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Merci beaucoup, monsieur le président.
Bon après-midi. Je représente Environnement Canada et, comme vous l'avez dit, je suis accompagnée de collègues de Pêches et Océans et de Parcs Canada. Ce sont nos trois ministères qui assurent la mise en œuvre de la Loi sur les espèces en péril.
Je vais me charger de la déclaration liminaire et mes collègues et moi-même ferons ensuite notre possible pour répondre à vos questions.
Je vais vous donner un aperçu très général de la loi, pour vous en rappeler les grandes lignes, et vous donner aussi un aperçu de l'ébauche des politiques de la LEP publiée depuis la dernière comparution de nos représentants devant le comité.
Permettez-moi d'abord d'exposer le contexte général de la Loi sur les espèces en péril. Il existe au Canada plusieurs lois — fédérales, provinciales et territoriales — destinées à protéger la faune. Les lois précédentes, comme la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, visaient à encourager l'adoption de mesures pour préserver les espèces communes mais on a constaté que les mesures de prévention n'étaient pas suffisantes et qu'il convenait de prévoir certaines mesures d'urgence en complément de cette mosaïque législative. C'est pour cette raison que la LEP a été adoptée en 2003.
Comme l'indique la quatrième diapositive, la LEP est fondée sur la conviction qu'il est dans notre intérêt de protéger les espèces en péril. La biodiversité canadienne est essentielle à la santé et au bien-être de la population et à la prospérité de notre économie. Une proportion de près de 14 p. 100 du PIB canadien dépend d'écosystèmes sains: forêt, agriculture, pêche et loisirs.
Des écosystèmes sains assurent également d'autres bienfaits que ne reflètent pas directement les comptes nationaux, comme la séquestration du carbone, la qualité de l'air et de l'eau, la prévention des maladies et la lutte contre les ravageurs, la pollinisation des cultures vivrières, ainsi que d'autres bienfaits à caractère esthétique ou spirituel. Pour offrir ces bienfaits, les écosystèmes ont besoin de populations viables et diversifiées d'espèces, lesquelles ont besoin d'habitats. La perte ou la fragmentation des habitats est la principale source de péril des espèces.
Les espèces vivant à la périphérie de leur habitat — ce qui est le cas de nombreuses espèces canadiennes en péril — peuvent comporter des adaptations génétiques importantes, lesquelles sont susceptibles de contribuer à la banque de matériau génétique essentiel pour l'innovation dans des secteurs économiques clés tels que l'agriculture, la foresterie et l'industrie pharmaceutique. La présence d'espèces en péril peut également être un indice avancé de déséquilibre de l'écosystème. Il est donc dans notre intérêt de protéger les espèces en péril.
Nous indiquons sur la cinquième diapositive que la LEP a été adoptée pour prévenir la disparition ou l'extinction d'espèces fauniques et pour assurer leur rétablissement. Elle s'applique à toute la faune du Canada, c'est-à-dire aussi bien aux grands mammifères qu'aux poissons, aux insectes, aux plantes, etc. La LEP prévoit un processus pour évaluer scientifiquement le statut des espèces, ainsi qu'un mécanisme d'inscription des espèces menacées. Elle comporte également des dispositions de protection des individus des espèces fauniques inscrites, ainsi que de leurs habitats essentiels.
La LEP est prescriptive quant à la manière dont ces objectifs doivent être atteints. Elle comporte des échéanciers de mesures à prendre, ainsi que des exigences de consultation lorsque la plupart des décisions cruciales doivent être prises.
Je passe à la sixième diapositive. Les espèces se moquent des champs de compétence des gouvernements et il est donc crucial que ceux-ci collaborent à leur protection. De fait, le partage des responsabilités est explicitement prévu par la loi. Le gouvernement fédéral ne saurait assurer à lui seul la protection de la faune du Canada.
En 1996, le gouvernement fédéral et les provinces et territoires ont signé l'Accord pour la protection des espèces en péril dont le but est de prévenir la disparition d'espèces à cause de l'activité humaine. La LEP est la loi fédérale clé pour assurer la mise en œuvre de l'accord.
En vertu de la LEP, la redevabilité est exercée par le ministre des Pêches et Océans et par le ministre de l'Environnement, ce dernier assumant aussi la responsabilité de la mise en œuvre générale de la loi, de la protection des espèces présentes sur les terres fédérales et de la formulation de recommandations pour le GC. Comme Parcs Canada relève également du ministre de l'Environnement, celui-ci assume la responsabilité de toutes les espèces, terrestres ou aquatiques, présentes dans les parcs.
