Bienvenue, tout le monde, à la 41e séance du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. L'objet de la séance d'aujourd'hui est l'étude des lignes directrices du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés.
Je souhaite la bienvenue à nos témoins: M. Steven Morgan, professeur à l'École de santé publique et de santé des populations à l'Université de la Colombie-Britannique, qui comparaît à titre personnel; Mme Anie Perrault, directrice générale, et M. Paul Lévesque, président et chef de la direction de Theratechnologies Inc., tous deux porte-parole de BIOQuébec; Sharon Batt, cofondatrice et professeure auxiliaire au Département de bioéthique de l'Université Dalhousie, et Mme Jennifer Beeman, directrice générale, toutes deux d'Action cancer du sein du Québec; et Kelly Grover, directrice générale, de Fibrose kystique Canada.
J'invite maintenant les témoins à...
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Merci beaucoup. Je suis heureux de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je me présente: je suis économiste de formation et professeur titulaire de politique de la santé à l'Université de la Colombie-Britannique. Il est peut-être important de signaler, par exemple, que j'ai publié plus de 150 documents de recherche évalués par mes pairs sur la politique pharmaceutique. J'ai décroché littéralement des millions de dollars en subventions de recherche évaluée par mes pairs au Canada et aux États-Unis. J'ai siégé à titre d'expert à des comités consultatifs d'experts chargés de questions touchant le prix des médicaments et l'accès aux médicaments pour l'Organisation mondiale de la santé et l'Organisation de coopération et de développement économiques.
Je serai très bref, car je préfère utiliser le temps dont je dispose pour aider à combler les lacunes du savoir que vous pourriez trouver importantes dans vos travaux.
En premier lieu, je veux marquer mon appui à la réforme de la réglementation sur le prix des médicaments brevetés. L'ancien règlement n'a jamais été conçu pour assurer une solide protection contre les prix élevés au Canada. Il repose sur la fausse prémisse selon laquelle, si le prix des produits pharmaceutiques était à peu près le même au Canada que dans les pays qui ont un haut niveau de R-D pharmaceutique, alors le Canada deviendrait aussi un pays où les niveaux de R-D pharmaceutique sont élevés.
Cela n'allait jamais arriver et, bien sûr, ce n'est jamais arrivé. Comme je l'ai écrit dans le cadre de l'examen décennal du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, le CEPMB, en 1997, il y avait bien des choses à corriger dans le règlement initial, mais la nécessité de réformes réglementaires est devenue encore plus criante ces dernières années.
Il y a deux tendances importantes à signaler ici. Premièrement, le prix des produits pharmaceutiques est désormais entouré du plus grand secret à l'échelle mondiale. Le prix des médicaments s'établit comme celui des voitures chez le concessionnaire automobile. Il y a le prix marqué, qui, tout le monde le sait, est plus élevé que ce qu'il faut vraiment payer; puis il y a le prix réel, négocié en secret entre le vendeur et l'acheteur individuel.
Paradoxalement, c'est l'utilisation à grande échelle de règlements sur les prix de référence qui est la principale raison pour laquelle le secret est devenu la norme dans l'établissement des prix des produits pharmaceutiques. C'est-à-dire qu'un si grand nombre de pays utilisaient les comparaisons internationales des prix marqués pour arrêter les prix maximaux à pratiquer dans leur pays que les fabricants ont opté le plus possible sur tous les marchés pour des prix confidentiels et des négociations confidentielles des prix. Pour ce faire, ils ont dû gonfler, c'est-à-dire majorer, le prix marqué sur tous les marchés. L'analyse comparative des prix marqués par rapport aux comparaisons internationales est désormais la norme et, franchement, elle n'est plus suffisante.
Cela amène la deuxième raison qui motive la modernisation de la réglementation. Il s'agit des prix excessifs aujourd'hui souvent pratiqués pour de nombreux médicaments, surtout les médicaments spécialisés pour le traitement de maladies graves. Des prix excessifs pour les médicaments brevetés sont effectivement possibles, car les brevets donnent aux fabricants un monopole temporaire de la vente de certains médicaments.
Les possibilités d'abus du pouvoir du marché qui en résulte sont grandes, parce que les consommateurs de médicaments brevetés — « les patients ayant des besoins médicaux » — peuvent souffrir et même mourir s'ils n'ont pas les moyens de se payer un traitement. En limitant légalement les prix nets après rabais confidentiels, qu'un fabricant peut même demander au système de santé canadien, un nouveau règlement sur le prix des médicaments pourrait bloquer les pires cas de prix excessifs et, en même temps, accélérer les négociations sur les prix finaux et les conditions de couverture pour les Canadiens. Les patients obtiendraient plus rapidement les médicaments dont ils ont besoin, et notre système de soins de santé, intégrant idéalement un régime universel d'assurance-médicaments, pourrait probablement couvrir une plus grande partie de ces médicaments.
L'industrie s'opposera à ces réformes, et elle fournira du financement aux groupes de patients disposés à s'y opposer, mais cela ne veut pas dire que le règlement n'est pas bon. En fait, cela signifie que, au contraire des premières versions de l987 du règlement sur le prix des médicaments brevetés, les réformes proposées pourraient fonctionner.
Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de nous recevoir et de nous permettre de participer à cette discussion importante et stratégique.
Je m'appelle Anie Perrault, et je suis la directrice générale de BIOQuébec.
BIOQuébec est une association industrielle qui représente des entreprises québécoises, des entreprises de biotechnologie qui font de la recherche‑développement, des sociétés de recherche contractuelles, des sociétés de recherche préclinique et clinique et des investisseurs en capital de risque. Nous sommes donc présents sur tout le parcours de l'innovation, de la recherche à la commercialisation.
Je suis ici parce que nos membres sont inquiets, et cette inquiétude est exacerbée par la pandémie de COVID‑19. Le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, le CEPMB, a été constitué dans les années 1980, et il avait un rôle de surveillance limité. Il s'agissait de prévenir l'exercice abusif d'un droit d'exclusivité, le brevet. C'est la raison d'être du Conseil.
L'encadrement du prix des médicaments relève des provinces, qui gèrent la santé et, comme au Québec, un programme d'assurance-médicaments...
[Traduction]
Pourvu que vous arrêtiez le chronomètre pour ces six minutes, je n'aurai pas de problème.
[Français]
L'encadrement du prix des médicaments relève des provinces, qui gèrent la santé et, au Québec, un programme d'assurance-médicaments public. À notre avis, il existe déjà des moyens de surveiller les prix. Je pense notamment à l'Alliance pancanadienne pharmaceutique, ou APP, et à la négociation d'ententes d'inscription.
L'innovation demande du temps, des moyens et, surtout, de bons nerfs. C'est une combinaison de risques financiers, de stratégies d'entreprise et de savoirs scientifiques. Elle se fait dans un contexte stable, prévisible et qui tient compte du marché local. Elle se fait dans un environnement global.
J'aimerais souligner que les risques financiers que prennent nos entrepreneurs, particulièrement dans le secteur des biotechnologies, sont beaucoup plus importants que dans n'importe quel autre secteur. Une entreprise de biotechnologies investit pendant des années — en moyenne pendant 15, 16 ou 17 ans — avant de savoir si la molécule sur laquelle elle travaille deviendra un médicament, qui sera approuvé et intégré dans les marchés.
L'accroissement de la médecine de précision et des thérapies ciblées fait qu'il en coûte tout aussi cher pour mettre au point un médicament. Ce dernier bénéficie à de plus petites populations, ce qui entraîne une augmentation sur le plan des risques. C'est cet équilibre fragile et complexe que le nouveau règlement du CEPMB viendrait briser. À notre avis, le nouveau régime risque de contrecarrer des projets d'investissement importants. L'entrée sur le marché de médicaments novateurs pourrait être compromise, et il pourrait y avoir des répercussions sur les patients. Le nouveau règlement fait aussi en sorte qu'une entreprise ne puisse plus savoir à l'avance comment elle pourra récupérer ses investissements.
Qui, dans un tel contexte, se risquerait dans un grand projet d'innovation en santé au Canada?
La réforme proposée est, selon nous, mal orientée, mal appuyée et mal avisée. Nous essayons de sortir d'une crise sanitaire qui met en évidence l'importance pour le gouvernement d'appuyer le secteur des sciences de la vie, pas de l'étouffer comme le fait la réforme.
Selon nous, il n'y a pas pire moment pour déstabiliser l'écosystème. Il faut retirer ce mauvais projet de règlement ou à tout le moins le suspendre et reprendre la discussion à tête reposée.
Il faut réfléchir à la contribution du CEPMB. Nous sommes d'accord sur cela, mais il faut le faire en réfléchissant à l'écosystème des sciences de la vie, non pas uniquement dans un contexte de réforme des prix des médicaments. Il faut mettre en place une stratégie globale des sciences de la vie qui inclura les aspects liés à la santé des Canadiens, à l'accès à l'innovation, à la recherche et au développement économique de tout le pays.
Une telle stratégie existe au Québec, mais elle n'existe pas au Canada. Il faut cesser de réfléchir en vase clos, c'est ce que fait la réforme actuellement. La pandémie nous a appris une chose importante, soit que le secteur des sciences de la vie, celui qui nous permet aujourd'hui de reprendre espoir en une vie plus normale grâce au vaccin qu'il a mis au point, est un secteur porteur. Le gouvernement doit travailler de concert avec ce secteur, et non contre lui.
Aujourd'hui, je suis accompagnée de M. Paul Lévesque, président de Theratechnologies, une entreprise de biotechnologie québécoise qui a mis au point et mis en marché deux médicaments destinés aux patients porteurs du VIH. Actuellement, elle développe d'autres médicaments liés à l'oncologie et à la maladie hépatique.
M. Lévesque s'est joint à Theratechnologies après avoir cumulé 35 années d'expérience dans l'industrie biopharmaceutique. Il a passé la moitié de sa carrière professionnelle à l'extérieur du Canada, soit en Europe, en Asie et aux États‑Unis. Il a dirigé, en tant que président mondial, l'unité des maladies rares, à New York.
Nous serons heureux de répondre à vos questions aujourd'hui, mais j'aimerais d'abord que M. Lévesque vous explique pourquoi il est important pour lui, chef d'une entreprise québécoise qui fait notre fierté, d'être ici aujourd'hui.
Monsieur Lévesque, je vous laisse la parole.
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Je vous remercie, madame Perrault.
Bonjour, tout le monde.
Je suis heureux de me joindre à vous aujourd'hui au moyen de la technologie.
[Traduction]
En tant qu'ancien PDG d'une biopharmaceutique canadienne, je peux vous dire que cette réforme, si elle va de l'avant, contribuera à retarder et à réduire la quantité d'innovation et de thérapies novatrices qui nous arrivent au Canada. J'en suis absolument convaincu. J'occupe l'un de ces sièges, et je peux vous assurer que c'est ce qui se produirait.
Comment puis-je le dire?
Imaginez un instant que vous avez une Tesla, qui se vend 100 000 $ aux États-Unis, mais que la réforme nous demande de la vendre 50 000 $ au Canada. Donc, un entrepreneur comme moi, dans la même situation que le premier dirigeant de Tesla, déciderait de ne plus vendre la Tesla au Canada. C'est ce qui arriverait, à cause du commerce transfrontalier, parce que les deux marchés seraient soumis à une pression indue. C'est ce que fera cette réforme, de sorte que les gens qui sont assis à ma place aujourd'hui décideront en fait de ne pas procéder.
Cela signifie-t-il que nous ne pouvons pas réduire le prix des produits pharmaceutiques au Canada? La réponse est non, parce que ce n'est pas la bonne réforme pour y arriver. Si vous voulez des prix plus bas, vous devez vous amener à la table de négociation avec les provinces et trouver des moyens créatifs de réduire les prix pour des populations ciblées, en fonction de la performance, de manière que les pharmaceutiques puissent nous tenir responsables de la performance de nos médicaments.
Le fait est que vous n'avez pas la bonne réforme sur la table pour faire tout ce que vous voulez faire.
Je m'arrête ici et je serai très heureux de répondre à vos questions. Il y a moyen d'introduire au Canada des médicaments novateurs à bon prix, mais ceci n'est pas la bonne façon de procéder. J'ai un tas d'idées. Nous n'avons pas épuisé les idées, mais nous devons sortir de cette boîte pour trouver d'autres solutions.
Merci beaucoup.
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Merci, monsieur le président et membres du Comité, de nous avoir invités à vous faire un exposé à vos audiences.
Il y a 30 ans, quatre d'entre nous avons lancé le premier groupe de défense des droits contre le cancer du sein au Canada, car nous croyions que ce type de groupe pouvait soutenir et promouvoir les besoins des patientes. Malheureusement, au milieu des années 1990, le gouvernement a retiré son financement aux groupes de patientes, et un grand nombre se sont alors tournés vers l'industrie pharmaceutique pour obtenir de l'aide.
Au cours des 20 dernières années, comme bien d'autres, j'ai mené des recherches sur ces partenariats. Nous disposons maintenant d'un vaste corpus de preuves pour démontrer qu'ils compromettent la capacité des groupes d'éclairer la politique relative aux médicaments. La recherche révèle que, par son aide financière et ses relations sociales, l'industrie a capturé un segment non négligeable du mouvement de défense de la cause des patients dans le monde. Par « capturé », je veux dire que ces groupes de patients tiennent un discours convergent qui s'aligne sur les intérêts de l'industrie. Nous avons maintenant deux discours sur le prix des médicaments au sein du mouvement de défense des patients. Cette différence est on ne peut plus évidente dans les organisations qui sont intervenues dans l'élaboration des règlements et des lignes directrices du CEPMB.
