Honorables membres du Comité, je suis très heureux de pouvoir prendre la parole devant vous aujourd'hui. Ma dernière comparution remonte à environ un an, et ce fut une année vraiment pas comme les autres. Les surprises n'ont pas manqué, mais la chose la plus étonnante est peut-être la mesure dans laquelle le déroulement de la pandémie depuis ses origines va dans le sens de ce que nous avions prévu au départ.
Comme prévu, une pandémie virulente a éclaté à l'interface entre humains et animaux lorsqu'un virus animal a franchi la barrière des espèces. Nous avons surtout à craindre d'un pathogène qui combine virulence et transmissibilité, ce qui est tout à fait le cas du SARS-CoV-2. On a en outre constaté cette année des caractéristiques semblables à celles de la pandémie d'influenza de 1918-1919, aussi bien pour ce qui est de la séquence des événements qu'en matière de perturbations sociétales, comme l'obligation de porter un masque et les fermetures d'entreprises et d'écoles.
Je suis persuadé que vous êtes nombreux à déplorer comme moi que nous ne soyons pas plus avancés dans la campagne de vaccination visant à immuniser tous les Canadiens contre ce virus. Pour ce qui est du contrôle de la pandémie à proprement parler, le Canada n'est ni en tête de course ni en queue de peloton. Nous nous approchons du but. La vaccination est presque terminée dans les établissements de soins de longue durée partout au pays, ce qui a permis de réduire considérablement le nombre quotidien de décès. Cependant, comme un ami me le faisait remarquer récemment, le Canada n'a pas adopté pour les Olympiques un programme dont l'objectif serait de terminer en milieu de peloton. Notre programme s'intitule plutôt À nous le podium. Nous disposons de toutes les compétences et ressources nécessaires pour être de véritables chefs de file.
Pour mieux se tirer d'affaire dans une crise comme celle-ci, il faut pouvoir compter sur des systèmes solides, lesquels ne peuvent malheureusement pas être mis en place du jour au lendemain. Comme on dit, il n'est pas facile de construire un aéronef en même temps qu'on essaie de le faire atterrir. Les régimes de santé publique au Canada ont été victimes de leur propre succès. Lorsque ces régimes fonctionnent bien, ils finissent par passer inaperçus. Il n'en demeure pas moins qu'ils permettent aux autres secteurs de l'économie de prospérer.
Malheureusement, les facteurs à l'origine de la pandémie actuelle ne vont pas disparaître lorsque celle-ci prendra fin. Nous devrons sans doute encore composer avec la détérioration de l'environnement, les changements climatiques, le commerce illégal des espèces sauvages et le travail dangereux en laboratoire, ce qui accroîtra d'autant les risques qu'un événement comme celui-ci se reproduise. En conséquence, je voudrais me tourner vers l'avenir, plutôt que vers le passé, pour parler des leçons que nous pourrions tirer de cette expérience afin de mieux protéger les Canadiens dans l'éventualité d'une nouvelle pandémie grave, et ce, en mettant l'accent sur la vaccination.
Les vaccins représentent la solution qui nous permettra de sortir de cette crise du simple fait qu'une pandémie n'est pas causée par le virus lui-même, mais plutôt par la vulnérabilité généralisée à un nouveau virus. Les vaccins suppriment cette vulnérabilité. Les frustrations découlant de la COVID-19 mettent en lumière deux faiblesses importantes de notre système. Ces faiblesses ne sont pas apparues du jour au lendemain et ne pourront pas non plus être corrigées en un tournemain.
Premièrement, les systèmes de données sur la vaccination sont déficients ou carrément inexistants dans les différentes régions du pays. Deuxièmement, malgré notre passé riche en innovations vaccinales, la transition de l'innovation à la mise en marché semble demeurer difficile, sans compter que notre capacité de fabrication de vaccins au Canada est limitée.
Il est ressorti des discussions avec mes collègues que, malgré des dépenses annuelles d'un demi-milliard de dollars pour la vaccination, nous ne pouvons pas compter sur un système national ou même des systèmes provinciaux efficaces pour la prise de rendez-vous, les registres de vaccination et la surveillance des effets indésirables. Il faudrait de plus que les différentes provinces utilisent la même terminologie pour permettre la création de systèmes semblables. Dans l'état actuel des choses, on met sur pied de tels systèmes lorsqu'une crise nationale nous oblige à le faire. Il faudrait que ces systèmes soient consolidés, mieux intégrés et maintenus en place une fois la pandémie terminée, parce qu'ils permettent une immunisation plus efficace et efficiente en dehors des situations de crise, mais aussi parce qu'ils représentent un atout stratégique important advenant une nouvelle pandémie.
Par ailleurs, les retards dans l'approvisionnement en vaccins montrent à quel point il est important pour le Canada de se doter d'une bonne capacité de fabrication. L'époque où les entreprises produisant des vaccins étaient des entités appartenant aux universités ou des sociétés d'État comme Connaught est depuis longtemps révolue, mais le Canada n'en demeure pas moins à la fine pointe de l'innovation pour ce qui est des vaccins.
Le vaccin à ARN de Pfizer-BioNTech représente peut-être un nouveau paradigme pour les partenariats entre les petites entreprises et les multinationales produisant des vaccins, et pourrait également paver la voie aux innovateurs canadiens. Je me réjouis en outre de constater que nous fabriquerons bientôt le vaccin de Novavax pour la COVID-19 ici même au Canada.
