HESA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la santé
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 19 avril 2021
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Je vous souhaite à tous la bienvenue à la 30e séance du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. Le Comité se réunit aujourd'hui pour discuter de la situation d'urgence à laquelle les Canadiens font face avec la pandémie de la COVID-19.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins. Nous accueillons tout d'abord Mme Winny Shen, professeure agrégée, Études d'organisation, de la Schulich School of Business à l'Université York, qui témoigne à titre personnel; Dre Mélanie Bélanger, présidente, de l'Association des gastro-entérologues du Québec; Dr Cordell Neudorf, professeur et médecin-hygiéniste en chef, de la Coalition Canada revenu de base; et Mme Leslie McBain, co-fondatrice et directrice, de Moms Stop the Harm.
Sur ce, nous allons inviter les témoins à présenter leurs déclarations liminaires, en commençant par Mme Shen pendant six minutes.
Je vous remercie, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du Comité, de me donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.
Je m'appelle Winny Shen. Je suis professeure agrégée en études d'organisation à la Shulich School of Business de l'Université York, et l'actuelle présidente de la Société canadienne de psychologie industrielle et organisationnelle.
En tant que psychologue organisationnelle qui mène des recherches sur les questions de genre et de diversité en milieu de travail, on m'a demandé de me pencher sur les répercussions disproportionnées de la pandémie de la COVID-19 sur la participation des femmes au marché du travail, et sur l'importance d'y remédier pour avoir une reprise économique équitable.
Deux facteurs interdépendants ont contribué à ce que les femmes soient plus nombreuses que les hommes à quitter le marché du travail en raison de la pandémie.
Premièrement, contrairement aux récessions précédentes, comme la grande récession de 2008, les secteurs les plus touchés par les pertes d'emplois pendant la pandémie sont ceux dans lesquels les femmes ont tendance à être plus fortement représentées que les hommes, comme ceux où il y a des contacts avec les gens et des composantes interpersonnelles importantes. Il s'agit notamment des secteurs de l'hôtellerie et du commerce de détail, ce qui contribue à accroître les répercussions sur les jeunes femmes et les femmes de couleur.
En outre, la pandémie a mis davantage de pression sur les petites et moyennes entreprises que sur les grandes organisations. Les entreprises dirigées par des femmes ont tendance à être plus petites en moyenne que celles dirigées par des hommes, et elles peuvent avoir une situation financière plus précaire étant donné qu'il est plus difficile pour elles d'avoir accès au capital. De plus, les femmes sont majoritaires au sein de l'effectif de nombreux groupes qui offrent les soins de santé de première ligne pendant la pandémie. Notre lutte prolongée contre ce virus a entraîné un épuisement professionnel important et le roulement de personnel qui en découle.
Deuxièmement, la pandémie a accru les responsabilités en matière de soins, qui incombent principalement aux femmes. Comme ce sont elles surtout qui étaient appelées à compenser le fait que les services de garde d'enfants et l'école n'étaient pas toujours ouverts, cela les a amenées à réduire leur nombre d'heures travaillées et à décider de quitter le marché du travail. Les répercussions sur les chefs de famille monoparentale, dont la plupart sont des mères seules, sont particulièrement manifestes. De même, nous savons que les responsabilités en matière de soins aux personnes âgées incombent aussi de manière disproportionnée aux femmes. Ces responsabilités ont également été accrues pendant la pandémie, étant donné la vulnérabilité de la population âgée au virus.
En vue de la reprise, nous devons veiller à ce que les femmes ne soient pas laissées pour compte et examiner attentivement si les politiques pourraient avoir des conséquences inattendues pour les femmes. Nous ne pouvons pas tout simplement présumer que les emplois perdus dans les secteurs à prédominance féminine pendant la pandémie seront récupérés, ou le seront rapidement. Les entreprises qui gèrent leurs coûts en réduisant leurs effectifs pendant la pandémie peuvent choisir de continuer à le faire, compte tenu des incertitudes actuelles.
En outre, pour bâtir une économie plus résiliente et plus équitable, nous devons réfléchir à la manière de rendre la représentation des genres plus équilibrée dans les différentes industries afin que les futurs ralentissements économiques soient vécus de manière plus égale par les différents segments de la population. Nous devons également réfléchir à la manière de mieux protéger les plus vulnérables, par exemple en augmentant la rémunération associée au travail axé sur la personne, afin que davantage d'hommes envisagent ces emplois. Un autre exemple serait d'inciter les femmes à travailler dans des secteurs traditionnellement dominés par les hommes, où on a grand besoin de recrues, comme dans les métiers spécialisés.
La pandémie a également mis en évidence la précarité de nos progrès vers la parité hommes-femmes dans la population active et la sécurité financière qu'elle procure aux femmes et aux familles. Sans intervention, la pandémie pourrait avoir des répercussions importantes sur la carrière des femmes pendant des décennies. Nous savons que les périodes d'arrêt de travail sont souvent mal perçues par les employeurs, ce qui peut rendre la recherche d'emploi plus difficile et avoir des répercussions à long terme sur les revenus futurs. Cela peut notamment être le cas si les employeurs interprètent ces périodes d'arrêt comme un signal que les femmes ne sont pas engagées dans leur carrière et investissent donc moins dans leur développement professionnel à long terme.
Enfin, la pandémie renforce le fait que la capacité des personnes — en particulier des femmes — à participer au marché du travail dépend des ressources disponibles pour assumer leurs responsabilités non professionnelles, telles que les soins aux membres de la famille.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous faire part de mon point de vue.
[Français]
Nous allons passer à l'Association des gastro-entérologues du Québec.
Docteure Mélanie Bélanger, vous avez la parole pour six minutes.
Je suis la présidente de l'Association des gastro-entérologues du Québec. Je représente 273 membres. Nous sommes les médecins spécialistes de l'investigation et du traitement des maladies digestives, les seuls médecins à détenir la formation complète pour effectuer les endoscopies digestives, notamment celles nécessaires pour la prévention du cancer du côlon.
L'endoscopie est une façon d'aller explorer l'intérieur d'une cavité du corps humain. Nous pratiquons notamment la coloscopie pour étudier le côlon, et la gastroscopie pour l'estomac. Grâce aux récentes avancées technologiques en endoscopie, nous sommes capables, en passant par les voies naturelles, de pratiquer des interventions, de faire des prélèvements et de retirer des lésions et ainsi éviter au patient une chirurgie classique. Ce sont des interventions de courte durée, souvent de moins d'une heure, sans anesthésie générale, ne nécessitant aucune hospitalisation et sans période de convalescence. Le coût estimé d'une coloscopie au Québec est de moins de 1 000 $.
La coloscopie a un rôle crucial dans la prévention du cancer du côlon. Ce cancer est le troisième parmi les plus fréquents au Canada et est le deuxième parmi les plus mortels. Selon la Société canadienne du cancer, 27 000 Canadiens en sont affligés par année et 9 700 en meurent annuellement.
Le cancer du côlon a la particularité d'être un cancer qu'on peut prévenir, ce qui est différent du concept de la détection précoce appliqué dans le cas des cancers du sein et de la prostate. Le dépistage du cancer du côlon, par la pratique d'une coloscopie chez une portion de ces patients, permet que des lésions encore précancéreuses soient enlevées et que les patients ne développent pas du tout de cancer, prévenant ainsi chirurgies, chimiothérapies et mortalités. Il a été prouvé scientifiquement qu'un programme de prévention du cancer du côlon diminue la survenue, la sévérité et la létalité de ce cancer très fréquent, touchant des gens dès la cinquantaine, parfois plus tôt, hommes et femmes quasi également.
Le Québec est la seule province qui n'a pas encore de programme officiel de dépistage du cancer colorectal. Le patient doit encore passer à l'action lui-même et demander une ordonnance pour faire un test RSOSi, aussi appelé FIT Test. Ce test est indiqué chez tous les Canadiens à partir de 50 ans. C'est un prélèvement sur les selles qui recherche la présence de sang microscopique, du sang invisible à l'œil nu. Si du sang est détecté, le patient est alors référé pour une coloscopie. Cinq pour cent de tous les tests RSOSi sont positifs, et donc autant de coloscopies sont nécessaires. Le délai recommandé pour les faire est d'au plus huit semaines afin d'éviter la progression des lésions pendant l'attente.
Chez cette population de patients qui ont un test RSOSi positif, 35 % auront des polypes, soit des lésions précancéreuses qu'on peut enlever pour éviter un cancer, et de 6 à 8 % auront déjà un cancer sans en avoir aucun symptôme.
Environ 22 000 coloscopies par mois étaient effectuées au Québec avant la pandémie. Depuis le mois de mars 2020, on constate une importante réduction de l'accès à la coloscopie, ce qui a un effet négatif important sur le nombre de polypes et de cancers détectés. En raison de la baisse marquée des endoscopies pendant la première vague, suivie d'une reprise encore incomplète à ce jour, seulement 73 % des coloscopies ont été effectuées au Québec en 2020 par rapport à 2019. Ainsi, plus de 63 000 coloscopies de moins ont été effectuées pendant la pandémie, ce qui fait que nous avons actuellement plus de 110 000 coloscopies en attente au Québec, dont 63 % sont en retard.
Un important rattrapage sera nécessaire pour freiner l'augmentation du nombre de cancers et de décès par cancer du côlon.
En ce moment, les gastro-entérologues ne disposent pas des ressources humaines ni de l'accès aux équipements nécessaires afin d'effectuer ce rattrapage.
Nous proposons trois solutions. Premièrement, nous croyons qu'il faut mettre en place rapidement de nouvelles salles d'endoscopie fonctionnelles. Deuxièmement, il faut prévoir des enveloppes budgétaires réservées et donner aux unités d'endoscopie un statut particulier, comme l'ont déjà la salle d'urgence et le bloc opératoire, afin d'éviter une cannibalisation des budgets dans les hôpitaux par d'autres secteurs plus sensibles et également afin de permettre une stabilisation du personnel infirmier spécialisé qui contribue à la productivité. Troisièmement, nous devons investir des sommes raisonnables en mécanismes de suivi de la clientèle et de contrôle de la qualité.
En terminant, j'espère vous avoir démontré que des milliers de Canadiens silencieux et asymptomatiques sont nos malades de demain. Ce qui est urgent ne devrait pas nous faire oublier ce qui est important.
Je vous remercie de votre attention.
Merci, docteure Bélanger.
[Traduction]
Nous passons maintenant à la Coalition Canada revenu de base et au Dr Cordell Neudorf.
Vous avez six minutes.
Je vous remercie, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je suis à la fois médecin de santé publique et chercheur sur les causes des inégalités en matière de santé et sur l'incidence des programmes et des services sur la réduction de ces inégalités et l'amélioration de la santé et du bien-être.
Je m'adresse à vous aujourd'hui en ma qualité de membre de la Coalition Canada revenu de base, une coalition de groupes qui luttent contre la pauvreté et pour un revenu de base partout au Canada et qui s'est formée presque au début de la pandémie de la COVID-19 en réponse aux signes précurseurs et aux prédictions voulant que cette situation aurait des répercussions inéquitables sur les Canadiens qui vivent dans la pauvreté.
Nos membres travaillent depuis de nombreuses années avec des organismes de services communautaires, des organisations non gouvernementales, des citoyens concernés, des personnes ayant une expérience vécue, ainsi qu'avec des universitaires et d'autres experts, afin de promouvoir une approche fondée sur des données probantes pour améliorer les programmes de soutien du revenu au pays. Comme l'a bien documenté notre administratrice en chef de la santé publique, Dre Theresa Tam, dans son rapport d'octobre 2020 intitulé « Du risque à la résilience: Une approche axée sur l'équité concernant la COVID-19 », il y a eu des répercussions disproportionnées sur les sous-populations, celles qui sont confrontées au racisme, à la stigmatisation ou à la discrimination sous de nombreuses formes en raison de la maladie elle-même, ainsi que des interventions que nous avons dû utiliser pour la maîtriser.
Le présent rapport décrit plusieurs domaines d'action hautement efficaces pour aller de l'avant au sortir de la pandémie, en tirant des leçons de ce qu'elle nous a révélées. Le premier domaine essentiel mentionné est celui de la sécurité économique et des conditions d'emploi. Au cours des premiers mois de 2020, des groupes qui travaillaient avec des populations vivant dans la pauvreté ont été confrontés à des choix impossibles. On leur demandait de fermer ou d'adapter leurs services pour protéger les clients de la COVID, sachant que cela risquait alors de perturber l'équilibre précaire des soutiens dont ces clients dépendent. Ils se sont également joints à notre coalition, car ils ont été témoins des limites de nos systèmes actuels de soutien et de services.
