:
Merci, monsieur le président. Je vais essayer d'être brève et je sais que vous m'obligerez à l'être.
Je suis ravie d'être ici. C'est un grand privilège d'avoir déposé ce projet de loi. Il y a beaucoup de Canadiens et d'organisations qui ont travaillé pendant des dizaines d'années, comme je l'ai fait, pour pouvoir en arriver à ce projet de loi.
J'ai hâte d'entendre tous les témoins que les différents partis ont proposés. Je pense que nous allons avoir une excellente discussion sur ce projet de loi et j'ai hâte de commencer. Nous allons entendre, après moi, deux témoins qui sont particulièrement experts dans ce domaine, et je suis ravie qu'ils aient pu venir témoigner.
Brièvement, le projet de loi a pour but de mettre en oeuvre le droit à un environnement propre et sain, à un environnement écologiquement équilibré pour tous les Canadiens et il impose au gouvernement l'obligation de défendre ces droits. Il est intéressant de signaler qu'il devrait être très facile d'obtenir le consentement unanime des partis à l'adoption de ce projet de loi parce que les quatre partis qui ont été élus à notre Chambre fédérale ont tous déclaré qu'ils appuyaient ces principes.
Je pourrais vous donner un exemple. L'énoncé de politique de 2008 du Parti conservateur du Canada parle de « la conviction que la qualité de l'environnement fait partie intégrante de notre patrimoine et doit être protégée par chaque génération pour la prochaine. » C'est bien sûr un des principes à la base de ce projet de loi.
Ce projet de loi cherche essentiellement à faire adopter une mesure législative qui permettra de mettre en oeuvre des mesures de responsabilisation que les quatre partis qui siègent à la Chambre ont adoptées et ont déclaré appuyer. L'objet de ce projet de loi est de leur fournir le mécanisme qui nous permettra de mettre en oeuvre ces principes.
Ce principe joue un rôle particulièrement déterminant dans le domaine de la protection de l'environnement. Nous avons signé toute une série de traités et d'ententes internationales en vertu desquels nous nous sommes engagés à assurer la participation de la population et la transparence dans la prise de décisions dans le domaine de l'environnement. Ce projet de loi offre un cadre juridique qui permettra de mettre en oeuvre ces engagements et ces obligations.
Le projet de loi repose sur un certain nombre de principes internationaux que le gouvernement du Canada a adoptés. L'un de ces principes est le principe de prudence ou de précaution. Le principe de la justice environnementale, qui comprend à la fois des droits matériels et des droits procéduraux, en est un autre. Ce projet de loi reconnaît également le principe du pollueur payeur. Enfin, l'idée de base du projet de loi est qu'il incombe au gouvernement de préserver et de protéger l'environnement dans l'intérêt collectif des générations actuelles et futures de Canadiens.
Comme cela a été mentionné à plusieurs reprises — et je sais que les témoins d'aujourd'hui vont aborder cet aspect — plus de 130 nations, c'est le chiffre le plus récent que j'ai trouvé, ont reconnu le droit à un environnement sain, propre, écologiquement équilibré, que ce soit dans leur constitution ou dans leur droit interne. Par exemple, la plupart des nations avec lesquelles nous sommes en train de négocier des ententes commerciales — ou avec lesquelles cela est déjà fait — ont introduit ces droits dans leur législation. Ces pays sont: la Colombie, le Panama, Cuba, le Koweït, l'Indonésie, l'Afghanistan, le Mexique, l'Allemagne, la Russie, l'Ukraine, les Émirats arabes unis, la Suède, la Suisse et l'Afrique du Sud. Et je pourrais continuer longtemps. Il faut malheureusement constater que jusqu'ici le Canada est un des pays qui ne l'ont pas encore fait, même si cela est déjà fait au niveau provincial.
Un certain nombre de gouvernements provinciaux et territoriaux du Canada ont déjà adopté des mesures et pour un certain nombre, cela fait pas mal de temps; je pense que les Territoires du Nord-Ouest ont été parmi les premiers à agir en ce domaine puisqu'ils l'ont fait en 1988. Les Territoires ont édicté le droit à un environnement propre et sain et imposé au gouvernement l'obligation de défendre des droits qui comprenaient toute la gamme des droits qui figurent dans le projet de loi que j'ai déposé. L'Ontario a suivi avec une autre déclaration des droits environnementaux. Le gouvernement du Yukon a repris cet ensemble de droit dans sa loi sur l'environnement et le Québec a également garanti ces droits.
Les gouvernements fédéraux précédents ont protégé certains droits qui figurent dans le projet de loi . Par exemple, il y a le droit de demander une enquête dans le cas d'une infraction environnementale et dans certains cas, de déclencher des poursuites judiciaires, mais cela concerne presque exclusivement la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Malgré les mesures prises par le gouvernement fédéral actuel pour uniformiser les différentes lois environnementales — par exemple, avec son projet de loi sur l'exécution des lois déposé l'année dernière — il n'a pas introduit une uniformité dans ce domaine et n'a pas ajouté le même genre de droits et de possibilités dans la LCPE.
Il n'existe pas au palier fédéral une loi générale qui incorpore les principes que les quatre partis ont adoptés, même s'ils font l'objet d'un large appui auprès de tous les Canadiens.
Quels sont les principaux objets du projet de loi? Comme je l'ai mentionné, la déclaration des droits environnementaux accorde à tous les résidents du Canada le droit à un environnement sain et écologiquement équilibré et surtout, elle impose au gouvernement du Canada l'obligation de protéger ses droits, dans ses domaines de compétence. Le projet de loi modifiera également l'article 1 de la Déclaration canadienne des droits pour y introduire le droit à un environnement sain et écologiquement équilibré.
Quels sont les nouveaux droits et obligations que crée ce projet de loi?
