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J'en appelle au Règlement, monsieur le président.
Encore une fois, à mon avis, nous examinons un amendement qui entraîne un changement de fond. Quant à la question du pollueur-payeur, je suis tenté d'utiliser l'expression « diversion », mais je ne voudrais pas présumer des motifs de M. Bigras. Je dirais que c'est un argument mal placé, du fait que l'expression « équitable et uniforme » pour faire référence à « équitable », suffit certainement pour permettre l'application du principe du pollueur-payeur, qui, évidemment, se retrouve ailleurs dans le même article portant sur la définition et ailleurs dans le projet de loi.
Ce que je crois, connaissant la grande préoccupation de M. Bigras pour protéger les droits provinciaux et en particulier pour faire de son mieux pour tirer le maximum d'une mauvaise loi pour la province de Québec, c'est que l'amendement de M. Bigras est lié directement à la question du « fédéralisme asymétrique », pour utiliser une expression, c'est-à-dire que cette loi pourrait s'appliquer différemment dans une province qu'elle pourrait le faire dans une autre. Il s'agit certainement de quelque chose qui change la teneur du projet de loi. Il est certain que mes observations concernant les effets de cette loi, comme nous en avons parlé dans le débat, sur la répartition des pouvoirs entre les provinces et le gouvernement fédéral étaient toutes fondées sur les principes que nous voyons ici, selon lesquels ces fardeaux doivent être partagés également par toutes les provinces.
Alors, me faire dire maintenant que ces arguments que j'ai présentés à ce moment-là ne s'appliquent plus, parce que nous allons incorporer la notion de fédéralisme asymétrique en supprimant l'allusion à un partage uniforme des avantages environnementaux, il est certain que cela enlève toute pertinence à une bonne partie de notre débat sur les effets de cette loi sur les gouvernements provinciaux.
Alors, je crois qu'il s'agit d'un amendement qui entraîne un changement de fond et d'un amendement qui n'est pas lié à un amendement précédent dans la loi. En fait, je crois qu'il dépasse la portée du projet de loi qui nous a été renvoyé par la Chambre et qui, de fait, ne contenait aucune allusion au fédéralisme asymétrique ni aucune allusion au fait que les fardeaux ne soient pas partagés de manière à la fois équitable et uniforme.
Pour ces raisons, je vous demande de déclarer cet amendement irrecevable.
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Je comprends ce que nous a expliqué M. Woodworth. Il souhaiterait que le fardeau environnemental, soit les coûts environnementaux par exemple d'une industrie particulièrement polluante, puissent être répartis uniformément parmi tous les Canadiens.
Cependant, dans la réalité, quand un secteur industriel est présent ou qu'une province fait des choix stratégiques, on ne peut pas, sous prétexte de justice environnementale, vouloir répartir les coûts de ses choix à l'ensemble des provinces et des Canadiens. À un moment donné, un principe doit s'appliquer. Lorsqu'on fait des choix économiques, il faut également tenir compte de leurs conséquences et de leurs coûts.
Comme je le lis, le fardeau est clair. Le principe de justice environnementale est le « principe selon lequel les avantages et fardeaux pour l'environnement doivent être partagés de manière équitable et uniforme entre les Canadiens. »
Si c'était le cas, cela voudrait dire que les gens de Terre-Neuve devraient payer pour les dégâts et les coûts environnementaux engendrés par l'exploitation des sables bitumineux. C'est une chose qu'il y ait une équité. Cependant, l'uniformité du fardeau va à l'encontre d'un principe fondamental reconnu, soit le principe du pollueur-payeur. Si à Terre-Neuve les gens veulent payer les coûts environnementaux engendrés par l'exploitation des sables bitumineux dans l'Ouest, c'est leur choix, mais ce n'est certainement pas celui du Québec.
Nous ne croyons pas que ce principe de justice environnementale doive tenir compte de l'uniformité du fardeau.
Je pense que les observations de Mme Murray sont sensées, mais je pense que cela indique simplement qu'il y a peut-être un problème touchant la traduction du document. Il me serait utile, peut-être, de savoir s'il y a une traduction plus juste du mot consistent que le mot « uniforme », et qui rendrait l'idée que Mme Murray vient d'exprimer. Je pense que la difficulté — pour continuer dans la même veine que Mme Murray —, c'est que si on largue la notion de consistency, on ouvre la porte à l'inconsistency dans l'application des principes, pour paraphraser un peu ce qu'a dit Mme Murray.
Ce serait dommage; même si le mot consistency ne signifie pas nécessairement uniformity, il signifie que nous traitons les gens équitablement, alors, il serait dommage de perdre ce mot. En fait, pendant que nous parlons, je me demande si le mot equitable ne serait pas un meilleur choix que le mot consistent. Quoi qu'il en soit, il serait dommage de perdre ce principe dans cet article du projet de loi.
C'est ce que j'avais à dire.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je ne propose pas de contester votre décision, mais je désire préciser les répercussions de cet amendement.
Je ne peux pas dire où exactement, mais je suis certain qu'ailleurs dans ce projet de loi nous avons modifié le... en fait, je pense que c'était l'article 28 de la Déclaration canadienne des droits, pour inclure le droit à un environnement sain et écologiquement équilibré.
Je pense qu'ailleurs, nous avons fait référence à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Nous allons essayer d'examiner cet article dans le préambule — Mme Murray connaît bien le projet de loi. Voilà, nous y sommes. Nous disons que le fait de mettre en danger la vie, la liberté et la sécurité de la personne enfreint l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Maintenant, ceux d'entre vous qui ont eu à traiter avec la loi sur les réfugiés savent que la Cour suprême du Canada a étendu la protection conférée par la Charte aux personnes qui ne sont pas des résidents permanents. En d'autres mots, si vous venez au Canada à titre de réfugié et que vous êtes sujet à des décisions judiciaires ou gouvernementales, la Cour suprême du Canada, il y a une dizaine d'années — je ne me souviens pas du nom de l'affaire — a jugé que de telles personnes devraient se voir accorder la protection conférée par la Charte canadienne des droits et libertés.