Les mesures de soutien du revenu qui ont été mises en place pour aider les Canadiens qui se sont retrouvés sans emploi pendant la pandémie ont aidé beaucoup de personnes et de familles qui étaient à un chèque de paie de l'itinérance et de la pauvreté, et ont montré que le gouvernement peut être agile dans la mobilisation des ressources pour aider ceux qui sont dans le besoin. Cependant, certaines personnes qui n'étaient pas admissibles et qui vivaient déjà dans la pauvreté ont pu être mal conseillées ou ont demandé ce financement pour découvrir qu'elles étaient ensuite privées de leur soutien au revenu existant ou qu'on leur demandait de rembourser cet argent. Dans d'autres cas, les montants qu'ils recevaient dans le cadre des programmes existants étaient nettement inférieurs au coût de la vie, ce qui faisait de la PCU une option intéressante pour survivre. D'autres ont été expulsés après la levée des interdictions temporaires d'expulsion pendant la crise, ou ont vu leur vie basculer à nouveau dans la crise lorsque des soutiens et des services précaires ont été supprimés pour des raisons de sécurité liées à la COVID. La pandémie et les mesures que nous avons prises pour la contrôler ont essentiellement révélé les lacunes de notre système complexe de programmes et de services destinés aux personnes vivant dans la pauvreté.
De multiples études menées au Canada et ailleurs ont également montré que les personnes vivant dans la pauvreté ont eu plus de cas de COVID à un taux plus élevé, des taux d'hospitalisation plus élevés et plus de décès que les autres Canadiens. Heureusement, de nombreuses études ont déjà été réalisées qui montrent qu'il n'est pas nécessaire que ce soit le cas. Des expériences antérieures de revenu annuel garanti au Canada et ailleurs ont montré que les participants étaient en meilleure santé, tant physique que mentale, et qu'ils avaient moins recours aux services sociaux et de santé. La grande majorité d'entre eux ont utilisé cette base de revenu plus sûre pour stabiliser leur situation et mieux planifier leur avenir. Grâce à nos programmes actuels de sécurité de la vieillesse et de supplément de revenu garanti, le Canada est passé de l'un des taux de pauvreté les plus élevés chez les personnes âgées au sein des pays de l'OCDE à l'un des plus faibles, tandis que le taux d'insécurité alimentaire dans ce groupe d'âge a chuté de 50 %. De même, la prestation pour enfants a permis à plus de 334 000 enfants au Canada de passer au-dessus du seuil de pauvreté, et l'UNICEF la considère comme un modèle de programme de revenu de base efficace pour ce sous-groupe.
Tandis que ce genre de programmes contribuent à réduire la pauvreté au pays, nous devons remédier à la situation d'autres sous-populations qui vivent encore dans la pauvreté.
Les programmes et services actuels ont souvent des critères d'admissibilité complexes ou des exigences de qualification régressives, par exemple la nécessité de liquider les actifs actuels ou d'appliquer un dispositif de récupération pour tout revenu gagné durant la période d'assistance. Collectivement, ces mesures servent à garder de nombreuses familles dans la pauvreté. Cela a des conséquences dramatiques sur leur santé et leur mieux-être, faisant ainsi grimper les coûts associés à la gestion des conséquences des coûts sociaux et sanitaires de la pauvreté, par l'intermédiaire de financement en aval et encore plus de services.
Cette pandémie nous a montré que nous devons rebâtir sur une base plus solide afin d'être plus résistants face aux crises à venir. Si nous adoptons un revenu annuel garanti, les familles touchées par une perte d'emploi au cours d'une future pandémie ou d'un changement profond de l'économie sauront qu'elles sont en sécurité en attendant le retour des emplois ou qu'elles ont la souplesse nécessaire pour se recycler en fonction de n'importe quel emploi offert au sein d'une nouvelle économie. De plus, nous aurions un système simplifié aux coûts administratifs réduits, une plus grande part des investissements étant ainsi directement versés aux personnes dans le besoin, ce qui, simultanément, réduirait les coûts indirects de la pauvreté de même que la complexité et l'inefficacité du système actuel.
En conclusion, les coûts du revenu annuel garanti ne sont pas négligeables, mais les coûts des mesures nécessaires pour gérer les conséquences et les répercussions en aval, de même que ceux de notre système complexe, sont presque aussi importants, voire plus importants, et ont une incidence moindre. Beaucoup d'études montrent que, dans les cas les plus complexes, les coûts des services sanitaires et sociaux et de la réaction du système judiciaire aux effets de la pauvreté et de l'itinérance sont énormes. Au bout du compte, les personnes se retrouvent souvent dans une situation identique ou pire et ont peu d'espoir dans l'avenir.
Nous pouvons apprendre des réussites et limites de notre réponse à la pandémie et rebâtir plus efficacement. Le revenu de base a le potentiel de permettre à tous les Canadiens de vivre des vies plus saines en réduisant les répercussions sanitaires liées à la pauvreté. C'est pour cette raison que beaucoup d'organismes de services sociaux et sanitaires, y compris la santé publique, appuient l'établissement d'un revenu de base pour les Canadiens.
Merci.
Merci, docteur Neudorf.
Passons maintenant à Mme Leslie McBain, cofondatrice et directrice de Moms Stop the Harm.
Je vous en prie, madame McBain, allez-y. Vous avez six minutes.
Je suis la cofondatrice d'un organisme national sans but lucratif appelé Moms Stop the Harm. Deux autres mères, soit Lorna Thomas et Petra Schulz, et moi avons perdu nos magnifiques garçons aux méfaits de la drogue en 2013-2014. L'année suivante, nous avons décidé d'agir. Au début de 2016, notre organisme comptait 18 personnes. Aujourd'hui, beaucoup plus de 2 000 familles de partout au Canada sont membres.
Notre but était et demeure de militer pour des politiques en matière de drogues fondées sur des données probantes qui appuient les personnes qui consomment de la drogue plutôt que de les punir. Nous ne voulons pas qu'une autre famille vive la douleur profonde et perpétuelle qu'entraîne la perte d'un enfant, surtout quand la cause est évitable. Nous continuons de demander des politiques humaines sur les drogues, et nous avons maintenant un réseau de groupes de soutien par des pairs dûment formés qui aident les familles en deuil et celles qui luttent pour garder en vie un proche qui a une dépendance.
Avec l'aide de subventions provinciales et fédérales, nous avons augmenté le nombre de groupes partout au Canada. Au cours des 12 derniers mois, le nombre de nos membres a monté en flèche. Nous comptons maintenant des pères, des amis, des frères et sœurs, des leaders religieux et des Autochtones dans nos rangs, ce qui est dû à l'augmentation exponentielle des décès attribuables aux intoxications et des survivants à une surdose au Canada pendant la pandémie, ainsi qu'à l'augmentation de la consommation de drogues qui en a découlé.
Quelle incidence la COVID a-t-elle eue sur ces familles et leur communauté? L'impact a été et demeure profond. Compte tenu des conditions que la pandémie impose à tous les citoyens, et plus particulièrement à la communauté des consommateurs de drogue et de leur famille, nous constatons que le stress, la peur et l'anxiété que ces familles vivent s'intensifient si leurs proches qui ont un problème de consommation sont encore en vie. Aujourd'hui, les familles reçoivent plus souvent des appels désespérés, puisque les services se sont évaporés dans la foulée des restrictions dues à la COVID, quand ce n'est pas l'appel fatidique qu'aucun parent ne veut recevoir.
Les services de traitement et de rétablissement sont toujours aussi ridiculement coûteux. Il y a des listes d'attente encore plus longues et les personnes meurent avant de pouvoir obtenir des services. Beaucoup de familles qui se battent pour garder leurs proches en vie ont déjà été frappées par les difficultés économiques liées à la COVID, ce qui rend leur situation désespérée. Les services en santé mentale sont débordés et incapables de gérer la hausse des demandes.
L'une de nos membres, mère célibataire de deux adolescents à la maison et d'un fils ayant des problèmes de santé mentale et de dépendance, a perdu son emploi de directrice de la vente au détail dans la foulée des compressions liées à la COVID. Quand elle disposait d'un salaire fiable, d'un loyer abordable, elle était en mesure de se prévaloir de services de garde et de voir son fils toxicomane, qui a choisi de vivre dans la rue. Elle lui donnait souvent de l'argent ou un autre téléphone, lui achetait des vêtements ou un autre sac à dos. Vu la réduction des services qui peuvent l'aider, elle est aujourd'hui sa seule source de protection. Maintenant, elle n'a pas assez d'argent pour vraiment l'aider, et souffre d'une grave maladie gastro-intestinale due au stress. Son docteur lui a dit: « Réduisez votre stress et prenez ces cachets. »
Le deuil au sein des familles et des communautés qui ont perdu des proches en raison d'une intoxication déchire le tissu social canadien. Depuis l'arrivée de la COVID dans nos vies, la douleur vécue par les familles qui ont perdu un enfant en raison de la drogue est exacerbée par leur incapacité à se réunir dans le cadre de funérailles, de veillées funèbres ou d'autres rituels. Ils ne reçoivent pas de visites ni de plats réconfortants. L'impact psychologique fulgurant du deuil en solitaire est à la hauteur des peurs associées à la COVID.
Tout comme le reste de la population, les personnes qui ont un trouble lié à l'utilisation de substances, ce qui est en temps normal un trouble compliqué, stigmatisant et dangereux dans ce pays, ont été priées de s'isoler pendant la pandémie. Les personnes dépendantes se sont donc retrouvées dans une situation de vulnérabilité extrême.
Le message en vigueur pendant de nombreuses années, qui était « Ne consomme jamais seul; assure-toi d'être avec quelqu'un de confiance », s'en trouve pour ainsi dire annulé. Les personnes qui consomment de la drogue prennent les avertissements par rapport à la COVID aussi sérieusement que le reste de la population. Maintenant, pendant la pandémie, il est plus dangereux que jamais de consommer seul, en raison de la toxicité accrue des drogues accessibles. Si une personne fait une surdose, elle va probablement mourir seule ou subir des dommages irréparables au cerveau si elle n'obtient pas d'aide.
La COVID a interrompu le flux normal des drogues illicites au Canada. Nous avions une assez bonne compréhension des drogues, certes toxiques, qui passaient habituellement les frontières canadiennes. Les personnes dépendantes avaient une idée de leur intensité et des risques inhérents. Bien sûr, cela n'empêchait pas leur décès ni leur admission aux urgences, mais jamais en aussi grand nombre qu'aujourd'hui.
Ne voulant pas ignorer un marché très lucratif apparu soudainement, les fabricants locaux de drogues illicites ont commencé à produire à la hâte des substances puissantes, auxquelles ils ont incorporé des drogues hautement toxiques en quantités qui tuent. Les décès dus aux drogues toxiques ont augmenté de 120 % depuis 2019.
Avec la COVID, comme pour nous tous, les personnes souffrant de troubles liés à la consommation de substances ont été déconnectées de leur communauté, de leurs familles et de leur ordinaire. Certains refuges ont fermé. Les services ont été fermés ou réduits à peau de chagrin. Les lieux de consommation supervisée ont fermé ou ont réduit considérablement leurs heures d'ouverture. Des reculs de la sorte entraînent souvent une augmentation de la consommation de drogues, car les liens ont disparu, et les liens sont essentiels pour les personnes qui consomment des drogues, comme c'est aussi le cas pour le reste d'entre nous.
Je ne suis pas une universitaire. Je ne suis pas une scientifique. Je suis une mère endeuillée qui a entendu 2 000 histoires. Je connais la vague de chagrin qui s'abat sur notre pays et j'ai vu les conséquences physiques et psychologiques sur nos proches, avant et surtout maintenant, avec la COVID.
Si le gouvernement fédéral, en partenariat avec les provinces, pouvait agir en fonction des données probantes et instaurer un approvisionnement sécuritaire en drogues pour les personnes qui en ont besoin, décriminaliser la possession de quantités personnelles de substances illicites et investir dans un système de soins apte à donner à tous un accès rapide à des services de traitement et de rétablissement ainsi qu'à des soins en santé mentale, les effets de la COVID, les effets de la conjoncture en matière de drogue ainsi que les décès et le désespoir des familles seraient assurément atténués.
Merci beaucoup.
Merci, madame McBain.
Nous allons commencer nos questions avec M. Barlow.
Monsieur Barlow, vous avez la parole pour six minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui.
Madame McBain, je vais commencer par vous, si vous n'y voyez pas d'objection. Je vous remercie de nous avoir fait part de votre histoire personnelle. Je sais, malheureusement, que trop d'entre nous ont perdu des amis ou des parents à cause de la crise des opioïdes, qui a été exacerbée par la pandémie de COVID-19.
À la suite des fermetures et des restrictions, nous avons effectivement vu les chiffres augmenter de façon spectaculaire au cours de la dernière année relativement à la consommation de substances et aux décès et suicides attribuables aux opioïdes. Ma province, l'Alberta, a enregistré le deuxième plus grand nombre de suicides au pays au cours des six derniers mois.
Serait-il utile d'avoir un guichet unique, une ligne d'urgence 988 pour le suicide, qui serait géré par des experts en santé mentale? C'est quelque chose que nous n'avons pas au Canada pour le moment. Actuellement, chaque province a son propre système. Souvent, lorsque les gens appellent, ils tombent sur un répondeur ou un message enregistré. Quelle différence cela ferait-il? Il pourrait s'agir d'une étape rapide et facile, d'une ligne d'assistance au suicide 988, animée par des experts en santé mentale. Quelle différence cela ferait-il?