Premièrement, il y a la protection de la fiducie publique. Selon le droit actuel, certains ministres fédéraux sont tenus de prendre un certain nombre de mesures précises pour protéger l'environnement. Par exemple, aux termes de la LCPE, le ministre fédéral de la Santé a le devoir impératif d'examiner les données concernant les répercussions sur la santé que pourraient avoir les toxines dont elle a connaissance.
D'une façon générale, les autres lois fédérales n'imposent pas ce genre de droits et d'obligations. Par souci d'uniformité, parce que nous parlons beaucoup à la Chambre de la nécessité d'uniformiser les mesures et de respecter les compétences provinciales, il serait logique d'uniformiser tout cela et d'imposer ces mêmes obligations dans notre droit fédéral: le droit de protéger la fiducie publique et l'obligation du gouvernement de protéger cette fiducie.
Deuxièmement, le projet de loi garantira l'accès à l'information environnementale. Il y a bien sûr, la Loi sur l'accès à l'information, mais cette loi soulève un certain nombre de problèmes. Le projet de loi C-469 obligera le gouvernement à accorder un véritable accès à l'information, un accès raisonnable, rapide et peu coûteux.
Ces trois aspects sont très importants. Cela fait des dizaines d'années que ces trois aspects posent des problèmes aux Canadiens lorsqu'ils veulent avoir accès aux documents fédéraux. Nous avons mentionné, comme cela figure dans le mémoire que j'ai présenté au comité, que l'année dernière, le Commissaire à l'information a donné la note F à Environnement Canada et à Ressources naturelles Canada pour ce qui est de communiquer au public l'information environnementale. Nous avons donc manifestement besoin d'une mesure réglementaire qui oblige le gouvernement fédéral à répondre rapidement à ce type de demande.
Troisièmement, le projet de loi accordera le droit de participer à la prise de décisions en matière d'environnement. Cela comprend le droit de participer à la prise de décisions par le gouvernement du Canada et aussi celui de comparaître devant les tribunaux. Il supprimera cet obstacle supplémentaire et le coût que doivent assumer les citoyens concernés qui doivent se rendre devant un tribunal et démontrer qu'ils ont intérêt à agir avant de pouvoir présenter le fond de leur demande aux tribunaux. Cela leur donnerait la possibilité à la fois de participer à la prise de décisions environnementales et de soulever des questions graves devant les tribunaux, même s'ils n'ont pas d'intérêt juridique privé ou particulier dans l'affaire. Autrement dit, l'idée est de donner à la population la possibilité d'intervenir et de représenter l'intérêt public.
En adaptant ce droit et cette obligation, le Canada introduirait dans son droit interne les engagements et les obligations qu'il a pris aux termes de nombreuses ententes et lois internationales. Par exemple, le Canada s'est engagé à accorder aux citoyens des droits de participation étendus et l'accès à l'information aux termes des conventions de Rio, d'Action 21, de l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l'environnement et du Dialogue Canada-États-Unis sur l'énergie propre. Dans le prolongement de ce droit de participer, le projet de loi donne à tout résident canadien le droit de demander au Commissaire à l'environnement et au développement durable de réviser une loi, une politique, un règlement ou un texte législatif.
Quatrièmement, le projet de loi accorde le droit de demander une enquête au sujet d'une infraction environnementale. Encore une fois, comme je l'ai mentionné, ce droit et cette possibilité existent déjà avec la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, comme elle existe aux termes de la plupart des lois provinciales. Ce projet de loi accordera ce droit pour toutes les lois environnementales, qu'elles traitent de toxines, de pêche, de faune, d'oiseaux migrateurs, de changement climatique ou d'évaluation environnementale.
Cinquièmement, cette loi donne aux citoyens un accès général aux recours judiciaires. Il existe trois catégories de recours environnementaux. L'un est une action en matière de protection environnementale. Un autre est la révision judiciaire d'une loi fédérale. Le troisième est une action civile. Je ne vais pas entrer dans les détails. Je pourrais peut-être répondre à des questions à ce sujet au cours de la période qui sera consacrée aux questions.
Sixièmement, cette loi protégera les dénonciateurs. Cela veut dire essentiellement que les employés fédéraux qui sont scientifiques ou techniciens, ou qui possèdent des renseignements scientifiques ou environnementaux et qui décident de participer à la prise d'une décision, de déclencher une enquête, de fournir des renseignements, de témoigner, ou de refuser d'agir de bonne foi, seraient protégés par cette loi.
Enfin, il y a l'examen des projets de loi et des règlements. De façon comparable aux lois adoptées par les provinces et les territoires, le projet de loi chargera le vérificateur général, par le truchement du Commissaire à l'environnement et au développement durable, de vérifier si tous les projets de loi et de règlement sont conformes aux objets et à l'intention de la Déclaration des droits environnementaux.
Pour terminer, j'aimerais exprimer toute ma reconnaissance aux personnes qui m'ont aidée à rédiger ce projet de loi. J'ai eu l'aide de citoyens ordinaires. J'ai eu celle de collectivités dans toutes les régions du Canada. Elle est aussi venue des experts juridiques. Je leur dois beaucoup, parce qu'ils ont fait beaucoup de travail dans ce domaine et nous allons d'ailleurs en entendre quelques-uns tout à l'heure en qualité de témoins.
Je suis convaincue que les Canadiens méritent d'avoir le droit à un environnement sain et écologiquement équilibré ainsi que la possibilité de chercher à atteindre ces buts louables; je pense que le gouvernement devrait être obligé de garantir ces droits et ces possibilités. Je suis prête à répondre à vos questions.
Tout d'abord, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
Le Canada a-t-il vraiment besoin d'une déclaration des droits environnementaux? Il me semble qu'il y a quatre raisons déterminantes qui le justifient.
La première est la faiblesse du dossier environnemental du Canada.
