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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 061 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 30 novembre 2009

[Enregistrement électronique]

(1305)

[Traduction]

    Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude de la contribution fédérale pour diminuer la pauvreté au Canada. Je souhaite la bienvenue à nos invités et je les remercie chaleureusement d'être ici aujourd'hui.
     Monsieur Kube, nous allons commencer avec vous. Vous représentez la Fédération nationale des retraités et citoyens âgés. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer.
    Chaque témoin aura sept minutes pour nous présenter un exposé. Nous passerons ensuite à une période de questions et de réponses, qui durera le temps qu'il nous restera.
    Monsieur Kube, je vous souhaite la bienvenue. La parole est à vous, monsieur.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, c'est avec un certain sentiment de cynisme que je témoigne aujourd'hui devant votre comité. Il y a de nombreuses années que je défends les intérêts des aînés, et j'ai témoigné devant des comités comme le vôtre à de multiples reprises. Je sais même, à titre de président de la Fédération nationale des retraités et citoyens âgés, que vous avez reçu, au cours des trois dernières années, des mémoires que nous vous avons présentés, mémoires dans lesquels nous abordions avec maints détails la question de la pauvreté.
    La pauvreté chez les aînés est en croissance. Il est vrai que, si l'on observe les statistiques concernant le revenu des aînés, celui-ci atteint un sommet historique, mais, comme on le dit, les chiffres cachent parfois la vérité. La pauvreté chez les aînés est en croissance, particulièrement chez les femmes.
    Je n'ai pas besoin de vous le dire — ce n'est pas un grand secret, et vous le savez très bien —, lorsqu'un conjoint décède et que le couple vivait grâce au supplément de revenu garanti, le montant de ce supplément est réduit de moitié, même si les dépenses restent à peu près les mêmes. Ce n'est donc pas difficile de comprendre pourquoi c'est chez les aînés que le pourcentage de sans-abri augmente le plus. Je n'ai pas besoin de vous dire que, pour juger un pays, il faut regarder de quelle façon il traite ses membres les plus vulnérables.
    Comme je l'ai dit, nous venons témoigner devant des comités et nous savons ce qu'il faut faire. Il faut, essentiellement, fournir aux gens suffisamment de ressources pour qu'ils puissent s'acquitter de leurs obligations et vivre une vie relativement normale. Pour y parvenir, c'est très simple: il faut accroître les revenus. Pour accroître les revenus, il faut essentiellement accroître le supplément de revenu garanti jusqu'à un niveau qui permet aux gens d'avoir suffisamment de ressources pour fonctionner adéquatement.
    Nous savons que, chaque fois que quelqu'un demande au gouvernement d'accroître le revenu des gens dont le revenu se trouve dans la tranche inférieure, celui-ci répond: « Oui mais, voyez combien ça coûte ». Toutefois, je n'ai pas non plus besoin de vous dire que, si vous observez la part du PNB que représente le revenu fédéral, vous constatez que celle-ci diminue.
    Si vous examinez la répartition des impôts, vous constaterez que, à une certaine époque, quand M. Benson était ministre des Finances, nous avons assisté à une situation selon laquelle les impôts ont augmenté de façon à ce que les contribuables fournissent environ 44 p. 100, les entreprises 44 p. 100 aussi, et que le reste provienne des redevances et des droits. Vous avez mis de côté la valeur du financement fédéral, à un point tel que vous n'êtes plus capable de faire face à vos obligations envers les membres les plus vulnérables de la société, et il est grand temps que les choses changent. Il faut renverser la vapeur.
    Notre organisme se préoccupe des aînés, et c'est pourquoi nous estimons qu'il faut, d'abord et avant tout, accroître le SRG pour s'assurer que la SV et le SRG offrent un revenu suffisant pour payer les nécessités de la vie. Ensuite, nous pensons qu'il serait temps de doubler le RPC parce que nous constatons qu'un grand nombre d'aînés se retrouvent dans la pauvreté à cause de la crise qu'il y a eu.
    Nous constatons aussi que les aînés qui ont investi sur le marché en ce qui concerne leurs REER découvrent que les économies qu'ils ont accumulées sont moitié moins importantes que ce à quoi ils s'attendaient parce que l'autre moitié sert à payer les frais de service facturés par les exploitants de ces fonds. En comparaison, l'administration du RPC coûte moins de la moitié de ce qu'il en coûte pour administrer les régimes d'épargne-retraite et les autres titres. Je crois donc que ces mesures sont très importantes.
    Par ailleurs, quand on parle de la pauvreté, beaucoup de gens mentionnent la pauvreté chez les enfants. En fait, vous savez, quand on parle de la pauvreté chez les enfants, il faut surtout parler de la pauvreté des familles. Par exemple, nous avons constaté, chez les aînés, que le seul cas, dans l'économie, où l'effet de ruissellement fonctionne véritablement, c'est des grands-parents vers les enfants et les petits-enfants. On fait de plus en plus appel à nous, les aînés, parce que les revenus des familles sont statiques ou diminuent. Il y a donc de plus en plus de pressions exercées sur les revenus des aînés.
(1310)
    Ce sont donc là les difficultés auxquelles nous faisons face, mais je peux vous dire que je crois qu'il est possible de les surmonter et je crois aussi qu'il faut cesser de dénigrer les pauvres. Dans bien des cas, ce qui fait la différence entre un riche et un pauvre, c'est simplement que le riche a eu plus de chance. Je crois donc qu'il ne faut pas voir ces mesures comme de l'aide sociale; ce sont simplement des mesures qui permettent d'aider des gens qui n'ont pas été aussi chanceux que nous.
    J'aimerais encore une fois attirer votre attention sur le mémoire que nous avons présenté. Vous l'avez, à votre bureau. On y décrit en détail la façon dont nous pensons qu'il faut s'occuper de la pauvreté et les moyens qui permettront de rendre le processus un peu plus humain.
    Nous allons à l'église le dimanche, ou nous allons à la mosquée, ou nous allons au temple le samedi et le dimanche. Puis, le lundi, nous passons à autre chose. Nous oublions que nous sommes les gardiens de nos frères et de nos soeurs. Je m'excuse — je suis peut-être le plus vieux de l'assemblée — mais je tiens à vous le rappeler.
    Monsieur le président, je suis prêt à répondre aux questions.
    Merci beaucoup, monsieur Kube. C'est très apprécié.
    Nous passons maintenant à John Restakis de la British Columbia Co-operative Association.
    La parole est à vous, monsieur. Vous avez sept minutes.
    Encore une fois, je suis heureux d'avoir l'occasion de témoigner devant le comité.
    J'aimerais commencer par reprendre les commentaires que mon voisin a formulés concernant la tournure générale qu'a prise le financement fédéral des services destinés aux Canadiens les plus vulnérables au cours des 20 à 30 dernières années. Nos positions à ce sujet sont essentiellement les mêmes. Il faut agir profondément à l'échelle du système pour changer la façon dont les impôts sont prélevés, les personnes auprès desquelles ils le sont, et la façon dont l'argent est attribué aux organismes qui offrent des services aux Canadiens les plus vulnérables, y compris, évidemment, les aînés.
    Je vais parler d'enjeux beaucoup plus précis, qui touchent le secteur que je représente, soit le secteur des coopératives et des caisses de crédit de la Colombie-Britannique. Je sais que vous avez déjà une personne qui représentait la Canadian Co-operative Association. Je crois que cette personne vous a fourni, dans son exposé, des chiffres concernant la taille, l'ampleur et la constitution du mouvement coopératif au Canada; je veux donc éviter de répéter ces chiffres, mais j'aimerais tout de même souligner que le mouvement coopératif représente, au Canada, un secteur très vivant et très diversifié de l'économie canadienne. On compte, au Canada, quelque 9 000 coopératives et caisses de crédit, qui emploient environ 150 000 personnes partout au pays.
    Si l'on veut examiner plus en détail les liens entre le secteur et le modèle coopératif et la question de la réduction de la pauvreté, on peut se pencher sur trois secteurs: d'abord, un développement économique raisonnable; ensuite, la création d'emplois et le maintien en emploi; et enfin, la prestation des services aux populations marginalisées, y compris aux aînés.
    De toute évidence, toute stratégie visant à éliminer la pauvreté doit tenir compte de la création d'emplois et du développement économique puisque toute stratégie qui n'en tiendrait pas compte ne ciblerait pas, évidemment, certaines des causes profondes de la pauvreté. En ce qui concerne le développement économique régional, j'aimerais surtout dire, dans mon intervention, qu'il importe de réfléchir à la façon dont les approches coopératives du développement économique régional permettent de renforcer l'économie des régions, de créer de nouveaux emplois et de rendre les petites et moyennes entreprises plus productives, plus fructueuses et plus aptes à concurrencer à l'échelle internationale, entreprises, qui se trouvent à la base et au coeur de la plupart des économies régionales du Canada.
    Nous avons poussé très loin notre étude de l'utilisation des régimes coopératifs en ce qui concerne le partage de services avec les petites et moyennes entreprises à l'échelle régionale et le soutien de ces entreprises. Les résultats ont prouvé de façon évidente que, quand des politiques gouvernementales favorisent le partage de services et la collaboration entre les petites et les moyennes entreprises en affaires dans le même secteur ou au sein du même marché, ces entreprises se portent mieux: elles sont plus concurrentielles, elles génèrent plus de travail, elles créent plus d'emplois et elles distribuent la richesse qu'elles génèrent dans le cadre de leurs activités de façon plus équitable plutôt que de simplement négliger leurs employés ou de favoriser une forme de développement qui fait passer la concurrence avant la coopération. Des chercheurs de partout dans le monde ont documenté ces résultats de façon détaillée. Je mentionne, dans mon rapport, certains exemples de cas, comme le nord de l'Italie, l'Allemagne et l'Espagne.
    Le second volet est celui du maintien en emploi et de la création d'emplois. Il a, encore une fois, été prouvé que les modèles coopératifs permettent non seulement de soutenir une approche coopérative de soutien des petites entreprises, mais aussi de créer de nouveaux emplois et d'utiliser le système coopératif pour soutenir et protéger des emplois existants. Au Québec, par exemple, le secteur coopératif a travaillé en collaboration avec le gouvernement provincial pour se servir des systèmes coopératifs pour générer de nouvelles coopératives; ce qu'il en a coûté pour générer ces coopératives ou pour protéger chacun des emplois n'est qu'une fraction du coût assumé par les systèmes privé ou gouvernemental.
    Les modèles coopératifs se révèlent plus productifs et plus efficaces pour créer des emplois, et les coopératives qui sont créées survivent plus longtemps que les entreprises conventionnelles du secteur privé. Une étude effectuée au Québec en 2008 révèle que, après 10 ans, environ 64 p. 100 des coopératives sont toujours en activité et fournissent des emplois ainsi que des avantages économiques pour les collectivités, par rapport à seulement 42 p. 100 environ des entreprises du secteur privé.
(1315)
    Pour ce qui est du modèle coopératif, contrairement à ce que croient bien des gens, il est plus durable et plus fructueux sur le plan de la survie, en plus d'offrir de meilleurs avantages dérivés pour l'économie régionale.
    Diverses raisons expliquent cette situation, et j'en ai mentionné certaines ici, encore une fois. Mais l'une des raisons les plus évidentes, c'est que les coopératives, qui appartiennent à leurs membres et qui sont gérées par eux de façon démocratique, ne visent pas seulement le profit quand des décisions peuvent être prises. La création d'emplois et le maintien des emplois sont au moins aussi importants. Cela signifie que, quand une entreprise appartient à des investisseurs souhaitant obtenir un très bon rendement du capital investi, si ce rendement n'est pas aussi important que souhaité, les investisseurs auront tendance à vouloir fermer l'entreprise, tandis que, dans le cas d'une coopérative, si le rendement est suffisant pour faire vivre l'entreprise, pour qu'elle demeure capable de produire et d'offrir des emplois, l'entreprise demeurera ouverte. On ne la fermera pas simplement parce que le rendement n'est pas aussi élevé que ce que souhaiteraient les investisseurs. C'est là un simple fait économique qui distingue les coopératives des entreprises du secteur privé.
    Le troisième aspect qui concerne la création d'emplois et le maintien en emploi est la question de la relève d'une entreprise. L'une des principales raisons pour lesquelles une entreprise échoue, particulièrement dans les collectivités rurales, c'est que l'on n'a pas prévu de successeurs dans le cas d'une entreprise familiale. Dans un rapport rédigé récemment, en 2005, par le Fonds de solidarité, il était mentionné que 70 p. 100 des petites et moyennes entreprises ne survivent pas à la première génération, et que 90 p. 100 disparaissent après la seconde génération. De plus, 70 p. 100 des propriétaires d'entreprises qui pensent à la retraite n'ont toujours pas choisi de successeurs. C'est l'une des causes les plus courantes d'échecs d'une entreprise, mais c'est une cause qui est relativement facile à éliminer si on aborde la succession d'une entreprise de façon stratégique, particulièrement si on favorise le rachat de l'entreprise par des employés.
    De toutes les stratégies employées pour sauver ces entreprises, le rachat par des employés est celle qui réussit le mieux puisqu'elle permet, d'une part, de sauver l'entreprise et, d'autre part, de la maintenir en vie à long terme. Encore une fois, je fournis dans mon rapport de l'information détaillée sur les études qui permettent d'appuyer ces constatations.
    Le dernier aspect que je souhaite aborder est celui de la prestation de services aux personnes vulnérables. Nous avons fait beaucoup de recherches sur l'utilisation des modèles coopératifs pour la prestation de soins et de services sociaux aux personnes qui sont sans emploi, qui sont pauvres, qui ont un handicap, qui sont âgées, etc. Nous avons démontré de quelle façon les coopératives sociales — essentiellement, des coopératives qui utilisent le modèle co-op pour former et employer des personnes marginalisées ou qui ne sont pas intégrées à la main-d'oeuvre, pour quelque raison que ce soit — jouent un rôle clé dans l'intégration dans la main-d'oeuvre de personnes qui seraient, sinon, restées dans la marge, ou dans leur réintégration, mais aussi de quelle façon elles permettent d'améliorer et d'élargir la qualité et la gamme de services dont ces personnes ont besoin pour avoir une qualité de vie décente.
    En Italie, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, les coopératives sociales faisaient figure de pionnières. Aujourd'hui, on compte en Italie environ 6 000 coopératives sociales, qui fournissent des emplois à 160 000 personnes, dont 15 000 sont atteintes d'un handicap.
    Pour vous donner une meilleure idée de la puissance de ce modèle, les 160 000 personnes qui travaillent pour ces coopératives représentent 75 p. 100 de la main-d'oeuvre du secteur sans but lucratif en Italie, même si les coopératives sociales ne représentent que 2 p. 100 des organisations du secteur sans but lucratif en Italie. C'est donc un modèle très puissant, dont les répercussions ont joué un rôle fondamental dans la qualité de vie des personnes qui profitent des services et dans l'amélioration du mode de vie des personnes qui travaillent pour ces coopératives.
    Le Québec est l'une des régions du Canada où le modèle des coopératives de solidarité — essentiellement la version canadienne des coopératives sociales — a mené à d'excellents résultats, particulièrement en ce qui concerne la prestation de soins à domicile au Québec. Le modèle s'est montré très fructueux, puisqu'on compte 42 ou 43 coopératives de solidarité au Québec, et la part du secteur des soins à domicile au Québec que représentent ces coopératives ne cesse de croître.
    En résumé, ces trois secteurs — le développement économique régional, la création d'emplois et le maintien en emploi, et la prestation de services sociaux à des populations marginalisées — sont trois façons, pour le secteur coopératif en général et pour le modèle coopératif en particulier, d'offrir des avantages stratégiques aux fins d'une stratégie détaillée de réduction de la pauvreté.
(1320)
    Je sais que la Canadian Co-operative Association a présenté une requête pour qu'une stratégie nationale d'élimination de la pauvreté, assortie d'objectifs mesurables à tous les ordres de gouvernement, soit créée. Nous appuyons cette requête. Nous pensons aussi que la stratégie devrait inclure des modèles coopératifs particuliers pour le développement économique et pour la prestation de services aux personnes vulnérables qui ont besoin d'aide.
    Merci.
    Merci, John. Nous sommes heureux de vous avoir entendu.
    Je vais maintenant passer à Mme Young, professeure agrégée en droit à l'Université de la Colombie-Britannique.
    Bienvenue.
    Comme vous l'avez dit, j'enseigne la justice sociale et le droit constitutionnel, mais j'ai aussi collaboré avec un certain nombre d'ONG au sujet, par exemple, de stratégies de réduction de la pauvreté, en plus de participer à la rédaction de documents à l'intention des Nations Unies sur le respect des engagements du Canada en ce qui concerne les droits de la personne à l'échelle internationale. Je me suis aussi un peu occupée de la question du revenu annuel garanti. Je ne vais pas m'étendre sur chacun de ces sujets, mais c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions sur chacun d'entre eux.
    Il y a trois aspects que j'aimerais souligner et qui font partie, d'après ce que je comprends, d'un cadre organisationnel ou conceptuel plus large, cadre qui oriente la réflexion sur les travaux importants du comité. J'aimerais commencer par énoncer une évidence: dans un pays riche comme le nôtre, la pauvreté n'est, dans aucun cas, inévitable. Elle est attribuable aux choix et aux politiques des divers ordres de gouvernement. On peut donc, de toute évidence, régler le problème par des choix et des politiques du gouvernement, et par des modifications des mesures actuellement en place. J'aimerais aussi souligner que c'est en grande partie le gouvernement fédéral qui peut régler ce problème.
    J'aimerais d'abord parler de notre compréhension de la pauvreté. Je crois qu'il faut absolument voir la pauvreté d'un point de vue plus général et reconnaître qu'il ne s'agit pas simplement d'un manque de ressources financières. Évidemment, l'absence de ressources est une caractéristique essentielle de la pauvreté et permet de distinguer cet état des autres états de bien-être. Toutefois, la pauvreté est aussi caractérisée par un élément social — une exclusion sociale — qui se traduit par un accès insuffisant aux biens publics, aux réseaux communautaires, aux ressources et aux avantages politiques. Il est important d'avoir cette idée d'ensemble de la pauvreté.
    Cette idée d'ensemble est bien acceptée, et peut-être que je ne fais que prêcher des convertis. Toutefois, dans certains documents des Nations Unies, on considère la pauvreté comme une occasion limitée de bien-être. La pauvreté est liée au fait d'être suffisamment nourri, vêtu et d'avoir un abri, mais il y a aussi un lien entre la pauvreté et la participation insuffisante à la vie civile, politique et sociale d'une collectivité. C'est donc une question de logement abordable, mais aussi une question d'occasions véritables, sur le plan tant économique que social. Le Québec, dans sa législation antipauvreté, adopte cette définition de la pauvreté.
    Pour trancher ce véritable noeud gordien que constitue le problème de la pauvreté au Canada, il ne faut surtout pas limiter notre conception de la pauvreté à une simple question de statut économique. C'est aussi une question de relation et de statut social. Il s'agit d'un état relatif et, dans un pays comme le Canada, il faut tenir compte de ce caractère relatif. C'est pourquoi les définitions de la pauvreté qui sont parfois utilisées et qui sont purement absolues ne permettent absolument pas de saisir la signification de la pauvreté. Elles sont purement et simplement inutiles — je dirais même qu'elles sont insultantes — comme méthodes uniques de description de l'incidence de la pauvreté dans notre pays.
    Je fais ces commentaires parce qu'ils m'amènent à la prochaine observation dont j'aimerais vous faire part. Il s'agit du lien déterminant qui existe entre deux problèmes jumeaux au sein de la société canadienne, la pauvreté et l'inégalité. J'aimerais vous parler pendant quelques minutes de l'importance de l'inégalité et du fait qu'elle est de plus en plus courante dans notre pays. L'inégalité est au coeur de notre débat sur la façon d'éliminer la pauvreté.
    Je commencerai par souligner les travaux récents de deux chercheurs britanniques, qui ont analysé de façon approfondie et rationnelle une série d'études et qui ont recueilli des données provenant de pays partout dans le monde. Ces deux chercheurs, Wilkinson et Pickett, décrivent les enjeux liés à l'inégalité et soulignent son importance au sein des sociétés industrialisées.
    Il faut bien dire, comme toile de fond à ce débat, que le Canada est l'un des pays où l'inégalité sur le plan du revenu entre les riches et les pauvres augmente. Selon des rapports récents de l'OCDE, l'écart entre les riches et les pauvres au Canada croît plus rapidement que dans la plupart des 30 autres pays industrialisés examinés.
    Il y a un peu plus d'un an, une économiste canadienne reconnue a affirmé que, quand le gouvernement réduit ses investissements dans des avantages publics qui aident une majorité de Canadiens et qu'il réduit, à la place, les impôts des personnes dont le revenu se situe dans les 10 p. 100 supérieurs, il accroît les inégalités sur le plan du revenu au Canada. Elle ajoute que c'est là une cause importante de l'élargissement du fossé entre les riches et les pauvres dans la société canadienne.
