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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 011 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 4 décembre 2020

[Enregistrement électronique]

(1305)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Je vous souhaite la bienvenue à la 11e séance du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. Le Comité se réunit aujourd'hui pour étudier les effets sur la santé mentale de la situation d’urgence à laquelle les Canadiens font face avec la deuxième vague de la pandémie de la COVID-19.
    Pendant la première heure, nous accueillons M. Paul Kurdyak, clinicien-chercheur, du Centre de toxicomanie et de santé mentale; Mme Lisa Watts, fondatrice et directrice générale, de la Hub Town Brewing Company; M. Saleem Spindari, gestionnaire principal, Programmes pour les réfugiés et les travailleurs migrants, de MOSAIC; et Mme Christine Grou, présidente, et Mme Isabelle Marleau, directrice, Qualité et développement de la pratique, de l'Ordre des psychologues du Québec.
    Je mentionnerai la liste des témoins de la deuxième heure un peu plus tard.
    Je vais commencer par vous donner quelques renseignements.
    À la suite de la motion qui a été adoptée par la Chambre le mercredi 23 septembre, le Comité se réunit maintenant en format hybride, ce qui veut dire que les députés peuvent participer en personne ou par vidéoconférence. Tous les députés, peu importe leur mode de participation, seront comptés pour le quorum.
    Le pouvoir du Comité de siéger est toutefois limité par l'utilisation prioritaire des ressources parlementaires, qui est déterminée par les whips. Toutes les questions doivent être décidées par appel nominal, sauf celles agréées du consentement unanime ou avec dissidence.
     Enfin, le Comité peut délibérer à huis clos, pourvu qu'il tienne compte des risques de bris de la confidentialité inhérents à ce type de délibérations avec des participants à distance.
    Les délibérations seront accessibles depuis le site Web de la Chambre des communes, et je rappelle que c'est toujours la personne qui parle qui apparaît à l'écran, plutôt que l'ensemble du Comité.
    Voici maintenant quelques règles à suivre pour assurer le bon déroulement de la séance.
     Les personnes qui participent à distance, députés comme témoins, peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Des services d'interprétation sont offerts, et vous avez le choix, au bas de votre écran, entre « Parquet », « Anglais » et « Français ». Avant de prendre la parole, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Quand vous avez terminé de parler, désactivez votre micro afin de réduire le plus possible les interférences.
     Je vous rappelle que toutes les interventions des membres du Comité et des témoins doivent être faites par l'intermédiaire de la présidence. Si un député désire demander la parole en dehors de la période qui lui est réservée pour ses questions ou intervenir sur le rappel au Règlement d'un autre député, il doit activer son micro et indiquer qu'il invoque le Règlement.
     Si un député veut participer au débat — il n'y a pas de débat sur les rappels au Règlement, en passant —, il doit utiliser la fonction « Lever la main ». La présidence saura ainsi que vous souhaitez prendre la parole et pourra créer une liste d'intervenants. Pour utiliser cette fonction, vous n'avez qu'à cliquer sur l'icône « Participants » au bas de votre écran. Lorsque vous voyez apparaître la liste, cliquez sur l'icône « Lever la main » qui se trouve à côté de votre nom.
     Lorsque vous avez la parole, veuillez vous exprimer lentement et clairement. À moins de circonstances exceptionnelles, l'utilisation d'un casque d'écoute muni d'un microperche est obligatoire pour tous les participants à distance.
     Si un problème technique survient, veuillez en aviser la présidence. Il est à noter qu'en pareil cas, nous pourrions devoir interrompre nos travaux pendant un moment, car nous devons nous assurer que tous les députés peuvent participer pleinement à la séance.
     Pour ceux qui participent en personne, veuillez procéder de la manière habituelle lorsque l'ensemble du Comité se réunit en personne dans la salle de comité. Veuillez respecter les directives du Bureau de régie interne en ce qui concerne le port du masque et les protocoles en matière de santé.
     Si vous souhaitez attirer mon attention, je vous prie de me faire un signe de la main ou de m'interpeller par mon nom au moment opportun. Si vous souhaitez invoquer le Règlement, veuillez attendre le bon moment pour me l'indiquer clairement.
     Pour ce qui est de la liste des intervenants, le greffier du Comité et moi-même ferons de notre mieux pour la tenir à jour, que vous participiez à la séance en personne ou virtuellement.
     Je tiens à remercier les témoins de leur présence aujourd'hui. Vous disposez de sept minutes pour présenter votre déclaration liminaire.
    J'essaie quelque chose de nouveau au sein du Comité — du moins pour moi. Lorsqu'il vous restera une minute, je vais vous montrer le carton jaune. Il n'est sans doute pas jaune à l'écran. Lorsque votre temps sera écoulé, je vais vous montrer le carton rouge. Veuillez alors conclure rapidement.
    Je vais faire de même pour les députés pendant leur période de questions.
    J'invite tout d'abord M. Paul Kurdyak, clinicien-chercheur, du Centre de toxicomanie et de santé mentale, à prendre la parole.
    Allez-y, monsieur. Vous avez sept minutes.
(1310)
    Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner.
    Pour commencer, il ne fait aucun doute que les conséquences de la pandémie sur la santé mentale sont préoccupantes. C'est pour toutes sortes de raisons, mais vous avez soumis cinq questions ou domaines d'intérêt.
    Les deux premières questions — les répercussions de la pandémie sur la santé mentale de certaines populations et les répercussions sexospécifiques — témoignent d'un désir de comprendre les besoins de la population en matière de santé mentale, y compris chez des groupes particuliers. Les deux autres — la disponibilité des programmes de soutien et le rôle des soins virtuels — sont liées à la nécessité de comprendre l'accessibilité des services. Le dernier domaine porte sur le rôle du gouvernement fédéral dans la satisfaction de ces besoins.
     Ce sont toutes des questions importantes à considérer. Cependant, le point principal que je voudrais faire valoir est que si nous avions des systèmes de santé mentale qui fonctionnent correctement, y compris des systèmes de gestion de l'information correctement intégrés dans chaque province et territoire, ces informations seraient facilement disponibles.
     L'absence d'information sur les besoins de la population en matière de santé mentale ou de toxicomanie, ou les services requis pour répondre à ces besoins, ne se limite pas à la pandémie de la COVID-19. Nous ne savons toujours pas grand-chose de l'état de santé mentale de la population canadienne ni des services qui existent pour répondre à ces besoins. Il faut pouvoir disposer de ces informations pour surveiller le rendement du système de santé mentale, et l'absence de telles informations signifie que les décideurs politiques ne sauront pas comment répondre adéquatement aux besoins.
     Comment avons-nous déterminé les besoins de la population au Canada? La principale source d'information a été générée par les enquêtes de Statistique Canada. Si les enquêtes ont été incroyablement utiles pour mesurer la prévalence des troubles mentaux les plus courants, elles ne permettent de mesurer l'état de santé mentale qu'à un moment précis. Or, une pandémie évolue de façon très dynamique.
     En l'absence d'informations précises et à jour, les sociétés de sondage et les petites enquêtes de faible qualité ont généré des résultats sensationnalistes. Mes collègues, le Dr Scott Patten et le sénateur Stan Kutcher, ont expliqué pourquoi ces enquêtes ne remplacent pas une surveillance adéquate, et pourquoi le fait de s'appuyer sur elles pour répondre aux besoins des Canadiens en matière de santé mentale est une mauvaise politique.
     Depuis 2015, en Ontario, le ministère de la Santé a financé le programme de recherche sur la santé mentale et la toxicomanie ICES. Nous sommes une équipe de scientifiques, d'épidémiologistes et d'analystes de recherche qui travaillent en étroite collaboration avec les décideurs politiques.
     Nous utilisons les données administratives sur la santé de l'Ontario pour cartographier le rendement du système de santé mentale de la province. Nous avons obtenu beaucoup de renseignements détaillés sur l'accès aux soins et les résultats de certaines populations avant la pandémie. Je vous présente ici quelques faits saillants.
     Entre 2009 et 2017, le taux de visites aux urgences liées à la santé mentale et à la toxicomanie a presque doublé chez les jeunes en âge de transition, c'est-à-dire les jeunes âgés de 16 à 24 ans. Près de la moitié des jeunes qui se sont rendus aux urgences pour des raisons de santé mentale et de toxicomanie n'avaient pas été hospitalisés auparavant, ce qui signifie qu'ils se présentaient aux urgences — la moitié d'entre eux — comme leur premier point de contact.
     Seules deux personnes sur cinq qui se sont rendues aux urgences pour une tentative de suicide ont vu un psychiatre dans les six mois qui ont suivi cette tentative. Nous pouvons mesurer facilement tous ces indicateurs, et ils indiquent que le système n'était pas particulièrement réactif avant la pandémie.
     Nous utilisons également ces mêmes données en ce moment pour comprendre les répercussions de la pandémie. Par exemple, nous pourrions déterminer si les personnes qui avaient accès aux services avant la pandémie continuent ou non de recevoir des services depuis le virage important vers la prestation virtuelle. Nous voulons également comprendre si la demande de services augmente à mesure que la pandémie progresse, notamment pour ce qui est des indicateurs liés à la toxicomanie et au suicide.
     Avant la mise en place du programme de santé mentale et de toxicomanie ICES, les Ontariens en savaient très peu sur le rendement de leur système de santé mentale. Le même type de données que nous utilisons en Ontario existe dans chaque province et territoire. En procédant à un investissement modeste et coordonné, il serait possible de mesurer le rendement du système de santé mentale dans chacun d'eux.
     Des organismes tels que l'Institut canadien d'information sur la santé, ou ICIS, pourraient jouer un rôle de coordination au niveau fédéral. Certaines initiatives émergentes, comme le Réseau de recherche sur les données de santé, pourraient également être mises à contribution pour ce type d'activité.
    De plus, ces mêmes données peuvent servir à mesurer l'incidence des investissements dans le temps. Le travail que nous faisons au sein d'ICES est utile pour montrer ce qui se passe avec les données dont nous disposons. Il n'est pas utile pour mesurer les besoins de la population. Pour cela, nous avons besoin de nouvelles infrastructures. Actuellement, les services destinés aux personnes souffrant de maladie mentale et de toxicomanie sont loin d'être coordonnés.
     En Ontario, nous prévoyons développer un accès régional centralisé. La mise en place d'un accès centralisé remplira plusieurs fonctions.
     Premièrement, il s'agira d'un lieu central auquel les personnes pourront avoir accès pour répondre à leurs besoins de santé mentale au lieu d'avoir à comprendre les différents services offerts dans leur créneau de population. Deuxièmement, au fil du temps, il caractérisera les populations qui demandent des soins afin que les besoins puissent être mesurés de manière dynamique. Troisièmement, une fois ces besoins compris, il sera possible de déterminer si les services d'une région donnée sont capables de répondre à ces besoins, et il sera possible de réorganiser les services en conséquence. C'est exactement ce qui s'est passé pour soutenir les services de lutte contre le cancer, les maladies cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux et autres dans les provinces et territoires.
(1315)
    Lorsque je pense aux questions posées par les membres du Comité permanent, ma principale question est la suivante: pourquoi n'avons-nous pas construit l'infrastructure nécessaire pour répondre à ces questions à l'aide de données réelles? Si nous croyons que la santé mentale est une priorité, nous devons nous engager à élaborer les infrastructures qui ont permis de développer des systèmes de santé de niveau mondial dans d'autres secteurs des soins de santé et à appliquer ces connaissances et ces compétences au système de santé mentale.
    Dans le passé, nous avons abordé les problèmes du secteur de la santé mentale en finançant des interventions, en créant des programmes et en espérant simplement que, tels qu'ils avaient été conçus, ces interventions et ces programmes répondraient aux besoins. Ce que nous n'avons pas fait, c'est mesurer systématiquement les besoins de la population par rapport à ces interventions et ces programmes. Nous n'avons pas non plus systématiquement mesuré si les interventions financées avaient eu les résultats escomptés.
    Si nous continuons de répondre aux besoins en matière de santé mentale et de toxicomanie découlant de la pandémie de COVID-19 en nous basant sur des besoins hypothétiques et en négligeant de mettre en place un cadre de mesure, nous risquons de perpétuer une réponse déjà fragmentée aux besoins des Canadiens en matière de santé mentale. Les Canadiens atteints de maladies mentales et de toxicomanie méritent un système de santé qui répond à leurs besoins mesurés et qui est responsable de la réalisation de certains résultats.
    La seule façon d'y parvenir est d'élaborer une infrastructure de développement de systèmes, ce qui a été fait dans d'autres secteurs des soins de santé. Si nous évitons cette étape cruciale, nous répondrons aux besoins en fonction de conjectures et d'efforts de sensibilisation, sans pouvoir mesurer l'incidence de ces investissements.
    Merci.
    Merci, monsieur.
    Nous allons maintenant entendre la fondatrice et directrice générale de la Hub Town Brewing Company, Mme Lisa Watts, .
    Vous avez la parole, madame Watts.
     Je m'appelle Lisa Watts. Je suis la présidente, directrice générale et cofondatrice de la Hub Town Brewing Company, une petite microbrasserie située dans le centre-ville d'Okotoks. Nous avons ouvert nos portes en septembre 2019 après quatre longues années de planification, de rédaction et de révision de plans d'affaires, de stratégies, de collecte de fonds et de développement de notre marque et de notre collectivité.
    J'aimerais commencer par vous remercier de m'avoir invitée aujourd'hui à parler brièvement de la façon dont la pandémie a touché la Hub Town Brewing Company, nous, les propriétaires, et tous ceux avec qui nous avons travaillé au cours des neuf derniers mois, pendant lesquels nous avons traversé à la fois notre première année d'activité et une pandémie mondiale qui nous a essentiellement obligés à nous engager dans des voies que nous n'avions jamais envisagées, afin de survivre.