Ce dossier ressort des études du Conference Board du Canada qui montre que le Canada arrive au 15e rang des 17 pays riches industrialisés pour ce qui est de 15 indicateurs environnementaux. Une étude préparée par mes collègues de l'Université Simon Fraser montre que nous arrivons au 24e rang des 25 nations riches de l'OCDE par rapport à une série de 28 indicateurs environnementaux. D'après une étude des Universités Yale et Columbia, 45 pays sont mieux placés que le Canada. Il y a bien sûr les études de l'Organisation mondiale de la santé et de l'Association médicale canadienne qui montrent que des milliers de Canadiens meurent prématurément chaque année parce qu'ils sont exposés à la pollution de l'air et à d'autres dangers environnementaux.
Comme le l'a dit si succinctement dans son entrevue de fin d'année en 2006:
Quelle que soit la mesure choisie, la performance du Canada sur le plan de l'environnement est une des pires du monde développé. Nous avons de graves problèmes.
Le fait que nous connaissons de graves problèmes environnementaux veut dire que nous devons envisager de prendre des mesures dynamiques comme l'introduction d'une déclaration des droits environnementaux.
Une déclaration des droits environnementaux est une idée qui offre de nombreux avantages, à savoir: elle stimule l'adoption et l'édiction de lois et de politiques environnementales plus dynamiques; elle améliore l'application des lois et des politiques environnementales, elle renforce la participation des citoyens aux décisions environnementales qui ont un impact sur leur vie quotidienne. Ce sont en fait les avantages liés à la reconnaissance du droit à un environnement sain qui ont entraîné l'adoption et la reconnaissance de ce droit dans le monde entier.
a parlé de 130 pays où ce droit est juridiquement reconnu. D'après ma recherche, à laquelle j'ai travaillé ces cinq dernières années, ce chiffre est en fait de 170 sur les 192 pays des Nations Unies, ce sont les nations qui ont juridiquement reconnu le droit à un environnement sain, soit dans leur constitution, soit dans leur législation environnementale, soit en signant des ententes internationales juridiquement contraignantes. Cela représente 89 p. 100 des pays, ce qui ne laisse que 22 retardataires dont fait partie le Canada.
Compte tenu de cette adoption généralisée, j'ai fait de la recherche qui portait sur les 100 pays où il existe le droit constitutionnel de vivre dans un environnement sain. J'aimerais vous communiquer certains résultats de cette recherche parce qu'ils montrent, à mon avis, que tous les avantages potentiels que je vous ai mentionnés il y a un instant sont en train de se concrétiser.
Près de 80 p. 100 des pays que j'ai étudiés ont renforcé leurs lois environnementales depuis qu'ils ont reconnu le droit à un environnement sain. Il y a eu une augmentation significative de l'application des lois dans la majorité de ces pays. Surtout, leur air est plus propre, l'accès à l'eau potable a été amélioré, et la performance environnementale s'est, d'une façon générale, également améliorée. Je peux vous fournir quelques chiffres pour appuyer ces références anecdotiques.
J'ai examiné l'empreinte écologique de 150 pays — 116 ayant des responsabilités et des droits environnementaux reconnus par la Constitution et 34 qui n'en ont pas — et je peux dire que, globalement, l'empreinte écologique des nations qui reconnaissent les responsabilités et les droits environnementaux dans leur Constitution, est sensiblement plus légère. J'ai également examiné les indices de performance, comme ceux qu'a élaboré le Conference Board du Canada et ceux qui permettent de comparer les pays de l'OCDE; dans tous les cas, il existe une différence statistiquement significative, en faveur des pays qui ont inséré des dispositions environnementales dans leur Constitution.
Troisièmement, sur le plan de la performance, nous avons constaté que depuis 1980 — et il s'agit là uniquement des pays industrialisés les plus riches, les 17 pays qu'étudie le Conference Board du Canada — les pays qui ont introduit des responsabilités et des droits environnementaux dans leur Constitution ont réduit leurs émissions d'oxyde d'azote 10 fois plus rapidement que les pays qui ne l'ont pas fait. Ces pays ont réduit leurs émissions de dioxyde de soufre de 85 p. 100 en moyenne contre 52 p. 100 pour les pays qui ne l'ont pas fait. Ils ont réduit leurs émissions de gaz à effet de serre huit fois plus rapidement que les autres pays.
Il existe donc un ensemble de faits empiriques qui démontrent clairement que la reconnaissance juridique des responsabilités et des droits environnementaux apporte exactement le genre de bénéfice que l'on recherche en adoptant ce genre de dispositions juridiques.
Le troisième aspect que j'examine de façon détaillée dans mon mémoire est l'histoire du droit à un environnement sain au Canada, droit qui remonte à près de 40 ans. La reconnaissance juridique du droit à un environnement sain a déjà été proposée par les gouvernements libéraux et conservateurs précédents du Canada, mais aujourd'hui, il n'existe encore aucune loi, règlement, politique ou programme fédéral qui reconnaît expressément que les Canadiens bénéficient de ce droit humain fondamental.
Comme y a fait allusion, il y a quatre provinces et territoires qui ont reconnu, par voie législative, le droit à un environnement sain. Il y a lieu d'apporter une légère correction puisque le Québec a en fait été la première province le faire puisqu'il a reconnu le droit à un environnement sain, en 1978, avec sa Loi sur la qualité de l'environnement.
Le Canada tire de l'arrière par rapport à la majorité des autres pays parce qu'il n'a pas reconnu le droit à un environnement sain. C'est la raison pour laquelle le projet de loi est aussi important pour nous, si nous voulons vraiment améliorer notre performance environnementale.
a passé en revue les principales dispositions du projet de loi et je ne vais pas y revenir si ce n'est pour dire que les effets généraux que risquent d'apporter l'adoption et la mise en oeuvre du projet de loi seront l'amélioration de la santé des Canadiens, l'amélioration de la santé de l'environnement canadien et l'amélioration de la santé de la démocratie canadienne.
