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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 014 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 4 mai 2010

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    Nous sommes un peu en retard, alors, nous allons commencer; la séance est ouverte.
    Nous allons poursuivre notre examen de la Loi sur les espèces en péril. Pour en discuter aujourd'hui, nous recevons des témoins qui partageront avec nous leur expertise et le fruit de leurs études.
    Je souhaite la bienvenue à Scott Findlay, professeur agrégé à l'Université d'Ottawa.
    Vous ne venez pas de loin, mais je suis content que vous ayez trouvé le temps dans votre horaire pour vous joindre à nous.
    Nous recevons Lance Barrett-Lennard, qui est le chef du programme de recherche sur les cétacés du Vancouver Aquarium Marine Science Centre.
    Bienvenue.
    À titre personnel, nous recevons également Michael Pearson, biologiste professionnel agréé chez Pearson Ecological.
    Du Comité scientifique sur les espèces en péril, le CSEP, nous recevons Arne Mooers, professeur agrégé de sciences biologiques à l'Université Simon Fraser.
    Je vous souhaite, à tous les quatre, la bienvenue et merci d'avoir trouvé du temps pour nous parler de la loi et nous dire dans quelle direction nous devrions aller dans le cadre de cet examen.
    Ceci dit, monsieur Findlay, pourriez-vous débuter avec votre exposé liminaire?
    Merci de m'avoir invité.
    Comme il a été dit dans les présentations, je m'appelle Scott Findlay et je suis professeur de biologie à l'Université d'Ottawa. Un de mes champs d'expertise concerne la biologie de conservation. Au cours des dernières années, j'ai travaillé avec mon collègue, le professeur Stewart Elgie, de la Faculté de droit, à une évaluation de l'application de la LEP jusqu'à maintenant.
    Avant d'en arriver à la partie principale de mon exposé, j'aimerais faire une parenthèse. Premièrement, en tant que scientifique, je considère la LEP, de même que toute autre loi, comme une expérience et le but de notre exercice est d'évaluer cette expérience afin d'utiliser les résultats pour proposer la façon d'améliorer l'expérience suivante. Je vous parlerai donc de ce qui a été fait jusqu'à maintenant et je vous suggérerai des façons d'améliorer cette loi.
    Débutons par ce qui a été fait jusqu'à maintenant. Vous verrez dans mon mémoire le tableau 1. Je crois qu'il vous présente la situation réelle de la LEP. Si l'on regarde la proportion des espèces dont l'inscription a été recommandée pour l'élaboration de programmes de rétablissement comportant la désignation de l'habitat essentiel, la situation est assez claire: des 380 espèces qui auraient pu faire l'objet de ce processus complet, il y en a six dont la désignation de l'habitat essentiel a été complétée. On peut donc conclure qu'il reste des améliorations à apporter à cet instrument législatif.
    Le premier problème concerne l'inscription. Environ 85 p. 100 des espèces dont l'inscription a été recommandée ont effectivement été inscrites. En comparant celles qui n'ont pas été inscrites à celles qui l'ont été, on peut dégager certaines tendances.
    Premièrement, les espèces qui ne sont pas inscrites sont les espèces qui sont du ressort du ministère de Pêches et Océans, celles qui sont récoltées à des fins commerciales ou pour la subsistance ou qui sont des captures accessoires, et celles du Nord. Ces trois constatations générales nous permettent de distinguer les espèces inscrites des autres.
    En ce qui concerne l'inscription, il semble que Pêches et Océans Canada, Environnement Canada et Parcs Canada utilisent des processus différents, ce que nous appelons l'effet de l'autorité responsable. Plus précisément, il semble que l'analyse socio-économique à l'étape de l'inscription pour justifier les décisions sur l'inscription soit faite de façon différente. Nous nous trouvons donc devant une différence entre les institutions responsables de l'inscription en vertu de la loi.
    Le deuxième problème concerne l'étape de planification du rétablissement. Environ le tiers des espèces qui auraient dû avoir un plan de rétablissement en ont un, et très peu de ces plans ont été terminés dans les délais prévus par la loi.
    Il y a donc deux problèmes: les stratégies de rétablissement ne sont pas élaborées à temps, certainement pas dans les délais prévus par la loi, et jusqu'à maintenant, relativement peu de ces plans qui auraient dû être produits l'ont effectivement été.
    Le troisième problème que nous avons décelé lors de notre analyse concerne la désignation de l'habitat essentiel. Comme je l'ai montré dans le premier tableau, jusqu'à maintenant, très peu d'habitats essentiels ont été désignés. La plupart de ceux qui l'ont été se trouvent à l'intérieur d'aires déjà protégées. Il y a des tendances claires qui se dégagent si l'on compare les espèces pour lesquelles nous avons la désignation de l'habitat essentiel dans le cadre de stratégies de rétablissement aux espèces pour lesquelles nous n'avons pas cette désignation.
    Ces tendances sont illustrées au troisième tableau de mon mémoire. Il y a plus de désignations d'habitats essentiels pour les espèces qui se trouvent dans les aires protégées, et il y a moins d'habitats essentiels désignés pour les espèces se trouvant sur des terres appartenant à une municipalité ou lorsque l'urbanisation est considérée comme une menace importante. De plus — et ceci est très intéressant —, la désignation de l'habitat essentiel semble être retardée par le besoin de consultation auprès des propriétaires fonciers, qui sont souvent un élément important dans le calendrier des études pour les espèces dont l'habitat essentiel n'a pas été désigné, calendriers qui sont un élément obligatoire de la stratégie de rétablissement en vertu de la loi.
    Enfin, il y a le problème concernant les délais. En vertu de la loi, le ministre peut engager des consultations prolongées avant de présenter son évaluation au gouverneur en conseil. Il est assez évident que de nombreuses espèces sont bloquées à cette étape du processus. Il y a des espèces prises dans ce purgatoire de l'inscription pendant des années, jusqu'à quatre ou cinq ans, avant qu'une décision soit prise.
    Suite à cette analyse de l'application de la LEP, voici nos recommandations.
    La première recommandation est que toutes les autorités responsables suivent le même processus pour les décisions relatives à l'inscription. Peu importe qu'il s'agisse d'un oiseau, d'un reptile, d'un poisson ou d'un mammifère, le processus devrait être le même pour toutes les espèces.
    Deuxièmement, des délais explicites devraient être imposés aux consultations prolongées. La façon dont les consultations prolongées ont lieu présentement ne respecte pas l'esprit de la loi, surtout l'article 27, qui impose en principe une période de consultation de neuf mois.
    Lorsque le gouverneur en conseil propose de ne pas inscrire une espèce, nous proposons que cette décision déclenche un processus de consultation éclairé et transparent.
    Nous recommandons que le processus de rétablissement respecte rigoureusement les délais prescrits par la loi.
    Nous proposons que la LEP prévoit un délai précis pour la mise en oeuvre des programmes de rétablissement, c'est-à-dire les plans d'action, pour lesquels aucun délai n'est prescrit actuellement.
    Sixièmement, nous recommandons que la prédisposition à désigner l'habitat essentiel à l'étape du programme de rétablissement en vertu de la LEP, qui est basée sur le principe de précaution, dans le préambule et à l'article 38, soit entièrement mis en oeuvre. Cela n'a pas encore eu lieu.
    Enfin, nous recommandons que la désignation de l'habitat essentiel soit fondée exclusivement sur des critères biologiques. Notre analyse semble indiquer qu'il y a d'autres facteurs qui influent sur cette décision, et nous recommandons que la désignation d'habitat essentiel soit fondée uniquement sur des critères biologiques.
    Dans la dernière partie de mon mémoire se trouvent des suggestions détaillées sur le libellé des modifications à la loi qui concordent avec les recommandations précédentes et qui m'ont été transmises par le professeur Elgie de la Papouasie, en Nouvelle-Guinée, où il se trouve en ce moment.
    Merci.

  (1540)  

    Merci, monsieur Finlay. Je vous remercie d'avoir respecté le temps qui vous était alloué.
    Monsieur Barrett-Lennard, pourriez-vous faire votre exposé?
    Je suis un chercheur scientifique qui se spécialise en écologie et en génétique des mammifères marins. Je suis le chef du programme de recherche sur les cétacés de l'aquarium de Vancouver.
    La mission de l'aquarium est de protéger la vie aquatique par l'exposition, l'interprétation, l'éducation, la recherche et l'action directe. Il s'intéresse donc directement à ce que la Loi sur les espèces en péril soit mise en oeuvre avec succès.
    Je suis coprésident de l'équipe de rétablissement des épaulards résidents sur la côte Ouest depuis 2005, et j'ai participé à la stratégie de rétablissement de six autres mammifères marins au Canada et un aux États-Unis. Je suis également professeur adjoint de zoologie à l'Université de la Colombie-Britannique.
    Aujourd'hui, je parlerai de deux façons dont le manque de clarté, d'après moi, de la Loi sur les espèces en péril a provoqué de la confusion et des incohérences en ce qui concerne la planification du rétablissement des espèces, et je ferai des recommandations pour améliorer la loi.
    Comme les membres du comité le savent, la LEP précise que les plans de rétablissement doivent être élaborés en deux étapes distinctes: l'élaboration de la stratégie de rétablissement et l'élaboration du plan d'action. La loi n'explique pas clairement pourquoi il y a deux étapes au processus. De plus, il y a une grande confusion chez les gestionnaires gouvernementaux au sujet des raisons de l'existence de ce système.
    Je crois que les rédacteurs de la LEP avaient raison de présenter un processus en deux étapes, parce que le rétablissement comprend vraiment deux ensembles assez différents de préoccupations.
    La première étape, la préparation de la stratégie de rétablissement, se limite à un processus objectif et scientifique d'analyse et de description des raisons pour lesquelles une espèce est en péril et de ce qui pourrait être fait pour la protéger. On y trouve une description de l'habitat essentiel, s'il est connu; des menaces qui planent sur l'espèce; des mesures générales qui atténueraient les menaces et qui protégeraient l'habitat essentiel; et les critères indiquant s'il y a eu rétablissement et à quel moment. Ce qui est important, c'est que ce document devrait pouvoir se tenir du point de vue scientifique, ce que la loi ne mentionne pas.
    La deuxième étape, l'élaboration du plan d'action, consiste à dresser un ensemble précis de recommandations pragmatiques pour que la stratégie réussisse, dans le cadre des contraintes imposées par d'autres lois, par les traités, par les facteurs socio-économiques, par les impératifs financiers, etc. Cette deuxième étape n'est pas strictement scientifique, et elle ne devrait pas l'être non plus. Des avocats, des économistes et d'autres intervenants y participent.
    La LEP, comme je l'ai mentionné, n'explique pas clairement le rôle de ces deux étapes — la séparation entre la science et les politiques. En exigeant que les stratégies de rétablissement soient préparées en collaboration avec les intervenants, la loi ne reconnaît pas le besoin fondamental d'objectivité scientifique et rend vague la différence entre les stratégies et les plans d'action.
    Je vais parler un peu des conseils scientifiques. La LEP indique que le COSEPAC doit remplir ces fonctions — l'évaluation de l'inscription des espèces — en utilisant les meilleures connaissances scientifiques, communautaires et autochtones disponibles. Cependant, une fois que le COSEPAC a terminé son travail, la loi ne parle pas de l'utilisation de l'expertise scientifique dans le cadre des stratégies de rétablissement ou des plans d'action.
    La loi précise que l'habitat essentiel doit être défini selon les meilleurs renseignements disponibles et, en pratique, on tient surtout compte des renseignements scientifiques. Cependant, d'après mon expérience, je peux dire pour le compte rendu que l'obtention et l'inclusion des avis scientifiques et autres dans les stratégies de rétablissement sont, au mieux, incohérentes. Il n'y a pas de mesure de protection contre la partialité ou l'apparence de partialité dans le choix des experts à qui on demande leur avis.
    Laissez-moi vous expliquer comment ce processus d'avis scientifique fonctionne à présent. Les stratégies de rétablissement sont généralement rédigées par les équipes de rétablissement, qui comprennent des membres gouvernementaux et non gouvernementaux. Les membres sont choisis de façon ponctuelle, mais comprennent généralement des experts de l'espèce, des représentants des ONG et des groupes autochtones, des intervenants de l'industrie et des représentants des gouvernements provinciaux et des ministères fédéraux.
    Cependant, la LEP ne précise pas qu'une équipe de rétablissement doit être utilisée. Au cours des dernières années, le MPO a plutôt utilisé des groupes de travail constitués de fonctionnaires. Dans certains cas, ces groupes de travail invitent des experts de l'extérieur à des ateliers techniques afin d'entendre des opinions professionnelles, mais ils rédigent eux-mêmes les stratégies de rétablissement.
    Les équipes de rétablissement ont été utilisées au Canada pendant de nombreuses années, de même qu'aux États-Unis. Parce qu'elles comprennent des membres non gouvernementaux, les discussions sont transparentes — ou moins sujettes à manipulation, pourrait-on dire.
    Au contraire, ces groupes de travail internes discutent peut-être ardemment derrière des portes closes — je suis certain que c'est le cas —, mais au bout du compte les membres sont liés par les directives internes et ne sont pas libres de faire part de leurs préoccupations à propos du processus ou de ses résultats à la population. L'utilisation de groupes de travail internes élimine la transparence du processus de planification du rétablissement, limite la participation des scientifiques non gouvernementaux, limite l'examen public et scientifique et, conséquemment, sont moins à même de produire des stratégies de rétablissement objectives que les équipes.
    Pour démontrer que les équipes de rétablissement sont meilleures que les groupes de travail internes, je vais parler de mon expérience à titre de coprésident de l'équipe de rétablissement des épaulards résidents. L'équipe comprenait 23 membres, dont le quart étaient des fonctionnaires fédéraux.