Je pense que tout peut aider. Tout est utile.
S'il s'agissait d'une ligne d'aide qui pourrait traiter du suicide ainsi que d'autres problèmes de santé mentale — et je devrais même dire de problèmes de consommation de drogues et de toxicomanie —, oui, ce serait une excellente idée. Cela ne pourrait pas faire de mal, mais en même temps, nous avons besoin de mettre en place, partout et en tout temps, des connexions par le truchement d'une ligne téléphonique ou d'une application téléphonique permettant aux personnes qui consomment des drogues d'entrer en contact avec quelqu'un qui les écoute.
Je ne sais pas si vous avez entendu parler de cette application, mais ce serait comme pour l'application Lifeguard. Les appels doivent être pris à l'intérieur d'un certain nombre de secondes clés, faute de quoi, les services d'urgence sont appelés.
Tout ce qui peut aider à garder les gens en vie pendant cette pandémie est inestimable. Le nombre de suicides est en hausse, et nous avons besoin de tous les soutiens disponibles, donc la réponse est oui, bien sûr.
Merci, madame McBain.
Je sais que ma province, l'Alberta, est en train de mettre cette application et ce programme à l'essai, comme d'autres provinces, j'en suis sûr, donc c'est un bon premier pas.
Vous avez parlé de l'incapacité de se réunir et de la façon dont l'isolement est devenu encore plus difficile. Je crois que vous avez parlé de « vulnérabilité extrême ».
Est-ce que le manque de vaccins, la distribution de vaccins, le fait d'amener les gens à se faire vacciner et le retour à la normale — je sais que ce n'est pas un problème en ce qui concerne la consommation d'opioïdes — sont des éléments importants de cela, c'est-à-dire d'essayer simplement de rétablir une sorte de voie normale pour que les gens puissent se rassembler à nouveau?
Absolument. Je pense que nous attendons tous que les choses deviennent plus sécuritaires. Lorsque les gens perdent un être cher, quelle que soit la cause, nous avons des traditions. Comme je l'ai dit, lors de la perte d'un être cher, nous avons des rituels et des recours qui sont vraiment importants pour notre santé mentale.
Les familles qui ont perdu un être cher à cause des méfaits de la drogue devaient déjà faire face à la stigmatisation et à l'isolement précisément à cause de cela: la consommation problématique de drogue. Les choses n'ont pas changé à cet égard. Sans les soutiens que nous aurions normalement, leur vie devient bien souvent très sombre et sans espoir, surtout s'ils ne peuvent avoir personne pour les étreindre ou pour tout simplement s'asseoir avec eux.
La vaccination est extrêmement importante et je pense que nous savons tous que c'est notre seule façon de revenir à un semblant de normalité. C'est aussi la seule façon pour ces personnes qui sont si vulnérables — surtout pour elles — de faire leur deuil. Cela fera une grosse différence.
Merci, madame McBain. Je suis désolé. Je ne veux pas vous couper la parole, mais mon temps est limité.
Madame Shen, je voudrais passer à vous si possible. Vous avez abordé certains problèmes dont nous sommes nombreux à entendre parler. Dans certains appels Zoom et webinaires que nous avons avec nos chambres de commerce pour essayer de saisir les répercussions sur les petites entreprises, l'un des messages les plus appuyés que nous entendons maintenant est celui des femmes propriétaires de petites entreprises qui doivent désormais assumer le stress et l'anxiété d'avoir à s'inquiéter de leur entreprise, de leurs employés, de leur famille et aussi des familles de leurs employés. Elles doivent assumer toute cette responsabilité.
Je ne peux m'imaginer le stress qu'elles subissent en essayant de gérer leur entreprise, de travailler de la maison et d'assurer l'éducation de leurs enfants à travers tout cela, laquelle se fait souvent à la maison.
Quels sont selon vous les programmes ou les mesures que nous pourrions mettre en œuvre ou les recommandations que nous pourrions formuler pour tenter de remédier à cela? Je présume que les répercussions de cette situation se feront sentir sur le long terme.
Je pense que c'est très vrai lorsqu'il s'agit de gérer de multiples demandes en même temps. En guise de recommandation, je sais que le gouvernement fédéral a mis en place de nombreuses mesures pour tenter d'aider les petites entreprises, mais beaucoup de ces mesures ne servent qu'à maintenir les entreprises à flot. Ce n'est pas vraiment suffisant pour faire quelque...
Ces mesures sont aussi très limitées dans le temps. Il est difficile de planifier. Même si vous vous en tirez aujourd'hui, demain vient avec son lot d'incertitudes, et vous vous inquiétez non seulement pour vous-même et votre famille, mais aussi, comme vous l'avez mentionné, vous vous inquiétez pour la santé et le bien-être de toutes les personnes que vous employez.
Une planification plus cohérente et à plus long terme est nécessaire pour aider les personnes qui gèrent des entreprises à faire face à la pandémie, en particulier dans ce contexte d'incertitude permanente. Nous devons trouver des moyens d'assurer la continuité des soins pour les gens. Je suis en Ontario, où nous en sommes à notre troisième confinement. Nous savons que le fait d'essayer de gérer ce nouveau besoin de faire l'école à la maison et de garder les enfants à la maison rend la gestion des responsabilités professionnelles et familiales concurrentes très difficile, alors nous devons trouver de nouvelles façons et de nouvelles occasions d'offrir des soins aux gens.
Je sais que ce sont des questions difficiles, mais c'est la réalité à laquelle nous sommes confrontés. Si nous ne nous attaquons pas à ces problèmes, nous commencerons à voir des gens qui ne pourront plus soutenir leur entreprise ou qui seront forcés de se retirer complètement de la population active.
Merci, monsieur le président. Bonjour à mes collègues.
Un gros merci à nos témoins pour leur témoignage d'aujourd'hui.
Je vais m'adresser surtout au Dr Neudorf. Comme vous le savez, j'ai défendu le revenu de base dans ma circonscription et dans la région de l'Atlantique. Tout au long de la pandémie, notre gouvernement a mis en place un certain nombre de mesures de soutien pour les Canadiens, dont la Prestation canadienne d'urgence, la PCU. Je pense qu'à un moment donné, il y avait environ 7,5 millions de personnes qui en bénéficiaient.
Pour moi, la PCU a agi ni plus ni moins comme une sorte de revenu de base pour ceux qui en avaient le plus besoin. Deux choses m'intéressent: premièrement, quelles sont selon vous les choses que nous pouvons apprendre de la PCU, et deuxièmement, croyez-vous que nous pouvons utiliser ce modèle comme point de départ pour la création d'un cadre national pour le revenu de base?
L'une des principales choses que la PCU a démontrées, c'est qu'il est possible pour le gouvernement fédéral d'orchestrer rapidement et assez aisément un soutien au revenu à grande échelle. C'est un sujet qui a été débattu pendant un certain temps. Même sans planification préalable, nous avons pu fournir ce financement très rapidement aux Canadiens qui en avaient besoin.
Je pense que ce qui a bien fonctionné pour ceux que la PCU ciblait de façon précise pourrait fonctionner au moins aussi bien pour ceux qui n'y étaient peut-être pas admissibles. Nous savons que de nombreuses autres personnes ont été touchées par la pandémie, mais pas nécessairement directement en raison de pertes d'emploi. Il y a de nombreuses personnes et de nombreux types de situations qui pourraient se présenter dans l'avenir et que nous ne sommes pas en mesure de prévoir, des situations où l'économie ou la vie des gens est bouleversée et où certaines personnes se retrouvent dans la rue ou en situation de pauvreté.
Je pense que l'adoption de ce genre d'approche pourrait être tentée. Sauf qu'il faudra se questionner sur la façon de la rendre plus inclusive et, possiblement, de la simplifier, voire jusqu'à remplacer certains des systèmes plus complexes qui ont été mis en place. Cela devra se faire en consultation avec les provinces et les territoires afin de trouver une façon d'en harmoniser l'application.
La réalité est qu'au fil du temps, nous avons constaté le rôle énorme joué par le gouvernement quant à la capacité de fournir ce genre de soutien aux citoyens. Au fil du temps, nous avons improvisé des améliorations aux services et aux programmes sociaux. À un moment donné, tout devient tellement complexe que les personnes peinent à savoir si elles sont admissibles à un programme ou à un service existant, si elles ont les moyens d'y accéder ou si elles n'y sont pas tout à fait admissibles. L'administration de ce genre de système coûte très cher et finit par ne pas répondre aux besoins d'un grand nombre de personnes.
En résumé, la réponse est oui, nous avons appris qu'un programme simplifié apte à répondre aux besoins des familles et des individus touchés par toutes sortes de crises est possible et qu'il peut fonctionner.
J'ai une question complémentaire à ce sujet, monsieur Neudorf, pour mes collègues, pour moi-même et pour les Canadiens qui nous regardent.
Existe-t-il des pratiques exemplaires dans d'autres pays ou d'autres régions du monde dont nous pourrions nous inspirer pour garantir le succès d'un programme de ce type? Je sais que c'est une définition large. Y a-t-il des pratiques exemplaires présentes ou passées dont nous pouvons nous inspirer?
Oui, il y a eu de multiples expériences à l'échelle nationale ou infranationale au cours desquelles une forme ou une autre de revenu de base a été mise à l'essai pendant un certain temps. Il est difficile de prendre des exemples venus d'ailleurs et de les appliquer directement au Canada. Il faut tenir compte du contexte dans lequel nous voulons les appliquer. Bon nombre de ces expériences ont démontré — comme nous venons de le dire en parlant de la PCU — que ce concept fonctionne.
C'est quelque chose qui a aussi été démontré dans des expériences qui ont été tentées en sol canadien dans le passé, comme au Manitoba dans les années 1970 et même, plus récemment, en Ontario... Malheureusement, ce programme-là a dû être interrompu prématurément. Malgré cela, pendant la courte période où il a été appliqué, nous avons été à même de constater que les effets directs du programme sur l'amélioration de la santé des personnes, de leurs enfants et de leurs familles étaient substantiels. En fait, la vie des familles devenant plus stable, il y a eu une diminution de l'utilisation des services sociaux et de santé.
Il a également été démontré que, dans l'ensemble, la proportion de personnes utilisant ces fonds de manière très productive pour stabiliser la situation précaire dans laquelle elles se trouvaient au départ, puis pour trouver des moyens de se reconstruire, de se rééduquer et d'investir dans leur famille... Pour beaucoup de familles, le programme a eu une incidence considérable et a amorcé une transformation.
La recherche a déjà été faite. Nous n'avons pas besoin d'un autre projet pilote. Il a été démontré que cela fonctionne. Ce qu'il faut maintenant, c'est appliquer le principe dans le contexte du système canadien.
J'ai une question très rapide, docteur.
Mes recherches à partir de différentes sources m'ont permis de dégager certaines choses en matière d'entrepreneuriat — et nous en avons parlé ici. Dans cette optique, pourriez-vous aborder la question de l'entrepreneuriat chez les jeunes et nous dire comment un revenu de base peut les aider à mettre sur pied leur propre entreprise?
Il y a de solides arguments à faire valoir dans de multiples secteurs en faveur du revenu de base, y compris dans celui de l'entrepreneuriat. Il existe d'ailleurs de bonnes recherches qui ont été réalisées à cet égard dans ce domaine.
Il faut savoir qu'au cours de cette période névralgique du développement pendant laquelle les revenus sont quasi inexistants, le besoin de développer cette base et de démarrer une nouvelle entreprise est important. Comme nous l'avons vu pendant la pandémie, pour ceux qui, malheureusement, venaient de lancer une nouvelle entreprise et étaient confrontés à ce genre de crise, il était important d'avoir la capacité de se garder la tête hors de l'eau. Ce sont les deux côtés d'une même médaille.
La capacité à stimuler ce genre de créativité et d'esprit d'entreprise est bien réelle lorsque la personne comprend qu'elle part d'une base stable.
Merci, monsieur Kelloway.
[Français]
Nous allons passer à M. Thériault.
Vous avez la parole pour six minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je voudrais remercier l'ensemble des témoins de leur présence. Je vais m'adresser d'abord à la Dre Bélanger.
On a subi la première vague, puis la deuxième et l'on entame la troisième. La pandémie a forcé nos réseaux à organiser les soins en deux catégories de patients, soit ceux atteints de la COVID-19 et ceux qui ne le sont pas.
On semble oublier que les effets réels de la pandémie vont vraiment émerger lorsqu'on aura le bilan réel de la situation des patients qui n'ont pas été atteints de la COVID-19. Il serait erroné de penser qu'on aura surmonté la pandémie lorsque tout le monde sera immunisé, puisqu'il y aura encore des effets collatéraux de cette pandémie pendant peut-être plus d'une année, voire plus de deux ans.
Les chiffres sont affolants. Vous nous avez dit tout à l'heure qu'il y avait 110 000 personnes en attente d'une coloscopie et que 63 % des coloscopies étaient en retard. Vous nous avez aussi dit que le cancer du côlon était le troisième parmi les plus fréquents et le deuxième parmi les plus mortels.