Ce que nous faisons avec cet amendement, c'est dire que ces personnes, en lien avec le projet de loi, sont reléguées à un statut de second rang. Elles ne seront pas en mesure de jouir des protections conférées par cette soi-disant charte des droits environnementaux. C'est un peu incongru, à mon avis. Cela ajoute certainement une couche additionnelle de complexité à la loi canadienne concernant les droits. Un demandeur d'asile qu'il n'a pas encore reçu son statut de résident permanent aura droit à la protection conférée par la Charte canadienne des droits et libertés, mais pas à la protection conférée par la Charte canadienne des droits environnementaux.
Je ne suis pas certain de ce qui arrivera en ce qui concerne l'amendement que nous avons apporté à la Déclaration canadienne des droits. Je dois supposer que ces personnes ne seront pas en mesure de profiter de cet amendement à la Déclaration canadienne des droits, que nous avons adopté en vertu de la présente loi, étant donné que nous redéfinissons maintenant la portée de cette loi pour qu'elle s'applique à un groupe limité de résidents et non à tous les résidents.
Encore une fois, nous nous retrouvons, à mon avis, dans une zone de rédaction législative hautement douteuse.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Mon collègue vient de faire valoir le point que je voulais moi-même faire valoir.
Comme vous savez, la définition que nous retrouvons ici de « résident du Canada » est conforme à un article qui est prescrit: le paragraphe 2(1) de la loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Si cette loi devait changer ou si l'article de cette loi qui définit « résident du Canada » devait changer, alors, nous aurions un conflit. Je pense qu'il est préférable de faire référence à une définition sans faire référence à un paragraphe ou à un article particulier dans un autre projet de loi, parce que cela crée des cauchemars du point de vue administratif.
Nonobstant cela, nous sommes tous pleinement conscients de certains des problèmes liés aux lois sur les réfugiés et l'immigration et à la loi que nous avons ici. En particulier, j'aimerais parler de l'arrêt Singh, je crois, en 1985, qui essentiellement affirme que toute personne qui met le pied à l'intérieur des frontières du Canada se voit accorder les droits d'un citoyen canadien et les droits liés à l'application régulière de la loi dont jouissent tous les citoyens canadiens.
Dans ce cas, mon collègue, M. Woodworth, a absolument raison. Cet amendement législatif proposé serait différent dans cette perspective et, à mon avis, ne résisterait pas à une contestation fondée sur la Charte. En vertu du précédent établi dans l'arrêt Singh, cela se résumerait à insérer une mauvaise disposition dans un projet de loi encore plus mauvais.
J'aimerais dire deux choses.
Je vais répondre à la question de mon collègue dans un instant. Premièrement, j'ai omis de dire plus tôt que le fait de modifier et de restreindre la définition de « résident » ne préviendra aucunement les problèmes liés à la question de savoir qui pourra faire une demande en vertu de ce projet de loi, du fait qu'il n'est pas nécessaire pour une « entité », qui est le point qui pose problème, d'être un résident du Canada.
C'est le point que j'ai essayé de faire valoir de façon répétée tout au long du débat. Il n'y a rien dans le projet de loi qui exige des entités qu'elles soient des résidents du Canada, alors, cet amendement ne réglera pas ce problème et il ne fera rien pour empêcher des agents étrangers, des groupes de l'extérieur du pays qui ouvrent un bureau au Canada, de jouir des droits qui sont garantis aux entités en vertu de ce projet de loi.
En ce qui concerne la question de M. Scarpaleggia, je veux d'abord faire un avertissement: je ne prétends pas être un spécialiste de ce domaine particulier du droit. Ceci dit, je pense que la réponse à sa question est assez simple. Les droits que nous garantissons aux demandeurs d'asile — c'est-à-dire les gens dont le cas n'a pas encore été tranché — sont les droits prévus en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, ceux que nous considérons fondamentaux pour la protection des individus.
Je suppose qu'avant que nous ayons cette discussion, je supposais que le titre de ce projet de loi, et les références quasi constitutionnelle qu'il contient, signifiaient que ce projet de loi vise à donner des droits environnementaux d'une manière très fondamentale aux gens. Il était, en ce sens, semblable à la Charte canadienne des droits et libertés. Mais maintenant, si cet amendement est adopté, évidemment, nous devrons dire que ce projet de loi n'est pas vraiment une déclaration des droits, qu'il ne protège rien qui soit à ce point fondamental qu'on ne doive pas en priver quelqu'un qui vit dans ce pays. Au contraire, il ne protège que des droits accessoires qui ne sont pas vraiment si importants que cela et qui, par conséquent, ne doivent pas être accordés à des gens qui ne sont ni des citoyens ni des résidents permanents.
Pour moi, c'était un changement de fond touchant la portée du projet de loi. Mais si la collègue qui propose ce projet de loi nous dit qu'il ne s'agit pas vraiment d'une déclaration des droits, que ce projet de loi ne protège pas vraiment quelque chose qui est fondamental, alors, je suppose que cela nous en dit long sur ses intentions.
Je suis désolé; laissez-moi modifier cela. Je ne veux pas faire de commentaire sur ses intentions.
Cela nous en dit long sur le projet de loi qu'elle propose.
Merci.
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Monsieur le président, à moins que j'aie une surprise totale à la fin de l'étude et que les membres conservateurs de ce comité votent tous en faveur de ce projet de loi, ce qui m'abasourdirait, je dois dire que je trouve l'argument plutôt intéressant.
Évidemment, ce projet de loi ne modifie pas la Charte. Il s'agit d'un document constitutionnel qui a préséance sur un ce projet de loi, comme il a préséance sur toute loi. Alors, évidemment, quelqu'un qui estimerait ne pas se voir accorder les droits appropriés pourrait contester le projet de loi.