Nous sommes d'avis que le nouveau règlement du CEPMB et les lignes directrices proposées seront des outils efficaces pour freiner la spirale ascendante ininterrompue du prix des médicaments, qui prive de plus en plus les patients des médicaments dont ils ont besoin. Des prix excessivement élevés perturbent l'affectation des ressources en santé. Ils menacent la viabilité des réseaux de la santé dont dépendent tous les patients. Le problème dans ces lignes directrices, ce sont des règles qui déterminent si de nombreux Canadiens ont les moyens de payer leurs médicaments d'ordonnance.
Au fil des décennies, de nombreux rapports ont reconnu qu'un régime de soins de santé universel efficace doit couvrir les médicaments essentiels, et des sondages récents révèlent que 86 % des Canadiens sont en faveur d'un régime national d'assurance-médicaments. Nous sommes alarmés par l'ampleur de l'opposition au CEPMB orchestrée par les groupes de patients financés par les pharmaceutiques. Leurs voix sont complètement disproportionnées par rapport à celles des groupes de patients indépendants, des groupes qui travaillent avec des personnes à faible revenu et d'autres groupes de la société civile qui appuient un programme national d'assurance-médicaments entièrement public.
Lorsque le CEPMB a révisé et affaibli la première version de ses lignes directrices, nous étions consternés. Ce recul était-il fondé sur des données probantes ou sur le lobbying intense de l'industrie et des groupes de défense des droits des patients? Les analystes de la politique sur les médicaments dans tous les pays reconnaissent que l'industrie pharmaceutique établit le prix de ces nouveaux médicaments en fonction de la capacité de payer du marché. Bon nombre de ces médicaments coûteux n'améliorent en rien la survie ni la qualité de vie des patients. Certains ont été rappelés en raison du degré de préjudice causé aux patients.
Les groupes de défense des droits des patients ont la responsabilité de réclamer des réformes qui limiteront ces préjudices et les menaces qui pèsent sur notre réseau de la santé. C'est difficile, lorsqu'on est en partenariat avec une industrie qui profite de prix élevés. C'est pourquoi Action cancer du sein du Québec refuse tout financement des sociétés pharmaceutiques, tout comme les groupes ou les défenseurs de la cause avec qui nous travaillons.
Le Canada a besoin de lois sur la transparence qui permettront au public d'examiner les relations que l'industrie a cultivées avec les groupes de patients. Nous savons que ces relations sont nombreuses, non seulement au Canada, mais dans tous les pays à haut revenu. Les stratégies — paiement de dîners, formation médiatique et subventions sans restrictions pour les études — que l'industrie pratique pour courtiser les défenseurs des droits des patients ont servi pendant des décennies à courtiser les médecins. Ces trucs-là fonctionnent. Les stratégies pourraient même être plus efficaces auprès des patients qu'auprès des médecins, étant donné la vulnérabilité des patients et leurs ressources plus limitées.
Le nouveau médicament contre la fibrose kystique, le Trikafta, et ses précurseurs sont un point d'éclair de la colère ciblant le CEPMB. D'après la preuve que nous avons vue, ce nouveau médicament contre la fibrose kystique est cette rare percée pour le traitement. Nous le voulons pour les patients atteints de fibrose kystique au Canada, mais son efficacité ne justifie pas à elle seule son prix exorbitant. Les médicaments sont censés donner des résultats. Otis Webb Brawley, l'ancien médecin hygiéniste en chef de l'American Cancer Society, fait valoir que les groupes de patients sont payés par les fabricants de médicaments et d'appareils parce que [leurs] allégations sont si outrageuses que même les groupes d'intérêt n'osent pas les reprendre à leur compte. Certaines des allégations des patients atteints de fibrose kystique et de maladies rares au sujet du CEPMB cadrent dans cette description. Je fais référence à des gazouillis comme « @DougPMPRB Vous faites la promotion de la mort et de la souffrance des citoyens canadiens, dont le sang rejaillit en vous ». Je fais également référence aux images chargées d'émotion que nous présente la série de publicités « Non aux changements au règlement du CEPMB », commanditée par 13 organisations de patients appelées « Protéger notre accès ».
Le CEPMB n'a pas empêché Vertex d'offrir Trikafta aux entreprises plus tôt; la décision venait de l'entreprise. En particulier, à l'étranger, des groupes de défense de la cause des patients ont contesté Vertex directement, comme il se doit, et non pas leurs programmes de santé publique en mal de fonds.
Les organismes caritatifs de patients appuyés par les sociétés pharmaceutiques se donnent souvent des programmes d'aide financière pour aider les patients à payer les médicaments excessivement chers. Cela ne règle pas le problème de l'accès aux médicaments très coûteux. Cela sert à maintenir un système de prix des médicaments qui n'est pas viable et qui est extrêmement rentable pour les sociétés pharmaceutiques. Cela maintient les prix élevés.
En conclusion, les partenariats entre sociétés pharmaceutiques et organismes de patients contribuent de multiples façons à gonfler le prix des médicaments et à biaiser la défense de la cause des patients en faveur de l'industrie. Le Canada a besoin d'un régime national d'assurance-médicaments financé par l'État, ainsi que de politiques pour l'appuyer.
Action cancer du sein du Québec recommande que les nouvelles lignes directrices du CEPMB entrent en vigueur le 1er juillet 2021.
Je vous remercie. Jennifer Beeman et moi nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
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Bonjour. Merci de nous avoir invités aujourd'hui.
Je suis la directrice générale de Fibrose kystique Canada.
La fibrose kystique est une maladie mortelle affligeant plus de 4 300 Canadiens, qui en meurent beaucoup trop jeunes. Cependant, nous sommes à une époque de changement extraordinaire pour cette maladie, car il existe aujourd'hui des médicaments qui peuvent aider 90 % des nôtres à vivre beaucoup plus vieux, et en meilleure santé. Le meilleur remède est maintenant à notre porte.
La première fois que nous avons présenté nos observations à votre comité, nous voulions discuter des occasions et des défis que nous voyions dans la mise en œuvre des changements au CEPMB. Nous voulions marquer notre accord sur l'objectif de diminution du prix des médicaments et sur les changements apportés aux pays de comparaison, mais nous avions certaines réserves au sujet des nouveaux éléments pharmacoéconomiques. Bien que nous défendions ce point de vue, je dois aujourd'hui faire part de graves préoccupations que nous inspirent l'approche et la conduite du CEPMB.
La politique sur les médicaments est importante. Elle peut être une question de vie ou de mort. Avec un changement de politique de cette ampleur, nous nous attendions que le CEPMB tienne des consultations sérieuses avec les personnes les plus touchées. Cependant, selon notre expérience et l'expérience de bien d'autres groupes de patients, cela n'a pas été le cas. Nos mémoires ont été envoyés dans une sorte de vortex. Au bout du compte, ils n'ont jamais été reflétés dans les révisions minimes apportées par le CEPMB, qui n'a pas donné d'explication pour justifier l'orientation qu'il a choisie.
La semaine dernière, nous avons été mis au courant d'une activité du CEPMB qui a renforcé nos craintes au sujet de la valeur accordée aux patients. Grâce à une demande d'accès à l'information, nous avons appris que le CEPMB a élaboré une stratégie de communication pour discréditer quatre groupes. Trois de ces groupes étaient des groupes de patients, dont la collectivité de la fibrose kystique. Selon la stratégie du CEPMB, les adversaires des réformes ont dénoncé plus vigoureusement les impacts négatifs éventuels de leur mise en œuvre et mènent des campagnes organisées de relations publiques pour faire de la désinformation; et en outre, la collectivité de la fibrose kystique a des stratégies de relations publiques agressives qui sont alignées sur les messages dont l'industrie fait la promotion.
Je veux insister sur un point précis ici. Le mot « désinformation » est incendiaire et est un choix de vocabulaire délibéré des fonctionnaires du CEPMB. Nous comprenons maintenant que si vous osez être en désaccord avec lui, le CEPMB ne se contentera pas de réfuter votre point de vue. Il vous vilipendera.
En tant que directrice générale d'une organisation nationale vouée au service des personnes atteintes d'une maladie mortelle qui ont désormais accès à des médicaments qui changeront leur vie, je ne saurais exprimer toute la consternation et l'inquiétude que je ressens à l'idée qu'un organisme fédéral considère que cette collectivité comme un adversaire et une menace à discréditer. Cibler spécifiquement la crédibilité de cette collectivité — les enfants et les jeunes adultes qui luttent pour leur vie —, c'est plus que je ne saurais considérer comme raisonnable ou approprié pour un organisme fédéral. Les familles étaient d'avis que ces changements bloqueraient l'accès à de nouveaux médicaments vitaux et elles ne se sont pas cachées pour le dire.
Les députés qui n'étaient pas d'accord sur les orientations du CEPMB devraient aussi être inquiets, car, eux aussi, ils ont été qualifiés d'agents de désinformation. L'étiquette devrait inquiéter au plus haut point les membres de votre comité, vu que le rôle des élus est d'évaluer l'orientation des politiques.
Ma dernière remarque concerne une autre demande d'accès à l'information, qui a fait voir les calculs effectués par le CEPMB concernant deux médicaments contre la fibrose kystique, dans le scénario de mise en œuvre des lignes directrices. Les calculs indiquaient que le fabricant serait tenu de réduire son prix de 99 %. Cela nous a vivement intéressés. Pourquoi? Parce que, à maintes et maintes reprises, le CEPMB nous a dit que nos craintes n'étaient pas fondées et que l'impact sur l'industrie était exagéré. Quoi que vous pensiez de l'industrie pharmaceutique, nous croyons que la plupart d'entre nous reconnaîtront qu'il n'y a pas une entreprise au monde, dans quelque secteur que ce soit, qui se précipitera dans un pays qui exigera une réduction de prix de 99 %.
On comprendra par ces exemples les vives préoccupations que nous inspire le CEPMB. Comme je l'ai déjà dit, nous appuyons l'objectif du gouvernement de faire baisser le prix des médicaments. Par contre, nous croyons que cela doit se faire en toute transparence, d'une manière crédible et en consultation: il faut que toutes les parties soient écoutées et que les personnes qui ont le plus à perdre ou à gagner — les patients canadiens — soient respectées. Ce n'est pas le cas au CEPMB.
Il incombe au Comité permanent de la santé de surseoir à ces changements aux lignes directrices et de demander à la vérificatrice générale et au commissaire à l'intégrité de se pencher sur les activités du CEPMB.
Merci.
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J'en ai parlé à mon équipe aujourd'hui. Je suis triste. Je suis vraiment déçue. Notre organisation a 60 ans; elle a été fondée par des parents. Aujourd'hui, notre conseil d'administration est présidé par la mère d'une personne atteinte de fibrose kystique. Nous sommes bien déterminés à changer la progression de cette maladie et à faire le travail nécessaire.
On nous reproche de ne pas parler de Vertex, le fabricant, et de ne pas faire ceci ni faire cela. Je suis ici aujourd'hui pour les parents qui vivent avec la fibrose kystique.
Nous avons la possibilité de changer le cours de cette maladie, et je suis un peu attristée que nous en soyons là. Nous nous tapons dessus, vraiment. Je pense que nous devrions tous unir nos efforts, démêler tout cela, et veiller à ce que les gens pour qui il y a un médicament révolutionnaire puissent y avoir accès au Canada. Je pense que nous pourrions tous épouser cette cause.
Je trouve cela très triste et franchement frustrant. Je sais qu'ils se sont sentis méprisés — si je peux utiliser ce mot — et vraiment pas respectés, et ils sont frustrés.
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Cette lettre ne vient pas de nous. Elle vient d'une organisation sœur, la Canadian Cystic Fibrosis Treatment Society.
Je ne vais pas parler du leadership du CEPMB. Je pense que le personnel de l'organisme y travaille probablement très fort en faisant de son mieux.
Je pense qu'il n'y a pas eu de bon processus de consultation, de processus que j'aurais préféré voir fondé sur le dialogue plutôt qu'un processus didactique à sens unique. Les patients et les personnes vivant avec la maladie ont beaucoup à offrir. Je pourrais vous en dire long sur la consultation — et je pourrai le faire plus tard. Vous auriez peut-être pu avoir une discussion plus significative sur les changements.
À Fibrose kystique Canada, nous avons marqué notre accord sur la baisse du prix des médicaments et sur certains des changements apportés aux lignes directrices, et nous pensons que vous devriez peut-être attendre pour voir, en essayer certains, voir comment les choses se passent et en tirer des leçons.
Pour moi, cela devient très didactique, noir sur blanc.
Je ne peux pas parler des dirigeants. Je suis désolée de ma réponse un peu évasive.
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Je ne vois pas très bien ce que vous entendez par modèles basés sur des coûts fixes. De fait, certains autres témoins ont mentionné...
Je pense bien que tout le monde est contre les prix excessifs des médicaments, les prix qui ne sauraient se justifier au nom de l'optimisation des ressources dans le réseau des soins de santé. Par exemple, engloutir des millions de dollars dans le traitement d'un seul patient ou de quelques patients, c'est se priver de la capacité de répondre à d'autres besoins en soins de santé, y compris des autres besoins des patients atteints de la même maladie.
Nous ne voulons pas non plus permettre des rendements excessifs de l'investissement dans les produits pharmaceutiques, lorsqu'il y a d'autres investissements et innovations en soins de santé qui pourraient rapporter autant ou davantage au réseau de la santé.