(1325)
    Les deux chercheurs britanniques dont je parlais, Wilkinson et Pickett ont prouvé très clairement que les types des problèmes habituellement associés aux personnes qui se trouvent tout au bas de l'échelle sociale — des problèmes sociaux comme un mauvais état de santé, la violence, un mauvais rendement à l'école chez les enfants, etc. — sont aussi, dans les sociétés où les inégalités sont importantes, plus courants chez les personnes qui se trouvent tout au haut de l'échelle. Ces problèmes sont solidement associés à une classe sociale, la classe socioéconomique inférieure, mais, plus une société est inégale, plus les problèmes sont courants à tous les niveaux socioéconomiques.
    Les chercheurs parlent non seulement de la violence et des problèmes de santé, mais aussi de problèmes comme le manque de confiance, la maladie mentale, une espérance de vie plus courte, l'obésité, le rendement à l'école, etc. Ce sont des problèmes qui peuvent devenir des problèmes sociaux étendus à grande échelle quand le fossé matériel qui existe entre les membres d'une société s'élargit.
    Pour eux, le niveau qu'atteignent les inégalités entre les revenus au sein d'une société donne une indication claire de la santé sociale de cette société en général. L'une des façons d'améliorer la santé sociale d'une société au profit de tous ces membres, c'est de réduire les inégalités. De cette façon, vous améliorez non seulement la qualité de vie des personnes qui se trouvent au bas de l'échelle, mais aussi la qualité de vie de tous les membres de la société.
    Voici la conclusion que les deux chercheurs tirent à la fin du rapport intéressant.
Nous avons constaté que les pays riches sont allés jusqu'au bout de la très grande contribution que la croissance économique peut apporter à la qualité de vie et que notre avenir repose sur l'amélioration de la qualité de l'environnement social de nos sociétés.
    Ils ajoutent qu'à la base de meilleures relations sociales pour tous les membres de la société se trouve une plus grande égalité.
    Évidemment, pour des pays en développement, l'accroissement des niveaux de richesse et de production demeure très important, mais pour des pays comme le Canada, les chercheurs affirment qu'il est évident, selon les données comparatives, qu'il faut mettre l'accent sur la réduction des inégalités. Si l'on réduit les inégalités en général, les gens qui se trouvent au sommet de l'échelle verront aussi une amélioration de leur qualité de vie. Quand on pense au type de mesures concrètes qui devraient être prises pour éliminer la pauvreté, je crois qu'il ne faut pas oublier de tenir compte aussi de cette préoccupation très convaincante à propos des inégalités.
    Pour conclure mes commentaires, j'aborderai plus particulièrement les mécanismes qui mènent à l'élaboration d'une stratégie de réduction de la pauvreté. Ce qui ressort clairement de mes lectures et de mon expérience, c'est qu'il s'agit là d'un enjeu que le gouvernement peut et doit régler, de toute évidence. Je crois qu'un certain nombre d'éléments clés doivent être mis en place sur le plan de la structure.
    D'abord, je crois que le gouvernement fédéral doit absolument faire renaître l'idée selon laquelle nos normes nationales peuvent avoir de véritables répercussions sur la qualité de vie, selon la façon dont le gouvernement fédéral exerce son pouvoir de dépenser. Cela fait partie de l'histoire du Canada. C'est un élément qui a joué un rôle clé dans la façon dont le gouvernement national s'est acquitté d'une obligation importante, c'est-à-dire de garantir une citoyenneté économique nationale clé. C'est un exercice constitutionnel légitime, qui relève du fédéral. Le gouvernement fédéral a commis une grave erreur quand il s'est éloigné de ce qu'il pouvait faire à ce sujet pour s'assurer, grâce aux conditions dont s'assortit ce pouvoir de dépenser, que le Canada dispose bel et bien de normes nationales selon lesquelles chacun des habitants du pays jouit d'un niveau de citoyenneté raisonnable.
    Ensuite, je crois aussi qu'il faut, quand on parle de la pauvreté — et plus encore quand on parle des façons d'y faire face par toute une série de propositions à volets multiples qui touchent toute une gamme d'enjeux stratégiques — être sensible aux personnes les plus vulnérables à la pauvreté et se demander plus particulièrement quels sont les groupes qui, au sein de la société canadienne, souffrent de la pauvreté de manière disproportionnée. Il faut parler des Autochtones, des femmes autochtones, des mères célibataires — en fait, des femmes. Mon travail porte sur les inégalités économiques pour les femmes, et je suis toujours contrariée de voir que les leaders n'osent pas prononcer le mot « femmes » quand ils parlent de la pauvreté. Il faut parler des personnes handicapées, des immigrants de fraîche date, des aînés et, bien sûr, des femmes aînées. On ne peut pas simplement exprimer toutes nos préoccupations sur la pauvreté en utilisant seulement la catégorie générale des « personnes » et, peut-être, des « enfants ».
    Je me préoccupe tout particulièrement du fait que l'on parle de la pauvreté comme d'un enjeu qui concerne seulement les enfants. Évidemment, c'est une préoccupation clé, et, évidemment, la pauvreté a des effets dévastateurs sur la vie des enfants et sur leur vie quand ils deviennent des adultes. Toutefois, si les enfants sont pauvres, c'est parce que les adultes avec lesquels ils vivent sont pauvres, et ces adultes sont souvent des mères seules, qui sont touchées par la pauvreté de façon disproportionnée. Dans notre province en particulier, nous faisons figure de chef de file, si on peut s'exprimer ainsi, en ce qui concerne la pauvreté au sein d'un certain nombre de groupes, et plus particulièrement chez les mères seules. Je crois que, selon les dernières données que j'ai vues, le taux de pauvreté est de près de 50 p. 100 pour ce groupe.
(1330)
    Ce serait donc la deuxième chose que j'aimerais souligner concernant la sensibilité aux groupes les plus vulnérables: il faudrait nommer ces groupes et élaborer des programmes adaptés à ces groupes et qui tiennent compte des conditions et des raisons pour lesquelles ces groupes sont particulièrement touchés par la pauvreté.
    La troisième chose que j'aimerais mentionner au sujet de l'élaboration de la stratégie, c'est l'importance des mesures de reddition de comptes. De nombreux plans bien intentionnés dérapent en cours de route parce que personne ne fait un suivi afin de s'assurer qu'ils s'acquittent de leurs obligations.
    Je sais que le débat en cours concerne plus particulièrement le projet de loi sur la stratégie de logement que le Parlement étudie actuellement, mais c'est une remarque qui est certainement pertinente pour toute stratégie gouvernementale de lutte contre la pauvreté, et son importance vous a été signalée par un certain nombre d'organismes créés par des traités des Nations Unies. Au fil des ans, ces organismes ont constaté — avec une consternation plutôt marquée, je dirais — que le Canada était incapable de s'acquitter de ses obligations en matière de droit de la personne à l'échelle internationale, plus particulièrement dans le secteur des droits sociaux et économiques. Ces organismes ont souligné avec insistance l'importance des mesures de reddition de comptes.
    Pour conclure, je dirais que cette préoccupation mérite, je crois, deux sous-commentaires.
    D'abord, les objectifs et les délais sont importants. Il faut établir des indicateurs réfléchis qui permettent de mesurer la portée, l'ampleur, la durée et l'incidence, par exemple, de la pauvreté. Il faut des indicateurs qui sont générés ou adoptés de façon officielle et qui permettent d'effectuer un suivi de la pauvreté dans divers secteurs, de même qu'au fil du temps. Il faut aussi fixer des objectifs.
    Je dirais qu'il faut un calendrier qui trace une trajectoire. De cette façon, on peut effectuer un suivi et rendre des comptes à propos des progrès réalisés en fonction du calendrier. Si on ne fixe pas, tout simplement, un but après un certain nombre d'années et qu'on n'effectue pas de suivi au fil du temps concernant ce but, on se retrouve là où on en est actuellement par rapport à la campagne de 2000 et on se dit, au bout du compte: « Mon Dieu, nous nous sommes vraiment perdus en cours de route ». Si on a une trajectoire qui inclut des objectifs intérimaires et qu'on s'oblige à rendre des comptes à ce sujet, on peut savoir rapidement si on s'éloigne du but visé. C'est un aspect important.
    Ensuite, pour que ces objectifs et ces calendriers aient un sens, et pour qu'ils inspirent de la confiance au grand public, il doit exister des mécanismes qui font que le gouvernement a la responsabilité de respecter ce type d'engagements clairs, qui prennent la forme d'objectifs et de calendriers.
    Nous avons accès à toute une gamme de structures de reddition de comptes. Je vais en mentionner quelques-unes. On peut, par exemple, présenter au Parlement un rapport d'étape annuel, qui fait l'objet de discussions avec le grand public, et qui permet à tout le monde de savoir ce qui est fait d'année en année.
    Il y a aussi la possibilité de former un comité parlementaire permanent qui fait un suivi des progrès, qui surveille le plan, qui guide son évolution et qui tient des consultations publiques — c'est important — avec des partenaires publics et la société civile. Le comité permanent doit aussi absolument produire des rapports ou des recommandations, qui sont déposés au Parlement et qui sont aussi de nature publique et transparente.
    On peut aussi mettre sur pied un organisme consultatif public. Il peut s'agir d'un organisme nommé et financé par le gouvernement, et qui représente une large gamme de groupes de la société civile qui s'occupent précisément de la pauvreté, comme des groupes d'experts qui s'occupent d'un objectif en particulier ou qui peuvent établir les éléments d'une stratégie de réduction de la pauvreté, et il faut absolument que des personnes qui ont un faible revenu participent à tout cela.
    On peut aussi avoir recours, comme on le fait dans certains secteurs de compétence, à un bureau de recherche ou un conseil de recherche indépendant financé par le gouvernement, comme le Conseil national du bien-être social, peut-être, qui produirait et, encore une fois, rendrait public — cela est très important — des rapports d'étape annuels, des évaluations faites à des moments précis, de même que des études et des recherches sur l'égalité économique et sociale. Un tel organisme pourrait aussi effectuer une surveillance, du point de vue externe de spécialistes, des progrès réalisés par le gouvernement en ce qui concerne les objectifs fixés.
    Il existe aussi des mécanismes quasi judiciaires. On peut, par exemple, intégrer à la législation fédérale sur les droits de la personne des éléments comme les conditions sociales et économiques, ou prévoir un droit au logement et un droit à un niveau de vie adéquat dans la législation fédérale sur les droits de la personne, ou par quelque autre moyen qui peut relever du fédéral de façon cohérente et uniforme.
    Il existe toute une gamme de caractéristiques que devrait posséder une stratégie de réduction de la pauvreté qui ferait en sorte que le gouvernement devrait respecter ses engagements, que le grand public se sentirait en confiance, et qu'il y aurait reddition de comptes et transparence à propos de ces engagements.
    Je vais m'arrêter ici. Merci.
(1335)
    Merci, madame Young.
    Nous allons maintenant passer, comme nous le faisons habituellement, aux questions des députés.
    Monsieur Savage, vous avez la parole pour sept minutes. Allez-y.
    Nous avons entendu des exposés très intéressants, et ils suscitent de nombreuses réflexions.
    Madame Young, d'abord. Vous avez mentionné que vous avez fait des travaux sur les Nations Unies, sur la façon dont elles effectuent une surveillance de la pauvreté et sur les recommandations qu'elles formulent au sujet des droits de la personne. Vous avez aussi mentionné plus précisément — à juste titre, à mon avis, que bon nombre des tâches à accomplir relèvent du fédéral.
    Vous devez être au courant de l'examen périodique qu'ont fait les Nations Unies du Canada en juin et dans lequel elles recommandent que le Canada adopte une stratégie antipauvreté, recommandation qui n'a pas été acceptée par le gouvernement puisque celui-ci affirme que cela relève en fait des provinces et des territoires.
    Je suppose donc que vous estimez que le gouvernement a tort à ce sujet.
    À mon avis, c'est tout simplement faux et ça fait partie des déclarations vagues et des tours de passe-passe auxquels notre gouvernement s'adonne sur les tribunes internationales depuis quelques années. C'est là une des difficultés qu'éprouvent ces organismes de suivi des traités internationaux qui ont affaire au Canada: quel que soit l'ordre de gouvernement auquel vous vous adressez, c'est toujours la faute de l'autre. Il y a au sein de l'État fédéral canadien un jeu complexe qui se déroule et qui consiste à jeter la pierre à l'autre ordre de gouvernement.
    À mes yeux, il est très évident que le gouvernement peut adopter de nombreuses mesures, et les représentants des pays siégeant au comité des droits de la personne qui ont réalisé l'examen périodique universel du Canada ne sont pas des idiots. Ils ont reçu des mémoires de divers groupes canadiens experts de la structure constitutionnelle. De fait, j'ai fait partie moi-même d'une coalition de groupes qui s'est manifestée à cet égard.
    Il y a des questions qui sont clairement de compétence fédérale, par exemple le logement. Se donner une stratégie en matière de logement sont au nombres des recommandations que le gouvernement du Canada a acceptées parmi celles de l'examen périodique universel, et l'affaire est en marche. L'assurance-emploi, la sécurité de la vieillesse, la structure fiscale — il y a à propos de la structure fiscale toutes sortes de propositions qui auraient pour effet de réduire les inégalités de revenus et de réduire de manière importante la pauvreté au Canada. Les paiements de transfert assortis de conditions constituent un usage bien établi, mais dans une moindre mesure sous les administrations qui ont marqué l'histoire récente du fédéralisme canadien. La prestation fiscale canadienne pour enfants, de fait, a permis de réduire sensiblement le taux de pauvreté au sein de certains groupes, mais elle pourrait être beaucoup plus utile.
    À propos de l'ONU, il y a plusieurs dossiers où le Canada n'assume vraiment pas les obligations internationales qui lui reviennent dans le cadre de l'ONU, à mon avis. Il y a la Déclaration sur les droits des peuples autochtones; l'adoption des droits des personnes handicapées, mais sans ratification. Il y a de nombreux domaines où nous n'avons pas encore touché au but, semble-t-il.
(1340)
    Je dois dire que c'est extrêmement embarrassant pour le Canada sur la scène internationale et dans les coulisses aux Nations Unies. Jadis défenseurs des droits de la personne, nous sommes devenus une sorte de délinquant du domaine des droits de la personne sur la scène internationale, devant les organes des Nations Unies appelées à se pencher sur notre bilan en la matière.
    Je travaille depuis plus de 15 ans dans ce domaine, à préparer des mémoires et à me rendre à l'occasion à Genève et à New York à témoigner devant les organismes de suivi des traités des Nations Unies qui examinent la mesure dans laquelle le Canada honore des obligations qui lui reviennent selon la convention sur les femmes, le CEDAW, le pacte relatif aux droits économiques et sociaux, et le pacte relatif aux droits civils et politiques. Chacun des comités en question est atterré de constater, tout d'abord, nos taux de pauvreté, et tout simplement atterré de constater que, dans un des neuf pays les plus riches du monde, il y a une pauvreté de cette ampleur au sein de groupes vulnérables particuliers. Ils sont atterrés de constater que le gouvernement fédéral a cessé de fournir les assurances aux gens par le truchement de son pouvoir de dépenser ou au moyen de l'assurance-emploi.
    J'étais au CEDAW il y a deux sessions de cela lorsque la question des modifications de la Loi sur l'assurance-emploi a été posée. J'ai entendu le représentant du gouvernement affirmer qu'il n'y a pas eu d'analyse différenciée selon les sexes et que, oui, étant donné les modifications qui figurent toujours dans la loi, les femmes avaient moins accès à l'assurance-emploi.
    À mon avis, on ne se trompe pas en disant que, chaque fois que le Canada se présente devant un organisme de suivi des traités internationaux en matière de droits de la personne, il est d'abord et avant tout question du fait qu'il n'assume pas ses obligations en la matière, particulièrement dans le domaine des droits sociaux et économiques, ce dont nous parlons ici.
    Merci.
    Vous avez mentionné Wilkinson et Pickett. Richard Wilkinson a déclaré — je crois que ça résume bien une grande partie de la question — les rapports sociaux reposent sur des fondements matériels. Voilà qui dit tout. Qu'il soit question d'inclusion sociale ou d'exclusion sociale, cela dit tout. Qu'il y ait des gens en ce moment au Canada qui souffrent parce qu'ils ne disposent pas des ressources nécessaires pour s'en tirer, qu'ils ne jouissent pas des mêmes possibilités, cela a un effet sur tout. C'était un merveilleux analyste de la santé des populations, Wilkinson; et c'est de cela que nous parlons, n'est-ce pas?
    Oui, c'est cela. C'est de cela que nous parlons. À mon avis, le livre qu'il cosigne avec Pickett représente une accumulation phénoménale de recherches et de données — qui évoquent si merveilleusement le lien entre la santé de notre société, pour chacun d'entre nous, et les inégalités économiques. Nous savons bien ce qui se produit chez les personnes pauvres, comme en font foi toutes sortes d'indicateurs du mieux-être personnel. La thèse que défendent les auteurs — de façon très convaincante, à mon avis — c'est qu'il s'agit d'un mal qui monte dans l'échelle sociale, pour ainsi dire.
    Cela nous touche tous.
    Dans une société comme celle du Canada, il est dans l'intérêt des nantis de réduire l'inégalité: l'amélioration se notera également de leur côté, à preuve les indicateurs sociaux.
    Assurément.
    Je voulais juste poser une question rapidement à M. Restakis. Je suis originaire de la Nouvelle-Écosse, terre natale de Moses Coady et de Jimmy Tompkins. Vous parlez du mouvement coopératif, dont ils étaient des figures de proue au pays. L'institut Coady en fait encore beaucoup dans ce domaine, bien entendu, à l'échelle nationale et internationale.
    À Winnipeg, il y a quelques semaines, j'ai eu l'occasion de collaborer avec des gens travaillant au développement économique communautaire, par exemple la Coopérative de crédit d'Assiniboine, qui prend en charge un travail qui n'intéresse tout simplement pas les banques. Il me semble que l'économie sociale et le travail dont vous parlez, pour l'exécution des services, sont des éléments extrêmement importants de la lutte contre la pauvreté.
    Ils le sont. En partie, il s'agit de donner de l'ampleur au rôle que l'économie sociale est appelée à jouer et aux instruments qui lui permettront d'agir plus énergiquement dans les dossiers relevant de la lutte contre la pauvreté: inclusion sociale, bien-être social et ainsi de suite.
    Ce qui s'est produit au Canada et, certes, en Amérique du Nord, selon moi, c'est qu'il y a eu le paradigme traditionnel où il y a l'État d'un côté, et le secteur privé de l'autre, et voilà les deux piliers de notre économie. Eh bien, c'est inexact. Il y a aussi une vaste économie sociale qui a cours et qui permet non seulement de mieux encaisser les coûts, mais aussi de cultiver le genre de relations sociales et économiques qu'il faut pour régler bon nombre de ces problèmes.
    L'ennui, c'est que les pouvoirs publics ont réduit leur apport au développement économique et à l'exécution des services, de la santé au logement. La stratégie a consisté à se délester de responsabilités de cette nature ou à les confier au secteur privé, dont le mode de fonctionnement et le choix des services à offrir répondent à une logique tout à fait différente.
    L'économie sociale est un secteur qui défend toutes sortes de valeurs publiques et sociales existant aussi dans le secteur public. Je crois que le gouvernement doit comprendre qu'il peut trouver dans l'économie sociale un allié en rapport avec la question des coûts, la qualité des soins sociaux et l'accès à une panoplie de services sociaux. Il s'agit simplement de saisir le fait que les organismes de l'économie sociale possèdent le savoir-faire et l'expérience nécessaires pour prendre en charge une bonne partie de ce travail, mais qu'ils ne disposent pas des ressources voulues pour le faire. Je crois qu'il faut établir une forme nouvelle de partenariat qui reconnaît le rôle capital que l'économie sociale peut jouer dans des dossiers comme ceux de l'inclusion sociale, de la formation, de la création d'emplois et ainsi de suite, en réévaluant l'importance de l'économie sociale dans la structure générale de l'économie canadienne.
    C'était simplement une façon détournée pour moi de dire que l'économie sociale peut présenter une efficacité et une puissance d'action nettement plus grandes, qu'elle peut jouer un rôle relativement égal à celui des autres dans des dossiers comme la création d'emplois et l'exécution des services, tout comme l'État le fait, d'une part, et le secteur privé le fait, d'autre part, mais différemment.
(1345)
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Monsieur Martin, vous disposez de sept minutes.
    C'est beaucoup d'information précieuse qui nous est donnée ici. Nous arrivons à la fin de nos travaux sur le sujet, et nous devons préparer un rapport qui sera présenté au gouvernement. Espérons qu'il y donnera suite et qu'il adoptera des mesures utiles aux gens et aux collectivités de tout le pays.
    J'essaie d'en arriver à savoir quels sont les principes qui devraient ou qui pourraient figurer dans un tel rapport, et il y a trois choses auxquelles j'ai commencé à réfléchir, soit la sécurité du revenu, le logement et l'inclusion sociale. Si imparfait que ce soit du point de vue des personnes âgées, grâce au Régime de pensions du Canada, à la Sécurité de la vieillesse et au Supplément de revenu garanti, nous avons réussi à mettre en place un programme gouvernemental d'envergure que chacun devrait pouvoir utiliser et qui se révélera utile, même s'il doit être amélioré. Nous nous sommes engagés à doubler les prestations du RPC et à accroître sensiblement le montant du SRG. Je crois que nous en aurions les moyens et que c'est ce que nous devrions faire. Cela aurait pour effet d'aider toutes sortes de gens qui sont très à risque et très vulnérables, surtout avec ce qui s'est passé du côté des régimes de retraite et des REER, par exemple, durant la récession.