Compte tenu de la nature planétaire des maladies transmissibles, il est particulièrement avantageux de travailler en partenariat avec des multinationales. Il est par exemple important qu'une entreprise puisse mettre à l'essai un vaccin dans d'autres pays où de nouveaux variants du SARS-CoV-2 font leur apparition.
En conclusion, il ressort clairement de la pandémie que l'efficacité des régimes de santé publique et des vaccins est un atout stratégique que l'on doit s'employer à conserver pour assurer la protection des Canadiens, tout comme on le fait en assurant le maintien d'une force militaire compétente et solide. Comme c'est le cas du point de vue militaire, nous ne voulons pas nous donner cette force dans le but de pouvoir engager des combats, mais plutôt afin de nous protéger de menaces comme le SARS-CoV-2 qui vont sans doute se manifester à nouveau au cours des années à venir.
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Honorables députés, je vous remercie de m'avoir invité. Je suis vraiment ravi de me retrouver devant vous aujourd'hui.
Je n'ai pas de mémoire écrit à vous soumettre ce matin, mais j'ai transmis quelques diapositives à votre greffier. Il devrait donc pouvoir vous distribuer ma présentation dans laquelle vous trouverez certaines données appuyant mes propos.
Je prends la parole après mon collègue, le Dr David Fisman, que je connais très bien. Je suis tout à fait d'accord avec lui à bien des égards et je veux seulement souligner quelques points importants.
Je dirais en gros que les Canadiens se sont très bien comportés depuis le début de cette crise. Je pense que nous pouvons être très fiers de nous-mêmes, car nos taux d'infection et de mortalité se comparent avantageusement à ceux des autres pays du G7, exception faite du Japon qui est un cas très particulier. Si l'on se compare au Royaume-Uni, à la France, à l'Italie, à l'Allemagne et aux États-Unis, on peut affirmer que le Canada se tire très bien d'affaire. D'une manière générale, les Canadiens ont fait montre d'une grande discipline tout au long de la crise actuelle.
Notre pays n'a toutefois pas fait aussi bien dans ses interventions à l'échelle mondiale. C'est dans cette perspective que de nombreux défis vont continuer de se poser à nous au cours des années à venir. Nous vivons dans un monde où les nouvelles maladies infectieuses resteront à l'ordre du jour au cours du prochain siècle. Nous voyageons davantage et nous sommes confrontés à de nombreux problèmes écologiques notamment liés à la déforestation, un élément clé dans l'émergence des maladies infectieuses. Ainsi, des virus auparavant coincés au milieu de la jungle amazonienne commencent à faire leur apparition.
Il nous est possible de voyager partout dans le monde comme jamais auparavant. L'un des atouts de notre pays réside dans sa population qui vient des quatre coins de la planète. C'est pour cette même raison que des Canadiens se retrouvent à voyager partout dans le monde. C'est un défi qui nous attend pour l'avenir, car il nous faudra mettre en place des mécanismes permettant d'atténuer les impacts de ce nouvel état des choses.
Il y a plusieurs éléments à considérer.
La force de notre régime repose sur la cohabitation d'instances fédérales et provinciales. C'est aussi l'une de ses faiblesses en raison des querelles incessantes entre les provinces et le gouvernement fédéral quant à savoir qui est responsable de quoi.
Je crois personnellement, non pas en ma qualité de médecin, mais à titre de Canadien, que le gouvernement fédéral devrait dorénavant intervenir très rapidement en utilisant tous ses pouvoirs pour essayer d'endiguer une pandémie comme celle-ci. À titre d'exemple, nous disposons d'excellentes forces militaires qui n'ont été déployées que dans une certaine mesure. Nos forces armées sont intervenues au Québec, mais il serait formidable que nous puissions compter sur le soutien logistique de nos soldats toutes les fois que la situation s'y prête. Je pourrais vous citer différents pays du monde où l'armée a largement contribué sur le plan logistique aux efforts d'immunisation.
La fermeture des frontières a aussi été une mesure importante. Je suis pleinement conscient que c'est loin d'être chose facile du point de vue politique. C'est sans doute le plus grand défi auquel notre nation a été confrontée depuis la dernière guerre mondiale. Pour tous ceux d'entre nous qui sont nés après 1945, et même pour ceux qui n'étaient que des enfants pendant la Seconde Guerre mondiale, la crise que nous vivons actuellement est d'une ampleur sans précédent. Il est extrêmement difficile de passer très rapidement d'une vie ordinaire à une vie hors de l'ordinaire.
Dans ce contexte, il sera primordial de mettre en place tous les mécanismes nécessaires pour permettre une fermeture rapide des frontières et l'application immédiate de règles touchant notamment l'isolement et la quarantaine.
L'enjeu principal sera notre capacité à réindustrialiser l'économie canadienne, surtout aux fins de la fabrication d'équipements médicaux. C'est la seule façon dont nous pouvons nous en sortir. Nous avons eu toutes les difficultés du monde à nous approvisionner en masques, en ventilateurs et en tests, des produits qui n'ont rien de compliqué. Au Canada, nous effectuons quotidiennement des centaines de milliers de tests, mais il faut savoir à quel point les équipements nécessaires à ces tests peuvent être difficiles à trouver. La plupart de ces produits nous viennent de l'étranger. Nous avons eu besoin à un certain moment de pipettes en plastique, un produit qui n'est pas disponible au Canada, et nous avons dû entrer en concurrence avec le reste de la planète pour nous en procurer.