On veut mettre fin aux prix excessifs, tout en veillant à ce que les prix soient proches de la valeur pour les systèmes de santé. Nous avons entendu, même aujourd'hui, que les meilleures stratégies consistent à fixer des limites raisonnables dans un système qui vise à refléter le rendement de l'investissement en R-D et à optimiser les ressources dans les systèmes de santé. Ensuite, bien honnêtement, il faut laisser les acheteurs et les vendeurs négocier le prix.
Le Canada n'a pas une grande capacité à cet égard, parce que nous avons un système fragmenté et non coordonné d'assurance privée, qui n'a ni les compétences techniques ni l'autorité morale pour prendre des décisions pour optimiser des ressources dans un réseau de la santé par ailleurs financé par l'État.
Le Canada a besoin d'organismes publics pour négocier les prix finaux, les prix confidentiels nets après rabais, qui tiennent compte de l'optimisation des ressources. De plus en plus, cela suppose aussi la conclusion d'ententes de partage des risques avec les fabricants en tenant compte de l'incertitude réelle et non négligeable quant à savoir si les produits donnent, dans le monde réel, les résultats promis sur la foi d'essais cliniques souvent très limités.
Le Canada a l'occasion de redonner sa capacité à l'organisme canadien des médicaments, qui est en voie d'être créé au niveau fédéral, et en partenariat avec les provinces et d'autres organismes nationaux et provinciaux, en ce qui concerne la technologie en matière de santé et la négociation des prix.
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Les nouvelles lignes directrices du CEPMB auront un effet sur les prix au Canada dans une certaine mesure, mais il faut reconnaître que la réduction du prix marqué des médicaments au Canada pourrait ne pas avoir le même effet spectaculaire sur les prix finaux nets après rabais. Supposons que le prix marqué d'un médicament est de 100 $, et que les fabricants et les régimes provinciaux d'assurance-médicaments ont obtenu par négociation qu'un prix de 70 $ représente une bonne optimisation des ressources, ce qui est à peu près juste pour ce qui est du rabais moyen négocié au nom des réseaux de la santé publique au Canada. Imaginons maintenant que le règlement sur les médicaments brevetés ramène le prix marqué de 100 $ à 90 $, et que le prix final pour les provinces demeure à 70 $. Les compagnies d'assurance vont économiser la réduction de 10 $ du prix marqué, mais les économies nettes pour les Canadiens au titre des programmes publics seront au bout du compte déterminées par le pouvoir de négociation des prix.
L'exception à la règle est pour les médicaments très coûteux pour le traitement des maladies très graves. Nous avons vu quelques exemples de traitements de la fibrose kystique, et il y en a d'autres dans tout l'éventail des besoins des patients, où, parce qu'il n'y a qu'un ou deux médicaments vraiment efficaces pour une maladie donnée, le prix peut être tellement haut que personne ne peut payer de sa poche ni se procurer le médicament en pharmacie. Le prix est uniquement le résultat de la négociation entre les régimes publics et les acheteurs. C'est dans le cadre de ces négociations que la réglementation du CEPMB peut vraiment mettre à l'abri des abus les systèmes que nous avons pour nos soins de santé publics, c'est-à-dire ne pas les laisser à la merci des demandes de prix vraiment excessives de la part des fabricants.
J'ajouterais seulement — je sais que le président a levé un drapeau jaune pour le temps qui m'est alloué — que cela fait partie des raisons pour lesquelles les pays du monde entier prêtent une attention particulière à notre réglementation ici au Canada. Je pense qu'il y a des pays dans le monde... Je dis cela en tant que personne qui, depuis 15 ans, a été l'hôte d'une assemblée annuelle des responsables de l'établissement des prix, de la réglementation et de l'évaluation de la technologie de la santé, dans une douzaine environ de pays à haut revenu, et je sais que les membres de ce groupe — appelé le « groupe de Vancouver » parce que je suis leur hôte — ont souvent réfléchi à ces réformes de la réglementation en cours au Canada. Ils estiment qu'elles pourraient avoir de la valeur, même dans leurs systèmes.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Lorsqu'un organisme chargé de mettre en avant une réforme et de faire des consultations prévoit, dans un plan de communication, de discréditer des intervenants et des interlocuteurs de la consultation, je pense que c'est mal engagé et que cela peut très mal finir. À la lecture de l'ensemble des mémoires, il y a des points de convergence qui ressortent, et c'est là-dessus que nous devrions nous attarder aujourd'hui.
Pour ceux qui se préoccupent des conflits d'intérêts, il y a un organisme qui s'appelle Recherche Canada, qui représente des centres universitaires de sciences de la santé, des universités, des collèges, des associations de sociétés de recherche, des organismes de bienfaisance, des réseaux de centres d'excellence, des organismes dans le secteur biopharmaceutique, bref plusieurs « personnes institutionnelles », si je peux m'exprimer ainsi, qui ont les mêmes craintes que vous, madame Perrault.
L'organisme dit ceci: « Essentiellement, le gouvernement fédéral navigue sans visibilité pour mettre en œuvre sa réforme du CEPMB [...] » C'est à la page 2 du mémoire, pour les gens qui vont me demander où j'ai pris cela. Il arrive à la conclusion « qu'en l'absence d'une consultation inclusive, non seulement les lignes directrices [...], mais aussi les réformes du CEPMB dans son ensemble, pourraient se révéler trop coûteuses pour notre économie, notre système de santé et nos patients les plus vulnérables. »
Qu'en pensez-vous?
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Selon nous, il est évident que la réforme actuelle semble avoir été conçue en vase clos, alors que notre écosystème travaille de façon horizontale. L'écosystème, c'est une chaîne d'innovation qui part de la recherche dans les milieux universitaires et qui se rend, nous l'espérons, jusqu'à la commercialisation de nouveaux médicaments. Tout au long de cette chaîne, beaucoup d'acteurs interviennent, dont nous, les entreprises de biotechnologies ainsi que les organisations de recherche clinique et préclinique. Nous travaillons tous de façon intégrée. Si nous touchons à l'un des maillons de la chaîne et que nous l'affaiblissons, c'est toute la chaîne qui sera affaiblie.
Malheureusement, on est en train d'élaborer à Ottawa des modifications à un règlement en pensant en vase clos, uniquement en fonction du prix des médicaments, alors que, l'écosystème des sciences de la vie, c'est beaucoup plus que cela. C'est la recherche, l'innovation, le développement économique, la recherche clinique et l'intégration de l'innovation pour les patients. Cela est beaucoup plus large et cette consultation plus large n'a pas été menée, à Ottawa.
Au Québec, nous travaillons avec la Stratégie québécoise des sciences de la vie, qui relève de deux ministres: le ministre de la Santé et des Services sociaux et le ministre de l'Économie et de l'Innovation. Cela démontre déjà une intégration et une compréhension de notre écosystème, où les intervenants travaillent de façon horizontale, et non pas en vase clos.
Cela est donc très important. Nous sommes certainement déçus de constater le manque de consultation de tous les partenaires de la réforme, qu'il s'agisse de nous, les entreprises de biotechnologies, les groupes de patients, les gens en recherche clinique, par exemple, et surtout, les provinces, car ce sont elles qui gèrent la santé au pays.
Présentement, le gouvernement du Québec s'oppose officiellement à ces changements au CEPMB. Le gouvernement de l'Ontario a émis des réserves. Le gouvernement de l'Alberta a fait de même. On ne peut pas mettre en place une stratégie comme celle-ci sans inclure les intervenants qui vont la mettre en application, comme les provinces.
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Je vais vous dire ce que j'en pense et je vais aussi demander à M. Lévesque d'intervenir et de nous dire ce qu'il ferait, en tant que chef d'une entreprise, s'il devait prendre des décisions concernant des médicaments sur lesquels il travaille.
L'accès au marché est un élément essentiel dans la chaîne de l'innovation. Quand on restreint cet accès, au Canada, il est certain que l'écosystème va malheureusement en subir les effets négatifs.
Chez nous, on constate déjà que moins de recherche clinique a été effectuée. Il y a eu moins de médicaments novateurs lancés dans le monde et aucun de ces médicaments n'a été lancé au Canada. Je ne parle pas de la décision d'une entreprise d'approuver ces médicaments au Canada, mais de celle de ne même pas les lancer au Canada. Ainsi, des patients ne pourront pas en bénéficier.
Il y aura donc effectivement des répercussions. Nous sommes convaincus qu'il y aura des répercussions négatives. Nous n'avons pas tenu compte de toute cette chaîne.
Monsieur Lévesque, en tant que chef d'une entreprise qui travaille sur des médicaments actuellement, pourrait peut-être répondre à cette question.
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Si le prix d'un médicament canadien correspond à la moitié de celui de son équivalent américain, on ne pourra pas le lancer. Cela, je peux vous le dire tout de suite.
Je dois faire face à de telles situations. Personne d'autre que moi dans l'entreprise ne prend ce genre de décisions. Si un médicament se vend à un prix de 100 000 $ aux États‑Unis, personne ne paie cela, soit dit en passant, et cela veut donc dire qu'il est négociable. Un prix facial qui correspondrait à 50 % du prix américain au Canada, c'est insoutenable. On ne peut pas travailler dans un tel contexte.
Je peux simplement vous dire que, il y a 20 ans, le milieu pharmaceutique canadien était dynamique, mais qu'il s'est marginalisé au fil du temps à cause de politiques comme celles que nous avons sur la table. Cette politique va faire en sorte que de moins en moins de médicaments novateurs seront lancés au Canada à un moment où, comme quelqu'un l'a dit tout à l'heure, beaucoup de ces médicaments de très haute valeur s'en viennent. Nous serons en mesure de traiter par des thérapies géniques des maladies que ne nous pouvions pas traiter auparavant.
En cancérologie et pour toutes sortes de maladies, cette réforme arrive à un très mauvais moment. Nous sortons d'une pandémie, et vous avez vu la valeur que l'industrie a pu créer.
[Traduction]
Pour l'instant, quant à moi, il faut soutenir l'industrie pharmaceutique pour pouvoir compter sur quelque chose de chez nous. Aujourd'hui, nous avons besoin d'un vaccin; demain, ce sera un antibiotique. Qui va s'en charger? Le gouvernement?
Il nous faut une industrie pharmaceutique forte. Cela veut-il dire que nous devons payer des prix exorbitants? La réponse est non. Faisons une réorganisation, une réforme. M. Morgan l'a dit. Nous pouvons négocier plus efficacement au niveau provincial.
Mais c'est la mauvaise réforme au mauvais moment. De fait, nous visons la mauvaise variable dans toute l'équation.
[Français]
J'espère avoir bien répondu à votre question, monsieur Thériault.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence parmi nous.
Je dirais que nous avons reçu jusqu'à maintenant des centaines de mémoires d'organisations qui nous ont présenté des exposés. Ils sont aussi diversifiés que les points de vue que nous entendons ici aujourd'hui. En toute honnêteté, il s'agit de la deuxième d'une série de trois séances. Nous approchons, je crois, de la fin de notre étude, du moment où nous devrons nous faire une idée de ce que nous allons recommander. Pourtant, les modifications que le CEPMB préconise seront apportées dans quelques semaines seulement. Il est difficile de faire la synthèse de la multitude de points de vue qui ont été exprimés.
Notre dernière séance a eu lieu il y a six mois. Nous avons invité le CEPMB à participer à cette séance-ci pour qu'il puisse réagir à certaines de ces idées et que nous puissions le consulter. Malheureusement, il a décliné l'invitation, ce que je trouve un peu étrange, car à mon sens, nous essayons de trouver des moyens de l'aider à élaborer les meilleures règles et les meilleurs règlements pour qu'il puisse jouer son rôle.
Nous avons beaucoup parlé des prix aujourd'hui, mais il y a aussi l'autre côté de l'équation. Nous avons donc parlé des patients.
Kelly Grover, merci beaucoup de comparaître au nom des patients atteints de fibrose kystique. Beaucoup de membres des groupes de patients s'adressent à nous. M. Kmiec posera probablement d'autres questions à ce sujet s'il en a l'occasion, mais le CEPMB vous a-t-il présenté des excuses pour l'attaque qu'il a lancée contre les groupes de patients? Il est difficile d'accepter qu'on s'attaque à des groupes de patients en ce moment.
:
Merci de votre question. Nous avons rencontré bon nombre d'entre vous, vous avez rencontré vos électeurs, et nous vous en remercions.
Fibrose kystique Canada n'a pas demandé d'excuses, mais une autre lettre a été envoyée cette semaine à un autre groupe de patients qui a été dénoncé. Le président du conseil d'administration du CEPMB a écrit une lettre — dont j'ai reçu copie — et c'est à ce moment-là que ce que j'ai dit par le passé... Je suis désolée de continuer à parler de ce que je ressens, mais je me suis sentie vraiment déçue et triste de cette lettre et de sa teneur. Pour ma part, si j'avais un plan de communication à appliquer après avoir fait une erreur, j'aurais peut-être commencé par dire: « Je suis désolée que vous ayez eu cette impression; voici ce que je voulais dire. » Mais c'est ce fut bien autre chose. À lire la lettre, on aurait presque dit que le Conseil voulait en rajouter. Il est très vexé par les groupes de patients. Mme Batt a parlé d'une partie du contenu en ligne. Les gens du Conseil sont très contrariés. Ils ne tiennent pas compte de ce que les patients veulent dire. Ils ne comprennent pas et n'éprouvent aucune empathie.