    John et Margot, vous avez parlé tous les deux de responsabilisation et de cibles et de délais. Aux côtés d'autres personnes, je fais valoir que nous avons mis 15 années à discuter de la façon de définir la pauvreté, mais sans agir pour essayer de régler le problème, étant donné que nous n'arrivons pas à décider de quoi il a l'air. Puis, nous évoquons l'idée de réduire le taux de pauvreté de 25 p. 100 en cinq ans, et d'en arriver à 50 p. 100. La question qui me vient toujours à l'esprit est la suivante: et les 75 p. 100, ou 50 p. 100, qui restent? Qu'advient-il si le gouvernement n'atteint pas la cible, que la réduction représente non pas 25 p. 100, mais seulement 18 p. 100? À ce moment-là, il y a beaucoup plus de gens qu'il nous faut... avec l'inégalité qui s'ensuit.
    Ne devrions-nous pas envisager des mesures que nous pourrons mettre en place en tant que gouvernement fédéral, vu la responsabilité qui est la nôtre, pour relever tout le monde dès maintenant — non pas dans dix ans, mais dès maintenant?
    Nous pouvons parler de ce que les deux personnes en question ont dit, mais permettez-moi de vous dire que les délais seraient très longs. Ce qui peut se faire, à mon avis, c'est mettre suffisamment d'argent entre les mains des gens, de façon à élever leur qualité de vie et faire que la vie soit plus facile à supporter pour eux. Il n'y a pas de problème avec les provinces. Les provinces ne s'opposent pas à la majoration du SRG et de la SV. Cela relève exclusivement de la compétence fédérale.
    À propos de la convention internationale et de la lutte contre la pauvreté, combien de ces pactes le Canada a-t-il même ratifiés? Le Canada affirme que c'est du ressort des provinces.
    Essentiellement, je vais valoir que vous pouvez agir et faire quelque chose de très positif. Vous dites toujours: « Eh bien, nous devrions nous pencher sur la définition de la pauvreté. » La définition de la pauvreté est quand même très simple: les gens ne disposent pas de ressources suffisantes pour bien vivre. La seule chose que nous avons tendance à dire, c'est que, si nous leur donnons l'argent, ils vont aller le boire ou je ne sais quoi encore. C'est le genre de réponse toute faite que vous donneront certaines personnes. Essentiellement, je dis: voyons ce qui se passe si on leur donne suffisamment d'argent.
    En règle générale, nous savons que, là où les revenus augmentent de façon générale, les gens en question vivent mieux. Il y a une relation, des liens sociaux qui se nouent. Quel est le rapport entre les liens sociaux et le revenu? C'est le revenu. Quel est le lien avec la question du logement? C'est le revenu. Quel est le lien avec la santé? C'est le revenu.
    Agissez donc dans les domaines où vous pouvez agir. Cela veut dire accroître le SRG, la SV, et, à long terme, pour éradiquer la pauvreté un jour, doubler la mise du côté du Régime de pensions du Canada.
(1350)
    À mon avis, c'est beaucoup plus complexe que cela; il ne suffit pas de dire qu'on adopte telle mesure puis le tour est joué: on met simplement plus d'argent dans les poches de tout le monde, et les problèmes découlant de la pauvreté disparaissent.
    Fait important, mettre plus d'argent dans les poches d'une personne à faible revenu représente un élément de solution, mais ce n'est pas le seul élément de l'ensemble, à mon avis. Par exemple, nous courons le risque de dire que c'est un revenu garanti qu'il nous faut, que nous allons nous assurer que, de façon universelle, chacun dispose d'un certain niveau de revenu.
    Nous courons là quelques risques. Premièrement, il y a le problème des maigres revenus évoqué par les analystes. Quel est le montant de revenu garanti qui serait pratique et réalisable sur le plan politique? Je gagerais: quel que soit le niveau politiquement faisable sur lequel nous nous entendons, il y aura encore un nombre important de personnes en grande difficulté.
    Ensuite, pour certains groupes particuliers de Canadiens, ce n'est pas simplement plus d'argent qu'il faut. Les gens ont besoin de plus d'argent, mais les femmes, par exemple, ont besoin d'un programme national de garde d'enfants. Vous ne lutterez pas adéquatement contre les inégalités économiques que subissent les femmes tant qu'il n'y aura pas de services de garde abordables et de qualité qui soient accessibles partout au pays. Je crois que c'est clair. Toute stratégie visant à réduire la part disproportionnée de pauvreté que vivent les femmes doit tenir compte des revenus inégaux liés au travail attribuables au fait que les femmes assument dans une part disproportionnée les responsabilités de garde des enfants. De même, des mesures relatives à la garde d'enfants doivent être un élément de la solution.
    Nous n'allons pas nous attaquer aux inégalités touchant les femmes sans modifier certaines stratégies d'emploi qui font que les femmes comptent pour une part disproportionnée des travailleurs précarisés. Un revenu garanti au montant que nous pourrions nous permettre ne réglera pas ce problème-là.
    Il y a un danger réel dans le fait de dire: nous allons opter simplement pour un paiement national à l'intention de tous, sans reconnaître qu'il y a d'autres problèmes à régler. Certains groupes ont des besoins très précis. Si vous êtes malade, un revenu garanti ne suffit pas à se procurer des soins de santé adéquats sur le marché. D'aucune façon. Il nous faut une politique de soins efficace dans tout le pays. Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer à cet égard, par l'imposition de normes nationales rattachées aux sommes d'argent consenties. Cela est clair. Cela fait partie de la tradition canadienne.
    Ça ne suffit pas pour répondre aux besoins en matière d'éducation des personnes à faible revenu, même avec le genre de revenu garanti qu'il serait possible d'adopter politiquement. Nous devons financer les études postsecondaires. Nous devons nous donner une politique sur les frais de scolarité.
    Certaines de ces questions sont évidemment de compétence provinciale, mais je dis cela seulement pour souligner qu'il existe des besoins précis que nous n'allons pas régler en transformant simplement tout le monde en citoyens du marché et en remettant à chacun un peu plus d'argent. Et ce ne sera qu'un peu plus d'argent; je gagerais que c'est tout ce qui sera politiquement faisable à une époque comme la nôtre, un petit peu d'argent de plus dans les poches des gens, sur le marché.
    Ce doit être une politique multidimensionnelle qui tient compte des besoins spéciaux des groupes les plus aptes à être pauvres au Canada et qui met à profit l'effet de levier que le gouvernement fédéral peut exercer pour modifier les politiques provinciales d'importance aussi. Il faut repenser quelque peu à l'imposition de normes nationales, là où le gouvernement fédéral assume en partie les coûts de la sécurité du revenu dans le cadre de programmes provinciaux. Nous devons recommencer à associer des normes nationales aux sommes d'argent qui sont versées aux gouvernements provinciaux pour qu'ils puissent appliquer leur régime d'assistance sociale. C'est une façon de mettre un peu plus d'argent dans les poches des plus pauvres de notre société, mais la façon d'y arriver consiste non pas seulement à majorer les taux de prestation de l'assistance sociale, ce qu'il faut clairement faire, mais aussi en nous assurant que les régimes provinciaux d'assistance sociale couvrent toutes les personnes dans le besoin et qu'il n'y a pas d'abandon après cinq ans ni de critère d'admissibilité ultra complexe et ainsi de suite.
    La possibilité que nous nous lancions dans cette voie-là m'inquiète, mais pas parce que le revenu garanti ou quelque prestation universelle représentent pour moi une idée qui est forcément mauvaise, dans la mesure où elle est conjuguée à d'autres modifications de programme. Ce qui me préoccupe, c'est que nous en venions à penser que c'est tout ce qu'il faut faire, puis, l'ayant fait, que nous nous disions que c'était là ce qui était faisable sur le plan politique, le montant d'argent que nous pouvons remettre à tous. Il y aura encore après cela une part importante d'inégalité, de pauvreté et d'exclusion sociale.
(1355)
    Merci, monsieur Martin.
    Nous allons maintenant écouter Mme Cadman, pour un dernier tour de sept minutes.
    Si le gouvernement fédéral adopte une stratégie nationale de réduction de la pauvreté, croyez-vous que l'analyse différenciée selon les sexes devrait figurer parmi les instruments employés pour élaborer une telle stratégie?
    Certainement. Nous nous sommes engagés sur la scène internationale à appliquer une analyse sexospécifique à tout projet d'élaboration de politique. C'est d'ailleurs souvent une condition rattachée à l'aide internationale accordée par le Canada à d'autres pays; par contre, nous, nous avons un dossier misérable à cet égard ici même au pays.
    Je ne l'ai pas dit expressément, mais je voulais dire, pour résumer la question, qu'il faut concevoir une stratégie en songeant aux groupes les plus vulnérables à la pauvreté et, en particulier aux femmes. Nous devons nous assurer du fait que notre stratégie tient compte de la situation des femmes. À mes yeux, un programme de garde d'enfants constitue un élément clé d'une stratégie visant à réduire la pauvreté chez les femmes. Si nous sommes sensibles aux besoins des femmes, nous consultons des groupes qui représentent les femmes et qui se soucient de l'égalité des femmes avec les hommes, et nous concevons certainement la stratégie en songeant aux besoins et aux préoccupations des femmes. Je dirais la même chose des Autochtones et des personnes handicapées.
    Au Canada, nous faisons valoir depuis si longtemps l'importance d'une analyse sexospécifique — ne pas s'y adonner nous-mêmes... ça me semble un point évident à soulever et ce devrait être un engagement clair quant à la conception de la stratégie.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Je tiens à remercier nos témoins d'avoir pris...
    Puis-je dire quelque chose rapidement?
    Bien sûr, rapidement.
    Je crois que les témoins membres de ce groupe nous ont montré — et nous devrions en tenir compte —, peut-être dois-je m'adresser aux attachés de recherche, que M. Kube a tout à fait raison. Il y a des choses qui peuvent se faire tout de suite, d'autres qui s'envisagent à moyen terme et d'autres encore, à long terme.
    Dans le rapport, j'espère que nous allons formuler tout de suite des recommandations touchant le SRG, peut-être, ou encore la prestation fiscale pour enfants ou la prestation fiscale pour enfants incluant une prestation universelle pour la garde d'enfants. C'est peut-être à moyen terme dans le cas de la garde d'enfants, à long terme dans d'autres cas, mais je crois que ce sont là de bons points à soulever. Ils ne s'excluent pas les uns les autres; en fait, ils s'imbriquent bien. Il faut seulement dire que certains peuvent être adoptés à court terme.
    Merci.
    Monsieur le président, si vous me permettez de souligner une dernière chose, je veux souligner clairement que je parle au nom des personnes âgées ici.
    Il ne nous reste pas beaucoup d'années à vivre. Il faut répondre aux besoins qui existent dès maintenant. Il est peut-être nécessaire de mettre au point une politique globale de garde d'enfants et ainsi de suite, pour la population dans son ensemble, mais il faut répondre aux besoins qui existent dès maintenant, c'est urgent.
    J'affirme encore que l'inclusion sociale, la santé et bien d'autres choses... Je n'affirme aucunement que nous devrions abolir ces choses-là, mais le système de santé n'est pas parfait. Les personnes âgées ont besoin de médicaments et d'autres choses qui ne sont pas prévues. Et il leur faut l'argent pour acheter ces choses-là.
    Ce que je propose entre donc uniquement dans le champ d'action du gouvernement fédéral; les provinces ou quelque autre administration ne vont pas forcément s'y opposer, et c'est utile pour les personnes âgées dès maintenant.
    Merci.
    Avez-vous quelque chose à dire, rapidement?
    J'allais dire quelque chose d'évident, que c'est si complexe et qu'il n'y a pas une solution unique au problème, mais je ne le ferai pas.
    D'accord. Merci beaucoup, madame Young.
    Encore une fois, merci beaucoup aux témoins d'avoir pris le temps de venir comparaître.
    Sur cela, nous allons suspendre la réunion le temps qu'un nouveau groupe de témoins s'installe.

(1405)
    Nous allons maintenant écouter d'autres témoins.
    Je tiens à vous remercier tous d'être là aujourd'hui et d'avoir pris le temps de venir nous parler, dans le cadre de l'étude sur la pauvreté que nous effectuons ici. Nous sommes allés sur la côte est, et maintenant, nous sommes heureux d'être dans l'ouest. Nous avons déjà eu droit à des propos très intéressants ce matin; nous avons hâte d'en entendre encore.
    Je commencerai par Mme Stannard, à ma droite.
    Vous pouvez parler pendant sept minutes, puis ce sera à quelqu'un de l'autre côté de la pièce. Ensuite, nous essaierons d'organiser un tour de questions de la part des députés.
    Madame Stannard.
    Merci beaucoup de nous avoir invités.
    Je veux que vous sachiez que la Citywide Housing Coalition est un organisme bénévole et que, malheureusement, avec seulement cinq jours de préavis, nous n'avons pu préparer un mémoire en bonne et due forme avec les sources et les références. Je me fonderai en grande partie sur mes observations en présentant mon exposé aujourd'hui, en présumant que vous comprenez, au point où nous en sommes, le lien circulaire qui existe entre la pauvreté et l'itinérance.
    Nous reconnaissons que la pauvreté accrue qu'il y a au Canada tient à de nombreux faits. Les modifications du régime d'assurance-emploi et l'annulation du régime d'assistance publique du Canada, pour en nommer deux, ont réduit sensiblement les revenus des personnes les plus pauvres de notre pays. Comme nous disposons seulement de sept minutes, nous avons décidé de nous attacher à un aspect du plan fédéral de réduction de la pauvreté: le rôle du gouvernement fédéral pour ce qui est de fournir des logements abordables.
    Pendant que vous êtes à Vancouver, j'espère que vous allez avoir le temps de visiter le vrai Vancouver, le Vancouver que les Olympiques de 2010 ne pourront éviter, où il y a des milliers de personnes qui, toutes les nuits, dorment dans la rue, non seulement dans le downtown east side, mais aussi dans chaque quartier de chaque secteur de la ville et dans chaque municipalité avoisinante.
    Les deux causes principales de l'explosion d'itinérance à Vancouver sont l'essor de l'industrie des condominiums et l'abandon de toute forme permanente de programme national de construction de logements sociaux. Les profits relativement plus élevés que procure la construction de condominiums a non seulement mis fin à la construction d'immeubles locatifs, mais a aussi entraîné la démolition ou la conversion de milliers d'unités d'habitation locatives, particulièrement les maisons de chambres et les hôtels de résidence, dernier refuge des plus pauvres parmi les gens.
    En 1992 et 1993, au faîte du boom de construction de condominiums à Vancouver, deux administrations fédérales successives ont mis fin à nos programmes nationaux de construction de logements sociaux. Aujourd'hui, il est devenu clair que ces décisions-là ont eu pour effet non pas des économies, mais plutôt l'attribution de milliards de dollars de l'argent des contribuables à la lutte contre l'itinérance, qui, bien entendu, est la conséquence d'une offre de logements abordables inadéquate.
    Il est estimé que 80 p. 100 des itinérants de Vancouver souffrent d'une maladie mentale. Nombre de personnes mettent le problème sur le dos de la politique de désinstitutionnalisation qui a été appliquée et exigent la réouverture totale de Riverview, notre établissement psychiatrique régional. Cependant, si 80 p. 100 des itinérants peuvent avoir une maladie mentale, très peu d'entre eux ont déjà séjourné à Riverview. Comme le stress lié à l'itinérance déclenche la maladie mentale chez de nombreuses personnes, nous créons de la maladie mentale, de fait, en appliquant nos politiques sociales. L'itinérance n'est pas que le chemin qui mène à la maladie mentale et à la toxicomanie. L'itinérance, ou le fait d'être à risque de devenir itinérant — votre logement est peu sécuritaire, insalubre, éphémère, vous y vivez entassé, ou encore il est peu abordable, sinon tout cela est vrai —, voilà la cause directe de toute une série de problèmes sociaux coûteux et durables qui viennent exacerber les effets de la pauvreté.
    L'idée d'une ville, c'est de fournir aux gens un endroit où vivre et travailler. L'abandon des programmes fédéraux de logements à caractère permanent a nui à notre capacité de planifier le développement de nos villes et de créer des quartiers économiquement mixtes. Avant 1993, il y avait à Vancouver une industrie de construction de logements sociaux. Il y avait des architectes, des promoteurs et des entrepreneurs locaux dont l'expertise engendrait des perspectives d'emploi locales, et il y avait un arrérage de propositions de projets de logements sociaux. C'étaient de véritables partenariats public-privé qui ont débouché sur l'aménagement de bâtiments et de collectivités primés à l'échelle internationale. Lorsque l'appel de propositions annuel a pris fin, nous avons perdu les experts en question, les projets en attente d'une approbation, les maisons elles-mêmes et les emplois locaux, de même que notre capacité de planifier des collectivités inclusives.
    Récemment, le projet de loi C-304, qui vise à créer une stratégie nationale en matière de logements, a été adopté en deuxième lecture à la Chambre des communes. C'est une mesure extrêmement importante dans la lutte contre l'itinérance. À la Citywide Housing Coalition, nous appuyons vivement le projet de loi sous sa forme actuelle, mais nous savons qu'une stratégie nationale en matière de logement se révélera inutile si les pouvoirs publics ne s'engagent pas à financer par ailleurs un programme permanent de construction de logements sociaux. Aux côtés de nombreux groupes du domaine du logement et des services sociaux au Canada, Citywide Housing Coalition manifeste son appui à la solution dite de 1 p. 100, c'est-à-dire qu'un 1 p. 100 du budget annuel fédéral soit consacré à la construction de logements sociaux permanents.
(1410)
    Nous avons quelques mises en garde à faire.
    Premièrement, la solution de 1 p. 100 ne vaut que si nous ne sommes pas déjà en crise.
    Notre gouvernement pourrait faire valoir qu'il consacre déjà 1 p. 100 du budget au logement. Il pourrait citer toutes sortes de mesures à cet égard, depuis les subventions pour la rénovation domiciliaire jusqu'aux subventions de recherche dans le domaine. Nous avons appris à choisir nos mots avec beaucoup de soin, et c'est pourquoi nous disons que 1 p. 100 du budget fédéral doit être consacré annuellement à la construction de logements permanents abordables du point de vue des gens qui touchent les revenus les moins élevés.
    En plus du 1 p. 100 du budget en question, le gouvernement fédéral doit débloquer d'autres fonds pour s'attaquer à la crise immédiate de l'itinérance, financer des programmes de traitement et de logement subventionnés, et en particulier, la crise de l'itinérance chez les Autochtones. À Vancouver, les Autochtones représentent 2 p. 100 de la population générale, mais ils comptent pour 32 p. 100 de la population itinérante.
    Selon l'architecte et philanthrope canadienne Phyllis Lambert, le logement social représente l'architecture des possibilités. Elle entend par là que le logement abordable sert de base d'où la personne peut commencer à prospérer et échapper à la pauvreté.
    Une stratégie nationale en matière de logement et le financement adéquat d'un programme national permanent de construction de logements sociaux constituent littéralement et symboliquement les poutres de soutien de tout plan de réduction de la pauvreté au Canada.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Stannard.
    Nous allons maintenant écouter Mme Hall.
    Bienvenue. Je crois que vous provenez de la St. Andrew's-Wesley United Church ou vous représentez le groupe d'action sur l'itinérance et la santé mentale.
    Merci d'être là, madame Hall. Vous avez la parole, pendant sept minutes.
    Merci de l'occasion que vous m'offrez de prendre la parole et de faire partie de cette démarche pancanadienne. Il importe de s'adonner à ce genre d'exercice.
    Le groupe d'action sur l'itinérance et la santé mentale exerce ses activités depuis St. Andrews, une très grande église qui se trouve un peu plus loin sur la rue, ici, à l'angle de Burrard et de Nelson. Nous avons décidé de jouer un rôle dans l'éducation du grand public, du monde des affaires, des dirigeants communautaires et des gouvernements à propos de l'itinérance et de la santé mentale. À cette fin-là, entre mai 2007 et aujourd'hui, nous avons organisé sept tribunes publiques. Nous avons invité des gens de Portland, qui avaient adopté une approche très efficace en vue de mettre fin à l'itinérance dans cette ville-là. Nous avons invité la Calgary Homelessness Foundation; de fait, nous avons organisé une réunion entre ses membres et ceux du nouveau conseil d'administration de la Streetohome Foundation, dont mon collègue vous parlera sous peu.
    Il y a moins longtemps de cela, nous avons organisé un concert en collaboration avec la First United, et les produits de nos campagnes de financement sont destinés pour une bonne part à la mission que l'on voit à l'angle Hastings et Main. Nous avons ramassé 22 000 $ à l'occasion d'un concert public. À la plupart de nos réunions, nous attirons entre 700 et 1 400 personnes, maximum que l'église peut renfermer. Je vous dis que nous avons suscité beaucoup d'intérêt de la part du public. De même, nous avons participé aux consultations budgétaires de la province et aux consultations de la Ville de Vancouver à propos de son plan en matière de logements sociaux. Voilà donc le genre de rôle que nous assumons au sein de la collectivité.