Je pense qu'il serait stratégiquement avantageux pour un pays comme le nôtre de se donner pour l'avenir les capacités nécessaires à cette fin en s'assurant de ne pas se faire prendre une seconde fois sans pouvoir compter sur la base industrielle requise en pareilles circonstances.
La deuxième chose qui est vraiment importante, et je crois que je vais...
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Formidable. Merci beaucoup. Bonne Journée internationale des femmes.
Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner au nom de la People's Vaccine Alliance. Comme vous le savez peut-être, Oxfam est l'un des membres fondateurs de ce mouvement en pleine croissance composé d'organisations vouées à l'aide humanitaire et à la santé, de dirigeants du monde, anciens et actuels, d'experts en santé et d'économistes. Nous demandons qu'un vaccin contre la COVID-19 soit mis à la disposition de tous, dans tous les pays, gratuitement.
Nous savons que la COVID-19 ne connaît pas de frontières et qu'elle a eu des répercussions sur la vie de tout le monde. D'un océan à l'autre, les Canadiens souffrent, mais nous savons aussi que la pandémie a frappé certains groupes plus fort que d'autres. Ici, au Canada, les femmes noires, autochtones et racialisées, les femmes handicapées et les immigrantes ont été les plus durement touchées par le virus. Dans de nombreuses villes, elles présentent les taux d'infection les plus élevés. Cela s'explique par le fait qu'un grand nombre de ces femmes sont des travailleuses de la santé de première ligne ou occupent des emplois que nous reconnaissons aujourd'hui comme essentiels. C'est pourquoi Oxfam a baptisé le coronavirus « virus des inégalités », afin de souligner à quel point la COVID-19 creuse et aggrave les inégalités qui existaient déjà.
La pandémie a exigé des interventions d'une ampleur et d'une portée jamais vues depuis des décennies. Le Canada a investi des ressources sans précédent pour fournir un filet de sécurité aux gens ici, au Canada, mais il a également offert un soutien important pour aider les pays en développement à traverser la tempête. Cela comprend près de 940 millions de dollars pour favoriser l'accès équitable aux tests de dépistage, aux traitements et aux vaccins contre la COVID-19 par le dispositif pour accélérer l'accès aux outils de lutte contre la COVID-19 de l'OMS. Ce financement comprend également 325 millions de dollars pour le mécanisme de garantie de marché COVAX, qui vise à aider à vacciner 20 % de la population dans 92 pays à revenu faible ou intermédiaire, en particulier les groupes les plus à risque.
Malheureusement, si la tendance actuelle se maintient, dans les pays à faible revenu, 9 personnes sur 10 ne recevront pas de vaccin contre la COVID-19 cette année. Selon les estimations, les pays les plus pauvres n'auront pas de programmes de vaccination généralisés avant 2024. Nous devons faire mieux. Plus le virus est présent longtemps, plus il risque de muter, ce qui rend les efforts de vaccination actuels inefficaces.
Les initiatives de l'OMS que le Canada soutient sont importantes. Malheureusement, elles ne règlent pas le problème mondial de la pénurie de vaccins. Elles sont également minées par les pays riches qui concluent des accords d'approvisionnement bilatéraux qui font grimper les prix et limitent l'approvisionnement. Notre meilleure chance de rester tous en sécurité est de faire en sorte que les vaccins contre la COVID-19 soient accessibles à tous en tant que bien commun mondial. Cela ne sera possible que si nous changeons la façon dont les vaccins sont produits et distribués. Les sociétés pharmaceutiques doivent accepter que les vaccins contre la COVID-19 soient fabriqués à la plus grande échelle possible en partageant la technologie des vaccins sans appliquer leurs droits de propriété intellectuelle. Nous devons maximiser la production afin que le nombre de doses soit suffisant pour atteindre l'immunité collective dans le monde.
Ce qui est fantastique, c'est que le Canada peut contribuer à mettre fin à la ruée vers les vaccins. Depuis janvier dernier, le pays copréside le Groupe de mobilisation de la Garantie de marché COVAX. Dans son rôle de coprésidente, la peut renforcer le mécanisme COVAX en réclamant une meilleure transparence et en invitant des pays en développement et des représentants de la société civile aux espaces décisionnels. Le Canada devrait s'abstenir de se procurer des vaccins en recourant à l'initiative COVAX pour le moment. Pour de nombreux pays à faible revenu, cette initiative pourrait être leur seule et unique chance de recevoir des vaccins cette année.
Le Ghana et la Côte d'Ivoire ont reçu leurs premières livraisons de vaccins la semaine dernière par le mécanisme COVAX. Cela mérite d'être célébré comme une première étape pour garantir que leurs travailleurs de la santé disposeront de la protection dont ils ont besoin pour faire leur travail en toute sécurité. Malheureusement, près de 80 autres pays n'ont pas encore reçu la moindre dose.