Qui plus est, j'ai trouvé curieux que, dans leur note, ils disent être les experts en la matière et que c'est à ce sujet qu'ils conseillent le gouvernement. Bizarre qu'ils tiennent ces propos, car je pensais qu'il s'agissait de consultations permettant de faire valoir les propositions de M. Morgan et de faire entendre nos voix à nous tous auprès du CEPMB pour qu'on puisse élaborer les meilleures lignes directrices possibles. Je suis peut-être un peu naïve à ce sujet, et je n'essaie pas de jouer cette carte maintenant, mais si c'est ce que vous vouliez, si vous ne faisiez que recueillir de l'information auprès de nous tous sans qu'il s'agisse de consultations, autant le dire. Mais non. Considérez les principes qui devaient inspirer les consultations. Il devait y avoir des discussions, un débat sérieux. Ce n'est pas ce qui s'est passé.
Honnêtement, je ne m'attends pas à ce qu'on nous présente des excuses. Je ne vais pas perdre mon temps là-dessus. Nous avons été invités ici. Nous avons écrit notre lettre. Point final.
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D'accord. Merci, madame Grover.
L'autre aspect de la question... D'un côté, nous avons les patients. Dans l'optique du système de santé, les patients sont la préoccupation première. Pendant la période que j'ai passée à m'occuper de ce secteur, il était question de service aux patients et de la recherche de meilleurs moyens de faire en sorte qu'ils reçoivent de notre système leurs traitements, leurs médicaments et tout ce dont ils pouvaient avoir besoin.
Il y a aussi l'autre aspect. Je constate que le ministre Champagne essaie actuellement de colmater quelques brèches. À cause de l'attitude du CEPMB, il tend la main aux entreprises de recherche et développement et aux pharmaceutiques.
[Français]
J'aimerais poser une question à Mme Perrault.
Madame Perrault, d'où proviennent les investissements pour la recherche qui est faite dans le domaine pharmaceutique?
:
Je vous remercie de la question, monsieur d'Entremont.
Les investissements proviennent de plusieurs secteurs. Chez BIOQuébec, les compagnies membres ne sont pas de grandes entreprises pharmaceutiques. Ce sont des entreprises de biotechnologies qui font des études cliniques et précliniques. Elles font partie de l'écosystème.
Or, ce dernier est très différent de ce qu'il était il y a 10 ans, 15 ans ou 20 ans. Il a passablement changé et est maintenant beaucoup plus horizontal. Les grandes entreprises pharmaceutiques s'impliquent maintenant dans la recherche universitaire, la biotechnologie et les essais cliniques. Les capitaux de risque proviennent de plusieurs pays. Ils sont internationaux. Il est faux de dire que nous travaillons en vase clos. Nous travaillons d'une façon beaucoup plus horizontale. La recherche est effectivement financée par les deniers publics. Les gouvernements sont encore très impliqués dans la recherche fondamentale, mais il y a aussi tout un écosystème qui entoure cela.
J'ajouterais même que si les deniers publics permettent de faire de la recherche — et celle que nous faisons au Canada est de grande qualité —, j'aimerais que les Canadiens puissent en bénéficier. Au bout du compte, le médicament va probablement avoir été développé à partir de plusieurs endroits dans le monde. De la recherche aura été faite un peu partout, mais il est certain que les Canadiens y auront contribué. Dans le contexte de l'actuelle pandémie, les Canadiens ont grandement contribué aux essais précliniques sur les vaccins à ARN, qui, soit dit en passant, se sont faits en grande partie dans la région de Montréal.
Il serait regrettable que les Canadiens ne puissent pas en bénéficier. Cela aura peut-être lieu plus tard. Certains pays reçoivent les médicaments très rapidement. Les autres pays, dont le Canada, vont aussi les recevoir, mais quand les recevront-ils? Au deuxième tiers de l'échéancier, au troisième tiers? J'aimerais que les Canadiens et les Québécois puissent en bénéficier aussi rapidement que possible.
Cette réforme, qui ne concerne que le prix des médicaments, devrait concerner tout l'écosystème et la façon dont celui-ci peut profiter aux Canadiens. Les patients devraient pouvoir bénéficier de la recherche, des innovations, des recherches cliniques et des médicaments. Il faut donc voir cela de façon globale.
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Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins de s'être joints à nous.
Nous pouvons tous convenir qu'il s'agit d'une discussion très importante. Je vous remercie tous d'avoir pris le temps de vous joindre à nous.
Mes questions s'adressent à M. Morgan.
Les Canadiens ont accès à certains des meilleurs médecins, infirmières, hôpitaux et traitements au monde, tout cela grâce à nos systèmes de soins de santé financés par l'État. Cela comprend l'incroyable équipe du Centre régional de santé de Southlake, où j'ai eu le plaisir de faire du bénévolat comme membre du conseil d'administration pendant de nombreuses années et d'acquérir une certaine connaissance du secteur des soins de santé.
Nous avons appris que certains Canadiens, surtout ceux qui souffrent de maladies rares, ont du mal à payer les médicaments dont ils ont besoin. Dans le budget de 2021, le gouvernement a réaffirmé qu'il donnera suite à son plan de financement permanent de 550 millions de dollars pour le programme des médicaments coûteux pour les maladies rares. Selon vous, comment cet investissement aidera-t-il, maintenant et à l'avenir, les Canadiens qui souffrent de maladies rares?
Excellent enchaînement pour en arriver à ma prochaine question, que j'adresse à Mme Perrault ou à M. Levesque, de BIOQuébec.
Le soutien de l'industrie canadienne de la biotechnologie et des sciences de la vie est une priorité du gouvernement qui va au-delà de la réaction à la COVID-19. Le budget de 2021 propose d'investir 2,2 milliards de dollars dans la croissance et le renforcement de notre secteur national des sciences de la vie, dont 92 millions de dollars pour Admare BioInnovations, dont le siège social se trouve à Montréal, afin d'appuyer la création d'entreprises, leur expansion et les activités de formation dans le secteur des sciences de la vie.
Selon vous, quel sera l'impact de ces investissements sur les industries des sciences de la vie et de la biotechnologie au Canada et au Québec?
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Le secteur des sciences de la vie est important. Si la pandémie ne nous l'a pas appris, j'ignore quel enseignement important nous pouvons en tirer.
Je ne représente pas une multinationale. Mon entreprise est une société pharmaceutique locale. Nous n'en avons pas beaucoup. Comme Mme Grover vient de le dire, le Royaume-Uni reçoit certains avantages de l'industrie, même si les prix y sont bas. Ce pays a une entreprise locale. AstraZeneca est de là-bas. Il s'agit d'une multinationale qui est née au Royaume-Uni. Quel est l'équivalent au Canada? Il n'y en a pas. C'est là où je veux en venir: nous sommes une des entreprises nées chez nous.
M. Van Bynen a donné un excellent exemple il y a un instant lorsqu'il a dit, dans sa question, que nous donnons beaucoup d'argent à ce secteur. C'est vrai. On nous aide au moyen de crédits d'impôt et sur toutes sortes de plans, mais nous ne pouvons pas vendre nos produits. Nous avons du mal à nous faire rembourser par le gouvernement. C'est comme si on soutenait un fabricant de bois d'œuvre tout en refusant que ses produits se vendent sur le territoire. C'est ainsi que je me sens en tant que société pharmaceutique locale du Québec.
Oui, il faut continuer d'accompagner les entreprises et d'investir là où cela peut avoir un impact, mais franchement, je n'ai pas besoin de tellement d'argent. Je voudrais avoir accès au marché canadien, tout comme j'ai accès à ceux des États-Unis et de l'Union européenne. Ce que je vous dis, c'est que je suis très fier d'être ici. Dans le modèle que nous avons à Québec, une grande partie de la recherche vient de l'université locale. Nous avons conclu des ententes avec elle. En un sens, nous sommes un catalyseur pour...
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Personne ne nous a répondu.
En réfléchissant et en écoutant tout le monde, il me vient une idée que je tiens à exprimer. En tant qu'organisation de patients, nous avons été accusés de faire de la désinformation et d'être une force d'opposition, alors que nous sommes d'accord sur certaines des modifications proposées par le CEPMB. Je trouve donc cela très curieux et je tenais à le dire clairement.
On nous a également demandé de participer à des consultations, et nous avons pris notre temps pour le faire. Nous sommes très occupés. Nous essayons de faire financer un médicament au Canada, ce qui n'est pas une mince affaire, pour une maladie rare. C'est une autre précision que je tenais à apporter.
Pour ce qui est de l'enquête, elle est décrite dans la lettre de la société de traitement de la fibrose kystique. Nous voudrions que les lignes directrices restent en l'état pendant que nous examinons la conduite du CEPMB, la façon dont il consulte les groupes de patients, puis la façon dont il nous a calomniés ou a voulu le faire. Il nous a calomniés dans le document. Je ne saurais dire si on a donné suite à ce document.
Comme je l'ai dit plus tôt, le président du conseil en a rajouté, tout comme M. Clark, qui a été interrogé à ce sujet dans un reportage. Il n'y a rien de mal à combattre... ou à appliquer un plan de communication. Traiter les gens de menteurs et les accuser de faire de la désinformation alors qu'ils essaient de faire de leur mieux dans un organisme de bienfaisance et de servir la collectivité, voilà qui me préoccupe vraiment. Vous devriez vous inquiéter. Le premier ministre et la ministre de la Santé devraient s'inquiéter aussi.
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Je vais répondre à la dernière question et revenir en arrière ensuite.
Nous ne faisons pas confiance au CEPMB pour la mise en application. Il mène actuellement des consultations sur l'évaluation. Aucun d'entre nous n'était au courant, parce qu'elles ont été annoncées sur Twitter, et nous ne sommes pas sur Twitter tout le temps. Il y a là un léger problème.
Qu'allons-nous faire? Honnêtement, nous n'avons pas beaucoup de temps ni d'énergie, pas plus que n'en ont ceux que nous représentons. Nous devons apporter le Trikafta aux malades. Ce n'est pas le CEPMB qui va nous aider. Autant accorder notre attention à nos partenaires provinciaux et espérer que ce médicament sera financé. Nous sommes préoccupés par l'avenir des médicaments contre la fibrose kystique, mais, comme je l'ai dit, nous allons surveiller la situation de près.
M. Morgan a aussi parlé du cadre relatif aux maladies rares. Évidemment, cela nous intéresse aussi.
Il y a des limites au temps et à l'énergie que nous avons. La priorité est d'obtenir ce médicament chez nous dès maintenant.
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Je voudrais maintenant adresser mes questions à M. Morgan. S'il reste du temps, je vais aussi donner l'occasion à Mme Grover de répondre.
Monsieur Morgan, à votre avis, les pharmaceutiques font-elles appel à des groupes de défense des droits des patients essentiellement pour faire du lobbying en leur nom afin de promouvoir leurs propres intérêts commerciaux? En refusant de présenter une demande à Santé Canada pour le Trikafta, ne prennent-elles pas en otages les Canadiens atteints de fibrose kystique?
De quoi les pharmaceutiques ont-elles vraiment peur? C'est peut-être que ces modifications... J'ai entendu dire qu'elles craignent en fait que ces modifications ne permettent à d'autres administrations de connaître le prix réel que notre pays paie pour les médicaments et de savoir ce que les acheteurs paient dans notre pays.
C'est un secret jalousement gardé. Comme vous l'avez déjà dit, elles ne veulent pas que les divers pays sachent combien les autres pays, les autres administrations, les autres acheteurs paient leurs médicaments. Grâce à ces modifications des lignes directrices du CEPMB, les services d'ETS et de pharmacoéconomie du CEPMB seraient en mesure d établir un prix maximal en fonction de l'ETS et d'un AVAQ maximal.
Si le CEPMB examinait le prix réel à autoriser pour un médicament, d'autres pays pourraient savoir combien paient le Canada et les acheteurs canadiens.
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Vous avez regroupé là quelques questions. Je vous remercie, car je devrai littéralement me précipiter pour arriver à répondre.
Les restrictions relatives au prix net escompté dans les analyses économiques ne permettraient pas nécessairement de connaître les prix finaux au Canada, car le CEPMB fixe un prix maximal que le fabricant pourrait demander aux acheteurs canadiens. Les acheteurs pourraient fort bien négocier des prix encore plus bas. Ces médicaments sont très chers, mais le fait qu'ils soient couverts dans d'autres pays montre certainement que ces pays obtiennent des rabais.
D'après mes propres recherches, ces rabais dépassent souvent les 50 %. Pour les médicaments très coûteux, ils peuvent être de l'ordre de 80 à 90 % inférieurs au prix courant. À l'échelle internationale, tout le monde sait ce qui se passe, mais nous ne connaissons pas les chiffres exacts. Le règlement n'entraînera pas la divulgation de secrets d'entreprise à l'échelle mondiale.
Quant aux investissements dans les organisations de patients, Ted Marmor, un célèbre politologue qui a étudié la politique de la santé aux États-Unis, disait que rien de ce qui est régulier n'est stupide. Les fabricants investissent dans ces organisations pour des aspects particuliers de leur stratégie globale de relations publiques. Il y a là un élément de cordialité, mais aussi un appui à des intervenants capables de les aider à monter leur dossier. Si ces intervenants s'élevaient contre le fabricant et étaient aussi critiques à son égard qu'à l'égard des régimes d'assurance-médicaments qui ne veulent peut-être pas payer le prix demandé, les ressources et le financement des organismes de bienfaisance se tariraient.