  (1545)  

    En mai 2006, nous avons complété l'ébauche de la stratégie et nous l'avons soumise au MPO pour que le ministre puisse l'examiner. L'ébauche contenait une description de l'habitat essentiel, comme l'exige la LEP, et avait été complétée dans les délais prescrits.
    Comme M. Findlay l'a mentionné, et comme M. Pearson le dira également, l'habitat essentiel est nécessaire pour la planification du rétablissement. Sans description de l'habitat essentiel, on ne peut presque rien faire pour protéger une espèce.
    Le MPO n'a pas affiché le document dans les délais prescrits, mais a commencé à le modifier en retirant la section sur l'habitat essentiel. Cela a été fait en accord avec l'ébauche d'une politique que l'équipe n'a pas pu voir. Nous n'avons pas pu voir non plus les modifications qui nous ont tout simplement été décrites. Nous avons fait part de nos préoccupations et demandé une explication, et puisqu'il n'y en avait pas, nous nous sommes opposés au changement en exigeant que nos noms soient retirés du document.
    Le MPO n'a pas agi avant le printemps suivant, alors qu'il a remis en place la section sur l'habitat essentiel, mais a révisé une autre section importante suite à une demande du ministère de la Défense nationale. Cette section a également été remise en place après les objections de l'équipe. Peu après, le MPO a apporté une troisième modification, sans explication, en éliminant une section qui dressait la liste des menaces contre l'habitat essentiel. Ce changement a aussi été retiré suite aux vives objections des membres non gouvernementaux.
    La stratégie a finalement été affichée en mars 2008, plus d'un an et demi après le délai prescrit par la loi.
    Le ministère des Pêches et des Océans a affiché une déclaration de protection de l'habitat essentiel en septembre 2008 précisant qu'en réalité, aucune protection de l'habitat essentiel n'était nécessaire. Cela a mené à des poursuites par un important groupe d'ONG influentes. La déclaration a été retirée en février 2009 et a été remplacée, finalement, par une ordonnance de protection de l'habitat essentiel.
    En faisant la liste de tous ces obstacles, je veux vous démontrer que sans équipe de rétablissement comprenant des membres indépendants, la stratégie pour l'épaulard ne contiendrait pas les éléments essentiels à son rétablissement.
    Suite à ces expériences, je recommande deux modifications simples et claires à la LEP. Premièrement, la nouvelle version devrait clairement décrire les raisons pour lesquelles les stratégies de rétablissement sont distinctes des plans d'action en indiquant que ces premières doivent être objectives et fondées scientifiquement et que les secondes sont sujettes aux contraintes sociales et économiques.
    Deuxièmement, la LEP devrait indiquer que le ministre responsable doit chercher à obtenir les meilleurs avis scientifiques pour préparer la stratégie de rétablissement; qu'il doit recourir à des équipes de rétablissement et s'engager envers un processus transparent pour en choisir les membres; et s'assurer que les équipes comprennent des experts indépendants sur l'espèce.
    Merci encore une fois, et n'hésitez pas à venir me voir à l'aquarium de Vancouver la prochaine fois que vous viendrez en Colombie-Britannique.
    Merci, monsieur Barrett-Lennard.
    Monsieur Pearson, la parole est à vous.
    Je suis un biologiste indépendant. Mes domaines de spécialité sont les espèces en péril et la restauration de l'habitat en Colombie-Britannique. Ma thèse de doctorat à l'Université de la Colombie-Britannique a porté sur l'écologie de deux espèces menacées visées par la Loi sur les espèces en péril, c'est-à-dire le meunier de Salish et le naseux de Nooksack. Je fais partie de l'équipe de rétablissement responsable de ces espèces et je suis le principal auteur de leurs stratégies de rétablissement. Je travaille sur le dossier de ces espèces menacées de façon continue depuis 1997, de sorte que j'ai passé les 14 dernières années à discuter et à négocier avec des propriétaires fonciers à propos de questions touchant les espèces en péril et la protection de leur habitat.
    Aujourd'hui, je veux vous parler de la désignation et de la protection des habitats essentiels en vertu de la Loi sur les espèces en péril en faisant appel aux expériences que j'ai eues en traitant avec les propriétaires fonciers, en rédigeant des stratégies de rétablissement et à la suite d'une poursuite qui a découlé de la publication de l'une d'entre elles. Commençons avec la stratégie de rétablissement du naseux de Nooksack.
    La LEP exige que les stratégies de rétablissement désignent l'habitat essentiel « dans la mesure du possible, en se fondant sur la meilleure information accessible. » Pour le naseux de Nooksack, mes collègues et moi avons produit des cartes indiquant les cours d'eau particuliers abritant un habitat essentiel. La LEP vise également explicitement toutes les « routes migratoires dont sa survie dépend, directement ou indirectement. » Par conséquent, nous avons inclus les bandes de végétation en bordure des cours d'eau ou les bandes de végétation riveraines étant donné que nombre d'ouvrages scientifiques révèlent l'importance de ces bandes pour la santé et l'intégrité de l'habitat des poissons.
    Pour définir la largeur de ces bandes tampons riveraines, nous avons adopté les méthodes utilisées en vue du règlement sur les zones riveraines de la Colombie-Britannique. Ces méthodes sont rigoureusement scientifiques et ont déjà été approuvées par les gouvernements fédéral et provincial pour déterminer la zone devant être protégée lors de travaux d'aménagement de terrain.
    Nous avons présenté la stratégie de rétablissement contenant ces cartes d'habitats essentiels en août 2005. Plus d'un an plus tard, lorsque la stratégie provisoire a été affichée sur le registre public, les cartes des habitats essentiels avaient été retirées, notre définition du terme habitat essentiel avait été retirée ainsi que la liste des activités susceptibles d'entraîner sa destruction. L'équipe de rétablissement n'a pas été consultée concernant ces changements, même si nos noms continuaient d'apparaître sur la stratégie en tant qu'auteurs.
    Les négociations subséquentes qui ont eu lieu entre l'équipe et Pêches et Océans Canada ont permis la réinsertion de certains des documents supprimés, mais pas les cartes, ainsi que l'inclusion d'une clause exonératoire indiquant que la partie afférente à l'habitat essentiel de la stratégie avait été modifiée pour se conformer à la politique du gouvernement.
    En juillet 2007, peu après la publication de cette version de la stratégie, une coalition de groupes environnementaux a engagé une poursuite, alléguant que la stratégie ne désignait pas l'habitat essentiel conformément à la LEP. J'ai été un des trois membres de l'équipe de rétablissement à leur fournir un affidavit.
    Au cours des deux années suivantes, la poursuite a connu une série de manoeuvres juridiques, notamment une tentative visant à radier la plupart des affidavits des membres de l'équipe de rétablissement, la rédaction de courriels expliquant pourquoi le gouvernement avait retiré les documents concernant les habitats essentiels et une tentative de rejeter la poursuite en alléguant qu'elle était sans portée pratique par suite de l'inclusion tardive des cartes liées à l'habitat essentiel.
    La Cour fédérale en est finalement venue à une conclusion favorable aux groupes environnementaux. Dans sa décision, le juge Douglas Campbell décrit les actions du gouvernement. Il a dit: « Voici un cas où l'élaboration et l'application d'une politique par le ministre constitue une infraction évidente à la loi, et celui-ci ne voulait pas être tenu responsable de ne pas respecter la loi. »
    Il faut reconnaître que le gouvernement a réagi positivement et semble avoir adopté depuis ce temps des politiques en matière de planification du rétablissement destinées à désigner les habitats essentiels dans la mesure du possible. Toutefois, d'autres problèmes sont survenus.
    L'inclusion tardive des cartes désignant l'habitat essentiel a obligé le ministre à rendre une ordonnance en vertu de la LEP afin de protéger un habitat essentiel ou de publier un énoncé lié à la protection de l'habitat décrivant la façon dont cet habitat était déjà protégé correctement. En décembre 2008, un énoncé de protection, plutôt qu'une ordonnance de protection, a été publié, et j'ai été très déçu de son contenu.

  (1550)  

    L'énoncé allègue que l'habitat essentiel est déjà visé par l'article 35 de la Loi sur les pêches, et il rejette les autres menaces comme étant non pas des menaces contre l'habitat, mais contre des particuliers. Après avoir travaillé pendant 14 ans dans ces cours d'eau, je sais que ce n'est pas la vérité.
    L'article 35 de la Loi sur les pêches stipule ce qui suit: « Il est interdit d'exploiter des ouvrages ou entreprises entraînant la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson. » Cependant, pour appliquer les dispositions de cet article, il faut qu'une personne soit désignée et présumément accusée en tant que personne responsable.
    Or, qui est responsable lorsque 100 puits et 20 pompes d'irrigation s'étendant sur plus d'une cinquantaine de kilomètres carrés assèchent collectivement un ruisseau? Qui est responsable lorsque les eaux de ruissellement de nos rues et de nos toits se combinent pour produire des inondations éclairs qui endommagent l'habitat ou lorsque les effets de l'érosion de douzaines de propriétés n'ayant pas suffisamment de végétation riveraine se conjuguent pour boucher une frayère avec des sédiments?
    Il s'agit d'effets cumulatifs de sources de pollution diverses. Voilà ce qui représente la plus grande menace pour le naseux de Nooksack et toute une variété d'autres espèces, mais on ne s'y attarde pas pour la simple raison que la Loi sur les pêches ne peut pas régler ce problème —, mais la LEP est en mesure de le faire.
    Par conséquent, à mon avis, l'énoncé sur la protection de l'habitat continue sur la voie de la procrastination et de l'évitement de mesures efficaces pour protéger les espèces en péril. Cet énoncé n'est certainement pas suffisant pour prévenir la destruction de l'habitat essentiel du naseux de Nooksack.
    Que faut-il faire alors?
    Je travaille régulièrement dans une quinzaine de bassins hydrographiques de la vallée du Fraser et, au fil des ans, j'ai discuté avec nombre de propriétaires fonciers concernant l'habitat et les espèces en péril. La majorité étaient des agriculteurs qui se rendent compte qu'ils pourraient devoir concéder des terres ou abandonner certaines pratiques agricoles sur des terres qui jouxtent les bassins hydrographiques si des mesures de protection de l'habitat sont adoptées et appliquées.
    Comme il fallait s'y attendre, ils n'aiment pas l'idée, mais seulement parce qu'ils craignent qu'ils devront assumer entièrement les coûts de ces mesures de protection. Les agriculteurs ne s'opposent pas par nature aux mesures de conservation ni aux mesures environnementales, et la plupart accepteront une situation où la société assume les frais des retombées sociales de leurs terres. Le fait de mettre un peu d'argent sur la table permet de changer complètement la tournure des discussions.
    Les circonstances fournissent un exemple révélateur de la façon dont on pourrait régler le problème. Trois des quatre ruisseaux canadiens abritant le naseux de Nooksack coulent vers le sud au-delà de la frontière américaine jusque dans le comté de Whatcom, dans l'État de Washington. À partir du pont de l'avenue O, la route frontalière du côté canadien, on peut apercevoir une zone riveraine récemment reboisée le long de la crique Bertrand dans le comté de Whatcom. Il s'agit d'une des nombreuses étendues de terres agricoles auparavant dénudée que l'État a louée aux agriculteurs pour ses écoservices, notamment la préservation de la qualité de l'eau et la protection des stocks de saumon menacés.
    Il en ressort un point important. Les écoservices de l'habitat essentiel sont très loin de se limiter aux espèces en péril. Le naseux de Nooksack côtoie toujours le saumon, l'espèce indigène la plus révérée et la plus importante au plan économique de la Colombie-Britannique.
    Les habitats aquatiques et riverains en bonne santé purifient l'eau. Ils séquestrent le carbone et servent de voies principales par lesquelles l'eau, les nutriments et les organismes se déplacent dans le territoire. Ils constituent essentiellement le système circulatoire de l'écosystème et nous avons tout intérêt à les protéger.
    On pourrait également appliquer une autre solution possible. En Colombie-Britannique, les propriétaires fonciers de petites parcelles rurales peuvent réduire l'impôt foncier s'ils peuvent démontrer que ces terres génèrent quelques milliers de dollars de revenu agricole brut. Cela encourage les gens qui en savent peu sur les méthodes agricoles saines ou qui ne voient pas l'intérêt de les adopter à procéder au défrichement de terres très marginales ou de fermes d'agrément. On pourrait offrir un allégement fiscal à ces propriétaires, lequel pourrait prendre la forme de subvention destinée à éponger les taxes foncières municipales comme c'est le cas pour les taxes agricoles, ce qui permettrait de réduire cette pratique.
    En conclusion j'ai trois recommandations précises.
    Premièrement, il faudrait créer immédiatement une réglementation sur l'indemnisation, comme prévu à l'article 64 de la loi afin de faciliter la protection de l'habitat essentiel sur les terres privées.
    Deuxièmement, il faudrait recourir aux ordonnances de protection de la LEP ou aux accords en matière de conservation afin de prendre des mesures valables pour protéger l'habitat essentiel plutôt que d'alléguer en l'absence de corroboration scientifique que les lois en vigueur protègent correctement les espèces. Si ces lois étaient suffisantes, ces espèces ne se retrouveraient pas sur la liste des espèces en péril.
    Troisièmement, pour reprendre ce que mes collègues ont dit, il faudrait que les équipes de rétablissement se voient concéder un mandat légal en vertu de la LEP et qu'on les encourage à recourir aux meilleures connaissances accessibles pour élaborer des stratégies de rétablissement afin de restaurer des espèces dans leur habitat.
    Merci de votre temps et de votre attention.