Le monde a besoin de plus de vaccins, et vite. Cette semaine, le Canada a la possibilité de changer le cours de la pandémie. L'Organisation mondiale du commerce doit se prononcer sur une demande de dérogation à l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, ou ADPIC. Proposée par l'Afrique du Sud et l'Inde, et appuyée par plus de 100 pays, cette dérogation permettrait d'augmenter l'approvisionnement en vaccins, car elle permettrait aux pays qui en ont les capacités de fabriquer des vaccins contre la COVID-19.
Nous espérons que le Canada votera en faveur de la dérogation. La pandémie nous a montré à quel point nous sommes tous liés et à quel point la coopération et la solidarité internationales sont essentielles. En votant en faveur de la dérogation à l'Accord sur les ADPIC à l'OMC cette semaine, le Canada peut contribuer à freiner la pandémie.
Au nom d'Oxfam et de la People's Vaccine Alliance, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant votre comité aujourd'hui.
Honorables membres du Comité, je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui. C'est un grand honneur. Je m'appelle Agathe Demarais. Je suis directrice des prévisions mondiales à l'Economist Intelligence Unit.
En janvier, nous avons publié une étude présentant nos prévisions sur les calendriers de vaccination contre le coronavirus dans le monde. Je pense que c'est l'étude dont Lauren Ravon a parlé dans son témoignage. Ces prévisions portaient sur le moment où chaque pays peut espérer avoir vacciné 60 à 70 % de sa population.
Il y a trois principales conclusions que je vais présenter maintenant avant d'entrer dans les détails. Première conclusion: la vaccination prendra beaucoup de temps. Il faudra attendre au moins jusqu'à la fin de 2022 pour que la majorité de la population mondiale soit vaccinée, et dans le cas de nombreux pays, il faudra attendre jusqu'en 2024, si la vaccination a lieu.
Deuxième conclusion: la production constitue le principal obstacle dans le monde. Nous avons étudié sept critères pour établir nos calendriers, et la production était toujours l'élément qui retardait les choses.
Troisième conclusion: cela pose deux risques principaux. Le premier concerne la reprise économique mondiale. Certains pays se rétabliront plus rapidement que d'autres, car ils auront vacciné leur population plus rapidement que d'autres. Le deuxième risque est évidemment que si tout le monde n'est pas vacciné, de nouveaux variants du coronavirus pourraient apparaître et nous ramener à la case départ.
Pourquoi avons-nous fait cette étude et quelle a été notre méthodologie? Jusqu'à tout récemment, la principale variable des prévisions politiques et économiques de l'Economist Intelligence Unit était l'évolution de la pandémie. Ce n'est plus le cas. Il s'agit maintenant du calendrier de vaccination international.
Quelle était notre méthodologie? En bref, nous avons pris en compte sept facteurs. Le premier est la production. Comme je l'ai dit, c'est le principal obstacle, car 15 % de la population mondiale a réservé environ la moitié des vaccins contre le coronavirus qui seront produits cette année.
Le deuxième facteur, ce sont les contrats d'approvisionnement.
Le troisième facteur est la logistique, surtout en ce qui a trait à deux aspects. Le premier est le transport, qui constituera un processus très difficile, car les vaccins sont normalement expédiés par avion de passagers, mais il n'y a plus de voyages en raison des restrictions imposées aux voyageurs. Le deuxième aspect est la chaîne du froid, car certains pays ne disposent pas de la chaîne du froid nécessaire à l'utilisation de certains vaccins qui doivent être maintenus à des températures ultra-basses.
Le quatrième facteur est la disponibilité du personnel de santé pour administrer les vaccins. Il s'agit d'un obstacle dans certains pays, par exemple des pays d'Asie.
Le cinquième facteur est le financement. Il est crucial pour de nombreux pays pauvres.
Le sixième facteur est la réticence à la vaccination, qui est particulièrement forte dans certains pays, comme la France, le Japon et l'Argentine.
Enfin, il y a des facteurs locaux, car certains pays ne veulent tout simplement pas vacciner leur population. C'est le cas de la Tanzanie, par exemple.
Le deuxième sujet dont je voulais parler, ce sont les principaux enseignements de notre étude. Nous avons établi quatre catégories de pays. La première est celle des pays les plus rapides, dont le processus de vaccination concernant le calendrier s'étendra jusqu'à la fin de 2021, soit d'ici la fin de cette année. Nous avons des pays exceptionnellement rapides comme Israël, le Royaume-Uni, la Serbie et les pays du Golfe. D'autres pays sont très rapides: pays membres de l'Union européenne, États-Unis, Suisse, Hong Kong et Singapour, par exemple.
La deuxième catégorie est celle des pays dont le processus s'étendra jusqu'à la moitié de 2022. C'est encore très bien par rapport aux normes mondiales. Il s'agit d'autres pays avancés de l'OCDE comme l'Australie, le Japon et la Corée du Sud, ou de pays à revenu intermédiaire disposant de capacités de production comme le Brésil, la Russie et le Mexique.
C'est dans la troisième catégorie de pays que se trouvent la plupart des pays à revenu intermédiaire, ainsi que l'Inde et la Chine, dont le processus s'étendra jusqu'à la fin de 2022.