Vous avez mon mémoire. J'ai formulé quelques recommandations précises dans le but d'apporter quelques améliorations mineures au projet de loi, qui visent notamment à confier au Commissaire à l'environnement et au développement durable, et non pas au ministre, la responsabilité de répondre aux demandes de révision. Cela renforcerait tout simplement ce mécanisme. Une autre recommandation consiste à ajouter dans le projet de loi une disposition reconnaissant que les Canadiens n'ont pas seulement le droit de vivre dans un environnement sain, mais qu'ils ont également la responsabilité de protéger l'environnement. La troisième serait d'ajouter quelques règles qui auraient pour effet concret d'accélérer les procédures juridiques — par exemple, en prévoyant des délais impératifs, pour que les affaires ne traînent pas pendant des années. Un autre changement serait d'ajouter des réparations judiciaires précises à l'article qui traite des actions civiles.
J'ai également présenté certaines recommandations qui dépassent légèrement le cadre des paramètres des différents articles du projet de loi , comme mettre en vigueur la Loi sur le contrôle d'application de lois environnementales, qui a été adoptée en 2009, de façon à renforcer les sanctions environnementales. Ce serait une bonne mesure. Il me paraît important de comprendre que le projet de loi s'harmonise en fait parfaitement avec la Loi sur le contrôle d'application de lois environnementales du gouvernement en autorisant les citoyens canadiens à participer à une application plus stricte de nos lois environnementales.
En outre, si le Canada veut améliorer sa réputation internationale en matière de droits de la personne et d'environnement, alors nous devrions ratifier la Convention Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement. Le Canada aurait dû également ratifier depuis longtemps l'American Convention on Human Rights et le Protocole connexe de San Salvador, qui reconnaît le droit à un environnement sain.
La dernière chose que j'aimerais mentionner est que ma recherche, comme je l'ai dit, porte sur les constitutions ainsi que sur les responsabilités et les droits environnementaux constitutionnels. Il est possible de faire une comparaison avec les lois sur les droits de la personne qui remontent au Canada à plusieurs dizaines d'années et qui n'ont pas vraiment amélioré la protection des droits de la personne au Canada. Je mentionnerai également qu'en fin de compte, nous allons devoir adopter des amendements constitutionnels si nous voulons avoir un droit constitutionnel à un environnement sain et des obligations constitutionnelles qui protègent l'environnement. C'est vraiment la meilleure chose à faire et, comme ma recherche le montre, cela aura des résultats positifs sur le plan de la santé, de l'environnement et de la démocratie.
Je vous remercie. J'ai hâte de répondre à vos questions.
:
Merci. Je vais m'exprimer en anglais aujourd'hui, étant donné que je ne parle pas très bien le français, comme je l'ai démontré déjà. Toutefois, si vous parlez lentement, je vais essayer de répondre aux questions en français.
[Traduction]
Merci.
Je crois que cela fait au moins un an que je n'ai pas comparu devant le comité. Je suis donc heureux de revenir ici pour parler de ce projet de loi. C'est un jour important pour le Canada, un jour que nous avons attendu trop longtemps, à mon avis.
Vous avez ma biographie. Je vais dire brièvement que cela fait 20 ans que j'enseigne et que je pratique le droit de l'environnement au Canada, et que je l'ai fait pendant deux ans aux États-Unis pendant cette période. J'ai eu le privilège de travailler sur toutes les déclarations des droits environnementaux au Canada et sur plusieurs déclarations états-uniennes, de sorte que j'ai une certaine expérience de la chose, mais j'ai certainement aussi beaucoup à apprendre.
Je vais commencer par vous parler des raisons qui justifient cette loi, et ensuite, des effets qu'elle aura, d'après moi.
Pourquoi une telle loi? Comme l'a dit, M. Boyd, le point de départ est que le Canada bénéficie d'un environnement naturel riche et varié, peut-être encore plus riche et plus varié que celui de n'importe quel autre pays au monde. Cet aspect est non seulement important sur le plan écologique, mais c'est une grande source de fierté pour les Canadiens et une grande partie de notre identité. Par exemple, un sondage effectué il y a quelques années a indiqué qu'après la Charte des droits et libertés, notre rapport avec la nature était le principal symbole identitaire du Canada — avant même le hockey et la poutine, ce qui est quand même assez choquant.
C'est non seulement un aspect important de notre identité, mais c'est la base fondamentale de notre santé et de notre qualité de vie. Comme l'a dit Bobby Kennedy jr, l'économie est une filiale à part entière de l'environnement et il me paraît difficile d'imaginer un droit plus important et plus fondamental que nous pourrions protéger.
Comme l'a dit David Boyd, le Canada n'a pas toujours très bien géré son environnement. Je ne vais pas reprendre ses statistiques, si ce n'est pour dire que vous pouvez examiner de nombreuses autres sources et constater que cela fait des années que le Canada se place régulièrement parmi les derniers pays de l'OCDE, pour ce qui est de la performance environnementale. Cela devrait nous inquiéter sur le plan de l'environnement, mais c'est également inquiétant sur le plan de l'économie.
Si vous regardez l'indice de performance environnemental auquel M. Boyd a fait allusion, qui est publié par le Forum économique mondial de Davos chaque année, nous nous situons au 46e rang. Vous verrez qu'il existe un lien très étroit entre la performance environnementale et la performance économique des différents pays. Parmi les 15 premiers pays dans le domaine de la performance environnementale, neuf d'entre eux se placent également parmi les 15 premiers pays sur le plan de la compétitivité. Il n'y a donc pas que notre environnement; il y va en fin de compte également de notre richesse économique à long terme.
Sur un plan plus général, si nous laissons de côté tous les détails, demandons-nous ce que ce projet de loi apportera au Canada? Il apportera à mon avis principalement trois choses.