Alors, quelles sont les conséquences de ces retards? Qu'est-ce que vous craignez?
Le fait de ne pas voir maintenant les patients asymptomatiques lors d'un dépistage de cancer du côlon et de ne les voir que plus tard est le plus grand impact. Il entraînera une augmentation certaine et prouvée du nombre de cancers du côlon au cours des prochains mois et des prochaines années.
Pour mettre la chose bien en évidence, lorsqu'il n'y a pas de pandémie, il se fait mensuellement au Québec une moyenne d'environ 55 000 tests de sang dans les selles positifs. Compte tenu d'un taux de positivité moyen de 5 %, on en arrive à 2 750 tests positifs. Comme on dit que 35 % des patients ayant un test positif se situent dans la phase de latence, on peut conclure que chaque mois, au Québec, environ 1 000 patients sont vus en endoscopie et évitent ainsi de développer un cancer du côlon.
Par conséquent, pendant tous ces mois où ces patients ne sont pas vus, leurs lésions progressent. Il a été scientifiquement prouvé que, pour un patient dans cette trajectoire, lorsqu'on repousse une coloscopie pendant huit mois, on double son risque de cancer et de cancer à un stade avancé.
Le fait de ne pas voir en ce moment ces patients, qui n'ont pas voix au chapitre et qui n'ont pas de symptômes, entraîne bien plus qu'un problème. Au départ, on fait face à une maladie, à un cancer, complètement évitable en temps normal et on se retrouve après des mois avec des cancers avérés, des cancers à un stade avancé et des cancers mortels.
Selon l'Association des gastro-entérologues du Québec, les effets réels ne seront connus que dans plusieurs années dans le cas de quelqu'un qui reçoit un diagnostic de cancer et dont le parcours pourrait le mener à la mort. On ne va pas voir ces effets dans un mois, mais bien dans plusieurs années souvent.
On sait qu'avant la première vague, le réseau était déjà fragilisé. Il y avait déjà un problème de sous-financement chronique. Tout le monde est venu nous le dire.
Dans votre pratique, vous avez dit tout à l'heure qu'il y avait un retard après la première vague. Si l'on continue selon la tendance actuelle, pensez-vous que ce retard sera comblé? Dans l'affirmative, combien de temps faudra-t-il?
À ce jour, au Québec, il n'y a pas eu un seul mois où nous avons pu effectuer le même nombre de coloscopies qu'à pareille date l'année dernière. Les ressources actuelles ne nous permettent même pas de faire en sorte que les retards cessent de s'accumuler. Je vais vous donner un exemple pour vous donner une idée de la situation. Pendant la pandémie, nous avons effectué 63 323 coloscopies de moins qu'à pareille date l'année dernière. La moyenne mensuelle quant au nombre de coloscopies effectuées dans les unités au Québec est de 22 000. Le retard qui s'est accumulé en plus par rapport à l'année dernière représente trois mois de travail à temps plein dans toutes les unités d'endoscopie du Québec. C'est ce qu'il faudrait simplement pour régler ce retard, et cela exclut tout apport additionnel de patients.
Il est certain que les ressources dont nous disposons ne nous permettront pas de répondre à l'afflux de patients auquel nous allons nécessairement faire face. En raison de facteurs comme la distanciation physique et le fait que, dans certains cas, les patients ne peuvent pas se présenter à leur rendez-vous parce qu'ils doivent s'isoler, les ressources dont nous disposons actuellement ne nous permettent pas d'effectuer le même nombre de coloscopies par mois. Poursuivre dans cette voie ne fera qu'accentuer le retard. Nous allons donc éventuellement nous retrouver face à des gens plus malades.
Il faut parler à un médecin qui travaille sur le terrain. Chaque jour, nous voyons des catastrophes. Dans certains cas, des maladies sont diagnostiquées tardivement. J'exclus ici le cancer du côlon. Il y a des maladies plus avancées, des interventions chirurgicales, des hospitalisations et des décès qui pourraient être évités. Les décès qui auraient pu être évités font partie du quotidien des médecins sur le terrain.
Le Dr Soulez, de l'Association canadienne des radiologistes, nous disait que ces retards allaient faire augmenter le taux de mortalité. Vous avez donc les mêmes craintes. Dire qu'il faudra après la pandémie investir de façon durable et augmenter les transferts du fédéral en matière de santé a-t-il du sens pour vous?
Dans le cas du cancer du côlon, nous avons besoin de fonds destinés à l'endoscopie. Pour arriver à fonctionner, nous devrons disposer de plus de salles et disposer du personnel nécessaire. Des investissements sont en effet nécessaires. En raison de l'ampleur du retard que nous connaissons en ce moment, la situation ne pourra pas être réglée par des réorganisations de travail ou de services. Nous avons effectivement besoin de soutien financier. Les gastro-entérologues ont la disponibilité nécessaire pour travailler davantage. Il y a du personnel pour faire le travail. Ce dont nous avons besoin, c'est l'accès à des lieux sécuritaires et bien organisés ainsi qu'à des primes pour notre personnel spécialisé, que nous désirons conserver.
Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être ici.
Au sein du Comité, nous sommes tous d'accord pour dire que la crise des décès dus aux opioïdes dans notre pays est déplorable. Depuis 2016, c'est plus de 20 000 Canadiens qui sont morts de surdose. L'année dernière, en Colombie-Britannique seulement, nous en avons eu 1 700. C'est l'année la plus meurtrière jamais enregistrée. Le nombre de décès attribuables aux opioïdes qui se sont produits au cours du dernier trimestre est le plus élevé que le Canada ait jamais enregistré depuis que nous avons commencé à surveiller ces chiffres.
Madame McBain, quel est le lien, s'il y en a un, entre la politique fédérale de criminalisation de la consommation de drogues et les méfaits qui en découlent, y compris les décès?
La criminalisation des personnes qui consomment de la drogue a tendance à les pousser à s'isoler dans leur coin. C'est incroyablement stigmatisant. Qu'y a-t-il de plus stigmatisant que de se faire arrêter et de se retrouver dans le système de justice pénale, alors qu'en réalité, on souffre d'un trouble lié à l'utilisation de substances et qu'on a besoin de drogues qu'on ne peut se procurer que dans la rue, ce qui est dangereux et illégal?
Si la possession de substances illicites était décriminalisée et que les gens pouvaient se sentir en sécurité, en temps normal, ils se réuniraient davantage avec d'autres membres de la communauté et tout le reste, mais dans le contexte de la COVID, ils sont forcés à consommer seuls.
La décriminalisation est essentielle pour permettre aux gens de sortir du placard, pour ainsi dire, afin qu'ils cherchent à obtenir les services mis à leur disposition et afin qu'ils s'engagent sur la voie d'une éventuelle guérison. Nous estimons qu'il s'agit d'une étape très importante pour venir à bout de ce problème tragique.
Merci.
L'organisme Moms Stop the Harm a demandé à tous les ordres de gouvernement de travailler ensemble pour changer les politiques actuelles sur les drogues afin qu'elles reflètent une approche fondée sur des données probantes, approche qui, selon votre site Web, « respecte et soutient les droits humains des personnes qui utilisent des substances » et qui garantit notamment « l'accès à un approvisionnement sécuritaire de substances de qualité pharmaceutique », ainsi que la décriminalisation.
Pourquoi est-il important de s'occuper de l'approvisionnement, en plus de décriminaliser la possession?
L'utilisation de substances toxiques illicites qui se trouvent sur le marché aujourd'hui constitue la seule et unique raison pour laquelle des gens meurent ou subissent des dommages irréparables au cerveau. Par conséquent, si les gens avaient accès à un approvisionnement sûr et à des solutions de rechange pharmaceutiques, et s'ils pouvaient y accéder avec un minimum de restrictions, ils ne perdraient pas leur vie. C'est ce que nous espérons. Nous savons que cela n'enrayera pas complètement le problème, mais si le gouvernement fédéral et les provinces pouvaient travailler ensemble pour éliminer les obstacles à la mise en place d'un approvisionnement sûr d'opioïdes — en particulier, d'un approvisionnement sûr de fentanyl et d'héroïne, ce qui peut paraître fou comme idée — et si ces produits étaient distribués et utilisés en toute sécurité, les gens ne mourraient pas.
Au fond, notre objectif premier est de sauver des vies. Les données montrent qu'une fois que les gens ont accès à un approvisionnement sûr, leur vie se stabilise. Ils sont plus enclins à se faire soigner. Ils peuvent même trouver et conserver un bon emploi, pour peu qu'ils ne soient pas à la recherche quotidienne de drogues illicites et qu'ils ne mettent pas leur vie en danger chaque jour en y accédant.
Vous avez parlé de traitement. Je crois que tous les membres du Comité sont conscients du fait qu'il est urgent de fournir des traitements en temps opportun aux gens désireux d'obtenir de l'aide et que nous n'avons tout simplement pas la capacité publique à cet égard. En effet, nous savons bien que les services de traitement offerts au pays sont, pour la plupart, privatisés.
Je me demande simplement si vous avez des suggestions sur ce que le gouvernement fédéral pourrait ou devrait faire pour s'assurer que les Canadiens ont accès à des services de traitement sur demande par l'intermédiaire de notre système de santé publique. Comme vous l'avez souligné, je crois, ce n'est manifestement pas le cas à l'heure actuelle.
À mon avis, il faut financer les centres de traitement et de réadaptation. De plus, il est essentiel que ces établissements fassent l'objet d'une bonne surveillance, d'un bon contrôle et de bonnes politiques. Le trouble lié à l'utilisation de substances est le seul problème de santé au pays pour lequel les gens doivent aller se procurer des médicaments dans la rue. Les traitements qui leur sont destinés sont inaccessibles, surtout parce que leurs familles n'en ont pas les moyens ou parce qu'il y a trop peu de lits subventionnés dans les centres.
Nous pourrions régler beaucoup de problèmes, à condition que nous sachions comment nous y prendre, mais il s'agit d'abord, me semble-t-il, d'une question de volonté politique. C'est aussi une question de financement. Nous n'envoyons pas les personnes atteintes de maladies cardiaques ou de diabète dans des établissements non surveillés et non contrôlés. Il faut traiter les troubles liés à l'utilisation de substances comme n'importe quel autre trouble ou n'importe quel autre problème de santé.
Il me reste quelques secondes. Le premier ministre Trudeau a explicitement exclu l'idée de décriminaliser les drogues. Il affirme que ce n'est pas la solution miracle. Acceptez-vous cette logique? Dans la négative, pourquoi?
Je n'accepte absolument pas cette logique. Je dirais que nous avons besoin d'un ensemble de solutions miracles. Ce n'est certes pas une panacée, mais c'est tout de même un pas dans la bonne direction afin que les toxicomanes soient traités comme des êtres humains, à tous les égards. J'estime qu'il est inadmissible d'écarter ainsi cette option. Je souhaite vivement que le premier ministre revienne sur sa déclaration.
Merci, monsieur Davies.
Voilà qui met fin à notre série de questions. Nous allons maintenant inviter les témoins à se déconnecter afin que nous puissions accueillir le prochain groupe.
Je vous remercie tous du temps que vous nous avez consacré aujourd'hui. Merci d'avoir préparé des documents d'accompagnement et de nous avoir fait part de vos connaissances et de votre expérience.
Sur ce, la séance est suspendue.
Nous reprenons la 30e séance du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. Le Comité se réunit aujourd'hui pour discuter de la situation d'urgence à laquelle les Canadiens font face avec la pandémie de la COVID-19.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins de notre deuxième groupe. Nous recevons Amedeo D'Angiulli, professeur à l'Université Carleton, qui témoignera à titre personnel; le Dr Martin Champagne, hémato-oncologue et président de l'Association des médecins hématologues et oncologues du Québec; Christina Bisanz, directrice générale de CHATS, Community & Home Assistance to Seniors; et, enfin, Brandon Rhéal Amyot, co-organisateur de N'oubliez pas les étudiants.
Merci à tous d'être des nôtres.
Nous allons d'abord inviter les témoins à faire leur exposé.
Monsieur D'Angiulli, vous avez six minutes
Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir invité.
Je voudrais présenter au Comité certains résultats d'une étude portant sur les effets de la COVID sur les enfants et les familles. L'étude, qui est toujours en cours, repose sur des synthèses de recherche; en gros, nous y rassemblons tous les travaux de recherche de grande qualité, évalués par les pairs. J'aimerais vous donner aujourd'hui un aperçu ou un résumé de certains des progrès que nous avons réalisés sur le plan des résultats.
Les répercussions de la COVID peuvent se classer en trois grandes catégories: la dynamique familiale et le stress subi par les parents; la santé mentale des enfants; la nutrition, l'activité physique et les médias. C'est simplement pour vous donner une idée. À vrai dire, ces catégories sont un peu artificielles. Elles se recoupent parfois, mais l'important, c'est qu'elles mettent en évidence les éléments essentiels concernant les répercussions.