Pourquoi l'Inde et la Chine prendront-elles jusqu'à fin de 2022? C'est en raison de la taille de leur population, qui représente un grand défi. C'est aussi parce que ces pays exportent de grandes quantités de vaccins et qu'il y aura des tensions entre l'approvisionnement de leur marché intérieur et leurs exportations.
Enfin, la quatrième et dernière catégorie, dans laquelle se trouve la majorité de la population mondiale, est celle dont le processus se terminera en 2023 et plus tard, si tant est que la vaccination ait lieu. Il s'agit du reste du monde, principalement des pays à faible revenu. Il comprend la plupart des pays qui dépendront du mécanisme COVAX, qui ne couvrira que 20 % de la population des pays admissibles avec un calendrier non contraignant pouvant être modifié. Dans ces cas, il est fort possible que la vaccination n'ait pas lieu, car dans certains de ces pays en développement, les gouvernements pourraient estimer que la vaccination est trop coûteuse ou trop complexe.
Enfin, qu'est-ce que cela signifie pour la reprise économique mondiale, sur laquelle l'Economist Intelligence Unit fait des prévisions? Elle commencera à partir du troisième trimestre de 2021, donc du troisième trimestre de cette année, car c'est à ce moment-là que les États-Unis, l'Europe et de nombreux pays de l'OCDE auront vacciné la majeure partie de leur population. La Chine est le moteur de la croissance mondiale, mais sa période de vaccination peut se prolonger, car puisque la pandémie y est maîtrisée, la vaccination n'est pas urgente, une situation bien différente de celle de nombreux pays occidentaux.
Cela dit, l'économie mondiale ne retrouvera les niveaux de PIB observés avant la pandémie de coronavirus qu'à la fin de 2021. Cela prendra donc du temps, et cette prévision masque de grandes disparités. Elle est stimulée artificiellement par la Chine, où nous prévoyons une forte croissance cette année. Aux États-Unis et dans l'Union européenne, nous ne verrons un retour aux niveaux observés avant la pandémie qu'en 2022 et au Japon, ce sera en 2023. Dans les pays émergents, la reprise sera beaucoup plus lente, ce qui reflète la lenteur de la vaccination dont nous venons de parler et le manque d'espace budgétaire pour lancer des plans de relance.
Cela pose finalement deux risques principaux pour la reprise économique mondiale. Le premier est que la vaccination pourrait prendre encore plus de retard, ce qui retarderait la reprise. Le second est que, comme je l'ai mentionné, si tout le monde n'est pas vacciné, nous pourrions voir apparaître de nouveaux variants qui pourraient s'avérer résistants aux vaccins.
Je vous remercie de m'avoir écoutée et de m'accueillir aujourd'hui.
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Je peux aussi probablement formuler des commentaires à titre de médecin.
Selon moi, nous faisons de bonnes choses. La merveilleuse observation qu'on a pu faire au cours du dernier mois, c'est que les vaccins de Pfizer et de Moderna ont pratiquement mis fin aux décès dans les établissements de soins de longue durée de l'Ontario, alors que ces établissements représentaient une source importante de décès plus tôt au cours de la pandémie. Aujourd'hui, notre groupe de discussion scientifique a publié un mémoire sur les répercussions de ces vaccins dans les établissements de soins de longue durée, et les résultats sont tout simplement spectaculaires.
S'il y a un problème majeur qui empêche l'Ontario d'avancer, selon moi — et je pense que la province commence à ne pas pouvoir suivre le rythme de l'approvisionnement en vaccins... Nous avons de 8 000 à 9 000 médecins de famille dans la province qui vaccinent quelques millions d'Ontariens contre la grippe chaque année. Je suis conscient des problèmes logistiques que posent les vaccins à ARNm, mais nous commençons à obtenir des vaccins dont l'entreposage n'est pas soumis aux mêmes exigences liées au froid extrême. Je pense que les médecins de famille savent ce qu'il faut faire. Ils connaissent leurs patients. Ils savent comment établir des priorités et comment vacciner les gens.
Je pense qu'il y a certaines inquiétudes liées au contrôle de l'infection dans certains bureaux de médecins, car tous les médecins ne pensent pas que c'est une bonne idée que de nombreuses personnes visitent leur bureau à ce moment-ci. Mais je pense que lorsque nous tentons de faire quelque chose de nouveau, nous devons utiliser les outils que nous avons déjà. Nous avons ce groupe de personnes très compétentes en matière de vaccination, mais il a été sous-utilisé jusqu'à présent. J'espère donc que cette situation va changer.
La chose qui me rend le plus fier en ce qui concerne le groupe de discussion scientifique de l'Ontario, et cela m'a un peu… Nous observons cela chaque année avec les vaccins contre la grippe. En général, le dilemme posé par les vaccins, c'est qu'ils sont moins efficaces pour protéger les personnes qu'on souhaite le plus protéger. En effet, la plupart des décès attribuables à la grippe surviennent chaque année chez les personnes âgées de plus de 65 ans, pour lesquelles les vaccins traditionnels contre la grippe — nous en avons de plus efficaces maintenant — n'ont sans doute pas du tout fonctionné. Nous avons directement tenté de protéger ces personnes avec des vaccins qui ont très peu de chances de fonctionner dans leur tranche d'âge, alors que nous pourrions probablement les protéger plus efficacement en misant sur l'immunité collective, puisque les vaccins contre la grippe fonctionnent bien chez les personnes plus jeunes.