    Aujourd'hui, je vais traiter rapidement de la question de la santé mentale et fournir quelques statistiques qui révèlent pourquoi les gens aux prises avec une maladie grave ou la maladie mentale vivent ce qui est qualifié de pauvreté institutionnalisée — c'est-à-dire qu'ils ne peuvent tout simplement pas s'en sortir, faute d'argent. Ils ne peuvent occuper un emploi rémunérateur, et les prestations d'assistance sociale qu'ils touchent ne leur permettent pas de vivre dans un quartier autre que le downtown east side, où vivent la plupart des itinérants et malades mentaux de notre ville.
    Enfin, je voudrais parler pour terminer de la nécessité d'adopter une stratégie nationale en matière de logement, qui appuierait dans une certaine mesure ce que la Citywide Housing Coalition a présenté. Pour brosser à grands traits le tableau de la maladie mentale au pays, disons qu'un Canadien sur cinq souffrira d'un trouble mental pendant sa vie, mais que 2 p. 100 vivent avec une maladie que nous qualifions de grave et persistante. Cela comprend — et vous verrez cela dans les rues de Vancouver — les lésions cérébrales acquises, le syndrome d'alcoolisme foetal et l'autisme.
    Il est question des besoins d'une population très vulnérable. Comme ma collègue l'a mentionné, nous avons fermé les établissements sans arriver à édifier le système de traitement communautaire qui est si nécessaire.
    Selon des recherches effectuées à l'Université Simon Fraser, il y aurait 6 700 personnes dans la zone côtière de Vancouver — qui inclut Vancouver, Richmond, la North Shore, et jusqu'à la Sunshine Coast — qui souffrent à la fois de toxicomanie grave et de maladie mentale, et sont à risque de devenir des sans-abri. Tristement, 3 000 encore sont tout à fait sans abri et, encore une fois, ils souffrent d'une maladie mentale grave et peut-être, en même temps, de toxicomanie concomitante.
    Il existe un rapport assez complexe entre la maladie mentale et la pauvreté, et certaines personnes affirment que c'est un lien indirect, d'autres encore diront que c'est un lien direct, mais, d'après mon expérience à moi, c'est par dérive que la plupart des personnes atteintes d'une maladie mentale grave deviennent pauvres, simplement. Encore une fois, certains affirmeront qu'une maladie mentale grave est une forme de pauvreté institutionnalisée, étant donné que... Eh bien, j'arrive aux statistiques.
    Les prestations d'invalidité provinciales s'élèvent à 531 $ par mois, plus 375 $ pour le logement. Mais vous pouvez voir qu'un studio à Vancouver coûte en moyenne 880 $ environ. Les gens sont nombreux à consacrer leur allocation complète à se loger tout simplement, s'ils n'ont pas la chance de profiter d'un logement subventionné avec services ou d'une subvention locative dans le cadre du système de traitement.
    J'arrive d'une conférence sur la santé mentale tenue à l'Hôtel Vancouver, je veux donc reconnaître que le gouvernement fédéral a investi 110 millions de dollars dans la Commission de la santé mentale du Canada. Le projet en question touche cinq villes: Vancouver, Moncton, Winnipeg, Toronto et Montréal.
(1415)
    Je sais que les membres de la Commission travaillent très dur pour démontrer qu'il ne suffit pas d'avoir un endroit où se loger, et ils évaluent différents modèles de traitement. C'est un progrès, mais, ce que nous tenons à dire, c'est que, en même temps, il y a des milliers de personnes dans la région qui ont une maladie mentale et qui sont itinérantes, et leur situation va de mal en pis.
    Dernièrement, nous avons ouvert un centre de traitement à Burnaby: le Centre de santé mentale et de toxicomanie de Burnaby. Après un an, il y avait déjà une liste d'attente de 600 personnes. Nous avons donc un programme auquel peuvent participer tout au plus 100 personnes, et il y a déjà une liste de 600 personnes. Nombre de ces personnes, j'oserais dire, seront mortes avant d'avoir pu participer au programme, car elles sont atteintes de maladies concomitantes, comme l'hépatite, le VIH/sida et toutes sortes d'autres affections. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il y a un écart énorme en matière de traitement dans ce domaine.
    Ma collègue, Barbara, abordera la question de façon plus détaillée, mais, en mars 2008, nous estimions qu'il y avait 3 700 itinérants à Vancouver. La province a adopté une initiative très dynamique au chapitre du logement social, mais on n'aura construit que 1 100 logements supplémentaires d'ici la fin de l'année en cours. Il faut au moins 1 500 autres logements.
    Encore une fois, si le gouvernement se dotait d'une stratégie nationale en matière de logement qui accorderait la priorité aux logements avec services de soutien et également aux logements abordables... Car les personnes qui ont une maladie mentale peuvent se rétablir. Nous constatons qu'elles n'ont pas d'endroit où s'installer. Cela signifie qu'il n'y a plus de place dans les immeubles où les locataires reçoivent le plus de services.
    Je ne crois pas que j'ai à vous expliquer quels sont, à mon avis, les facteurs qui ont causé cette épidémie d'itinérance. Cette épidémie résulte non seulement de la fermeture des établissements ou des modifications apportées au régime d'assurance-emploi, mais également de l'éclatement des familles et d'autres situations semblables.
    Lorsque notre organisme aborde ce problème, il insiste sur le fait que la présence de toute cette pauvreté dans nos collectivités nous rabaisse tous. Elle nous diminue tous. Je considère les Canadiens comme de bonnes personnes. Nous rencontrons les gens à nos réunions publiques, et si, en une seule soirée, les gens sont prêts à donner 22 000 $ de leur poche au refuge qui se trouve au coin des rues Main et Hastings, nous devons redoubler d'efforts et nous débarrasser de ce fléau social.
    L'une des choses qui nous paraît maintenant évidente — et des travaux de recherche menés par l'Université Simon Fraser ont fait ressortir cet aspect —, c'est qu'il nous coûte plus cher de ne rien faire que d'offrir des logements avec services de soutien. Les coûts associés aux procédures de justice pénale, aux services de police, à l'assainissement urbain et au génie civil s'élèvent en moyenne à 55 000 $ par personne, alors qu'il coûterait 28 000 $ de fournir un logement avec services de soutien à une personne itinérante.
    Je tiens également à vous rappeler ce qui était recommandé dans le rapport du comité sénatorial, et je sais que les choses sont plus compliquées pour ce qui est du comité des affaires sociales. Je parle du rapport sur la santé mentale, intitulé De l'ombre à la lumière, qui a été produit par Mike Kirby et Wilbert Keon. Dans ce rapport, on recommande de construire 57 000 logements avec services de soutien pour les personnes itinérantes.
    Bien que je sois très enthousiaste au sujet de cette initiative visant à contrer l'itinérance, à Vancouver, par exemple, grâce à l'investissement du gouvernement fédéral, nous pouvons actuellement offrir pendant trois ans un logement à court terme à 300 personnes. Je veux seulement préciser clairement que les besoins en matière de logement pour ces personnes sont immenses.
    Remarquez, si on répartit 57 000 logements dans l'ensemble du Canada, notre part sera probablement bien inférieure. On a élaboré des approches créatives dans la région, et Barbara va sûrement vous en toucher un mot.
    Je crois qu'il nous faut une stratégie nationale en matière de logement, car ce n'est pas dans les valeurs canadiennes de laisser des gens dans la rue. Je tiens seulement à souligner cet aspect. Je ne connais personne qui croit que c'est une bonne idée de tolérer l'itinérance, et il nous en coûte plus cher de ne rien faire.
    Au cours de la séance précédente, je vous ai entendu parler d'inclusion sociale. En ce qui a trait à la stratégie nationale en matière de logement, je souhaiterais dire que, pour les personnes qui ont une maladie mentale grave, ce n'est pas suffisant d'avoir un endroit où se loger. Malheureusement, la politique actuelle à l'égard du logement social a encouragé la construction d'habitations collectives, ce qui correspond en fait à une forme de réinstitutionnalisation, mais à plus petite échelle. Ce type de mesures ne contribue pas à favoriser l'inclusion sociale.
(1420)
    En ce qui concerne le modèle d'habitations dispersées, l'ACSM à Ottawa a reçu du financement pour construire des copropriétés dans le cadre de la politique en matière de logement social. Les personnes qui ont une maladie mentale n'occuperont pas plus de 10 p. 100 des logements dans chacun des immeubles. Elles pourront assumer une part du coût de la copropriété grâce à leurs allocations d'invalidité, et elles pourront également retrouver leur dignité en s'intégrant à la collectivité. Lorsque la stigmatisation et la discrimination sont des préoccupations aussi importantes, nous devons éviter de mettre en place une nouvelle politique qui favorise la ghettoïsation de ces personnes, car cela donne lieu à des réactions du type « pas dans ma cour » et à ce genre de choses.
    En conclusion, nous serions ravis si le comité appuyait l'élaboration d'une politique nationale en matière de logement qui répondrait tout particulièrement aux besoins des personnes atteintes d'une maladie mentale grave, comme il est souligné dans le rapport du comité sénatorial.
    Je crois que le financement du gouvernement fédéral — si l'on reconnaît que ce sont les provinces qui fournissent les soins de santé — n'est pas suffisant, car il faut bien plus qu'un toit à ces personnes. Ces personnes ont besoin d'un soutien pour être en mesure de conserver leur logement. C'est tout un défi pour les gouvernements provinciaux. Il faut donc un logement avec des services de soutien, y compris des soins de santé mentale.
    Merci.
(1425)
    Je vous remercie, madame Hall.
    Madame Stannard, si vous voulez faire parvenir un mémoire au greffier, il fera en sorte de le transmettre à tous les membres du comité par la suite. De cette façon, il pourra figurer au compte rendu, même si vous êtes venue témoigner au pied levé.
    Madame Grantham, je vous remercie d'être ici. Vous représentez la Fondation Streetohome.
    Nous sommes impatients de vous entendre. Vous disposez de sept minutes.
    C'est parti.
    D'abord, je souhaite vous remercier.
    Ensuite, je tiens à dire que la dernière fois que j'ai témoigné devant un comité permanent, j'étais beaucoup plus jeune, et je n'avais pas besoin d'utiliser des lunettes de lecture. C'est beaucoup plus difficile maintenant; il est beaucoup plus difficile de lire ma feuille et de lever les yeux pour vous parler. Je tenais seulement à vous le dire.
    Je souhaite surtout vous remercier de me donner l'occasion de m'exprimer devant vous aujourd'hui au sujet du rôle du gouvernement fédéral dans la réduction de la pauvreté au pays. Au cours des sept prochaines minutes, je vous donnerai un aperçu du contexte qui prévaut à Vancouver, du rôle de la Fondation Streetohome dans la lutte contre la pauvreté et de certaines des solutions que nous tentons de trouver pour ce qui est du rôle du gouvernement fédéral à ce chapitre.
    Sans égard au nom de l'organisme que je représente, aujourd'hui, mes commentaires porteront sur la pauvreté et sur la réduction de la pauvreté dans le contexte ou sous l'angle de l'itinérance, car cela se rattache vraiment au rôle et au mandat de notre organisme. Je vais débuter par une métaphore très simple. Il s'agit de la métaphore de la météo, car, en plus d'être simple, elle est évocatrice de l'écart socioéconomique que l'on peut constater ici.
    Qu'on soit venu de l'autre bout du pays ou non, je crois qu'il est impossible ces jours-ci de se promener dans Vancouver sans être tout à fait conscient de l'approche imminente d'un événement d'envergure internationale. D'ailleurs, on peut s'en rendre compte probablement en 30 secondes, sitôt débarqué d'un avion à l'aéroport de Vancouver, lorsqu'on voit toute cette marchandise liée aux Jeux olympiques.
    Comme vous le savez tous, environ 12 rues à l'est d'ici se trouve ce qui est probablement le point le plus chaud de l'un des quartiers les plus démunis du pays. Ce matin, le temps était gris et orageux, et il pleuvait. Maintenant, pour des raisons que je ne peux même pas essayer d'expliquer et que j'attribuerais aux mystères des dieux et des déesses du temps, il fait beau.
    Je crois que cette métaphore est très utile pour nous aider à comprendre, comme je l'ai dit, l'énorme écart socioéconomique que nous constatons ici, car on peut voir des éclaircis et de l'optimisme, mais également des nuages très sombres qui se profilent à l'horizon.
    En ce qui a trait au contexte qui prévaut à Vancouver, j'aimerais aborder trois aspects. D'abord, je voudrais simplement mentionner quelques chiffres. Ensuite, je me pencherai sur le coût de l'itinérance. Enfin, je parlerai brièvement des populations qui sont touchées. Comme Laura et Nancy ont déjà abordé ces aspects, je ne ferai que des commentaires très brefs.
    Je crois qu'il est très important que nous comprenions -- je le répète, comme toutes deux l'ont fait — que, au chapitre de la lutte contre la pauvreté et du lien entre la pauvreté et l'itinérance, l'absence d'une stratégie nationale pour freiner l'augmentation rapide de l'itinérance constitue un échec, en partie du moins, parce que le gouvernement fédéral ne s'est pas doté d'une stratégie complète pour combattre la pauvreté dans le pays.
    La pauvreté est la cause fondamentale de l'itinérance. Elle entraîne l'exclusion sociale en empêchant les gens d'accéder à un logement sécuritaire, décent et abordable. En raison de la persistance de la pauvreté, particulièrement d'une génération à l'autre, des personnes n'ont pas un revenu suffisant pour subvenir à leurs besoins essentiels, comme le logement.
    Tous les trois ans, à Vancouver, nous procédons au « recensement des itinérants du Grand Vancouver », qui est devenu la mesure de l'itinérance la plus précise et la plus largement reconnue dans la région. Le recensement a révélé que, de 2005 à 2008, le nombre d'itinérants dans la région a connu une hausse de 20 p. 100. Grâce à des travaux de recherche et à des renseignements empiriques, nous savons que, dans la région, il y a non seulement des milliers de personnes itinérantes, mais également des centaines de personnes qui risquent l'itinérance en raison de leur situation socioéconomique.
    Je ne suis pas fière d'affirmer que notre province affiche le taux de pauvreté global le plus élevé et — statistique encore plus éloquente —, le taux de pauvreté infantile le plus élevé dans le pays. Dans la ville de Vancouver et dans la région métropolitaine de Vancouver, l'itinérance continue d'être un problème aux proportions énormes. Et comme l'itinérance est un problème impérieux, la pauvreté est également un problème impérieux.
    Il est presque trop difficile et trop compliqué pour nous d'évaluer le coût de l'itinérance. Mais nous savons que le coût lié au fait de ne pas investir dans la construction de logements sociaux appropriés a une incidence, comme l'a expliqué Nancy, sur le coût des soins de santé, des services sociaux et des procédures judiciaires. Je suis persuadée que vous le savez tous, mais le logement, comme le revenu, est l'un des principaux déterminants de la santé. Les gens ont besoin d'un logement adéquat — dans certains cas, avec des services de soutien appropriés — pour améliorer leur état de santé et de bien-être. Or, le fait d'offrir un logement temporaire aux personnes itinérantes, que ce soit dans un refuge, en prison ou à l'hôpital, est une option beaucoup plus coûteuse que de leur fournir un logement permanent adéquat avec des services de soutien appropriés.
    Nancy a déjà mentionné l'étude menée par l'Université Simon Fraser en 2008, qui s'impose de plus en plus comme probablement l'étude la plus exhaustive et la plus citée dans le domaine. Comme l'a expliqué Nancy, il nous coûte environ 20 000 $ de plus par année d'offrir des services à une personne vivant dans la rue — des soins de santé, des services sociaux, des services juridiques — qu'il en coûterait de lui fournir un logement adéquat avec des services de soutien appropriés.
(1430)
    Les populations qui sont touchées par l'itinérance sont presque d'une étendue et d'une diversité inimaginables. Presque tous les groupes de population qui vivent dans la région métropolitaine de Vancouver sont représentés au sein de la population d'itinérants. Les groupes qui vivent dans la pauvreté sont particulièrement vulnérables. Les jeunes — ceux qui ont une maladie mentale ou qui présentent les premiers signes d'une psychose, ceux qui grandissent dans des foyers d'accueil — sont l'un des groupes les plus vulnérables. Il y a également les familles, particulièrement les femmes et les enfants, qui tentent d'échapper à la violence. Enfin, il y a des adultes qui sortent de l'hôpital ou d'un établissement correctionnel.
    Quelles sont les solutions? Je voudrais aborder brièvement cinq points. D'abord, à Vancouver, nous avons la chance de suivre l'exemple d'autres villes canadiennes pour ce qui est de l'élaboration d'une initiative communautaire globale contre l'itinérance. La Fondation Streetohome, fondée en 2008, est le fruit d'un partenariat entre la Fondation de Vancouver, première fondation en importance au Canada, la Ville de Vancouver et le gouvernement de la Colombie-Britannique. Il s'agit d'un organisme communautaire qui veille à ce que tous les résidents de Vancouver aient accès à un logement sécuritaire, décent et abordable. Il vise à s'attaquer au problème de l'itinérance à Vancouver en réunissant des dirigeants communautaires du secteur privé, du secteur public et du secteur sans but lucratif pour qu'ils trouvent des solutions durables. C'est la première fois à Vancouver que tous les secteurs de la collectivité collaborent ensemble à la recherche de solutions durables pour régler un problème complexe. C'est un défi collectif, et il faudra la participation de tous les membres de la collectivité pour le relever.
    Nous nous sommes inspirés des initiatives mises en place dans d'autres villes canadiennes, par exemple Hamilton. La table ronde de Hamilton sur la pauvreté, parrainée par la fondation de la collectivité de Hamilton, a inspiré nombre d'entre nous dans le pays. À notre tour, nous espérons inciter d'autres villes canadiennes à élaborer une initiative communautaire globale semblable.
    Le deuxième point que je veux aborder est l'argent. Le gouvernement fédéral doit de nouveau passer à l'action et financer de façon durable la construction de logements sociaux dans le pays. L'établissement de la Commission de la santé mentale du Canada est un signe encourageant et très positif pour nombre d'entre nous, mais nous devons en faire plus. J'aime à penser que la Fondation Streetohome témoigne de sa confiance dans le travail de la Commission de la santé mentale du Canada en soutenant financièrement le travail de la commission de la santé mentale ici même, à Vancouver.
    Le troisième point que je voudrais souligner, c'est que nous avons besoin d'une stratégie nationale en matière de logement. Je crois qu'il est important de répéter que le Canada a de toute urgence besoin d'une stratégie globale en matière de logement pour faire en sorte que tous les Canadiens aient accès à un logement sécuritaire et abordable.
    Quatrièmement, le gouvernement fédéral doit adopter une stratégie globale de réduction de la pauvreté, et j'aime à croire qu'il s'agit là du rôle et du mandat du comité. Nous encourageons le gouvernement fédéral à adopter une stratégie nationale de réduction de la pauvreté assortie de cibles et d'échéances mesurables prévues par la loi pour combattre la pauvreté et, plus important encore, pour favoriser l'inclusion sociale et la sécurité sociale dans le pays.
    Par ailleurs, le gouvernement fédéral a l'occasion de jouer un rôle unique: inciter les gouvernements provinciaux à établir des plans de réduction de la pauvreté. Nous serions heureux qu'il joue ce rôle. De cette façon, notre province, l'une des rares dans le pays qui ne s'est pas encore dotée d'un plan de réduction de la pauvreté, pourrait emboîter le pas aux autres provinces et adopter un plan à cet égard.
    Mon dernier point est un peu plus technique, mais je vais conclure en allant du général au particulier. Nous devons apporter des modifications au régime fiscal fédéral qui encourageraient la construction de logements abordables. Il est grand temps de modifier le régime fiscal fédéral de façon à accroître l'investissement privé, y compris l'investissement philanthropique, dans la construction de logements abordables.
    Je vais vous donner cinq exemples de mesures qui pourraient être mises en oeuvre. La première consisterait à exempter de l'impôt sur les gains les dons de biens immobiliers à des organismes de bienfaisance enregistrés voués aux logements abordables. La deuxième mesure consisterait à éliminer la TPS sur les matériaux de construction servant à construire des logements abordables. La troisième mesure autoriserait le report de l'impôt sur les gains en capital et la récupération de la déduction pour amortissement si le produit de la vente de la propriété est réinvesti dans de nouveaux logements locatifs, qui se font très rares dans la région. La quatrième mesure serait d'accroître le taux de la déduction pour amortissement sur les logements locatifs et abordables. Enfin, la dernière mesure permettrait aux petits propriétaires d'être assujettis au taux d'imposition des petites entreprises de façon à les inciter à augmenter le nombre de logements locatifs.
(1435)
    Dans notre région, les intervenants du secteur privé et du secteur sans but lucratif font preuve d'une grande détermination, mais nous devons mettre en place des mesures fiscales incitatives très vigoureuses pour les encourager.
    Je sais que tout mon temps est écoulé. Je suis impatiente d'entendre vos conclusions.
    Je vous remercie du temps et de l'attention que vous m'avez accordés aujourd'hui.
    Je vous remercie beaucoup, madame Grantham.
    Nous allons maintenant entendre notre dernier témoin, Mme Rosemary Collins, qui représente l'église unie de Wilson Heights.
    Bienvenue, madame Collins. Vous avez sept minutes.