    Je pense que la meilleure façon de décrire les sentiments qui nous ont parfois complètement submergés et qui, à d'autres moments, sont restés presque en veilleuse, depuis les premiers jours de mars jusqu'à aujourd'hui, c'est de dire que ces mois ont été de véritables montagnes russes. À mesure que nous nous heurtions à chaque obstacle terrifiant, comme la fermeture de notre bar, qui générait 99 % de nos recettes, ou la réduction de notre capacité à un niveau non viable lorsque nous avons été en mesure de rouvrir nos portes, nous avons semblé franchir la plupart des étapes du deuil, en nous accrochant un peu plus longtemps à certaines de ces étapes et en vivant des moments d'exaltation et de fierté entre ces étapes.
    Les obstacles auxquels nous nous heurtons et que nous continuons de surmonter, chacun d'entre eux étant plus haut que le précédent, ont eu quelques répercussions sur nous. Ils nous ont obligés à trouver de nombreuses solutions, en mettant à l'épreuve notre capacité de repousser nos limites et de trouver de nouvelles voies qui n'avaient jamais été prévues ni envisagées. Ils ont en fait réussi à renforcer notre confiance en nos capacités, en nous apprenant que nous et notre entreprise pouvions survivre à beaucoup plus de difficultés que nous ne l'aurions jamais cru possible.
    L'effet secondaire de cette situation, c'est cependant les montagnes russes dont j'ai parlé. Nous passions d'un mode panique — pendant la période où nous tentions de trouver de nouveaux moyens de générer des revenus lorsque ceux qui nous les fournissaient étaient incités à rester chez eux et à nous éviter — à une pure exaltation, lorsque nous trouvions une source inattendue de revenus qui nous propulsait presque au rang de vedette rock auprès de notre marché cible.
    Ce qui n'a jamais changé, cependant, c'est l'anxiété mentale et physique qui accompagnait chacun de ces hauts et de ces bas, ainsi que les nouvelles habitudes bizarres que j'ai acquises, comme celle de mâcher de la glace toute la journée. Je ne peux même pas expliquer d'où cette habitude est venue. L'anxiété a juste produit le désir de croquer constamment quelque chose. Il n'y avait aucun autre moyen d'échapper à ce qui se passait. Et le matin, on se réveillait le cœur battant, en se demandant quelles circonstances, bonnes ou mauvaises, nous attendaient.
    Pendant que je commençais à affronter ce que je pense avoir identifié, pour la première fois de ma vie, comme étant de l'anxiété, j'ai eu des conversations avec mon mari et mon partenaire commercial, Mark, en analysant chaque mise à jour quotidienne de notre gouvernement fédéral ou de nos gouvernements provinciaux et en craignant que ces mises à jour menacent à nouveau la voie que nous suivions.
    Ces conversations se sont transformées en discussions avec d'autres propriétaires d'entreprises, notre personnel, nos clients, nos familles, nos amis, des enseignants, des infirmières, et j'en passe. Nous avons tous parlé de la situation. Si le sujet n'était pas abordé à la télé, c'était à la radio, et il n'a jamais quitté notre cerveau.
    Il y a quelques jours encore, lorsque nous avons essayé de cesser d'écouter la télévision et la radio et de parler de la pandémie, nous sommes allés faire des courses chez Costco, et nous avons remarqué une foule de clients — un mardi à 16 heures. Dans notre ville, cette affluence est anormale, alors nous avons immédiatement su qu'un élément de la mise à jour quotidienne avait provoqué une certaine panique et qu'il valait mieux que nous écoutions cette mise à jour, afin de déterminer comment nos univers allaient de nouveau changer.
    Si l'anxiété et l'exaltation, comme deux balanciers géants, avaient été les deux seuls sentiments que nous avions dû gérer tout au long de la pandémie, je pense que nous nous en serions sortis un peu mieux. Mais ajoutez-y un peu de colère et de ressentiment, et vous obtiendrez les troisième et quatrième vallées de notre parcours de montagnes russes.
(1320)
    En tant que propriétaires d'une entreprise, nous faisons l'objet de critiques, et nous sommes victimes de la jalousie d'autrui, comme tout le monde. Lorsque notre entreprise a connu une croissance positive pendant la pandémie, alors que bon nombre d'autres personnes éprouvaient des difficultés et que nous tentions d'éviter les obstacles, des plaintes anonymes sont arrivées aussi. Cela signifiait que les inspecteurs de l'Alberta Health Services (AHS) venaient nous visiter, s'assuraient que toutes nos tables étaient espacées de six pieds, dos à dos, confirmaient pour la énième fois que nous avions du désinfectant pour les mains à la disposition de tous et, bien sûr, que les membres de notre personnel portaient tous des masques sans arrêt.
    Il importait peu que le reste du monde ne porte pas de masque pour nous protéger, nous et notre personnel, n'apporte pas son propre désinfectant, ne demande pas à s'asseoir plus loin des gens, mais qu'il préfère plutôt s'asseoir plus près, si possible. En tant que propriétaires d'une entreprise, nous avions la responsabilité de veiller à ce que nos clients ne s'infectent pas mutuellement, et nous devions, d'une manière ou d'une autre, le faire sans les mettre en colère et les décourager à tout jamais de fréquenter notre commerce.
    C'est la position la plus difficile dans laquelle nous et notre personnel avons jamais été placés. Nous avons été jugés durement pour ne pas avoir forcé les gens à porter des masques, alors qu'aucun règlement ne l'exigeait, et nous avons été jugés durement pour avoir affiché une pancarte rappelant aux gens de porter des masques, lorsque le règlement est devenu une partie intégrante de notre réalité.
    C'était une situation où tout le monde était perdant, et nous avons dû apprendre à notre équipe comment gérer le comportement de chaque client qui se présentait, alors qu'honnêtement, nous ne savions pas ce que nous faisions nous-mêmes, ni quelle était la bonne chose à faire.
    L'incohérence des règles auxquelles les entreprises étaient assujetties, comparativement aux écoles, a contribué à accroître encore notre colère et notre ressentiment, et même si nous continuions d'affronter les hauts et les bas de nos montagnes russes, la colère a noyé tout le reste jusqu'à ce que nous touchions le fond, il y a un peu plus d'un mois.
    Permettez-moi de dire que je n'avais jamais vécu une dépression auparavant. En fait, j'étais la personne qui soutenait que la dépression était une émotion que nous pouvions probablement tous contrôler — il suffisait de le vouloir et d'essayer.
    Lorsque ma colère a atteint un niveau record et que j'ai eu l'impression que je pouvais à peine réfléchir — et je n'avais pas envie d'essayer — à ce qui allait arriver dans plus de 20 minutes, j'ai réalisé que j'étais peut-être en train de vivre le phénomène de la dépression.
    Je n'étais plus motivée à trouver la façon de gérer le prochain obstacle. À la lumière de tous les événements qui se produisaient et auxquels nous devions faire face, je ne désirais plus trouver une nouvelle source de revenus. J'étais fatiguée, et je ne voulais rien d'autre que de m'arrêter.
    Madame Watts, pourriez-vous conclure vos observations, s'il vous plaît?
    Bien sûr.
    C'est alors que j'ai dit à haute voix que ce qui devait arriver arriverait. Avec des enfants adolescents et adultes, des parents vieillissants et isolés, et une entreprise dont les activités étaient impossibles à prévoir d'une semaine à l'autre, nous avons finalement quitté les montagnes russes, et nous sommes restés immobiles pendant un certain temps — sans rien planifier, sans trouver d'idées, sans résoudre de problèmes, sans rien faire, pendant juste un petit moment.
    Même si la rédaction de cet exposé a ramené au premier plan bon nombre de ces réflexions et de ces sentiments, je pense que nous commençons enfin à atteindre un stade où nous pourrons trouver une solution ou, du moins, un stade où nous commençons à croire que nous en avons la capacité.
    Pour résumer la façon dont cette pandémie nous a touchés, je reviens toujours à la visualisation de ces montagnes russes et de tout ce qu'elles ont apporté de bon et de mauvais. J'espère que les gains que nous avons retirés de cette expérience l'emporteront sur nos pertes en fin de compte, car nous avons connu de nombreux gains et de nombreuses pertes.
    Merci.
(1325)
     Merci, madame watts.
    Nous allons maintenant céder la parole au représentant de l’organisme MOSAIC, M. Saleem Spindari, gestionnaire principal, Programmes pour les réfugiés et les travailleurs migrants.
    Veuillez prendre la parole.
    Honorable Ron McKinnon, président du Comité permanent de la santé, chers membres du Comité, c’est un honneur de comparaître devant vous.
    Avant de commencer, j’aimerais souligner que je prends la parole aujourd’hui depuis les territoires ancestraux non cédés des Salish de la côte, c’est-à-dire les Premières Nations Musqueam, Tsleil-Waututh et Squamish. Je suis honoré et privilégié d’avoir la possibilité de jouer, de vivre et de résider sur leurs terres.
    Je m’appelle Saleem Spindari, et je suis le gestionnaire principal des Programmes pour les réfugiés et les travailleurs migrants de l’organisme MOSAIC.
    MOSAIC est l’une des plus grandes organisations d’établissement à but non lucratif du Canada. Nous servons les communautés d’immigrants, de réfugiés, de migrants et de gens ordinaires de la région métropolitaine de Vancouver et de la vallée du Fraser, ainsi que de l’ensemble de la province de la Colombie-Britannique et de l’étranger par l’intermédiaire de programmes en ligne.
    Le travail de MOSAIC découle de sa vision qui est la suivante: « Ensemble, nous faisons progresser un Canada inclusif et prospère ». À MOSAIC, je supervise les programmes qui soutiennent les travailleurs migrants, les demandeurs d’asile, les réfugiés parrainés par le secteur privé, les étudiants internationaux et d’autres groupes marginalisés. Je formulerai de brèves observations sur l’incidence de la COVID-19 sur ces groupes.
    Au début du mois de mars, j’ai reçu d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada un préavis d’arrivée indiquant qu’une des familles que MOSAIC parraine de façon privée arriverait au début d’avril. Un visa a été délivré et des dispositions ont été prises pour le voyage.
    Ici, à Vancouver, nous avons pris toutes les dispositions nécessaires pour l’arrivée de la famille africaine, avec l’aide d’une famille d’accueil qui s’est portée volontaire pour apporter un soutien à la famille à son arrivée. Des restrictions relatives aux déplacements ont ensuite été imposées, et le vol a été annulé. Cela a eu une énorme incidence sur le bien-être mental de la famille, car elle a continué de vivre dans des conditions déplorables dans le camp de réfugiés.
    Le gouvernement a récemment autorisé les réfugiés parrainés par le secteur privé qui avaient obtenu leur visa avant mars 2020 à se rendre au Canada, mais de nombreuses autres personnes attendent toujours. La plupart des bureaux des visas à l’étranger sont toujours fermés, ce qui a d’énormes répercussions sur la vie des réfugiés qui attendent et qui ont des parrains prêts à les accueillir.
    En Colombie-Britannique, nous avons la chance de bénéficier du premier projet pilote entrepris pour soutenir les travailleurs migrants, autrement dit les travailleurs étrangers temporaires. Je suis fier de diriger un projet de renforcement des capacités communautaires visant à soutenir les travailleurs migrants et les groupes qui travaillent avec eux. Ce projet, qui est financé par Emploi et Développement social Canada, a fourni les fonds nécessaires pour soutenir un groupe qui apporte une immense contribution à notre économie.
    Malheureusement, le caractère temporaire du programme des travailleurs migrants rend ces travailleurs vulnérables et continue de briser des familles. La COVID-19 a eu d’importantes répercussions sur les travailleurs migrants qui s’inquiètent des membres de leur famille restés au pays. De plus, leurs déplacements sont soumis à davantage de restrictions. Dans de nombreux cas, ils ne peuvent même pas quitter leur lieu de travail, et ils ont du mal à satisfaire à leurs besoins immédiats.
    Je suis heureux que le gouvernement étudie actuellement la possibilité de créer des lignes directrices pour l’hébergement des travailleurs migrants. C’est un premier pas important, mais il faut aller beaucoup plus loin.
    Je demande au gouvernement du Canada d’étendre le financement à d’autres provinces et de rendre permanent le projet pilote de la Colombie-Britannique, car ce projet a très bien réussi à soutenir la santé mentale, le bien-être et d’autres besoins des travailleurs migrants. Le personnel de mon programme a pu rencontrer les travailleurs migrants pendant leur isolement de 14 jours tout en suivant les lignes directrices en matière de santé, afin de les aider à satisfaire à leurs besoins sur place.
    Les demandeurs d’asile qui sont arrivés avant ou pendant la fermeture des bureaux ont eu des difficultés à trouver un logement, à obtenir les documents nécessaires pour présenter des demandes de prestations et des demandes d’emploi ou à obtenir une date d’audience. Tout cela a eu une énorme incidence sur leur santé mentale à un moment où ils sont loin de la famille qu’ils ont laissée derrière eux en demandant l’asile au Canada.
    Grâce au financement du gouvernement de la Colombie-Britannique, MOSAIC travaille en étroite collaboration avec d’autres organisations partenaires afin de soutenir le bien-être mental des demandeurs d’asile en ces temps incertains. Bien entendu, ces programmes sont maintenant offerts à l’aide de Zoom et de MS Teams.
(1330)
    En terminant, je souhaite rappeler à cet auguste comité que les réfugiés, travailleurs migrants, demandeurs d’asile et étudiants étrangers continuent de faire des contributions énormes à l’économie canadienne. Je demande au Canada d’offrir une voie vers la résidence permanente à tous les travailleurs migrants, ce qui n’est actuellement pas le cas. S’ils sont aptes à travailler ici, ils sont manifestement aptes à rester ici.
    Les résidents temporaires et permanents qui sont des professionnels formés à l’étranger devraient avoir l’occasion d’exercer au Canada. Ils continuent de prouver qu’ils ont les aptitudes, la volonté et les compétences nécessaires pour exercer leur profession. Nous constatons leur contribution durant cette pandémie de COVID-19. J’exhorte le gouvernement du Canada à assouplir les restrictions et à éliminer les obstacles qui les empêchent actuellement d’obtenir leur licence.
    Je vous remercie une fois de plus de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole aujourd’hui. Je répondrai à vos questions avec plaisir.
    Merci, monsieur Spindari.