Parlons d'abord du stress subi par les parents. Un des aspects abordés dans les articles évalués par les pairs concerne l'effet de l'enseignement à domicile et le fait que les parents doivent jongler avec leurs responsabilités professionnelles, quitte à accepter une réduction de salaire ou à prendre une décision financière ayant pour conséquence de réduire leurs revenus pour pouvoir rester avec leurs enfants. Il n'y a pas beaucoup de mesures de soutien externes pour compenser ces pertes. En revanche, ce qui est surprenant, c'est que le rapprochement des enfants avec leurs parents renforce les facteurs de protection et exerce une influence positive sur la dynamique familiale.
Un des sujets essentiels dont il a beaucoup été question, c'est ce que l'on appelle désormais la « récession au féminin », c'est-à-dire le fait que les femmes sont durement touchées par les dommages économiques collatéraux de la COVID. Autre constat étonnant: il y a, semble-t-il, une plus grande prise en charge des tâches domestiques par les hommes. Pourtant, les femmes continuent d'être désavantagées, car elles sont plus susceptibles d'occuper des emplois qui ne se prêtent pas au travail à domicile. À la maison, elles consacrent 15 heures de plus aux tâches domestiques non rémunérées, et ce sont elles qui souffrent le plus de la situation économique puisqu'elles courent un risque accru d'inégalité entre les sexes, de pauvreté et de divorce. Je vous invite à consulter le rapport de Statistique Canada, publié en 2020.
Dans le cas des jeunes enfants, des enfants d'âge moyen et des adolescents, une gamme de facteurs entrent en ligne de compte. La présence d'un handicap est un facteur important, qui joue également sur le stress et les difficultés qu'éprouvent les familles. Par ailleurs, l'isolement et les ordres de confinement ne permettent pas forcément aux victimes de violence familiale d'obtenir de l'aide. Le manque de socialisation touche particulièrement les jeunes enfants à une période de leur vie où la socialisation est d'une grande importance pour la communication et l'apprentissage.
L'apprentissage virtuel n'est pas non plus une expérience positive pour certains élèves, et il ne donne pas nécessairement de très bons résultats. Il y a aussi la pauvreté chez les jeunes. S'ajoutent à cela les effets de l'exposition aux médias, surtout parce que nous sommes constamment plongés dans un climat de guerre médiatique qui sème la peur et qui joue inconsciemment sur la santé mentale des jeunes enfants.
Bon nombre de ces changements sont attribuables à la fermeture des écoles ou, plutôt, à l'alternance entre fermetures et ouvertures, ainsi qu'à toute une série d'autres changements. Les principaux résultats des études révèlent une augmentation de l'anxiété et de la dépression.
Pour conclure, parmi les autres aspects qui sont intimement liés et qui ont un effet sur les enfants et les jeunes, mentionnons la sédentarité et la diminution de l'activité physique, ce qui est en corrélation avec une utilisation accrue des médias sociaux et des appareils mobiles. On observe également une baisse de la qualité de l'alimentation, qui se compose surtout de plats à emporter et d'autres aliments n'ayant pas suffisamment de valeur nutritive pour favoriser le développement.
Nous travaillons à l'élaboration d'un cadre général pour donner plus de sens à tous ces résultats. Je vous ai remis le document. Vous pourrez peut-être y jeter un coup d'oeil afin de prendre connaissance du cadre que nous sommes en train de créer pour interpréter et organiser ces données et les rendre plus accessibles en vue de contribuer à l'étude en cours.
Merci beaucoup.
Merci.
Passons au Dr Champagne, président et hémato-oncologue.
Docteur, vous avez la parole pour les six prochaines minutes
[Français]
Bonjour, monsieur le président. Je vous remercie, ainsi que les membres du Comité, de votre invitation.
Je vais vous présenter les conséquences de la COVID-19 sur le cancer, une maladie chronique avec des épisodes aigus de soins sur une longue période de temps. Il est très différent des épisodes de soins uniques comme la chirurgie orthopédique pour un remplacement de hanche ou de genou ou la chirurgie des cataractes.
Le délestage des activités médicales a occasionné des retards diagnostiques qui ont des conséquences majeures. En effet, un délai diagnostique plus long permet au cancer de progresser, ce qui entraîne une augmentation des risques de rechute et une diminution des chances de guérison. Pour les patients, les conséquences sont importantes puisqu'il va en découler une morbidité accrue. Les patients étant plus malades et plus longtemps, l'intensité des traitements requis devra être augmentée parce que la maladie sera plus avancée. Le stade plus avancé de la maladie provoquera aussi une mortalité plus importante. Parce qu'on diagnostique des cancers trop tard, l'impact de la pandémie se fera sentir pendant plusieurs années, tant sur les patients que sur les ressources humaines et financières requises par les réseaux de la santé.
Il faut suivre trois éléments: les listes d'attente, les patients hors délais sur ces listes et les retards diagnostiques, qui sont très révélateurs des conséquences réelles.
Parlons d'abord des programmes de dépistage. Les patients qui ont des maladies symptomatiques se présentent à l'urgence, sont vus et, pour la plupart, sont pris en charge. Cela n'a pas beaucoup changé. Pour leur part, les programmes de dépistage permettent de diagnostiquer à des stades précoces des patients qui n'ont pas de symptômes. On estime que les programmes de dépistage peuvent réduire de 20 % à 40 % la mortalité due aux cancers asymptomatiques que l'on dépiste. En effet, des maladies découvertes à des stades précoces requièrent des soins beaucoup moins intenses, des soins plus faciles. Ils peuvent être limités parfois à la simple intervention chirurgicale plutôt que d'exiger une combinaison de chirurgie et de chimiothérapie.
Au Québec, les programmes de dépistage du cancer du côlon et du sein ont été mis à l'arrêt dès la première vague de l'épidémie, en mars 2020. Il n'a pas été possible de rattraper le retard diagnostique pour ces cohortes de patients. Je vais vous fournir des données dans quelques instants.
La Dre Bélanger vous a présenté durant la session précédente la stratégie de dépistage du sang dans les selles, le sang occulte, pour le cancer du côlon. Les patients dont le test est positif parce qu'ils ont du sang dans les selles seront soumis à une coloscopie, laquelle révèle parfois la présence de polypes, une lésion considérée comme précancéreuse, ou même d'un cancer du côlon.
Présentement, nous constatons une réduction importante d'environ 28 % des tests réalisés par rapport à l'année précédente. Le retard cumulatif, malgré l'accalmie dans l'épidémie de la COVID-19 au cours de l'été et au début de l'automne, n'a pas été comblé. Ce que l'on sait, c'est que moins on fait de dépistage, moins on pose de diagnostics. Il n'y a pas moins de cancers, c'est simplement qu'on ne les a pas dépistés.
Chez les patients hors délais, il se fait moins de dépistage par le sang occulte et le nombre de patients chez qui l’on trouve du sang et à qui l'on veut offrir une coloscopie a augmenté. Les patients hors délais représentent donc des chiffres importants, de l'ordre d'environ 152 % si l'on regarde l'ensemble de la cohorte.
Au Québec, pour le cancer du côlon, il s'est fait cette année environ 800 chirurgies de moins qu'à la même période l'année passée. La Dre Bélanger a souligné que ce cancer était la troisième cause de mortalité par le cancer au Canada. Il s'agit donc de quelque chose qui a d'importantes conséquences. En effet, quand le cancer progresse, la chirurgie peut devenir obsolète et l'on doit alors se tourner vers la chimiothérapie ou la radiothérapie.
Ces observations sont essentiellement les mêmes pour le cancer du sein, dont le dépistage est en baisse de 30 %, donc à 70 % du niveau de l'année précédente. Il y a beaucoup moins de patientes chez qui l'on a diagnostiqué la maladie à un stade précoce. Pour l'ensemble du Québec, on constate présentement une réduction d'environ 22 % du nombre de biopsies confirmant le diagnostic de cancer, la biopsie étant la première étape de la confirmation d'un cancer. Cela veut dire que, sur environ 60 000 nouveaux diagnostics de cancer annuellement au Québec, il y a un déficit de diagnostics de cancer d'environ 10 000 personnes.
Il y a donc des retards importants et les délais de plusieurs chirurgies oncologiques ne sont pas respectés.
En conclusion, il faut vraiment s'inquiéter de ces retards, car ce sont les patients et la société qui en paieront le prix. Pour 13 des 17 cancers qui ont été étudiés, un retard de diagnostic de quatre semaines augmente le risque de mortalité de 6 à 8 %.
Pour le cancer du côlon, chaque retard de diagnostic de quatre semaines augmente le risque de mortalité d'environ 6 %. Pour le cancer du sein, cette augmentation est de 8 %.
Les épidémiologistes anglais estiment que le taux de mortalité pour les patients atteints de cancer pourrait être aussi élevé que 20 % au cours de la prochaine année, mais que le prix à payer pourrait s'étendre sur 10 ans. En effet, il pourrait y avoir un excès de mortalité de 10 % par année au cours des 10 prochaines années.
Pour résoudre ce problème, il faut préserver les ressources humaines. Comme la Dre Bélanger vous l'a mentionné, nous avons besoin d'investissements supplémentaires importants afin de nous assurer d'avoir les ressources humaines et matérielles nécessaires pour offrir les thérapies dont les patients ont besoin.
Je vous ai envoyé en annexe plusieurs tableaux qui proviennent du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec et qui donnent des exemples de retards de diagnostic et de retards relatifs aux différents tests que j'ai mentionnés.
Merci, docteur.
[Traduction]
Nous allons maintenant entendre la représentante de CHATS Community & Home Assistance to Seniors.
Madame Bisanz, vous disposez de six minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président et distingués membres du Comité permanent de la santé.
Je m'appelle Christina Bisanz, et je suis chef de la direction de CHATS Community & Home Assistance to Seniors. En tant qu'organisme qui défend les intérêts des aînés en leur offrant le choix de vieillir chez eux, CHATS se réjouit d'avoir l'occasion de discuter des effets de la pandémie sur les personnes âgées.
CHATS est le plus grand organisme d'aide aux aînés de la région d'York, dans le sud de Simcoe. Il appuie 8 500 personnes âgées chaque année grâce à une variété de programmes et de services multiculturels conçus pour favoriser la santé, le bien-être et l'indépendance des aînés et de leurs proches aidants.
Nos programmes, qui sont centrés sur la personne, mettent l'accent sur les déterminants sociaux de la santé afin de permettre à nos clients de vivre chez eux en toute sécurité et avec dignité, en les gardant le plus longtemps possible hors des hôpitaux et des centres de soins de longue durée. À titre de fournisseur de services essentiels tout au long de la pandémie, CHATS offre des services de soutien comme le transport aux rendez-vous médicaux, les repas à domicile, des services de sécurité alimentaire, des services de soutien psychologique pour les soignants, des appels téléphoniques destinés à rassurer les clients, et j'en passe.
Nos préposés aux bénéficiaires continuent de travailler en première ligne dans nos résidences avec services d'assistance, en aidant les aînés à prendre leur bain, à s'occuper de leurs soins personnels, à préparer leurs repas, à se rappeler de prendre leurs médicaments et à effectuer d'autres activités de la vie quotidienne. Nous avons maintenu nos programmes de jour pour adultes, qui s'adressent aux clients ayant des besoins aigus et souffrant de démence, ce qui permet à leurs soignants de bénéficier d'un répit, ce dont ils ont grandement besoin. Lorsque nous ne pouvions plus offrir des programmes de mieux-être communautaire en personne à cause des restrictions en matière de santé publique, nous avons immédiatement conçu et mis en œuvre des programmes virtuels de mieux-être mental et social afin de veiller à ce que nos aînés puissent rester en contact entre eux et continuer de participer aux programmes.
En outre, nous avons collaboré avec nos partenaires en milieu hospitalier pour favoriser la transition des aînés entre l'hôpital et leur domicile, réduisant ainsi leur risque de réadmission.
Nous sommes très reconnaissants du financement que nous recevons dans le cadre du programme Nouveaux Horizons pour les aînés et d'autres mesures de soutien, qui nous ont permis de faire preuve d'innovation, de servir nos clients en mode virtuel et de répondre aux besoins urgents en matière de sécurité alimentaire.
Même si la pandémie actuelle a montré que les aînés pouvaient rester chez eux et dans leur communauté pour y vivre et y recevoir des soins en toute sécurité, elle a également mis en évidence un certain nombre de risques grandissants. J'aimerais en souligner quatre.
Premièrement, l'isolement social et physique imposé a entraîné une augmentation de la solitude et de la dépression, ainsi qu'une détérioration générale de la santé physique et mentale des aînés. Nombre de nos clients n'ont pas eu de contact physique avec leur famille ni avec leurs amis depuis un an. Craignant de mettre en danger leur sécurité personnelle en autorisant des travailleurs à entrer chez eux, un certain nombre de nos clients ont réduit, voire annulé des services, ce qui accentue davantage leur isolement social et met en péril leur sécurité et leur bien-être.
Deuxièmement, les aidants naturels qui ont gardé leurs proches chez eux ont connu un stress accablant, d'une ampleur sans précédent. La frustration et l'anxiété ont entraîné une augmentation du risque et de la fréquence de maltraitance des aînés et des soignants. Faute de soins de relève et de soutien suffisants, de nombreux soignants finissent par être à bout de souffle.