  (1555)  

    Merci beaucoup.
    Notre dernier témoin est M. Mooers.

[Français]

    Bon après-midi. Je m'appelle Dr Arne Mooers, de l'Université Simon Fraser. Je suis accompagné de ma collègue Dr Jeannette Whitton, qui est de l'Université de Colombie-Britannique.
    Je représente le Comité scientifique sur les espèces en péril. Nous sommes une dizaine de professeurs et de scientifiques qui viennent de tous les coins du pays. Nous nous sommes réunis pour la première fois en novembre 2008. Nous avions comme but d'étudier la façon dont la science est utilisée dans la Loi sur les espèces en péril et la façon dont on pourrait l'utiliser plus efficacement.
    Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui.

  (1600)  

[Traduction]

    Les données qui vous ont été présentées et les récits que vous venez d'entendre ont servi de base à nos délibérations au Comité scientifique sur les espèces en péril ou le CSEP.
    La principale recommandation de haut niveau que nous avons formulée est de faire en sorte que les législateurs, c'est-à-dire vous, veillent à ce qu'il y ait une séparation claire entre la diffusion des renseignements scientifiques, c'est ce que nous faisons, et les mesures gouvernementales ultérieures à tous les stades du processus de la LEP. Une séparation de ce type apporterait des éclaircissements au sujet des décisions difficiles et des compromis que doivent faire les Canadiens, par votre entremise, lorsqu'ils gèrent leur patrimoine naturel.
    Nous avons préparé quelques tableaux. Nous espérons qu'ils vous ont été distribués.
    La figure 1 est une représentation schématique de la manière dont la LEP est élaborée dans le droit et indique le stade où la contribution scientifique entre dans le processus. La boîte du haut indique à quelle étape le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada ou le COSEPAC se sert des meilleurs renseignements et critères convenus à l'échelle internationale qui sont disponibles afin de décider si une espèce sauvage mérite une protection juridique. Il est à noter que cette case blanche n'est intégrée à aucune case grise désignant les activités regroupant la politique ou la science. La décision du COSEPAC est rendue publique et par la suite le gouvernement, c'est-à-dire vous, répond publiquement à l'évaluation scientifique soit en l'acceptant, soit en la refusant, soit en la renvoyant de nouveau devant le comité.
    Le CSEP est en faveur de cette distinction claire et nous appuyons la recommandation particulière que le COSEPAC a faite à votre comité il y a environ un an selon laquelle cette séparation entre une évaluation indépendante accessible au public et le processus décisionnel du gouvernement soit clarifiée et renforcée. Nous estimons qu'il s'agit là du véritable point fort de la LEP telle qu'elle existe actuellement.
    À mesure que nous avançons au stade ultérieur de la LEP, qui comporte l'inscription en vertu de la loi, le rétablissement et la planification des mesures, la séparation entre les activités scientifiques indépendantes et les politiques n'existe pas. Ici, la science est intégrée dans un cadre stratégique.
    L'exposé de M. Finlay souligne les problèmes concernant les espèces qui n'obtiennent pas d'inscription à la suite d'une évaluation. Nous sommes préoccupés par le conflit d'intérêt institutionnel de même que par la perception d'un tel conflit, qu'il existe ou non. Des pratiques exemplaires claires doivent être respectées autant ici qu'ailleurs.
    Notre première recommandation est la suivante, et elle contient de nombreux modificateurs importants, je m'en excuse, parce que ça en fait une phrase très longue. Si une espèce ne peut être inscrite au registre en vertu de la loi — si la possibilité existe —, un processus plus formel, indépendant, transparent, cohérent et complet doit alors être suivi. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle, comme l'a démontré M. Finlay. Les scénarios utilisés dans les analyses en vue de l'inscription doivent être clairs et ouverts à un examen minutieux indépendant. Et les éléments à considérer, tant à court qu'à long terme, ainsi que les coûts et avantages de l'inscription en vertu de la loi pour tous les Canadiens doivent être inclus.
    Vous savez, d'après l'expérience de M. Barrett-Lennard à quel point les étapes suivant l'inscription — nous passons maintenant aux mesures concrètes — ne se déroulent pas toujours bien. Nous sommes d'avis — et la loi, je pense, est claire — que les activités scientifiques indépendantes ne seront que l'une des voies qui contribuent à l'ébauche des stratégies de rétablissement, mais dans la chorale émergente actuelle, on ne sait pas bien quelle sera leur contribution.
    Les poursuites et les menaces récentes liées au fait que l'habitat nécessaire à la survie et au rétablissement des espèces n'a pas été déterminé, comme vous l'avez entendu, représentent l'un des résultats négatifs coûteux. Ces poursuites auraient pu être évitées si une supervision scientifique indépendante avait fait partie du processus de planification du rétablissement. Ces ébauches de stratégies, celles que nous avons publiées, auraient probablement inclus une indication, à tout le moins partielle, de l'habitat essentiel.
    Par conséquent, notre deuxième recommandation officielle est la suivante: faire appel à un comité scientifique indépendant que nous avons nommé le COREPAC, c'est-à-dire le Comité sur le rétablissement des espèces en péril au Canada, afin qu'il évalue les stratégies de rétablissement et les plans d'action. Un organe de ce genre offrirait des conseils clairs quant à la question de savoir si un ensemble de politiques sur la manière d'atteindre les cibles énoncées de la LEP peuvent être respectées au moyen d'une stratégie de rétablissement et d'un plan d'action particuliers.
    On pourrait avoir recours aux articles 40 et 11. Les rapports du COREPAC seraient publics tout comme les évaluations du COSEPAC, et les représentants élus qui parlent au nom des Canadiens de partout, y répondraient ensuite publiquement comme ils le font relativement à la liste. Il se peut que des modèles possibles pour ce genre de système existent déjà à l'échelon du gouvernement fédéral au Canada.
    Compte tenu des réalités politiques, nous ne croyons pas que cette étape ralentirait la production de l'ébauche de la stratégie de rétablissement et du plan d'action. Quoi qu'il en soit, une stratégie ou un plan qui ne parvient pas à atteindre ses objectifs énoncés constitue un gaspillage de l'argent des contribuables.

  (1605)  

    Dans l'ensemble, nous croyons que l'approche générale qui consiste à séparer la collecte et l'analyse des données scientifiques des décisions en matière de politique présentées ci-haut — la séparation — pourrait s'étendre à toutes les étapes du processus de la LEP. C'est ce que nous soulignons dans la figure 2 devant vous. Dans ce schéma, les cases scientifiques ont été placées ailleurs afin de démontrer qu'elles présentent de l'information scientifique, ainsi les Canadiens peuvent voir quelles sont les données qui entrent et quelles sont les données qui sortent.
    Pareille séparation de la contribution scientifique de la réponse du gouvernement atténue les conflits d'intérêts et permet aux Canadiens de voir à quel point les décisions prises en leur nom sont difficiles à prendre. Les Canadiens peuvent décider qu'il ne vaut pas la peine de protéger et de rétablir une espèce sauvage en particulier. Cependant, il ne sert pas à grand-chose de laisser croire aux Canadiens qu'elle le sera si les données semblent indiquer le contraire.
    Dans notre dossier officiel, nous avons poussé un peu plus loin notre raisonnement et nous avons également souligné quelques autres questions spécifiques et fourni la définition de termes scientifiques difficiles qu'il serait utile de définir dans la LEP.

[Français]

    Nous sommes prêts à discuter de ces questions si ça vous intéresse.
     Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous vous remercions tous de vos déclarations liminaires. Nous allons passer à un tour de questions de sept minutes.
    Je demande aux témoins de répondre le plus brièvement possible afin que les membres puissent profiter pleinement du temps qui leur est alloué.
    Monsieur McGuinty, vous allez ouvrir le bal.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je veux d'abord remercier tous les panellistes pour leurs exposés. Il s'agit de mémoires vraiment excellents et cohérents, ce qui est très utile. Alors, merci à tous pour le temps que vous avez pris pour les condenser en quelques pages.
    Le fil d'Ariane dans toutes vos déclarations semble montrer que vous aimeriez établir une distinction beaucoup plus claire entre les données scientifiques et l'application des prises de décisions.
    J'aurais quelques questions rapides si vous me le permettez. Pour ce qui est de l'étude sur le naseux de Nooksack, elle a bien eu lieu en 2006, est-ce exact? Est-ce que c'était, grosso modo, 2006-2007?
     La stratégie a été transmise par l'équipe de rétablissement au MPO en 2005, et elle a par la suite été publiée en 2006 sur le registre de la LEP.
    Et c'est ce qui a mené au litige?
    Oui, tout à fait.
    Qui était ministre à cette époque? Qui étaient les ministres visés à ce moment-là?
    Je ne connais pas les noms de ces ministres.
    Juillet 2007 ... Personne ne s'en souvient? Non? Très bien.
    Dans l'étude sur l'épaulard, c'était beaucoup plus explicite je crois... Ce qui est devenu très clair ici, c'est que... En fait, ce que vous dites, c'est que dans ce cas, il y a eu ingérence. Est-ce que j'utilise un mot trop fort?
    Désolé, dans le cas de l'épaulard...?
    Oui.
    Je ne sais pas s'il y a eu ingérence ou non. Tout ce que nous savons, c'est que le document initial a été modifié et on en a supprimé l'habitat essentiel. Si j'ai bien compris, et c'est ce que l'équipe m'a dit à ce moment-là, il n'y avait pas d'adhésion à cette ébauche de politique, et il s'agissait d'une politique pour l'inclusion de l'habitat essentiel et des stratégies de rétablissement.
    Et cela a mené à des litiges...
    J'ignore l'origine de cette politique.
    Très bien. Mais cela a aussi mené à des litiges en fin de compte.
    Non. En réalité, dans le cas de l'épaulard, il n'y a pas eu de litige jusqu'à ce que le ministre émette un énoncé de protection de l'habitat essentiel. À ce moment-là, des ONG ont intenté une poursuite, estimant qu'il y avait de très bonnes raisons d'émettre une ordonnance.
    Quel ministre a émis cet énoncé?
    Désolé. Je ne m'en rappelle plus, comme M. Pearson.
    Très bien.
    Donc, dans les deux affaires qui nous occupent, nous voyons très bien que le lien entre les faits scientifiques et les soi-disant décisions en matière de politique ne fonctionnent pas; ce chevauchement ne fonctionne pas. En tant que scientifiques, vous êtes ici pour faire un plaidoyer, c'est-à-dire que la réforme essentielle de la Loi sur les espèces en péril devrait être une distinction beaucoup plus claire entre le début, le milieu et la fin des faits scientifiques et l'application d'autres questions au processus décisionnel, dans le domaine socio-économique, dans celui des politiques et dans d'autres.
    Est-ce exact? Vous voulez qu'il y ait une démarcation plus claire dans le cadre pour que les faits scientifiques soient davantage respectés.
    Monsieur Mooers, vous dites dans votre mémoire: « Une telle séparation entre les intrants scientifiques et la réponse du gouvernement réduit les risques de conflit d'intérêts... ». Que voulez-vous dire?