L'une d'entre elles consistera à déclarer qu'un environnement sain est une valeur essentielle, une valeur fondamentale pour les Canadiens. Deuxièmement, il donnera aux Canadiens les moyens de participer davantage à la prise des décisions qui touchent l'environnement. Troisièmement, et peut-être principalement, cela va renforcer l'obligation pour le gouvernement de rendre des comptes, ce qui sera combiné à une protection de l'environnement renforcée. Tous ces aspects sont importants.
M. Boyd vous a parlé du fait que 89 p. 100 des pays au monde ont déjà reconnu ce droit environnemental. La toute première déclaration des droits environnementaux que je connaisse a été adoptée par l'État du Michigan en 1970. La première déclaration des droits environnementaux du Canada a été adoptée par les Territoires du Nord-Ouest en 1988-1989. L'Ontario, le Québec et le Yukon ont maintenant fait la même chose. Comme il l'a dit, bien avant la Charte des droits actuelle, le Québec avait adopté une disposition reconnaissant un droit environnemental. Bien entendu, ces lois provinciales ont des formes et des portées très diverses. Nous pourrons en parler au moment des questions, si vous souhaitez aborder des points précis.
Au palier fédéral, la question d'une déclaration des droits environnementaux fait l'objet de discussions et de promesses de la part de divers gouvernements conservateurs et libéraux depuis 1991. J'ai compté au moins cinq engagements différents qui ont été pris depuis cette date par les deux partis, mais qui n'ont pas débouché pour diverses raisons et c'est pourquoi je suis très heureux que ce jour soit arrivé.
Quel serait l'effet de ce projet de loi? Vous avez le projet de loi devant les yeux, mais bien évidemment c'est une mesure législative toute nouvelle et très importante. Ce projet de loi accomplira essentiellement six choses.
Bien évidemment, la première conséquence sera d'établir un droit à un environnement sain. Avec ce droit, le gouvernement devra assumer une obligation de fiducie publique en qualité de fiduciaire de l'environnement pour la génération actuelle et également, pour les générations futures. Ce sont là des dispositions assez standards que l'on retrouve dans les déclarations de droits environnementaux du monde entier.
Deuxièmement, le projet de loi crée le droit de participer à la prise des décisions environnementales, en particulier aux décisions réglementaires et législatives du gouvernement. Encore une fois, ce droit existe en vertu de certaines lois — la LCPE et la LEP par exemple — mais il n'existe pas dans tous les cas en matière d'aménagement du territoire et de ressources en général. Ce serait une extension importante.
Pour ce qui est de l'accès à l'information qui deviendrait un droit fondamental, encore une fois cela existe, plus ou moins, aux termes de l'AIPRP.
Pour ce qui est du droit de demander la révision des politiques, lois et règlements fédéraux, il existe, à l'heure actuelle, un pouvoir semblable dans la Loi sur le Commissaire à l'environnement et au développement durable et je vous dirai dans une minute quel en a été l'effet. Mais là encore, ce droit existe également dans la Déclaration des droits environnementaux de l'Ontario.
Pour ce qui est du droit à demander une enquête, lorsque les citoyens ont des renseignements qui indiquent qu'il y a eu violation d'une loi environnementale, ils peuvent jouer un peu le rôle de policier — mais d'un policier écologique — en fournissant cette information aux autorités. Il y aura des yeux et des oreilles partout qui essayeront de surveiller les violations des lois environnementales.
Pour ce qui est de l'accès à la justice, il ne sert à rien d'avoir un droit si on ne peut rien en faire: il faut disposer d'un recours. Cela créera le droit à intenter une action judiciaire soit contre le gouvernement lorsqu'il y a eu violation d'un droit environnemental, soit contre une partie privée s'il y a eu infraction à une loi environnementale et que le gouvernement ne l'applique pas. En l'absence d'un tel recours, ce droit est, bien sûr, inefficace.
Je devrais signaler, en passant, que ce droit n'est pas identique à celui qui permet au gouvernement d'intenter des poursuites. Il ne pourrait pas déboucher sur des peines d'emprisonnement ou sur de lourdes amendes. Les principales réparations sont la restauration et le nettoyage, opérations qui ont simplement pour effet de rétablir la situation antérieure; les peines ne peuvent être imposées que dans le domaine du droit pénal.
Bien entendu, il existe ce genre de dispositions dans pratiquement tous les droits environnementaux, que ce soit au palier national ou provincial.
Enfin, mais non des moindres, il y a la protection des dénonciateurs. Les employés qui signalent aux autorités les infractions environnementales ou qui participent à un processus environnemental, ne peuvent faire l'objet de représailles de la part de leur employeur.
Si nous voulons imaginer l'avenir, quel pourrait bien être l'effet d'une telle loi? Nous pouvons regarder ce qui s'est passé ailleurs et apprendre un peu de ces expériences. Permettez-moi de faire quelques remarques fondées sur ma propre expérience.
La Charte ontarienne des droits environnementaux est peut-être la loi la plus proche de celle que nous avons devant nous, même si elle n'est pas identique. A-t-elle été efficace? Premièrement, il y a eu une augmentation très importante de la participation du public. Les commentaires au sujet des règlements et de l'adoption des règles, des avis et donc la participation du public ont beaucoup augmenté. Trente mille personnes environ consultent les règlements et les documents affichés sur le site de la Charte ontarienne des droits environnementaux à leur sujet. La participation démocratique obtient donc de très bonnes notes.
Quant au pouvoir de demander une révision, nous avons constaté en Ontario que 20 à 25 fois par an, il y a un citoyen qui demande la révision ou l'amélioration d'une loi environnementale. Le pouvoir parallèle qui existe au palier fédéral, le Commissaire à l'environnement, en examine entre 30 et 40 par an. En Ontario, près de 13 p. 100 de ces demandes débouchent sur une intervention: révision, mise à jour ou amélioration de la demande.