Le ministre des Pêches et Océans est chargé d'assurer la mise en œuvre de la loi pour toutes les espèces aquatiques en dehors des parcs nationaux, et d'adresser des recommandations au ministre de l'Environnement pour l'inscription des espèces aquatiques. Les provinces et territoires sont des partenaires essentiels qui assument la responsabilité des espèces terrestres présentes sur les terres provinciales publiques et privées. Étant donné ce partage des responsabilités à l'égard des espèces en péril, nous avons un certain nombre de structures de gouvernance, de conseil et de soutien.
Je passe rapidement sur la septième diapositive en notant simplement qu'elle avait déjà été présentée lors d'une comparution précédente afin d'illustrer le cadre opérationnel s'appliquant aux provinces, aux territoires et à nous-mêmes. Nous avons adopté ce « cycle LEP », comme nous l'appelons, comme cadre d'élaboration des politiques dont je veux maintenant vous parler.
Passons à la huitième diapositive. Étant donné la complexité de la LEP, on a pris dès le départ l'engagement de formuler des politiques indiquant la manière dont le gouvernement fédéral interprète la loi et les obligations qui en découlent. Ce travail avait commencé peu après la promulgation de la loi mais, considérant le rôle crucial que jouent les provinces et territoires à l'égard des espèces en péril au Canada, il a été suspendu jusqu'à l'élaboration du cadre national que je viens de mentionner.
Après l'élaboration de ce cadre, des représentants d'Environnement Canada, de Pêches et Océans, de Parcs Canada et du ministère de la Justice ont entrepris d'élaborer des politiques avec la participation intensive des provinces, des territoires et d'autres parties prenantes. L'ébauche des politiques a été publiée en décembre 2009 et nous y mettons actuellement la dernière main.
Voyons donc maintenant chacun des chapitres de la politique globale, en commençant par la neuvième diapositive.
Le premier chapitre est consacré à l'évaluation, laquelle est effectuée par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, ou COSEPAC. Le COSEPAC est un organisme indépendant composé de représentants des trois paliers de gouvernement, de scientifiques, d'organismes autochtones, d'organisations non-gouvernementales et du secteur privé. Ces évaluations sont fondées sur des critères quantitatifs et tirent parti des connaissances scientifiques, du savoir autochtone traditionnel et du savoir communautaire.
Je dois préciser que le COSEPAC fait le point sur la situation de la faune au Canada, pas au niveau mondial comme c'est le cas selon la loi américaine. Il importe de souligner aussi que les facteurs socio-économiques ne sont pas pris en compte dans les évaluations du COSEPAC et que c'est lui-même qui fixe ses priorités, pas le gouvernement.
Dixième diapositive. Le deuxième chapitre de la politique porte sur le processus d'inscription des espèces et sur les mesures de protection qui en découlent. La diapositive suivante, que je n'explique pas, indique les étapes du processus d'inscription.
L'un des éléments clés de ce chapitre est la période de neuf mois fixée dans la loi pour effectuer l'inscription. Le décompte commence dès réception de l'évaluation par le gouverneur en conseil et non pas dès que le COSEPAC a adressé une évaluation au ministre de l'Environnement. Il est également indiqué dans la politique que les lois fédérales, comme les lois sur les pêches ou la Loi sur les parcs nationaux du Canada, peuvent être invoquées en plus de la LEP s'il y a lieu.
On précise aussi dans ce chapitre ce qu'entend le gouvernement du Canada par une protection efficace. Il s'agit de la protection que les provinces et territoires assurent aux espèces en péril relevant de leur responsabilité, c'est-à-dire pas les oiseaux migrateurs ni les espèces aquatiques mais les autres espèces présentes sur les terres non fédérales.
J'ajoute quelques mots au sujet de l'inscription. Tout d'abord, celle-ci se fait au moyen d'un processus de réglementation, ce qui veut dire qu'elle est assujettie à la politique du gouvernement sur la réglementation, notamment à la directive du Cabinet sur la rationalisation des textes réglementaires. L'une des exigences de cette directive concerne l'inclusion d'une évaluation de l'incidence du règlement, ce qui veut dire qu'on doit évaluer l'incidence socio-économique du texte réglementaire proposé. Dans le cas de la LEP, c'est au moment de l'inscription plutôt qu'au moment de l'évaluation que les facteurs socio-économiques entrent en jeu.