  (1610)  

    Vous voulez savoir ce que signifie un conflit d'intérêts ou...?
    Oui. Que voulez-vous dire par conflit d'intérêts?
    Manifestement, nous savons tous ce qu'est un conflit d'intérêts, mais dans cette situation particulière, si vous êtes dans un ministère qui est responsable de plusieurs volets, vous pourriez vous trouver en situation de conflit d'intérêts lorsque l'on vous demande de faire quelque chose lié à la Loi sur les espèces en péril si cette action pourrait avoir un effet sur vos autres responsabilités.
    Est-ce que l'un d'entre vous sait s'il y a eu d'autres études de cas qui ont précédé ceux-ci et qui ont suscité chez vous le même type de préoccupation au sujet de la relation entre les faits scientifiques et les conclusions qui en découlent et les décisions et considérations en matière de politique, vos boîtes grises? Est-ce que c'est le genre de situation qui se produit depuis la mise en oeuvre de la loi?
    Un de mes collègues pourrait peut-être vous en parler. Mais rappelez-vous que la loi est entrée en vigueur en 2002 ou en 2003, et il y a ces échéanciers, donc, elles figurent parmi les premières études à sortir . Corrigez-moi si j'ai tort.
    S'agit-il de problèmes de croissance normaux et naturels, alors, qui découlent d'un régime qui doit être amélioré, ou est-ce qu'on oublie quelque chose ici?
    Je pourrais peut-être répondre à la question. La démarcation entre la science et la politique, ou la science et la mise en oeuvre, est un problème généralisé qui n'est pas du tout limité au cas de la Loi sur les espèces en péril.
    Vous le voyez, par exemple, dans le domaine de l'évaluation des produits chimiques en vertu de la LCPE. D'un côté, il y a l'aspect des notions scientifiques, soit l'évaluation du risque, et de l'autre, il y a un aspect qui est moins fondé sur les notions, c'est-à-dire la gestion du risque. Dans le cas de la LCPE et du plan de gestion des produits chimiques, cette démarcation est en principe très claire.
    À votre question visant à savoir si ce sont des problèmes de croissance normaux, je répondrais par un oui. Comme je l'ai dit dans mon exposé liminaire, nous menons une expérience, et nous ne devrions pas nous attendre à réussir du premier coup. Je pense que ce serait irréaliste et presque déraisonnable.
    M. David McGuinty: Le travail n'est pas fini.
    M. C. Scott Findlay: Le travail n'est pas fini et notre tâche est de l'améliorer.
    Est-ce que je peux vous demander dans quelle mesure les organismes scientifiques doivent-ils être indépendants? Tous les panellistes peuvent répondre s'ils le souhaitent.
    Par exemple, monsieur Mooers, je pense que vous avez dit que vous étiez favorable à ce qu'un organisme scientifique indépendant examine les stratégies de rétablissement et les plans d'action de la Loi sur les espèces en péril. Est-ce qu'il s'agirait d'une amélioration des mécanismes de surveillance actuels, par exemple, dans le domaine de la planification du rétablissement?
    C'est exact. Il s'agirait d'une amélioration des mécanismes de surveillance actuels, oui.
    Dans quelle mesure ces organismes doivent-ils être indépendants?
    Je ne comprends pas; vous êtes indépendant ou vous ne l'êtes pas. Je ne suis pas certain de comprendre ce que vous voulez dire par là.
    Devrait-il y avoir des experts scientifiques extérieurs? Est-ce que l'organisme devrait être complètement indépendant? Est-ce qu'il devrait y avoir uniquement des scientifiques des ministères ou non?
    Je vois. Je pense qu'on peut prendre le COSEPAC comme exemple. Ce n'est pas pour qui vous travaillez, mais qui vous représentez; donc, nombre de scientifiques peuvent travailler pour le MPO, Environnement Canada ou les provinces — c'est ce qu'ils font lorsqu'ils sont là.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Bigras, vous avez sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Merci à nos témoins de leurs présentations.
    Premièrement, je qualifierais vos présentations de « troublantes ». Il me semble que, dans le cadre d'une saine gouvernance environnementale, il faut nous assurer d'avoir le plus possible d'indépendance scientifique, particulièrement dans la prise de décisions. C'est ainsi que je résumerais l'ensemble de vos quatre témoignages.
    Deuxièmement, une autre chose m'a beaucoup frappé, particulièrement en ce qui a trait à l'habitat essentiel. Peut-être que j'avais vu les chiffres, mais ceux-là m'ont frappé. Pour ce qui est des espèces sur la liste, monsieur Findlay, vous nous dites que seulement 19 p. 100 des programmes de rétablissement désignent un habitat essentiel, et que pour les autres, ça se fait essentiellement dans des territoires déjà protégés. Au bout du compte, force est de constater que cette notion d'habitat essentiel est loin d'être mise en application conformément à la loi, et que les considérations économiques semblent primer. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.
    On savait que c'était le cas, mais au début du processus. C'est ce qui est dangereux, à mon avis. Qu'on tienne compte des aspects scientifiques, c'est compréhensible, à la limite. Je vous remercie de nous avoir donné ce diagramme qui fait l'évaluation de la situation par le processus d'inscription. Par contre, ne trouvez-vous pas que, dans l'ensemble, les aspects socioéconomiques sont trop pris en considération au début du processus?

  (1615)  

[Traduction]

    Merci pour cette question. Je pense qu'il y a quelques considérations ici.
    Je pense que nous serions tous d'accord pour dire que, conformément à l'esprit de la Loi sur les espèces en péril, l'identification des habitats essentiels doit être fondée sur des critères biologiques. Dans l'analyse que Stewart et moi-même avons effectuée au cours des quelques dernières années, et que j'ai présentée dans mon mémoire, le manque d'enthousiasme que l'on a constaté à faire cela pour une proportion relativement faible d'espèces pour lesquelles, en principe du moins, on aurait pu établir un habitat essentiel et des stratégies de rétablissement en vertu de la loi, laisse croire qu'il y a des considérations socio-économiques qui influent sur cette décision.
    Je dirais que cela n'est probablement pas conforme à l'esprit de la loi. L'identification de l'habitat essentiel devrait au moins être fondée sur des critères biologiques.

[Français]

    D'accord.
    Vous nous dites que les aspects scientifiques sont bel et bien pris en considération, mais surtout au cours de la première étape, c'est-à-dire celle de l'évaluation de la situation. Or, plus on avance dans le processus, moins l'avis scientifique est pris en considération.
    En vertu des articles 41 et 49 de la loi, qui traitent respectivement du programme de rétablissement et du plan d'action, croyez-vous qu'il devrait y avoir une espèce de supervision scientifique plus indépendante, non seulement dans le cadre de l'évaluation, mais aussi dans l'élaboration des plans de rétablissement? Autrement dit, l'avis et la supervision scientifiques ne doivent pas seulement se faire au cours de l'évaluation, mais aussi lorsqu'on établit les plans de rétablissement.
    Au bout du compte, le danger est que, lors de la mise en oeuvre et de la planification du rétablissement, seuls des aspects économiques soient pris en considération. Croyez-vous que cela prend des modifications législatives aux articles 41 et 49 de la loi pour s'assurer d'une supervision scientifique indépendante?

[Traduction]

    Je ne peux pas parler de ces deux articles en particulier, mais j'estime qu'il devrait au moins y avoir une séparation.
    Je ne connais pas la traduction directe du terme « supervision ». Je ne crois pas qu'aucun scientifique veuille déterminer ce que la société fera et dans quelle mesure elle devrait payer pour le faire, mais il doit y avoir une séparation claire pour que personne ne prétende qu'il fait quelque chose qu'il ne fait pas. Peut-être que je ne comprends pas vraiment la question, mais je pense que c'est un minimum.
    Si c'est ce que vous voulez dire par supervision, eh bien, je suis d'accord, mais si votre concept est plus vaste que cela, eh bien, je pense qu'il faudra approfondir la question.
    Il y a peut-être quelqu'un qui a des remarques à formuler.
    Je prendrais la question un peu plus au pied de la lettre. Surtout en ce qui concerne l'article 41, qui traite des stratégies de rétablissement, il serait très utile pour les gens sur le terrain, qui travaillent sur les stratégies de rétablissement, d'avoir un libellé clair et des précisions sur les intrants scientifiques. En fait, les intrants scientifiques, c'est peut-être ce à quoi vous faites allusion lorsque vous parlez du fait que la supervision devrait être une priorité.
    L'article est déroutant parce qu'il précise que le ministre doit préparer une stratégie de rétablissement en collaboration avec un certain nombre de groupes, y compris les intervenants et les groupes autochtones. On ne parle pas précisément d'experts scientifiques. En fait, en règle générale, du moins en ce qui concerne les stratégies que je connais, les experts scientifiques ont toujours fait part du processus. Ils ont été consultés.
    Mais la confusion règne, surtout en ce qui concerne ce qui devrait être fait avec la contribution des intervenants sur ce plan. Si un intervenant prend part aux délibérations sur les stratégies de rétablissement et affirme que les mesures d'action, ou du moins un ensemble de méthodologies pour protéger une espèce, porteront atteinte à son gagne-pain, nous, les membres de l'équipe de rétablissement, ne disposons pas de directives claires quant à ce qui devrait être inclus ou non dans la stratégie. Je pense que ce groupe dit qu'il est approprié de traiter de ce genre de choses dans le plan, mais pas dans la stratégie.

  (1620)  

[Français]

    Monsieur Pearson, dans votre mémoire, vous suggérez une augmentation des accords de conservation comme moyen de faire participer les propriétaires fonciers. Cependant, en réalité, aucun accord de conservation n'a été signé jusqu'à maintenant. Alors, comment peut-on en venir à cet accord de conservation? Quels obstacles ont mené à cette absence d'accord de conservation? Comment pourrions-nous établir un processus, un partenariat ou un contrat?
    Je suppose que cela fait aussi partie de ce que vous proposez, entre autres quand vous nous parlez des plans de rétablissement. Vous souhaiteriez que cela s'appuie sur la science, je crois. Toutefois, quand vient le temps d'établir un plan d'action, vous pensez qu'un contrat doit être rédigé. Comment pourrions-nous multiplier ces ententes de conservation?

[Traduction]

    Eh bien, une grande partie de votre question dépasse mon expertise. Un avocat pourrait mieux répondre aux questions concernant les contrats que moi. Pour ce qui est de savoir comment, je ne peux que souligner la nécessité et, d'après mon expérience, l'ouverture apparente des propriétaires terriens à ce genre d'initiative.
    Je ne sais pas quels sont les obstacles sur le plan bureaucratique ou législatif. Tout ce que je sais, c'est que cela ne se fait pas et qu'il faut le faire.
    Merci beaucoup. Votre temps est écoulé.
    Madame Duncan, vous avez la parole.
    Je tiens également à vous remercier tous de vos excellents mémoires. Je crois que je n'ai jamais rien vu de mieux. Ils sont très utiles, car ils se fondent sur votre expérience en tant que scientifiques et qu'ils font un lien avec les poursuites judiciaires.
    L'un d'entre vous, je crois que c'est M. Pearson, a cité dans son mémoire le juge Campbell qui a déclaré: « Voici un cas où l'élaboration et l'application d'une politique par le ministre constitue une infraction évidente à la loi, et celui-ci ne voulait pas être tenu responsable de ne pas respecter la loi ». Je trouve qu'il s'agit d'une déclaration assez étonnante au sujet du gouvernement.
    Ce qu'il y a de si intéressant dans votre témoignage, c'est que vous avez participé à dossiers séparés de préservation d'espèces et pourtant, vous nous présentez tous des recommandations très semblables.
    D'abord, quelles autres mesures, à votre avis, sont nécessaires pour éviter que les collectivités, les scientifiques ou les organismes aient à recourir aux tribunaux? Avez-vous l'impression que des progrès ont été réalisés, du moins à l'égard de la protection de vos espèces? Constatez-vous un changement.
    Deuxièmement, j'aimerais revenir sur ce que vous avez dit au sujet du ministère des Pêches et des Océans. Des représentants du Conseil canadien des pêches sont venus témoigner, et ils ont essayé de nous convaincre que la protection des espèces de poissons au titre de la Loi sur les espèces en péril pourrait être traitée dans le cadre de la Loi sur les pêches et qu'il n'est nullement nécessaire d'invoquer la Loi sur les espèces en péril. Pourtant, vous semblez dire exactement le contraire dans votre témoignage.
    Est-ce que vous pourriez répondre à ces deux questions, ensemble ou séparément?
    Bien sûr.
    Pour ce qui est de la Loi sur les pêches, cette loi est efficace dans son propre champ d'application ou est un outil très utile pour faire ce qu'elle a été conçue pour faire, à savoir, dans certains cas très précis, lorsque vous pouvez déterminer exactement le tuyau d'où se déverse la substance polluante ou la personne responsable de la destruction d'un habitat.
    Hors, à notre époque, et certainement pour les espèces sur lesquelles je travaille et sans doute pour la plupart des autres espèces de poissons, beaucoup de problèmes ne proviennent pas d'une source ponctuelle de pollution, il s'agit plutôt du résultat d'une accumulation de facteurs. Les espèces succombent à des assauts répétés. Dans les cas où il y a plus d'un coupable, la Loi sur les pêches n'est pas efficace.
    D'après ce que je crois comprendre, la Loi sur les espèces en péril peut et devrait être invoquée dans ces cas.