Mes excuses au Comité et à vous, monsieur le président, mais je dois partir.
Merci, et bonne chance pour le reste de la séance.
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Monsieur le président, en réponse à sa question, j'invite M. Van Bynen à lire la page 3 du mémoire de Recherche Canada sur les questions de l'investissement du gouvernement. On y lit ce qui suit:
Nous sommes d'avis que si nous ne faisons pas les choses comme il faut, nous risquons de compromettre l'investissement historique du gouvernement dans la recherche et l'innovation, de nuire à un écosystème de la recherche et de l'innovation de plus en plus dynamique dans le domaine de la santé et à un marché d'emploi de haute qualité, et, en fin de compte, de restreindre l'accès des patients à des traitements susceptibles de changer leur vie.
Ce n'est pas l'industrie qui le dit, mais des gens qui font de la recherche fondamentale. Il faut trouver un compromis d'une façon ou d'une autre. Pour faire les choses comme il faut, ces chercheurs recommandent premièrement de reporter la mise en œuvre du 1er juillet. Ensuite, il faudrait établir une table de discussion réunissant les partenaires afin de trouver des points de convergence pour le reste du processus d'implantation.
Par exemple, on pourrait décider de reporter la mise en œuvre et d'appliquer les recommandations des mémoires qui font consensus actuellement. Celles-ci consistent à revoir le panier de référence des pays et à s'asseoir ensuite avec tous les intervenants, que ce soit les représentants d'associations de patients, du monde de la recherche, des sciences de la vie, de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux ou de l'INESSS, qui font un travail important, tout comme les employés de l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé, ou ACMTS, de l'APP et du CEPMB, évidemment, qui veulent discuter et vraiment tenir des consultations cette fois‑ci. Nous retrouverions aussi des représentants des industries pharmaceutique et biologique à cette table.
Qui serait contre une telle façon de faire? Ne serait-ce pas la solution, actuellement, devant ce désordre et cette distorsion des points de vue, devant ces rapports et ces procès d'intention des uns et des autres? Croyez‑vous vraiment que l'on va arriver à un résultat si l'on ne procède pas comme je viens de le présenter, une façon de faire qui rejoint celle de Recherche Canada?
Monsieur Lévesque, seriez‑vous prêt à vous asseoir à une table comme celle‑là? Est-ce une solution, selon vous?
Avec votre permission, je voudrais aussi vous faire part d'une brève réflexion, car elle me semble importante.
On dit de plus en plus que les soins de santé sont de compétence provinciale. En fait, ce n'est pas exact. Dans la Constitution du Canada, le paragraphe 92(7) confie aux provinces « L’établissement, l’entretien et l’administration des hôpitaux, asiles » etc. En fait, sur le plan constitutionnel, les soins de santé sont une responsabilité partagée, selon la Cour suprême du Canada. Il importe donc de se rappeler que c'est là un rôle très important du gouvernement fédéral et des provinces, et non pas exclusivement des provinces.
Merci, monsieur le président.
:
Nous allons reprendre la séance.
Bienvenue à la 41e séance du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. Le Comité se réunit aujourd'hui pour étudier les lignes directrices du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés.
Je vais maintenant présenter les témoins. De Médicaments novateurs Canada, nous accueillons Pamela Fralick, présidente, et Declan Hamill, vice-président, Affaires juridiques, réglementaires et conformité. De l'Institute of Health Economics, nous recevons Christopher McCabe, chef de la direction et directeur exécutif. Enfin, Erin Little, présidente, et J. Scott Weese, professeur, représentent la Liv-A-Little Foundation.
J'invite les témoins à présenter leurs déclarations.
Une précision d'ordre pratique: lorsque vous approcherez de la fin de votre temps de parole, je montrerai un carton jaune et, lorsqu'il sera terminé, ce sera un carton rouge. Lorsque vous verrez le carton rouge, vous n'avez pas à vous arrêter immédiatement, mais essayez de conclure.
Merci beaucoup.
Nous allons passer à Médicaments novateurs Canada. Six minutes.
Madame Fralick, je suppose? À vous.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner. Comme vous venez de l'entendre, je suis accompagnée de Declan Hamill, vice-président, Politiques, réglementation et affaires juridiques.
Nous témoignons au nom de Médicaments novateurs Canada, qui représente 47 entreprises des secteurs des médicaments novateurs et des sciences de la vie. La pandémie continue de faire ressortir l'importance des médicaments novateurs pour la santé des Canadiens. Plus important encore, elle montre pourquoi il est si important d'avoir accès dans les meilleurs délais à des traitements et à des vaccins novateurs.
C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles nous demandons au gouvernement de suspendre, tant que durera la pandémie, l'application des modifications réglementaires du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, qui doivent entrer en vigueur le 1er juillet.
Le gouvernement a déjà invoqué la COVID-19 comme principale raison pour retarder l'application de ces modifications réglementaires. Nous pouvons tous convenir sans doute que le même raisonnement s'applique toujours. Plus important encore, en retardant l'application des modifications, nous nous assurerons tous d'avoir le temps nécessaire pour réévaluer les résultats stratégiques souhaités, l'efficacité du processus de consultation et la prémisse qui a présidé à l'élaboration du nouveau règlement du CEPMB.
Depuis que les modifications ont été proposées, au départ, un solide consensus a émergé parmi les représentants de l'industrie et de nombreux intervenants pour dire que les consultations ne visaient pas à éclairer la prise de décisions. Depuis les premières étapes, notamment les travaux d'un comité directeur et d'un groupe de travail en 2018-2019, jusqu'aux étapes ultérieures, de nombreuses préoccupations ont été soulevées sans qu'il en soit tenu compte.
Devant l'impossibilité d'une vraie participation, l'industrie a pris des mesures sérieuses, notamment deux poursuites devant la Cour fédérale et une contestation fondée sur la Constitution au Québec. Plus récemment, le procureur général du Québec a soutenu à la Cour d'appel du Québec que les modifications proposées par le CEPMB empiétaient sur les compétences provinciales et que, par conséquent, toutes les modifications réglementaires devraient être désavouées.
Si nous laissons le temps voulu et suivons une démarche acceptable pour étudier toute modification de la réglementation du CEPMB, nous ferons également en sorte que les décisions soient fondées sur une compréhension exacte de la situaion du Canada, concernant le prix des médicaments, comparée à celle d'autres pays clés. Contrairement à ce qu'affirme le CEPMB, les prix des médicaments pratiqués au Canada se situent au milieu de la gamme actuelle des prix observés dans des pays comparables, et non au sommet.
Dans l'ensemble, les prix internationaux médians étaient de 16 % supérieurs aux prix canadiens. Les augmentations annuelles du prix, au Canada, des médicaments brevetés ont été en moyenne inférieures au taux d'inflation mesuré par l'indice des prix à la consommation.
Un examen plus approfondi montrera également que le prix des médicaments novateurs n'est pas le principal facteur qui fait augmenter les coûts pour les régimes publics et privés d'assurance-médicaments au Canada, contrairement à ce que prétend le CEPMB. Les principaux facteurs sont l'augmentation de la consommation de médicaments par la population vieillissante du Canada et la multiplication des cas de maladie chronique, et non le prix des médicaments. Bien que la nécessité pour les Canadiens d'avoir accès aux médicaments et aux vaccins les plus novateurs soit évidente, les changements réglementaires du CEPMB auront une incidence sur les incitatifs du marché qui favorisent une disponibilité rapide au Canada.
Selon les renseignements obtenus au moyen d'une demande d'accès à l'information, l'analyse du CEPMB conclut que les prix de certains médicaments diminueront de 90 à 99 %. Vient un moment où les réductions de prix font en sorte qu'il n'est pas commercialement raisonnable pour les entreprises de proposer des médicaments pour approbation au Canada ou que ces médicaments seront lancés beaucoup plus tard. C'est déjà un problème au Canada.
Des sources de données indépendantes montrent que les Canadiens n'ont accès qu'à 48 % de tous les nouveaux médicaments lancés dans le monde, ce qui signifie que nous sommes en retard sur des pays comme le Royaume-Uni, l'Allemagne, le Japon et la France. Cette lacune en matière d'accès s'aggravera si les modifications proposées par le CEPMB sont adoptées.
Si nous prenons plus de temps pour étudier les modifications réglementaires du CEPMB, nous pourrons aussi réfléchir à l'ampleur réelle de la contribution économique du secteur biopharmaceutique canadien. Selon un récent rapport de Statistique Canada, le secteur produit une activité économique de près de 15 milliards de dollars et consacre 2 milliards de dollars par année à la R-D. Selon les calculs fondés sur ces données, le ratio de R-D par rapport aux ventes de l'industrie est de 8,8 %, soit plus du double de ce que prétend le CEPMB, qui utilise la définition de recherche-développement de 1987.
Soyons clairs: notre industrie ne s'oppose pas à la modernisation du CEPMB, mais nous croyons qu'elle peut se faire de manière à maintenir pour les patients l'accès à de nouveaux traitements et médicaments, à tirer parti du talent et de l'expertise du Canada et à attirer des investissements de l'étranger.
Un secteur des sciences de la vie dynamique au Canada commence par des objectifs stratégiques clairs et équilibrés. Nous croyons qu'une approche pangouvernementale réunissant Santé Canada, Innovation, Sciences et Développement économique, Finances et Commerce international est essentielle. Il faut aussi un compte rendu juste et exact des prix des médicaments brevetés, une bonne compréhension des facteurs de coût réels pour le système et la reconnaissance du fait que la priorité, c'est la valeur des vies sauvées.
MNC et les entités étrangères analogues demeurent déterminés à travailler avec le gouvernement fédéral et tous les intervenants. Nos PDG du monde entier ont communiqué avec le premier ministre à plusieurs reprises au cours des trois dernières années dans l'espoir de participer à un dialogue placé sous le signe de la collégialité et de la collaboration, et ils sont toujours prêts à établir des relations de travail fructueuses.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous. Je demande respectueusement au Comité de recommander au gouvernement de retarder la mise en application des modifications réglementaires du CEPMB.
Nous serons heureux de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité. C'est un honneur de pouvoir m'adresser à vous.
Le Canada dépense chaque année plus de 15 milliards de dollars en produits pharmaceutiques. Par conséquent, la façon dont nous décidons des prix est une question fondamentale en politique d'intérêt public. Il ne me semble pas inutile de définir les principes qui devraient guider la politique d'intérêt public à cet égard.
Le premier principe que je proposerais, c'est que les gouvernements ont la responsabilité d'optimiser les ressources lorsqu'ils dépensent l'argent des contribuables. Deuxièmement, tous les Canadiens sont égaux devant la loi. Troisièmement, nous, au Canada, nous avons de la sollicitude pour autrui.
Le nouveau règlement du CEPMB comporte deux volets, soit la révision de la liste des pays dont les prix servent de point de référence et l'adoption d'une forme d'établissement des prix en fonction de la valeur pour certains médicaments.
À mes yeux, le premier changement ne prête guère à controverse. Il fait en sorte que les prix canadiens demeurent comparables à ceux d'économies semblables à la nôtre et dont la plupart reçoivent de l'industrie des investissements plus importants que les nôtres. Le retrait des États-Unis de la liste de pays est raisonnable, étant donné que leur situation est reconnue comme une anomalie dans le monde, pour ce qui est des prix des produits pharmaceutiques, et que ces prix entraînent d'importants problèmes d'accès chez eux. Étant donné que les autres pays ont un très bon accès aux produits pharmaceutiques, tout changement dans l'offre de médicaments au Canada après la mise en application du nouveau règlement ne peut, à mon avis, être attribué de façon crédible à une réduction de nos prix.
L'adoption d'une tarification modifiée fondée sur la valeur pour les produits pharmaceutiques de catégorie I est plus discutable. Les groupes de patients craignent, à juste titre, que des médicaments novateurs ne soient pas importés au Canada, et l'industrie pharmaceutique a soulevé des questions tout aussi légitimes au sujet de l'incidence sur l'investissement dans le développement de futures thérapies novatrices.
Dans sa forme pure, la tarification fondée sur la valeur est un moyen d'opérationnaliser le principe d'égalité. Elle établit le prix d'un produit de façon à garantir que le surcroît de santé acquis grâce à son achat est au moins égal à la perte subie par d'autres Canadiens parce que des fonds affectés aux soins de santé sont détournés d'autres utilisations pour payer ce produit.
L'importance du souci d'autrui nous éloigne de cette forme pure. La version de la tarification fondée sur la valeur préconisée par le CEPMB sacrifiera l'égalité pour garantir que les patients dans le besoin aient accès à des traitements novateurs très efficaces. En ce qui concerne les traitements révolutionnaires, le règlement du CEPMB établira des prix qui sacrifient au moins six années de bonne santé pour d'autres Canadiens pour chaque année de bonne santé attribuable à l'innovation.
Il est légitime de se demander si ce ratio de 6:1 est suffisant pour attirer des investissements dans le développement d'innovations futures. En établissant un prix fondé sur la valeur, le CEPMB — essentiellement au nom du Canada — indique aux futurs investisseurs que nous sommes disposés à payer pour de futurs produits, et qu'il en sera tenu compte. Le prix fondé sur la valeur proposé est-il suffisant pour encourager l'investissement afin de répondre aux besoins non satisfaits?