Je passe à la douzième diapositive qui porte sur la planification du rétablissement et présente un processus en deux étapes pour les espèces déracinées, en voie de disparition ou menacées. Nous devons élaborer une stratégie de rétablissement ainsi qu'un plan d'action alors que, pour les espèces préoccupantes, nous n'avons qu'à préparer des plans de gestion. Les stratégies de rétablissement et les plans d'action peuvent...
On me dit qu'il ne me reste qu'une minute. Je me demande sur quoi conclure.
Je pense qu'il serait important de préciser que, dans le cadre des stratégies de rétablissement, nous devons dans toute la mesure du possible identifier les habitats essentiels. C'est l'un des aspects cruciaux de l'élaboration de ce document. L'identification d'un habitat essentiel doit nécessairement en préciser le lieu ainsi que les caractéristiques qui le rendent tellement important pour l'espèce en péril.
L'identification d'un habitat essentiel est destinée à en assurer la protection contre les activités humaines qui entraîneraient sa destruction. De ce fait, l'étendue, la qualité et l'emplacement de l'habitat sont définis en fonction de la population indiquée et de l'objectif de distribution mais pas de facteurs socio-économiques. C'est un élément crucial que nous rappelons constamment à maintes parties prenantes.
Je n'insiste pas sur la treizième diapositive, si ce n'est pour dire que depuis cinq ans — près de six maintenant — que la loi est entrée en vigueur, nous avons acquis une très bonne idée de ce que doit être un bon document. De ce fait, nous avons récemment mis à jour nos indications sur la manière de produire des documents beaucoup plus cohérents et utiles.
La quatorzième diapositive porte sur le processus de mise en application, qui est la quatrième étape du cycle. Au Canada, comme je l'ai dit, protéger les espèces en péril est une responsabilité partagée. Par conséquent, comme le montre ce chapitre de la politique, la mise en œuvre est assurée par les diverses parties en employant diverses méthodes.
Il est notamment indiqué dans la LEP que le fondement de la planification du rétablissement est une démarche de bonne gérance. On trouve aussi dans ce chapitre divers outils qu'emploie le gouvernement fédéral, notamment des choses telles que des programmes de financement, comme le programme de gérance de l'habitat, nos terres fédérales protégées, dont les parcs nationaux, ainsi que l'évaluation environnementale, la réglementation, les permis, etc.
La quinzième diapositive porte sur le dernier chapitre de la politique qui concerne la surveillance et l'évaluation des activités de protection, de rétablissement et de gestion des espèces. Étant donné que la LEP est cyclique, la surveillance et l'évaluation fondent tous les cycles de la LEP au moyen de divers mécanismes. Le but est de mesurer les progrès réalisés par rapport aux objectifs de rétablissement, l'efficacité de notre action, ainsi que la validité des buts et des objectifs que nous avons fixés.
Je conclus en présentant la seizième diapositive qui donne un très bref aperçu des principales mesures de protection que permet la LEP. Il s'agit d'abord d'interdictions générales, c'est-à-dire du fait qu'il est interdit de tuer un individu d'une espèce en péril, de lui nuire, de le harceler, de le capturer, de le prendre, de le collectionner, de l'acheter, de le vendre ou de l'échanger. En outre, il est interdit d'endommager ou de détruire ses lieux de résidence.
Ces interdictions générales s'appliquent seulement aux espèces déracinées, en voie de disparition ou menacées, pas aux espèces suscitant une préoccupation spéciale. Elles s'appliquent d'office aux oiseaux migrateurs, aux espèces aquatiques et aux autres espèces présentes sur les terres fédérales.
L'autre mesure de protection cruciale concerne l'habitat essentiel, et elle suscite toujours beaucoup d'intérêt chez nos parties prenantes. Une fois qu'un habitat essentiel est identifié, il doit être légalement protégé s'il se trouve sur les terres fédérales. S'il se trouve sur des terres non fédérales, il doit être efficacement protégé par les lois de la province ou du territoire. Le ministre considérera que cette protection législative est efficace si elle procède d'un texte à caractère exécutoire qui produit efficacement le résultat souhaité.
La dernière diapositive porte sur les deux dernières mesures de protection que permet la LEP, la première étant le filet de sécurité.
Si le ministre estime, après avoir consulté la province ou le territoire concerné, que ses lois ne protègent pas efficacement l'espèce, ses lieux de résidence ou son habitat essentiel, il peut recommander au GC d'imposer une interdiction pour protéger l'espèce, ses lieux de résidence ou toute partie de son habitat essentiel. C'est ce qu'on appelle un décret de filet de sécurité. Dans cette situation, le ministre recommandera au GC d'abroger le décret une fois que la province ou le territoire aura adopté un texte assurant la protection souhaitée.