  (1625)  

    D'accord.
    Monsieur Mooers ou monsieur Findlay, voulez-vous intervenir? Non?
    Monsieur Barrett-Lennard.
    J'aimerais répondre à l'une de vos questions. Vous avez demandé si nous avions constaté des améliorations.
    Premièrement, nous discutons depuis un certain temps du fait qu'apparemment, il y aurait une réticence marquée à identifier l'habitat essentiel et les stratégies de rétablissement. Quant à savoir s'il s'agit de problèmes de croissance normaux ou d'une politique plus constante, je pourrais spéculer sur cette question, mais ce ne serait que spéculation.
    Pour ce qui est des améliorations, à la suite de la décision rendue dans l'affaire du naseux de Nooksack, nous avons au moins constaté que le ministère des pêches et des Océans a commencé à faire des efforts pour reconnaître que la description de l'habitat essentiel n'était pas optionnelle, mais bel et bien prévue par la loi.
    On a souvent invoqué l'insuffisance des données, mais cette excuse n'est pas appuyée par les chercheurs ni, dans bien des cas, par les équipes de rétablissement. Nous constatons plus de progrès dans ce domaine et de nouvelles ébauches de stratégies de rétablissement sont présentées dans lesquelles l'habitat essentiel est décrit.
    Si vous le permettez, j'aimerais formuler trois petites observations.
    Mon premier point porte sur les répercussions de l'inscription au ministère des Pêches et des Océans. Cette analyse n'a pas encore été mise à jour, mais il est très clair que jusqu'ici, du moins jusqu'à un passé très récent, les processus suivis par le MPO, d'un côté, et Environnement Canada ainsi que Parcs Canada de l'autre, pour appuyer les décisions relatives à l'inscription sur la liste étaient différents. En tant que scientifique, je ne vais pas nécessairement porter un jugement sur lequel est le meilleur. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il devrait s'agir du même processus. C'était mon premier point.
    Mon deuxième point porte sur la Loi sur les pêches. Si la Loi sur les pêches pouvait en faire autant que la Loi sur les espèces en péril lorsqu'il s'agit des mammifères marins et des poissons d'eau douce et salée, on pourrait avancer qu'il n'est pas nécessaire d'appliquer une Loi sur les espèces en péril pour tous les êtres vivants en eau douce ou en eau salée. Manifestement, la Loi sur les espèces en péril et la Loi sur les pêches ont deux objectifs différents, dans la mesure où l'instrument a été conçu pour atteindre l'objectif énoncé, j'avancerais que nous avons besoin de ces deux lois. Je crois que l'argument selon lequel nous pouvons atteindre tous les objectifs au moyen de la Loi sur les pêches repose essentiellement sur l'énoncé selon lequel la Loi sur les pêches est similaire à la Loi sur les espèces en péril en ce qui a trait aux espèces marines et aquatiques, mais cet énoncé est erroné.
    Mon troisième point porte sur l'habitat essentiel. La raison pour laquelle l'habitat essentiel n'a jusqu'ici pas été très bien défini ou n'a pas été recensé à l'étape du rétablissement, c'est probablement parce que ce critère a été interprété avec une discrétion ministérielle maximale. Le même problème existait aux États-Unis dans les premières années qui ont suivi l'entrée en vigueur de l'Endangered Species Act. Nos voisins du Sud ont le même problème parce que la question de la désignation d'habitat essentiel s'effectue « dans la mesure du possible ». Cela a été interprété comme autorisant un énorme pouvoir discrétionnaire ministériel dans le cadre de l'Endangered Species Act.
    Par conséquent, très récemment, en raison des décisions des tribunaux, on commence à interpréter différemment ce passage de la loi. Je crois que mes collègues ont bien résumé la situation en affirmant qu'il semble y avoir un mouvement actuellement vers ce que nous estimons être la bonne direction, en ce sens que l'accent est mis davantage sur l'identification de l'habitat essentiel à l'étape du rétablissement. Pour ce qui est de savoir s'il reste encore du travail à faire, évidemment, c'est une toute autre question.
    D'accord. Je remarque deux thèmes. Vous avez d'abord beaucoup parlé du besoin d'ajouter une dimension scientifique. Est-ce que l'un d'entre vous pourrait me résumer ce point de vue? J'ai cru comprendre que vous recommandez la création d'un comité de type COSEPAC qui regrouperait des scientifiques pour le secteur de la stratégie de rétablissement et de l'habitat essentiel. L'un d'entre vous a d'ailleurs recommandé d'enchâsser la création de ce comité dans la loi, tout en faisant remarquer que tout le monde est consulté sauf les scientifiques. Je crois que c'est un bon point à énoncer.
    Beaucoup de gens nous ont dit que nous devrions tenir compte de l'aspect socio-économique à la deuxième étape, soit le rétablissement, alors que d'autres avancent que ces considérations n'ont pas leur place à cette étape. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

  (1630)  

    J'aimerais répondre à la première partie de votre question. Nous recommandons un organe qui ressemblerait au COSEPAC — ou il pourrait ressembler à autre chose. Dans le domaine des toxines, il y a le Groupe consultatif du Défi qui agit à titre de comité consultatif, mais qui est public. M. Findlay en fait d'ailleurs partie et il pourrait vous expliquer en quoi ce groupe pourrait servir de modèle.
    Notre recommandation repose en partie sur le fait qu'il est nécessaire d'avoir un groupe de surveillance parce que les équipes de rétablissement ne relèvent pas de la Loi sur les espèces en péril. Parce qu'elles ne sont pas prévues par la loi, elles risquent de disparaître. Jusqu'à présent, des scientifiques indépendants ont été invités, c'est très bien, mais ils n'ont pas à être invités. Alors, que se passe-t-il? Si vous voulez en savoir davantage au sujet d'un modèle possible, peut-être que le professeur Findlay pourrait nous donner des explications.
    Merci, votre temps est écoulé.
    Nous allons passer à la dernière question de ce tour de table de sept minutes.
    Monsieur Warawa, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs les témoins, je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Je me réjouis de voir que trois de nos scientifiques viennent de la Colombie-Britannique et même un de ma merveilleuse circonscription de Langley. Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui et d'avoir fait ces efforts.
    J'ai bien plus de questions que de temps, alors, je vous demanderais de répondre assez brièvement.
    J'aimerais surtout parler de la consultation. Consacre-t-on assez de temps à la consultation, en particulier au sujet des connaissances traditionnelles autochtones? Il me semble que cet aspect est exclu de vos recommandations. Vous avez parlé des facteurs socio-économiques à considérer, en particulier la détermination de l'habitat essentiel. J'ai l'impression que vous n'appuyez pas les connaissances traditionnelles autochtones.
    J'aimerais commencer par M. Pearson. Vos travaux ont porté sur le meunier de Salish et sur le naseux de Nooksack. À la page 5 de votre mémoire, vous indiquez que:
Je travaille régulièrement dans une quinzaine de bassins hydrographiques de la vallée du Fraser. Au fil des années, j'ai discuté avec nombre de propriétaires fonciers concernant l'habitat et les espèces en péril. La majorité étaient des agriculteurs qui se rendent compte qu'ils pourraient devoir concéder des terres ou abandonner certaines pratiques agricoles sur des terres qui jouxtent les bassins hydrographiques... Comme il fallait s'y attendre, ils n'aiment pas l'idée... Parce qu'ils craignent qu'ils devront assumer entièrement les coûts de ces mesures de protection.
    Vous devriez d'ailleurs nous communiquer une recommandation, ou une piste de réflexion, dans les cas où il y aurait une baisse d'impôt foncier sous forme de subvention qui pourrait être redonnée lorsque les terres ne peuvent être utilisées aux fins prévues.
    À cet égard, nous avons étudié la question de l'habitat essentiel qui n'est pas situé principalement dans des zones urbaines ou des banlieues, c'était plutôt dans les forêts boréales et sur les terres fédérales. Nous n'avons pas vraiment abordé la question de l'indemnisation, mais vous en avez parlé, alors j'aimerais que vous nous en disiez davantage.
    Si un cours d'eau traverse une exploitation agricole, ou qu'une exploitation est encerclée par une tranchée de drainage, ou même si un gouvernement municipal désire conserver son réseau de tranchées, ce sont des questions que les administrations municipales doivent régler avec le ministère des Pêches et des Océans en Colombie-Britannique, à la fois au niveau provincial et fédéral. Alors, d'où viendraient ces subventions pour payer des indemnisations? Il faut aussi déterminer l'ampleur de l'inconvénient occasionné. Cela dépend de la topographie et du cours d'eau historique.
    Bien sûr, j'ai plus de questions que de temps. Pourriez-vous surtout expliquer d'où proviendraient les subventions et quels seraient les mécanismes d'attribution? En avez-vous parlé aux autorités locales également? À mon avis, il y aurait un délestage des responsabilités sur les administrations locales?
    Je ne suis pas certain qu'il y aurait un délestage de responsabilité. Je crois que les subventions devraient être accordées par le gouvernement fédéral parce qu'il s'agit de lois et d'exigences fédérales qui leur sont imposées.
    J'ai travaillé à maintes reprises avec les municipalités sur des sujets comme le drainage. En réalité, le drainage n'est pas vraiment une source de conflit. Les mêmes facteurs qui créent des problèmes pour l'habitat du poisson créent des problèmes également pour le drainage.
    Des caniveaux bloquent la migration et haussent le niveau des eaux au même moment. Les herbes qui entravent les tranchées de drainage ne sont pas bien différentes des herbes qui meurent et pourrissent dans l'eau, privant le milieu de son oxygène et entraînant une dégradation de l'habitat essentiel.
    Nous avons découvert qu'il y a bien des points sur lesquels on peut s'entendre. J'ai travaillé beaucoup dans ces domaines à Langley, dans le district de Kent et à Chilliwack, des régions que vous connaissez sans doute.
    Pour ce qui est des connaissances traditionnelles autochtones, je ne voulais surtout pas laisser entendre que nous ne voulions pas en tenir compte. Je crois que les connaissances traditionnelles autochtones font partie de la notion de « meilleure connaissance possible et accessible ».

  (1635)  

    Très bien.
    À propos des contretemps causés par les cours d'eau qui traversent les fermes, ces cours d'eau réduisent les possibilités d'exploitation pour l'agriculteur ou le propriétaire foncier. Il ne serait plus possible de faire pousser des cultures aussi près du cours d'eau qu'auparavant. D'après ce que vous dites, si le cours d'eau est recensé comme étant un habitat essentiel, et qu'il traverse une terre privée, il devrait y avoir une indemnisation. Ai-je bien compris?
    Oui, c'est exact.
    Très bien. Étant donné qu'il s'agit d'une loi fédérale, il n'y a qu'un seul contribuable qui devra débourser les fonds pour payer l'indemnisation. Vous avancez que cette indemnisation devrait respecter la juste valeur de marché. Est-ce exact?
    Dans l'exemple que j'ai donné, la terre était louée. On évalue la terre pour en établir le potentiel agricole, parce que ce ne sont pas toutes les terres agricoles qui se valent. Certaines sont excellentes alors que d'autres ont un potentiel minime. On classifie la terre et on en évalue la juste valeur de marché. La location sur 15 ans correspond à la juste valeur de marché. Ce mécanisme est très populaire chez les agriculteurs du comté de Whatcom.
    Est-ce que les agriculteurs locaux que vous avez consultés étaient ouverts à cette idée?
    Bien sûr. Lorsqu'on leur explique qu'on leur verserait une subvention pour céder la terre, ils posent beaucoup de questions et veulent connaître les détails, mais c'est la curiosité qui est à la base de la négociation et non pas l'hostilité.
    D'accord.
    Me reste-t-il du temps?
    Oui, il vous reste une minute.
    Les consultations auprès des premières nations semblent être le fil conducteur de votre témoignage, si je ne m'abuse.
    Vous semblez vouloir consacrer neuf mois... il s'agit des neuf mois nécessaires pour respecter l'échéancier et mener les consultations. Les premières nations nous ont dit qu'elles voulaient être consultées de façon appropriée. Elles ne veulent pas que les mêmes personnes leur posent constamment les mêmes questions. Elles veulent une consultation de bonne foi.
    Qu'en pensez-vous?
    Pourriez-vous clarifier de quelle étape vous parlez? S'agit-il de la planification du rétablissement, de l'inscription sur la liste des espèces en péril, de la planification de l'intervention ou d'une autre étape?
    Je parle de l'étape suivant l'inscription sur la liste des espèces en péril — car les premières nations font partie des recommandations du COSEPAC —, soit lorsque la liste est transmise au gouvernement et que, dans le cadre du processus préalable au recensement des habitats essentiels, il faut qu'il y ait une consultation adéquate auprès des premières nations. Elles veulent être consultées tout au long du processus et y participer.
    Bien sûr, il faut qu'un sens critique soit exercé du point de vue bioscientifique et les critères doivent être fondés sur la science, mais les connaissances traditionnelles autochtones doivent aussi faire partie du processus.
    Je suis tout à fait d'accord. Il n'y a aucun point de vue similaire, à mon avis, qui a été exprimé par les différents témoins aujourd'hui qui dénote d'une position toute autre. J'ai fait référence aux experts des espèces, aux données scientifiques utilisées pour étayer les stratégies de rétablissement et même des inscriptions sur recommandation du COSEPAC, mais cela comprend également les connaissances traditionnelles autochtones. N'excluons pas non plus les connaissances communautaires.
    Je dirige un programme à l'Aquarium de Vancouver. Il s'agit d'un programme scientifique civil où les données sont acquises grâce à la participation du public qui signalent la présence de baleines, de dauphins et de marsouins un peu partout dans la province. Nous colligeons ces renseignements dans une gigantesque base de données et effectuons des analyses scientifiques. Nous n'aurions même pas pu songer à mettre sur pied ce projet sans la participation des citoyens, dont un grand nombre sont autochtones.
    Je suis désolé si nous vous avons donné cette impression. Je ne crois pas que ce soit une préoccupation.
    Il ne reste plus de temps. Cela met fin à notre série d'interventions de sept minutes.
    Avant de passer à la série d'interventions de cinq minutes, chers collègues, je voudrais tenter de garder un peu de temps à la fin de la séance et continuer à huis clos pour parler de certains conflits qu'ont certains membres du comité avec la séance de jeudi prochain — non pas jeudi de cette semaine, mais jeudi de la semaine prochaine. Nous devrons parler un peu du calendrier des travaux.
    Cela dit, nous allons maintenant commencer notre série d'interventions de cinq minutes.
    Monsieur Scarpaleggia.