Je croyais que M. Bigras tentait d'en arriver à un compromis raisonnable dans la discussion portant sur la crainte qui a été soulevée, particulièrement par les députés d'en face, au sujet des étrangers qui viendraient ici pour fermer des entreprises. Et il y a beaucoup d'exemples touchant le Québec, pour une raison inconnue.
Je pense que M. Bigras a essayé de trouver un compromis raisonnable. Il a encore l'occasion d'y réfléchir, comme nous tous. Évidemment, ma préférence serait de tout inclure, mais je veux également respecter les amendements proposés par ceux qui siègent à cette table. Cela précise qui seront les résidents, et je pense que c'est une proposition assez raisonnable — à moins que quelqu'un ait un amendement à proposer.
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Merci, monsieur le président.
Les définitions contenues dans l'article 2 posent diverses difficultés. Nous avons parlé de certaines d'entre elles en lien avec des articles particuliers du projet de loi. Je vais essayer de les énumérer et de les mettre en évidence, parce que, dans un certain sens, elles mettent en relief les faiblesses de ce projet de loi et s'entrelacent tout au long du projet de loi.
La première difficulté est liée à la définition d'entité, qui désigne essentiellement tout groupe qui « est autorisé à exercer des activités au Canada ou qui y a un bureau ou y possède des biens ». Une entité n'a pas besoin d'être un résident, n'a pas besoin d'avoir un lien quelconque avec la règle ou l'entreprise qui est contestée devant les tribunaux ou autrement, et n'a même pas besoin d'avoir un bureau permanent au Canada. Il suffit simplement d'être un groupe qui ouvre un bureau.
La question du territoire domanial a maintenant été modifiée pour qu'il soit absolument clair qu'il comprend les terres autochtones et une définition de « terres autochtones » a été ajoutée. Bien que je ne prétende pas être un avocat spécialisé en droit constitutionnel, il me semble avoir entendu à maintes et maintes reprises au comité qu'au moins, lorsqu'on légifère sur les droits des Autochtones, la Constitution exige que l'on consulte d'abord les groupes autochtones.
Il est plutôt remarquable que dans de si nombreuses questions environnementales — en fait, je pense, dans les deux années et demie depuis que je siège au comité de l'environnement, dans tous les cas, lorsque nous avons étudié des lois environnementales —, nous ayons invité et entendu des groupes autochtones, sauf dans un cas: c'est-à-dire dans le cas du présent projet de loi. Nous n'avons pas entendu de groupes autochtones au sujet de ce projet de loi et pourtant, d'autres témoins nous ont dit l'impact énorme que ce projet de loi aura. La marraine de ce projet de loi a certainement exprimé dans ce projet de loi l'idée qu'il devrait avoir un impact important sur la suite des choses; et pourtant, nous n'avons pas entendu le témoignage des groupes autochtones en lien avec ce projet de loi.
La définition de « source d'origine fédérale » et d'« entreprises fédérales », malgré les amendements entraînant un changement de fond qui ont été adoptés aujourd'hui, comprennent des questions qui auront des répercussions sur les entreprises provinciales. C'est-à-dire que ces définitions continueront de s'appliquer dans des domaines de compétence partagée, partout où le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial ont une compétence environnementale partagée. Elles continueront également de s'appliquer à des entreprises provinciales comme l'Autoroute 407, dont j'ai parlé au cours du débat et qui est proposé par le gouvernement de l'Ontario dans le but d'atténuer les problèmes de transport dans l'est de l'Ontario, en raison de ses répercussions sur des questions environnementales réglementées par le gouvernement fédéral, qu'il s'agisse de questions faisant intervenir des espèces à risque ou des voies navigables, des questions de pêche ou, effectivement, la compétence qui est établie en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
J'ai fait de mon mieux pour souligner que cette disposition aura des effets semblables pour les entreprises dans la province de Québec, parce que je veux que les gens du Québec sachent quels dangers fait courir aux travaux hydroélectriques, en particulier, qui sont si importants pour la province de Québec, un projet de loi fédéral qui aura pour effet de placer les décisions concernant les questions environnementales entre les mains des juges et des parties à un litige.
Ensuite, la définition d’un « environnement sain et écologiquement équilibré » en est une qui comporte des difficultés d’interprétation. Nous n’avons pas beaucoup parlé de la façon dont les tribunaux interpréteront cet article. On se demande si d’autres lois du Parlement contiennent l’expression « dignité culturelle ». Personnellement, je ne la connais pas et je ne pense pas avoir entendu de témoignage à l’effet qu’une autre loi la contienne.
Je crois que l’un de mes collègues a souligné que dans la définition de « environnement sain et écologiquement équilibré », on fait référence aux « processus écologiques essentiels ». Cela nous amène à nous poser la question suivante: qu’est-ce qu’un processus écologique non essentiel et qu'entendons-nous exactement par « processus écologiques essentiels »?
Bien entendu, ce que nous faisons ici, c’est déléguer la prise de décisions et permettre aux tribunaux de colmater les brèches de la loi. En effet, nous manquons à notre responsabilité de législateurs d’établir des mesures législatives avec l'assurance que tous les citoyens et tous les résidants peuvent les comprendre.
Il y a d’autres problèmes du même ordre. Par exemple, le principe de prudence s’éloigne de certaines définitions très bien reconnues du principe de prudence contenues dans la déclaration de Rio, qui font référence à des mesures effectives. En retirant l’expression clé « effectives », nous ouvrons la porte toute grande, si l’on veut, à des mesures préventives contre le développement, ce qui mettra sans doute un frein aux projets de développement, car on ne fera pas du tout référence à des mesures effectives. Tout montant sera toujours insuffisant par rapport aux préjudices auxquels on fait référence.
En vertu du principe de la justice environnementale, nous avons vu aujourd'hui que nous procédons d'une manière qui permettra une application asymétrique de la loi au pays, et nous l'avons fait en discutant peu ou en ne discutant pas du tout des répercussions.