La dernière mesure est la protection par décret d'urgence. En vertu de la LEP, le GC peut, sur recommandation du ministre pertinent, adopter un décret d'urgence s'il estime une mesure de protection au titre des autres dispositions de la LEP ne pourra pas être adoptée à temps pour assurer la survie ou le rétablissement de l'espèce. Il ne formulera une telle recommandation qu'après avoir consulté les autres ministres compétents — le ministre des Pêches et Océans ou le ministre de l'Environnement — et en avoir éventuellement discuté avec les peuples ou gouvernements autochtones s'il y a lieu.
Je termine ici ce survol très général de la loi et de l'ébauche des politiques. Mes collègues et moi-même répondrons maintenant avec plaisir à vos questions.
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Je vous remercie. En tant que biologiste spécialiste du caribou, c'est un plaisir pour moi d'être ici et de parler de sa protection et de celle de 7 700 autres espèces.
Je reviens sur ce que disait M. . Lorsque la LEP est entrée en vigueur, il y avait 233 espèces inscrites à l'annexe 1. Vous avez dit qu'il avait fallu élaborer des stratégies de rétablissement pour 119 espèces jusqu'en juin 2007. Cela devait être l'une de mes questions mais vous y avez déjà répondu. Vous pensez que c'est 119 alors que je pensais que c'était 106. J'ai trouvé 106 dans mes recherches mais c'était de cet ordre-là et c'est environ la moitié de ce qu'il faudrait faire. En outre, des plans de gestion pour 43 autres espèces préoccupantes devaient être formulés pour juin 2008 et je pense que 20 seulement l'ont été.
L'an dernier, Mme Wright est venue nous dire que le rythme de mise en œuvre s'améliorait. Ce n'est pas vraiment ce que j'entends ailleurs, à moins que je comprenne mal. Vous êtes-vous vraiment améliorés en 2008, notamment en ce qui concerne l'expansion?
Quand aurez-vous épongé l'arriéré, quand serez-vous en conformité avec la loi, et pourquoi les objectifs ne sont-ils pas atteints? N'avez-vous pas les ressources dont vous avez besoin? N'avez-vous pas l'effectif nécessaire au sein du ministère? N'avez-vous pas la volonté politique au sein du ministère? Y a-t-il une ingérence provenant de l'extérieur du ministère? Il semble y avoir un problème.
Deuxièmement, au titre de la LEP, c'est au gouvernement qu'il appartient d'assurer la protection légale des espèces fauniques désignées par le COSEPAC. Vous n'avez évalué que 775 espèces sur 7 700 espèces désignées, si je ne me trompe. C'est un pourcentage minuscule — 10 p. 100 peut-être, ou moins — des espèces du Canada. Je vous demande à nouveau: « Pourquoi? », et quand et comment allons-nous faire de meilleurs progrès?
La troisième question est celle qui m'inquiète le plus. Il y a deux stratégies pour s'occuper des espèces en danger. La première est de protéger le bassin génétique et la population — stratégie de survie à court terme et à moyen terme — et l'autre, tout aussi importante, de protéger l'habitat à long terme. L'an dernier, si j'ai bien compris, on n'avait clairement identifié — je ne parle même pas de protection — l'habitat essentiel que de 22 espèces.
Permettez-moi de vous donner un exemple de ce qui me tient à cœur. Le caribou, selon votre document, ou selon ce qu'a dit Mme Wright l'an dernier, relève essentiellement de la compétence provinciale. Croyez-moi sur parole, en Ontario, ça ne donne pas grand-chose. Il serait abusif de dire que les provinces font ce qu'il faut. Les premières nations de West Moberly, en Colombie-Britannique, ont dû s'adresser à la Cour suprême de la province. Elles sont près de Chetwynd. Elles ont dû s'adresser à la Cour pour obtenir une décision de protection de l'habitat essentiel là-bas. En fait, la première nation a été obligée de faire votre travail.
J'aimerais que vous me laissiez au moins une minute à la fin pour poser une brève question à Gilles. Je sais que ce sera une question du genre « avez-vous cessé de battre votre femme » mais que faudrait-il pour qu'Environnement Canada commence vraiment à agir plus vigoureusement et plus rapidement pour protéger l'habitat essentiel et identifier les espèces et les habitats dont elles ont besoin?
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Je peux commencer et mes collègues compléteront ma réponse.