  (1640)  

    Merci, monsieur le président.
    Je voulais tout simplement obtenir certains éclaircissements à la suite de quelques déclarations que je n'ai pas tout à fait compris. Je crois que c'était vous, monsieur  Mooers, qui avez dit que nous ne devrions pas protéger la faune si les données laissent entendre que nous ne devrions pas le faire. Ai-je bien compris?
    Nous ne devrions pas protéger la faune si les données laissent entendre que nous ne devrions pas le faire... ? Non, je n'ai pas dit cela. J'ai effectivement dit quelque chose en utilisant certains de ces mêmes mots. J'ai dit que cela n'aidait pas de laisser entendre aux Canadiens que certaines espèces fauniques seront protégées et rétablies si les données laissent entendre que les mesures proposées ne permettraient pas de le faire.
    Ah bon, je comprends. Merci.
    Quelqu'un a dit que nous devions inscrire les plans de rétablissement dans la LEP. Pourriez-vous nous en parler davantage?
    À l'heure actuelle, les équipes de rétablissement n'existent pas dans la LEP. Il y est seulement question de préparer des stratégies de rétablissement.
    Donc, il s'agit tout simplement d'une politique.
    C'est exact. C'est ainsi à l'heure actuelle, mais je crois que M. Mooers a dit qu'il n'y a rien dans la loi stipulant qu'il faut mettre sur pied une équipe de rétablissement dont les membres sont indépendants. On pense que ce devrait être le cas, de sorte qu'en l'intégrant dans la loi, on s'assurerait que c'est le cas.
    C'est un processus plutôt qu'un plan réel. Est-ce le processus dont vous parlez?
    C'est l'existence des équipes de rétablissement composées de scientifiques indépendants.
    Quelqu'un parlait des milieux humides et de leur importance pour la protection des espèces. Avez-vous entendu parler de l'initiative pour répertorier les milieux humides? C'est un processus qui a été entrepris par Canards Illimités, l'Agence spatiale canadienne, Environnement Canada et d'autres groupes pour cartographier les écosystèmes des milieux humides en utilisant la technique des satellites. La deuxième étape de cette initiative n'a jamais vu le jour.
    Est-ce quelque chose d'utile pour que la Loi sur les espèces en péril soit efficace? Avez-vous déjà l'information dont vous avez besoin?
    Je suis certain que ce serait très utile pour certaines équipes de rétablissement et certaines espèces. Je ne sais pas si l'un d'entre nous a parlé précisément des écosystèmes des milieux humides. J'ai parlé des bandes tampons le long des cours d'eau, ce qui est un peu différent, mais il est certain que tout répertoire de l'habitat, particulièrement de choses aussi générales que cela, serait très utile pour certains groupes.
    Vous ne parliez pas alors des milieux humides. Je croyais que vous en aviez parlé peut-être de façon indirecte, mais ce n'était pas le cas.
    Non.
    Très bien. Je comprends.
    Je crois que c'est M. Pearson qui disait qu'il est vraiment très difficile de déterminer la source de pollution lorsqu'on applique la Loi sur les pêches, et c'est vraiment une observation décourageante, car comment pouvons-nous faire respecter la Loi sur les pêches si, comme vous le dites, nous ne pouvons pas déterminer s'il y a une source particulière, que ce soit une exploitation agricole ou une industrie? Est-ce là un problème insoluble?
    Par exemple, nous avons étudié la question des sables bitumineux et l'impact de ces derniers sur l'habitat du poisson. Nous avons l'impression que vous nous dites de renoncer car nous parlons d'impacts cumulatifs et qu'il n'est pas possible de trouver la source exacte de la pollution.
    La Loi sur les pêches est très utile dans certaines circonstances, y compris même lorsque certains agriculteurs déversent des eaux résiduaires de laiterie dans un cours d'eau. On peut dire « cet agriculteur et ce tuyau posent un problème », mais bon nombre de problèmes de pollution qui affectent les poissons d'eau douce ne sont pas attribuables à une source en particulier. On épand trop d'engrais sur une grande surface de terre agricole, il y a un grand nombre de fermes ou il y a de l'érosion provenant de plusieurs endroits. Donc oui, la Loi sur les pêches est presque inutile pour ce genre de problèmes.

  (1645)  

    Ce sont là de gros problèmes.
    Ce sont de gros problèmes, mais...
    M. Francis Scarpaleggia: Ce sont là certains des problèmes les plus importants pour nous.
    M. Michael Pearson: Il faut donc aborder ces problèmes de façon plus générale, avec la loi et la politique plutôt que de tenter de trouver une source individuelle. Donc, comment pouvons-nous limiter la quantité d'éléments nutritifs appliqués dans la vallée du Fraser? Comment pouvons-nous encourager les agriculteurs à...?
    Ce sont là des questions qui relèvent de la compétence provinciale.
    Il ne vous reste plus de temps. Merci.
    Monsieur Woodworth, c'est à votre tour.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aux témoins qui sont venus nous rencontrer aujourd'hui. Vous m'avez certainement donné matière à réflexion au sujet de certaines questions fondamentales dont nous sommes saisis. Je suis désolé de n'avoir que cinq minutes, car cela ne me donne pas beaucoup de temps pour les approfondir avec vous.
    Si vous me le permettez, j'aimerais répondre à certaines remarques de M. Mooers, car j'ai été intrigué par certaines observations très claires que vous avez faites, monsieur Mooers, au sujet de la nécessité de faire une distinction entre la science et la politique. En fait, je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que nous ne devrions pas utiliser un libellé qui porte à confusion et dire aux gens que nous faisons une chose alors que nous ne le faisons pas, ou que nous faisons autre chose. Cette distinction entre la science et ce que j'appellerais la prise de décision démocratique, plutôt que la « politique », est bonne en théorie, mais vous avez peut-être entendu ce vieil adage qui dit qu'en théorie, il n'y a pas de différence entre la théorie et la pratique, mais qu'en pratique, il y en a une.
    J'aborde cette question en partant du principe que la science pure, si cela est possible, n'a rien à voir avec la démocratie. C'est une question d'observation, de description et de prévision, mais non pas de prescription; c'est-à-dire que la science ne dit pas aux gens ce qu'ils doivent faire.
    Mon problème, c'est que j'ai de la difficulté à faire un lien entre cela et ce qu'il faut faire pour les espèces en péril. Je vais vous donner deux exemples; le premier concerne le processus d'inscription.
    En théorie, on peut dire que l'inscription devrait se faire uniquement à la suite d'une observation, en ce sens que si nous disons qu'une espèce est menacée ou qu'elle est en voie de disparition, il s'agit strictement d'une observation. Mais dans la pratique, aux termes de la loi, l'inscription est accompagnée d'exigences de prescription qui inévitablement font intervenir une prise de décision démocratique, ou ce que vous pouvez appeler une question de politique.
    Donc, monsieur Mooers, pouvez-vous me dire ce que vous pensez de ce dilemme? C'est que j'ai du mal à comprendre comment nous pouvons dire aux gens qu'ils ne peuvent pas faire ceci ou cela sans qu'une décision démocratique intervienne à ce niveau.
    J'aimerais vous donner une réponse rapidement et je laisserai ensuite M. Findlay dire quelques mots.
    Avec votre permission, j'aimerais m'en tenir à vous pour le moment, car j'ai une autre question à vous poser.
    S'il reste du temps, nous donnerons la parole à M. Findlay.
    Très bien.
    Je ne crois pas que le CSEP ait dit que l'inscription devait être scientifique, alors je ne sais pas exactement ce que vous voulez dire. L'évaluation est faite par le COSEPAC. Il s'agit là de l'aspect relatif à la prévision ou à l'observation. C'est la boîte blanche en haut où l'information est inscrite.
    Ce que nous disons, c'est que le résumé de l'étude d'impact de la réglementation — que le Conseil du Trésor oblige le gouvernement à faire chaque fois qu'il prend un règlement comme celui relatif à l'inscription — devrait faire l'objet d'un examen par les pairs et être transparent. Ensuite, après cet examen, le gouvernement peut réagir à ce document qui a été évalué par les pairs. L'inscription est donc en réalité effectuée dans le cadre du processus démocratique.
    Le fait que l'on parle d'un examen par les pairs est pour moi une source de confusion, car je pense qu'habituellement, lorsqu'on parle d'un processus scientifique, ce n'est pas un processus politique comme tel — bien que je sois d'accord avec vous lorsque vous dites que le processus visant à déterminer cette politique devrait être transparent et qu'on devrait peut-être faire davantage à ce sujet.
    Là où cela entre en jeu, c'est à l'étape du rétablissement. J'ai du mal à comprendre que même une stratégie puisse être établie tout simplement au niveau scientifique sans faire intervenir le processus décisionnel démocratique qui tient compte de ce que les gens doivent faire d'un point de vue démocratique. Pouvez-vous m'expliquer comment vous envisagez le processus de rétablissement?

  (1650)  

    Je crois que dans notre mémoire, nous laissons entendre que les stratégies de rétablissement doivent comprendre un élément de surveillance scientifique, afin de s'assurer que les composantes scientifiques de cette stratégie répondent aux critères scientifiques. Cela ferait l'objet d'un examen par les pairs. L'équipe de rétablissement approuverait cette stratégie de rétablissement et le gouvernement aurait ensuite une équipe qui répondrait en incluant tous les aspects du processus démocratique qu'elle estimerait être importants au cours du processus décisionnel.
    M. Stephen Woodworth: Alors j'ai mal interprété...
    Merci, monsieur Woodworth.
    Je suis désolé. Le temps passe trop rapidement.

[Français]

    Bienvenue, monsieur Paillé. Vous avez cinq minutes.
    Je veux poser quelques courtes questions, mais souvent, en cours de discussion, d'autres questions nous viennent à l'esprit, alors peut-être qu'on aura une discussion plus longue que prévu.
    C'est un dossier très technique. Je ne suis qu'un membre substitut du comité. Je voudrais examiner davantage l'aspect international. Où se situe le Canada, eu égard à ses normes actuelles, par rapport aux autres pays du G20? Projetons-nous une belle image? Nos lois se situent-elles dans la moyenne ou sont-elles supérieures à la moyenne? Sommes-nous avant-gardistes à l'échelle internationale? Y a-t-il a un pays qui soit vraiment l'exemple à suivre au chapitre de la protection? Ce sont des questions sur lesquelles vous pouvez nous éclairer un peu.

[Traduction]

    Je ne peux pas répondre à toute la question.
    Le Canada a été le premier grand pays industrialisé à ratifier la Convention sur la diversité biologique en 1992, et la Loi sur les espèces en péril découle directement de cette ratification. Il y avait des États insulaires — les îles Marshall — et de très petits pays, comme Monaco, qui l'ont ratifiée, puis nous l'avons fait en 1992, de sorte que nous avons été avant-gardistes à cette époque, pour une raison ou une autre.
    Notre loi est très récente. Il existe à peu près 36 lois fédérales semblables dans le monde actuel. Nous n'avons pas fait une évaluation complète pour déterminer quelles lois fonctionnent le mieux ou quelles sont les différences entre elles. Le processus d'inscription que nous avons, selon lequel un comité scientifique indépendant fait l'évaluation avant que le gouvernement décide ou non d'inscrire sur la liste, est préférable au processus que l'on retrouve dans certains autres pays à cause de cette clarté ou de cette distinction.
    Au-delà de cela, je ne sais pas comment nous nous comparons. Je ne sais pas si quelqu'un d'autre a quelque chose à dire à ce sujet.

[Français]

    Cela répond quand même déjà bien à la question.
    Par ailleurs, on sait que certaines espèces protégées au Canada ne le sont pas aux États-Unis. Les deux pays travaillent-ils vraiment ensemble ou tiennent-ils des rencontres régulières en vue d'harmoniser leurs lois?

[Traduction]

    Oui, je pense que l'on peut dire qu'il y a des représentants américains dans presque toutes les équipes canadiennes de rétablissement, sinon toutes. C'est un autre avantage d'avoir des équipes; j'aime bien avoir l'occasion de revenir sur la question.
    Il n'y a rien qui les empêche d'inviter des représentants du gouvernement américain ou des experts américains des espèces — on l'encourage, en fait, sur le plan opérationnel — à se joindre à des équipes de rétablissement canadiennes pour aider à élaborer des stratégies de rétablissement. Cette coopération existe également dans le sens inverse.
    Par exemple, à l'heure actuelle, je suis membre d'une équipe de rétablissement américaine pour le rétablissement de la loutre de mer en Alaska. Donc, oui, on tente tout au moins d'harmoniser de telles initiatives entre les deux pays.

[Français]

    J'ai une dernière question, vous verrez comment vous pouvez y répondre.
    Dans l'ensemble de votre travail, quel changement majeur suggéreriez-vous qui puisse réellement apporter une grande modification? La question est peut-être large, je sais que plusieurs choses pourraient être changées ou améliorées. Or, si vous aviez actuellement à donner priorité à une chose dans votre domaine, dans votre travail, quelle serait-elle?