    Je ne peux vous dire à quel point je trouve gratifiant d'avoir été invitée à venir témoigner aujourd'hui. C'est un immense plaisir de m'adresser à vous. Cela fait maintenant, mon Dieu, presque sept ans que je travaille à l'église de Wilson Heights comme intervenante communautaire et responsable des services communautaires, et c'est la première fois que quiconque au gouvernement me demande de venir expliquer comment les choses se passent sur le terrain.
    Je sais que vous avez entendu beaucoup de témoignages aujourd'hui, et vous avez probablement été abreuvé de statistiques. Je pensais plutôt vous expliquer comment les choses se passent à mon travail et vous parler des personnes qui viennent me rencontrer; la plupart d'entre elles sont handicapées, et je crois comprendre que l'examen de la question des personnes handicapées fait également partie du mandat du comité.
    L'église de Wilson Heights est bien modeste. Elle compte une centaine de membres. Elle est située sur la 41e Avenue Est, à Vancouver, c'est-à-dire dans le sud-est de Vancouver. Elle est située environ à mi-chemin entre la promenade Victoria et la rue Knight.
    La population du quartier se compose d'ouvriers qui vivent surtout dans des habitations unifamiliales. Nombre de résidents du quartier sont des aînés, qui sont propriétaires d'une maison, mais qui touchent un faible revenu, ou de nouveaux arrivants, qui viennent principalement de l'Asie. Il y a également une communauté hispanophone croissante.
    Essentiellement, notre église a décidé que le rôle qu'elle voulait jouer dans la collectivité était de réduire la pauvreté, la faim et la solitude chez les résidents du quartier, alors je dirais que la sécurité alimentaire et financière sont deux volets très importants de nos programmes communautaires.
    C'est essentiellement pour cette raison que nous en sommes venus à créer notre programme d'intervention communautaire. Nous avons commencé par organiser un repas communautaire. Il s'agissait d'un repas servi à la table, auquel nous avons invité tous les résidents du quartier. Nous avons ainsi pu rencontrer vos voisins. Nous avons pu les entendre parler des épreuves qu'ils subissaient — cela remonte à 1999 —, et, au fil des conversations, nous avons découvert qu'ils devaient franchir des obstacles beaucoup plus importants que le fait d'avoir un bon repas chaud ou d'éviter un soir de préparer à souper pour équilibrer son budget d'épicerie. En effet, ils se heurtaient à de terribles barrières administratives, surtout ceux qui tentaient d'obtenir une aide au revenu et des prestations.
    Le groupe que je rencontre le plus souvent au travail est composé de personnes handicapées qui essaient d'obtenir des prestations d'invalidité provinciales. Nombre de personnes en Colombie-Britannique qui ont besoin de prestations d'invalidité ne sont pas admissibles aux prestations du RPC, souvent en raison du type d'invalidité dont elles sont frappées. Si elles ont une maladie mentale ou un traumatisme crânien, elles ont très peu d'antécédents professionnels, voire aucun. Par conséquent, elles n'ont pas accumulé le revenu ni versé les cotisations qui leur permettraient d'être admissibles au RPC, de sorte qu'elles dépendent de l'aide sociale.
    Même si je sais que l'aide sociale n'est pas du ressort du gouvernement fédéral, elle est l'une des raisons pour lesquelles des personnes glissent vers la pauvreté, particulièrement les personnes handicapées. En Colombie-Britannique, le taux maximal des prestations d'aide sociale pour une personne seule handicapée est de 906 $, et, de ce montant, il y a 375 $ qui sont censés permettre à cette personne de se trouver un logement. C'et l'allocation maximale pour le logement versée à une personne qui touche une aide au revenu.
    Nombre de personnes s'adressent à notre église parce qu'elles souhaitent obtenir des prestations d'invalidité et élever leur revenu au-delà des 610 $ par mois qu'elles touchent à titre de prestation d'invalidité versée à une personne seule considérée comme employable.
    Nous réalisons également beaucoup d'activités au chapitre de la sécurité alimentaire, comme je l'ai mentionné plus tôt. Je tiens à vous dire que, cette année, notre église a décidé d'éliminer le programme des paniers de Noël, car nous préférons utiliser les fonds de ce programme pour fournir un soutien aux familles durant toute l'année. Nous croyons que nous pouvons répondre davantage aux besoins des familles pauvres si nous leur fournissons une aide tout au long de l'année plutôt que de jouer au Père Noël seulement en décembre.
    Avant la crise économique qui a frappé vers la fin de 2008, nous recevions 12 demandes d'aide alimentaire par mois; nous donnions carrément des sacs d'épicerie aux familles dans le besoin. Et, pendant un mois occupé, ce que nous appelons un « mois à cinq semaines » — c'est-à-dire un mois où le chèque d'aide sociale couvre cinq semaines plutôt que quatre, et le bénéficiaire ne reçoit pas un montant supplémentaire pour subvenir à ses besoins pendant la dernière semaine —, nous recevions 20 demandes d'aide alimentaire. Vu la crise économique actuelle, au cours d'un mois normal, nous recevons maintenant 20 demandes d'aide alimentaire, tandis que, au cours d'un mois occupé, nous en recevons plus de 30. C'est arrivé du jour au lendemain. Dès janvier, ce nombre de demandes était tout à fait la norme à notre église.
    Notre église, tout comme le presbytère qui finance notre programme d'intervention communautaire, a souscrit à la stratégie de réduction de la pauvreté de la Colombie-Britannique.
(1440)
    J'adhérerais également aux recommandations formulées par l'organisme First Call, qui vous ont sûrement été présentées plus tôt aujourd'hui. Je crois qu'il s'agit de la feuille d'information numéro 9 de son mémoire; on y souligne un certain nombre de mesures visant à réduire la pauvreté chez les familles. Je sais que First Call a fait beaucoup de travail et vous a probablement fourni beaucoup d'information à cet égard.
    Plus de 300 personnes par année participent à notre programme d'intervention communautaire. Il y a deux intervenants, dont moi, qui se partagent 32 heures de travail par semaine au total. Nous travaillons dans trois endroits différents, et notre point de service principal est l'église de Wilson Heights. Je travaille également quatre heures par semaine à Kitsilano, quartier de classe moyenne situé en bordure de l'eau, ici, à Vancouver. C'est un très beau quartier où il fait bon vivre, à moins que vous ne soyez un itinérant. Dans le cadre d'un programme de dîner, je fournis des services d'intervention, principalement à des hommes itinérants. De plus, une fois par mois, je me rends à Shaughnessy pour fournir des services d'intervention, surtout à des personnes handicapées et à des aînés, encore une fois dans le cadre d'un programme de dîner.
    L'objectif de notre programme d'intervention communautaire consiste à tenter d'étendre nos services à d'autres centres, comme l'église unie Grace Memorial, qui offre un programme de déjeuner chaque mardi, mais qui n'a pas les moyens d'embaucher un intervenant.
    Les gens ont besoin d'intervenants principalement parce qu'il est très difficile d'obtenir des prestations. Même pour ceux qui souhaitent seulement toucher des prestations régulières d'aide sociale, il y a une période d'attente initiale de trois semaines lorsqu'on se présente en personne au bureau de l'aide sociale et qu'on est dans le besoin. Cela ressemble au délai de carence de deux semaines qui précède le versement des prestations d'assurance-emploi. Durant cette période, les demandeurs sont censés chercher du travail, ce qu'ils faisaient évidemment avant de se présenter au bureau de l'aide sociale.
    Il y a également le critère d'indépendance de deux ans, qui touche de façon disproportionnée les jeunes qui n'ont pas eu l'occasion d'acquérir leur indépendance, de même que les personnes qui ont très peu d'antécédents professionnels. On doit être en mesure de prouver au ministère que, avant de présenter une demande d'aide au revenu, on a travaillé pendant deux années consécutives à un moment donné.
    Il y a des exceptions à cette règle — je tiens à le souligner —, mais elles ne sont pas toujours clairement précisées aux demandeurs, alors c'est souvent aux intervenants que revient cette tâche. Les demandeurs se voient refuser leur demande, alors ils viennent me voir, s'ils savent que j'existe, et je leur explique qu'ils sont admissibles aux prestations en raison de telle ou telle exception. Nous remplissons alors les formulaires d'appel, car ils doivent alors interjeter appel. Si tout va bien, nous avons gain de cause, et les demandeurs finissent par obtenir des prestations.
    Le problème le plus courant auquel font face les personnes handicapées, comme je l'ai mentionné plus tôt, c'est de ne pas avoir droit aux prestations d'aide sociale pour handicap parce qu'ils ne sont pas admissibles aux prestations d'invalidité du RPC. La demande comporte 23 pages. Elle doit être remplie par trois personnes différentes: le demandeur, son médecin et un évaluateur. J'aide les demandeurs et leur médecin à remplir correctement les documents. De plus, j'aide le demandeur à trouver un évaluateur qualifié.
    Pour le ministère du Logement et du Développement social de la Colombie-Britannique, la procédure normale consiste à refuser la première demande d'aide sociale. Nous voyons ce genre de cas régulièrement: les demandes ont été correctement remplies, elles sont conformes à toutes les exigences prévues dans la loi, elles sont accompagnées de lettres de médecins expliquant en détail que la personne est incapable de fonctionner en raison d'une maladie ou d'une incapacité physique, et elles sont tout de même refusées. La personne doit alors interjeter appel.
    Encore une fois, si un intervenant ne vous aide pas d'abord à remplir correctement la demande... Même si la demande est bien remplie, elle sera systématiquement refusée. Si un intervenant ne vous aide pas à interjeter appel, alors il est fort probable que vous n'obtiendrez pas les prestations d'invalidité. Le refus automatique des demandes est un énorme gaspillage d'argent pour le gouvernement et un énorme gaspillage de temps et d'efforts pour les intervenants qui doivent inutilement interjeter appel des décisions du gouvernement de refuser de verser initialement des prestations d'invalidité.
    J'ai fourni aux membres du comité une liste de sites Web pertinents en annexe. Je vous inciterais fortement à consulter le site Web du centre de défense de l'intérêt public de la Colombie-Britannique. Ce centre a été l'instigateur d'une plainte déposée à l'ombudsman en 2005, je crois qu'elle fait toujours l'objet d'une enquête. Il s'agissait d'un certain nombre de recommandations auxquelles le ministère devait se conformer pour faire en sorte que le traitement des demandes et les autres procédures s'alignent sur les principes élémentaires d'équité procédurale.
    La plainte est toujours en cours d'enquête. Il est possible que des intervenants déposent d'autres plaintes, car nous constatons encore des difficultés, comme le refus automatique des demandes de prestations d'invalidité. J'aurais aimé vous montrer de vraies demandes, car c'est vraiment révoltant.
(1445)
    Le salaire minimum de la Colombie-Britannique est le plus bas. Il est de 8 $, et le salaire minimum pour un nouveau travailleur en formation est de 6 $ l'heure. Dans notre province, les taux des prestations d'aide sociale se situent bien en-deçà du seuil de la pauvreté, peu importe les mesures qu'on utilise. Par exemple, pour un couple avec deux enfants, le taux des prestations d'aide sociale équivaut à moins de 60 p. 100 du seuil de la pauvreté. Et un parent seul avec un enfant touche des prestations dont le taux correspond environ à 65 p. 100 du seuil de la pauvreté. Je parle du seuil de la pauvreté qui est en fait établi dans les politiques et dans la loi.
    Auparavant, la majorité des personnes qui logeaient dans des chambres d'hôtel à occupation simple et dans des maisons de chambres étaient bénéficiaires de l'aide sociale. À Vancouver, ces personnes se font maintenant déplacer par des étudiants étrangers qui viennent apprendre l'anglais et par des travailleurs qui sont plus en mesure de payer le taux de location de ces chambres d'hôtel, qui est de 400 à 500 $ par mois.
    Les personnes qui vivent dans des chambres d'hôtel à occupation simple ont très peu accès ou n'ont pas accès à des cuisines ou à des réfrigérateurs. Elles doivent partager une salle de bain avec leurs voisins, et ces hôtels sont souvent très mal gérés et entretenus. Ils sont souvent infestés de coquerelles, de rats, de souris et de punaises de lit.
    Les familles ne s'en sortent pas mieux. Je vois de plus en plus de familles qui vivent dans des appartements à une chambre à coucher. Les enfants dorment dans la chambre, et les parents dorment dans le salon. Ces personnes se trouvent dans une situation de logement précaire, car, aux termes de notre loi sur la location à usage d'habitation, elles peuvent être expulsées de leur logement du fait qu'il y a trop d'occupants dans l'appartement. Mais pour les personnes qui touchent 8 $ l'heure — même si la famille a deux revenus au salaire minimum —, à Vancouver, un appartement à une chambre à coucher coûte 1 000 $ par mois. Où ces personnes peuvent-elles trouver un appartement assez grand pour loger toute la famille?
    Je souhaiterais ajouter, à titre personnel, que j'habite dans la toute dernière coopérative d'habitation sociale qui a été construite dans la province avant que le financement fédéral en matière de logement ne soit épuisé. Il s'agit de la coopérative d'habitation Lore Krill. Elle est située dans le downtown east side de Vancouver. Elle compte deux immeubles, et l'un d'eux a gagné le prix de la gouverneure générale pour son architecture. Nous offrons un logement à nos membres, dont 80 p. 100 reçoivent une subvention. C'est la seule façon dont je peux me permettre d'habiter un appartement dans cette ville sans avoir à consacrer 50 p. 100 ou plus de mon revenu au logement. La semaine dernière, j'ai reçu une dame à mon bureau qui alloue 82 p. 100 de son revenu mensuel de 1 000 $ à un logement pour ses deux enfants et elle-même.
    Je vous remercie beaucoup, madame Collins.
    Chers collègues, je vais diminuer le temps accordé aux questions. Il nous reste peu de temps. Nous allons procéder à un tour de table de cinq minutes.
    Nous allons commencer par vous, monsieur Savage.
    Merci beaucoup.
    Je ne sais vraiment pas par où commencer.
    Nous apprécions vraiment beaucoup la passion que vous avez mise aujourd'hui dans vos exposés et je peux vous garantir que nous en tiendrons largement compte au moment de rédiger notre rapport.
    Il me semble que l'un des aspects les plus intéressants de la pauvreté ici, au Canada, c'est que nous sommes un pays riche. C'est cette dichotomie, cette juxtaposition, ce contraste entre nantis et démunis. Au Canada, le revenu moyen de la tranche de 10 p. 100 des Canadiens les plus riches a augmenté deux fois plus rapidement que le revenu de la tranche de 10 p. 100 des Canadiens les plus pauvres. Au chapitre de la pauvreté des enfants, le Canada arrive au 13e rang des 17 nations comparables. Nous occupons le dernier rang, sur 25 pays de l'OCDE, en ce qui concerne les paramètres relatifs à l'apprentissage précoce et aux soins aux enfants. Nous n'avons pas une très bonne réputation, au sein des Nations Unies, en raison de la façon dont nous traitons les membres les plus vulnérables de notre société. Nous sommes donc un pays riche, dont beaucoup de citoyens ne s'en tirent pas vraiment bien.
    La pauvreté est partout, au Canada, mais il faut porter notre attention vers des endroits comme Vancouver, où il y a énormément de richesse, ou Calgary. Avec Tony et Dean, j'ai visité le centre d'hébergement de Calgary, une des villes les plus riches du Canada, qui accueille plus d'un millier de personnes chaque soir. Hier soir, nous nous sommes promenés en voiture au centre-ville, dans le « downtown east side », et nous sommes tout d'un coup arrivés dans un quartier dont la belle apparence nous a frappés. La meilleure illustration de ce parfait contraste est peut-être la comparaison entre les sommes qui seront consacrées aux Jeux Olympiques et les besoins des personnes qui vivent à cet endroit tous les jours de l'année.
    J'adore le Canada. Je crois que c'est un pays magnifique. Nous faisons beaucoup de choses de la bonne façon. Mais je crois aussi que nous sommes peut-être un peu trop fiers de nous-mêmes et de la façon dont nous regardons les gens qui ont réellement besoin d'aide. Je ne peux m'empêcher de penser au logement — un certain nombre de témoins ont abordé la question du logement et de la santé mentale. Nous avons demandé à Mike Kirby, qui a présenté un exposé devant notre comité, quelle était la première chose que les gens demandaient au gouvernement fédéral, et il a répondu que les gens voulaient en premier lieu une stratégie nationale en matière de logement et des mesures particulières pour les gens qui ont des problèmes de santé mentale. Il a souligné en second lieu que notre infrastructure sociale n'était pas faite pour les gens qui ont des problèmes de santé mentale — par exemple, les prestataires de l'assurance-emploi qui ont des troubles épisodiques, et d'autres cas du même genre.
    Je me demandais si quelqu'un voulait commenter — sans en rajouter, mais...
    La situation du Canada n'est pas aussi reluisante que bien des Canadiens le pensent, n'est-ce pas?
(1450)
    J'aimerais beaucoup faire un commentaire.
    J'essayais de me mettre à votre place lorsque Rosemary avait la parole, sachant qu'elle parlait beaucoup des politiques sociales provinciales. Cette politique a perdu beaucoup de plumes en 1996, lorsque le Régime d'assurance publique du Canada a pris fin. Ce régime imposait aux provinces des exigences touchant en particulier la distribution de l'aide dans le but de répondre aux besoins de base de tout le monde. Je crois que c'est à ce moment-là que la dégringolade a commencé. En plus d'annuler des programmes, la Loi permettait aux provinces de faire à peu près tout ce qu'elles voulaient.
    Vous parlez de la réduction du financement versé aux provinces par le truchement du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Il y avait par contre un avantage du point de vue des provinces — elles recevaient moins d'argent, mais elles exerçaient plus de contrôle. À cette époque, le coût des soins de santé augmentait à toute vitesse. À cette époque, mon père était premier ministre de la Nouvelle-Écosse, et je suis sûr qu'il confirmerait que c'était important.
    Quelques personnes ont parlé du projet de loi sur le logement présenté par Libby Davies, le projet de loi C-304. Nous appuyons ce projet et nous espérons que le comité finira par l'étudier. Il faisait l'objet d'une étude article par article, comme on dit généralement, ce qui correspond à la dernière étape du processus d'examen par le comité. Mais Libby l'a retiré parce qu'elle y trouvait des défauts, en particulier en ce qui concerne les personnes handicapées. Nous avons l'intention de le présenter de nouveau au comité, et j'espère qu'il pourra y faire quelque chose.
    La Chambre des communes peut adopter des projets de loi d'initiative parlementaire, qui deviendront une loi du pays, mais cela ne veut rien dire; il faut que le gouvernement mette la loi en vigueur. L'année dernière, le projet de loi C-293 sur l'aide publique au développement allait faire de la réduction de la pauvreté l'objectif de l'aide au développement international. La loi a été adoptée, c'est maintenant une loi du Canada, mais elle n'a pas encore eu beaucoup d'effet.
    Quoi qu'il en soit, nous espérons pouvoir nous attaquer à cette question la semaine prochaine. Nous pourrions peut-être faire quelque chose pour que les choses changent. Libby est une porte-parole convaincante et elle vous connaît probablement tous très bien. Nous allons faire tout ce que nous pouvons pour que le projet de loi soit adopté.
    Je vous remercie.
    Merci, Mike.
    Monsieur Martin.
    Libby voulait être ici aujourd'hui, mais elle a dû retourner à Ottawa, où il se passe des choses. Comme elle est le leader parlementaire, elle a besoin d'être là pour gérer ce qui se passe. Elle ne peut pas être partout à la fois.
    J'ai bien aimé ce que nous avons entendu ici aujourd'hui. C'était très enrichissant et encourageant et informatif.
    Je ne crois pas que quiconque autour de la table croie que la pauvreté n'existe pas ici et que nous ne devrions pas faire quelque chose à ce sujet. Je crois que nous croyons tous que le gouvernement fédéral a un rôle de leader à jouer. Il s'agit tout simplement de définir ce rôle et de savoir à quel point cela pourrait être compliqué. Quand j'y réfléchis, j'essaie de simplifier les choses. Je ne veux pas que cela devienne compliqué au point où l'on nous dira d'oublier tout cela, qu'il y a bien d'autres choses à prendre en main et qu'il faudrait remettre la question à plus tard.
    Je ne vous demande pas de répondre. À mon avis, le gouvernement fédéral pourrait faire preuve de leadership dans au moins trois dossiers. Premièrement, la sécurité du revenu. Nous nous en occupons, à l'échelle du Canada, en offrant aux personnes âgées un Régime de pensions, des prestations de la SV et du SRG, et il y a bien d'autres aspects à la question de la sécurité du revenu sur lesquels le gouvernement fédéral exerce un contrôle. Deuxièmement, il y aurait le logement. Nous nous en sommes déjà occupés, et nous sommes capables de le faire. Le troisième dossier est un peu plus compliqué. Il concerne toute la question de l'inclusion sociale. Comment faire pour mobiliser les gens pour qu'ils s'occupent de la collectivité dans laquelle ils vivent et les traiter dignement, comme ils le méritent, à titre d'êtres humains? J'aimerais pouvoir penser que, en tant que membre du gouvernement fédéral, nous pouvons faire en sorte que cela se réalise pour tout le monde. J'ai entendu qu'au moins une personne a parlé de la réduction de la pauvreté. C'est l'élimination de la pauvreté qui devrait être notre objectif. Notre défi consiste à amener le gouvernement fédéral à mettre en oeuvre une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté.