L'identification d'un habitat essentiel n'est pas facile. Tout commence par une évaluation du COSEPAC exposant la biologie de l'espèce, le type d'habitat dont elle a besoin et les menaces qui la mettent en péril. La décision est prise en fonction de critères quantitatifs et de l'indication que l'espèce est menacée, est en danger ou a été déracinée. C'est seulement pour ces trois catégories qu'on définit un habitat essentiel.
Le COSEPAC indique également de manière générale où on trouve l'espèce, par exemple dans le sud de la Colombie-Britannique ou dans le Grand Nord, mais c'est en grande mesure une question de juridiction. Quand nous recevons l'information, nous lançons le processus de planification du rétablissement.
S'il s'agit d'une espèce fédérale au lieu d'une espèce relevant d'une province ou d'un territoire, nous allons déterminer qui seraient les bonnes personnes pour constituer une équipe de rétablissement. Le Service de la faune que je dirige a des bureaux dans tout le pays, dans cinq régions. S'il s'agit d'une espèce habitant essentiellement dans la région de l'Atlantique, ce sont les gens de cette région qui piloteront le dossier. S'il s'agit d'une espèce vivant dans les parcs, ce sera Parcs Canada. S'il s'agit d'un habitat plus étendu, ce sera généralement le Service de la faune si c'est une espèce fédérale. Si c'est une espèce fédérale — un oiseau migrateur, par exemple —, nous possédons normalement l'expertise nécessaire mais nous aimons généralement faire participer la province ou le territoire dans la mesure du possible.
Nous sommes une équipe. Nous examinons l'évaluation du COSEPAC afin de cerner les menaces les plus graves et l'habitat essentiel. L'évaluation nous a indiqué les besoins biologiques et les caractéristiques de l'habitat et notre rôle est maintenant de délimiter le territoire, si vous voulez. Il faut qu'on puisse l'identifier concrètement. Il ne suffit pas de dire que c'est plus ou moins ici ou là-bas, il faut donner des indications précises, par exemple en disant que c'est le long de tel ou tel lac. Il faut que ce soit assez précis pour que quiconque n'est pas biologiste puisse comprendre clairement où se situe l'habitat essentiel.
Nous devons également indiquer les caractéristiques du secteur qui le rendent si important pour l'espèce. Ce travail prend du temps. Il faut aller sur le terrain avec des biologistes, il faut trouver les informations existant dans les publications spécialisées, des informations autres que celles fournies par le COSEPAC. C'est un travail de longue haleine. Il faut bien souvent deux ou trois saisons de travail pour commencer à comprendre s'il s'agit vraiment d'un habitat essentiel ou plutôt d'un habitat où l'oiseau a pondu un oeuf une fois par hasard et n'y est plus jamais revenu. Cela prend du temps.
Une fois que ce travail est en route, les autres éléments de la stratégie de rétablissement peuvent être formulés en parallèle. Il faut se demander qu'est-ce qui pourrait entraîner la destruction de l'habitat essentiel, ce qui peut occuper les biologistes pendant de longues heures et de nombreuses semaines. Bien souvent, ils doivent aller sur place et cela peut poser d'autres problèmes s'il s'agit d'un terrain privé ou d'un terrain autochtone, par exemple. Nous devons travailler avec les gens, nous devons les sensibiliser et nous devons faire comprendre la situation.
Tout cela nous amène finalement à une stratégie de rétablissement. Il y en a actuellement 119 et l'habitat essentiel a été défini pour certaines d'entre elles.
C'est à cette étape que nous avons besoin de ce que nous appelons la promotion de la conformité. Nous devons préparer des documents expliquant clairement au propriétaire foncier, à la bande autochtone ou à quiconque qu'il y a un habitat essentiel sur tel ou tel terrain. Cela ne veut pas dire qu'il est désormais interdit de s'y rendre mais plutôt que certaines activités ne doivent plus y être pratiquées pour éviter de le détruire, ce que la LEP interdit. Une fois que ces documents de promotion sont diffusés, nous devons assurer la surveillance du secteur pour veiller à ce que les activités interdites n'y sont pas pratiquées.
Tout cela prend du temps. C'est un peu compliqué parce que la biologie n'est jamais facile.
Je voudrais revenir à certaines questions que j'ai posées tout à l'heure concernant les principes fondant cette loi. Je pense que M. a bien indiqué qu'elle avait été difficile à formuler et qu'elle a une incidence directe sur les intérêts des gens, autant privés que publics.