  (1655)  

[Traduction]

    Combien de paragraphes est-ce que vous allez changer?
    Des voix: Oh, oh!
    M. Arne Mooers: C'est un processus continu.
    Je ne vais pas répondre à la question.
     Du point de vue de la communauté scientifique... Je dirais qu'il y a deux choses. Premièrement, lorsqu'on conçoit une expérience de ce genre, il faut expliquer clairement pourquoi chaque élément est inclus.
    Selon moi, et je pense que plusieurs de mes collègues partagent mon avis, la LEP englobe tellement d'éléments qu'il est difficile d'y voir clair. Il faudrait d'abord et avant tout que toutes les étapes du processus y soient décrites plus clairement.
    Deuxièmement, et cet élément est tout aussi important, voire plus, il y a la question des valeurs. J'aimerais y revenir parce que c'est extrêmement important.
    La LEP vise à protéger les espèces en péril. Cela témoigne de la valeur que notre société accorde aux espèces en péril. Il ne s'agit pas là d'une décision scientifique, mais bien d'une décision sociétale.
    Le rôle des scientifiques, y compris ceux qui sont ici aujourd'hui, peut donc se résumer ainsi. Si la société a décidé de valoriser les espèces en péril, nous pouvons vous indiquer les meilleures mesures qui, à notre avis, permettraient de les protéger et de les aider à se rétablir; voilà notre tâche. Mais si vous décidez, en dernière analyse, que d'autres valeurs l'emportent en importance sur la préservation des espèces en péril, c'est là aussi une décision sociale et sociétale. En tant que scientifiques, nous voulons simplement que la décision soit clairement énoncée.
    Ce qui nous irrite au plus haut point, c'est de voir des questions scientifiques être amalgamées à des questions de valeurs. Je souhaiterais que l'on distingue nettement ces deux réalités. Cela nous ramène à la question de la transparence.
    Merci beaucoup.
    À vous, monsieur Armstrong.
    Monsieur Findlay, dans votre déclaration, vous avez affirmé que la détermination des habitats essentiels devrait reposer principalement sur des critères biologiques, mais que des facteurs socioéconomiques entraient également en ligne de compte dans ces décisions, ce qui illustre ce que vous venez de dire.
    Pourriez-vous préciser brièvement votre pensée?
    Tout particulièrement, dans deux jugements rendus relativement à la non-détermination d'habitat essentiel, le juge a statué que la prise en compte de ce genre de facteurs dans la décision ministérielle allait à l'encontre de l'esprit de la LEP. Je parle de la décision ministérielle de ne pas désigner un habitat essentiel à l'étape du rétablissement.
    Quant à moi, j'estime que la détermination du caractère essentiel d'un habitat est une question scientifique. La question posée à la communauté scientifique est la suivante: puisque nous voulons que cette espèce se rétablisse, quels habitats essentiels faut-il protéger? Pour déterminer l'habitat essentiel, il faut se baser sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles. Par la suite, la décision de tracer ou non un plan d'action pour y parvenir repose sur des valeurs sociales.
    Il me semble assez évident que, d'après l'esprit de la LEP, la détermination de l'habitat essentiel incombe aux scientifiques.
    Absolument. Toutefois, il y a un temps où, en tant que politiciens, nous devons tenir compte de considérations socioéconomiques. Vous l'avez dit dans vos dernières interventions.
    M. C. Scott Findlay: Absolument.
    M. Scott Armstrong: À quelle étape du processus de la LEP devrait-on prendre en considération des facteurs socioéconomiques, à votre avis, si cela ne se fait pas pendant la désignation de l'habitat essentiel?
    M. Moores serait peut-être mieux placé que moi pour répondre à votre question, mais je pense qu'avant de prendre une décision quant à une éventuelle réglementation, il faudrait préparer un énoncé de l'impact de la réglementation comprenant une analyse socioéconomique.
    Autrement dit, vous ne voulez pas mettre la charrue avant les boeufs. Il faut d'abord établir l'habitat essentiel et plus tard, regarder le tableau d'ensemble, n'est-ce pas?
    Je suppose que cela revient à ce que je disais tout à l'heure: il y a une nette démarcation entre la question scientifique, à savoir l'identification de l'habitat essentiel, et les décisions moins scientifiques ou non scientifiques fondées sur les valeurs concernant l'opportunité d'une protection.

  (1700)  

    Merci.
    Monsieur Pearson, d'après votre expérience en ce qui concerne l'indemnisation— et j'essaie simplement de comprendre ce que cela représente —, dans combien de cas avez-vous constaté qu'une indemnisation s'imposait, par exemple, pour protéger le naseux de Nooksack? Combien de cas d'indemnisation avez-vous eus?
    Vous voulez savoir combien de terres privées étaient en cause? Je n'ai pas de chiffre précis à vous fournir.
    Donnez-moi simplement une approximation.
    Une centaine? Et je suis sans doute généreux.
    Ce serait donc assurément plus de 50 et c'est pour protéger une seule espèce. Ainsi, pour protéger toutes les espèces en péril, il faudrait envisager l'indemnisation d'un très grand nombre de propriétés privées, n'est-ce pas?
    En fait, il n'y a pas qu'une seule espèce. Sans pouvoir vous donner de pourcentage, la protection du naseux de Nooksack couvrirait probablement le tiers à la moitié de la protection nécessaire pour le meunier de Salish. Ensuite, il y a toute la liste des autres espèces qui figurent dans la LEP et qui partagent les mêmes habitats. Il y a un énorme chevauchement, surtout dans les zones riveraines: la musaraigne de Bendire, la grenouille à pattes rouges et d'autres espèces partagent les mêmes habitats.
    Très bien. Cela me permet d'y voir plus clair.
    Ma dernière question s'adresse à vous, monsieur Pearson. Vous avez dit qu'à partir du pont qui enjambe la frontière américaine, on peut voir ce que les États-Unis ont fait sur le plan de l'indemnisation.
    Quelle méthode les Américains ont-ils utilisée pour fixer l'indemnisation? S'apparente-t-elle à la valeur de la propriété ou à la valeur agricole de la propriété? Savez-vous comment on procède là-bas?
    Si je comprends bien, c'est exactement cela: on calcule la valeur agricole de la propriété. Nous avons un système, du moins en Colombie-Britannique, selon lequel les terres sont classées par catégorie agricole 1, etc., si bien que nous procéderions ainsi.
    Y avait-il une première partie à votre question?
    Je disais tout simplement qu'on pouvait regarder ce que faisaient les Américains sur le plan de l'indemnisation. Comment les subventions sont-elles versées? Est-ce du ressort du gouvernement fédéral des États-Unis ou de l'État?
    C'est l'État de Washington qui s'en occupe.
    C'est donc fait à l'échelle de l'État, n'est-ce pas?
    Je ne sais pas si c'est à l'échelle de l'État, mais c'est...
    Chaque État s'occupe de son territoire.
    Oui, il incombe à chaque État de s'en occuper. Le moteur dans tout cela est la Loi américaine sur les espèces menacées. Les stocks de saumon figurent sur leur liste et il y a eu des poursuites judiciaires intentées par une bande autochtone car trop de nutriments encombraient les parcs à crustacés.
    Je ne connais absolument pas le processus suivi par les États-Unis. À votre connaissance, l'intervention au niveau de l'État a-t-elle été efficace?
    Je ne peux parler que de ce que j'ai constaté dans le comté de Whatcom. Là, l'intervention a été extrêmement efficace. On y exploite essentiellement des fermes laitières et un très fort pourcentage d'entre elles ont adhéré au processus.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Pearson, j'ai une question complémentaire à celle de M. Armstrong. Pensez-vous que cela fait partie du programme fédéral de réserve de conservation? Aux États-Unis, il existe un programme pour certaines zones de conservation, qui est administré...
    Parlez-vous du programme CREP, le Conservation Reserve Enhancement Program?
    Oui, c'est cela...
    Ainsi, c'est un programme fédéral. Les propriétaires sont indemnisés pour les terres qui demeurent improductives.
    C'est sans doute le cas.
    Monsieur Trudeau, vous avez la parole.
    Merci beaucoup.
    Tout comme mes collègues, je tiens à vous féliciter pour la qualité des mémoires que vous avez présentés. Vous avez vraiment réussi à exposer certains des défis que nous devons relever et qui ont rendu nos audiences sur la LEP si complexes. Vous avez réussi — en tout cas pour moi — à rendre les choses plus simples et plus claires.
    Une des raisons pour lesquels la LEP n'a pas été aussi efficace que nous l'aurions souhaité est dû au fait que les données scientifiques et les décisions sur le plan socioéconomique et démocratique entrent quelque peu en conflit les unes avec les autres.
    Tous les quatre, vous avez préconisé de dissocier les données scientifiques du processus de décision, mais en même temps, vous avez demandé davantage de clarté, de transparence et de cohérence, ce qui est indispensable en matière de science, mais non moins indispensable en matière de politique et de décision si on veut qu'elles portent leurs fruits.
    J'ai été particulièrement intéressé, monsieur Findlay, par la façon dont vous avez cerné tout l'enjeu: « Effectivement, la science intervient dans l'application de la LEP, mais c'est le cas en raison d'une décision politique visant à valoriser les espèces en péril et parce que nous affirmons que c'est la chose à faire ». J'aimerais donc combiner un peu l'essentiel des diverses recommandations.
    Je pense que c'est M. Barrett-Lennard qui a évoqué l'idée — et M. Pearson l'a appuyée — de ne faire intervenir les données scientifiques qu'au moment de l'élaboration d'un plan de rétablissement et par la suite, une fois le plan d'action arrêté, qu'on procède à des consultations. M. Mooers a, je pense, le même souci que moi, à savoir qu'il pourrait dès lors être un peu tard pour faire intervenir des préoccupations socioéconomiques. Une des choses réellement importantes à propos de la LEP, c'est de faire les choses correctement.
    Je voudrais entendre ce que MM. Mooers et Findlay ont à dire sur la distinction entre données scientifiques et aspects politiques ou, à l'opposé, leur imbrication de manière claire tout au long du processus.
    Je vous laisse répondre à cela pendant le reste de mon temps de parole.

  (1705)  

    Lors de nos délibérations, nous étions parfaitement conscients que pour toute réglementation, comme par exemple l'inscription sur la liste ou un règlement concernant la désignation d'un habitat essentiel à l'extérieur des terres domaniales, un résumé de l'étude d'impact de la réglementation allait être diffusé. Ainsi, nous n'estimions pas nécessaire d'intervenir vigoureusement en ce qui concerne ces études d'impact, sauf pour réclamer qu'elles devaient être claires. Les données scientifiques qui figureront devaient être claires, revues par des pairs, etc., pour qu'on comprenne sur quoi les décisions étaient fondées. Nous n'avons pas d'opinion arrêtée quant à ce que serait la situation idéale.
    Au moment de la rédaction de la loi, certains d'entre nous ont pu offrir leurs commentaires sur les diverses ébauches au début des années 1990 et nous estimions alors que c'est au moment du plan d'action qu'il fallait prendre les décisions difficiles et que la stratégie de rétablissement serait, pour ainsi dire, tout à fait dissociée de ce qui allait se passer véritablement sur le terrain. Dès le moment où la liste a été dressée, nous nous sommes rendu compte qu'un REIR allait être fait et que des considérations socioéconomiques allaient être prises en compte, et c'est alors que nous avons souhaité qu'à tout le moins ce résumé soit aussi transparent, clair et cohérent que possible.
    Merci de cette question.
    Il y a là une grande difficulté et pas de réponse facile. En effet, l'étape du plan d'action intervient plutôt tard dans le processus; à ce moment-là, il y a eu beaucoup d'investissement, l'affectation de beaucoup de ressources, et ainsi de suite. Étant donné qu'un REIR doit être préparé chaque fois qu'une décision est prise par règlement, comme l'a signalé M. Mooers, à chaque étape de l'inscription sur la liste, il semblerait raisonnable de faire intervenir ce que nous appellerons une analyse socio-économique à chaque étape de l'ensemble du processus.
    Cela ne fait jamais de tort de se répéter, mais j'abonde dans le même sens que M. Mooers car il faut veiller à ce que ces analyses soient faites correctement et de façon exhaustive car nous avons tous examiné ces analyses qui avaient été faites au début du processus et nous en avons conclu qu'il n'était pas sûr qu'elles avaient été faites de façon aussi exhaustive qu'il aurait été souhaitable. C'est là-dessus que se fonde notre recommandation: si on décide de ne pas inscrire une espèce sur la liste parce qu'on décide de retenir d'autres valeurs, il faut alors pouvoir compter sur une analyse très soigneuse.
    Merci.
    Votre temps est écoulé. Le temps passe vite quand on s'amuse.
    Monsieur Watson, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins.
    Je me joins à nos collègues pour vous féliciter de la qualité de vos témoignages. Ils donnent matière à réflexion aux membres du comité à l'occasion de l'examen de la Loi sur les espèces en péril, alors que nous nous interrogeons sur l'opportunité d'y apporter d'éventuelles modifications.
    Évidemment, le temps presse quand il s'agit de protéger une espèce en péril et la mise en oeuvre rencontre beaucoup d'écueils. Nous nous demandons comment nous pourrions agir plus vite sur le terrain, pour ainsi dire. Bien entendu, on constate que certains conflits font surface, ce dont on en a beaucoup entendu parler ici en comité.
    Je pense que M. Woodworth a abordé un aspect très important. Les données scientifiques ont un rôle à jouer et, au bout du compte, le gouvernement, bien sûr, doit prendre en compte d'autres intérêts. La Couronne doit respecter ses obligations, ses obligations en vertu des traités. Pour les agriculteurs, il s'agit d'une indemnisation qui peut mettre en cause nos obligations à l'égard de l'OMC, par exemple, car on présume qu'il s'agirait d'une indemnisation annuelle versée aux agriculteurs. Il y a également des aspects constitutionnels étant donné nos rapports avec les autres paliers de gouvernement.
    Ainsi, il s'agit d'équilibrer ces aspects socio-économiques et d'autres et la nécessité d'agir plus rapidement sur le terrain. Comment donc être plus efficace?
    Par ailleurs, certaines parties prenantes réclament une plus grande participation, ce qui risquerait d'alourdir le processus, en principe.
    Monsieur Mooers, ma question s'adresse à vous car vous avez fait allusion à un comité sur le rétablissement des espèces en péril, que vous appelez affectueusement « COREWIC », grâce auquel un groupe de scientifiques prépareraient des stratégies de rétablissement et des plans d'action provisoires. Pourquoi pas? Pouvez-vous m'expliquer comment cela pourrait aboutir à des mesures prises plus rapidement sur le terrain, si toutefois c'est possible? Est-ce qu'on craint que cela pourrait ralentir le processus qui déjà n'est pas rapide? S'en-inquiète-t-on ou devrait-on s'en inquiéter?