Je vais vous donner un exemple. La Loi sur la conservation de la moraine d'Oak Ridges adoptée par le gouvernement Harris en Ontario a commencé au départ par une demande de révision d'un citoyen qui voulait que soit protégée la moraine d'Oak Ridges, tout comme cela a été le cas pour la révision générale par le gouvernement McGuinty de la Loi ontarienne sur les parcs.
J'ai déposé une de ces demandes pour les résidents de Beckwith, qui se trouve près de Perth. Ils avaient une substance toxique qu'on appelle le TCE qui se retrouvait dissoute dans leur eau potable et qui provenait d'une vieille tannerie abandonnée. Si vous avez vu le film Une action civile, avec John Travolta, sachez que c'est à peu près la même chose qui s'est produit là-bas.
Le problème venait du fait que les normes canadiennes pour le TCE n'avaient pas été mises à jour depuis presque 20 ans. Par rapport aux normes des États-Unis, le niveau au Canada était trois à quatre fois plus élevé que le niveau acceptable et les résidents ont eu le droit d'obtenir de l'eau en bouteille pour ne pas avoir à se baigner dans ce liquide et/ou pour que leurs enfants ne s'y baignent pas. Mais nos normes étaient tellement dépassées qu'ils n'ont pas pu obtenir de réparation. Cette demande a entraîné la mise à jour de ces normes qui ont été relevées au niveau auquel les savants et les nations modernes affirment qu'elles doivent se situer et les résidents de Beckwith n'ont plus eu à boire et à se baigner dans une eau empoisonnée.
Ce genre de document a donc des effets très concrets.
Qu'en est-il des demandes d'enquête? En Ontario, 36 p. 100 des demandes d'enquête ont débouché sur des enquêtes suivies de la prise de mesures d'application de la loi. En tant qu'avocat, lorsque je pratiquais en Ontario, j'ai déposé un certain nombre de ces demandes pour le compte de différents clients. Dans presque tous les cas, je dirais que si le gouvernement n'a pas pris les mesures que souhaitaient mes clients, il a pris ce que nous pourrions appeler des mesures raisonnables — des mesures que l'on pourrait qualifier de mesures d'application de la loi raisonnables.
Cela a pris la forme d'actions d'application contre les aciéries d'Hamilton à cause d'une pollution toxique et contre les sociétés de produits chimiques de Sarnia, parce que leurs émissions compromettaient la santé des résidents locaux. Encore une fois, ces mesures ont été déclenchées par des citoyens et il est probable que rien ne se serait passé s'il n'y avait pas eu ce mécanisme. Il y a donc eu de véritables améliorations.
Pour ce qui est des actions civiles — un aspect qui va susciter beaucoup d'attention — le dossier indique qu'elles ont été utilisées très rarement. Le sommet a été atteint au Québec, qui a probablement adopté le droit environnemental le plus musclé au Canada dans sa Charte, en 1996, je crois. Il y a eu quatre actions en quatre ans.
Je termine.
Il n'y a eu en Ontario que deux actions en 16 ans, principalement parce que sa loi introduit un certain nombre d'obstacles aux poursuites — probablement des obstacles inutiles. Aux États-Unis, avec les dispositions équivalentes qui se trouvent dans toutes les lois environnementales fédérales américaines, pour la pollution atmosphérique et celle de l'eau en particulier, il y a environ 60 poursuites par an. En extrapolant avec un rapport de 1 à 10, et en tenant compte du fait que les citoyens américains saisissent deux fois plus souvent les tribunaux que nous, on peut dire en gros que ce projet de loi donnera lieu à peut-être trois actions civiles par an au Canada. Par contre, les citoyens participeront beaucoup plus grâce aux autres mécanismes. C'est là en fait un recours de dernier ressort.
Je ne vais pas présenter en détail certains changements précis que je recommanderais, mais permettez-moi de vous en donner au moins les grandes lignes et nous pourrons ensuite en discuter par la suite.
Comme l'a dit M. Boyd, il y a peut-être une erreur de rédaction dans le projet de loi actuel, dans la mesure où le pouvoir qui est accordé aux citoyens d'introduire des actions civiles d'exécution de la loi n'est pas assorti du pouvoir d'obtenir des réparations. Cela pourrait être facilement corrigé en incorporant l'article de la loi qui traite des recours dans l'article 23. J'ajouterais un article qui autorise le tribunal à accorder, à titre de réparation, une indemnité pour les dommages environnementaux. À l'heure actuelle, si un pollueur cause des dommages et aucun tribunal ne l'oblige à indemniser la population pour cette raison, c'est cette dernière qui va devoir assumer le coût de ces dommages, ce qui n'est bon ni sur le plan économique, ni sur celui de l'environnement.
J'établirais un plafond pour les pénalités autorisées par cette loi. Lorsque des citoyens intentent une action, ce n'est pas comme si la Couronne le faisait. Les lois américaines ont un plafond de 30 000 $ d'amende par infraction. Nous ne parlons pas ici de peines d'emprisonnement ou d'amendes de plusieurs millions de dollars. Et je dirais que des peines de ce genre seraient appropriées ici. Le principal objectif est la restauration.
Enfin, mais ce n'est pas l'aspect le moins important, loin de là, j'ajouterais même probablement quelques dispositions pour être sûr que les poursuites ne soient utilisées qu'en dernier recours. Une disposition particulièrement importante serait d'obliger de donner avis au procureur général trois jours avant d'intenter une action d'exécution de la loi ou une action invoquant la déclaration des droits environnementaux, pour que le gouvernement ait la possibilité de déclencher lui-même une action ou d'intervenir lui-même pour remédier à la violation sans avoir à intenter une action judiciaire. Il existe, aux États-Unis ce genre d'obligation de fournir un avis préalable et plus de la moitié de ces cas-là sont résolus, sans même en saisir les tribunaux.
J'espère que ces différentes modifications feront l'objet d'amendements favorables.
Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, j'aimerais remercier les témoins d'avoir pris le temps de venir nous parler. Je sais que vous êtes tous les deux très occupés à faire ce genre de travail, mais je sais que les Canadiens apprécient votre générosité.
On vous a bien sûr posé des questions difficiles au sujet de mon projet de loi et les membres de mon comité ont décidé de ne pas me les poser à moi, c'est pourquoi je vais essayer de vous aider à répondre à certaines d'entre elles.
Sur la question de savoir si les poursuites privées sont touchées par ce projet de loi, j'aimerais avoir votre réaction à ce que je vais dire. Il est vrai que le projet de loi autorise les poursuites privées, parce que tout citoyen peut demander une enquête et également l'accès à l'information en invoquant une loi environnementale. Il ne le fait donc pas directement, mais indirectement.
La déclaration du Yukon attribue expressément le droit d'intenter une poursuite privée. Le Code criminel le permet déjà. J'aurais préféré que cela figure dans la Loi sur le contrôle d'application de lois environnementales du gouvernement, et aussi uniforme dans les autres lois, si nous voulons vraiment être logiques. Je tiens à remercier M. Boyd, d'avoir signalé le fait que la Loi sur le contrôle d'application de lois environnementales n'est pas encore promulguée. Je vous remercie donc de l'avoir signalé.
Pour ce qui est de la protection des dénonciateurs, il faut commencer par se demander si elle est nécessaire. Les dispositions qui protègent les dénonciateurs sont prévues par la LCPE, mais le but de la déclaration des droits environnementaux est de s'appliquer à toutes les lois environnementales. Cette déclaration accorderait cette protection à tous les fonctionnaires visés par les différentes lois. Vous voudrez peut-être faire tout à l'heure des commentaires sur l'intérêt d'un tel mécanisme.
Je voulais vous remercier des recommandations de modifications que vous avez présentées et préciser celles qui m'ont été signalées. Il y a des erreurs de rédaction lorsqu'on rédige un projet de loi et vos recommandations sont très appréciées.
Je voudrais poser la question suivante à nos deux témoins. J'ai mentionné dans mon exposé qu'un des objets de la loi était de créer un mécanisme fédéral interne pour mettre en oeuvre dans notre droit interne la plupart des obligations et des engagements qu'a pris le Canada en matière d'accès à l'information et de participation aux décisions environnementales, par exemple, aux termes de l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l'environnement, aux termes de l'ALENA, aux termes des ententes qui ont été signées récemment et aux termes des engagements pris avec le G8 sur la biodiversité.
Voulez-vous faire des commentaires sur ces points-là? Est-ce que ces lois internationales et les engagements qui ont été pris ne deviendraient-ils pas exécutoires — par exemple devant nos tribunaux — s'ils étaient introduits dans notre droit interne?
:
Merci, monsieur le président.
Nature Québec remercie les membres du Comité permanent de l'environnement et du développement durable de l'avoir tout récemment invité à faire part de ses commentaires sur la nature et la portée du projet de loi , et à répondre aux interrogations des parlementaires.
Nature Québec considère que le projet de loi , Loi portant sur la création de la Charte canadienne des droits environnementaux, est une pièce législative importante et positive qui relèvera du gouvernement fédéral.
Dans la législation québécoise, il existe des dispositions de même nature. En effet, la loi québécoise reconnaît le droit à la qualité de l'environnement. L'article 19.1 de la Loi québécoise sur la qualité de l'environnement stipule notamment que « [t]oute personne a droit à la qualité de l'environnement, à sa protection et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent ». L'article 19.2, quant à lui, précise qu'« [u]n juge de la Cour supérieure peut accorder une injonction pour empêcher tout acte ou toute opération qui porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à l'exercice d'un droit conféré par l'article 19.1. » De plus, l'article 46.1 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne stipule, depuis 2005, que « [t]oute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité. »
Concrètement, l'inclusion d'un droit à la qualité de l'environnement dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne ouvre la porte à des condamnations à des « dommages-intérêts punitifs » — autrefois appelés « exemplaires » — pour toute violation « illicite et intentionnelle » de ce droit. En effet, l'article se lit de la manière suivante: « Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d'obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte. En cas d'atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs. »
Mis à part ce possible recours à l'injonction, la loi québécoise n'a pas de mécanisme de mise en oeuvre aussi détaillé et clair que celui qui apparaît dans le projet de loi . Ce dernier est plus complet, et ses mécanismes sont mieux équilibrés. De plus, la reconnaissance du droit à la qualité de l'environnement est limitée au Québec, notamment par les nombreuses contraintes de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, qui en limite dramatiquement la portée. En quelque sorte, il y a tellement d'exceptions qu'il y a moins de transparence. Au Québec, les dispositions de la Loi sur la qualité de l'environnement, de la Charte des droits et libertés de la personne ou de la Loi sur le développement durable ne prévoient pas la participation du public à l'élaboration des grandes politiques publiques, ce qui en limite aussi la portée. Il n'y a pas non plus de disposition protégeant les employés gouvernementaux lorsqu'ils dénoncent le non-respect de la loi par leur employeur, comme c'est le cas de l'article 25 du projet de loi .
Cela dit, naturellement, nous ne prétendons pas et ne voulons pas que le projet de loi remplace de quelque manière que ce soit les lois des provinces. Elle sera appliquée par le gouvernement fédéral, et c'est bien ainsi.
Dans le projet de loi , on retrouve des mécanismes de mise en application qui sont absents de la législation québécoise, mis à part seulement le recours à l'injonction. Ces mécanismes sont aussi absents, à notre connaissance, de la législation de la plupart des autres provinces. Je parle notamment du pouvoir des citoyens d'avoir recours à la justice en cas de non-respect par le gouvernement de ses propres lois. Ce genre de mesures, visant à permettre au citoyen de s'assurer que l'État agit conformément à ces lois et qu'il voit à leur application, est très important.