Troisièmement, la pandémie a révélé à quel point nous dépendons des ressources limitées des préposés aux bénéficiaires dans tous les secteurs du système de santé. La pénurie générale de préposés aux bénéficiaires en Ontario est encore plus fréquente et plus criante dans le secteur communautaire. Nos héros de première ligne éprouvent également beaucoup de stress et d'anxiété en raison de la crainte d'être exposés à la COVID ou d'exposer leurs clients à des risques. La plupart d'entre eux sont issus de communautés racialisées et marginalisées. Avec des salaires généralement inférieurs à ceux offerts en milieu hospitalier et dans les centres de soins de longue durée, le secteur communautaire n'est pas en mesure d'attirer les ressources qui sont essentielles pour permettre à de nombreux aînés fragiles de continuer à vivre chez eux, comme ils le souhaitent.
Enfin, lorsque la pandémie a été déclarée, le sort des aînés a reçu une attention incroyable. L'octroi de nouveaux fonds, l'intervention communautaire, les offres d'appui pour passer des coups de fil et envoyer des lettres, ainsi que d'autres exemples de générosité et de compassion étaient sans précédent, mais à mesure que la pandémie a évolué, l'intérêt a commencé à s'estomper. Ainsi, l'aide financière n'a pas été renouvelée après la fin du dernier exercice financier, mais les besoins et les difficultés des aînés n'ont pas cessé dans le contexte de la COVID. Ne laissons donc pas tomber nos aînés.
Je vous remercie de votre temps et de votre attention, et j'ai hâte de répondre à vos questions.
Je vous remercie, madame Bisanz.
Nous entendrons maintenant Brandon Amyot, co-organisateur de N'oubliez pas les étudiants.
Monsieur Amyot, vous avez la parole pour six minutes.
[Le témoin s'exprime en ojibwe et fournit le texte suivant:]
Aaniin kina wiya.
[Le témoin fournit la traduction suivante:]
Bonjour à tous.
[Traduction]
Je m'appelle Brandon Rhéal Amyot et j'étudie à l'Université Lakehead, à Orillia. Je suis également co-organisateur de la campagne N'oubliez pas les étudiants. Je vous parle depuis le territoire du Conseil tripartite des Chippewas de Rama, Beausoleil et Georgina. Ces terres, visées par les Traités Williams et le wampum faisant référence au concept du « bol à une seule cuillère », sont gérées depuis longtemps par les Anishinaabegs, les Haudenosaunees et les Wendats. Si je le mentionne, ce n'est pas seulement parce qu'il importe d'honorer la terre, mais aussi parce que la pandémie a eu des répercussions sur les Autochtones et, en particulier, sur les étudiants autochtones et les étudiants de diverses communautés.
Mesdames et messieurs, je m'adresse à vous aujourd'hui pour exprimer une grave préoccupation quant aux répercussions de la pandémie sur l'éducation postsecondaire, les étudiants et les nouveaux diplômés. Cette pandémie a eu un effet incommensurable sur notre situation financière, nos perspectives d'emploi, la qualité de l'éducation et, surtout, notre santé mentale et la santé de la communauté.
Au cours de la dernière année, les étudiants et les nouveaux diplômés ont fait des pieds et des mains pour que les gouvernements les écoutent et agissent. Au début de la pandémie, nous avons demandé que la Prestation canadienne d'urgence soit élargie aux étudiants et aux nouveaux diplômés. Après presque deux mois d'efforts, la Prestation canadienne d'urgence pour les étudiants a été lancée, offrant aux étudiants et aux nouveaux diplômés quatre mois de stabilité relative. Cependant, des centaines de milliers d'étudiants et de nouveaux diplômés étrangers n'y étaient pas admissibles, et les nouveaux diplômés encore à la recherche d'un emploi et n'étant pas admissibles à la Prestation canadienne d'urgence n'ont pu se prévaloir de ce programme.
Comme vous le savez, l'autre programme, soit la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant, n'a pas été lancé et ne permettait pas d'atténuer équitablement les répercussions de la pandémie sur les étudiants. Au final, de la somme de plus de 9 milliards de dollars initialement promise pour aider les étudiants à traverser la pandémie, 3,2 milliards de dollars n'ont pas encore été dépensés à ce jour. En toute franchise, j'ai l'impression que la politique est passée avant les étudiants et la réponse aux répercussions de la pandémie sur nous, le réseau d'éducation postsecondaire et nos communautés.
La pandémie dure maintenant depuis 13 mois, et je n'ai probablement pas besoin de vous dire qu'ici, en Ontario, où je vis et fréquente l'université, les nouveaux cas de COVID-19 ont atteint un sommet inégalé. Moi et d'autres jeunes de la province et du pays sommes particulièrement frappés par la troisième vague.
Les répercussions que la crise a eues sur ma santé mentale et sur celle de tous les étudiants postsecondaires sont difficiles à mesurer, mais des recherches menées en novembre dernier par l'Union des Associations des Professeurs des Universités de l'Ontario et d'autres organismes brossent un sombre tableau de la situation, une situation dans laquelle je vis. Le manque d'attention portée à l'éducation postsecondaire par tous les ordres de gouvernement pendant la pandémie et le legs du sous-financement systémique ont permis à la pandémie de faire des ravages non seulement dans notre éducation, mais aussi dans nos vies.
L'Université Laurentienne est la plus récente victime de la situation. C'est le résultat d'une mauvaise gestion, d'échecs systémiques des politiques et du sous-financement. Non seulement il se perd des milliards de dollars en activités économiques, mais une communauté se trouve déchirée. Ces problèmes systémiques ne se limitent pas à un établissement: ils hantent le réseau partout au pays.
Les étudiants et les nouveaux diplômés peinaient déjà à joindre les deux bouts, et nous y arrivons à peine maintenant. Malgré ce qu'on en dit parfois, nous ne formons pas un groupe homogène d'anciens élèves du secondaire. La population estudiantine comprend des parents, des soignants et des travailleurs. Certains d'entre nous, dont moi, avons un handicap et éprouvons de la difficulté à affronter la crise. La situation ne favorise guère l'apprentissage et l'innovation.
Pendant ce temps, les nouveaux et futurs diplômés font face aux pires marchés du travail en une génération et crouleront sous le poids d'une dette d'études record et de versements déraisonnables. Qu'est-ce qui justifie qu'on empoche les remboursements et les intérêts de dettes d'étude pendant une pandémie? Ces versements sont difficiles à effectuer en temps idéal. Nous devons trouver une meilleure manière non seulement de passer au travers de la pandémie de COVID-19, mais aussi de concrétiser entièrement le potentiel de l'éducation postsecondaire au pays dans le cadre de la reprise sociale, environnementale et économique.
À court terme, tous les fonds initialement accordés aux étudiants — et le financement supplémentaire — doivent être investis pour nous aider pendant la pandémie. Il faut donc rétablir la Prestation canadienne d'urgence pour les étudiants — ou je ne sais quel autre nom vous voudriez lui donner — en mai et y rendre admissibles les étudiants étrangers. Il faut également offrir du soutien direct aux étudiants qui obtiendront bientôt leur diplôme et aux nouveaux diplômés, et prolonger le moratoire sur le remboursement des dettes d'études et le paiement des intérêts au moins jusqu'à la fin de la pandémie, avec des engagements à accorder aux étudiants des allégements de dette substantiels.
Nous devons réfléchir à long terme et effectuer des investissements systémiques dans l'éducation et les étudiants postsecondaires. Il faut également élargir la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant en vue de revenir à un modèle de partage des coûts de 50/50, accroître le financement des établissements et élaborer une vision fédérale du réseau d'éducation postsecondaire en collaboration avec les étudiants, les travailleurs et les universitaires.
Grâce à ces mesures, le gouvernement peut commencer à atténuer les répercussions de la pandémie sur les étudiants, leur santé mentale et leur bien-être, et éliminer les inégalités et les lacunes qui existent depuis longtemps dans le réseau d'éducation postsecondaire.
En terminant, je veux remercier le Comité d'avoir demandé aux étudiants de s'exprimer, et je vous exhorte à agir.
Meegwetch.
Je vous remercie, monsieur Amyot. Je remercie également tous les témoins de leurs exposés.
Nous commencerons maintenant le premier tour de questions avec M. Maguire pour six minutes.
Je vous remercie, monsieur le président.
Je veux d'abord interroger M. D'Angiulli, juste pour voir quelles sont les meilleures manières...
Vous avez évoqué les retards dans le dépistage médical et les interventions. Je pense que vous avez souligné que ces retards touchent tous les âges.
Pouvez-vous nous donner votre impression sur la manière dont notre situation se compare à celle d'autres pays? Je suppose que c'est le plus gros problème au sujet duquel je voudrais me renseigner. En ce qui concerne les retards relatifs au dépistage médical, vous avez indiqué, dans votre exposé d'aujourd'hui, que des enseignants fournissaient de l'aide et ce genre de choses.
Pouvez-vous nous expliquer comment le Canada se compare à d'autres pays et dans quel contexte ces pays se déconfinent-ils?
Le Canada s'en tire beaucoup mieux que des pays comme l'Italie, et c'est grâce à mon expérience personnelle que je peux vous le dire. Notamment, il gère mieux l'environnement virtuel que d'autres pays.
Je dirais toutefois que nous sommes mieux et pires. C'est un terme relatif. Pour mettre les choses au clair, nous accusons du retard aux pays scandinaves, par exemple, et d'autres pays comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
Par exemple, la plupart des pays membres de l'Union européenne bonifient l'environnement virtuel pour améliorer la communication entre les écoles et les parents, et modifier la manière dont les écoles fonctionnent grâce aux observations des élèves et des parents. Les pays scandinaves ont pour leur part réduit la taille des classes pour accorder plus temps à l'enseignement individuel, redéfini les espaces pour l'activité physique et pris d'autres mesures qui sont cruciales à l'heure actuelle, car le jeu et la socialisation, par exemple, sont essentiels chez le jeune enfant et ne peuvent être remplacés en ligne.
Ma fille de trois ans reste comme un zombie devant un ordinateur. Elle ne communique pas vraiment avec le média. Il lui faut une forme de relation de personne à personne.
Nous pouvons le faire. Notre pays possède la capacité et les compétences nécessaires et peut compter sur certaines des meilleures écoles du monde. Nous n'y parvenons pas encore tout à fait, cependant.
Comparativement à d'autres pays dépourvus de ressources, nous nous en tirons vraiment beaucoup mieux, bien entendu.
Je vous remercie.
Vous avez parlé de l'école et du travail à domicile, des changements considérables que les parents doivent gérer, des handicaps et de la violence conjugale.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet et nous indiquer ce qu'il faut faire?
En ce qui concerne les handicaps, je pense qu'il faut offrir beaucoup de tutorat individuel et beaucoup de soutien aux parents. Ces derniers éprouvent réellement des difficultés.
Je pense qu'il faut trouver des façons d'y parvenir, de créer un espace de détente pour les parents qui restent peut-être dans un appartement avec des enfants, dont un ou plusieurs ont des défis à surmonter et ont besoin d'aide.
Madame Bisanz, je veux tout d'abord vous remercier de tout le travail que vous accomplissez dans le cadre des efforts que vous déployez en première ligne. Nous ne saurions en dire assez sur les travailleurs de première ligne et les soignants qui ont rendu la situation bien meilleure qu'elle aurait pu l'être.
Je voudrais juste vous interroger brièvement sur ce que vous avez dit sur l'isolement social et ce genre de chose. J'ai entendu des histoires réellement déchirantes lorsque j'ai rencontré des personnes qui défendent les intérêts des aînés au sujet du sentiment d'isolement social que plusieurs éprouvent pendant la pandémie. En tenant compte des champs de compétences fédéraux et provinciaux, y a-t-il quelque chose que nous pouvons proposer, à titre de législateurs fédéraux, pour lutter contre ce problème? À quel sujet pouvons-nous être le plus utiles?
Je suis consciente que nous sommes actuellement principalement financés par les gouvernements provinciaux et assujettis aux règles et à la réglementation des provinces. Je pense que ce n'est pas seulement pendant la pandémie de COVID qu'on se préoccupe du problème d'isolement social. On s'y intéresse depuis longtemps. Je sais que le gouvernement fédéral discute de l'élaboration d'une stratégie fédérale pour les aînés et envisage d'instaurer potentiellement une réglementation sur les soins de longue durée dans une structure.
Je pense que dans ce contexte, il faut aussi se montrer très réaliste lorsqu'on s'attaque à l'isolement social et à la solitude à l'échelle pancanadienne, et étudie certaines des manières dont le gouvernement fédéral peut soutenir les provinces pour que l'aide se rendre jusqu'aux organismes qui œuvrent en première ligne afin de réagir aux défis et aux préoccupations. Il faut notamment examiner des manières de réimaginer les structures et les possibilités sur le plan du logement. Au lieu de nous empresser de construire plus de centres de soins de longue durée de 300 lits ou plus et des tours d'habitation, ne pouvons-nous pas voir comment nous pouvons utiliser les stratégies de logement et collaborer avec la Société canadienne d'hypothèques et de logement pour inciter les promoteurs à commencer à construire des formes différentes de produits qui permettraient aux aînés de vieillir à domicile et qui favoriseraient leur participation sociale?