Cela me ramène à ce que j'évoquais tout à l'heure, c'est-à-dire que, tant que nous continuerons à prétendre que les services écologiques et les espèces qui habitent dans ce pays sont gratuits, n'ont aucune valeur, ne sont pas tarifés et ne font pas partie des comptes nationaux, rien ne changera jamais. On continuera d'exploiter ce capital en toute impunité et, de temps à autre, à cause de la LEP, on réalisera qu'une espèce est en difficulté, on lancera un processus d'études scientifiques pour dire « Houston, on a un problème », et on lancera une fusée éclairante dans le ciel.
Toutefois, la réalité du rapport de 2008 qu'on vient juste de déposer, si je comprends bien, est qu'on dit dans le deuxième rapport sur les espèces sauvages, intitulé « Espèces sauvages 2005 », qu'on a fait le point sur la situation générale de 7 732 espèces mais en ajoutant ensuite qu'on estime qu'il y en a au Canada plus de 70 000 — et on ne sait même pas si ce chiffre est exact. Autrement dit, seulement 10 p. 100 environ du total estimatif des espèces présentes au Canada ont fait l'objet d'une sorte d'analyse scientifique. Ça ne vaut rien et j'ai une question à vous poser.
Vous ne pourrez peut-être pas répondre à cette question. Je réfléchis à voix haute. Comment pourrions-nous croire que la LEP telle qu'elle est actuellement constituée est plus qu'un emplâtre sur une jambe de bois, très franchement, quand on voit qu'il y a des facteurs de stress sur certaines espèces, qu'on exerce une capacité scientifique et qu'on déclare ensuite qu'on a un problème? La bataille semble absolument perdue d'avance.
Si nous ne revoyons pas complètement notre démarche, et j'irais même plus loin... J'ai déjà posé des questions à ce sujet, lors du dernier tour, monsieur le président, aux témoins venus ici parler de la LEP. J'ai posé des questions sur l'indemnisation. Si je possède plusieurs centaines d'acres, ou un millier d'acres, ou 50 acres, et qu'il y a des espèces végétales et animales sur ces terrains, et qu'on s'attend à ce que j'en soie le gestionnaire, est-ce que la société ne devrait pas m'indemniser pour cette gestion, que ce soit par un crédit d'impôt, une indemnisation en espèces ou une partie d'un revenu?
Comment pouvez-vous attendre cela des propriétaires fonciers? Je conviens que tout ce système était un début. Le meilleur moyen de démarrer est de démarrer. Il n'y avait rien avant. Maintenant, nous avons quelque chose pour travailler. C'est vous qui êtes en première ligne comme praticiens. Vous vous occupez de ça tous les jours. J'essaie de me faire une idée de ce qu'on devrait faire de plus. Quelles autres mesures pourriez-vous proposer, comme praticiens de première ligne dont le rôle consiste à appliquer cette loi?
Que devons-nous faire pour améliorer la situation, étant donné ce que je viens juste d'exposer sous l'angle de l'indemnisation et du fait que la bataille est perdue d'avance? Nous n'avons même pas de données scientifiques. Par exemple, nous avons une Commission géologique du Canada mais nous n'avons pas de commission biologique du Canada. Quelles seraient d'après vous les deux ou trois mesures complémentaires que nous, législateurs, pourrions recommander au gouvernement pour pouvoir dire que c'est comme ça que nous pouvons améliorer cette loi sur les premières lignes?
Je passe directement à un exemple. Nous avons une situation dans une rivière où il y avait un port. Le port a été fermé. On doit le rouvrir; il y a du limon dans le port. On a déterminé qu'il y a une espèce en péril.
Cette espèce en péril est une moule. Nous avons essayé d'attirer une entreprise dans une région de 12 000 habitants qui a perdu plus de 6 000 emplois et nous avons essentiellement perdu cette entreprise. Dans votre exposé, vous avez dit qu'on ne peut pas « tuer, nuire, harceler, capturer ou prendre un individu » ou « endommager ou détruire la résidence d'un individu ».
Les propres ingénieurs du MPO ont déclaré que l'habitat qui se trouve maintenant là à cause du limon n'est pas un habitat dans lequel vivrait cet individu particulier. Nous pourrions vous emmener en amont où il y en a des millions qui bouchent les drains mais c'était une question de loi. C'était ce que disait le texte. Les gens de terrain — pas tous — ne semblent avoir aucune co-relation, très honnêtement, entre l'intérêt d'une économie et l'intérêt d'une espèce en péril. Ce que je veux dire, c'est qu'on ne fait même pas ça pour les humains. On ne peut pas avoir des lois disant que si je nuis ou harcèle, ça devient presque criminel.