[Français]

    Nous passons maintenant à Mme Grou, présidente de l'Ordre des psychologues du Québec.
    Vous avez la parole pour sept minutes.
    Je remercie d'abord le Comité permanent de la santé de la Chambre de nous donner cette occasion de parler des répercussions de la pandémie sur la santé mentale.
    Je suis la Dre Christine Grou, psychologue et neuropsychologue. Je suis une clinicienne spécialisée en santé mentale. Je suis accompagnée de la Dre Isabelle Marleau...

[Traduction]

    Pardonnez-moi, docteure.
    Pour les interprètes, le niveau sonore est le même pour le témoin et l’interprétation. Je suis sur le canal anglais, donc peut-être que cela s’est produit parce que j’ai essayé de parler en français sans changer de canal. Pourriez-vous vérifier rapidement si vous pouvez remédier à la situation?

[Français]

    Docteure Grou, vous pouvez continuer.
    D'accord.
    Je suis accompagnée par la Dre Isabelle Marleau, clinicienne spécialisée en pédiatrie.
    Nous allons vous entretenir des répercussions de la pandémie sur la santé mentale. Pour ce faire, nous avons considéré deux volets. Le premier volet est la revue des recherches qui ont été faites sur la santé mentale pendant la crise de la COVID-19. Le second volet comporte les observations de nos membres...
    Excusez-moi, docteure Grou. Je suis désolé, mais le problème persiste.
    Monsieur le greffier, pouvez-vous régler ce problème?

[Traduction]

    Je suis désolé de vous interrompre.

[Français]

    Monsieur le président, j'aimerais suggérer quelque chose, si cela n'a pas déjà été fait. En bas, dans le menu, il y a l'icône « participant ». C'est là aussi qu'on a la possibilité de sélectionner le canal français, lorsqu'on parle en français. Cela fait que le son du canal français ne sera pas au même niveau que celui de l'interprétation en anglais. C'est souvent le problème que nous avons durant nos rencontres. Je ne sais pas si cela a déjà été fait, mais il s'agit de cliquer sur l'icône du centre, au bas de l'écran.
    Docteure Grou, est-ce que vous pouvez vérifier cela?

[Traduction]

    Veuillez vous assurer d’être sur le bon canal.
    Je viens de passer au canal français. Est-ce que cela vous convient?
    À mon avis, cela devrait faciliter les choses.