Je pense que c'est une bonne idée. Un grand nombre de résidences pour aînés n'accueillent que des gens de 60 ans et plus.
Je vous remercie, monsieur Maguire.
Nous accordons maintenant la parole à M. Van Bynen pour six minutes.
Je vous remercie, monsieur le président. Je remercie également tous les témoins qui ont pris le temps de nous donner leur avis et de nous informer des répercussions collatérales de la COVID.
Ma question s'adresse à Mme Bisanz.
Bonjour, madame Bisanz. C'est toujours un plaisir de vous entendre. Je vous remercie de témoigner aujourd'hui et du travail que vous accomplissez pour soutenir les aînés et les soignants de la région d'York et du comté de Simcoe.
J'ai observé les effets bénéfiques de votre important travail pendant près de 10 ans alors que nous travaillions ensemble au sein du conseil municipal de Newmarket, et je vous suis reconnaissant de tous les efforts que vous déployez pour recruter de nombreux bénévoles et réunir les fonds essentiels dont vous aviez besoin pour servir votre communauté, à l'instar de nombreux autres organismes sans but lucratif.
Vous soutenez une communauté vaste et diversifiée. J'aimerais d'abord que vous m'expliquiez l'incidence que la COVID-19 a eue sur la manière dont vous servez vos clients et comment vous vous êtes adaptés pour continuer d'offrir du soutien.
Je vous remercie beaucoup, monsieur Van Bynen.
C'est le besoin de passer des programmes en personne aux programmes virtuels qui a constitué le changement ou l'effet principal dans nos services. À l'instar de nombreux autres organismes de soutien à domicile et au sein de la communauté, nous nous sommes adaptés très rapidement afin de voir comment nous pouvions assurer la connectivité sociale grâce à des moyens virtuels. J'entends par là que nous avons utilisé le téléphone et Internet pour communiquer et offrir des programmes.
Nous avons également conçu un certain nombre de trousses d'activités dans le cadre de nos programmes de jour pour adultes et les avons remis sans contact à nos clients pour qu'ils aient des activités stimulantes en faisant des mots croisés, des recettes ou des choses qui pourraient leur donner l'impression d'être connectés même s'ils étaient obligés de s'isoler et de se cloîtrer à la maison.
La principale adaptation a été le passage aux programmes virtuels, qui ne disparaîtront pas de sitôt, selon nous. Peu importe quand la pandémie sera déclarée terminée, nous savons que nos clients continueront d'hésiter et de craindre de recommencer à sortir et à se réunir en grands groupes. Nous prévoyons que nous devrons continuer d'offrir des programmes et du soutien virtuels à nos clients en leur fournissant des tablettes et une connexion à Internet. Comme ce n'est habituellement pas quelque chose que les aînés sont nombreux à avoir à leur disposition ou à maîtriser, il sera d'autant plus important de leur fournir du soutien technique.
Sachez que nos programmes virtuels ont remporté un succès phénoménal. Ils ne remplacent toujours pas les contacts en personne, mais ils ont été très bien accueillis, car ils constituent le lien vital qui permet aux gens de savoir qu'ils peuvent communiquer chaque jour ou quelques fois par semaine. Ils peuvent accéder à de l'activité physique. Nous leur proposons des exercices de yoga ou d'autres formes d'activité physique. Ils savent qu'ils peuvent compter sur ces programmes et ce contact.
Avant la COVID, nous en avions près de 500. Ils forment réellement le cœur et l'âme de l'organisation, car sans eux, nous ne pourrions fournir ne serait-ce qu'une fraction de l'éventail de nos services. Malheureusement, et particulièrement pendant la première vague de COVID, vous vous souviendrez qu'il était conseillé à toutes les personnes de plus de 70 ans de rester à la maison et de ne pas sortir. Nos clients tendant à être des retraités figurant dans ce groupe d'âge, nous avons malheureusement dû demander à un certain nombre de nos bénévoles de ne pas les visiter jusqu'à ce qu'il soit de nouveau sécuritaire de le faire.
Je vous remercie.
Le Conseil canadien des normes, l'Organisation de normes en santé et l'Association canadienne des « snowbirds » ont annoncé le lancement de leur processus d'élaboration de nouvelles normes pour les soins de longue durée.
Ces nouvelles normes nationales tiendront compte des leçons tirées de la COVID-19. Vous nous en avez déjà beaucoup dit à ce sujet, mais d'après l'expérience considérable que vous avez acquise en travaillant auprès des aînés, quelles sont les considérations importantes que vous recommanderiez à ce groupe d'examiner?
Permettez-moi de dire ce qui suit, si je le puis: comme l'a déjà démontré l'expérience tirée de la COVID et de la situation tragique qui a touché un grand nombre d'aînés fragiles dans les centres de soins de longue durée, notre organisation considère certainement qu'il est temps pour nous de cesser de nous demander pourquoi les gens doivent aller dans des centres de soins de longue durée et de plutôt chercher à voir comment nous pouvons les aider à demeurer chez eux, dans leur propre maison, là où ils veulent vivre.
Il ne fait aucun doute que les soins de longue durée sont nécessaires pour les besoins et les conditions complexes, mais nous pensons également qu'en investissent mieux dans les soins à domicile et dans la communauté, il est entièrement possible, faisable et préférable pour les gens de pouvoir vieillir chez eux et d'avoir le choix de le faire. Au lieu d'investir uniquement pour créer plus de soins institutionnalisés, nous devons commencer à parler de la manière dont nous pouvons permettre aux gens d'exercer leur choix de rester à la maison aussi longtemps que possible.
Si le gouvernement fédéral réalise un processus pour établir des normes en matière de soins de longue durée, comment permettront-elles de renforcer le secteur des soins à domicile et dans la collectivité?
Je crois qu'il faut voir cela comme une situation finale. Les soins de longue durée doivent prendre en compte les mesures de soutien à la maison et dans la collectivité également, afin qu'on ne doive pas choisir entre l'une ou l'autre, mais qu'elles puissent s'associer.
Je crois qu'il faut examiner ces normes et songer aux façons d'améliorer l'intégration des soins de longue durée et des mesures de soutien à la maison et dans la collectivité. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il ne faut pas présumer que lorsqu'une personne avance en âge et a des besoins complexes en matière de soutien ou une démence avancée, les établissements de soins de longue durée représentent la seule option. Il faut songer aux façons d'aider les personnes qui ont besoin de soins accrus, mais qui peuvent continuer d'entretenir des liens avec leur collectivité, et d'y participer, et ce, par l'entremise des deux secteurs.
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais remercier l'ensemble des témoins de leurs témoignages éclairants. Ces derniers vont sûrement nous être utiles pour faire d'importantes recommandations .
Docteur Champagne, je vous remercie de votre exposé, qui était très clair. Il était tellement clair que cela donne froid dans le dos. Ce que vous nous dites, c'est que, au cours des 10 prochaines années, il y aura un risque de mortalité accru de 10 %.
Il n'y a pas de médecine sans diagnostics. Encore faut-il, quand on parle de cancer, que le diagnostic arrive à temps. Le dépistage est donc crucial pour lutter contre cette maladie. Or, présentement, les patients qui ne sont pas atteints de la COVID-19 font les frais de cette pandémie, au même titre que les patients qui sont atteints de la COVID-19.
Cependant, nous en parlions peu, on n'en parlait pas assez. Si nous voulons trouver des solutions, encore faut-il avoir un diagnostic et un portrait clair de la réalité. Ce que nous comprenons, à la suite de votre témoignage, c'est que la pandémie aura eu deux effets sur le plan des coûts. D'abord, elle nécessite des coûts additionnels et ponctuels pour contrer la pandémie, mais elle va aussi occasionner une augmentation accrue des coûts du système, à cause des retards indus et du délestage.
Le sous-financement était présent avant la première vague. Nous en sommes à la troisième vague, et rien ne nous dit qu'il n'y en aura pas une quatrième.
Êtes-vous inquiet? Que faudrait-il faire?
Je suis très inquiet.
Prenons l'exemple du cancer du côlon — on en revient toujours revenir à cet exemple. Si l’on a une maladie de stade 1, c'est-à-dire qui est très localisée, une intervention chirurgicale permettra de clore l'épisode. On a 80 % de chances de guérison et, par la suite, c'est fini.
Cependant, si la maladie a commencé à se propager dans les ganglions, qui sont comme des filtres autour de la tumeur, et que la maladie est maintenant au stade 3, on aura besoin d'une chimiothérapie supplémentaire pendant une période d'environ six mois. Des frais sont associés à ce genre de chose, et il y a certainement une morbidité accrue pour les patients, puisqu'ils doivent subir les effets du traitement. Les chances de guérison seront moindres: au mieux, elles seront de 50 à 65 %.
Cela veut dire qu'un grand nombre de patients, soit le tiers ou la moitié d'entre eux, vont un jour ou l'autre faire une rechute et revenir dans le système de santé pour suivre d'autres thérapies tout aussi coûteuses qui vont nécessiter des ressources humaines. Les ressources physiques existent, les hôpitaux existent. On peut toujours imaginer revamper les hôpitaux, mais on sait que les traitements antinéoplasiques, les traitements anticancéreux, coûtent des dizaines de milliers de dollars par épisode de soins pour un patient.
Il s'agit de coûts liés au système de santé qui seront récurrents pendant plusieurs années. La rechute ne se produit pas nécessairement au cours des premiers mois suivant le diagnostic initial, elle peut survenir, deux ans, trois ans, cinq ans ou même 10 ans après. Cela impose un fardeau humain pour les patients qui vont souffrir davantage, mais aussi pour tout le système de santé, qui aura nécessairement à faire des investissements majeurs sur le plan des ressources humaines et matérielles.
La Dre Bélanger nous disait qu'une coloscopie coûte 1 000 $. Le patient qui n'a pas accès à temps à une coloscopie finira par avoir un problème de santé chronique et devenir un abonné au système de santé sur plusieurs années. Vous nous dites que cela coûtera non seulement beaucoup plus cher pour maintenir la qualité de vie d'un tel patient, mais que cela engendrera aussi d'autres frais pour le système de santé. Il faut donc s'attendre dès maintenant à une augmentation du coût des services offerts par le système de santé si l'on veut soigner ces gens. Or nous ne disposons pas actuellement des ressources nécessaires pour soigner ces gens.
Les ressources déjà très limitées s'épuisent. Même durant la période d'accalmie que nous avons vécue entre la deuxième et la troisième vague de la pandémie de COVID-19, nous n'avons jamais pu dépasser le niveau maximal d'activité de 100 %. Nous n'avons donc jamais effacé les retards de diagnostics qui hypothèquent nos patients.
Actuellement, le Québec et les provinces estiment que le sous-financement chronique en santé est, entre autres, lié au fait que pendant les 30 dernières années, le gouvernement fédéral n'a pas suffisamment contribué aux paiements de transfert en santé. Le Québec et les provinces demandent une augmentation non pas de 0,22 $ mais de 0,35 $ par dollar, ce qui équivaut à une augmentation de 35 %. Le manque à gagner est donc de 28 milliards de dollars. On demande aussi une indexation à 6 %, parce que nous sommes à 3 % en ce moment. Les coûts du système sont à 5 %.
Pendant la première vague, le premier ministre a souvent dit qu'il réglerait la situation après la pandémie. Or nous vivons actuellement une troisième vague. Pensez-vous que c'est visionnaire de dire qu'il y a un avant et un après et qu'il est nécessaire d'investir maintenant dans les soins de santé pour donner de l'air au système et soigner les gens?
Je fais de la médecine, pas de la politique, mais nous pouvons certainement imaginer présentement que, sans investissements majeurs supplémentaires, le système de santé ne survivra pas au fardeau financier que lui impose la pandémie de COVID-19.
Avez-vous évalué les coûts attribuables au manque de ressources? Comparons, par exemple, le coût d'une coloscopie de 1 000 $ à celui de la chirurgie et de la chimiothérapie nécessaires pour traiter un cancer du côlon. À combien s'élèveraient les coûts dans ce dernier cas?
Dans les cas de stades plus avancés de cancers, chaque épisode de soins dispensés sur une trajectoire de quelques années coûte plusieurs dizaines de milliers de dollars par année. Par exemple, l'immunothérapie du cancer du poumon coûte présentement de 35 000 $ à 50 000 $ par épisode de soins. Les coûts absorbés par le système de santé pour traiter un cancer du poumon avancé sont donc très importants.
Avez-vous l'impression que le système de prise de rendez-vous est actuellement un peu désuet? Il fonctionne souvent au moyen de télécopieurs. Pensez-vous qu'il faudrait aussi investir, comme le demande l'Association canadienne des radiologistes, dans un système beaucoup plus efficient faisant appel à l'infonuagique, par exemple, et qui permettrait la prise de rendez-vous par les patients eux-mêmes?