Nous n'avons plus de temps, n'est-ce pas?
Hier, nous avons tenu un débat intéressant à la Chambre, pendant lequel les membres du NPD ont fait valoir que recourir à la clôture est fondamentalement non démocratique. En Chambre, je les ai invités à parler à leur collègue qui fait partie de notre comité en vue de rouvrir le débat sur la question de la clôture que les députés de l'opposition ont imposée à ce débat.
Monsieur le président, je me trouve dans une position où M. Scarpaleggia me pose une question tout à fait raisonnable. Non seulement elle est tout à fait raisonnable, mais elle est très importante et la réponse doit être entendue par le comité. Toutefois, étant donné la règle de clôture que les députés de l'opposition ont imposée à ce débat, je ne peux pas répondre à sa question.
Il est vraiment trop tard pour avoir une discussion valable sur le reste du projet de loi. Cependant, monsieur le président, je me demande si à tout le moins vous pourriez décider que l'on puisse m'accorder du temps pour répondre à la question de M. Scarpaleggia puisqu'il m'a posé cette question tout à fait raisonnable en s'adressant à vous, et qu'elle porte sur un enjeu très important.
Monsieur le président, je veux seulement ajouter tout d'abord que je ne considère aucunement comme un vote sur la clôture un vote que tient notre comité sur le temps que nous allons allouer à la question que nous examinons. J'ai trouvé que faire référence à la clôture des débats pour parler de notre vote sur les nombreuses questions qui sont devant nous et de la façon dont nous pourrions résoudre cela et aller de l'avant... Honnêtement, il fallait que je le dise. Je ne vois pas du tout la ressemblance.
Nous avons tous eu l'occasion de voter à ce sujet: la majorité a voté pour que très bientôt, aujourd'hui, je l'espère, nous passions à d'autres questions.
Je veux seulement parler de l'argument selon lequel le projet de loi ouvre la porte en quelque sorte à des révisions judiciaires qui n'ont jamais existé, qui n'existeraient pas autrement, ce qui, bien entendu, est absurde, honnêtement. D'innombrables causes sont portées devant les tribunaux, d'innombrables décisions donnent la qualité pour agir et statuent dans bien des cas que le gouvernement doit refaire ses devoirs. Les révisions judiciaires sont pratiques courantes au pays. Les tribunaux sont présentement saisis de causes sur l'interprétation des responsabilités. Dans certains cas, les lois fédérales imposent des obligations impératives — par exemple, la Loi sur les espèces en péril —, et il y a une longue liste de causes.
L'objectif n'est pas que la loi soit coulée dans le béton. D'après mon expérience, la plupart des amendements qui sont mis de l'avant le sont à la demande d'exploitants et de propriétaires d'installations. Les permis et les autorisations sont révisés de façon régulière. En fait, la loi donne la possibilité aux promoteurs, aux exploitants et aux propriétaires de demander une révision des autorisations d'exploitation.
Comme M. Scarpaleggia l'a dit, la loi contient des dispositions. Par exemple, la Loi sur les pêches interdit totalement qu'on nuise aux poissons, à l'habitat des poissons et à l'utilisation du poisson par l'homme, ce que le gouvernement peut modifier. On constate avec consternation depuis presque que 40 ans que le gouvernement n'utilise pas ces outils pour préciser ce que cela veut dire et offrir des certitudes. En fait, c'est le contraire: en général, il y a des répercussions sur les collectivités et ce sont elles qui demandent des précisions au sujet des règlements et des autorisations.
Il y a donc deux facettes. Je crois que le public veut autant de certitudes juridiques que l'exploitant d'une installation. Toutefois, le gouvernement réexamine lui-même les normes — par exemple, celles sur le contrôle des émissions de gaz à effet de serre — et a annoncé qu'il y aurait bientôt des règlements. Il examine de façon régulière les règlements sur les toxines et ajoute de nouvelles substances à la liste de toxines réglementées. Donc, bien sûr, l'industrie est menacée, mais le gouvernement a l'habitude d'être raisonnable et de publier des avis, de donner l'occasion à toutes les parties de faire valoir leur point de vue.
L'objectif du projet de loi, c'est qu'en fait, beaucoup de collectivités touchées ne sont pas heureuses que des délibérations aient lieu derrière des portes closes entre deux paliers de gouvernement. Elles aimeraient faire valoir leur point de vue. Elles aimeraient qu'on tienne compte de leurs droits et de leurs intérêts. M. Sopuck avait soulevé la question des collectivités rurales. Depuis 40 ans, je travaille avec les collectivités rurales, les gouvernements des Premières nations et des Métis, qui sont préoccupés et qui vont régulièrement devant les tribunaux parce qu'ils sentent qu'ils ne sont pas consultés.
Je veux également ajouter qu'en fait, nous avons tenté de faire participer les Premières nations. On a communiqué avec l'Assemblée des Premières Nations et elle a choisi, pour une raison ou une autre — peut-être que c'était une question de temps... Et j'ai moi-même communiqué avec un certain nombre de Premières nations.
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Merci, monsieur le président.
Je comprends l'inquiétude de M. Woodworth en ce qui concerne la portée du projet de loi et particulièrement à l'égard de la révision judiciaire.
Il faut se rappeler qu'on craignait aussi, au départ, l'absence de balises dans ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle — et vous me direz si je suis dans l'erreur — M. Woodworth éprouvait des craintes face à l'article 16 du projet de loi.
Si je ne me trompe pas, le comité a adopté l'amendement BQ-6 qui prévoyait qu'on élimine le paragraphe 4 de l'article 16, qui dit ceci: « Ne constitue pas un moyen de défense dans une action en protection de l'environnement intentée en vertu du paragraphe (1) [de l'article 16] le fait que le gouvernement du Canada est habilité à autoriser un acte qui peut causer un préjudice environnemental grave. »
Si je ne me trompe pas, l'amendement BQ-6 a été adopté, monsieur le président.