[Français]

    Merci.
    Vous pouvez continuer, encore une fois.
(1335)
    D'accord.
    Alors, nous avons considéré deux aspects. Le premier, c'est la revue des recherches qui ont été faites sur la santé mentale en période de COVID-19. Le deuxième, ce sont les observations des psychologues membres de notre ordre quant à la détérioration de la santé de la clientèle, autant dans le réseau public de la santé que dans la pratique privée.
    Les observations convergent assez bien, tant celles rapportées dans la littérature et dans les travaux de recherche sur la santé mentale que celles de nos membres.
    Au premier chef, on observe une augmentation assez phénoménale de l'anxiété. On sait qu'au fil des mois, les gens ont eu à s'adapter à énormément de choses. Pour certaines personnes, les deuils se sont accumulés. Pour d'autres, et je dirais même pour la majorité des gens, la fatigue et l'usure psychologique se sont installées.
    On observe aussi une augmentation de la dépression ou des éléments propres à la dépression. Cela se manifeste beaucoup par une perte d'énergie, une perte de plaisir, un sentiment d'autodépréciation, le sentiment de ne pas être adéquat, un état de découragement ou de désespoir, ou encore des difficultés liées au sommeil et à l'appétit.
    On observe également une augmentation d'autres troubles mentaux plus sérieux, notamment chez les personnes qui sont en perte cognitive en raison du vieillissement. La dégradation de leur état s'accentue, en particulier à la suite de l'augmentation des stresseurs. On porte moins le regard sur ces personnes et, pour certains, la pandémie cause une interruption des services en santé mentale.
    On observe aussi une augmentation de la consommation d'alcool et de la dépendance à d'autres substances.
    Par ailleurs, on remarque une fragilisation particulière des travailleurs de la santé. Beaucoup d'études démontrent une augmentation de l'anxiété et de la dépression chez les travailleurs de la santé.
    Le confinement entraîne une augmentation de la détresse psychologique et du sentiment de découragement.
    Pour ce qui est des gens qui ont été atteints par la COVID-19, dans 96 % des cas, on a observé certains symptômes de stress post-traumatique à leur sortie de la quarantaine.
    Les jeunes et les aînés ont été particulièrement affectés par le confinement. Les aînés ont été affectés par la solitude, l'isolement, l'absence de travail ou d'activités, et parfois même par l'impossibilité de sortir de la maison. Dans le cas des jeunes, c'est leur développement social et affectif qui a été entravé.
    Nous avons sondé les membres de l'Ordre des psychologues du Québec. Premièrement, 86 % d'entre eux ont répondu avoir observé une augmentation de l'anxiété. Par ailleurs, 67 % de nos membres ont observé que d'anciens clients étaient revenus pour recevoir des traitements. Aussi, 65 % des membres nous ont dit avoir géré des situations de crise ou des urgences. De plus, 70 % nous ont dit avoir vu une augmentation des éléments de dépression. À un degré moindre, 44 % d'entre eux ont observé des difficultés relationnelles ou parentales ainsi qu'une augmentation de la consommation d'alcool, des ruptures amoureuses ou des enjeux suicidaires.
    Je vais dire un mot sur la télépratique ou les adaptations en pratique virtuelle. Il y avait déjà des études qui démontraient que la télépratique était efficace. Beaucoup de psychologues qui utilisaient très peu la télépratique auparavant se sont mis à l'utiliser. Selon la littérature, 86 % d'entre eux y ont eu recours. En ce qui concerne nos membres, la moitié dit que cela a répondu aux besoins de la population pendant la pandémie. Cependant, plus de la moitié a dit que cela n'était pas sans effets sur la communication et sur l'interaction lors du traitement.
    Je vais dire un mot sur les actions que nous avons entreprises pour le soutien à la population.
    En début de pandémie, nous avons rendu publics des conseils généraux pour garder une bonne santé psychologique. Nous avons formulé des conseils s'adressant aux parents, aux enfants, aux adolescents ainsi qu'aux parents d'enfants ayant un trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité. Nous avons aussi formulé des conseils pour les personnes endeuillées, c'est-à-dire celles dont des proches qui étaient hébergés dans des centres de soins de longue durée sont décédés de la COVID-19.
(1340)
    Nous avons également accordé plus de 200 entrevues dans les médias pour tenter de faire comprendre les effets psychologiques de la pandémie. Nous avons aussi produit des capsules vidéo pour aider la population.
    À l'intention des psychologues du Québec, nous avons préparé des formations particulières, par exemple de la formation portant sur la télépratique et sur l'intervention en situation de crise. Nous avons beaucoup communiqué avec nos membres pour leur donner des conseils liés à la pratique et à la déontologie qui pouvaient soutenir leur pratique pendant cette période exceptionnelle.
    Nous avons aussi travaillé, avec le soutien du ministère de la Santé et des Services sociaux et du ministère de l'Éducation, bien sûr, pour trouver des pistes de solution en vue d'adapter les services et de protéger la population des difficultés et de la détresse psychologique qui peuvent s'installer.
    En conclusion, il est impératif d'accroître l'offre dans les soins et services en santé mentale pour la population. Une forme de pandémie sur le plan de la santé mentale est en train de s'installer en parallèle, et celle-ci va probablement durer plus longtemps que la pandémie elle-même. Il est donc important d'accroître l'offre de service en santé mentale, mais également de la diversifier, de manière à répondre à l'ensemble des besoins de la population du Québec. Il faut également que l'accès à la psychothérapie, qui est un traitement jugé efficace, devienne universel et gratuit.
    Merci.
    Merci, docteure.

[Traduction]

    Sur ce, nous allons entamer notre série de questions. Nous aurons le temps pour un seul tour.
    Monsieur Barlow, je vois que vous avez la parole en premier. Vous avez six minutes. Je vous en prie, allez-y.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à nos témoins pour leur exposé d’aujourd’hui. Je crois que ces témoignages arrivent à point nommé, puisque nous venons de voir les dernières statistiques publiées hier par l’Association canadienne pour la santé mentale ou ACSM. Il y a là matière à réflexion, entre autres quand on voit que plus de 70 % de la population canadienne se dit préoccupée par la deuxième vague du virus et que 40 % font état d’une détérioration de leur santé mentale depuis mars.
    Quand 1 Canadien sur 10 a des pensées suicidaires, j’estime que nous avons un problème très grave auquel il faut remédier.
    Madame Watts, j’ai beaucoup apprécié votre déclaration, votre passion et, bien sûr, vos sentiments en tant que propriétaire d’une petite entreprise. Selon moi, l’incidence de la pandémie sur nos propriétaires de petites entreprises est un aspect dont nous ne parlons pas assez. Est-ce comparable à ce que vous avez vécu avant de devenir propriétaire d’entreprise? À vous entendre, les répercussions de cette pandémie sur la santé mentale atteignent une ampleur que vous n’aviez encore jamais connue avant d’être propriétaire d’entreprise.
    C’est sans contredit une expérience différente. Toute ma vie, j’ai occupé des postes atypiques. J’ai été ingénieure dans le secteur pétrolier et gazier, spécialiste des pipelines en fait. J’ai travaillé sur le pipeline de Trans Mountain et tenté d’homologuer son aptitude au service. Il y avait toujours beaucoup de désaccords et de choses assez difficiles, si vous abordez la question du point de vue de santé mentale. Il y avait toujours des difficultés associées à ce que nous essayions de mettre en place pour protéger les pipelines, parce que cela ne rapportait pas d’argent. À long terme, ces mesures se traduisaient par des économies, mais les gens… Il y avait beaucoup de difficultés. Au cours de ma vie professionnelle, j’ai toujours dû surmonter des obstacles. C’était simplement la nature du domaine dans lequel j’œuvrais.
    Mais la pandémie a eu un effet amplificateur. J’estime être extrêmement passionnée et motivée, et être capable de trouver des solutions dans les pires situations. Toutefois, quand chaque solution s’accompagne de toujours plus de problèmes, et qu’on pilote une toute nouvelle entreprise, on finit par atteindre un point de rupture. Je n’aurais jamais cru en avoir un, pour être franche avec vous. Je n’aurais pas cru que j’avais cela en moi. Ce n’était tout simplement pas moi. Oui, c’était différent de tout ce que j’ai vécu.
    Je présume que, en tant que propriétaire d’entreprise, vous avez dans votre réseau des personnes qui sont dans une situation semblable. Je pars du principe que vous n’êtes pas la seule dans cette situation, qu’elle est très répandue chez les propriétaires d’entreprises dans votre communauté, peut-être dans votre réseau à l’échelle du pays à titre de propriétaire d’une microbrasserie.
(1345)
    Tout à fait. Nous voyons actuellement d’autres brasseries fermer leurs portes, tout simplement en raison du discours ambiant, c’est-à-dire: « Pourquoi permettrions-nous aux producteurs de produits alcoolisés d’ouvrir leurs établissements quand les écoles sont fermées? Comment osent-ils vouloir faire de l’argent en pleine pandémie? Comment osent-ils mettre la population à risque? »
    Nous voyons les membres de notre industrie fermer boutique en raison de ce discours. C’est très dur. Il est difficile de trouver l’équilibre entre la volonté de générer des revenus et la nécessité de protéger la santé publique.
    Quand nous parlons à d’autres propriétaires d’entreprises, c’est sans équivoque: nous avons tous pleuré. Nous avons tous crié et hurlé. Nous nous sommes tous demandé comment nous allions nous en sortir. C’est probablement trop dur à gérer pour la majorité des gens.
    À vous entendre, on constate qu’il y a beaucoup d’inconnues: vous ne savez simplement pas ce qui va changer et, quand il y a des changements, vous ne savez pas à quelle vitesse ils vont se produire. Nous constatons que d’autres pays ont accès au dépistage rapide, au dépistage à domicile, et maintenant, le Royaume-Uni et les États-Unis sont prêts à déployer un vaccin et à l’administrer aux citoyens.
    Quelle serait la différence pour vous, en tant que propriétaire d’entreprise, si vous aviez accès au dépistage rapide, si les Canadiens avaient accès au dépistage à domicile, et si vous étiez en mesure d’entrevoir la voie vers la relance et de garder votre entreprise ouverte de façon plus prévisible?
    Elle serait incommensurable. Pour des raisons évidentes, ce que nous souhaitons, c’est que les gens soient à l’aise avec les décisions qu’ils prennent, quelles qu’elles soient. Pour ce faire, ils doivent savoir qu’ils sont en santé et que les personnes qui les entourent peuvent établir leur état de santé. C’est une pièce maîtresse du casse-tête.
    Merci, madame Watts.
    Docteur Kurdyak, vous avez abordé certaines des statistiques en santé mentale. Quelle est l’incidence du manque d’information, du fait qu’on ne sait pas quand on aura accès à un vaccin par exemple, ou de l’incapacité de pouvoir effectuer un dépistage à domicile? Est-ce que cela a une incidence sur la santé mentale des Canadiens? J’ai parlé des statistiques qui ont été publiées hier. Je les trouve fort troublantes. Nous devons trouver des solutions.
    Je crois que, dans les témoignages d’aujourd’hui, vous avez beaucoup entendu parler de l’incidence de l’incertitude généralisée entourant la pandémie, des conséquences de l’isolement social. Mme Watts a parlé avec éloquence du stress financier que vivent les propriétaires de petites entreprises et du stress financier de la majorité des foyers, pour être franc.
    Évidemment, savoir avec certitude quand cela prendra fin serait d’une aide inestimable. De mon point de vue, il est difficile de répondre à cette question, car il s’agit aussi d’une crise de santé publique. Trouver le juste équilibre entre les besoins est en quelque sorte ce qui provoque les montagnes russes décrites par Mme Watts.
    Merci beaucoup, monsieur Barlow.
    La parole est maintenant à M. Van Bynen, pendant six minutes. Je vous en prie.
    Merci, monsieur le président. Je remercie spécialement nos témoins qui partagent leurs expériences et leur expertise avec nous.
    J’étais heureux d’entendre le Dr Kurdyak parler de l’importance d’avoir des données précises. J’estime qu’il est d’une importance capitale que nous ayons cette nouvelle infrastructure, tant pour nous assurer de prendre les bonnes décisions que pour veiller à bien faire les choses. C’est un point tout à fait crucial auquel nous devons réfléchir.
    Nous faisons sans contredit face à un discours dur, mais la situation en tant que telle est très dure. Nous vivons une pandémie sans précédent, donc il est important d’adopter une approche stratégique et chirurgicale.
    Ma première question s’adresse au Dr Kurdyak. J’ai récemment rencontré des membres de notre conseil jeunesse et, au cours des présentations, j’ai demandé à chacun de me préciser ce qui les préoccupe. Comme vous pouvez l’imaginer, la majorité d’entre eux ont répondu la santé mentale.
    De ce que je comprends, l’ACSM a récemment publié un rapport qui présente les résultats d’une enquête sur la santé mentale chez les jeunes en Ontario. Pourriez-vous fournir au Comité quelques-unes des constatations de cette enquête et, à la lumière de celles-ci, vos recommandations?
    D’abord, je dirais que l’ACSM est une vaste structure. Je ne connais pas les détails précis de cette enquête, donc vous pourriez peut-être communiquer ces renseignements aux membres.
    Ce que je peux vous dire, c’est que, avant la pandémie, nous suivions les jeunes de près. Selon moi, ce qui se passe chez les jeunes est complexe. Je soupçonne qu’il y avait déjà d’étranges circonstances avant la pandémie pour cette génération qui baigne jusqu’au cou dans les médias sociaux, ce qui n’est pas notre cas. Les sociologues et les anthropologues ont davantage à dire là-dessus, mais nous avons absolument remarqué, vers 2019, une hausse spectaculaire du comportement de recherche d’aide chez les 16 à 24 ans, et il ne fait que croître.
    Je travaille aux urgences d’un département de psychiatrie. Dans mon travail clinique, nous constatons aussi une augmentation fulgurante des visites chez les jeunes. Comme je l’ai dit, ce qui pose problème, c’est que le système de santé mentale n’a jamais vraiment répondu aux besoins. Tout le travail effectué par mon équipe en Ontario montre qu’il n’y a pas vraiment de système.
    Vous pourriez vous intéresser à bien des groupes. Je crois que celui des jeunes adultes en transition en est un aussi valable que les autres en raison des travaux étayés par des enquêtes et par le phénomène que nous observons dans nos données provinciales.
    J’estime tout aussi important, si nous décidons d’intervenir dans un secteur en particulier, de le faire de sorte à le quantifier de manière itérative, en d’autres mots, de sorte à apprendre constamment, comme nous le faisons pour le cancer.
    Chaque cancéreux en Ontario bénéficie non seulement de données probantes, mais contribue à les enrichir, précisément parce que les renseignements sont couramment recueillis et utilisés pour assurer une amélioration constante. C’est en quelque sorte ce que nous souhaitons et ce vers quoi nous tendons en Ontario.
(1350)
    Je vois que vous faites référence au ICES, et j’ai reçu un résumé de son rapport. Je me demande si vous pourriez parler davantage du système de services en santé mentale et en toxicomanie, de même que de son indicateur de rendement, qui figure dans le document fourni.
    Il y a de nombreux indicateurs, mais essentiellement, en Ontario ainsi que dans les autres provinces et territoires, nous constatons un certain entre-deux en raison du nombre fixe de lits d’hôpital. Les hospitalisations augmentent légèrement, mais comme il s’agit de ressources fixes, la réduction de la durée du séjour est la seule façon dont elles peuvent augmenter. Nous voyons une légère augmentation des hospitalisations, ainsi qu’une faible réduction de la durée des séjours au fil du temps. Si nous jouons trop avec cette marge de manœuvre, nous allons commencer à en voir les conséquences néfastes sous forme de rechutes et ainsi de suite.
    Le taux des soins ambulatoires est relativement stable, dans la mesure où nous pouvons le quantifier. Je vous prie de m’excuser, car nous ne disposons pas des renseignements des psychologues, comme ma collègue, la Dre Grou, et d’autres l’ont dit. Il s’agit strictement de données sur les soins offerts par les médecins en Ontario, qui restent toutefois stables.
    Pour ce qui est des urgences, entre 2009 et 2017, nous avons constaté une augmentation de la demande de 35 %. Dans la catégorie des 16 à 24 ans, la hausse est de 100 %, c’est-à-dire que la demande a doublé. Tout cela m’indique que la capacité du système est limitée. Les ressources sont insuffisantes et les gens se rendent strictement aux services qu’ils connaissent, la porte des urgences étant toujours ouverte, quoique cet environnement ne soit pas particulièrement thérapeutique pour des personnes en crise, soit dit en passant.
    Merci.
    Voilà qui nous rappelle toute l’importance qu’il faut accorder aux données pour agir de manière stratégique et chirurgicale afin d’obtenir les meilleurs résultats possible à partir des ressources disponibles.
    J’aimerais maintenant m’adresser à M. Spindari.
    Dans le but de ralentir la propagation de la COVID-19, nous incitons les gens à maintenir une certaine distance physique, à rester à la maison et à demeurer en contact virtuellement. Comme l’a souligné Mme Stachova, PDG de MOSAIC, dans une entrevue à CBC Vancouver, certaines familles et personnes dans des communautés vulnérables font face à une fracture numérique. Quelle est l’incidence de la COVID-19 sur ces familles et cette fracture, de même que sur leur santé mentale?
    Soyez bref, je vous prie.
    Je vous remercie de m’accorder la parole.
    Il s’agit d’un des enjeux associés à la distanciation physique. Pour vous et moi, c’est simple. Nous restons à l’intérieur, dans nos bureaux. Pour les travailleurs migrants, ce n’est pas possible, car ils ont tendance à vivre en groupe, et leur logement est habituellement petit.
    Afin d’endiguer l’iniquité numérique existante, notre organisation s’associe à de belles organisations comme la BC Technology for Learning Society pour offrir gratuitement aux familles de réfugiés et aux travailleurs migrants des ordinateurs de bureau remis à neuf.
    Après la demande de dons de notre PDG, Olga Stachova, nous avons reçu un excellent soutien de la communauté, ce qui nous a permis de fournir des téléphones intelligents d’occasion à diverses personnes afin qu’elles puissent accéder à la technologie et, ainsi, aux programmes en ligne.
(1355)
    Merci, monsieur.