Ce sont des choses qui pourraient assurément faciliter l'accessibilité aux soins. Beaucoup d'hôpitaux sont désuets.
Il faut comprendre aussi que la pandémie de COVID-19 impose un éloignement physique. Par exemple, quand une salle d'attente commune dessert deux salles pour les échographies, deux salles pour les tomodensitométries et une salle pour les imageries par résonnance magnétique, nous ne pouvons plus procéder comme avant. Nous ne pouvons pas accueillir 15 patients en même temps et les envoyer l'un après l'autre dans les différentes salles. Il faut imposer un éloignement temporel et physique.
Par exemple, si Luc Thériault a besoin d'une tomodensitométrie, Martin Champagne ne pourra pas être dans la salle d'attente en même temps que lui. Il devra attendre. La capacité du système est donc diminuée. Il faut effectivement des modalités qui permettront une meilleure communication. Les moyens diagnostiques et le contact avec le patient ont changé. On utilise beaucoup la télémédecine et beaucoup de moyens mis en place en catastrophe pourraient aussi faciliter l'accessibilité aux soins. Beaucoup de dossiers ne sont pas encore informatisés, par exemple.
Merci, monsieur Thériault.
[Traduction]
La parole est maintenant à M. Davies. Vous disposez de six minutes.
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leur présence.
Ma question s'adresse au représentant de Don't Forget Students.
C'est bien monsieur Amyot?
Merci, monsieur Amyot.
J'aimerais préciser certaines choses. Tout d'abord, je tiens à dire ceci: je sais que tous les Canadiens ont été très durement touchés par la crise de la COVID-19, mais je crois que les aînés et les jeunes ont vu leur vie chamboulée de façon particulière... Je pense surtout aux étudiants. J'aimerais vous poser quelques questions précises à ce sujet.
Quelle politique devrait adopter le gouvernement fédéral pour gérer la dette des étudiants et les paiements d'intérêts associés aux prêts étudiants fédéraux?
À court terme, je crois qu'il faut passer à travers la pandémie. Il ne faut pas facturer d'intérêts aux nouveaux diplômés ni exiger le remboursement des dettes étudiantes. Nous avons suspendu ces paiements pendant les six premiers mois de la pandémie, alors je crois que le gouvernement doit travailler avec les provinces et les territoires pour geler à nouveau les paiements du Centre de service national de prêts aux étudiants jusqu'à la fin de la pandémie. À long terme, il faudrait songer à radier la dette des étudiants de façon progressive et agressive à l'échelon fédéral — la partie fédérale de la dette — et exhorter les provinces à faire de même parce que nous sommes à un moment décisif de la politique postsecondaire associée à la dette étudiante. Ce n'est pas dans l'intérêt économique du Canada de continuer de faire porter le fardeau de la dette étudiante à la population.
De façon particulière, les membres des communautés marginalisées du Canada — les étudiants à faible revenu, les étudiants autochtones et les femmes — mettent plus de temps et ont plus de difficulté à rembourser leur dette étudiante que leurs pairs. Il faut le reconnaître à des fins d'équité. Il faut travailler à l'élimination progressive de la dette étudiante, mais à court terme, il faut geler les paiements d'intérêts et le remboursement des dettes.
À titre de précision, monsieur Amyot, est-ce qu'à l'heure actuelle les diplômés paient des intérêts au gouvernement fédéral pour leur dette étudiante?
Selon ce que je comprends, on a appliqué un gel aux paiements d'intérêts ou on s'apprête à le faire. Les étudiants doivent encore faire des paiements de plusieurs centaines de dollars par mois, mais ne paient pas les intérêts. Bien franchement, le gel des intérêts ne suffit pas, que ce soit en temps de pandémie ou à un autre moment.
J'aimerais aborder l'autre volet de l'équation.
Je crois que bon nombre d'entre nous qui avons étudié à l'université savent à quel point la période estivale de quatre mois est importante pour amasser l'argent nécessaire en vue de payer les frais de scolarité et les frais de subsistance tout au long de l'année. Je sais également que le gouvernement fédéral a grandement élargi son financement à l'égard du programme Emplois d'été Canada.
Quelle est la situation d'emploi actuelle des jeunes? Nous sommes au beau milieu d'une troisième vague importante dans l'ensemble du pays. Est-ce qu'il y aura suffisamment d'emplois pour permettre aux étudiants d'amasser l'argent dont ils ont besoin pour payer leurs frais de scolarité et de subsistance en septembre?
Les emplois pour les jeunes ne sont pas aussi nombreux qu'ils l'étaient en mai 2020. Le marché du travail pour les jeunes n'a toujours pas rebondi. Bien que je reconnaisse les changements apportés au programme Emplois d'été Canada, il ne représente qu'une partie d'une politique plus vaste que nous devons mettre en oeuvre. J'ai été responsable de la gestion d'un emploi par l'entremise du programme pour un organisme à but non lucratif et j'ai aussi pu profiter du programme lorsque j'étais étudiant. Le programme présente des inégalités. Les étudiants internationaux n'y sont pas admissibles. Les étudiants de plus de 30 ans non plus. Il faut créer des programmes plus vastes qui visent un plus large éventail d'étudiants et de jeunes afin de veiller à ce qu'ils ne passent pas à travers les mailles du filet, surtout en raison de la situation actuelle du marché et des réalités financières associées à la COVID-19, qui ont une incidence importante sur la santé mentale et le bien-être. C'est l'une des raisons pour lesquelles je demande le retour de la PCUE.
Je ne sais pas si c'est possible, mais pourriez-vous nous donner une idée de l'état de santé mentale des étudiants à l'heure actuelle? Leur vie est particulièrement bouleversée. Ils ne peuvent aller en classe. Ils apprennent en ligne. Ils sont isolés. Pouvez-vous nous dire comment se sentent les étudiants au pays à l'heure actuelle et quels sont les défis particuliers auxquels ils doivent faire face, et dont nous devrions tenir compte dans le cadre de l'élaboration de politiques?
Bien sûr. Il est difficile de donner une réponse courte à cette question, mais d'après mon expérience, bien que les universités, les syndicats étudiants et d'autres organisations ou groupes d'amis aient tenté de maintenir un sentiment d'appartenance à la communauté, ce n'est pas la même chose. C'est ce qui se passe partout au Canada, et pas seulement pour les étudiants, même si l'objectif d'un campus est de créer un sentiment d'appartenance à la vie étudiante. Cette appartenance à la communauté aide les étudiants même lorsqu'ils ont terminé leurs études, lorsqu'ils trouvent un emploi et qu'ils font du bénévolat. Nous avons perdu une grande partie de cela.
En ce qui a trait aux conséquences sur la santé mentale, certains étudiants travaillent dans les épiceries; les étudiants en soins de santé se retrouvent probablement sur la ligne de front, dans une certaine mesure. Nous constatons que la santé mentale de tous les étudiants est affectée, mais que certains d'entre eux sont plus touchés par la pandémie.
Je n'ai pas le même accès aux cérémonies culturelles qu'avant la pandémie. Je veux protéger les aînés, mais ce n'est pas la même chose avec Zoom. On ne peut pas vraiment... [Difficultés techniques]
Je crois que nous avons perdu la connexion avec M. Amyot.
Monsieur Davies, vous pouvez poser une dernière question. Je vais vous donner un peu plus de temps.
Merci. Je vais tenter de faire vite.
Aujourd'hui, c'est le jour du budget, monsieur Amyot. C'est un jour important. Quel serait le conseil que vous donneriez au premier ministre et à la ministre des Finances du pays afin qu'ils aident les étudiants? Ce serait peut-être l'amélioration des connexions Internet.
Très bien. Voilà qui nous amène à la fin de notre première série de questions. Nous aurons peut-être le temps pour une série de questions éclair. Aimeriez-vous disposer d'une minute par parti?
Des députés: D'accord.
Le président: D'accord, comme personne ne s'y oppose, je vais donner la parole à M. d'Entremont. Vous disposez d'une minute.
J'avais une question pour M. Amyot, mais il n'est malheureusement plus là.
Monsieur D'Angiulli, ma femme est enseignante. À de nombreuses reprises, les classes de son école ont dû fermer. Il n'y avait pas de cours aujourd'hui. À deux reprises, les écoles de la région d'Halifax ont dû être fermées.
À quel moment croyez-vous que nous allons constater les effets négatifs de la pandémie sur les enfants, lorsque nous commencerons à nous en sortir? Est-ce qu'ils vivront toujours de l'anxiété lorsqu'on parlera de la pandémie ou des effets de certaines maladies?
Je crois que ce sera différent selon les groupes d'âge. Les conséquences seront probablement plus importantes sur les plus jeunes enfants, qui ont commencé la maternelle ou la première année pendant la pandémie. Je crois que la situation sera assez corsée au début de l'automne. Je crois que les trois premiers mois, environ, seront difficiles pour tout le monde.
Merci, monsieur le président.
De toute évidence, les provinces sont les principaux joueurs ici, mais de quelle façon le gouvernement fédéral peut-il aider, madame Bisanz?
Par exemple, la main-d'œuvre fait partie des enjeux dans le domaine des soins de longue durée. Bien que le personnel infirmier en soit une composante clé, les préposés aux services de soutien forment le groupe le plus important du domaine des soins de longue durée. Comment pouvons-nous aborder les questions comme le recrutement et le maintien en poste du personnel, le faible salaire, l'absence d'avantages sociaux, la formation insuffisante et la prévention inadéquate des infections?
Il me faudrait beaucoup de temps pour répondre, mais c'est une excellente question.
Je crois que le plus important défi, c'est que très peu de personnes souhaitent devenir préposées aux services de soutien, parce les salaires sont faibles, surtout dans le secteur communautaire, en raison du mode de financement.
Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, il est très difficile de faire concurrence aux hôpitaux et aux établissements de soins de longue durée. En Ontario, on se centre sur l'augmentation de l'effectif et des heures de soins dans les établissements de soins de longue durée, ce qui éloignera ces travailleurs du secteur des soins et du soutien communautaires. C'est très préoccupant.
En ce qui a trait au gouvernement fédéral, il faut adopter une approche axée sur les ressources humaines en santé qui fait du personnel de soutien l'un des groupes prioritaires en matière d'immigration, et qui leur offre un soutien, un salaire et des conditions de travail appropriés pour les maintenir en poste.
Merci, monsieur le président.
Docteur Champagne, je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous présenter un portrait de la situation. C'est très éclairant.
J'ai une brève question. Depuis la première vague, est-ce que vous ou vos collègues avez pu répertorier des patients qui ont eu des cancers moins bien traitables en raison du délestage?
Toutes les semaines, on voit des patients qui arrivent avec des cancers plus avancés qu'ils ne l'auraient été si ces patients avaient été diagnostiqués alors que leurs symptômes débutaient ou s'ils avaient fait l'objet d'un programme de dépistage.
Par conséquent, c'est malheureusement le quotidien des oncologues. Cette situation ne se produit pas qu'au Québec. Certaines provinces ont été moins touchées que la nôtre au début, lors de la première vague et de la deuxième vague, mais, quand on lit les journaux aujourd'hui, on voit que le même scénario se déroule partout au Canada.
La situation catastrophique que vit présentement l'Ontario devrait donc aussi avoir des effets assez catastrophiques sur les patients ontariens.
[Traduction]
Je vois que M. Amyot est de retour.
Monsieur Davies, je vais vous donner un peu plus de temps, parce que vous avez perdu votre témoin tout à l'heure.
Merci, monsieur le président. C'est généreux de votre part.
Monsieur Amyot, j'aimerais vous donner l'occasion de répondre à ma dernière question. C'est le jour du budget aujourd'hui. Quel conseil donneriez-vous au premier ministre et à la ministre des Finances au sujet des mesures à prendre pour aider les étudiants du pays?
Merci, et je suis désolé pour l'interruption.
J'allais dire qu'Internet était un enjeu pour l'éducation postsecondaire au pays. Même dans les grandes villes, c'est un enjeu. J'ai manqué de nombreux cours parce que ma connexion Internet est instable. Elle a été interrompue alors que je vous parlais tout à l'heure et je dois maintenant utiliser mes données cellulaires.
Pour répondre à votre question au sujet du budget fédéral, il faut que la politique de financement de l'éducation postsecondaire soit audacieuse. Il faut rétablir la Prestation canadienne d'urgence pour étudiants. Il faut que les étudiants internationaux y soient admissibles. Il faut instaurer un moratoire sur le remboursement des prêts étudiants et les intérêts. À long terme, il faut accroître les transferts fédéraux vers les provinces dans le but d'offrir des subventions aux étudiants de niveau postsecondaire pour réduire la dette qu'ils doivent contracter.
Nous devons accroître le financement institutionnel et le gouvernement fédéral doit créer un comité sur l'éducation postsecondaire. Nous sommes le seul pays du G7 qui n'assure aucune surveillance fédérale de l'éducation postsecondaire. Il est temps d'être audacieux avec la politique d'éducation postsecondaire, pour que le Canada se démarque à l'échelle internationale.
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