M. Aidan Hollis, de l'Université de Calgary, a évalué les récentes thérapies novatrices très efficaces contre la fibrose kystique afin de voir si les prix que les fabricants réclament sont nécessaires pour obtenir un rendement acceptable de l'investissement. Son évaluation détaillée a permis d'établir que les rendements cibles habituels de l'industrie pharmaceutique pourraient être atteints avec des prix équivalant à environ un dixième de ceux que les fabricants demandent. Les données probantes ne justifient pas la crainte que le nouveau règlement du CEPMB n'ait une incidence sur l'investissement dans la mise au point de nouveaux produits pharmaceutiques.
Le CEPMB tient à protéger les Canadiens contre les prix excessifs, par opposition aux prix abusifs. La tarification fondée sur la valeur est une solide opérationnalisation de la notion d'excès. Lorsque l'on consacre plus de 200 milliards de dollars par année aux soins de santé, l'idée que le prix de quelque technologie soit trop élevé n'est pas crédible.
Le qualificatif « excessif » peut être opérationnalisé: ce qu'il faut sacrifier pour payer un nouveau médicament est-il justifié par un gain? Disons pour commencer qu'un sacrifice supérieur au gain est excessif, sauf circonstances atténuantes. D'où la notion de tarification fondée sur la valeur. Le fait d'avoir une définition opérationnelle conceptuellement solide du terme « excessif » renforce les processus du CEPMB et offre une plus grande certitude aux fabricants et aux investisseurs.
Le règlement révisé est conforme à des valeurs canadiennes importantes...
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Le règlement révisé est conforme aux valeurs canadiennes importantes que sont l'optimisation des ressources, l'égalité et le souci de nos voisins. Les preuves disponibles, bien que limitées, n'appuient pas les préoccupations selon lesquelles un changement au niveau du rendement du capital investi nuira à l'investissement dans les innovations futures. L'expérience des pays de comparaison, en ce qui concerne l'accès aux produits pharmaceutiques novateurs, ne porte pas à croire que les réductions de prix limiteraient l'accès des patients canadiens à ces produits.
Cela pourrait également présenter des avantages pour l'industrie et les patients. L'harmonisation de la réglementation du CEPMB avec les méthodes utilisées par les payeurs pour évaluer les médicaments, devrait accélérer le processus de négociation des prix, qui est actuellement long, ce qui donnerait aux produits des sociétés pharmaceutiques plus de temps sur le marché, avec remboursement.
De plus, la pression en aval sur les prix incitera davantage les fabricants à être plus efficaces dans le développement, la fabrication et la commercialisation de leurs produits. Les entreprises qui peuvent toujours répercuter les coûts sur le prix à la consommation ne sont probablement pas aussi efficaces que celles qui ne le peuvent pas.
De plus, la pression à la baisse sur les prix moyens permettra aux payeurs d'assurer un plus grand nombre de médicaments pour un plus grand nombre de Canadiens à partir des mêmes ressources limitées et devrait, à long terme, réduire le coût des ordonnances pour les Canadiens.
Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous pour vous faire part de mon point de vue personnel au sujet du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés et de mon expérience personnelle en tant que défenseure de la cause des maladies rares.
Je m'appelle Erin Little. Je suis présidente et cofondatrice de la Liv-A-Little Foundation.
La fondation Liv-A-Little a été fondée en 2013, deux ans après que notre fille, Olivia, a reçu un diagnostic de cystinose, une maladie rare. Nous sommes un organisme dirigé par des bénévoles qui s'engagent à appuyer l'avancement des traitements et, en fin de compte, un remède contre la cystinose.
Le Procysbi est un médicament à prix excessif qui a été signalé par le CEPMB en 2017. C'est un exemple parfait de la façon dont le CEPMB a protégé les patients. Je vous ai fourni l'énoncé des allégations du CEPMB concernant le Procysbi.
La Cystinosis Research Foundation a financé toutes les études en laboratoire et les premiers essais cliniques à l'UCSD, ce qui a mené à la mise au point d'une forme de cystéamine à libération lente. En 2016, Raptor Pharmaceutical a été acheté par Horizon pour 800 millions de dollars. Procysbi est le résultat d'une transaction commerciale, pas de la R-D. Combien d'autres entreprises utilisent ce même modèle d'affaires pour constituer leur portefeuille?
Alors que les députés discutent des 56 000 $ que le CEPMB a dépensés pour se doter d'un plan de communication efficace, je leur recommande de s'inquiéter davantage du fait qu'en 2020, le PDG d'Horizon a récolté 21,63 millions de dollars US, ce qui est plus que le budget annuel du CEPMB. Soyons honnêtes, le CEPMB a besoin de toute l'aide qu'il peut obtenir pour éduquer les patients et les Canadiens sur ce qu'il fait et pourquoi il le fait.
En 2019, Recordati a lancé sur le marché canadien le nouveau médicament non breveté Cystadrops au prix de 120 000 $ par année. L'absence de brevet signifiait l'absence de protection de la part du Conseil d'examen du CEPMB. Cystadrops est un autre exemple de vieux médicament dont le mode d'administration est modifié et le prix augmenté de 4 000 %.
J'ai discuté du prix avec le DG de Recordati. Il a admis que ces gouttes seraient coûteuses, puis il a ajouté que tout ce que sa société demandait, c'était un petit effort supplémentaire de la part de chaque contribuable pour couvrir les coûts d'une petite population de patients. Cela m'a consternée, pour deux raisons. Tout d'abord, j'ai été stupéfaite de constater que les prix des médicaments sont fondés sur ce que le marché peut supporter et non sur ce qu'il en coûte pour les fabriquer. Deuxièmement, je suis l'une de ces contribuables.
Qu'allons-nous faire à ce sujet? Allons-nous imprimer de l'argent pour payer continuellement des médicaments coûteux? Si c'est le cas, imprimons-en aussi pour l'eau potable, pour les 215 corps que nous venons de trouver, pour les sans-abri, pour les enfants qui vont à l'école le ventre vide, pour les services de santé mentale et pour les foyers de SLD. Lorsque nous payons des médicaments à prix excessif, l'argent doit venir de quelque part, ce qui veut dire que quelqu'un d'autre doit s'en passer. Si nous obligeons les grandes sociétés pharmaceutiques à facturer ce que vaut le médicament au lieu de ce que le marché peut supporter, nous y gagnons tous.
Nous connaissons tous le terme « manipulation » lorsqu'il fait référence à des enfants victimes de la traite des personnes à des fins sexuelles, mais personne ne parle encore de la façon dont l'industrie pharmaceutique manipule ses défenseurs. La manipulation, c'est lorsque quelqu'un établit une relation de confiance et un lien affectif avec une personne afin de pouvoir la manipuler, l'exploiter et l'abuser.
En novembre 2017, Horizon Pharma nous a invités, ainsi qu'une poignée de Canadiens, à une table ronde. La réunion ne portait pas sur nos préoccupations, mais sur la création d'une voix commune de défense des intérêts façonnée par Horizon. Je vous ai remis l'ordre du jour de cette réunion ainsi qu'une lettre d'intention. Cette réunion est un exemple de manipulation des patients.
Horizon a également créé la plateforme RAREis sur Instagram. RAREis offre aux patients, aux défenseurs et aux familles un endroit où partager leurs histoires et se faire entendre. C'est un exemple parfait de l'établissement d'un lien affectif et de confiance avec les défenseurs vulnérables, ce qui mène à la manipulation et aux abus. Les répercussions de ces relations font en sorte que les défenseurs se tournent contre notre gouvernement.
En octobre 2018, je me suis assise à cette table et j'ai entendu ce qu'il en coûterait pour garder Olivia en vie en fonction de l'espérance de vie moyenne à ce moment-là. C'était difficile à entendre pour une mère qui n'a d'autre souhait que la survie de son enfant. Cela explique aussi pourquoi elle devait porter ce coût à l'attention du Comité, à savoir que les médicaments coûteux ne sont pas viables dans notre système de santé.
Je veux vous faire part du coût actuel auquel font face deux familles différentes qui vivent avec la cystinose. La famille A a un coût de 56 000 $ par année pour le Procysbi, et de 120 000 $ pour le Cystadrops. Dans le cas de la famille B, le Cystagon lui coûte environ 18 000 $ par année et les gouttes combinées, un peu moins de 3 000 $. Ces quatre médicaments sont à base de cystéamine.
La première preuve concernant l'effet thérapeutique de la cystéamine sur la cystinose remonte aux années 1950. Le mode d'administration a changé, mais pas les ingrédients. Est-ce que le changement du mode d'administration vaut une augmentation de 4 000 %?
En conclusion, j'appuie la mise en oeuvre des nouvelles lignes directrices et je recommande fortement que nous examinions de près les groupes de défense qui sont financés par l'industrie et que nous nous demandions s'ils ne sont pas manipulés par l'industrie. Je crois fermement que chaque patient mérite d'avoir accès à des médicaments sûrs, efficaces et abordables.
Santé Canada doit mieux écouter les patients, les soignants et les organismes qui ne sont pas financés par les sociétés pharmaceutiques. Nous avons déjà mis la vie de notre enfant entre les mains d'un organisme canadien, mais nous avons été trahis, car son objectif était de soutenir l'industrie. Il se trouve que cet organisme reçoit du financement des deux sociétés pharmaceutiques qui traitent des patients atteints de cystinose au Canada.
Je terminerai là-dessus. Je ne suis pas contre les entreprises à but lucratif, mais je suis contre la cupidité, la manipulation et le contrôle qu'elles exercent sur la vie de tous les Canadiens. Notre enfant, comme beaucoup d'autres, mourrait sans ces médicaments. Je me souviens de l'époque où je craignais qu'Olivia ne survive pas. Ma crainte est maintenant qu'elle n'ait pas les moyens de rester en vie.
Merci. Je suis prête à répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Que faire maintenant? Le CEPMB existe depuis un certain temps. Nous en avons parlé lors de notre première réunion sur le sujet. Nous avons entendu aujourd'hui de très bons témoignages, très bouleversants.
Madame Little, je vous remercie également de votre exposé à ce sujet.
Il est difficile de savoir par où commencer. J'aurais peut-être une brève question sur le fait qu'un grand nombre de sujets ont été abordés au cours de notre discussion. On a parlé de médicaments coûteux, de maladies rares et d'une stratégie relative aux maladies rares que nous devrions examiner. Je ne sais pas si ces sujets sont pertinents en l'occurrence. Ils le sont, ou non. Il y a la question des prix, qui est pertinente, ou non. Il y a la question de l'assurance-médicaments qui a été promise aux Canadiens à plusieurs reprises. Le sujet a été abordé dans la discussion. Il est difficile de s'y retrouver.
Je vais peut-être m'adresser à MNC pendant quelques minutes.
À votre avis, que devrait-on faire à partir de maintenant? Si le gouvernement s'est déjà abstenu, à deux reprises, d'élargir la réglementation... Je dois trouver le moyen de poser cette question correctement. Devons-nous retarder la mise en oeuvre encore une fois? Je pose la question parce que je suis certain que le fait de la retarder deux fois a créé encore plus de difficultés dans le système, parce que le système est probablement très préoccupé par la façon dont les prix vont être établis, la façon dont les examens vont se faire, la façon dont le CEPMB va fonctionner. Est-ce qu'un nouveau report de six mois faciliterait les choses pour les entreprises? C'est peut-être la première question que je poserai à Mme Fralick.
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Mes questions s'adressent à M. McCabe.
Dans le groupe de témoins précédent, nous avons entendu le témoignage de Fibrose kystique Canada, un groupe qui a fortement recommandé que nous laissions tomber les changements proposés au CEPMB. Permettez-moi de vous poser la question que j'ai déjà posée à quelqu'un du groupe précédent. À votre avis, certaines sociétés pharmaceutiques font-elles appel à des groupes de défense des intérêts des patients pour promouvoir leurs propres intérêts financiers? Est-ce qu'au moins certaines sociétés pharmaceutiques, en refusant de demander l'approbation de Santé Canada — comme Vertex l'a fait pendant un certain temps —, ne prennent pas les Canadiens malades en otage? Chose certaine, une partie de leurs revendications est qu'elles n'aiment pas les changements proposés au CEPMB. C'est ma première question.
J'aimerais maintenant poser ma deuxième question au cas où votre réponse à la première serait trop longue. Que pouvons-nous faire lorsque des entreprises refusent de demander à Santé Canada d'autoriser des médicaments qui sauvent des vies? Que pouvons-nous faire dans l'exemple que Mme Little a donné? Un médicament n'est plus breveté, mais la société pharmaceutique demande des prix vraiment excessifs.
Je dirais que l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, l'ADPIC, tient compte du fait que les droits de propriété intellectuelle ne devraient pas l'emporter sur toutes les autres valeurs humaines. Par conséquent, l'ADPIC de l'OMC prévoit certains assouplissements. L'un d'eux est la licence obligatoire, qui permet au gouvernement d'accorder une licence à une entreprise qui ne détient pas de brevet. Cette entreprise doit indemniser le titulaire du brevet. À votre avis, lorsqu'il y a un comportement prédateur de la part de certaines sociétés pharmaceutiques qui semblent tenir les Canadiens en otage, ne devrions-nous pas envisager de rétablir une loi qui nous permettrait d'imposer des licences obligatoires?
Merci.
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Je vais essayer d'être bref.
Pour répondre à votre première question, les sociétés pharmaceutiques font exactement ce que nous leur avons demandé de faire. Nous avons créé des sociétés et nous leur avons demandé de maximiser leurs profits. Cela a beaucoup de bons côtés. Elles font ce que nous leur avons demandé de faire en tant que sociétés. Si nous voulons qu'elles fassent des choses différentes, nous devrions modifier la loi.