[Français]

    Je cède maintenant la parole à M. Thériault pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je veux remercier l'ensemble des témoins d'apporter un éclairage particulier sur la question.
    Je vais m'adresser d'abord et avant tout aux représentantes de l'Ordre des psychologues du Québec.
    Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. J'imagine que nous aurons accès un peu plus tard à vos notes d'allocution. J'ai très hâte de pouvoir relire cela. J'ai trouvé fort intéressante cette revue de la recherche.
    Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'ai envie de poser une question à la Dre Marleau.
    Nous avons toutes ces données sur les adultes, mais comment vont nos plus jeunes et nos tout-petits? Avez-vous aussi des données à ce sujet?
    Nous avons beaucoup moins de données sur les enfants et les adolescents. Par contre, la tendance est la même que chez les adultes, c'est-à-dire qu'il y a beaucoup plus de problèmes de santé mentale. On parle d'anxiété et de symptômes dépressifs. Pour les adolescents, il existe quelques données partielles. Quand on parle de données, en fait, il s'agit toujours de données basées sur quelques études ou sur de petits échantillons effectués au cours des cinq à six derniers mois.
    Quoi qu'il en soit, la tendance est assez claire. Pour les adolescents, on a quelques données qui vont dans le même sens que les données sur les adultes. Je pense que l'on peut se préoccuper aussi de la consommation dans cette population, un enjeu qui pourrait devenir important.
    La Dre Grou pourrait compléter ma réponse.
    D'accord.
    Sinon, j'ai une autre question.
    Vous avez parlé de la télépratique. Vos membres considèrent que c'est efficace, cependant il semble y avoir un problème — le mot est peut-être un peu fort — sur le plan de l'interaction lors du traitement. Autrement dit, c'est mieux que rien, mais, à long terme, cela ne constitue peut-être pas une approche complète en relation d'aide.
    Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
    En fait, la télépratique présente certains avantages. D'une part, cela offre un contexte sécuritaire. D'autre part, c'est à l'avantage de certains individus qui ont de la difficulté à se déplacer et qui, autrement, n'iraient pas consulter. Donc, la télépratique présente quand même certains avantages.
    Presque tous nos membres ont converti leur pratique et se sont conformés à la télépratique. Cela dit, de 60 à 65 % trouvent quand même que cela a un effet sur la relation et sur la communication. Bien entendu, cela dépend de la clientèle, de l'aisance avec la technologie et du problème de santé. En outre, la situation est fort probablement différente dans le cas où la relation avec le patient est déjà établie et que le traitement se poursuit au moyen de la télépratique, comparativement à la situation où une relation s'établit totalement en télépratique.
    Je pense qu'on doit approfondir le champ de la recherche sur la télépratique. Cela dit, les données préliminaires nous indiquent que, bien que cela présente certains avantages, il existe effectivement certains inconvénients, mais cela répond, somme toute, aux besoins de la population en général.
(1400)
    J'imagine que la situation où le patient est en relation d'aide avec son thérapeute dans le bureau de celui-ci peut être très différente de celle en télépratique, où le patient se trouve dans son milieu de vie, entouré des membres de sa famille qui vont et qui viennent.
    C'est justement l'un des défis que nous avons eus pendant la pandémie. Pour les gens qui étaient confinés à la maison avec le conjoint et les enfants, il pouvait être difficile de consulter de façon virtuelle. Il faut quand même avoir un espace confidentiel, calme et tranquille pendant une période de consultation. Cela a représenté un défi.
    Cela présente assurément des avantages pour certaines personnes. Prenons l'exemple d'une mère de famille monoparentale. Elle peut coucher ses enfants le soir et avoir une consultation, sans avoir besoin de recourir à une gardienne. Pensons aussi à un agriculteur qui, en temps normal, devrait faire deux heures de route pour une consultation. La télépratique lui permet d'avoir une consultation sans qu'il perde une demi-journée de travail.
    D'un autre côté, la télépratique peut être plus difficile pour une personne ayant des troubles mentaux graves, pour une personne âgée qui ne maîtrise pas bien la technologie ou pour une personne qui a davantage besoin de proximité dans la relation.
    En général, la télépratique s'est avérée favorable, à la surprise de certains.
    Vous avez suggéré qu'il serait important de rendre universel l'accès à la psychothérapie. Dans le contexte d'une pandémie, il faut tirer des leçons.
    Pouvez-vous nous rappeler pourquoi l'accès à la psychothérapie n'est pas universel?
    Il faut comprendre que la santé mentale, comparativement au reste de la santé, a toujours été un peu le parent pauvre. Or, il faut voir la santé dans une perspective globale. On ne peut pas sous-estimer les effets de la santé mentale sur la santé globale de la population.
    Actuellement, il y a deux façons d'avoir un traitement en psychothérapie. D'une part, c'est possible par l'entremise du réseau de la santé, par contre ces services sont difficilement accessibles. D'autre part, on peut avoir accès à des services en bureau privé, mais ce n'est malheureusement pas tout le monde qui en a les moyens. Il faudrait donc avoir du financement pour que toute personne ayant un problème de santé mentale puisse être traitée.
    C'est bien entendu.
    Merci, monsieur Thériault.

[Traduction]

    Passons maintenant à M. Davies.
    Monsieur Davies, vous avez six minutes. Allez-y.
    Merci, monsieur le président, ainsi qu’à tous les témoins pour leur exposé.
    Monsieur Spindari, je vous remercie pour votre témoignage sur les répercussions de la COVID sur la santé mentale de certains groupes très vulnérables, soit les réfugiés, les étudiants étrangers, les travailleurs migrants et les immigrants.
    Je sais que, en juin dernier, MOSAIC a effectué un sondage auprès de demandeurs d’asile en Colombie-Britannique pour obtenir leur rétroaction et ainsi colliger des renseignements sur la façon d’améliorer les services pendant la pandémie de COVID-19. Pouvez-vous nous dire si les services répondent actuellement aux besoins des demandeurs d’asile et de leur famille et, si ce n’est pas le cas, quelles mesures le gouvernement fédéral peut prendre pour les améliorer?
    Merci beaucoup, monsieur Davies.
    Nous avons publié l’enquête, et la réponse de la population des demandeurs d’asile a été vraiment excellente. Nous avons essayé de toucher le plus grand nombre de personnes possible à travers toute la Colombie-Britannique.
    Comme vous le savez, les demandeurs d’asile ne sont toujours pas admissibles aux services financés par le gouvernement fédéral. Ils comptent sur le financement provincial pour combler ces besoins. La meilleure chose que le gouvernement du Canada pourrait faire serait peut-être de permettre aux demandeurs d'asile d'accéder aux services d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.
    Nous avons entendu haut et fort qu’il existe un besoin énorme de soutien en matière de santé mentale. Nous avons entendu dire que le logement est l’un des plus grands problèmes auxquels les demandeurs d’asile ont à faire face lorsqu’ils viennent ici, car, à leur arrivée, il semble qu'ils doivent attendre un certain temps avant d'obtenir certains documents de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, la CISR. Comme vous le savez, la CISR mise de plus en plus sur les services virtuels, et pour le demandeur d’asile, c’est un problème supplémentaire de ne pas avoir accès à la technologie ou de ne pas pouvoir contacter quelqu’un en personne au bureau de l’Agence des services frontaliers du Canada ou de la CISR pour obtenir tel ou tel document d’identité. Cela a donné lieu à d'énormes retards et à des répercussions considérables pour les demandeurs d’asile qui tentaient d'accéder aux services afin d'obtenir un permis de travail et, subséquemment, un emploi en Colombie-Britannique.
(1405)
    Merci.
    Maintenant, de façon plus générale, en ce qui concerne les immigrants dans leur ensemble, le rapport annuel 2019-2020 de MOSAIC qui a été publié récemment dit ceci:
C’est une statistique consternante: cinq ans après son entrée au Canada, le nouvel arrivant moyen est généralement en moins bonne santé que lorsqu’il est arrivé.
Parmi les facteurs qui ont une incidence sur les déterminants sociaux de la santé après la migration, il y a les mauvaises conditions de vie, l’isolement social, le chômage et les difficultés d’adaptation à une langue et une culture différentes.
    De toute évidence, la COVID-19 est venue aggraver ces déterminants. Donc, selon vous, quelles mesures le gouvernement fédéral devrait-il prendre pour faire tomber les obstacles qui plombent de façon générale la santé des nouveaux arrivants?
    Récemment, en Colombie-Britannique, ils ont lancé un réseau de santé communautaire, et pour moi, c’est une première mesure vraiment formidable. MOSAIC a travaillé très activement avec certains organismes et groupes partenaires pour arriver à cela.
    J’encourage le gouvernement fédéral à travailler en étroite collaboration avec les provinces. Je l'invite surtout à considérer la possibilité d’y implanter des centres de santé communautaire et à fournir davantage de fonds aux organismes afin qu’ils puissent offrir les services dont les nouveaux arrivants ont tant besoin.
    Comme vous le savez, la majorité du personnel de MOSAIC est constituée de personnes qui ont vécu des expériences et de personnes qui ont des antécédents dans le secteur de la santé. Par exemple, le responsable principal de notre programme spécial est une docteure en médecine qui a été formée à l’étranger. Elle n’exerce pas au Canada en ce moment, mais avec l'expérience de beaucoup d’autres...
    Puis-je vous arrêter là? J’aimerais poser une dernière question, car le temps me manque.
    J’aimerais aborder un domaine important en ce qui concerne la santé mentale. Au cours des neuf premiers mois de 2020, le service de police de Vancouver a signalé une augmentation de 116 % du nombre de crimes haineux dans la région métropolitaine de Vancouver par rapport à la même période l'an dernier.
    Étant donné que de nombreux immigrants et réfugiés viennent de différentes régions du monde et appartiennent à des communautés racialisées, quelles ont été, selon votre expérience, les répercussions de cette augmentation de la haine raciale? Avez-vous des suggestions sur ce que nous pourrions faire pour y remédier?
    Chez MOSAIC, nous faisons de notre mieux pour sensibiliser les gens aux problèmes de racisme vécus par notre clientèle. Si je ne m'abuse, le gouvernement provincial a récemment lancé Resilience BC et de nombreuses initiatives sont sur le point d'être mises en oeuvre.
    J’encourage le gouvernement fédéral à faire de même, à travailler avec les organismes qui sont là. De plus, il arrive que les messages émanant des politiciens contribuent à faire monter la tension. Nous savons clairement que ce qui se passe dans le Sud a une incidence sur les messages qui sont véhiculés ici et sur la façon dont les gens réagissent.
    Merci, monsieur Davies.
    Voilà qui met un terme aux questions pour ce groupe d'experts.
    Merci, chers témoins, de nous avoir fait profiter de votre sagesse, de votre savoir-faire et de vos connaissances, et de nous avoir fait don de votre temps.
    Sur ce, nous allons suspendre la séance pour permettre au prochain groupe d'experts de se mettre en place. Merci à tous.
(1405)