Donc, il me semble que cela devrait être un argument de poids pour donner à M. Woodworth une certaine garantie à l'égard de la portée du projet de loi. Je pense qu'on s'est donné les balises nécessaires dans ce projet de loi pour qu'il puisse faire son chemin — en tous les cas, je l'espère — jusqu'à la Chambre des communes et jusqu'à l'étape du rapport.
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Je suis d'accord avec le raisonnement de Mme Duncan selon lequel son amendement serait irrecevable, quoique je regrette que, dans l'ensemble, y compris le préambule, le projet de loi ne consacre pas le principe du développement durable, comme c'est le cas ailleurs dans la loi fédérale.
Le projet de loi mentionne le développement durable, mais ne précise pas vraiment ce que l'on veut dire par « développement durable » afin de prendre en compte les facteurs et les besoins de nature sociale et économique comme il se doit. La définition renvoie seulement au développement qui satisfait aux besoins actuels et n'est pas conforme à la formulation habituelle.
Je pense que le témoin de la chambre de commerce avait raison de dire que ce qui devrait vraiment être inclus dans le préambule du projet de loi — c'est une paraphrase —, c'est qu'on pourra maintenant contourner, au moyen de poursuites devant les tribunaux, des années d'élaboration de contrôles environnementaux, législatifs et réglementaires.
Même le retrait du paragraphe 16(4) n'empêchera pas cela de se produire. Du moment que nous permettons le recours aux poursuites judiciaires, les tribunaux vont simplement appliquer la même disposition que celle qui était dans le paragraphe 16(4). Je suis du même avis que Mme Duncan sur ce point. Permettre ces nouvelles poursuites judiciaires va augmenter considérablement les pouvoirs des tribunaux et réduire significativement le pouvoir du Parlement de s'occuper de ces questions. Cela va créer de l'incertitude pour les promoteurs, ce qui ne peut qu'avoir un effet néfaste.
Il n'y a aucun motif sérieux qui le justifie. On nous a dit plusieurs fois qu'en réalité, le projet de loi ne change rien à ce qui se fait déjà. Je dis que si tel est le cas, pourquoi insistons-nous pour l'adopter et créer une telle incertitude?
Voilà mes commentaires sur le préambule. Merci.
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Demander aux juges de déterminer ce qu'est un environnement sain et écologiquement équilibré sera extrêmement difficile, parce que le concept lui-même est plutôt dépourvu de signification. L'équilibre de la nature, cela n'existe pas.
La rivière des Outaouais, qui traverse cette ville, est-elle équilibrée, ou non? Il y a des barrages; il y a de l'activité humaine de toute sorte sur ses rives. De toute évidence, l'équilibre est relatif.
Cela complique les choses de ne pas définir — tout simplement parce qu'il ne peut pas l'être — l'objectif, le fondement du projet de loi, c'est-à-dire le droit à un environnement sain et équilibré.
Je vais réitérer et défendre l'argument suivant: ce sont les collectivités rurales qui seront les plus touchées. Je rappellerais à Mme Duncan qu'elle ne représente pas une circonscription rurale, mais moi, oui. Mes électeurs travaillent dans le domaine de l'exploitation forestière, l'exploitation minière, l'agriculture, le piégeage et la foresterie. Quand on se penche sur les questions environnementales au pays et les luttes écologiques, on constate que les cibles de l'activisme écologique, à peu d'exceptions près, sont les industries rurales liées aux ressources naturelles. Ce sont les collectivités rurales qui seront les plus touchées par le projet de loi, et je le maintiens.
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Merci, monsieur le président.
Je voulais résumer mon opposition au projet de loi.
L'analyse du projet de loi faite par Osler indiquait qu'il « empiète sur le champ de compétence des provinces en matière d'environnement », « ne permet pas aux piliers sociaux, économiques et environnementaux de s'équilibrer de façon appropriée », dédouble certains aspects de lois existantes et élimine de nombreuses mesures de protection.
Les témoins nous ont dit que ce n'était pas une bonne politique pour le Canada. Ils étaient d'avis que le projet de loi était fondamentalement mal conçu et qu'il ne pouvait pas être transformé en une bonne politique.
La Chambre de commerce du Canada a dit que le manque de clarté juridique allait nuire aux investissements, qu'une condition fondamentale au développement économique, à la création de la richesse et à la croissance économique est... Elle a dit que le projet de loi avait échoué au test d'un bon projet de loi et qu'elle ne l'appuierait pas.
On nous a dit qu'il n'y a eu aucune consultation des peuples autochtones sur cette question. On nous dit maintenant que le projet de loi crée des classes de personnes auxquelles il s'appliquera; il restreint le pouvoir discrétionnaire des tribunaux; il va à l'encontre du développement durable; il crée un système de règlement des litiges à l'américaine; il cause des dédoublements, des pertes d'emplois et crée des lourdeurs administratives.
Donc, il n'est pas bon pour les Canadiens. Il n'est pas bon pour l'environnement. Il est bon pour les groupes d'intérêt.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais simplement dire qu'au Canada, le contrat social est très clair. L'exploitation des ressources, pour le bien commun, la création d'emplois et la création de la richesse, est importante. Mais le contrat inclut aussi la protection d'un environnement de plus en plus sain et écologiquement équilibré.
Il y a 50 ans, dans les collectivités riveraines du Fraser, il était normal de remplir des camions d'ordures qu'on déversait ensuite dans le fleuve pour s'en débarrasser. Nous n'agissons plus ainsi. C'est une autre étape de l'acceptation du contrat social. Nous pouvons exploiter les ressources et avoir une incidence sur notre environnement, mais nous devons le faire de manière soigneusement équilibrée afin de profiter d'un environnement sain et durable.