Leurs intérêts coïncident avec ceux des groupes de patients, du moins sous certaines formes. Certains groupes de patients choisissent de travailler avec elles et d'autres non. C'est leur droit — leur droit à la liberté d'expression. Je ne vais pas les juger. Je pense que nous avons probablement tous, dans notre famille, des gens que nous avons perdus trop tôt ou dans des circonstances horribles. Je ne vais pas juger de ces choses. Je pense que les gens exercent leur droit à la liberté d'expression et font ce que nous leur avons demandé de faire pour maximiser leurs profits. Nous devons simplement reconnaître que c'est de cela qu'il s'agit.
La deuxième question portait sur le rôle des licences obligatoires. Je pense que les licences obligatoires sont là pour protéger les gens lorsque le système échoue. Parfois le système échoue et parfois les gouvernements doivent être prêts à se servir de ce moyen pour inciter les gens et les intervenants à participer efficacement à ce genre de processus et à trouver des solutions.
Je crois que si le système fait l'objet d'abus et que le titulaire du brevet n'a aucun désir de cesser ces abus, le gouvernement a le droit de recourir à la licence obligatoire. Cependant, chaque fois que cela se produit, c'est la preuve que le système a échoué et nous devrions chercher à savoir pourquoi.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Nous sommes devant une situation où des gens prétendent qu'il faut appliquer la réforme telle quelle et qu'il y a effectivement un bluff de la part des compagnies pharmaceutiques. Ils croient que celles-ci ne vont pas s'en aller, que les essais cliniques vont se perpétuer et qu'il n'y aura pas de répercussions sur les patients, même si l'on n'a pas de stratégie en matière d'innovation, même si l'on sépare la santé, l'innovation et la recherche‑développement, et même si l'on n'a pas encore établi de façon tout à fait actuelle une stratégie vraiment efficace en matière de maladies rares. Certains pensent qu'il n'y aura aucune incidence. Des gens pensent qu'il y a des risques.
Madame Fralick, j'aimerais savoir ce que représente le Canada dans le marché mondial. On peut toujours cibler la compagnie Vertex, mais elle n'a tout simplement qu'à ne pas lancer d'essais cliniques ici, et l'on aura accès à ces médicaments-là six à huit ans plus tard, n'est-ce pas?
Personne ne va pouvoir nommer quiconque, puisque c'est un libre marché à l'échelle mondiale. Est-ce que je me trompe?
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Votre question comporte de nombreux éléments. Nous accusons déjà un retard par rapport à nos homologues internationaux pour ce qui est du nombre de nouveaux produits lancés. Ce serait mon premier point. Il est essentiel que le CEPMB ne nuise pas davantage au statut du Canada sur le marché mondial.
À l'heure actuelle, les Canadiens n'ont accès qu'à 48 % de tous les nouveaux médicaments lancés dans le monde. Cela se compare à 64 % en Allemagne et à 60 % au Royaume-Uni. Nous en avons déjà parlé et, bien sûr, le pourcentage est plus élevé aux États-Unis. Seulement 25 % de tous les médicaments sont disponibles au Canada au cours de la première année de leur lancement international, comparativement à un pourcentage plus élevé en Allemagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis.
Il y a aussi le délai dont on a parlé. Je vais en faire mention parce que vous me posez une question sur le statut international du Canada. Les Canadiens attendent en moyenne 17 mois après le premier lancement international, alors que les médicaments sont disponibles beaucoup plus tôt dans d'autres pays — par exemple, au bout de 11 mois en Allemagne, 12 mois au Royaume-Uni et quatre mois aux États-Unis. Nous sommes donc déjà désavantagés.
Votre question portait précisément sur les essais cliniques, mais s'il reste du temps, j'en dirai un peu plus. Tout d'abord, cette industrie est extrêmement importante pour le Canada dans son soutien aux essais cliniques. Entre 65 % et 75 % des essais cliniques entrepris au Canada chaque trimestre, depuis 2015, ont été parrainés par l'industrie.
Selon les données que nous avons recueillies, il y a eu une diminution d'environ 20 %, comparativement aux trois années précédentes, du nombre d'essais cliniques en cours au Canada. C'est peut-être en partie à cause de la COVID. Je sais que quelqu'un a soulevé ce point, mais nous examinons les données sur une longue période.
J'ai d'autres données sur les répercussions, mais je vais m'arrêter là pour m'en tenir à votre question.
L'ingrédient actif, la cystéamine, se trouve dans les quatre produits dont j'ai parlé précédemment. Dans le cas de la cystéamine, l'aspect le plus difficile de presque tous les traitements, si vous posez la question à n'importe quel patient, ce sont les effets secondaires. Les effets secondaires de la cystéamine sont provoqués par tous ces médicaments. Lorsque le fabricant a pris le Cystagon et l'a transformé en Procysbi... Le Cystagon doit être administré toutes les quatre heures, et le Procysbi toutes les deux heures.
Je suis tout à fait d'accord pour que ce médicament soit disponible ici, au Canada, et que les Canadiens y aient accès. Si Olivia était une femme de 26 ans ayant une relation et une carrière à gérer, je voudrais bien sûr qu'elle ait un médicament qui soit plus facile à prendre. Le problème, c'est que tous les effets secondaires restent les mêmes, c'est-à-dire les troubles gastro-intestinaux, la perte d'odorat ou le manque d'appétit, les gaz, les ballonnements, des choses extrêmement désagréables que personne ne veut avoir à subir.
La différence entre le Cystagon et le Procysbi, c'est que le Procysbi a un enrobage entérique et qu'il est donc absorbé différemment. Est-ce que cela en vaut la peine? Ce n'est pas à moi de décider, mais un médicament — un ingrédient actif — qui existe depuis des décennies et qui a été introduit pour la première fois comme traitement en 1994 pour les patients... Je trouve cela injustifiable et avec le...
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Oui, et je vais seulement parler de notre maladie rare parce que c'est la seule maladie que je représente.
Nous sommes très chanceux qu'un remède contre la cystinose soit à l'horizon. Un essai clinique a été lancé en 2019. Il utilise les gènes et la thérapie aux cellules souches, ce qui, encore une fois, permettra, espérons-le, de trouver un remède. Cet essai clinique a lieu aux États-Unis. À l'heure actuelle, la société pharmaceutique AvroBio prend le temps de faire des essais cliniques à l'échelle mondiale. Je sais qu'elle est en Europe et qu'elle s'installe à d'autres endroits aux États-Unis. Elle ne vient pas au Canada.
Je dirai toutefois que le premier patient à avoir participé à l'essai clinique, à l'automne 2019, était un Canadien. On nous offre encore des essais cliniques. C'est à ce propos, je pense, que nous devons écouter davantage ce que les patients ont à dire. Nous devons entendre les histoires qui se cachent derrière les mots et les chiffres.
Je vais consacrer un peu de temps à la dernière question, parce que je pense que le Trikafta est un exemple très intéressant. Je pense que tous les parlementaires veulent que tous les Canadiens qui ont besoin du Trikafta y aient accès, mais ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Voici un bref historique. Nous savons que c'est une équipe de recherche du Hospital for Sick Children, de l'Université de Toronto, qui a découvert un gène de la fibrose kystique dans les années 1980. C'est la Fondation canadienne de la fibrose kystique et les cliniques qui ont recruté presque tous les participants à la recherche dans les familles du Canada. Les sujets ont donné des échantillons de sang. La Fondation canadienne de la fibrose kystique et les Instituts de recherche en santé du Canada ont appuyé la recherche. La FCF a donné 150 millions de dollars à Vertex, en 2000, pour faire la recherche.
Lorsque l'entreprise a finalement lancé le précurseur de ce médicament, le Kalydeco, son prix était de 294 000 $ par année pour deux comprimés par jour. Vingt-neuf chercheurs ont communiqué avec Vertex; ils ont écrit à son PDG pour exprimer leur consternation et leur déception de voir cette réussite ternie par ce « prix inadmissible », selon eux.
Aidan Hollis, dont vous avez parlé, a étudié les prix de Vertex pour le Kalydeco et l'Orkami — un précurseur du Trikafta — et estime que les profits de l'entreprise seront de 21,1 milliards de dollars. Il a conclu que les prix élevés ne sont pas justifiés par les coûts ou la nécessité de soutenir l'innovation. Le prix semble davantage conçu pour récompenser les actionnaires.
Ma question est la suivante: que pouvons-nous faire pour que le Trikafta se retrouve entre les mains des Canadiens? Est-il temps que le gouvernement canadien utilise la licence obligatoire? Si cette compagnie ne présente pas de demande à Santé Canada pour rendre ce médicament disponible, devrions-nous exercer notre droit d'accorder une licence obligatoire pour ce médicament? Enfin, combien de fois le gouvernement canadien a-t-il eu recours aux licences obligatoires?
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L'ensemble du gouvernement doit être présent. J'en ai parlé dans ma déclaration préliminaire.
À l'heure actuelle, le CEPMB relève du ministère de la Santé, et tout ce que nous faisons a été confié à ce ministère. Chaque fois que nous écrivons à un autre ministère, c'est retransmis au ministère de la Santé. Nous sommes donc coincés entre Santé Canada, sur la question de la limitation des coûts, et ISDE — Innovation, Sciences et Développement économique Canada. Nous avons un merveilleux rapport qui a été rédigé, en 2018, par la Table de stratégies économiques pour le secteur des sciences biologiques et de la santé. Il y a quelques mois, le Conseil sur la stratégie industrielle a fait une étude plus récente. Tous ces rapports font la promotion des sciences de la vie comme moteur économique de la santé et du bien-être des Canadiens.
L'industrie éprouve des difficultés. Nous travaillons de façon très positive avec le ministre Champagne et nous avons travaillé, au fil des ans, avec d'autres ministres, comme le ministreBains, pour essayer d'encourager l'investissement au Canada, mais les politiques de limitation des coûts font en sorte qu'il est vraiment difficile pour nos PDG d'être concurrentiels à l'échelle mondiale.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leur comparution.
Madame Little, je vous remercie de votre témoignage et de nous avoir raconté l'histoire de votre fille. Vers la fin de votre déclaration préliminaire, vous avez dit — pardonnez-moi de paraphraser, mais cela m'a frappé — que vous aviez d'abord pensé à votre fille qui aurait accès à ces médicaments lui permettant de vivre, puis, à mesure qu'elle prenait de l'âge, que vous vous demandiez si elle aurait les moyens de se les payer plus tard. C'est un point qui me préoccupe plus que d'autres dans cette discussion.
Il s'agit de savoir si les médicaments seront offerts ici, mais je me demande souvent, lorsqu'ils le sont mais à des prix exorbitants, en quoi cela les rend plus accessibles aux Canadiens moyens, c'est-à-dire à ceux qui ne sont pas indépendants de fortune? Je vois tellement de pages GoFundMe de personnes sollicitant des dons pour pouvoir se payer certains de ces médicaments. Pourriez-vous nous parler un peu plus de cette expérience et de l'accessibilité de ces médicaments, pour peu qu'ils soient disponibles ici?
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Dans notre famille, c'est un sujet constant de préoccupation. Au départ, nous étions très chanceux de pouvoir bénéficier de l'excellent régime d'avantages sociaux de mon mari. Lorsque Cystadrops est arrivé sur le marché, la compagnie d'assurance est restée coite, attendant de voir si le gouvernement allait le rembourser avant de prendre sa décision. Heureusement, nous n'avons pas été privés du médicament durant cette période.
En Ontario, bien que chaque province soit différente, comme nous le savons... D'après ce que je sais, toutes les familles au Canada sont couvertes pour la cystinose. Nous avons beaucoup de chance. Nous constituons un groupe idéal, puisque nous ne sommes qu'une centaine, non pas 5 000. Ce serait une autre histoire, et le combat à livrer aurait été différent si...
La famille dont j'ai parlé dans mon témoignage se fait rembourser le Procysbi et les gouttes ophtalmiques. Elle est assurée. Son assurance n'est pas aussi avantageuse que celle de notre famille. Certains des médicaments de nos enfants ne sont pas remboursés, puisqu'il s'agit de suppléments qui, tout suppléments qu'ils soient, empêchent néanmoins l'insuffisance rénale. Il y a une famille qui paie toujours 230 $ par mois pour ces suppléments.
Le prix excessif des médicaments est un problème. L'autre problème, c'est comment élever mon enfant. Est-ce que je devrais l'élever en lui inculquant l'idée qu'elle devra un jour trouver un emploi offrant un solide régime d'avantages sociaux, plutôt que choisir le métier qui l'intéresse vraiment? Je ne pense pas que les familles, au Canada, devraient avoir ce souci. Ma fille devrait bénéficier des mêmes chances et des mêmes traitements que les autres. Sa maladie est congénitale; elle ne résulte pas d'un choix de mode de vie ou d'un accident. C'est ainsi qu'elle est née.
C'est pourquoi nous devons nous préoccuper. Ce n'est pas parce que le Canada rembourse ces médicaments aujourd'hui qu'ils seront disponibles dans 20, 30 ou 40 ans.
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En effet, nous ne sommes pas un marché insignifiant, surtout pas lorsque nous travaillons de concert à l'échelle pancanadienne.
Sans vouloir déprécier l'Île-du-Prince-Édouard, sa faible population en amène certains à qualifier cette province d'insignifiante. Or, au Canada, nous sommes des dizaines de millions de personnes et, lorsque nous travaillons ensemble, nous constituons un marché important qui représente beaucoup de revenus et de bénéfices pour les entreprises. Étant donné qu'elles cherchent à maximiser leurs bénéfices, je ne m'attends pas à ce qu'elles partent.