(1415)
    La séance se poursuit.
    J’aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins de ce groupe. Nous accueillons aujourd’hui Mme Charlotte Waddell, qui est professeure d'université et qui est attachée au Children’s Health Policy Centre de la Faculté des sciences de la santé de l'Université Simon Fraser. Mme Waddell comparaît à titre personnel. De Natural High Fitness, nous accueillons Andrew Gustafson, propriétaire et directeur; de Recherche en santé mentale Canada, nous recevons John Trainor, professeur associé, Département de psychiatrie, Université de Toronto. Enfin, de Statistique Canada, nous recevons Jeff Latimer, directeur général pour la santé, la justice, la diversité et les populations, et Ron Gravel, directeur, Centre de données sur la santé des populations.
    Madame et messieurs, vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Des services d’interprétation sont disponibles pour cette réunion, et vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, le français et l’anglais. J’encourage les personnes qui souhaitent s’exprimer dans l’une ou l’autre des deux langues officielles de s’assurer d'être dans le canal d’interprétation correspondant à la langue dans laquelle elles s'expriment.
    Avant de parler, cliquez sur l’icône du microphone pour activer votre propre micro, et lorsque vous avez fini, prenez soin de mettre votre micro en sourdine afin de réduire les risques d'interférence. Je vous rappelle que toutes les interventions des membres du Comité et des témoins doivent s'adresser à la présidence.
    Sur ce, nous allons commencer. Les témoins disposeront de sept minutes pour leurs déclarations. Nous commencerons par la professeure Waddell.
    Madame Waddell, vous avez la parole pour sept minutes.
     Merci beaucoup de me donner l’occasion de vous parler cet après-midi de la COVID-19 et de la santé mentale des enfants au Canada.
    Un message fondamental — et c'est peut-être le plus important —, c'est qu'avant la pandémie, les besoins des enfants en matière de santé mentale étaient extrêmement grands. En nous basant sur les données épidémiologiques, nous estimons qu'à tout moment avant la COVID, 13 % des enfants de 4 à 18 ans — c'est-à-dire 800 000 jeunes au Canada — souffraient de troubles mentaux nécessitant un traitement. Ces troubles comprennent 12 affections courantes, tels que l’anxiété, le déficit d’attention, les problèmes de comportement, la toxicomanie, la dépression, l’autisme et, parfois, la schizophrénie. Nous savons comment traiter tous ces troubles, mais avant la pandémie, moins de la moitié des enfants touchés recevaient effectivement les soins dont ils avaient besoin, une lacune que nous n’accepterions jamais pour des problèmes de santé physique comme le cancer ou le diabète chez les enfants. Cela signifie qu'avant la pandémie, nous aurions dû déjà avoir doublé l'offre de services de santé mentale pour les enfants.
    Le deuxième point important, c'est que les besoins devraient augmenter de manière significative pendant et après la COVID. Si nous nous fions aux données relatives aux crises précédentes, comme le SRAS, ou aux catastrophes naturelles, comme les tremblements de terre ou les inondations, nous pouvons nous attendre à ce que des problèmes tels que l’anxiété, la dépression et les troubles de comportement chez les enfants soient multipliés par deux ou décuplés. Pour aggraver les choses, certains enfants seront plus touchés que d’autres. Par exemple, les familles qui ont déjà des difficultés financières devraient souffrir davantage pendant la pandémie, et c’est déjà le cas. Les enfants qui avaient des problèmes de santé mentale et de développement, mais qui bénéficiaient de services adéquats, voient maintenant des interruptions dans les soins qu'ils peuvent recevoir.
    Le racisme est un autre problème qui a une incidence sur la santé mentale des enfants. C’est une question urgente pour tous les Canadiens, mais depuis le début de la COVID, il y a eu des flambées, notamment en ce qui concerne le racisme à l'endroit des Asiatiques, par exemple. Les communautés autochtones sont un autre groupe qui sera gravement touché. Les Autochtones devaient déjà composer avec l’héritage du colonialisme — et ils le faisaient avec force et résilience —, mais ils doivent maintenant faire face à la COVID avec moins de ressources que les autres Canadiens. Les besoins étaient déjà élevés et ils vont augmenter considérablement.
    Même s’il s’agit d’un problème de santé publique sans précédent au Canada et dans le monde, il existe des possibilités sans précédent sur le plan des politiques. J’aimerais en souligner trois où le leadership politique fédéral pourrait être crucial et faire une énorme différence quant à la résolution de ces problèmes.
    La première ouverture du côté des politiques serait d'élaborer un plan. Nous ne l’avons pas encore fait. Il s'agirait d'élaborer, de mettre en œuvre et de soutenir des plans pancanadiens exhaustifs pour la santé mentale des enfants. L’exhaustivité signifie qu’il faudra couvrir tous les enfants de 0 à 18 ans et les 12 troubles mentaux courants en s’attachant au minimum à promouvoir un développement sain, à faire de la prévention, à traiter tous les enfants atteints ainsi qu’à suivre les résultats des mesures qui seront prises. Le leadership fédéral est crucial, car c’est à mon avis la seule façon de coordonner les efforts déployés à l’échelle nationale pour veiller à ce que les enfants restent à l’ordre du jour des politiques publiques nationales.
    Le gouvernement fédéral peut également offrir aux provinces et aux territoires des incitations économiques pour les programmes de santé mentale des enfants et ainsi instaurer un accès équitable dans tout le pays. Nous l’avons déjà fait avec beaucoup de succès. En 2000, l’Entente sur le développement des jeunes enfants a conduit à l’octroi de fonds aux provinces et aux territoires, assortis de certaines conditions. Les avantages ont été durables, et nous devons répéter l'exercice maintenant pour la santé mentale des enfants.
    La deuxième ouverture en matière de politiques serait de garantir des budgets adéquats et des services efficaces. Si nous voulons combler ces lacunes avant l’entente, nous devons à tout le moins doubler le financement des services idoines. Nous devons doubler les budgets consacrés à la santé mentale des enfants. Cela permettra de traiter tous les enfants atteints de troubles. Nous savons comment y parvenir. Nous connaissons les moyens de prévention qui ont fait leurs preuves. La question est évidente: comment allons-nous payer pour cela?
    C’est là qu’intervient aussi la promesse de financer de nouveaux programmes de prévention. La prévention d’un seul cas de problème de santé mentale grave chez un enfant, comme des troubles du comportement, peut permettre d’économiser jusqu’à 8 millions de dollars sur toute une vie. De même, un programme de prévention tel que Nurse-Family Partnership — un partenariat entre le personnel infirmier et les familles —, qui commence dès la petite enfance, a montré qu’on pouvait améliorer la santé mentale des enfants et réaliser des économies de plus de 6 000 $ par enfant. Ce chiffre correspond aux ressources épargnées par l’ensemble du gouvernement pour les services qui deviendraient superflus en raison du programme. Il nous serait donc possible de commencer à financer une partie de l’augmentation des coûts que nous devons soutenir. La lutte contre les disparités sociales ne fera qu’aider dans ce domaine, et le gouvernement fédéral a déjà fait preuve de leadership à cet égard.
(1420)
    La troisième ouverture est de suivre nos progrès collectifs. Pour citer Clyde Hertzman, ce qui est compté compte, et nous n’avons pas très bien compté nos enfants. Sinon, comment pouvons-nous savoir comment nous nous en sortons? Il est essentiel de suivre les résultats des enfants.
    C’est aussi un moyen de mesurer le succès des nouveaux investissements que nous ferons, en présumant que nous en sommes capables, et des occasions sans précédent que nous devons saisir. L’Enquête canadienne sur la santé des enfants et des jeunes de 2019 de Statistique Canada — une enquête de très grande qualité — a permis de produire l'un des rares jeux de données au monde qui rend compte d'un travail exhaustif réalisé dans ce domaine avant la pandémie. Nous pouvons et devons répéter cette enquête de façon continue. Cela nous permettrait de nous positionner en tant que leader mondial pour le suivi de ces résultats. Le gouvernement fédéral est on ne peut mieux placé pour assurer la poursuite de cette enquête.
    En conclusion, je reconnais que les budgets publics sont actuellement la cible de nombreuses demandes concurrentes, mais je dirais que si nous ne nous occupons pas de la santé des enfants maintenant, nous allons avoir des coûts sociétaux bien plus importants en amont. Si nous ne faisons rien pour freiner ces problèmes, ils se répercuteront jusque dans l’âge adulte.
    Au Canada, les coûts annuels associés aux problèmes de santé mentale sont estimés à 68 milliards de dollars. Or, au-delà de ces aspects économiques, si nous ne nous attaquons pas à ces problèmes, nous risquons de nous retrouver avec une génération de jeunes qui seront marqués par cette pandémie, et ce sera à notre grand détriment à tous.
    Nous avons besoin de cette génération. Ce sont eux qui, demain, assureront la relève de nos travailleurs de première ligne, de nos infirmières, de nos enseignants, de nos médecins et de nos parlementaires. Les enfants et la santé mentale des enfants doivent donc être une cible prioritaire de notre réponse à la pandémie.
    Je terminerai sur ce passage tiré et traduit de la revue médicale The Lancet: « Bien que la pandémie de COVID-19 ait menacé la santé des enfants, elle pourrait aussi servir de catalyseur pour un nouveau départ. Les droits de l’enfant doivent être au centre de la phase de rétablissement. »
    Je vous remercie.
(1425)
    Merci, madame Waddell.
    Nous allons maintenant passer à M. Gustafson, propriétaire et directeur de Natural High Fitness & Athletics.
    Monsieur Gustafson, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité.
    Permettez-moi de commencer par dire que je ne prétends aucunement parler au nom de toutes les entreprises. Je ne suis qu'un simple propriétaire d'entreprise, et je vous remercie sincèrement de me donner l'occasion de parler aujourd'hui de mon expérience à titre de propriétaire d'entreprise et, plus particulièrement, de mon état de bien-être mental. J'espère que mon vécu et mon histoire pourront apporter un peu de lumière sur ce que d'autres pourraient également ressentir. Ce n'est pas vraiment un sujet dont j'ai parlé jusqu'ici, et encore moins en public, mais je crois que la santé mentale des propriétaires d'entreprises en 2020 est fragile, d'où la nécessité d'en tenir compte. C'est donc une excellente occasion, et je tiens à vous en remercier.
    Je commencerai par dire que je ne vais pas bien. Ce n'est pas un appel à l'aide. Je veux simplement vous parler en toute vulnérabilité et en toute franchise. Non, je ne vais pas bien. Il y a des moments où je vais bien, mais à vrai dire, je passe par toute la gamme des émotions, allant jusqu'au désespoir total. Ce n'est pas là une description de mon état mental de mars jusqu'à aujourd'hui. Cela me décrit plutôt de minute en minute, d'heure en heure et de jour en jour.
    Les propriétaires d'entreprises sont aux prises avec une myriade d'émotions dictées par la réalité quotidienne en constante évolution. Les gens sont à deux doigts de pousser sur les boutons de panique de leur subconscient, prêts à exploser au moindre élément déclencheur. Partout au pays, nous sommes dans un état d'alerte accru pour gérer des conflits interpersonnels; je marche donc, chaque jour, sur un champ de mines émotionnelles. Un mot de travers, un faux pas ou une mauvaise interprétation risquent de provoquer une explosion d'émotions. Voilà pourquoi nous souffrons tous d'usure de compassion.
    Lorsqu'on parle de santé mentale, les termes les plus importants qui me viennent à l'esprit, en ma qualité de profane, sont « anxiété » et « dépression ». Bien que ces mots soient parfois un peu trop abstraits ou trop austères, ils décrivent, je crois, avec précision l'état mental actuel de nombreuses personnes dans le secteur des petites entreprises.
    Voici quelques autres mots: épuisement émotionnel, inquiétude, doute, solitude, colère, frustration, insécurité et fatigue. Ce sont des mots qui décrivent les montagnes russes émotionnelles que je traverse chaque jour et, pourtant, je suis quelqu'un de bien équilibré, bien soutenu, stoïque et fort. Selon moi, l'un des plus grands défis pour une personne aussi fière qu'un chef d'entreprise, c'est d'admettre que les temps sont difficiles et d'entretenir un dialogue sur ce genre de sentiments. Je crois donc qu'on sous-estime probablement la gravité de la situation.
    La gestion de mes émotions est si peu prioritaire en ce moment que je risque de m'engager dans une spirale, parce que les questions les plus urgentes pour moi sont les suivantes: soutenir mes enfants et leur réalité scolaire en ligne; partager mon espace de travail avec eux, ce qui vient perturber le temps que je dois consacrer à la créativité liée à mon entreprise; soutenir mon ménage à la fois émotionnellement et financièrement, par exemple en payant un prêt hypothécaire sans revenu assuré; enfin, faire en sorte que les 30 employés et entrepreneurs qui dépendent de ma bonne gestion d'entreprise ne subissent pas eux-mêmes le poids de cette crise.
    C'est moi, en tant que propriétaire, qui porte le poids principal de tout cela, et je tiens à le dire bien franchement: je ne survis pour l'instant que grâce à la générosité de mes propriétaires, une générosité qui ne peut pas durer longtemps, ce qui m'angoisse encore plus, à tel point que j'ai parfois l'impression de suffoquer.
    Je ne vois pas comment le Comité pourrait obtenir un portrait clair et précis de la santé mentale, car tous les coins du pays et tous les groupes démographiques se heurtent à des défis qui leur sont propres, et ils ont chacun différents moyens d'y faire face. J'ai entendu à maintes reprises le message selon lequel nous sommes tous dans le même bateau. Ce n'est pas vrai. Nous sommes dans la même tempête, mais certains sont dans un yacht de luxe et d'autres, dans un canot chancelant sur le point de couler.
    Le point important à retenir, à mon avis, avec tout le respect que je dois aux autres témoins, c'est qu'il ne s'agit pas d'un exercice théorique. Cette crise touche de vraies personnes, de vrais propriétaires d'entreprises comme moi, des gens qui pensent et qui ressentent véritablement la même chose que moi.
    Je crois que le meilleur remède à l'anxiété dont je parle, c'est l'information — chose qui fait cruellement défaut. Je n'en comprends pas la raison, mais il se peut que la partialité des médias actuels empêche la diffusion de renseignements exacts. Le fardeau de la vérification des faits repose actuellement entre les mains de la population, si bien que l'absence d'information à jour, voire d'information exacte est devenue la norme.
    Avant que les restrictions puissent être levées, nous a-t-on dit, il faut procéder à des vaccinations de masse, mais on ne nous a donné aucun échéancier à cet égard. Par conséquent, nous nous préparons à la prolongation des restrictions et à la menace d'autres mesures de confinement. Il n'y a eu aucun cas au sein de notre entreprise ni aucune transmission confirmée et, pourtant, on nous impose une nouvelle période de confinement. D'autres subventions et mesures d'aide sont peut-être prévues, mais quand ces fonds seront-ils distribués, et quel en sera le montant? Les renseignements dont nous disposons ne suffisent pas pour dissiper cette anxiété sous-jacente.
    Tout cela me plonge dans une grande incertitude quant à mon avenir, et je ne parle pas de mon avenir à long terme, mais plutôt de la viabilité de mon entreprise au cours des prochains mois. Dois-je suivre mon plan de remplacement des immobilisations sur 10 ans et investir dans la modernisation des infrastructures nécessaires ou encore, investir dans des réparations jusqu'à ce que je reprenne confiance dans mes liquidités? Je n'ai pas assez d'information ou de confiance dans les renseignements dont je dispose pour répondre à cette question. Dans l'état actuel des choses, voici notre meilleure prévision: si tout revient à la normale aujourd'hui et que mes revenus et mes dépenses redeviennent immédiatement ce qu'elles étaient avant la COVID, il nous faudra sept ans pour rembourser les emprunts associés à la perte de revenus de 2020.
(1430)
    Au fil des ans, j'ai appuyé généreusement diverses initiatives locales, ce qui m'a valu des éloges au sein de ma collectivité. J'ai toujours cru que la participation des entreprises faisait partie intégrante du tissu communautaire. Hélas, ce n'est plus le cas. Je ne sais pas quand la situation sera rétablie à cet égard, ni même si elle le sera. À force de me concentrer presque uniquement sur le solde de mon compte bancaire, je perds de vue les besoins de ma collectivité. Quelles seront les ramifications communautaires à long terme si davantage d'entreprises ressentent la même pression? Ce sont des choses qui rapprochent les gens. C'est ce qui donne un but et un sentiment de satisfaction, sans oublier la fierté d'être propriétaire d'une entreprise qui apporte une contribution positive. Perdre tout cela est une autre source d'anxiété, voire de dépression.
    Je vis un véritable stress permanent. Je réinvente sans cesse mon entreprise, ce qui demande de l'énergie et des ressources, en plus de créer des conditions stressantes pour mes membres et mes employés, qui aspirent tout simplement à la stabilité et à la sécurité d'emploi. Mes employés et leur famille comptent sur moi pour trouver une solution. À ce stade-ci, je ne suis guère convaincu de pouvoir y arriver.
    J'ai besoin de savoir avec certitude qu'il n'y aura pas de confinement. Il faut que les décideurs locaux, provinciaux et fédéraux sachent que, de façon générale, les propriétaires d'entreprises prennent des mesures vertueuses et qu'ils cherchent le juste équilibre entre leurs besoins et ceux de la population. J'ai besoin de renseignements, de délais précis et d'une approche qui tient toujours compte de mon insécurité financière afin de pouvoir reprendre en main ma planification et, je l'espère, atténuer une partie de l'épuisement émotionnel dont je souffre depuis plusieurs mois. Les autorités qui transmettent les messages concernant la COVID-19 doivent reconnaître les dommages qu'elles ont causés à l'ensemble de mon secteur après l'avoir dépeint comme un milieu dangereux, ce qui a eu un effet destructeur. Songeons notamment aux récentes mesures malavisées ciblant les restaurants et les centres d'entraînement de groupe, dont le mien.
    Ces défis, qui sont immenses, exigent la prise de décisions difficiles. Je comprends cela. Toutefois, il est impossible d'arriver à des conclusions, aussi difficiles soient-elles, sans que nous — les personnes touchées — y participions. Voilà qui ne semble pas avoir été une pratique courante en 2020. L'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de prendre la parole est, à mon sens, un pas dans la bonne direction. Je vous remercie donc de votre attention.
    Merci, monsieur Gustafson.
    Nous passons maintenant à l'organisme Recherche en santé mentale Canada, représenté par M. Trainor, professeur associé au département de psychiatrie de l'Université de Toronto.
    La parole est à vous, monsieur Trainor. Vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup. Je vous suis reconnaissant de m’avoir invité à vous parler aujourd’hui.
     Je suis président de Recherche en santé mentale Canada, un organisme de bienfaisance d’envergure nationale qui se consacre à l’avancement des connaissances sur la santé mentale, et je vous ferai aujourd’hui quelques observations sur la santé mentale en période de pandémie. Je voudrais également vous présenter le projet de sondages sur la santé mentale dans le contexte de la COVID-19, projet auquel notre organisation a participé.
    En guise de supplément à mon bref exposé, j’ai remis un rapport au Comité, et notre organisation serait heureuse de fournir des documents d’information à tout membre du Comité qui souhaite obtenir de plus amples détails.
    Tout d’abord, permettez-moi de féliciter votre comité de tenir des séances sur la santé mentale et d’écouter un large éventail d’opinions. Notre organisation est, elle aussi, fondamentalement résolue à écouter les intervenants afin de déterminer quels types de connaissances doivent être renforcées pour soutenir la santé mentale.
    Pour nous, les intervenants représentent non seulement des professionnels et des chercheurs, mais aussi une gamme beaucoup plus vaste de personnes, notamment des membres de la famille, des personnes qui souffrent directement d’une maladie mentale, des Autochtones et des personnes qui présentent un risque élevé pour des raisons comme le racisme et la discrimination, ainsi que de nombreux autres exemples.
    Je suis sûr qu’en tant que députés, vous entendez beaucoup parler de problèmes de santé mentale de la part de vos concitoyens, et ces renseignements sont extrêmement précieux. Pour faire face à cette crise, il est vraiment essentiel de disposer de renseignements de qualité sur la manière dont les Canadiens s’en sortent.
    Dès le début de la pandémie, notre organisation s’est engagée à offrir de l’aide pour surmonter cette crise. Nous avons lancé l’initiative de sondages à l’échelle nationale pour fournir aux gouvernements et aux intervenants des données de qualité et à jour sur les effets de la COVID-19 sur la santé mentale. Jusqu’ici, nous avons réalisé trois sondages, et un quatrième vient d’être lancé aujourd’hui même. Lorsqu’il sera terminé, nous aurons fait participer plus de 10 000 Canadiens et mis au point un ensemble de données vastes et complexes. Nous comptons poursuivre ce travail toutes les huit semaines jusqu’en 2022 afin de surveiller la reprise au Canada.
    Si notre travail donne des résultats, c’est grâce à son ampleur, car ce n’est qu’avec de grands échantillons que nous pouvons être sûrs d’obtenir suffisamment de données dans les nombreux domaines à l’étude. Nous examinons un certain nombre d’aspects: les types de détresse que les gens ressentent, les craintes qu’ils éprouvent, la façon dont ils y font face, les données démographiques sur des éléments tels que la situation familiale, le revenu, l’emploi, le sexe et l’accès aux mesures de soutien en santé mentale, pour ne nommer que ceux-là.
    Voici quelques conclusions générales que nous avons tirées. Les niveaux élevés d’anxiété et de dépression ont respectivement quadruplé et doublé depuis le début de la pandémie. Chose surprenante, ces niveaux n’ont pas beaucoup évolué depuis avril, durant la première vague, malgré les changements survenus entre les deux vagues, puis au début de la deuxième vague. Les niveaux de détresse sont demeurés assez constants dans tout le pays.
    Les niveaux élevés d’anxiété et de dépression sont plus fréquents chez les jeunes et les femmes, mais on constate une augmentation des niveaux chez les hommes dans les catégories de grande détresse lorsqu’on tient compte des symptômes. Nous savons, à la lumière d’autres travaux, que les hommes ont souvent tendance à signaler leurs problèmes de santé mentale uniquement lorsque ceux-ci s’aggravent.
    L’accès aux traitements est désormais plus difficile. Le nombre de séances de counseling individuel a diminué, et les visites chez les médecins de famille ont été considérablement réduites. Je dois souligner que nous communiquons tous ces renseignements aux gouvernements et aux associations professionnelles partout au Canada.
    De façon plus générale, on peut constater que les niveaux de détresse ne sont pas répartis de manière égale parmi la population. Les personnes qui travaillent dans certains secteurs comme la vente au détail, les soins de santé de première ligne, l’enseignement — et j’ajouterais les petites entreprises, ayant entendu le témoignage de M. Gustafson — se sentent plus anxieuses. La situation familiale constitue également un facteur important. Nous constatons que les personnes vivant seules et celles ayant des enfants en bas âge sont aux prises avec plus d’anxiété. Enfin, les niveaux de revenus plus faibles laissent présager une plus grande détresse. Nous recueillons ces renseignements et nous les communiquons aux gouvernements, aux associations professionnelles, aux commissions scolaires et à d’autres.
    Les personnes qui adhèrent moins aux directives de distanciation sociale souffrent davantage de dépression et de santé mentale négative, notamment en raison des conséquences économiques de la pandémie. Pour ce qui est des moyens de faire face à la situation, nous observons que les médias sociaux et le fait de regarder les nouvelles n’aident pas la plupart des gens. Des activités telles que la lecture, l’activité physique ou l’interaction, même virtuelle, avec des amis ont été jugées utiles durant les premiers stades de la pandémie, mais elles perdent aujourd’hui leur effet positif, car les gens les trouvent répétitives, à force d’y avoir trop recours.
    Les Canadiens considèrent maintenant que le fait de sortir dehors ou de passer du temps dans la nature constitue l’activité la plus utile. Voilà un constat dont nous faisons part aux organisations des parcs et loisirs, aux gouvernements provinciaux et municipaux et à d’autres intervenants dans l’ensemble du pays.
    Il est également important de savoir qui est le messager. Les Canadiens veulent entendre des renseignements sur la santé mentale de la part des professionnels. Il s’agit notamment des médecins comme ceux de l’Agence de la santé publique du Canada ou de leurs homologues provinciaux ou territoriaux, mais aussi des fournisseurs de soins de santé familiale et des médecins à l’échelle locale. Les messages eux-mêmes doivent être précis, mais ils doivent mettre l’accent sur l’espoir, le tout assorti de conseils sur la façon de faire face à la situation.
(1435)
    Que proposons-nous à long terme ou, je suppose, à moyen terme?
    Tout d'abord, il est important de maintenir un degré élevé de confiance. Dans l'ensemble, le Canada a adopté une approche très cohérente, surtout par rapport aux États-Unis, et ce, de façon spectaculaire.
    Par ailleurs, il faut continuer à renforcer les connaissances. Nos données font partie d'une mosaïque d'information à laquelle contribuent de nombreuses organisations. Nous disposons ainsi d'un ensemble de données uniques et reproductibles qui révèlent comment des groupes précis, y compris des groupes à risque, réagissent aux sources de stress psychologique pendant la pandémie. Nous devons communiquer ces données et poursuivre le dialogue. Les personnes vivant seules, les jeunes Canadiens et les Canadiens à faible revenu, ainsi que les personnes ayant déjà des problèmes de santé mentale, sont tous des groupes sur lesquels nous devons nous concentrer.
    À cet égard, mentionnons le travail d'Espace mieux-être Canada, qui sert de centre d'information et de ressources pour les gens qui ont besoin d'aide et ceux qui prennent soin d'eux. Il s'agit d'une ressource importante qui, je le sais, est appuyée par le gouvernement fédéral.
    Enfin, permettez-moi de vous remercier de nous avoir invités à comparaître. Nous collaborerons avec vous par tous les moyens possibles pour aider à lutter contre la COVID et pour soutenir la santé mentale des Canadiens.
    Je vous remercie.
    Merci à vous.
    Nous allons maintenant entendre les représentants de Statistique Canada pour les sept prochaines minutes.
    Monsieur Latimer ou monsieur Gravel, vous avez la parole.
     Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, d'offrir aux fonctionnaires l'occasion de témoigner devant votre comité.
    Statistique Canada surveille les conséquences directes et indirectes de la pandémie sur les Canadiens. Au cours de la récente période, nous avons observé une diminution sans précédent des déclarations des Canadiens sur leur santé mentale, une diminution qui n'est toutefois pas répartie également au pays.
     Mon collègue, M. Ron Gravel, présentera au Comité une série de statistiques sur les diverses répercussions de la pandémie sur certains groupes de la population. Je lui demanderai donc de terminer notre exposé.
    Je vous remercie.
    Les répercussions de la pandémie de COVID-19 peuvent être ressenties de diverses manières, y compris sous la forme de sentiments de dépression, de deuil, de peur, de panique et d'anxiété. Ces sentiments peuvent être des réactions normales à des situations où les routines quotidiennes sont considérablement perturbées.
     Il importe de souligner que l'exposé d'aujourd'hui porte sur les statistiques recueillies au cours des premiers mois de la pandémie, c'est-à-dire pendant la première vague. Le diaporama dresse un profil montrant comment les répercussions sur la santé mentale varient d'un groupe social et démographique à l'autre, notamment chez les jeunes, les immigrants, les groupes désignés comme minorités visibles, les Autochtones et les Canadiens en situation de handicap.
    Je fais maintenant référence à la deuxième diapositive du diaporama. Comme ce dernier contient de nombreux graphiques truffés de détails, je commencerai en faisant un résumé des messages clés, puis attirerai votre attention sur certaines constatations dans chaque diapositive.
    Sachez d'abord...
(1440)