Ce dilemme ne se pose pas avec les vaccins contre la COVID-19, car les vaccins à ARNm, en particulier, sont si puissants que nous pouvons protéger directement les personnes de plus de 80 ans et de plus de 70 ans, ainsi que les personnes ayant des problèmes de santé sous-jacents, en les vaccinant directement. Dans une certaine mesure, la décision concernant les personnes à vacciner en premier s'est imposée à nous, car ce sont les personnes âgées — et je pense qu'on peut observer la même chose dans d'autres pays.
La modification qui a émergé de notre groupe de discussion scientifique découle de l'observation selon laquelle 90 % de tous les cas de COVID-19 se trouvent dans des régions associées à 10 % des codes postaux de l'Ontario. Il s'agit en grande majorité de zones urbaines à forte densité de population, où l'on trouve un grand nombre de personnes de couleur, de nouveaux Canadiens et de personnes effectuant un travail essentiel. La conclusion qui a émergé du groupe de discussion scientifique — et je pense que la province s'intéresse maintenant à cette approche —, c'est qu'il faut tenter de concentrer les vaccinations — en plus de donner la priorité aux personnes âgées et aux personnes souffrant de troubles de santé sous-jacents — dans les régions qui ont été les plus durement touchées, afin d'essayer d'obtenir les effets liés à l'immunité collective dans ces populations.
Je pense que c'est un bon exemple de nuance. Je me rends compte que cela soulève des problèmes d'équité dans d'autres régions, où les gens affirment qu'ils sont également vulnérables et qu'ils sont laissés-pour-compte. Ce sont des décisions difficiles à prendre dans le cas d'une ressource rare, et je pense que la situation a bien été gérée à cet égard.
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Oui. Je pense que la santé publique est devenue une discipline de plus en plus axée sur les données. Je veux dire que la façon dont nous voyons et comprenons les processus dépend réellement des données à notre disposition. Je pense qu'il est dommage que ma province, c'est-à-dire l'Ontario, ait un peu l'habitude d'engloutir des milliards de dollars dans des systèmes de données qui, comme on le sait, ont été très peu exploités. Je pense que c'est une sorte d'avertissement pour nous lorsque nous disons qu'il suffit d'investir un tas d'argent dans quelque chose et de construire quelques bons systèmes de données.
Nous avons des besoins dans de nombreux domaines différents. Par exemple, il faudrait vraiment améliorer les systèmes de surveillance de la santé publique pour les rendre plus interactifs, ce qui permettrait d'établir un dialogue d'un bout à l'autre du pays, une terminologie commune, des systèmes de donnés relativement conviviaux et des systèmes de données qui sont liés à... Comme vous le savez, nous avons des soins de santé nationaux au Canada. Ce serait formidable si notre système de données sur la santé publique et notre système de données sur les soins de santé pouvaient communiquer entre eux.
En ce qui concerne les vaccins, car c'est le sujet auquel je réfléchissais avant la réunion, nos approches sont très fragmentées et, à ce jour, nous n'avons à peu près rien bâti de concret. À ma connaissance, la seule province du Canada — et j'espère ne pas me tromper — qui dispose d'un registre des vaccins pour adultes est l'Île-du-Prince-Édouard. Je pense que c'est tout. Nous ne savons pas grand-chose.
Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, nous dépensons un demi-milliard de dollars par année pour les vaccins, mais nous n'avons en réalité aucun moyen de savoir qui les a reçus ou d'établir un lien avec les dossiers de santé pour pouvoir vérifier si une personne vaccinée est moins susceptible d'être hospitalisée, etc. Nous avons beaucoup de difficultés avec les systèmes de rendez-vous. Nous ne disposons pas d'un bon système national suffisamment souple pour surveiller les effets indésirables des vaccins, ce qui représente un enjeu très important dans le cas des nouveaux vaccins.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer pour nous livrer leurs témoignages, qui sont très éclairants et pertinents.
Nous sommes aux prises avec une pandémie mondiale. Les témoignages de Mme Demarais et de Mme Ravon sont assez éloquents.
Professeur Fisman, professeur Weiss, vous êtes des scientifiques. Vous avez dit qu'il fallait établir une coordination plus centralisée, mais est-ce que cela n'aurait pas dû être fait de prime abord à l'échelle mondiale?
Le protectionnisme vaccinal auquel nous faisons face a donné lieu à une course aux vaccins. Les conclusions, aussi bien celles de Médecins sans frontières que celles de Mme Ravon et de Mme Demarais, indiquent que cette pandémie mondiale nous oblige à revoir nos façons de faire. Les variants vont demeurer une menace et risquent de nous ramener à la case départ. C'est un vieux problème des pays du tiers-monde, qui sont les deux tiers exclus.
Professeurs Weiss et Fisman, j'aimerais connaître votre avis là-dessus.
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Monsieur Thériault, je vais vous répondre de la meilleure façon que je le pourrai.
Tout d'abord, nous sommes aux prises avec un virus qui va perdurer. Autrement dit, étant donné que le coronavirus a un réservoir non humain, il ne sera pas forcément éradiqué et nous devrons probablement vivre longtemps avec ce dernier, contrairement à la variole, qu'on a éradiquée en 1977 en vaccinant la planète.