  (1710)  

    Si vous le voulez bien, je vais demander à ma collègue, Mme Whitton, de vous répondre.
    D'accord, très bien.
    Merci.
    Elle a une certaine expérience du COSEPAC.
    Quand nous avons songé à cette notion de comité sur le rétablissement des espèces en péril, nous songions à un organisme plutôt parallèle, mais sans qu'il le soit forcément. Il s'agirait d'un organe indépendant de surveillance qui pourrait se prévaloir de l'opinion des scientifiques chevronnés au pays, non seulement des universitaires, mais également des scientifiques qui travaillent pour le gouvernement.
    Comme nous l'avons dit, ils pourraient participer de façon indépendante à l'élaboration des politiques et des procédures pour rationaliser le processus, contribuer à la mise au point de normes, aider les équipes de rétablissement à faire avancer et à revoir leurs dossiers, leur donner des conseils indépendants pour parfaire les documents qu'ils préparent afin de les rendre publics et de les soumettre à l'examen de pairs. Voilà les genres de scénarios auxquels nous avions songé.
    Autrement dit, vous ne craignez pas d'ajouter une autre étape au processus. Voulez-vous dire par là que cela simplifierait le processus et l'accélérerait? J'essaie de comprendre car nous nous demandons tous comment nous pourrions agir plus rapidement.
    Devant votre proposition, je veux m'assurer d'une chose: vise-t-elle à ajouter une étape supplémentaire au processus, lequel serait ralenti, ou prétendez-vous pouvoir ainsi accélérer les choses?
    Bien sûr, nous proposons qu'un autre organe soit créé, ce qui suscite des inquiétudes car cela laisse supposer que les choses seraient ralenties.
    Nous avons entendu des représentants de nos premières nations qui demandaient une participation à chaque étape, ce qui suppose un autre processus, plus d'étapes dans le processus. Il m'intéresse vivement de trouver la façon d'être plus efficace ou de parvenir...
    Dans mon mémoire et dans mes remarques, nous disons que ce n'est pas tellement l'efficacité qui doit primer, mais de faire les choses correctement, et que si le processus est ralenti très souvent, ce n'est probablement pas en raison de la multiplication des tâches, mais parce que les gens temporisent pour d'autres raisons.
    Je comprends très bien que l'objectif est de faire les choses correctement. C'est ce que préconise la communauté scientifique. Les parties prenantes n'en parlent pas expressément, mais elles s'inquiètent de la lenteur du processus.
    Plus on attend, plus la survie des espèces est menacée, si bien que c'est là qu'intervient l'efficacité et qu'on se demande quelles améliorations apporter pour accélérer les choses.
    Je pense que mon temps est écoulé.
    Le président: En effet.
    M. Jeff Watson: Merci. Je ne sais pas si mon intervention était une utilisation efficace de notre temps.
    Merci, monsieur Watson.
    Bien joué, monsieur Calkins.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais une précision. Je pense qu'autour de cette table, il y a une certaine confusion concernant la définition de « la valeur agricole d'une terre » et celle de « la valeur immobilière commerciale d'une terre ». Je veux que ce soit clair et je veux que le compte rendu en fasse état.
    Parlez-vous ici de terre ayant une valeur agricole ou de terre ayant une valeur immobilière commerciale? Je dirais que selon la valeur que l'on choisit, les chiffres sont extrêmement différents.

  (1715)  

    Si je ne m'abuse, les calculs sont faits en fonction de la valeur agricole.
    Très bien.
    Je suis d'accord avec vous, monsieur Pearson, lorsque vous dites que les agriculteurs, pour la plupart, veulent faire leur part; ils sont de bons intendants des terres. Il ne s'agit pas d'une question liée aux espèces ou aux animaux sauvages. Je pense qu'il y a un manque de confiance authentique chez la plupart des gens qui habitent les régions rurales au Canada parce que quelqu'un du gouvernement vient frapper à leur porte.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Blaine Calkins: Cela dit, je veux poser quelques questions. J'aime certaines parties de la loi, mais d'autres parties me frustrent, et je suis certain qu'il en va de même pour vous.
     Je vais vous parler un peu de moi. J'ai un diplôme en zoologie. J'ai travaillé pendant quelques années en tant que technicien pour différentes organisations. Je ne me prétends pas biologiste professionnel, loin de là, mais en ce qui me concerne, la définition d'une « espèce » est un peu différente de celle à laquelle je suis habitué en biologie et en ce qui concerne l'application juridique de la loi. Voilà le genre de préoccupations qui m'agitent.
    En 1991, la division des parcs et des loisirs de la ville d'Edmonton m'a chargé de dresser un inventaire biophysique du ravin Whitemud-Blackmud. Dans le cadre de ce travail, j'ai embauché M. George Scotter, un botaniste, qui était chargé d'identifier les plantes. Je suis zoologiste; je ne suis pas très bon pour identifier les plantes. Il a répertorié 88 espèces de plantes dans la vallée riveraine de la ville d'Edmonton, à l'extérieur de la zone géographique connue où ces espèces de plantes poussent.
    L'article 4 de la Loi sur les espèces en péril précise ceci: « La présente loi s'applique aussi aux organismes vivants sédentaires se trouvant sur ou sous la partie du plateau continental du Canada située à l'extérieur de la zone économique exclusive ». Puis, on y donne la définition d'une « espèce aquatique », c'est-à-dire « une espèce sauvage de poisson, au sens de l'article 2 de la Loi sur les pêches », qui est seulement visée par la zone économique exclusive et les lois qui gouvernent les frontières des eaux canadiennes.
    Donc, nous protégeons les espèces aquatiques dans une zone, nous protégeons les espèces sédentaires dans une zone plus vaste. Le peu d'expérience que j'ai acquise m'a montré que nous avons répertorié des espèces dans la ville d'Edmonton qui étaient hors de leur zone géographique. Je vous dirai que nous ne savons même pas quelles espèces nous avons au Canada.
    Je vous pose donc une question générale. Au sein de la communauté scientifique, est-ce qu'on définit souvent une nouvelle espèce? Est-ce qu'on découvre souvent de nouvelles espèces? Est-ce qu'on trouve souvent une espèce qui sort de sa zone géographique et se retrouve au Canada? Ces phénomènes sont-ils fréquents? Je pense qu'il s'agit de points capitaux lorsqu'on prend des décisions liées à une loi qui précise...
    Que l'on parle de disparition d'un endroit donné, de zone géographique ou de la définition des espèces qui existent au Canada, à quelle fréquence découvrons-nous de nouvelles espèces? Que savons-nous de l'inventaire biophysique actuel des espèces au Canada?
    On découvre de nouvelles espèces au Canada. À qu'elle fréquence? Je l'ignore. Cela varie en fonction du groupe taxonomique. Je ne pense pas que nous allons découvrir beaucoup de nouveaux mammifères, mais nous découvrons de nouvelles mousses, de nouvelles plantes et surtout, de nouveaux insectes. Donc, cela varie en fonction du groupe, de la région, et de l'ampleur des connaissances taxonomiques au sujet de certains groupes d'organismes.
    Nous utilisions la taxonomie ou la phylogénie pour classer les espèces. Maintenant, nous sommes à l'ère de l'ADN, et je pense que cela ajoute une toute nouvelle dimension à la définition d'une « espèce ». La définition d'« espèce », qui était utilisée lorsque j'étais jeune ou lorsque j'allais à l'école, était simplement deux organismes qui avaient une progéniture fertile.
    Est-ce toujours la définition scientifique d'une « espèce » qui est en vigueur? Ce n'est pas la définition que l'on trouve dans la loi.
    Non. C'est exact.
    Il y a une trentaine de définitions d'une espèce utilisées à l'heure actuelle en fonction de différentes priorités, mais le concept d'une espèce biologique auquel vous faites allusion, soit la capacité de se reproduire, reste toujours assez important au sein de la communauté scientifique.
    Mais la loi fait allusion aux « espèces sauvages » et comprend une définition très précise de ce qu'est une « espèce », telle que définit dans la loi. Cette définition peut comprendre ce que nous appellerions une « espèce biologique », mais elle peut aussi faire allusion à des ensembles précis de populations ou d'entités différenciées au sein d'une espèce, d'une sous-espèce ou d'un groupe de populations dans une région particulière.
    Ces décisions sont prises... Eh bien, je ne veux pas dire qu'elles sont prises au COSEPAC, mais elles font l'objet d'intenses discussions lorsqu'on évalue les espèces. On rend des jugements à partir des meilleures données scientifiques à sa disposition.

  (1720)  

    Votre temps est écoulé, Blaine.
    Monsieur Mooers, vous pouvez répondre.
    Je voulais seulement dire que, en vertu de la Convention sur la diversité biologique que nous avons signée en 1992, nous sommes tenus de protéger les espèces et les populations in situ. C'est le libellé que l'on trouve dans la convention. C'est seulement faire appel à une autorité supérieure, mais c'est dans la convention.
    Merci. Cela met fin à notre deuxième série de questions.
    J'ai quelques questions, et je veux lever la séance pour que nous puissions avoir le temps de parler de ce que nous allons faire la semaine prochaine.
    Monsieur Mooers, dans le dernier diagramme de votre mémoire, vous parlez de séparer l'action gouvernementale et les scientifiques indépendants. Est-ce que vous proposez que les analyses socioéconomiques soient faites par des scientifiques?
    L'analyse socioéconomique est faite par des spécialistes des sciences sociales, oui.
    Elle est faite par des spécialistes des sciences sociales, mais vous ne proposez pas qu'elles soient faites par des scientifiques en biologie.
    Dieu nous en garde, non.
    Je voulais seulement m'en assurer.
    Monsieur Pearson, je suis moi-même propriétaire et je pratique l'agriculture, alors j'ai bien aimé vos remarques. J'ai toujours cru que nous avions une longueur d'avance lorsque nous utilisions le renforcement positif plutôt que la punition pour obtenir la participation des propriétaires au mouvement de conservation.
    Comme vous l'avez dit, les agriculteurs ont toujours été de fiers intendants de nos terres. Ils tirent une fierté de veiller à protéger les espèces qui se trouvent chaque jour sur leurs exploitations.
    Le programme que l'on trouve aux États-Unis, le CREP, n'est pas le modèle que nous voulons mettre en oeuvre ici au Canada parce que nous avons davantage besoin de cogérer nos terres, alors qu'aux États-Unis, ils ont essentiellement adopté une approche de laisser-faire, et ce, même en ce qui concerne les biologistes.
    Selon les dires des scientifiques du Minnesota et du Dakota du Nord, où l'on trouve beaucoup de terres auxquelles le CREP s'applique, ces terres deviennent essentiellement des déserts biologiques. Elles sont à risque parce qu'elles ne sont pas du tout utilisées. On les laisse retrouver leur état sauvage sans utiliser du tout les espèces de gazon.
    Dans les zones riveraines, cela peut devenir un problème. Parce qu'il n'y a pas de concurrence entre ces espèces de gazon, des espèces indésirables apparaissent, qui peuvent essentiellement accroître l'érosion des sols et la production de déchets — des nutriments qui sont récoltés et retirés du site. Ils pénètrent dans les voies navigables et ajoutent des nutriments, ce qui accroît la complexité de la récupération des espèces.
    À mon avis, et comme vous l'avez dit, il faut qu'il y ait un équilibre et on doit déceler les besoins en matière d'indemnisation. Je connais un certain nombre d'organisations agricoles qui parlent depuis assez longtemps de ce que nous devons faire à ce sujet. Alors toute proposition qui fonctionnerait au Canada comparativement aux États-Unis vaudrait la peine d'être mise en oeuvre.
    Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai vu aux États-Unis, puisqu'ils ont établi des partenariats avec le Whatcom Conservation District et avec des ONG sans but lucratif. En fait, on reboise rapidement les terres qu'on cesse d'exploiter. Dans certains cas, cela fait plus de dix ans, et c'est loin d'être des déserts biologiques; les espèces indigènes prospèrent dans ces zones, qui réussissent à protéger les habitats environnants.
    Je suis d'accord avec vous sur un point: il devrait s'agir d'une approche globale qui ferait participer d'autres intervenants et d'autres groupes qui offrent une perspective différente, comme des ONG, des associations de producteurs, ou autres. Je ne suis pas convaincu qu'on doive suivre ce modèle à la lettre, mais je crois qu'on peut en tirer des leçons.
    Je tiens à remercier tous les témoins aujourd'hui de leur contribution tant scientifique que pratique, ainsi que de leur proposition de modifications à apporter à la Loi sur les espèces en péril. Nous en tiendrons compte, évidemment, dans nos délibérations ainsi qu'au moment de produire notre rapport, au cours des prochaines semaines.
    Cela étant dit, j'aimerais entendre une motion visant la suspension des travaux, puis je demanderai à tous les témoins et à quiconque n'est pas associé à un député de bien vouloir sortir le plus rapidement possible, afin qu'on puisse tenir une brève discussion à huis clos.
    La séance est suspendue.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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