    Vous avez parlé de logement. Qu'y a-t-il d'autre?
(1455)
    Si j'ai bien compris, c'est plus facile quand on utilise le Régime d'assurance publique du Canada. Je sais combien tout cela se complique quand on touche aux sphères de compétences fédérale et provinciale, mais il faut définir des normes pour notre programme d'aide au revenu.
    Par exemple, dans notre province, dans certains cas, le ministère peut considérer que la prestation pour enfants constitue un revenu, et il peut en retenir chaque dollar sur le chèque d'une personne. C'est le gouvernement fédéral qui subventionne le programme de bien-être, mais ce sont aussi les prestataires de ce programme. L'argent qu'ils reçoivent chaque mois n'est pas considéré comme un revenu. S'il arrive un problème de nature bureaucratique ou si quelqu'un d'autre le réclame, les chèques ne sont plus versés, et les prestataires reçoivent un paiement forfaitaire une fois l'affaire réglée. Cependant, le gouvernement provincial considère que ce montant forfaitaire est un revenu, c'est-à-dire un revenu supplémentaire, ce qui fait que le prestataire n'est plus admissible aux prestations pendant un mois ou deux.
    Mais le gouvernement n'est pas le seul à subventionner le système de bien-être; les prestataires le subventionnent aussi, ceux là même qui empruntent de l'argent, pendant ce temps, pour couvrir le manque de ce revenu si nécessaire.
    Le 26 novembre, juste avant votre arrivée, notre province a adopté le projet de loi 14. Selon cette loi, il est désormais illégal pour une personne de recevoir des prestations d'aide sociale lorsqu'elle fait l'objet d'un mandat. Si vous pensez faire l'objet d'un mandat en suspens, vous devez vous présenter à un poste de police et vous livrer. Une fois le mandat exécuté, vous avez droit à l'aide sociale. J'aimerais savoir depuis quand le ministre responsable du soutien au revenu est devenu également responsable de l'exécution de la loi.
    Je vous supplie d'examiner cette loi, qui vient d'obtenir la sanction royale le 26 novembre. Nous devons définir des normes nationales. Le Québec et Terre-Neuve ont fait d'énormes progrès au chapitre de la réduction de la pauvreté, tandis qu'ici, en Colombie-Britannique, les gens se battent bec et ongles pour avoir de l'argent, et ils reçoivent moins de la moitié du montant considéré comme le seuil de la pauvreté.
    Je m'en tiendrai quand même à la stratégie sur le logement et je préciserais également que nous disposons de l'infrastructure et du soutien nécessaires pour la mettre en oeuvre.
    Je suis sûr que vous avez tous vu la page couverture du Globe, ce matin, où l'on se demandait pourquoi les fonds de stimulation du logement social n'avaient pas été distribués. Récemment, Mike Harcourt, dans une assemblée publique, a déclaré que lorsqu'il était maire de la ville, il se construisait 2 000 unités de logement social par année. Nous avions donc la capacité, mais, comme Laura l'a dit, pour beaucoup de ces personnes l'infrastructure nécessaire a depuis été dilapidée.
    Nous avons créé un comité directeur régional pour les sans-abri, et ce serait magnifique d'avoir également un comité directeur régional sur le logement. Il ne suffit pas de dire voici, nous avons une stratégie; nous avons besoin d'aide pour donner un toit à ces personnes.
    D'accord.
    Madame Stannard.
    J'aimerais ajouter quelque chose à ce que Nancy a dit. J'ai parlé de l'industrie du logement social que nous avions, et elle peut se remettre en place très facilement. Pendant 15 ans, nous n'avions pas vraiment d'affectation annuelle garantie; pendant ce temps, les architectes et les promoteurs ont perdu la capacité d'investir dans les projets qui, disons, avaient été retenus au cours de l'année, mais n'avaient pas été approuvés. Ils exerçaient parfois une option d'achat du terrain et se tournaient vers le processus de développement urbain. Voilà pourquoi il est si nécessaire que ce programme soit permanent. Il serait ainsi beaucoup plus efficient et viable sur le plan financier.
(1500)
    D'accord.
    Nous vous laissons conclure, Barbara.
    D'accord.
    Pour ceux que cela intéresse, les politiques socio-économiques qui visent à atténuer l'inégalité du revenu au Canada, depuis une quinzaine d'années, ont été assez décourageantes. Mais je répondrai à la question de Tony en disant qu'il y a eu deux grandes réussites, et je vous incite à vous appuyer sur ces réussites et à en tirer profit. Il y en a en fait beaucoup plus, mais je ne vous en exposerai que deux.
    La première concerne le logement, justement. Il y a trois ou quatre ans, le gouvernement fédéral a changé la structure fiscale et permis aux donateurs d'intégrer à leurs dons philanthropiques des dons d'actions. Je vous inciterais à envisager des mesures du même type pour faciliter des dons qui favoriseraient particulièrement le développement du logement. Nous avons connu une réussite formidable, ici, et je crois que nous pourrions le refaire de nouveau.
    Mon deuxième exemple, l'une des réussites les plus éclatantes de la politique sociale que notre pays a connues au cours des 20 dernières années, c'est la réduction du taux de pauvreté des personnes âgées. Je crois que nous pourrions prendre bon nombre des mesures fiscales et de mesures de sécurité du revenu qui s'appliquent aux personnes âgées pour les appliquer aux familles et aux enfants. Je vous encourage à étudier la question.
    Puis-je demander au président de suggérer à l'attaché de recherche d'étudier un peu le programme d'encouragement? Je crois qu'il y a là un certain potentiel.
    Merci.
    Je crois que ce sont là d'excellentes suggestions, et c'est le genre de chose dont nous allons discuter.
    Merci encore d'avoir pris le temps de vous présenter ici. Ça a été très agréable. Merci pour toutes ces idées.
    Passez une bonne journée.

(1505)
    J'accueille maintenant le dernier groupe de témoins qui se sont présentés ici aujourd'hui, à Vancouver.
    J'aimerais vous remercier d'avoir pris le temps, malgré un agenda chargé, de venir ici pour parler d'un sujet qui, je le sais, vous tient à coeur, la pauvreté. C'est un sujet que nous essayons de maîtriser dans le but de présenter des recommandations au gouvernement fédéral.
    David, nous commencerons par vous, et nous passerons ensuite aux autres.
    Vous avez chacun sept  minutes, et, ensuite, tout dépendant du temps qu'il nous restera, nous pourrons laisser les députés poser leurs questions.
    Monsieur LePage, vous représentez, je crois, Enterprising Non-Profits Program. J'ai bien hâte de savoir un peu ce que vous faites et quelles suggestions vous allez nous présenter.
    Vous avez la parole, monsieur. Vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président et merci aux membres du comité.
    Merci de me donner l'occasion de contribuer à vos délibérations et discussions sur cette question critique, la réduction de la pauvreté au Canada.
    Je m'excuse auprès des membres francophones, je ne m'exprimerai qu'en anglais.
    Il n'y a pas de membres francophones ici, il n'y a donc pas de problème, aujourd'hui, et vous pouvez y aller.
    D'accord.
    Je vais pour commencer présenter ce qui est à notre avis de très bons exemples de mesures efficaces de réduction de la pauvreté, qui consistent à donner à des personnes handicapées et à des membres marginalisés de la collectivité la possibilité d'établir un lien avec le marché du travail.
    L'entreprise SAP, anciennement connue sous le nom de BusinessObjects, est une très grande entreprise internationale de production de logiciels qui compte 2 000 employés à Vancouver. Comme elle s'occupe de production de logiciels, elle n'offre aucun emploi de premier niveau; cependant, elle a toujours utilisé les services de traiteur de Potluck Catering, organisme du downtown east side, qui lui présente une facture de plus de 200 000 $ par année. Environ 50 p. 100 du personnel de Potluck appartient à cette collectivité, qui habite le district le plus pauvre du Canada, et ses employés sont considérés comme des personnes difficiles à employer.
    Dans les régions rurales de la Colombie-Britannique, l'éditeur du Trail Daily Times, un quotidien, a conclu un contrat avec l'entreprise The Right Stuff, qui s'occupe des encarts, de l'assemblage et de la préparation de la distribution. Les employés de cette entreprise sont tous des jeunes à risque. Ces jeunes ne se sont pas intégrés aux systèmes scolaires traditionnels ni aux programmes traditionnels de formation à l'emploi.
    À Winnipeg, au Manitoba, la Assiniboine Credit Union a conclu un contrat avec l'entreprise Inner City Renovation, qui a construit ses deux dernières succursales. L'entreprise Inner City Renovation assure la formation des résidents du centre-ville, principalement de jeunes Autochtones, et leur offre un emploi dans le secteur de construction.
    La Banque Royale est un client régulier de l'imprimerie Eva's Phoenix Print Shop de Toronto, qui donne aux jeunes de la rue une formation aux métiers de l'imprimerie.
    Les magasins d'aubaine Renaissance, à Montréal, forment et embauchent des centaines de personnes chaque année. La formation d'une main-d'oeuvre compétente et fiable est au coeur de la mission de Renaissance. Son objectif est d'aider les Québécois qui ont besoin de soutien à l'emploi ou les nouveaux arrivants à entrer sur le marché du travail.
    Le magasin à un dollar de Halifax prépare les personnes qui ont un trouble de santé mentale à entrer sur le marché du travail.
    Dans le nord de l'Ontario, dans la collectivité francophone de Prescott-Russell, Convex exploite 11 entreprises dont la mission est de créer des emplois significatifs, dans le cadre de projets d'entreprises, aux résidents qui font face à des obstacles à l'emploi.
    Dans le cadre des Jeux Olympiques de 2010, le bouquet qui sera offert à chaque médaillé aura été fabriqué par Just Beginnings, un fleuriste qui a mis sur pied un centre de formation s'adressant principalement aux femmes qui reviennent sur le marché du travail après un séjour en prison ou une cure de désintoxication.
    Tous ces fournisseurs, ces employeurs qui cherchent à donner aux groupes cibles la possibilité d'établir un lien avec le marché du travail, sont des entreprises sociales. Elles sont dirigées par un organisme sans but lucratif qui vise deux buts: générer un revenu en vendant des produits ou des services et créer une valeur sociale. Elles le font en fournissant un emploi à des personnes qui sont sur le point de tomber entre les griffes de la pauvreté ou qui en souffrent déjà. Les entreprises sociales ont des objectifs à la fois commerciaux et sociaux.
    Une enquête récente menée auprès de 50 entreprises sociales de la Colombie-Britannique montre qu'elles emploient 860 personnes, dont 660 font partie d'un groupe que l'on sait dans le besoin. Ces entreprises offrent des services dans toutes sortes de domaines: aménagement paysager, imprimerie, couture, industrie légère, conditionnement, recyclage, nettoyage et entretien, messagerie, restauration, commerce de détail, et ainsi de suite.
    Nous croyons que l'entreprise sociale est un outil précieux pour certains organismes sans but lucratif puisqu'elle leur donne les moyens de s'attaquer à certains problèmes au chapitre de l'emploi, par exemple la participation à la vie active de membres marginalisés de la collectivité. L'entreprise sociale est également pour le secteur sans but lucratif une façon d'exécuter sa mission tout en générant un revenu. Comme nous l'avons expliqué, les entreprises sociales sont présentes sur le marché et elles créent des possibilités d'emploi grâce à la vente et à d'autres activités commerciales. Leurs clients sont des entreprises du secteur privé, le gouvernement ou d'autres organismes sans but lucratif. Plus leurs activités sont fructueuses, plus elles peuvent créer d'emplois.
    Nous insistons sur le fait qu'il est de plus en plus nécessaire de fournir un environnement favorable à la demande, c'est-à-dire les entreprises, soit les entreprises sociales, qui se concentrent sur la création de possibilités d'emploi pour les membres marginalisés de la collectivité. Dans d'autres pays, particulièrement au Royaume-Uni, en Europe et en Australie, il existe des politiques publiques intégrées pour le soutien aux entreprises sociales.
    Nous recommandons au comité d'inclure dans sa politique de réduction de la pauvreté le rôle des entreprises sociales dans le cadre de mesures de soutien comprenant une politique sur les marchés du gouvernement ciblant les marchés avec des entreprises sociales, comme la politique récemment adoptée par l'Ontario. Il pourrait y avoir une politique favorisant la fragmentation des grands marchés et intégrant un critère de valeur sociale dans les demandes de propositions; le secteur des PME, en réclamant des politiques essentielles, parlait à peu près de la même chose.
(1510)
    Deuxièmement, nous voudrions avoir accès à de plus nombreux programmes visant l'amélioration des capacités commerciales du secteur sans but lucratif. Troisièmement, nous voudrions avoir accès à divers modes appropriés de financement, par exemple les crédits d'impôt et les fonds de capital patient. Quatrièmement, nous voudrions des mesures d'appui à la recherche afin de recueillir plus de connaissances sur la valeur de l'entreprise sociale dans la réduction de la pauvreté et la création de collectivités en santé.
    La participation à la vie active est, en particulier pour les personnes marginalisées et les personnes handicapées, un facteur crucial de la réduction et de l'élimination de la pauvreté. Nous croyons que l'entreprise sociale est un outil innovateur et efficace qui contribuera à relever le défi de la réduction de la pauvreté au Canada. Il faut absolument l'inclure dans le cadre stratégique que le comité présentera au Parlement afin qu'il le mette en oeuvre.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur LePage.
    Nous allons maintenant donner la parole à Irene Jaackson, de l'organisme Lookout Emergency Aid Society.
    Bienvenue, madame Jaakson. Merci beaucoup d'être venue ici. Vous avez sept minutes.
    Je dirige les Services d'urgence de Lookout Emergency Aid Society. J'aimerais également vous remercier de me donner l'occasion de m'adresser au comité permanent.
    Je suis convaincue que vous savez tous que la pauvreté est un problème de longue date, en Colombie-Britannique. Dans la plupart des cas, les réactions du gouvernement à ce problème ont été insuffisantes et inefficaces. À l'échelle nationale, les taux de pauvreté ont atteint un sommet en 1996, puis ont diminué, mais, en Colombie-Britannique, ils ont continué à augmenter jusqu'en 2002. Ce n'est qu'en 2002 qu'ils ont commencé à descendre. Certaines villes, comme Burnaby, n'ont même pas de refuge pour leurs itinérants. Même pas d'espace pour offrir un refuge d'urgence pendant les périodes de froid extrême, lorsque les gens couraient un risque trop grand pour leur santé s'ils dormaient dehors.
    Lookout est depuis 1971 sur la ligne de front dans la lutte contre l'itinérance dans le Lower Mainland. Nous représentons un filet de sécurité pour les hommes et les femmes qui n'ont pas d'autre toit sous lequel s'abriter. L'année dernière, cependant, nous avons dû refuser plus de 5 000 personnes. En plus d'un refuge, nous leur offrons des logements temporaires ou permanents. Il y a quand même 2 000 noms sur notre liste d'attente, et le roulement est minime, ce qui n'est pas surprenant.
    L'itinérance est indissociable de la pauvreté. Il nous semble étrange qu'il n'y ait pas, à l'heure actuelle, de définition de l'itinérance commune à l'échelle de la nation. Quoi qu'il en soit, il y a eu de nombreuses tentatives de dénombrement des itinérants du pays. Depuis le dénombrement réalisé en 2002 à Vancouver, nous avons observé une augmentation de 136 p. 100, même si ce dénombrement ne visait que les personnes dans la rue, sans tenir compte des personnes vivant dans un refuge. Il ne tenait pas compte des itinérants cachés, par exemple les personnes qui naviguent d'un divan à un autre ou les femmes qui restent avec un homme dans le seul but d'avoir un endroit où dormir. On compte parmi les itinérants de plus en plus de femmes, de jeunes, de familles, ainsi qu'un pourcentage élevé de personnes qui ont un trouble de santé mentale. Plus de la moitié des Autochtones de la Colombie-Britannique sont pauvres, et ils ne représentent pourtant que moins de 5 p. 100 de la population de la province. Cette statistique nous rappelle à notre grande honte notre histoire de colonisateurs.
    Dans nos refuges, les travailleurs pauvres sont plus nombreux que jamais. Les salaires diminuent de façon constante depuis dix ans, ce qui explique le taux élevé de pauvreté observé aujourd'hui en Colombie-Britannique. Nous recommandons à nos gouvernements de travailler de concert et d'augmenter le salaire minimum à 11 $ l'heure, au moins, et d'établir des taux régionaux afin de réagir à la réalité économique locale.
    C'est en Colombie-Britannique que l'on observe le taux de pauvreté des enfants le plus élevé au Canada. Nous savons que l'itinérance affecte plusieurs générations. Si le gouvernement fédéral maintenait son engagement envers l'éradication de la pauvreté chez les enfants, pris dans le cadre de Campagne 2000, Lookout ne verrait pas ces enfants une fois devenus adultes se présenter de nouveau à sa porte.
    Les taux de prestations d'aide sociale ont diminué. Cependant, c'est plutôt la réforme du système du bien-être qui a permis la réduction du nombre de prestataires, non pas seulement l'augmentation des emplois. C'est en 2007 que nous avons observé la première augmentation depuis le début des années 1990; pourtant, malgré cette augmentation, les taux sont loin de correspondre à ce qu'il en coûte pour assurer sa subsistance chaque mois.
    Certaines politiques de lutte contre la pauvreté ont fonctionné. S'il n'existait pas de prestations de soutien au revenu pour les personnes âgées ou pour les chômeurs, par exemple, le taux de pauvreté serait malheureusement bien plus élevé qu'à l'heure actuelle. Quoi qu'il en soit, pour vraiment atténuer la pauvreté, il faut créer d'autres programmes de prévention, par exemple des régimes de pensions, des programmes d'aide sociale, des programmes d'assurance-emploi et des règlements sur le salaire minimum.
    Le régime de retraite du Canada est souvent qualifié de réussite, mais en réalité, les personnes âgées, en particulier les femmes seules, forment une proportion beaucoup plus élevée de pauvres que les personnes qui ne sont pas encore des personnes âgées. Nos prestations de revenu de l'assurance-emploi assurent un revenu de remplacement qui atteint à peine le seuil de la pauvreté, ce qui fait que de plus en plus de personnes perdent leur logement et doivent se présenter dans un refuge d'urgence. Il faudrait élaborer et mettre en oeuvre une stratégie nationale de réduction de la pauvreté s'appuyant sur un travail concerté des gouvernement fédéral, provinciaux et territoriaux. Nous avons besoin d'un cadre pour assurer de façon équitable la construction de logements et des mesures de soutien visant les personnes les plus vulnérables.
    Nous pouvons tirer des leçons de la campagne très réussie qui a permis de loger les personnes handicapées de toutes nos collectivités. Cinq pour cent des nouveaux logements étaient réservés aux personnes handicapées. Lookout propose de réserver une proportion semblable aux autres personnes marginalisées. Les itinérants ne devraient pas être forcés de quitter leur collectivité pour avoir accès à un logement et aux services dont ils ont besoin, et les collectivités ne devraient pas pouvoir choisir comme bon leur semble les personnes à qui elles offriront des services. Il faut que les dirigeants fédéraux s'assurent de faire de tous les quartiers des collectivités inclusives représentatives de la diversité de la population du Canada.
    Nous félicitons le gouvernement fédéral pour son programme d'aide à la remise en état des logements, grâce auquel les propriétaires à faible revenu obtiennent une aide financière pour effectuer des réparations. Ce programme aide les gens qui vivent dans des immeubles de qualité inférieure et n'ont pas les moyens d'effectuer les réparations nécessaires. On pourrait dire que certains des logements de Lookout ne respectent pas la norme, et pourtant, nous n'avons pas été capables d'obtenir du financement du PAREL. C'est un excellent programme, mais ses ressources sont insuffisantes.
(1515)
    Nous félicitons également notre gouvernement provincial pour certaines initiatives qu'il a mises en oeuvre ces deux dernières années, la conservation de son parc de logements, puisque cela évite à la population du Lower Mainland de compter encore plus d'itinérants. Les améliorations au chapitre du logement sont magnifiques, mais je m'en voudrais de ne pas souligner que les pièces ne font habituellement que 100 pieds carrés seulement, et que la salle de bain est au bout du corridor. Rien ne remplace les logements autonomes. La province, en outre, a légèrement augmenté l'allocation de logement en 2007.
    Ces mesures sont néanmoins isolées, et pour réussir, une mesure de lutte contre la pauvreté doit être cohérente et coordonnée. Il faut établir un échéancier et des cibles en matière de réduction de la pauvreté et mettre en place différents mécanismes pour atteindre nos buts. Il faut s'engager à verser un financement durable et permanent afin d'augmenter le nombre de logements abordables. À ce chapitre, je dois souligner que nous avons été ravis, au départ, par l'adoption de la stratégie nationale en matière de logement, qui définit les sphères de responsabilité de chaque ordre de gouvernement.