Se produira aussi la situation où nous aurons besoin de vaccins semblables à ceux contre la grippe, que nous devrons administrer de façon régulière. Il n'est pas totalement exclu que nous soyons obligés de vacciner les gens tous les ans ou tous les deux ans, et ce, à l'échelle mondiale pour les protéger contre les nouveaux variants.
Il faut aussi comprendre que les variants ne sont pas forcément inattendus. Ils représentent une façon pour le virus de s'adapter à l'espèce humaine et de s'améliorer, en quelque sorte. Un variant n'est donc pas nécessairement plus mauvais. Ce que nous ne voyons pas, ce sont tous les variants qui ont été des échecs. C'est un peu comme un gâteau. Nous ne voyons pas toutes les recettes qui ont été ratées, mais seulement celles qui sont un succès. C'est un peu le cas des variants, qui dénotent une adaptabilité du virus.
Il est évident que, comme beaucoup de grandes organisations, l'Organisation mondiale de la santé a un peu failli à sa tâche, parce qu'elle est soumise à toutes sortes de pressions politiques. Au début, l'information sur l'étendue de la pandémie n'a pas été très claire et très ouverte, entre autres sur ce qui est arrivé en Chine. Par la suite, on en a appris un peu sur l'étendue de la pandémie. D'un point de vue purement technique, on a eu l'information quant à la séquence du virus à partir de l'Australie, où un laboratoire avait isolé le virus à partir de gens qui venaient de la Chine. On ne peut donc pas trop se fier aux organismes internationaux pour faire preuve de transparence parfaite, parce que les États qui les composent n'ont pas cette transparence.
Au Canada et au Québec, nous devons nous protéger afin d'avoir en place les éléments qui nous permettront de protéger notre population du mieux possible dans les circonstances. Nous pouvons bien sûr collaborer avec d'autres pays, et il faut le faire lorsque nous n'avons pas la capacité de produire les vaccins, par exemple.
Pour le Canada, l'important est d'avoir un système de détection robuste. Par exemple, nous possédons un très bon système de laboratoires provinciaux et un laboratoire national, à Winnipeg, qui est reconnu mondialement pour ses capacités. Cependant, à l'échelle canadienne, il faut se doter d'une espèce de système d'alerte et d'observatoire externe afin de rapidement détecter des menaces et mettre en place des mesures pour les contrer.
On dit qu'il faut construire l'avion en plein vol. Je pense que tout le monde est d'accord qu'au début de la pandémie, nous avons été pris de court sur tous les plans en ce qui concerne la mise en place des mesures pour contrer le virus efficacement.
Nous pourrions en discuter longuement. Disons simplement que nous devrons avoir des capacités de développement et de production canadiennes de vaccins pour répondre aux besoins de l'ensemble de la population. En effet, d'un point de vue pratique, nous sommes dans une compétition mondiale. Aussi bien les États que l'Union européenne, qui est un ensemble d'États, veulent garder les vaccins pour eux. La Chine et l'Inde fabriquent aussi leurs vaccins.
De plus, il y a des considérations géostratégiques associées à cette situation, comme le fait de donner des vaccins à des pays pauvres, alors qu'on les utilise probablement monnaie d'échange.
Au Canada, où les talents existent, nous n'avons certainement pas le choix de produire ces vaccins. Cela pourrait être fait en collaboration avec d'autres pays.
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J'ai émis des critiques, parce que les données que nous avons actuellement démontrent que le vaccin d'AstraZeneca est potentiellement moins efficace que les deux autres vaccins, qui sont des vaccins à ARN messager — ce sont les données de protection.
Le vaccin d'AstraZeneca n'est pas un mauvais vaccin, mais il faut savoir qu'il a été beaucoup moins utilisé que les autres. Un des problèmes actuels est la perception de l'innocuité du vaccin par certains segments de la population canadienne.
Nous savons que les vaccins à ARN messager ont été administrés à plus de 80 millions de personnes, et nous n'avons pas constaté beaucoup de problèmes d'innocuité. C'est donc une façon d'encourager la vaccination.
Le vaccin d'AstraZeneca a connu beaucoup de problèmes techniques. On a dit qu'il était moins bon chez les gens de plus de 65 ans, et c'est vrai. Il est également moins bon contre le variant sud-africain, ce qui a été démontré par des études.
Je ne veux pas entrer dans les détails trop techniques. Si nous n'avions aucune autre solution de rechange au vaccin d'AstraZeneca, je serais le premier à dire que je suis prêt à le recevoir. Je ne verrais pas de problèmes particuliers à le recevoir. Cependant, dans le contexte où d'autres vaccins semblent meilleurs et plus efficaces, si j'avais le choix du vaccin, je me tournerais vers celui ayant une efficacité plus marquée.
Le meilleur exemple est Israël, qui a vacciné plus de 80 % de sa population avec le même vaccin et qui a observé une diminution importante du nombre de cas sévères, surtout dans la population âgée.
On m'a convoquée, je suppose, en ma qualité d'anthropologue de la santé, qui s'intéresse à l'acceptation des vaccins.
Sachez que, actuellement, nos réserves de vaccins ne satisfont pas à la demande, et que notre travail, au Québec, sur les intentions de se faire vacciner, montre que la plupart des Canadiens sont disposés à l'être.