[Français]

    Excusez-moi, monsieur le président, mais le son coupe et l'interprétation ne peut pas se faire. Il y a un problème de son et l'interprétation est interrompue depuis un petit bout de temps.
    Je suis désolé de vous interrompre, monsieur Gravel.
    D'accord.
    Est-ce que c'est mieux, maintenant?

[Traduction]

    Monsieur Gravel, je pense que votre microphone est plus bas que lors des tests de son. Essayez peut-être de prononcer quelques mots pour voir si l'interprétation fonctionne.
    Est-ce que cela fonctionne?
    Est-ce que cela fonctionne à l'interprétation?
    Dites peut-être encore quelques mots.
    Comme il y a de nombreux graphiques truffés de détails, je commencerai en faisant un résumé des messages clés, puis attirerai votre attention sur certaines conclusions sur les autres diapositives.

[Français]

    Monsieur Thériault, est-ce que cela fonctionne, maintenant?
    Oui, c'est mieux.
    Merci.

[Traduction]

    Vous pouvez poursuivre, monsieur Gravel.
    Je vous remercie.
    Sachez d'abord que la pandémie a eu un effet négatif sur la santé mentale de la plupart des Canadiens. Quand on examine la satisfaction à titre de mesure de la bonne santé mentale globale, on constate que cette satisfaction est à son plus bas depuis 2003. Alors qu'avant la pandémie, près des trois quarts des Canadiens se disaient hautement satisfaits de leur vie, ce chiffre n'était que de 43 % pendant la pandémie.
    Enfin, moins de Canadiens ont déclaré être en très bonne ou en excellente santé mentale, la diminution la plus marquée ayant été observée chez les jeunes. Le graphique situé en haut de la troisième diapositive montre que c'est chez les jeunes qu'on observe la diminution la plus importante du taux de satisfaction à l'égard de la vie depuis le début de la pandémie. Le graphique du bas donne à penser que des inégalités émergentes touchent les immigrants. Alors que les taux de satisfaction étaient globalement semblables entre les immigrants et les personnes nées au Canada avant la pandémie, ce taux était moins élevé chez les immigrants en juin 2020.
    La quatrième diapositive porte sur la santé mentale autoévaluée, un puissant indicateur de l'état de santé mentale en général. Comme je l'ai déjà fait remarquer, les études montrent généralement que les répercussions sur la santé mentale touchent davantage les jeunes.
    Le graphique sur la cinquième diapositive montre que les Canadiens ont signalé une augmentation de leur consommation de cannabis, d'alcool ou de tabac pendant la pandémie par rapport à leur consommation antérieure à la pandémie. C'est un fait intéressant, car cela montre que comparativement aux autres groupes d'âge, ce sont les jeunes qui disent le plus avoir augmenté leur consommation de cannabis. Environ 12 % d'entre eux ont déclaré avoir augmenté leur consommation de cannabis pendant la pandémie. Sachez en outre que la plus forte augmentation de la consommation de substances a été observée chez les personnes de 35 à 54 ans et avait trait à la consommation d'alcool.
    Passons à la sixième diapositive. Depuis le début de la pandémie, les résultats d'une enquête reposant sur l'approche participative montrent que les personnes de diverses identités de genre étaient beaucoup plus susceptibles que les hommes ou les femmes de faire état d'une santé mentale passable ou mauvaise. Ces personnes étaient aussi deux fois plus susceptibles que les femmes et trois fois plus susceptibles que les hommes de déclarer des symptômes correspondant à un trouble d'anxiété modéré ou sévère.
    À la septième diapositive, on peut lire que des études antérieures laissent penser que, de façon générale, les immigrants arrivent au Canada avec une santé mentale autoévaluée meilleure que celle des Canadiens, mais cette évaluation est revue à la baisse après une certaine période au Canada. Les résultats de notre enquête reposant sur l'approche participative indiquent que la tendance s'est inversée au cours de la pandémie. En effet, 28 % des immigrants récents qui ont participé à l'enquête ont évalué que leur santé mentale était passable ou mauvaise, comparativement à 20 % pour les immigrants établis et à 24 % pour les personnes nées au Canada. De plus, les immigrants récents étaient plus susceptibles que les autres Canadiens de déclarer des symptômes d'anxiété.
    [Difficultés techniques] fait suite à la diapositive précédente et indique essentiellement [Difficultés techniques]. Dans l'ensemble...
(1445)
    Veuillez m'excuser, monsieur Gravel. Il y a des interruptions de son.
    Peut-être que si vous désactivez la vidéo, il y aura un peu plus de bande passante pour l'audio. Nous avons vos graphiques en main.
    D'accord. Est-ce que ça va?
    Faisons un essai.
    Je vous remercie.
    Dans l'ensemble, les immigrants se sont dits plus préoccupés des conséquences sanitaires et sociales de la pandémie que les personnes nées au Canada. Ils s'inquiètent notamment de leur santé, de celle des membres de leur foyer, du risque de troubles civils, de la violence familiale, du stress qu'éprouve la famille en raison du confinement et du maintien des liens sociaux.
    À la neuvième diapositive, où il est question des Canadiens appartenant à une minorité visible, on observe chez eux des signes de moins bonne santé mentale en comparaison avec les Canadiens blancs. Près de 28 % des personnes appartenant aux minorités visibles ont fait état d'une santé mentale autoévaluée passable ou mauvaise par rapport à 23 % pour les Canadiens blancs. Les déclarations de symptômes d'anxiété modérés ou sévères étaient également plus élevées chez les Canadiens appartenant aux minorités visibles que chez les Canadiens blancs.
    À la 10e diapositive, les données recueillies dans le cadre d'une étude reposant sur l'approche participative indiquent que la pandémie a plus de répercussions sur les Autochtones, les Métis et les Inuits. La diapositive illustre les disparités entre les Autochtones et les non-Autochtones au chapitre de la santé mentale, les pourcentages d'Autochtones faisant état d'une détérioration de la santé mentale, d'un stress élevé et de symptômes d'anxiété étant plus élevés. Quand on leur a demandé comment leur santé mentale avait changé depuis l'imposition de la distanciation physique, 60 % des participants autochtones ont indiqué qu'elle était moins bonne ou beaucoup moins bonne. Un pourcentage plus élevé de femmes autochtones ont aussi déclaré une détérioration de leur santé mentale.
    La 11e diapositive porte sur certains des facteurs qui influencent les disparités en matière de santé mentale observées à la diapositive précédente entre les Canadiens autochtones et non autochtones.
    Je passerai à la 12e diapositive, qui porte sur le dernier groupe que nous décrirons aujourd'hui: celui des Canadiens ayant un problème de santé de longue durée ou une incapacité. Grâce aux données recueillies dans le cadre d'une enquête reposant sur l'approche participative, on voit que plus de la moitié des participants ayant un problème de santé de longue durée ou une incapacité ont déclaré que leur état de santé mentale était moins bon qu'avant le début de la pandémie. Au cours de la collecte de données, qui s'est déroulée en juin et en juillet, plus de la moitié d'entre eux ont indiqué que leur santé mentale était passable ou mauvaise.
    À la dernière diapositive, soit la 13e, les données offrent un portait relativement cohérent de la manière dont la pandémie a eu une incidence négative sur la santé des Canadiens en général et a eu des répercussions plus graves sur les groupes déjà vulnérables au Canada.
    Statistique Canada entend collaborer avec des partenaires pour recueillir plus de renseignements sur l'incidence de la pandémie sur la santé mentale. Pour vous montrer comment nous procéderons, j'ai dressé ici une liste de certaines initiatives, comme l'Enquête sur la COVID-19 et la santé mentale, qui porte sur les deux vagues, l'Enquête sur la santé mentale et les événements stressants, et notre participation active à la Table ronde d'experts sur les besoins en données sur la santé mentale et les défis connexes de Santé Canada.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant commencer à vous poser des questions, en commençant avec M. Barlow.
    Monsieur Barlow, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Trainor, je peux vous garantir que les gens considèrent que le plein air est un remède souverain contre la COVID. Ma circonscription se trouve aux pieds des collines du Sud-Ouest de l'Alberta, où tous les randonneurs de l'Ouest canadien ont passé l'été. C'était formidable à voir, mais je n'avais jamais vu autant de gens auparavant.
    Monsieur Gustafson, j'ai réellement aimé votre exposé d'aujourd'hui. Étant propriétaire d'une entreprise et avec ce que vous avez enduré, vous êtes manifestement très passionné.
    J'aimerais simplement connaître votre opinion. Vous avez déploré le manque d'information. Cette semaine, nous avons entendu le Royaume-Uni annoncer qu'il a un vaccin contre la COVID et qu'il commencera à inoculer ses citoyens. Les États-Unis ont accès à des tests rapides et à des tests à domicile en grand nombre, et réduisent maintenant les périodes de quarantaine. Quant à l'Australie, elle a maintenant annoncé sa stratégie de distribution du vaccin contre la COVID. Mais ici, au Canada, nous n'avons pas de réponses à ce sujet. Quel genre de stress les propriétaires d'entreprise subissent-ils parce qu'ils ignorent pendant combien de temps la situation perdurera ou parce qu'ils ne peuvent pas faire des plans?
(1450)
    Ils sont soumis à un stress considérable. Mon industrie a participé à une séance de discussion ouverte, tenue par téléphone, avec le gouvernement de l'Alberta et Deena Hinshaw, médecin hygiéniste en chef de la province. Lors de cette séance, elle nous a annoncé sans ambages que nos entreprises continueraient de se voir imposer des restrictions et d'être menacées de fermeture d'ici à ce qu'il y ait une vaccination de masse. Elle a ajouté que c'est simplement la réalité avec laquelle nous allons devoir composer. Selon elle, la situation perdurera au cours de l'hiver, voire de l'été. Nous devrions probablement nous préparer à avoir des restrictions jusqu'à l'automne, pendant une autre année, donc. J'ignore si mon entreprise peut survivre à cela. Je ne sais pas si mes membres et mes employés auront la patience d'attendre. L'incertitude a-t-elle des répercussions sur moi? Oui. J'ai besoin d'une date pour pouvoir planifier en conséquence, en espérant que le délai soit aussi court que possible pour que je puisse reprendre un peu mes activités bientôt.
    Oui, je peux sentir votre frustration alors que nous réclamons une stratégie de vaccination pour savoir comment le vaccin sera distribué et que nous recevons des réponses et des délais différents. C'est frustrant, car je pense que souvent, les élus ne comprennent pas les conséquences et les implications de ces retards. Ils disent « Nous l'aurons, nous l'aurons », mais quand nous voyons les statistiques que l'Association canadienne pour la santé mentale a publiées hier — selon lesquelles 40 % des Canadiens affirment que leur santé mentale s'est détériorée et qu'un Canadien sur 10 a des pensées suicidaires —, on constate que les retards sont lourds de conséquences.
    Vous avez soulevé un très bon point, monsieur Gustafson, en indiquant que même si vous receviez le vaccin aujourd'hui, qu'il y avait une vaccination de masse et que votre entreprise pouvait rouvrir, vous auriez besoin de sept ans pour vous relever financièrement. Les gens comprennent-ils votre situation, les contraintes financières que vous subissez depuis huit ou neuf mois et les dommages que cela a causés à votre entreprise et à votre santé mentale? L'anxiété ne s'évanouira pas quand le vaccin sera offert: elle est constante.
    En effet, et vous me demandez si les gens comprennent cela? Je suppose que je ne peux pas parler en toute connaissance de cause de sentiments d'autrui, mais je n'ai pas l'impression qu'ils comprennent.
    On me fait souvent remarquer que j'ai obtenu un prêt de 40 000 $ et que si je le rembourse dans les délais, j'empocherai 10 000 $; de plus, le prêt est sans intérêt d'ici là, mais les gens ne comprennent pas que mes finances étaient déjà très serrées avant que la COVID-19 ne frappe et que je dois maintenant gérer mon flux de trésorerie pour survivre. À un moment donné, je dois trouver un moyen d'obtenir plus de liquidités au cours du mois, alors que mes finances sont déjà serrées, afin de passer au travers des deux prochaines années. Cela signifie que le remboursement de la dette et d'autres projets devront être mis de côté d'ici là.
    À l'heure actuelle, du point de vue de l'endettement et d'autres obligations, j'aurai effectivement besoin de sept ans pour rembourser ma dette, et ce, seulement si nous renouons aujourd'hui avec les chiffres que nous enregistrions avant la COVID, et je doute que nous y parvenions, car je ne pense pas que la population ait confiance à l'heure actuelle.
    Monsieur Gustafson, quand le premier ministre vient dire que nous devons imposer le confinement pour que notre économie redémarre plus forte, un propriétaire d'entreprise comme vous, qui subit confinement après confinement, particulièrement pendant la période de Noël, peut-il croire que l'économie peut reprendre en étant plus forte? Les entreprises seront-elles là après un autre confinement?
    Non. Cela pourrait me sembler sensé si les chiffres sur les lieux propices à la transmission de la COVID-19 venaient corroborer ces dires. Le premier ministre a déclaré que 0,7 % des transmissions de COVID ont lieu dans les restaurants et les programmes d'entraînement de groupe, mais le 13 novembre, il a imposé de nouvelles restrictions à ces commerces.
    J'ai immédiatement affirmé que cela ne résoudrait pas le problème, car cette mesure « ciblée » — pour reprendre ses propres mots — vise les lieux qui sont le théâtre de 0,7 % des transmissions. J'ai indiqué que les chiffres continueraient d'augmenter, ce qu'ils ont fait, alors le gouvernement nous impose plus de restrictions. Les mesures ciblées doivent viser les rassemblements sociaux, car ce sont eux qui font augmenter les chiffres. Le gouvernement a maintenant instauré des restrictions à cet égard, mais je pense que c'est trop peu, trop tard.
    J'ignore lequel des représentants de Statistique Canada, de M. Latimer ou de M. Gravel, voudra répondre à la question suivante. Dans vos études et vos résultats, je n'ai rien vu à ce sujet dans les documents. Dans le cadre de ses activités, Statistique Canada réalise-t-il des enquêtes sur les répercussions sur la santé mentale des propriétaires de petite entreprise?
    Je vous remercie beaucoup de nous poser cette question.
    Je pense que le ministère n'en fait malheureusement pas. Il y a là un manque dans nos renseignements pour l'instant.
(1455)
    Je vous remercie beaucoup de m'avoir donné cette occasion d'intervenir, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur Barlow.
    C'est maintenant Mme Sidhu qui interviendra.
     Madame Sidhu, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président. Je remercie également tous les témoins de comparaître aujourd'hui.
    C'est d'une question fort importante dont nous discutons. Je voudrais d'abord souligner que le gouvernement prend la santé mentale des Canadiens avec le plus grand sérieux. Voilà pourquoi nos plus récents accords en matière de santé accordent des fonds supplémentaires de plus de 5 milliards de dollars aux provinces et aux territoires dans le domaine de la santé mentale. C'est toutefois de la pandémie dont il est question aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à vous, monsieur Trainor. Nous savons que les aînés risquent encore plus d'être isolés socialement qu'avant la pandémie. La région de Peel, où j'habite, est en confinement, et des règlements interdisent aux visiteurs de voir leurs parents et leurs grands-parents dans les résidences de soins de longue durée. À cela s'ajoute le fait que certains aînés ne sont pas à l'aise avec la technologie. Ils se retrouvent ainsi esseulés, ayant moins accès à la technologie. Il est très difficile de garder le contact.
    Pouvez-vous nous expliquer quelles sont les répercussions de l'isolement social sur les aînés et nous indiquer si certaines d'entre elles sont propres à ce groupe? Que peut faire le gouvernement fédéral pour aider les aînés ayant des problèmes de santé mentale?
    C'est un vaste territoire à couvrir. Je conviens certainement avec vous que les aînés, et particulièrement ceux qui résident dans des maisons de soins, ont été frappés de plein fouet par la pandémie, tant sur le plan de l'isolement qu'au chapitre des risques pour la santé et des taux élevés de mortalité.
    Je n'ai pas de données d'enquête portant précisément sur ce point, mais pour notre part, moi et les gens de ma famille avons déployé des efforts considérables pour maintenir les liens sociaux grâce à la technologie numérique. Même quand les aînés ne sont pas eux-mêmes à l'aise avec la technologie, on a prouvé qu'il était possible de mettre les gens en contact avec les médias sociaux et d'autres outils qui semblent avoir des effets bénéfiques.
    Il est très difficile de soupeser la différence entre l'augmentation de l'isolement social, qui a évidemment ses propres effets néfastes sur la santé, et les démarches visant à limiter cet isolement résultant des efforts déployés pour arrêter la propagation de la COVID. C'est un jeu d'équilibre délicat.
    Je pense que nos travaux ont montré que le principal, c'est de faire comprendre aux aînés qu'il y a moyen de s'en sortir. Il a été question de la campagne de vaccination, et je pense que c'est intéressant, car nous sommes en train de lancer notre prochaine enquête. Quelle sera l'incidence de cette nouvelle? Quel effet aura la bonne nouvelle voulant qu'une solution s'en vienne? Nous pensons que cette incidence sera spectaculaire, mais nous ne savons pas vraiment ce qu'il en sera. Je pense que c'est sur les aînés que les effets seront les plus bénéfiques. De plus, la plupart s'entendent pour dire qu'ils recevront le vaccin en premier en raison de leurs niveaux de risque élevé. Selon moi, cette nouvelle aura un effet considérable.
    Merci.
    Monsieur Trainor, il y a quelques semaines, on a révélé que plus de 600 000 Canadiens avaient visité un nouveau portail virtuel fédéral en santé mentale, Espace mieux-être Canada. Ce portail gratuit a été mis sur pied en collaboration avec des experts et offre diverses ressources aux Canadiens.
    À votre avis, est-ce que les plateformes virtuelles du genre représentent un moyen efficace d'aider les personnes qui ont besoin de soutien en santé mentale? Quels sont les obstacles qui empêchent les Canadiens d'utiliser ces plateformes?
    Je suis on ne peut plus d'accord avec vous: il s'agit d'une plateforme très importante et il est intéressant de savoir que les Canadiens qui l'utilisent cherchent deux choses: ils veulent obtenir de l'aide pour eux-mêmes, de diverses façons, et souhaitent aussi obtenir des conseils sur la meilleure façon d'aider les autres. Franchement, il est bénéfique pour notre propre santé mentale d'aider les autres. C'est une bonne stratégie.
    Ce que nous avons constaté — et nous avons travaillé en étroite collaboration avec Espace mieux-être Canada —, c'est que la protection de la vie privée et l'utilisation des renseignements personnels représentaient des obstacles qui gênaient les gens. Je crois qu'Espace mieux-être Canada a pris des mesures pour permettre aux gens d'obtenir des renseignements sans devoir s'identifier ou passer par plusieurs étapes qui entraînent le partage de leurs propres renseignements.
    C'est l'obstacle le plus important: une méfiance générale à l'égard des plateformes numériques. Je suppose que c'est attribuable à tout ce qu'on entend aux nouvelles au sujet du piratage, entre autres. C'est un outil efficace, et je crois qu'il est utile dans le contexte.
(1500)
    Merci.
    J'aimerais vous poser une dernière question. Vous avez parlé d'une étude de votre organisation qui donne à penser que la meilleure façon de préserver la santé mentale est de passer du temps à l'extérieur, alors que l'hiver approche. Cette option sera de moins en moins possible, avec la dépression saisonnière qui s'installe.
    Pouvez-vous offrir des suggestions aux Canadiens pour lutter contre les problèmes de santé mentale associés à la COVID, alors que nous entamons les mois d'hiver?
    C'est intéressant. Je peux vous donner l'exemple de ce qui se passe à Toronto, où j'habite. Le gouvernement municipal a annoncé qu'il allait ouvrir plus de sentiers, que les patinoires allaient rester ouvertes et qu'il prendrait une série de mesures pour nous permettre de prendre l'air de façon sécuritaire, tout en maintenant une distance avec les autres.
    Lorsque nous avons constaté qu'il s'agissait de la principale activité qui aidait les Canadiens, nous avons voulu partager les résultats avec les ministères des Parcs et des Loisirs, les gouvernements municipaux et les associations provinciales des parcs, afin qu'ils prennent des mesures actives pour permettre aux gens de sortir et de profiter de l'hiver.
    Ce sera très important. Les Canadiens n'ont pas trop de mal à supporter l'hiver.
    Merci, madame Sidhu.