Les provinces auraient intérêt à suivre le modèle proposé par le projet de loi de compétence fédérale, un modèle que nous n'hésiterions pas à appuyer, le cas échéant. Nombre de mesures proposées n'existent tout simplement pas dans les législations du Québec et des autres provinces. Ce qui est intéressant, c'est que le projet de loi C-469 peut servir de référence ou d'étalon aux législateurs des provinces, et, qui mieux est, il n'impose pas l'édiction de normes nationales ni une législation globalisante qui empiéterait allègrement sur les champs de compétence des provinces. Enfin, il ne semble pas risquer de semer la confusion ni de produire des dédoublements.
Ce type de mesures, aux objectifs pourtant souvent larges et généreux, ne va pas dans le sens de la subsidiarité, c'est-à-dire d'effectuer au niveau le meilleur ce qu'il est possible de faire, de procéder au meilleur palier pour que ce soit le plus efficace possible. Donc, ce type de mesures ne va pas dans le sens de la subsidiarité et de l'efficacité des lois environnementales. Des lois fédérales ont été adoptées dans le passé, par exemple sur les espèces menacées ou les aires protégées, qui contiennent ce type de pièges, qui ont des conséquences contraires au but recherché, notamment lorsqu'il s'agit, par exemple, de créer des aires marines protégées. Quand on agit unilatéralement sur les champs de compétence des autres, généralement ce n'est pas efficace, ce n'est pas la bonne façon de procéder.
Le projet de loi , heureusement, ne reproduit pas cette erreur, respecte les champs de compétence et les droits des Autochtones. C'est un projet de loi beaucoup plus intéressant en ce sens, qui peut servir de modèle ou d'inspiration, mais qui n'impose rien aux provinces qui travaillent selon leurs champs de compétence.
D'autres mesures importantes sont à souligner. Le projet de loi prévoit que le cautionnement qui peut être exigé dans le cas d'une injonction, par exemple, à la suite d'une action en protection de l'environnement, ne dépasse pas 1 000 $.
À Nature Québec, en 2005, dans le cas d'une injonction visant à arrêter la construction d'un oléoduc dans le parc national d'Oka, au Québec, on devait, pour faire respecter le jugement favorable que nous avions obtenu et faire cesser la construction, déposer une caution de 50 000 $ en vertu de la Loi québécoise sur les parcs. Malheureusement, on n'avait pas cet argent et on n'a pas pu faire respecter l'injonction.
Il est à noter que la Loi québécoise sur la qualité de l'environnement, qui ne s'appliquait malheureusement pas dans le cas dont je vous parle, prévoit un cautionnement maximal de 500 $. Le cautionnement maximal de 1 000 $ proposé par le projet de loi nous semble donc tout à fait raisonnable et tout à fait dans l'ordre des choses. Nous saluons aussi grandement les dispositions prévoyant le remboursement des honoraires d'avocats si on exerce nos droits sans abus. On doit d'ailleurs souligner qu'au Québec, au même moment où l'on intégrait le droit à un environnement sain à la Charte des droits et libertés de la personne, le gouvernement refusait de financer le Centre québécois du droit de l'environnement, qui était le seul organisme juridique permettant aux citoyens d'exercer leur droit à un environnement sain. Cette composante est essentielle, car il est facile de concéder des droits sur papier sans que personne n'y ait jamais accès par manque de moyens. L'accès à la justice demeure, dans toutes les situations, un problème.
Par ailleurs, Nature Québec ne craint pas, en cas d'adoption du projet de loi C-469, qu'il y ait abondance d'actions en justice qui auraient pour effet d'engorger le système. Je sais que c'est une crainte chez certains parlementaires, que le système juridique puisse être bloqué, que cela ouvre la porte à toutes sortes de poursuites plus ou moins farfelues.
L'expérience québécoise à la suite de l'adoption de la Loi québécoise sur le développement durable, qui contient pourtant des principes très larges, ne démontre pas qu'il y ait eu abus procédurier. Nous n'avons pas raison de croire qu'il en serait autrement avec le projet de loi . D'ailleurs, on va fournir de l'information au comité à ce sujet. Le président du conseil d'administration de Nature Québec, Me Michel Bélanger, a fait un petit survol des poursuites utilisées ou des interventions devant les tribunaux relatives aux lois québécoises sur le développement durable, sur la protection de l'environnement et dans le cadre de la Charte québécoise des droits et libertés. Il n'y a absolument pas, semble-t-il, de problèmes de ce côté, mais on portera cette information à votre connaissance.
Vous nous permettrez en terminant de souligner, encore une fois, le caractère fondamental de la loi proposée. D'un point de vue juridique, elle est bien formulée et elle s'appuie sur des principes solides tout en étant respectueuse des compétences des provinces. Il n'y a pas de société ni de développement ni même d'économie, si on n'assure pas la conservation des ressources et le maintien des écosystèmes essentiels à la vie. Le droit à un environnement sain et à des écosystèmes en équilibre doit être reconnu comme un droit fondamental qui ne doit pas être soumis aux aléas de la joute politique et médiatique. Le projet de loi , à l'intérieur des compétences fédérales, propose un contrat social entre les citoyens et le gouvernement fédéral pour s'assurer qu'il ne pourra y avoir à l'avenir de dérapage, de détournement, ou d'abandon de ce droit fondamental sans possibilité de recours pour les citoyens. Nous avons, comme dans beaucoup de pays, des lois environnementales qui peuvent être de haut niveau sur papier, mais, malheureusement, s'il n'y a pas les inspecteurs et une volonté d'appliquer ces lois, il n'y a pas de protection réelle de l'environnement. Le projet de loi apporte un équilibre et permet aux citoyens de s'assurer que le gouvernement agit selon les lois qu'il adopte.
Nature Québec invite tous les partis à s'unir derrière ce texte législatif qui a tout pour devenir un modèle inspirant dans un monde où dominent trop souvent cynisme et indifférence. Merci.