    Il n'y a pas de définition officielle de la pauvreté au Canada. On utilise le plus souvent le seuil de faible revenu, mais, en ce qui concerne l'itinérance, il n'y a toujours pas de définition commune, au Canada, ce qui complique le discours sur la pauvreté. Nous ne pouvons définir la pauvreté que de façon implicite, par exemple en comparant le revenu et les dépenses moyennes d'un ménage consacrées à la nourriture, aux vêtements et au logement. Étant donné la différence des concepts touchant la pauvreté et l'absence d'une définition commune, tout débat sur la réduction de la pauvreté semble voué à l'échec. Nous nous attendons à ce que nos dirigeants fédéraux changent cela.
    Pour terminer, nous demandons à ce que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux travaillent de concert pour mettre fin à la pauvreté en augmentant le salaire minimum et les prestations aux chômeurs. Un pourcentage donné de tous les nouveaux logements construits devrait être réservé aux logements abordables, et il va sans dire que le Canada doit adopter une stratégie nationale en matière de logement.
    Je vous remercie.
(1520)
    Merci, madame Jaakson.
    Nous allons maintenant passer à Robyn Kelly, qui représente le Hospitality Project.
    Robyn, nous avons hâte de vous entendre. Vous avez sept minutes.
    Bon après-midi. Je suis intervenante communautaire et je défends les intérêts du Hospitality Project de New Westminster. C'est une communauté d'intention inclusive, satellite de la plus importante banque alimentaire de la Colombie-britannique, celle du Grand Vancouver. En moyenne, 500 personnes par semaine s'y présentent pour recevoir de la nourriture.
    Le Hospitality Project nous aide à promouvoir le sens de la collectivité en ne laissant pas les gens attendre dehors. Ils ne sont ainsi plus soumis aux intempéries, à la circulation, au harcèlement. Nous les accueillons à l'intérieur où ils peuvent se mettre à l'aise et prendre une tasse de café, et nous leur offrons d'autres services, puisqu'ils sont déjà réunis pour obtenir à manger. Des dizaines de partenaires communautaires ont mis sur pied, dans nos locaux, un comptoir où ils offrent leurs services. Les usagers peuvent suivre des cours de niveau secondaire, des services d'aide pour les enfants et les parents, des soins infirmiers et de l'aide dans le domaine fiscal, par exemple, mais nos partenaires offrent une foule de services. Nous assurons un triage à la réception, nous fournissons les services de personnes-ressources, des services de défense des droits et un service d'échange de vêtements et d'objets ménagers, nous offrons du café et du thé et nous proposons de nombreuses possibilités de bénévolat. Les services sont offerts à tous, gratuitement.
    Comme je n'ai que sept minutes pour vous parler de la politique fédérale en matière de logement et de personnes handicapées, j'ai pensé qu'il serait plus utile que je parle de ce qui est, à mon avis, efficace plutôt que de ce qui, à mon avis, ne fonctionne pas. Je ne peux pas tout faire en sept minutes.
    Je commencerai par une évaluation de mon propre salaire. Mon poste est financé à raison de 25 heures par semaine par le truchement de l'Initiative des partenariats de lutte contre l'itinérance. Mon contrat arrivera à échéance à la fin de 2011. Au départ, mon poste devait servir à répondre aux besoins de cinq villes et demie, en l'occurrence Burnaby, New Westminster, Coquitlam, Port Coquitlam, Port Moody et Surrey-Nord, où aucun service de défense des droits n'est offert. Cependant, après quelques mois, il était malheureusement évident que cela n'était pas un objectif réaliste; c'était plutôt une tâche impossible. La demande était, et est toujours, écrasante. Je ne sers désormais que les clients qui résident à New Westminster. Au début de l'année, trois villes, Coquitlam, Port Coquitlam et Port Moody, ont embauché un conseiller, mais Burnaby et Surrey-Nord n'offrent toujours pas de services de défense des droits.
    La plupart des programmes de défense des droits ont établi des critères assez précis concernant l'admissibilité de leurs usagers et le type de dossiers pour lesquels ils offrent des services. Les rares programmes qui, à ma connaissance, sont uniques, par exemple le programme pour lequel je travaille, sont mis en oeuvre par des églises — en fait, par l'Église unie. Vous avez déjà entendu, cet après-midi, Rosemary Collins de l'Église unie de Wilson Heights. Je travaille également à cet endroit. Il y a aussi la First United Church, dans le downtown east side. On y offre également des services de défense des droits à tout le monde, sur toutes les questions.
    Je m'occupe de tous ceux qui se présentent ici, peu importe leur classe sociale, leur âge, leur origine raciale, leur sexe ou leur statut au Canada. J'essaie de les aider de mon mieux, peu importe leur problème. Je les aide par exemple à gérer une dette personnelle, à obtenir de l'aide sociale, des prestations d'assurance-emploi ou du RPC, à régler leur problème de logement ou leur plainte touchant les droits de la personne et à régler toutes sortes de questions. La liste est longue. Mais je m'occupe surtout d'aide sociale et de problèmes de logement. La plupart de mes clients qui reçoivent des prestations d'aide sociale sont des personnes handicapées. Et, même si ces dossiers relèvent de la province, comme Rosemary l'a expliqué, je vais en parler un peu.
    Franchement, je trouve qu'il est fondamentalement problématique que ces dossiers ne relèvent que de la province. Étant donné que nous n'avons pas de politique nationale en matière de logement, ni de politique fédérale touchant les personnes handicapées, nous sommes obligés de nous appuyer sur le système provincial. Cela signifie que les personnes avec lesquelles je travaille, qui sont des personnes handicapées, font face à des obstacles importants concernant leur liberté de mouvement à l'échelle du pays et à d'importantes variations au chapitre de l'accès au revenu et aux soins de santé; tout dépend de leur identité et des systèmes auxquels elles arrivent à avoir accès.
    La définition de handicap est différente dans le cas des personnes qui demandent des prestations provinciales et des personnes qui demandent accès aux prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada. Les prestations provinciales sont accessibles aux personnes qui pourraient être guéries ou rétablies après deux ans. C'est cela, le critère — que l'invalidité dure deux ans.
(1525)
    Cela fait quatre ans que je fais ce travail, presque cinq maintenant, et tous mes clients handicapés sont handicapés de façon permanente. Jusqu'ici, aucun d'entre eux n'a pu s'attendre à être guéri après deux ans. Ils finissent tous par répondre aux mêmes critères, de toute façon.
    Les règlements du bien-être exigent que toutes les autres sources de revenu soient épuisées. Tous mes clients qui ont demandé des prestations d'invalidité provinciales ont dû demander quand même des prestations d'invalidité du RPC. En Colombie-Britannique, un célibataire, je crois que vous en avez déjà entendu parler aujourd'hui, reçoit 906 $ par mois et de maigres prestations pour les soins de santé. Les prestations que lui verse la Colombie-Britannique pour les soins de santé sont couvertes, il recevra une petite allocation pour les services d'un dentiste ou d'un optométriste, et l'assurance-médicament est un peu plus large. Cependant, s'il a cotisé suffisamment pendant sa vie active pour avoir droit à 907 $ de prestations d'invalidité du RPC, montant qui sera entièrement retenu sur les prestations provinciales, il n'aura pas accès à des soins de santé. Son dossier sera fermé, et il n'aura plus qu'un revenu, sans accès à des prestations complémentaires pour les soins de santé.
    J'ai travaillé avec beaucoup de personnes qui, lorsque leur état de santé a commencé à décliner, ont déménagé dans une autre province, où des membres de leur famille pouvaient prendre soin d'elles. Toutefois, elles devaient présenter une nouvelle demande pour être reconnues comme une personne handicapée dans cette autre province. L'absence de liens entre les systèmes de détermination de l'invalidité impose un fardeau très lourd à ces personnes, qui doivent présenter des demandes distinctes pour recevoir des prestations d'invalidité du gouvernement provincial et des prestations d'invalidité du RPC, et qui doivent encore une fois prouver leur état si elles veulent réclamer le crédit d'impôt pour personnes handicapées parce qu'elles doivent le réclamer pour avoir droit de s'inscrire au nouveau régime enregistré d'épargne invalidité.
    Ces formulaires sont toujours longs et complexes et ils exigent un grand effort, même de la part des personnes qui, elles, ne souffrent pas, n'ont pas les facultés affaiblies par des médicaments ou n'ont pas des capacités moindres en raison d'un grave problème de santé mentale ou d'une lésion cérébrale. Le fait que ce soit les médecins qui effectuent la plus grande partie du travail ne soulage aucunement. En fait, c'est un obstacle de plus, parce que certains médecins refusent de prendre de nouveaux patients lorsqu'ils constatent qu'ils reçoivent des prestations d'invalidité ou qu'ils voudraient en recevoir; les médecins détestent avoir à remplir tous ces formulaires, bien qu'ils soient payés assez généreusement pour le faire.
    Rosemary a mentionné un peu plus tôt le problème du rejet généralisé des demandes de prestations provinciales. J'aimerais ajouter quelque chose. Depuis quatre ans et demi que je fais ce travail, sur les dizaines de personnes qui ont présenté une demande, deux seulement n'ont pas eu à interjeter appel. Mais lorsqu'elles doivent faire appel, dans 100 p. 100 des cas le rejet est annulé. Je pourrais me vanter et dire que c'est parce que je fais mon travail à la perfection, mais la vérité, c'est que le rejet de la demande était tout simplement injustifié — dans tous les cas.
    La grande majorité de mes clients handicapés vivent également dans des logements de qualité inférieure ou encore ils doivent consacrer tout leur revenu à un logement atypique ou, au mieux, tout juste convenable. Je n'arrive pas à séparer les deux questions, santé et soins de santé, d'une part, normes en matière de logement et itinérance, d'autre part.
    Je viens d'apprendre qu'au nom de la recherche, 300 résidents de la région métropolitaine de Vancouver, qui ont des problèmes de santé mentale, obtiendront bientôt un logement. J'ai eu le plaisir, récemment, d'entendre Catharine Hume, coordonnatrice du projet « At Home/Chez Soi », mis en oeuvre par la Commission de la santé mentale du Canada. Je dois ajouter que, quand j'ai compris que le gouvernement fédéral réalisait parallèlement à cela un autre projet de recherche, j'ai eu envie de me mettre en colère. Mais, je me suis quand même retenue sachant qu'au moins 300 personnes allaient avoir un logement, même si c'était de manière temporaire, dans le cadre du projet de recherche. Donc, 100 personnes auront accès à un logement et à un soutien 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, 100 personnes auront accès à un logement et à un soutien 12 heures par jour, sept jours par semaine, et 100 autres personnes n'auront accès qu'à un logement, sans soutien. Nous allons voir ce qui leur arrivera. Je serais vraiment abasourdie si cette étude révélait des choses que l'on ne sait pas déjà, et que, en fait, on sait probablement déjà depuis maintenant 30 ans.
    On peut dire la même chose en ce qui concerne une stratégie nationale en matière de logement. C'est l'annulation de cette politique qui a provoqué la crise du logement que l'on observe actuellement à l'échelle nationale. Le Canada devrait être un chef de file mondial dans le domaine des stratégies de logement permettant par exemple à des personnes à faible revenu d'être propriétaires ou de construire des coopératives de logement, au lieu d'en être là où il en est aujourd'hui, c'est-à-dire à tenter de combler un retard de 30 années et à chercher des solutions à l'itinérance et des correctifs aux problèmes qui découlent de la crise, par exemple le problème très répandu de logements illégaux et non conformes.
(1530)
    Laissez-moi vous raconter une anecdote. Récemment, des conseillers municipaux de tous les districts de la région métropolitaine ont visité les villes jumelées de la Chine et du Japon. Lorsqu'il était en Chine, un des conseillers de Vancouver a constaté que la réputation de Vancouver à titre de ville de classe internationale était associée à la connaissance de l'existence d'une crise des sans-abri. Les gens sont au courant de la situation, même en Chine.
    Le conseiller a dû à sa grande honte reconnaître que ce que le conseiller chinois avait entendu était vrai, et il a eu encore plus honte lorsqu'il a dû répondre à la question de ce conseiller et dire qu'il y avait à Vancouver 3 000 sans-abri. Mais il a été plus mortifié encore lorsque le conseiller chinois a déclaré ceci: « 3 000? Nous en avons 250 000, et nous n'avons peut-être que le dixième des ressources que vous avez. Pourquoi ne réglez-vous pas tout simplement le problème? » Notre conseiller n'a pas été capable de répondre.
    Pourtant, les réponses sont là. Nous travaillons à soutenir et à maintenir la collectivité — en devenant propriétaire et, dans le cas de la classe moyenne, en le restant. Il suffit de revoir nos politiques, qui sont discriminatoires à l'égard des gens à faible revenu, et voilà le travail. Tout comme Irene le mentionnait, son organisme n'a pas accès aux programmes qui visent les travaux d'entretien et de réparation des logements.
    Je crois que c'est tout.
    Merci, madame Kelly.
    Nous allons maintenant donner la parole à soeur Elizabeth Kelliher, de la Downtown Eastside Residents Association.
    Bienvenue. Vous avez sept minutes. Merci d'être venue ici aujourd'hui.
    Je suis vraiment reconnaissante que vous m'ayez donné l'occasion de vous faire part de mes réflexions sur la réduction de la pauvreté. J'apprécie vraiment que vous me permettiez de le faire cet après-midi. J'aurais aimé être ici ce matin, mais, que voulez-vous, il y a des imprévus.
    Beaucoup de personnes ont utilisé l'expression « cycle de la pauvreté ». Cela fait 60 ans que je travaille avec les pauvres, et j'ai vu ce cycle se perpétuer, j'ai vu l'arrière-grand-mère, et j'ai vu tous ses descendants, jusqu'à l'arrière-arrière-petit-enfant vivant dans la pauvreté.
    J'ai dirigé des centres de jour dans les coins les plus pauvres du sud du Bronx et du centre est de Manhattan, et j'y ai accueilli des enfants âgés de deux ans et demi ou trois ans, qui étaient effrayés, qui semblaient déprimés et léthargiques, et qui n'avaient aucun enthousiasme ni aucune curiosité. Bon nombre des mères célibataires avaient été poussées à confier leur enfant à un service de garde afin de trouver un emploi. Trop souvent, leur salaire minimum ne leur permettait pas de payer un loyer et les privait, ainsi que leur enfant, d'une assurance santé.
    Personne ne semblait comprendre que ces enfants auraient été beaucoup mieux si on avait permis à leur mère de rester à la maison et de vivre la satisfaction d'avoir à prendre soin d'un enfant et de lui enseigner ce qu'il doit apprendre durant les premières années de sa vie. Malheureusement, nos sociétés ne respectent ni ne valorisent les bonnes compétences parentales, et semblent ne s'intéresser uniquement qu'aux résultats financiers.
    Il doit y avoir des milliers de livres sur le développement de l'enfant. On y souligne toujours à quel point les premières années de la vie sont critiques pour le développement d'une personne saine sur les plans physique, mental et émotionnel. Des soins affectueux en quantité, une nourriture adéquate, des soins de santé et des activités stimulantes font partie des besoins les plus fondamentaux des poupons et des enfants de moins de sept ans.
    Ma communauté religieuse est établie dans la région dans laquelle je travaille aujourd'hui, le downtown east side de Vancouver, depuis 1926. Au fil du temps, nous avons répondu aux besoins de différentes populations, a commencé par les Japonais. Aujourd'hui, nous dirigeons un comptoir alimentaire ouvert cinq jours par semaine et nous recevons de 500 à 600 personnes, pour la plupart des hommes et des femmes sans abri.
    Je me demande ce qui s'est passé au début de leur vie? Que s'est-il passé pour qu'ils se retrouvent maintenant dans cette situation, pour qu'ils n'aient plus de toit sous lequel s'abriter?
    Je fais aussi partie du conseil d'administration de la Downtown Eastside Residents Association. Nous nous occupons de trois immeubles à logements sociaux, qui comptent environ 600 unités. Cela fait des années que ma communauté et l'association des résidents font pression pour qu'il se construise des logements sociaux. La province n'a bâti aucun logement social depuis le milieu des années 1990. En Colombie-Britannique, où le salaire minimum est de 8 $ l'heure, personne ne peut se payer même un appartement d'une seule chambre, dont le loyer est de près de 1 500 $ par mois. Les familles vont dans les refuges. Quelle catastrophe pour les familles de devoir élever de jeunes enfants dans une telle situation.
    L'an dernier, un père est venu à notre porte quémander de l'aide. Il avait un emploi, gagnait 18 $ l'heure et vivait dans un très petit appartement à une seule chambre avec son épouse, une petite fille aux couches et un fils de 15 ans. Son loyer, le moins cher qu'il avait pu trouver, était de 1 300 $. Avec tous les autres frais, il avait de la difficulté à acheter suffisamment de nourriture.
    Les pressions financières et le manque d'espace nuisent énormément à la capacité du nombre croissant de familles pauvres de se sentir en sécurité. Les enfants, en particulier les plus jeunes, ressentent cette pression et croient qu'ils font partie du problème. J'ai entendu un enfant de quatre ans affirmer que, s'il mourait, tout rentrerait dans l'ordre. Cet enfant s'est suicidé lorsqu'il a atteint l'âge de 15 ans.
(1535)
    Cette situation déclenche parfois des problèmes de santé mentale, en particulier la dépression. Un gouvernement fédéral qui ferme les yeux sur les besoins pressants en logement sociaux crée de plus en plus de problèmes, surtout pour les enfants de familles à faible revenu et pour tous les prestataires d'aide sociale. On compte à Vancouver de très rares programmes parascolaires pour les enfants, et encore moins pour les jeunes des écoles secondaires.
    J'aimerais suggérer que, en plus de construire des logements sociaux de deux ou trois chambres, l'on adopte une loi sur le salaire minimum vital. Les gens ne peuvent certainement pas vivre avec la somme dérisoire qu'ils gagnent lorsqu'ils travaillent au salaire minimum. Certaines personnes, en particulier les immigrants, vont travailler pour cinq dollars l'heure, simplement pour avoir quelque chose à faire — travailler un peu, gagner un peu d'argent. Ils travaillent de longues heures, leurs heures supplémentaires ne sont pas payées, et ils n'ont aucun avantage.
    Ils sont forcés de se tourner vers la criminalité.
    Il est également raisonnable de demander d'augmenter l'affectation pour l'aide publique.
    Peu importe ce que l'on fera, il faut mettre l'accent sur tout ce qui sera bénéfique pour les familles avec enfants. Les enfants sont notre avenir.
    Merci.
    Merci beaucoup, ma soeur. Nous apprécions votre exposé.
    Nous allons passer à nos rondes de cinq minutes.
    Monsieur Savage.
(1540)
    Merci beaucoup.
    Nous nous rendons toujours compte, en visitant les différentes régions du pays et en rencontrant des personnes qui aident les autres à faire face à la pauvreté, qu'il s'agit en grande partie de bénévoles. Ceux qui reçoivent un salaire ne sont pas grassement payés. On pourrait dire que ce sont les héros de ce système.
    Ici, à Vancouver — je n'ai pas à donner de conseil au gouvernement provincial, nous avons, au gouvernement fédéral, déjà suffisamment de problèmes —, nous entendons dire que la Colombie-Britannique compte les plus hauts niveaux, si ce n'est pas le plus haut niveau, d'enfants pauvres au pays, que le salaire minimum est de huit dollars, que le salaire d'un stagiaire est de six dollars, que des gens vont travailler pour aussi peu que cinq dollars juste pour avoir de quoi manger, et que la clientèle des banques alimentaires a augmenté de 15 p. 100 l'an dernier seulement.
    Donc, la Colombie-Britannique éprouve des problèmes; le gouvernement fédéral ne s'acquitte plus de ses responsabilités.
    David, je voudrais vous remercier. Vous avez parlé des magasins à un dollar de Halifax. C'est une initiative de notre ami Norman Greenberg. Je ne sais pas si vous le connaissez. Norman est un gars fantastique.
    Norman et moi faisons partie du Conseil pour les entreprises sociales du Canada.
    Bon. C'est merveilleux.
    J'ai passé une excellente journée à Winnipeg avec vos collègues, Brendan et les autres. Mon dieu, je peux vous dire que l'économie sociale... je sais aussi qu'un certain nombre d'autres personnes, Tony et les autres...
    C'est un rôle très important, et il ne s'agit pas seulement de nous permettre de sortir de ce cycle de la pauvreté. Mais j'ai aussi vu le travail que certaines personnes font à Winnipeg.
    Je crois que vous avez dit que la Coopérative de crédit d'Assiniboine était partenaire dans certains de ces projets. Ces projets sont parfois fantastiques. Ils visent les personnes qui sortent de prison ou les personnes qui seraient probablement en prison si elles n'avaient pas d'autres solutions de rechange.
    Ce qui est intéressant dans le cas de la Coopérative de crédit d'Assiniboine, qui est une importante coopérative de crédit de Winnipeg, c'est qu'elle met à profit ses achats. Elle ne se contente pas de faire preuve de responsabilité sociale à titre d'entreprise en signant des chèques et en donnant de l'argent; elle utilise réellement son pouvoir d'achat en ciblant des entreprises sociales. Elle obtient ainsi un produit de qualité à un prix compétitif et crée en outre des retombées sociales, car elle crée des emplois pour les gens du centre-ville.
    Je crois que ce type de partenariat entre le gouvernement, le secteur privé et le secteur communautaire est réellement une solution. Tout le monde achète des choses, mais nous ne tenons pas toujours compte du potentiel des achats intentionnels. Chaque achat a un effet d'entraînement. Si nous ciblons nos achats, nous pourrons observer des résultats intentionnels sur les plans social et environnemental.
