptes. Sinon, comment pourrons-nous comparer nos résultats à ceux des États-Unis ou des autres pays de l'OCDE?
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Je serai bref, monsieur le président.
Tous les intervenants connaissent-ils l'évaluation stratégique environnementale? Ils savent probablement tous ce que c'est. Que dit la commissaire dans les rapports du commissaire à l'environnement des dernières années? Ce qui ne fonctionne pas, dans la stratégie de développement durable au Canada, c'est que l'évaluation stratégique environnementale n'est pas imposée aux ministères fédéraux.
Pour respecter les champs de compétence des provinces et pour nous assurer d'une stratégie de développement durable au Canada, ne serait-il pas mieux de faire en sorte que la directive du Bureau du premier ministre, qui date de plus de 25 ans et qui n'est pas appliquée dans les politiques, les plans et les programmes du gouvernement fédéral, soit imposée de façon législative à tous les ministères fédéraux? On respecterait ainsi les champs de compétence fédérale, on s'assurerait d'une stratégie de développement durable et, inévitablement, chaque fois que le gouvernement déposerait un plan, une politique ou un programme, on s'assurerait que les notions de développement durable... L'évaluation stratégique environnementale, à mon avis, est l'outil le plus puissant dont nous disposons pour avoir une stratégie de développement durable au Canada.
La solution ne serait-elle pas d'imposer de façon législative l'évaluation stratégique environnementale en faisant une loi?