Ensuite, on nous demande non pas des dizaines de milliers de dollars mais plus que des dizaines de milliers de dollars, jusqu'à 100 000 dollars, et c'était: « Eh bien, nous pouvons faire cette recherche scientifique ». Il y a quelqu'un qui a dit: « Je peux faire ça pour 2 500 dollars ». Ce quelqu'un a dit: « Je prendrai mon bateau, j'ai passé toute ma vie ici, je connais bien la rivière, je sais ce qu'il y a au fond, et je sais qu'il n'y en a pas ». Ce quelqu'un a dit: « J'utiliserai la petite perche et je mesurerai le fond parce que je peux le sentir ».
Tout ce que je dis, c'est que je suis d'accord avec l'espèce en péril mais, en cours de route, nous avons perdu notre bon sens au sujet des compromis à faire dans certains cas. On parle toujours de la difficulté de l'inscription. Je vous demande comment on peut retirer de la liste les espèces qui ne sont pas en péril. Je vous demande seulement ceci: comment fixez-vous le seuil des espèces en péril dans les régions et les secteurs où je peux vous emmener et serai très heureux de vous montrer? Je ne sais pas quel est le seuil, ça doit être au-delà...
Mais si les gens avec qui je traitais causaient du tort à l'une de ces petites moules ou la harcelaient, c'était presque au point où il y aurait des accusations au pénal, ou une amende de 200 000 dollars, je crois que c'était. Comment arrive-t-on à un seuil dans ce domaine? Qui décide où se situe le seuil? Qui détermine l'évaluation d'habitat essentiel? Qui fait ça et est-ce en fait un obstacle pour retirer de la liste?
Voilà mes quatre questions, et j'en aurai encore une autre après.
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J'entends bien. C'est pour ça que je préfère laisser le cas particulier de côté.
En ce qui concerne le seuil de détermination qu'une espèce est en péril, il est établi par le COSEPAC au moyen d'une série de critères qu'il a adoptés sur la base de critères internationaux. Ce ne sont pas des critères arbitraires, ils sont bien compris et utilisés dans l'environnement international. Les critères de déclin de la population et de menace sont établis par le COSEPAC et il les utilise dans ses évaluations scientifiques pour juger si une espèce est en péril.
L'identification d'un habitat essentiel est guidée, au moins dans une certaine mesure, par l'évaluation du COSEPAC, c'est-à-dire son rapport, mais la décision ultime relève de la prérogative du ministre. Le travail est fait par les fonctionnaires pour déterminer quel est l'élément essentiel de l'habitat, c'est-à-dire ce qui est essentiel pour la survie et le rétablissement de l'espèce dans son habitat. C'est fait en grande mesure par les fonctionnaires.
Quand nous arrivons à l'étape de la décision, elle est publiée pour recueillir l'opinion du public. Comme l'ont dit mes collègues, la décision est prise dans bien des cas en étroite collaboration avec les scientifiques et les parties prenantes.
La question du retrait de la liste a souvent été posée. Dans la mesure où je comprends le processus — car cela n'est encore jamais arrivé —, c'est essentiellement le même que pour l'inscription. Il s'agit de modifier le règlement pour retirer une espèce de l'annexe 1 de la LEP. À moins que mes collègues soient d'un avis différent, je pense que c'est déclenché par le même processus que nous utilisons pour inscrire une espèce, c'est-à-dire qu'il faudrait une évaluation du COSEPAC, soit dans le cadre de sa réévaluation de chaque espèce une fois tous les 10 ans, soit parce qu'il estime que la situation de la population a profondément changé et qu'une révision s'impose plus tôt.
Quand nous obtenons cette évaluation, par exemple si le COSEPAC affirme — et c'est déjà arrivé — qu'il n'a pas retiré l'espèce mais a réduit la gravité de la menace, il y aurait une évaluation scientifique concluant que l'espèce n'est plus dans la même situation de risque que l'on pensait et qu'elle n'est plus en situation de risque. Face à une telle conclusion, nous pourrions prendre la décision de la retirer de la liste.
Revenons au caribou. Je pose une question théorique à laquelle vous n'êtes pas obligée de répondre.
Avec le caribou, nous avons des scientifiques qui ont déjà donné des recommandations à Environnement Canada sur l'habitat essentiel, et même à répétition si je ne me trompe. Il me semble que le vrai problème est que les recommandations ne sont pas appliquées. On s'en moque. Vous pourrez me dire si je me trompe.