[Français]

    Monsieur Thériault, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    La santé mentale et la maladie mentale ont toujours été les parents pauvres du système de santé. Il faudra faire attention de ne pas commettre l'erreur d'omettre de tirer des leçons de cette pandémie. Une fois que les gens auront été vaccinés, que nous nous serons sorti la tête du baril et que la pandémie sera derrière nous, il ne faudrait pas penser que nous n'avons plus besoin d'investir davantage dans la prévention de la maladie mentale et dans la promotion de la santé mentale. Nous avons ici une belle occasion de revoir les priorités et d'investir là où nous pourrons faire des économies à long terme, comme le disait Mme Waddell.
    C'était un commentaire d'ordre général.
    Par ailleurs, des experts venus nous voir en comité nous ont parlé des défis accrus quant à la santé mentale du personnel dans le domaine de la santé. On sait que les effectifs dans ce domaine au Canada sont constitués à 82 % de femmes. Pendant la première vague de COVID-19, la situation des employés du secteur de la santé s'est vraiment détériorée, à cause des plus longues heures de travail et des facteurs de stress liés à la pandémie.
    Monsieur Trainor, j'aimerais connaître votre opinion là-dessus. Considérez-vous que le personnel soignant reçoit un soutien adéquat?
    Comment pourrions-nous rendre ce soutien plus adéquat? Comment faire en sorte que ces gens soient moins stressés et moins affectés par la pandémie?

[Traduction]

    Je crois que vous avez tout à fait raison. Nos sondages montrent que les travailleurs de la santé sont très durement touchés par la situation. Ils présentent les plus hauts taux de détresse psychologique. Je crois qu'au début de la pandémie, nous n'étions pas vraiment prêts, ce qui a généré beaucoup d'anxiété. Il y avait des pénuries d'équipement de protection. Je crois que les travailleurs avaient l'impression d'être placés dans une situation dangereuse. Maintenant que la situation est plus stable et que l'approvisionnement ne pose plus problème, je crois que les gens se portent mieux.
    Nous avons constaté que les gens avaient peur d'être malades, mais craignaient encore plus de voir la maladie frapper leur famille. Vous avez entendu les travailleurs dire qu'avant d'entrer dans leur maison, ils devaient se changer et qu'une fois à l'intérieur, ils devaient tout laver, etc.
    De façon générale, dans ce genre de situation, les gens ont besoin que les responsables de leur milieu de travail comprennent ce qu'ils vivent, qu'ils leur offrent du soutien et l'accès à des services de counseling. Les travailleurs doivent pouvoir parler de ce qu'ils vivent sans avoir peur des représailles au travail. Ils ont besoin d'un milieu de travail propice à la bonne santé mentale. Je crois qu'ils ont aussi besoin de ce que nous commençons à entendre: des messages d'espoir et de soutien, qui ont une incidence sur leur propre vie. La plupart des travailleurs de la santé sont très anxieux face aux gens qui ne respectent pas la distanciation et qui agissent de manière à propager la maladie. Nous voyons partout au pays que la pression sur le système de santé s'accentue et que les taux d'admission aux urgences pour des maladies graves augmentent très rapidement, jusqu'à atteindre le point de rupture parfois.
    Comme tout le monde, je crois que les travailleurs de la santé ont besoin d'un message d'espoir, mais ils ont aussi besoin d'un milieu de travail qui les soutient, et aussi de la reconnaissance qu'on leur témoigne souvent publiquement, pour qu'ils sachent que nous les considérons comme des héros dans cette histoire.
(1505)

[Français]

    Dans le cadre de votre série de sondages nationaux portant sur les effets de la COVID-19 sur la santé mentale des Canadiens, votre deuxième sondage, dont les résultats ont été publiés le 1er octobre, indique que le nombre de Canadiens et de Canadiennes signalant un haut niveau d'anxiété ou de dépression est demeuré stable malgré l'allégement des restrictions au cours de l'été.
    Selon vous, pourquoi le niveau d'anxiété n'a-t-il pas baissé? On aurait pu penser que l'assouplissement des mesures et les vacances feraient baisser le niveau d'anxiété. Probablement que le niveau d'angoisse était assez fort.
    Comment envisagez-vous la période qui suivra la pandémie? Considérez-vous qu'il sera difficile de revenir rapidement à un niveau normal d'anxiété, si je puis dire? Combien de temps cela peut-il prendre?

[Traduction]

    Est-ce que la question m'est adressée? Excusez-moi, j'ai un peu de difficulté avec le son.

[Français]

    Oui. Je citais votre étude.

[Traduction]

    D'accord, notre deuxième sondage... Nous avons été surpris de constater que les niveaux d'anxiété et de dépression n'avaient pas changé depuis le début de la pandémie; ils ne se sont pas améliorés au cours de l'été. Ils n'ont pas changé dans les régions du pays où les cas sont les plus nombreux ni dans celles où les mesures de confinement sont plus strictes. Les niveaux ont augmenté ou sont demeurés stables. C'était une surprise pour nous tous. Je ne peux pas vraiment l'expliquer.
    Quant à ce qui pourrait nous sortir de là, je n'en suis pas certain.

[Français]

    Merci, monsieur Thériault.

[Traduction]

    La parole est maintenant à M. Davies. Vous disposez de six minutes.
    Je remercie tous les témoins pour leurs excellentes interventions.
    Docteure Waddell, vous avez écrit un rapport intitulé COVID-19 and the Impact on Children's Mental Health. Le rapport démontre notamment que 30 % des enfants qui ont été isolés ou placés en quarantaine dépassent le seuil clinique associé aux symptômes de stress post-traumatique. Je trouve ce chiffre stupéfiant. Puisqu'il s'agit d'une réaction aigüe à la situation, avez-vous des recommandations sur les interventions immédiates qui pourraient aider ces enfants qui souffrent de stress post-traumatique?
    Je vous remercie pour votre commentaire.
    Il existe effectivement des traitements pour le trouble de stress post-traumatique chez les enfants. Il s'agit principalement d'une thérapie cognitivo-comportementale. Ces thérapies peuvent être offertes en ligne, par téléphone ou par vidéo. Les restrictions actuelles ne représentent pas un obstacle à cette fin. Ce qui nous nuit, c'est ce dont j'ai parlé dans mon discours préliminaire: nous avions de graves lacunes en matière de services avant la COVID et nous avons été pris au dépourvu. Il faut renforcer les interventions [Difficultés techniques]. Ce que montrent aussi les études citées dans le rapport, c'est qu'il y a de l'espoir... La plupart des enfants s'en sortent. [Difficultés techniques] si les parents gèrent mieux la situation, si la famille et la collectivité la gèrent mieux... Il y a un lien important avec la conversation que nous avons tenue au sujet des adultes. Leur état a une grande incidence sur celui des enfants. Néanmoins, il faut accroître ces services de manière importante. Le traitement dont je viens de parler, la thérapie cognitivo-comportementale, est de courte durée. Elle peut être efficace même chez les très jeunes enfants en 12 séances environ, et aider les enfants à aller mieux très rapidement. Nous n'avions pas la capacité requise avant la pandémie; nous devons développer cette capacité.
(1510)
    On nous a dit qu'au fil de l'amélioration des conditions, alors qu'on administre le vaccin, que la société est plus optimiste et que le stress diminue, la santé mentale des gens s'améliorera également. Nous savons aussi que les enfants sont très résilients. Est-ce qu'on peut s'attendre à une réduction naturelle des traumatismes chez les enfants, alors que les conditions générales s'améliorent? Je ne veux pas que ce soit une raison pour ne rien faire. Je me demande seulement quelle sera l'incidence d'une amélioration générale de la situation.
    Une amélioration générale de la situation des familles qui connaissent des difficultés financières — afin qu'ils obtiennent de l'aide, par exemple — aiderait évidemment les enfants. Les études que nous avons analysées aux fins de notre rapport montrent que la plupart des enfants s'en sortent. Il faut tout de même nous attaquer aux déficits sous-jacents associés aux services en santé mentale pour les enfants. Les Canadiens ne le voient pas. Je crois que c'est un problème invisible. Mais est-ce qu'on tolèrerait des taux de traitement de 50 % pour d'autres problèmes de santé, plus évidents? Je tiens à le répéter, parce que c'est assez stupéfiant.
    Est-il juste de présumer que l'un des défis associés à la santé mentale des enfants, surtout, c'est leur incapacité d'identifier le problème, de le reconnaître et de demander de l'aide? Est-ce un obstacle supplémentaire?
    C'est un des obstacles. Je crois que le plus grave problème, c'est notre incapacité de réaliser pleinement qu'à peu près tous les troubles mentaux se développent dès l'enfance. Au début, ces troubles semblent moins importants. Ils ne se manifestent pas de la même façon que chez une personne de 40 ans, par exemple. Ils sont donc un peu plus difficiles à détecter, mais nous n'en parlons pas aux enfants. Nous pourrions le faire. À l'heure actuelle, si l'on en parle à un enfant et qu'on détecte un problème, il peut être très difficile d'obtenir des services. Je répète que moins de la moitié des enfants qui souffrent de troubles mentaux ont accès aux services. Donc, on détecte un problème chez un enfant, mais on ne peut lui offrir de l'aide.
    J'aimerais aborder ce sujet. Il faut reconnaître qu'il y a quelques années, le gouvernement libéral a octroyé 6 milliards de dollars sur 10 ans, je crois, aux provinces, pour la santé mentale. Je crois que tous les partis reconnaissent que le Canada se situe en dessous de la moyenne de l'OCDE en ce qui a trait aux investissements en santé mentale.
    Donc, ces fonds sont les bienvenus. Est-ce que cet argent s'est traduit par des services supplémentaires?
    Je tiens à dire que c'est une excellente initiative. Dans notre document d'information à l'intention du Comité, nous avons parlé des possibilités de miser sur ce précédent. Ces fonds n'ont pas été dirigés vers les enfants. Je crois que le gouvernement fédéral a fait un très bon coup en investissant dans la santé mentale, mais la majorité des fonds ne visaient pas les enfants.
    Ce que je propose, et ce que suggèrent les données présentées dans notre document d'information, c'est de consacrer davantage de fonds à la santé mentale des enfants. Sinon, les enfants n'en ressentiront peut-être jamais les bienfaits. C'est une excellente initiative que d'affecter des fonds supplémentaires à la santé mentale.
    Merci.
    Si je peux me permettre une dernière question...
    Je suis désolé, monsieur Davies, mais vous n'avez plus de temps.
(1515)
    Merci.
    Voilà qui met fin à notre série de questions.
    Je tiens à remercier tous les témoins de nous avoir aidés avec notre étude aujourd'hui, de nous avoir accordé leur temps et d'avoir partagé leur expertise avec nous. Nous avons quelques travaux à faire maintenant. N'hésitez pas à vous déconnecter, si vous le souhaitez. Vous n'avez pas à rester pour cette partie de la réunion.
    Le greffier a remis à tous les membres du Comité quelques documents PDF qui présentent les budgets des études que nous réalisons présentement. Selon ce que je comprends, ces budgets visent principalement l'achat de casques d'écoute et d'autres fournitures du genre pour les témoins. L'argent qui ne sera pas dépensé sera remis au Parlement.
    J'aimerais attirer votre attention sur le premier, le montant de 3 000 $ pour l'étude du CEPMB.
    Est-ce que les membres du Comité approuvent ce budget? Avez-vous des questions ou des préoccupations? Je vais vous demander s'il y a consentement unanime pour approuver le premier budget. Est-ce que quelqu'un s'y oppose?
    (La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
     Le deuxième budget vise l'étude sur la COVID que nous réalisons en ce moment également. Il s'agit d'un budget de 8 500 $.
    Avez-vous des préoccupations ou des commentaires à faire à ce sujet? Nous devons obtenir le consentement unanime. Est-ce que quelqu'un s'y oppose?
    (La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
     Je remercie tous les membres du Comité pour leur attention et pour leurs excellentes questions.
    Je tiens aussi à remercier les interprètes. Je sais que nous travaillons dans un environnement difficile. Vous réussissez à surmonter tous les défis et à faire votre travail malgré tout. Je vous en remercie.
    Monsieur le président, j’ai une question, rapidement, pour le greffier au sujet de l’étude du CEPMB.
    Une partie de la motion qui a été adoptée demandait à chaque témoin potentiel de remplir un document de vérification en matière de conflits d’intérêts et de déclarer tout montant reçu de la part de l’industrie pharmaceutique. Est-ce que le greffier peut dire au Comité où nous en sommes avec cela? Je n’ai pas vu de document type ni de rapport. Je me demandais où nous en étions avec cette partie de la motion.
    Monsieur le greffier.
    Nous avons quatre témoins confirmés pour la réunion de vendredi prochain. Deux d’entre eux ont signé le document, qui a été préparé par le légiste parlementaire. Oui, dès que les quatre témoins auront signé les documents, je les ferai parvenir aux membres du Comité.
    Merci.
    À titre de suivi, est-ce que ce document indique également si les témoins ont reçu de l’argent? La motion compte deux volets: les conflits d’intérêts possibles et l’obtention d’argent de la part de l’industrie pharmaceutique. Est-ce que les deux volets sont abordés dans le document?
    Je crois que oui. Il faudrait que je le relise, mais je crois que oui, parce que j’ai transmis la motion que nous avons adoptée au légiste, qui a rédigé son document en conséquence.
    Merci, monsieur Davies.
    Est-ce que je peux poser une question au sujet de lundi, rapidement?
    Allez-y, madame Rempel Garner.
    J’ai une petite question au sujet de l’horaire. Je sais qu’on a discuté hors ligne du moment où le projet de loi d’initiative parlementaire de M. Webber serait renvoyé au Comité.
    Je ne sais pas si l’avis de convocation pour lundi prévoit que l’on aborde ce sujet. Pourriez-vous nous donner des précisions au sujet de l’ordre du jour de la réunion de lundi?
    À l’heure actuelle, je ne peux répondre à cette question. Je comprends qu’un amendement sera peut-être proposé. Je crois que nous allons en discuter avec M. Webber. Ensuite, si M. Webber et les autres parties visées n’ont pas d’objection, nous allons peut-être pouvoir régler la question de façon accélérée. Sinon, nous devrons peut-être y revenir après le congé.
    J’espère que nous allons pouvoir le faire pour M. Webber. Je travaille avec lui depuis longtemps, et j’appuie son travail. Ce qui le fâche, c’est qu’une mesure qui avait été adoptée à l’unanimité il y a deux ou trois ans soit morte au Feuilleton au Sénat.
    Je vous remercie de votre appui à cet égard. Je vous donnerai plus de détails dès que j’en aurai.
    Monsieur le greffier, si nous sommes en mesure d’aborder la question lundi, nous en aviserons les membres du Comité le plus tôt possible.
    Je remercie encore une fois tous les membres du Comité. Avez-vous d’autres questions? Est-ce que j’ai oublié quelqu’un? D’accord.
    La séance est levée.
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