    Oui. Je suis d'accord avec cela.
    J'ai quelques questions concernant des recommandations précises.
    Robyn, merci d'avoir fait un exposé sur ce sujet-là.
    Vous avez parlé du crédit d'impôt pour personnes handicapées. Ce n'est pas un crédit d'impôt remboursable.
    Non. Le crédit d'impôt pour personnes handicapées vous donne droit à d'autres crédits d'impôt. Il y a notamment un crédit d'impôt sur le carburant, mais il faut être inscrit au regard du crédit d'impôt pour personnes handicapées.
    Mais il y a aussi le crédit d'impôt pour personnes handicapées du gouvernement fédéral, qui pourrait être remboursable, n'est-ce pas?
    Oui. Je crois également que le régime enregistré d'épargne-invalidité est un programme fantastique, à l'échelle provinciale comme à l'échelle fédérale. Les cotisations peuvent être versées même si le titulaire du régime ne peut y cotiser, une année donnée. Les deux gouvernements peuvent verser une cotisation maximale pouvant atteindre 25 000 $ au cours d'une vie. C'est un excellent programme. Il faut pouvoir se prévaloir du crédit d'impôt pour ouvrir un compte dans ce régime.
    Merci de cette information.
    Irene, vous avez parlé des travailleurs pauvres. Vous n'en avez pas beaucoup parlé ici aujourd'hui, mais c'est certainement un enjeu important. Les femmes qui travaillent à temps plein tout au long de l'année gagnent seulement 71 p. 100 du salaire moyen des hommes.
    Vous avez parlé de l'assurance-emploi. Nous avons beaucoup entendu parler de l'assurance-emploi ailleurs; nous n'en avons pas beaucoup entendu parler aujourd'hui. Je me demande si des recommandations précises ont été présentées. Il y a toutes sortes de façons de modifier l'assurance-emploi. On peut par exemple établir une norme nationale, par exemple 360 heures, et augmenter le taux de prestations, qui est de 55 p. 100.
    Je me demandais si vous avez quelque chose de particulier à nous dire en ce qui concerne l'assurance-emploi.
    Il est certain qu'il faut d'abord établir des normes nationales.
    Modifier l'assurance-emploi de façon à tenir compte des problèmes des différentes régions et de leurs préoccupations serait certainement la seconde recommandation qui me vient à l'esprit.
    Il est évident que des travailleurs pauvres se présentent à nos portes. C'est assez alarmant. Alors qu'habituellement, nous recevions des gens qui vivaient et dormaient à la dure, ce n'est certainement pas rare de recevoir également des familles divisées, parce qu'il est très difficile de trouver un refuge pour des familles: la mère et les enfants vont d'un côté, le père va d'un autre côté. Et dans de nombreux cas, un, sinon deux membres de la famille a un emploi permanent à temps plein.
(1545)
    Je sais que mon délai est presque écoulé, monsieur le président, mais j'aimerais avoir 30 secondes de plus, si vous le voulez bien.
    Certainement. Continuez.
    Eh bien, ce n'est plus nécessaire; j'ai déjà dépassé mon délai.
    Le rapport de cette année de la banque alimentaire indique une augmentation de 18 p. 100 à l'échelle du pays, de mars à mars. L'an dernier, les rapports des banques alimentaires indiquaient plutôt que la situation était stable, mais qu'elles avaient constaté une augmentation du nombre de familles comptant un travailleur, et je crois que c'est toujours un problème.
    J'aimerais aussi dire que nous devrions envoyer soeur Kelliher faire une tournée du pays pour parler aux gens de la pauvreté. Je suis sûr que la volonté politique des gouvernements serait plus solide.
    Merci de votre exposé.
    Merci.
    Allez-y, Tony.
    Merci.
    L'après-midi avance, et nous avons entendu des exposés très convaincants; j'aimerais remercier tous ceux qui les ont présentés. Vous n'avez certainement pas manqué de souligner qu'il fallait un continuum de services au sein même du marché du travail, le genre d'entreprises sociales dont Dave a parlé, et le type de soutien que les collectivités peuvent offrir.
    Quand j'entends soeur Elizabeth et Robyn et en particulier Irene parler du nombre de personnes qui se retrouvent actuellement prises dans ce filet, dont elles n'arrivent pas à sortir, et des répercussions de cette situation sur leur niveau de pauvreté, je pense que ce qui est probablement le plus difficile, c'est d'en arriver à une pauvreté spirituelle, quand vous n'êtes plus capable de croire en vous-même. À partir de ce moment-là, il en coûte beaucoup plus cher pour vous ramener dans le système. Et cela finit souvent dans des circonstances très tragiques.
    Hugh Segal a parlé beaucoup du revenu de base en disant vouloir s'assurer que quiconque, simplement à titre d'être humain, devrait avoir régulièrement accès à un peu d'argent. Cela leur permettrait d'avoir de quoi manger, un toit, peut-être, un peu de vêtements, et, s'ils ont des enfants, la capacité de s'en occuper. Il a ajouté que cela éviterait à bien des gens d'avoir à s'humilier, à se prosterner, si l'on peut dire, afin d'avoir un petit quelque chose, et voir sa demande refusée et devoir faire d'autres démarches et interjeter appel.
    Nous recevons dans nos bureaux des gens qui — je ne sais pas si cela vous arrive, mais cela vous arrive probablement aussi, comme à nous tous — ont besoin qu'on les aide à défendre leurs droits. Nous allons souvent nous porter à leur défense, et quand nous le faisons, nous découvrons que leur demande n'aurais jamais dû, au départ, être rejetée.
    Vous avez raison, quand des intervenants qui s'occupent de la défense des droits s'occupent d'un appel, dans bien des cas, dans 90 p. 100 des cas, on constate que la demande n'aurais jamais dû être refusée. Ce type d'approche semble être de plus en plus appliqué depuis les années 1990.
    Que penseriez-vous de mettre en place un programme de revenu de base pour les Canadiens, comme Hugh Segal l'a suggéré?
    Qu'est-ce que je pense de...?
    Je parle d'un revenu annuel garanti, un revenu de base, qui permettrait à quiconque, quelle que soit sa situation, peu importe de qui il s'agit, pourra simplement parce qu'il est citoyen de notre pays et un être humain, recevoir un revenu.
    Je connais un regroupement qui s'appelle « The Living Wage Group » qui a documenté les besoins d'une famille de quatre personnes, dont l'un des parents travaille 40 heures et l'autre, 20 heures. Évidemment, chaque année, le coût de la vie augmente un tant soit peu. Il faudrait pouvoir l'adapter. Je suis d'accord: une personne, selon ses besoins, devrait avoir accès à un montant de base qui lui permette de combler ses besoins.
    Je racontais à quelqu'un il n'y a pas longtemps l'histoire d'un monsieur que j'avais rencontré dans diverses assemblées. Il faisait partie de notre groupe. Il représentait les services de police et venait nous présenter des rapports. Il avait travaillé dans le domaine de la radio et c'était tout simplement un monsieur merveilleux. Il s'est présenté à notre porte, un jour, et m'a dit qu'il était content que j'aie répondu, parce qu'il voulait que je sache pourquoi il venait prendre un repas chaud. Il disait que sa pension était si maigre qu'après avoir payé son loyer et les 200 $ de médicaments non couverts par le régime d'assurance santé dont il avait besoin, il ne lui restait presque plus d'argent.
    Le rôle du gouvernement est, en réalité, de prendre soin des gens, non pas de se contenter de vérifier comment l'argent est versé par les entreprises, ou, peu importe la description qu'il en fait. C'est à lui de le faire.
    J'ai mentionné brièvement la question des programmes parascolaires pour les enfants. Si les deux parents travaillent presque à temps plein, le père a parfois deux emplois et la mère aussi, et qu'ils travaillent seulement pour avoir assez d'argent pour nourrir les enfants et payer le loyer et faire tout ce qu'ils ont à faire, qui s'occupera de ces enfants? Où vont-ils trouver des camarades? Ils vont aller voir les petits malins qui prennent déjà de la drogue. Il faut ensuite financer les prisons, les établissements correctionnels pour les jeunes, et tout le reste. En plus, leur vie est ruinée.
    Quand nous ne nous occupons pas de nos enfants, ils ont des problèmes — c'est vrai pour nous tous.
(1550)
    Merci, Tony. Vous n'avez plus de temps.
    Madame Jaakson, voulez-vous commenter rapidement?
    J'essaierai.
    J'ai une ou deux choses à dire. Le point de départ de toute discussion sur la pauvreté doit être de définir ce que nous entendons par pauvreté. C'est pour moi frustrant qu'une telle mesure n'existe pas. Nous voyons que l'une des mesures est utilisée plus souvent que les autres, et je crois que c'est, par défaut, la définition. Mais pour commencer, j'examinerais les résultats fondamentaux d'un programme axé sur le revenu. De combien parlons-nous pour le loyer? De combien parlons-nous pour la nourriture, les vêtements, les loisirs, les programmes pour les enfants ou la garderie? Souvent, quand nous parlons de revenu, j'ai l'impression que nous parlons de verser un revenu qui suffira tout juste à empêcher les gens de tomber dans la pauvreté abjecte. Mais un revenu conforme aux valeurs canadiennes inclurait un certain nombre d'autres aspects, ceux qui empêchent une personne de tomber dans la pauvreté spirituelle.
    Mon deuxième point, c'est que cela a plein de bon sens sur le plan financier. Souvent, quand je parle avec d'autres personnes de stratégie de lutte contre l'itinérance ou contre la pauvreté, j'ai l'impression qu'elles se disent que ceux d'entre nous qui défendent ces intérêts-là voudraient simplement dépenser de l'argent à titre d'expédient. J'insiste sur le fait que cela a du bon sens. Prenez le cas du jeune garçon dont soeur Elizabeth a parlé, qui s'est suicidé à l'âge de 15 ans. J'imagine que, entre sa quatrième et sa quinzième année, il a fallu dépenser d'énormes sommes d'argent pour en prendre soin. Les problèmes de santé mentale, de toxicomanie, de santé physique — ce sont des situations qu'il est atroce d'observer. Nous, de notre côté, nous hochons la tête et nous affirmons qu'il en coûte beaucoup plus pour prendre en charge les résultats de la pauvreté que de s'attaquer à la pauvreté elle-même.
    Mon dernier point concerne certaines des campagnes qui ont été lancées dans le passé comme un ballon d'essai, par exemple la Campagne 2000. J'étais vraiment emballée quand j'ai entendu parler de la Campagne 2000. Puis, l'an 2000 est arrivé, et tout cela a soudainement disparu. Il n'y avait pas beaucoup de mécanismes structurés pour cerner les réussites, pour évaluer l'efficacité de la campagne et pour faire le suivi des résultats.
    Un programme fédéral doit absolument être doublé de stratégies, de méthodes de mesure, d'échéances et de mécanismes d'évaluation. Je crois que, par le passé, nous nous sommes tirés dans le pied.
(1555)
    C'est bon, ma soeur. Je ne peux pas vous arrêter. Qu'est-ce que je pourrais dire? Vous pourrez avoir le dernier mot cette fois-ci.
    Allez-y, s'il vous plaît.
    À Portland, les responsables ont réduit le nombre des itinérants de 70 p. 100, et ils avaient affaire au même genre de personnes — des toxicomanes, des alcooliques, des personnes ayant des troubles de santé mentale et ainsi de suite. Ils ont découvert qu'il en coûtait 52 000 $ par année pour prendre soin d'une personne dans la rue, en tenant compte des arrestations, des séjours à l'hôpital, et que, grâce à l'aide sociale, il était possible de donner un logement à ces personnes pour seulement 24 000 $. Le plus beau, c'est qu'on leur donne en même temps la dignité de vivre dans leur propre maison.
    Merci.
    Dona.
    Je suis d'accord avec vous, il n'existe pas de définition de la pauvreté, et nous devons en choisir une. J'ai dressé une liste des personnes qui sont au seuil de la pauvreté, je les ai classées en sept groupes — les personnes âgées, les Autochtones, les jeunes, les personnes handicapées, les mères de famille monoparentale, les travailleurs pauvres et les sans-abri. Est-ce que j'ai oublié quelqu'un?
    Je crois qu'il y a aussi un fort pourcentage d'immigrants et de réfugiés qui vivent dans la pauvreté.
    Je sais que vous avez déjà créé une catégorie pour les femmes, mais j'inclurais un sous-groupe, c'est-à-dire les femmes qui ont survécu à la violence familiale.
    Vous allongez ma liste.
    Puisqu'elle est plus longue, j'ajouterais les toxicomanes.
    De quels types d'ententes fédérales, provinciales ou territoriales...? Ces trois groupes, est-ce qu'on peut les réunir? Pensez-vous à quelque chose que nous pouvons faire chacun de notre côté, ou est-ce que nous devrons travailler de concert?
    David.
    Si nous pouvions seulement examiner les politiques en matière d'approvisionnement des gouvernements fédéral, provinciaux, municipaux... C'est intéressant de savoir que les PME cherchent à faire la même chose que nous en matière de réduction de la pauvreté, en pensant aux entreprises sociales, parce qu'elles disent que, en particulier au sujet du gouvernement, qui ne veut qu'un seul contrat pour les énormes marchés, le résultat, c'est qu'on élimine la possibilité pour les entreprises sociales ou pour les PME de concurrencer avec d'égales chances les conglomérats internationaux.
    N'avons-nous pas entendu ce matin sur le réseau de la SRC que c'est un autre pays qui construit le pavillon du Canada pour les Olympiques? En raison des ententes commerciales que notre gouvernement a concluwes, il nous est impossible de nous approvisionner chez nous pour régler le problème de l'itinérance, de la pauvreté, et de tout ce dont nous parlons.
    Vous dépensez des milliards de dollars. Je crois que lorsque Stephen Owen était ministre responsable de l'approvisionnement, il cherchait à établir une politique selon laquelle nous pourrions examiner nos achats et y ajouter des éléments qui entraîneraient des avantages sur le plan social. Je crois que nous pourrions regarder du côté du comité olympique de 2010, qui a été capable de commencer à aller de l'avant en collaboration avec eux sur les politiques... Ils n'ont peut-être pas accompli beaucoup de façon directe, mais ils ont établi une nouvelle norme pour les jeux de l'avenir. Les Jeux du Commonwealth de 2014, qui se tiendront à Glasgow, se sont inspirés de leurs politiques sur l'approvisionnement et les mettent réellement à contribution pour créer une valeur sociale.
    Nous achetons tous quelque chose... Regardez le gouvernement de l'Ontario. Une partie de sa stratégie de réduction de la pauvreté, qu'il a récemment mise en oeuvre, comprend une section sur l'approvisionnement; il a compris que la façon dont il s'approvisionne peut avoir des résultats intentionnels.
(1600)
    Merci, Dona. Je crois que c'est une bonne question.
    David, vous avez dit quelque chose qui m'a fait penser à l'entente de Vancouver, qui est à mon avis un excellent exemple de la façon dont trois ordres de gouvernement peuvent travailler de concert, premièrement pour déterminer qui fait quoi et qui est responsable de quoi. L'entente de Vancouver, par sa mise en oeuvre, a donné une impulsion à quelques programmes vraiment magnifiques et à de merveilleux programmes de services et de soutien. De notre côté... en fait, pour moi, cela a prouvé que c'était possible. C'est possible de prendre ce type de décisions.
    C'est faisable.
    C'est possible. C'est faisable. Ce n'est pas une tâche impossible.
    C'est bien.
    Merci.
    Robyn, vous voulez faire rapidement un commentaire?
    Oui.
    Vous savez, c'est tout à fait possible de travailler avec plusieurs ordres de gouvernement. Nous n'avons pas besoin de réinventer la roue pour ce genre de choses. Nous avions les réponses. Nous avons tout simplement cessé de nous en servir. Nous avons annulé des politiques qui étaient efficaces.
    Nous avons réduit les budgets. Je ne sais pas pourquoi. L'argent ne s'est pas évaporé; l'argent est toujours là.
    Nous ne réinventons pas la roue, dans ces dossiers. Nous savons exactement quoi faire et comment le faire. Il nous reste à le faire.
    Je voudrais répondre rapidement à Tony ainsi qu'à Michael.
    Michael, vous avez posé des questions concernant l'assurance-emploi. Éliminez le délai de carence. Éliminez-le, tout simplement. Nous savons déjà que la plupart des Canadiens ne vivent qu'en attendant leur chèque de paie. Vous avez besoin de ce chèque dès que vous entrez dans un bureau de l'assurance-emploi.
    Si vous y avez droit, vous devriez pouvoir repartir avec un chèque dès le premier jour, quand vous passez ces portes, et ainsi, les gens seront de retour au travail dans les deux semaines qui suivent. Mais, si vous devez attendre deux semaines, vous vous dites ceci: « Je ne peux pas chercher un emploi, je n'ai pas d'argent pour prendre l'autobus et je n'ai même pas été capable de faire ma lessive depuis deux semaines. » [traduction] Vous en êtes réduit à ne pas pouvoir chercher un emploi tant que vous n'avez pas votre chèque... et patati et patata. Et ça se répète.
    Tony, votre question concernait...? J'ai complètement perdu le fil de mes idées.
    Le revenu de base.
    Oui, le revenu de base; je crois que c'est une excellente idée, et nopus devrions le mettre en place de toute urgence.
    Vous avez mentionné un lien avec l'itinérance. Cela n'aidera pas les sans-abri de Vancouver, pour l'instant. Nous n'avons tout simplement pas de logements à offrir aux gens. Nous devrions construire des maisons.
    Est-ce que je pourrais faire un commentaire pour le bénéfice de Robyn, en particulier, mais aussi pour le bénéfice de tous?
    Bien sûr.
    Le Sénat a fait une étude sur la lutte contre la pauvreté. Je ne sais pas si vous avez comparu devant son comité. Il a ébauché son rapport, et je crois qu'il demande un revenu de base pour les personnes handicapées, pour commencer. Je crois que si l'on veut commencer quelque part, c'est un bon point par où commencer.
    Merci, monsieur le président.
    Certainement.
    Tout le monde a dit un mot sur ce qu'il en coûte pour les personnes sans-abri par rapport à ce qu'il en coûte pour quelqu'un qui mène une vie saine et équilibrée dans la société.
    J'aimerais terminer en vous parlant de ma première cliente. Elle subsistait grâce à des prestations de 500 $ par mois, taux fixé pour les personnes aptes au travail. Elle était infirmière, mais avait été blessée et avait pris une retraite précoce. Elle recevait des prestations de 300 $ de la commission des accidents du travail, et les prestations du bien-être comblaient l'écart. L'une de ses colocataires a disparu; elle payait 800 $ de loyer, et sa colocataire a quitté l'appartement sans préavis. Elle avait besoin de 400 $. Elle pouvait placer des annonces pour trouver une autre locataire sans être menacée d'éviction. Le bien-être a rejeté sa demande.
    Il lui manquait donc 400 $. Dix-huit mois plus tard, à 150 000 $, j'ai cessé de calculer ce qu'il nous en avait coûté pour héberger cette femme. Cela, seulement pour l'héberger. Elle n'a toujours pas un logement convenable. Elle occupe une place qui est en fait réservée aux personnes qui ont suivi une cure de désintoxication, ce qui n'est pas son cas. Mais cela ne comprend pas l'argent... Par exemple, sa santé physique et mentale a décliné au point où elle reçoit maintenant des prestations d'invalidité du gouvernement provincial.
    Je pourrais continuer longtemps et parler des montants qui ne sont pas compris dans ce total. Mais, en 18 mois, nous avons dépensé 150 000 $ pour héberger une personne alors qu'on aurait pu lui donner 400 $ pour qu'elle puisse rester chez elle.
    Voilà les chiffres dont j'ai connaissance.
    Très bien.
    Cela me rappelle le rapport du service de police de Vancouver qui a été publié il y a environ un an et demi. Je ne me rappelle plus du tout le nom de la personne concernée, mais j'y penserai en retournant chez moi, dans l'auto.
    Quoi qu'il en soit, le rapport indiquait combien de temps les policiers du downtown easr side consacraient aux appels liés à un problème de santé mentale ou de toxicomanie — ils ont parfois la même apparence —, par exemple pour une personne qui a fait un esclandre à la porte d'un commerce ou un piéton qui a un comportement suicidaire et se promène entre les voitures. Les sommes d'argent que le service de police de Vancouver devait consacrer à ces appels étaient extraordinairement élevées. Je ne me rappelle pas le montant total. Je crois que cela dépassait les 80 p. 100.
(1605)
    Écoutez, nous voudrions encore une fois remercier les témoins qui se sont présentés ici aujourd'hui. Nous avons encore une fois entendu des exposés uniques. C'est toujours magnifique de pouvoir profiter de l'expertise de personnes qui travaillent sur le terrain et qui viennent nous parler de ce qui importe.
    Nous vous remercions de faire ce dur travail, parce que vous êtes sur la ligne de front. Nous espérons pouvoir aider le gouvernement à formuler ses politiques, et nous voulons assurément le faire de façon à assurer au Canada un avenir meilleur.
    Encore une fois, merci d'être venus ici aujourd'hui.
    Sur ces mots, la séance est levée.
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