Il s'agit d'une importante affirmation du contrat social du Canada qui donne au public une meilleure idée de l'implication, de la participation, des responsabilités et des droits liés à l'environnement et des répercussions sur l'environnement. D'après mon expérience, pour avoir travaillé près de trois ans en Colombie-Britannique avec des groupes du domaine de la pêche et de la préservation de la faune, de façon très constructive et directe, c'est que des dizaines de milliers d'habitants des collectivités rurales de la Colombie-Britannique — et je sais que c'est la même chose partout au Canada — ont considérablement investi dans la conservation de l'habitat faunique et des aires de nature sauvage ainsi que dans le maintien de la capacité de l'environnement de permettre exactement ce dont parlent les députés d'en face, soit la chasse, le piégeage, la pêche, les excursions en milieu sauvage, etc. Ce sont les mêmes personnes qui pourront participer activement et seront habilitées à s'assurer que le contrat social est mis en oeuvre au Canada de façon équilibrée et efficace.
En conséquence, j'appuie le projet de loi, que je considère comme l'expression de notre acceptation du besoin d'avoir un environnement équilibré et écologiquement sain pour tous les Canadiens.
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Je trouve intéressant que tout ce que nous entendons de la part des gens d'en face, c'est que le projet de loi ne parle que de poursuites judiciaires, de se retrouver devant les tribunaux. La fois où, malheureusement, je suis arrivée quelques minutes en retard, les députés conservateurs du comité ont rejeté l'article 12. Nous ne faisions que donner aux résidents du Canada, aux Canadiens, le droit de participer. En réalité, cela aurait contraint le gouvernement à assurer aux Canadiens la possibilité de participer de façon efficace, informée et en temps opportun aux prises de décision liées aux politiques et à l'élaboration des lois.
À mon avis, il s'agit d'une des parties les plus importantes du projet de loi. L'idée, c'est que les collectivités ont été frustrées d'avoir été écartées des premières étapes du processus de décision et ont trop souvent été ensuite forcées d'avoir recours aux tribunaux pour essayer de réparer une erreur qui aurait probablement pu être évitée si seulement elles avaient pu être à la table pour pouvoir discuter d'une solution de rechange.
Il y a de bons exemples de mécanismes dans la province d'où je viens, l'Alberta, qui ont été mises en place par l'ancien premier ministre Ralph Klein: la Clean Air Strategic Alliance, une table ronde sur la prise de décision en matière de gestion de la pollution de l'air, suivie plus tard par l'Alberta Water Council, une table ronde sur l'eau. C'est exactement le genre de mécanisme qui serait vraiment utile au niveau fédéral. Cette disposition aurait permis d'innover et de revenir à ce genre de processus auquel, en toute franchise, on a déjà eu recours au fédéral et qui est maintenant disparu.
Donc oui, monsieur Sopuck, j'en conviens, avoir de nobles sentiments n'est pas suffisant. Le public veut avoir le droit d'être à la table, à un stade avancé du processus de prise de décision sur les développements qui relèvent en tout ou en partie du gouvernement fédéral. Il veut avoir l'occasion de faire entendre sa voix, peu importe s'il est pour ou contre un projet ou s'il veut simplement recommander un autre site ou d'autres conditions relatives au développement. Même si à l'époque on avait pris une décision en tenant compte des intérêts de toutes les parties, il est tout de même possible qu'on ait mal tenu compte d'un aspect, que quelque chose ait été oublié.
Il y a eu une multitude de cas de collectivités et de Premières nations qui sont allées devant les tribunaux et qui ont gagné leur cause, disant que le gouvernement n'avait pas satisfait à ses obligations en vertu de la Loi sur les évaluations environnementales, de la Loi sur les espèces en péril ou de la Loi sur la protection de l'environnement. Les tribunaux ont dit que le gouvernement doit faire marche arrière, étudier la question à nouveau et assumer ses responsabilités.
Voilà l'objectif fondamental du projet de loi: s'occuper du travail préparatoire et laisser les personnes concernées avoir un siège à la table des négociations. Permettre à leur voix de se faire entendre afin de tenir compte de l'autre côté de la médaille. Donc, si nous croyons vraiment à l'équilibre entre la protection de l'environnement et le développement économique, nous devons nous assurer que nous avons mis en place tous les mécanismes pour permettre à tous de se faire entendre et donner leur avis. C'est seulement si cela échoue complètement que les gens devront malheureusement avoir recours aux tribunaux.
Je crois au partage des responsabilités entre le gouvernement et les tribunaux. C'est le fondement de la démocratie. Les personnes nommées à la magistrature ont tout mon respect. J'ai le plus profond respect pour les décisions mûrement pesées et judicieuses qu'ils prennent au nom des citoyens du Canada.
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Merci, monsieur le président.
Je voulais simplement répondre au commentaire de M. Scarpaleggia selon lequel une « bonne politique environnementale est également une bonne politique économique. » J'approuve ce principe. Le concept qu'il a fait ressortir dans son exemple portait sur les mines et les bassins de résidus créés au cours de l'exploration minérale.
S'il proposait au comité une motion visant à faire des recommandations au gouvernement afin d'atténuer certaines des inquiétudes soulevées, soit dans le cadre de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement ou de la Loi sur les pêches, je m'en féliciterais. S'il envisageait de proposer des modifications législatives afin d'atténuer ces facteurs ou l'adoption de nouveaux règlements ainsi que tout autre investissement que le gouvernement du Canada pourrait faire pour assainir notre environnement, je serais d'accord avec M. Scarpaleggia.
Là où le bât blesse, c'est que M. Scarpaleggia part du principe qu'une bonne loi environnementale est également une bonne loi économique. Or, je ne suis pas d'accord avec le fait que ce soit une bonne loi environnementale. Par conséquent, ce ne sera pas une bonne loi économique, et c'est de ce principe que nous partons de ce côté-ci à partir des témoignages que nous avons entendus.
Nous nous soucions tous ici de la santé et de la qualité de notre environnement. Cela va sans dire. Je ne crois pas que cette loi va nous permettre d'atteindre le noble objectif que M. Scarpaleggia s'est fixé et je serais enchanté de collaborer avec lui de manière constructive pour répondre à certaines de ces préoccupations, parce que ce sont celles de la majorité des Canadiens.