Ce n'est pas facile et c'est un gros problème mais c'est en réalité très simple. Vous êtes dans la bonne voie, considérant ce que vous avez dit. Je suis d'accord avec vous mais, en ce qui concerne tout ce que nous avons besoin de protéger, c'est encore une fois simple mais pas facile. Nous devons protéger l'habitat hivernal actuellement utilisé, l'habitat hivernal nécessaire pour l'avenir — maintenir ou créer cet habitat futur — et l'habitat de vêlage et les couloirs, et nous devons éviter les pistes, les routes et les couloirs sismiques ainsi que les choses qui permettent aux humains et aux prédateurs d'avoir accès aux caribous. C'est une ordonnance simple. Et il ne s'agit pas d'un tiers de la base terrestre ni d'un huitième de la masse terrestre, c'est probablement moins que ça. C'est faisable et je vous prie donc de passer à l'action.
Tout cela n'est qu'une question d'habitat essentiel. Comme vous pouvez probablement le deviner, je suis très frustré de la lenteur des progrès dans ce domaine. Par exemple — laissons le caribou de côté —, la Cour fédérale a constaté que, dans la région du Pacifique, Pêches et Océans Canada a pris la décision de ne pas inclure l'habitat essentiel dans les stratégies de rétablissement — et je cite — « en contrevenant clairement à la loi ». Il ressortait clairement de cet arrêt que la principale raison pour laquelle le gouvernement a retardé l'identification de l'habitat essentiel était qu'il avait estimé à l'avance, illégalement, qu'il y aurait des contraintes socio-économiques. Je le répète, il faut dépasser cela.
Finalement, et ceci m'amènera à une question, pourriez-vous me donner, madame Poter, aujourd'hui ou plus tard, des exemples d'interdictions imposées à la destruction de l'habitat essentiel d'une espèce quelconque, par un organisme quelconque, n'importe où, à n'importe quel moment?
Je trouve tout ça très intéressant, comme chacun d'entre nous, je crois.
J'ai trop de questions pour le temps qu'il me reste et je vais donc essayer d'être précis. Je veux parler de deux choses, tout d'abord des contraintes de temps et de délais réalistes. C'est très restrictif pour le ministre. En outre, que serait une indemnisation équitable?
Avant cela, je veux faire une brève remarque sur l'importance d'informer correctement le public. J'adore la promenade. Avec des nouvelles technologies comme le GPS, si vous partez en promenade... Disons que vous êtes en promenade et que vous avez un GPS. Que pensez-vous de l'idée de communiquer par GPS l'indication que vous êtes dans un habitat essentiel? Le promeneur pourrait avoir avec lui une carte vieille de cinq ans que lui a donnée un ami, par exemple. Les GPS sont aujourd'hui très répandus et vous pourriez vous en servir pour donner une alerte aux promeneurs. L'utilisation de panneaux de signalisation dans les sentiers de promenade ne peut avoir qu'un succès limité car, si vous êtes entré sur le sentier par un raccourci, vous pouvez ne pas les avoir vus.
Je pense qu'une des grandes controverses au début de la LEP a été l'octroi d'une indemnisation équitable pour le terrain. M. en a parlé. Prenez le cas d'un citoyen responsable qui repeuple une rivière avec une espèce en péril. Si certains poissons sont broyés par une turbine, et si l'on ne tient pas compte des facteurs socio-économiques dans un habitat essentiel, vous pourriez vous retrouver avec la fermeture permanente d'une installation industrielle de plusieurs milliards de dollars.
Avec la LEP, c'est seulement lorsque le dossier arrive sur le bureau du ministre que les facteurs socio-économiques peuvent être pris en considération. C'est ce que je comprends. Vous n'avez pas, par le COSEPAC, l'habitat essentiel.
Mon temps de parole s'écoule très vite mais vous avez parlé de pertes extraordinaires. Quelle en est la définition? Y aura-t-il une indemnisation reflétant la valeur du marché? Je ne le crois pas car je pense que la question avait été posée au début de la LEP. La LEP a été adoptée et fait maintenant l'objet d'un examen mais pourriez-vous me donner la définition de pertes extraordinaires?
Si une centrale hydroélectrique doit fermer à cause de la présence d'une espèce en péril dans la rivière et d'un habitat essentiel, qui va payer les frais? Est-ce que ce sera une perte extraordinaire? Qu'en est-il de l'agriculteur qui, en labourant son champ, aura détruit par inadvertance l'habitat d'un oiseau migrateur? Sera-t-il en difficulté? Il ne savait pas que l'oiseau était là mais, avec la LEP et selon le principe de la mens rea, il aura de gros problèmes.
Je ne vous ai laissé que très peu de temps mais je pense que ces deux grandes questions avaient été soulevées dès le début de la LEP.