Il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire, et que nous devrions envisager de faire, comme mettre en place des politiques complémentaires pour mieux attirer les entreprises qui sont effectivement intéressées à s'installer ici, et cela concerne l'infrastructure de recherche qui nous fait actuellement défaut.
La raison pour laquelle le Royaume-Uni s'en tire si bien, et peut s'en tirer, avec ses médicaments à bas prix, ce n'est pas seulement en raison de ses entreprises nationales ayant des activités à l'échelle mondiale, mais aussi parce qu'il a une infrastructure exceptionnelle de recherche. Comme il l'a montré pendant la pandémie de la COVID, le Royaume-Uni est capable d'effectuer, au pied levé, des essais cliniques de grande qualité sur 30 000 ou 40 000 patients. Nous ne pourrions en faire autant ici.
Pour ce qui est de retenir les entreprises, je ne crois pas que cela dépende des prix pratiqués ici, et la documentation le confirme. Ce sont d'autres facteurs qui décident du lieu d'implantation des entreprises.
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Je préfère ne pas utiliser le mot « menace », parce qu'aucune entreprise, aucun de nos membres, n'a jamais considéré cela comme une menace. C'est plutôt un reflet de la situation réelle.
Je peux quantifier cette affirmation. J'ai un avantage que vous n'avez pas, que personne au Comité n'a. Vous examinez des indicateurs tardifs dans des rapports contenant des données vieilles de quelques années. De mon côté, je suis en contact quotidien avec ces entreprises. Bien que je ne puisse pas les nommer — je peux en nommer une, mais ce sera pour ma troisième observation —, je peux vous dire qu'au moins six lancements de médicaments prévus par nos sociétés membres ont été retardés, y compris des médicaments pour les maladies rares, en raison de l'incertitude entourant le CEPMB. Nous savons que seulement 15 des 54 médicaments approuvés par la FDA aux États-Unis ont été soumis à l'approbation de Santé Canada. J'ai une liste de 39 médicaments, et pas seulement pour des maladies rares — dont le cancer, la maladie de Parkinson et le VIH — qui n'ont pas été soumis à l'approbation de Santé Canada précisément en raison de l'incertitude entourant le CEPMB. Ce n'est pas pour d'autres raisons.
C'est quantitatif; je vous ai donné quelques chiffres.
Sur le plan qualitatif, Life Sciences Ontario a mené un sondage auprès d'entreprises et de leurs dirigeants il y a quelques mois à peine, qui nous apprend que 35 % disent avoir déjà retardé l'introduction de nouveaux traitements au Canada, que 96 % s'attendent à ce que les nouvelles règles mènent à la décision de retarder ou de ne pas introduire de nouveaux traitements au Canada et que 90 % disent que la réforme réduira les activités de recherche, les essais cliniques et l'innovation.
Mon dernier point, si vous voulez un exemple précis, est la lettre adressée au Comité par une entreprise membre, Medicago. Elle y dit très clairement que, bien qu'entreprise canadienne — nous avons tous entendu parler de Medicago et nous sommes très fiers de cette entreprise de chez nous —, quand viendra le temps de lancer son médicament, ce n'est peut-être pas ici au Canada que le lancement se fera. C'est à cause du CEPMB.
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Merci, monsieur le président.
Plus tôt au cours de la réunion, dans le premier groupe de témoins, nous avons entendu des témoignages faisant valoir la nécessité d'une comparution du CEPMB.
Je veux simplement rectifier les faits pendant que j'en ai l'occasion. Le CEPMB n'a été invité qu'hier. Je crois comprendre qu'il accepte volontiers de comparaître. Je pense qu'il est important, vu le témoignage entendu aujourd'hui dans le premier groupe, d'inviter le CEPMB.
Cela étant dit, je propose que le Comité permanent de la santé tienne une réunion supplémentaire sur les lignes directrices du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés — comme il était prévu de le faire au départ — à la place de l'une des réunions à prévoir dans les plages horaires régulières avant la fin de la journée du 21 juin 2021; que le greffier invite le CEPMB à comparaître comme témoin; que la réunion dure deux heures; que, en plus du témoin du CEPMB, chaque parti soit autorisé à inviter un témoin à cette réunion.
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Merci, monsieur le président.
Je signale que les libéraux ont gaspillé deux réunions pour tenter de bloquer notre motion sur le programme plus tôt cette semaine. Ils ont aussi gaspillé des réunions en septembre pour faire de l'obstruction. Nous souhaitions davantage de réunions sur le CEPMB. Je pense que c'est une chose que les libéraux proposent du fait de ces réunions perdues.
Je le dis pour les témoins qui sont ici aujourd'hui. C'est ainsi que les choses se sont passées.
Je ferai remarquer que les réunions que cette motion vise à remplacer donneraient à chacun des partis politiques la possibilité de proposer n'importe quel témoin qu'il voudrait. Ainsi, s'il y avait des témoins supplémentaires à entendre sur un sujet particulier, les partis politiques pourraient les inviter.
Un autre point que je tiens à souligner, c'est que j'ai tenté de faire comparaître l'organisme de réglementation devant le Comité aujourd'hui. Nous avons demandé à un représentant de l'organisme de réglementation de se présenter, invitation qui a été déclinée.
Je pense que nous assistons à un jeu théâtral. Nous avons une motion proposée...
Je suis très reconnaissante aux témoins pour leur témoignage, en particulier à Mme Little. J'ai trouvé son témoignage très convaincant.
En même temps, je signale que ce sont les membres du Parti libéral qui ont gaspillé deux réunions pour bloquer une motion sur notre programme, à laquelle ils n'ont apporté aucun amendement d'importance. Les membres des partis de l'opposition ont fait beaucoup de travail dans les coulisses. Nous aurions pu avoir un autre tour de questions aujourd'hui.
Je vais voter contre cette motion parce que nous avons littéralement passé trois réunions à débattre une motion sur notre programme qui aurait pu prendre cinq minutes. Je voterai donc non.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je suis assez étonné de la proposition de ma collègue, d'autant plus que je me souviens d'une rencontre lors de laquelle elle trouvait mal venu d'interrompre une séance avec des témoins. J'utilise un terme neutre, ce qu'elle ne fait pas souvent. Elle sait à quel point cette question me tient à cœur, et elle sait aussi que, selon les règles, j'ai très peu de temps pour poser des questions. Or je ne pense pas qu'elle m'ait cédé une partie de son temps de parole. J'ai huit minutes et demie de temps de parole, alors que son parti jouit de plusieurs minutes.
Elle vient de m'empêcher de me servir de ces deux minutes et demie, alors que nous nous étions entendus sur une façon de fonctionner au cours de cette saga au sujet de l'organisation de nos travaux à venir. Nous avions trouvé un compromis, soit de tenir une séance de trois heures pour pouvoir donner des directives aux analystes et formuler un minimum de recommandations avant l'entrée en vigueur de la réforme le 1er juillet. À moins que ma collègue me dise aujourd'hui que le gouvernement reporte la réforme, sa manœuvre fait que nous risquons de ne pas y arriver, alors que j'ai déjà fait ce compromis. C'est moi qui ai proposé cette étude et je ne comprends pas pourquoi elle fait cela.
Dès le départ, nous avons entendu les témoignages de représentants du CEPMB au sujet de la réforme, ce qui a pris du temps lors des séances. J'arrive à peine à faire ressortir l'exactitude, l'imprécision ou les précisions des différents témoignages.
Je suis très surpris de la manœuvre de mes collègues libéraux, que j'interprète comme un manque de respect à mon endroit et à l'endroit des témoins qui sont présents aujourd'hui. Je trouve cela très dommage, parce que je n'ai jamais manqué de respect envers qui que ce soit autour de la table. Je suis très déçu, et je vais m'en souvenir.
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J'aimerais beaucoup joindre ma voix à celle de mon collègue M. Thériault.
La semaine dernière, les libéraux s'étaient vivement opposés à une motion qui était présentée alors que nous avions encore des témoins ici et ils se sont permis de faire la leçon aux membres de l'opposition à ce sujet. C'est exactement ce qu'ils font en ce moment. Je ne vois pas pourquoi cette motion n'aurait pas pu être déposée avant l'audition des témoins. Il aurait été facile de le faire.
Deuxièmement, lundi de cette semaine, notre sous-comité du programme et de la procédure s'est réuni pour établir l'ordre du jour. Mercredi, nous avons tenu une réunion en vertu de l'article 106 du Règlement pour le confirmer. Nous avons eu deux réunions complètes cette semaine qui ont duré des heures, et les libéraux n'ont jamais laissé entendre qu'ils voulaient tenir une autre réunion. Ils ont eu amplement l'occasion de convoquer le CEPMB à la présente réunion s'ils le souhaitaient. Nous avons entendu huit témoins. Chaque parti avait le droit de convoquer les deux témoins qu'il voulait aujourd'hui, mais les libéraux ne l'ont pas fait.
Soit dit en passant, comme l'a dit ma collègue, Mme Rempel Garner, quatre autres réunions sont prévues, qui offrent chacune à chaque parti a la possibilité de convoquer tout témoin qu'il veut. À l'une de ces réunions, ils peuvent en convoquer deux. Les libéraux pourraient donc aisément faire comparaitre le CEPMB à l'une de ces réunions s'ils le voulaient.
Cette motion est non seulement insultante pour les témoins, elle ne nous a pas seulement enlevé, à M. Thériault et à moi-même, la possibilité de poser notre dernière... Il ne me reste que deux minutes et demie, avec M. Thériault. Les libéraux nous dénient notre droit de poser des questions après avoir épuisé leur temps de parole.
Tout cela pour quoi? Simplement pour convoquer un témoin qu'ils auraient pu entendre aujourd'hui et qu'ils pourront convoquer au cours des trois prochaines semaines. C'est une conduite inacceptable. C'est un manque de respect envers les témoins et envers les membres du Comité.
Je ne suis pas certain... que ce soit recevable. Je n'ai reçu aucun avis de convocation. Nous n'en sommes pas à préparer les travaux du Comité. Il serait bon que les membres du Comité donnent avis de leurs intentions comme les autres l'ont fait.
Je me souviens que la semaine dernière, lorsque les conservateurs ont présenté une motion le mercredi pour le vendredi, les membres libéraux du Comité ont jugé cela inacceptable. Eh bien, je viens d'être avisé il y a cinq minutes, encore que verbalement. Je ne pense pas que ce soit une conduite appropriée.
Encore une fois, je demande à mon honorable collègue de retirer sa motion. Si elle croit que le CEPMB est un témoin important, qu'elle le convoque à l'une des réunions où, au cours des trois prochaines semaines, il est prévu d'entendre des témoins.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Madame Fralick, si j'ai bien compris, vous souhaitez reporter la mise en œuvre de la réforme, qui est prévue pour le 1er juillet. Vous souhaitez que ce ne soit pas simplement un report. Vous souhaitez aussi qu'une table de discussions réunisse les différents partenaires, que j'ai nommés en partie un peu plus tôt. En réponse à M. d'Entremont, vous en avez aussi un peu fait le tour.
Vous avez également soulevé le manque de cohérence du gouvernement entre les recommandations formulées dans le rapport de 2018 du ministère de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, faisant état de toute cette volonté de stimuler le secteur de l'innovation biotechnologique, et une réforme qui se trouve strictement entre les mains de Santé Canada. Comme le disait plus tôt Mme Perrault, le ministère n'a qu'une vision en vase clos, alors qu'il faudrait avoir une compréhension globale des sciences de la vie et intervenir sur tous les plans.
Ce que l'on souhaite — c'est ce que vous souhaitez aussi, j'imagine —, c'est l'établissement d'une table de concertation. Cependant, consentiriez-vous à un compromis, soit une implantation progressive? Cela signifierait que l'on va de l'avant avec la liste de référence des pays, qui semble être une concession selon ce que j'ai pu constater dans plusieurs mémoires, on établit la table de concertation et on s'assoie ensuite pour discuter du reste des points en litige.
Seriez-vous d'accord sur cette proposition, madame Fralick?
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Oui, je crois que nous devons aller de l'avant. Ce n'est peut-être pas parfait, mais c'est un progrès et c'est nécessaire.
Monsieur Davies, je veux, bien sûr, répondre à votre question, mais j'aimerais ajouter un mot.
Madame Rempel Garner, je vous remercie d'avoir qualifié mon témoignage de « convaincant ». Étant une patiente, je ne suis pas ici pour vous convaincre. Moi aussi, je dirige une organisation et j'ai parfois l'impression d'être déconsidérée parce que je raconte une histoire, mais l'histoire que je raconte, c'est que nous sommes tous ici pour servir. Nous sommes les clients de ce produit.
Quelqu'un m'a dit un jour que notre histoire ressemble un peu à celle de naufragés dans un canot de sauvetage à la dérive sur une mer démontée, entourés de navires non identifiés dont on ne peut savoir s'ils sont pilotés par le cartel mexicain de la drogue ou par la Garde côtière. C'est parfois ainsi que nous nous sentons, avec le gouvernement d'un côté et les sociétés pharmaceutiques de l'autre. Même dans l'action militante de la défense des droits, nous devons sentir que nous sommes soutenus et que nos enfants et nos patients sont protégés.
Pour cette raison, j'estime que nous devons aller de l'avant.
Merci de votre attention.