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Merci de votre question qui est pertinente, monsieur le président.
Je ne peux pas en préjuger l'issue car je ne crois pas qu'on présenterait une affaire aussi simple que celle-là. Il faudrait quand même que l'organisation présente l'affaire et fasse valoir ses arguments, ainsi que les solutions spécifiques qu'elle souhaite. L'affaire devrait en outre relever de la compétence du tribunal et ne pas dépasser les limites des remèdes prévus. Ce sont en effet les gouvernements provinciaux qui autorisent ces opérations, les forêts appartenant aux provinces. Il ne serait donc pas du ressort du gouvernement fédéral de mettre fin à ces opérations, sauf s'il y avait déjà une loi fédérale stipulant la prise d'une telle mesure dans les cas par exemple où il s'agirait de sauver le dernier oiseau de la forêt boréale ou le dernier caribou des bois. Il se pourrait aussi que l'organisation fasse la poursuite en faisant valoir qu'aux termes de la Loi canadienne d'évaluation environnementale, il aurait dû y avoir une évaluation des effets cumulatifs.
Il faudrait voir les raisons pour lesquelles l'organisation a porté l'affaire devant les tribunaux et ce qui s'ensuivrait. Dans ce cas, il se pourrait bien... Je pense que la première chose qu'elle ferait serait sans doute de demander une révision judiciaire. Et je base mon opinion sur la majorité des affaires de la sorte qui ont été présentées au Canada. Dans la grande majorité de ces affaires, il s'agissait tout simplement d'une révision judiciaire demandée par des Premières nations, des organismes environnementaux, des associations communautaires, des associations de chasse et de pêche, des organisations vouées à la nature, ou d'autres instances pour obliger le gouvernement à s'acquitter de ses responsabilités. L'organisation demanderait donc que le tribunal interprète la loi et que le gouvernement se conforme à l'interprétation, si cette dernière a été jugée correcte par le tribunal.
Tout dépendrait de l'ampleur de l'affaire. Je ne peux donc pas me prononcer sur le verdict. Je ne pense pas que le tribunal imposerait une obligation s'il ne croyait d'emblée qu'elle se situe dans les limites de la loi établie. Je ne le crois pas, mais alors je ne sais pas ce qui se passerait. Il faut envisager... Rappelez-vous que cette loi s'inscrit uniquement dans les champs de compétences du gouvernement fédéral. Il est plus probable que... Je ne peux pas imaginer quelle sorte de mesure serait prise.
D'après mon expérience, je dirais que les poursuites seraient limitées. Il faut tout d'abord trouver un avocat qui est prêt à porter l'affaire devant les tribunaux. Et je sais qu'il est difficile de les en convaincre. Les organisations telles qu'Ecojustice préfèrent porter des affaires dans lesquelles elles sont sûres de gagner. Ces affaires sont par ailleurs coûteuses à préparer et à monter. Je ne peux donc pas dire précisément ce qui se passerait dans ce genre de cas. Quelqu'un pourrait bien s'en charger, mais d'après mon expérience, je n'arrive pas à imaginer que quelqu'un puisse s'atteler à une affaire d'aussi large portée.
Il faudrait faire appel à un avocat expérimenté qui comprend bien les contraintes des compétences fédérales et les limites imposées par les tribunaux. Comme je l'ai déjà dit, je pense que la partie la plus importante de ce projet de loi est son début. C'est avec un profond regret que j'ai vu cette disposition invalidée.
Il n'y a pas d'autres mains levées. Il ne reste plus de temps pour les conservateurs.
M. Mark Warawa: Comment cela est-il arrivé?
Le président: On va procéder. Le préambule est-il adopté?
(Le préambule est adopté par 6 voix contre 5.)
Le président: Nous en sommes à l'article 1, le titre abrégé. Y a-t-il des commentaires?
(L'article 1 est adoptée par 6 voix contre 5.)
Le président: Y a-t-il des commentaires à propos de la page de titre?
(Le titre est adopté par 6 voix contre 5.)
Le président: Nous passons au projet de loi amendé. Y a-t-il des commentaires?
Monsieur Woodworth.
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Merci, monsieur le président.
Je voudrais essayer de mettre toutes nos discussions en perspective.
Le projet de loi n'a pas fait vraiment l'objet d'un large consensus, mais j'espère qu'il y en aura un. Le projet de loi est très révolutionnaire, il permet de nouveaux procès et introduit de nouveaux concepts, par exemple la notion d'équité intergénérationnelle, le principe de justice environnementale, et même, d'une certaine manière, celui de la confiance du public, même si cela n'est pas entièrement nouveau. Il offre enfin un angle différent de la législation précédente.
Ce sera donc une nouvelle façon révolutionnaire d'appliquer la politique environnementale au Canada. Et je ne dis pas cela pour faire des compliments à la marraine du projet de loi, mais simplement — bon sang — pour souligner le fait que nous adoptons la première modification de fond à la Déclaration canadienne des droits. Après 50 ans, pendant lesquels cette loi emblématique a été une référence au Canada, ce projet de loi va y intégrer une modification de fond. J'espère donc que nous pouvons tous convenir qu'il s'agit d'un changement révolutionnaire de la loi canadienne et de la politique environnementale.
[Français]
Certaines personnes disent bravo.
[Traduction]
Pourquoi faisons-nous cela? Quel est notre but? Quel besoin cherchons-nous à satisfaire par cette refonte révolutionnaire du droit et des politiques en matière d'environnement? Mme Duncan a déclaré que les examens judiciaires existent déjà. En un sens, elle a raison, mais elle oublie aussi ce que le projet de loi leur apporte.
Certes, l'examen judiciaire existe déjà, mais on y procède de façon équilibrée, en l'assortissant d'une série de freins et de contrepoids — selon ce qu'a dit quelqu'un, je crois — qui ne figurent pas dans la présente loi. En effet, notre loi accorde déjà une grande importance à la protection de l'environnement et donne déjà au public le droit d'être associé à l'élaboration de la politique environnementale. En fait, il prévoit déjà un certain nombre de choses auxquelles vise le présent projet de loi.
En fait et d'après ce que j'ai vu, les seuls citoyens dont le droit de parole a été supprimé, pour reprendre l'expression de M. Ouellet, sont les adversaires du projet. On nous a empêchés de parler. On nous a refusé d'entendre d'autres témoins. Les adversaires de ce projet de loi sont ceux dont le droit de parole a été supprimé.
En fait, le droit qui est le nôtre en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, permet déjà, par exemple, des poursuites dans les cas d'infraction, mais ce droit est très timide et circonscrit, n'est-ce pas? Et, entre autres choses, il stipule que le gouvernement doit pouvoir enquêter et résoudre les problèmes de la même manière que le fait la Charte des droits environnementaux de l'Ontario.
Quel mal y a-t-il à cela? Quelles plaintes avons-nous entendues? Eh bien, qu'il ne facilite pas suffisamment les poursuites. En fait, il les décourage. Ce même témoin a déclaré qu'il est juste que le gouvernement puisse prévoir les procès, servir de médiateur, ainsi que faire enquête sur les problèmes et les résoudre. Mais cette contrainte tout à fait raisonnable n'est pas prévue par le projet de loi.
À d'autres égards, ce projet de loi omet des contraintes raisonnables. Par exemple, la notion que, pour avoir qualité pour agir, il faut avoir un intérêt direct dans l'affaire qui est en litige, cette notion a été passée sous silence. Quiconque, quel que soit son lieu de résidence ou l'intérêt qu'il peut avoir au plan juridique, a le droit de contester en vertu de ce projet de loi.
Le projet de loi reprend ce qui se fait déjà. Nous avons déjà un processus de pétition qui traite les demandes d'enquête. Le ministère de la Justice examine déjà les projets de loi pour s'assurer qu'ils sont conformes à la Charte. Nous aurons maintenant le Bureau du commissaire à l'environnement et au développement durable qui le fera aussi.
Je dirais donc que ce projet de loi va trop loin. Si nous devions revenir en arrière et examiner ce que sont les plaintes réelles, je me poserais les questions suivantes: est-ce que la protection des dénonciateurs que nous avons adoptée dans la loi canadienne est vraiment insuffisante? Est-ce que le projet de loi laisse de côté un secteur important qui devrait bénéficier de la protection des dénonciateurs? Si nous devions examiner ces questions, comme devrait le faire un comité responsable, nous pourrions trouver un moyen raisonnable, réalisable et qui ne recoupe pas d'autres mesures, de modifier la loi en vigueur pour remédier à une telle carence. C'est la façon dont un bon législateur devrait procéder; c'est la façon dont un comité législatif approprié devrait procéder.
Se contenter de replâtrer l'ensemble des processus existants pour que les intérêts de tous soient pris en ligne de compte et d'imposer des solutions révolutionnaires et qui vont aussi loin que celles-ci, pourquoi faisons-nous cela, je me le demande?
Comme l'a si bien dit Mme Duncan en réponse à une question du président, même elle ne peut préjuger des résultats d'une contestation judiciaire en vertu de la présente loi.
En fait, d'aucuns diraient qu'adopter ce projet de loi c'est marcher à l'aveuglette. Nous ne savons pas vraiment ce qu'il en découlera et ce qu'en feront les tribunaux. Nous savons seulement que nous retirons au gouvernement — qui applique des mesures et une réglementation prudentes — de vastes zones de compétence pour les confier aux tribunaux. Mais ce qui est encore plus problématique, c'est que, aux termes de l'alinéa 19(1) f), les tribunaux seront habilités « à ordonner au défendeur de prendre certaines mesures préventives » si un juge décide que le gouvernement, à savoir, le défendeur, n'a pas réussi à s'acquitter de la vague obligation qui est la sienne de servir de gardien de l'environnement. Il s'agit d'une porte grande ouverte, et il nous appartient de ne pas promulguer une loi révolutionnaire de cette nature à moins qu'il n'existe un besoin clair et urgent de le faire.
Certes notre régime environnemental a peut-être des failles, mais il n'est pas complètement défectueux. Nous avons été sur la bonne voie pendant ces 20 à 30 dernières années. Nous avons fait de bonnes choses. Nous devrions continuer dans cette voie de façon démocratique en entendant toutes les parties prenantes et leurs arbitres, plutôt que tout céder aux tribunaux où les choses se décident abruptement. On y gagne ou on y perd, et la médiation ou les compromis n'y ont pas leur place. Les juges décident en fonction des gagnants et des perdants.
Je dois rappeler aux membres du comité que nous avons à nous demander pourquoi nous faisons cela. Quel est le besoin auquel nous essayons de répondre? Pourquoi allons-nous aussi loin?
Bien franchement, aucun des éléments de preuve ne le justifie ou ne suppose un besoin qui mérite d'être satisfait de façon aussi révolutionnaire. J'exhorte donc les membres à prendre du recul et à ne pas nous lancer dans ce genre d'exercice.
Y a-t-il des commentaires?
Le projet de loi amendé est-il adopté?
(Le projet de loi C-469 amendé est adopté par 6 voix contre 5.)
Le président: Puis-je faire rapport du projet de loi modifié à la Chambre?
Des voix: Non.
Le président: Tous ceux qui sont pour?
Une voix: Vote par appel nominal.
Le président: Vote par appel nominal.
(La motion est adoptée par 6 voix contre 5.)
Le président:Enfin, le comité doit-il demander la réimpression du projet de loi modifié pour usage à l'étape du rapport à la Chambre?
Des voix: D'accord.
Le président:Nous allons nous réunir à huis clos pour discuter de la motion de Mme Duncan. Les travaux sont suspendus quelques minutes.
[La séance se poursuit à huis clos.]