Nous pouvons visualiser l'acceptation des vaccins sous la forme d'un continuum qui va d'une minorité minuscule, moins de 2 % des sondés, très opposée à la vaccination, à l'immense majorité qui se ferait volontiers vacciner.
Au milieu, les hésitants, les versatiles, qui forment des groupes que le vaccin inquiète un peu plus et où nous constatons les gains les plus importants pour la santé publique grâce à la confiance et à l'acceptation qu'on leur inspire.
Nos sondages réguliers, au Québec, sont semblables à ceux qui se font ailleurs au Canada. Ils montrent que trois personnes sur quatre sont disposées à se faire vacciner, mais l'écart entre l'intention et l'action est réel, et nous devons bien comprendre et bien vaincre les obstacles qui nuisent à l'acceptation des vaccins.
On peut les ranger dans trois grandes catégories.
Il y a d'abord l'assurance excessive, selon l'endroit au Canada où l'on vit. Si dans son entourage, on ne compte aucun cas de COVID, on pourrait être moins disposé à se faire vacciner.
Vient ensuite la confiance envers les autorités sanitaires et le gouvernement pour la prise de bonnes décisions sur la vaccination et l'accès à l'information pour permettre une décision éclairée sur le vaccin.
Enfin, la commodité. On a tendance à la négliger, mais il est également important que la vaccination soit accessible, qu'on puisse prendre rendez-vous et se faire rappeler que son tour est arrivé.
Merci.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, chers témoins, bonjour.
Permettez-moi d'abord de vous remercier de votre invitation.
Je me présente rapidement. Je suis professeure titulaire de biochimie et de médecine moléculaire à l'Université de Montréal et directrice du laboratoire de recherche sur la réponse de l'hôte aux infections virales au CRCHUM, également à Montréal.
À cet égard, j'étudie les mécanismes de défense de l'organisme humain contre les virus respiratoires depuis maintenant 15 ans. Depuis avril 2020, je suis également codirectrice du Réseau québécois COVID-Pandémie, qui promeut la collaboration dans la recherche pour accélérer les découvertes et leurs applications.
En ce moment, pendant la pandémie, le Canada doit relever plusieurs défis redoutables pour la réussite de la stratégie d'immunisation. Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet, mais compte tenu du peu de temps dont je dispose, je n'insisterai que sur deux éléments essentiels où je discerne des incohérences majeures, et je voudrais proposer des pistes pour y remédier.
D'abord, je souligne le travail du groupe de travail sur la COVID-19, qui a recommandé un arsenal diversifié de vaccins. D'après moi, c'était un choix éclairé, compte tenu de l'impossibilité de connaître, a priori, la réussite de chacun de ces vaccins et compte tenu de l'absence de capacité de production au Canada. À souligner de même la logistique efficace de la répartition des doses entre les provinces et les territoires.
Quatre vaccins sont maintenant homologués par l'Agence de la santé publique du Canada. C'est merveilleux. Il en découle cependant un problème majeur, la confusion des messages sur leur emploi, parce que le Canada, d'après moi, n'accorde pas ses flûtes, et sa voix n'est pas assez forte. L'agence homologue les vaccins d'après les données des essais cliniques, puis le Comité consultatif national de l'immunisation ajuste les recommandations de leur emploi d'après les données du terrain, à mesure qu'on les connaît.
Il va sans dire que les messages discordants des deux organismes, dernièrement, engendrent une confusion majeure, incompréhensible pour la plus grande partie de la population. Et on ne tient pas compte de la confusion supplémentaire causée par les différentes opinions des comités consultatifs des provinces.
Nous vivons une situation critique exceptionnelle, mais le fonctionnement de nos organisations ne semble pas adapté en conséquence. Le comité consultatif et l'agence devraient collaborer plus étroitement et unir leurs voix dans un seul message, clair et cohérent. Comprenez que des messages qui se contredisent sont susceptibles de miner la confiance envers la campagne de vaccination, et on ne peut pas risquer de voir la population se détacher de l'immunisation au moyen des vaccins sûrs et efficaces à notre disposition. J'incite donc vivement le gouvernement à revoir les mandats des deux organismes pour qu'ils actualisent les stratégies par la collaboration et le consensus.
Le problème le plus important est sans doute que les recommandations du comité consultatif ne se fondent pas toujours sur la science, mais, parfois, sur des suppositions et des opinion d'experts. C'est particulièrement remarquable et inquiétant dans les recommandations changeantes pour l'administration des vaccins à ARN messagers.
Évalués dans des essais cliniques à deux doses, ces vaccins devraient être administrés à trois ou quatre semaines de distance. Actuellement, aucune donnée ne montre les conséquences de la remise à plus tard de la deuxième dose. Le comité consultatif recommande maintenant de la retarder de jusqu'à quatre mois. À propos, le Canada est le seul pays à recommander un retard si long, mais sa décision est absolument infondée. Elle équivaut donc à conduire un essai clinique sans suivi convenable des participants ni même leur consentement.
Dans un souci de transparence, le gouvernement du Canada devrait rendre publiques les discussions qui ont lieu dans le comité consultatif, pour faire connaître les données qui y ont été discutées pour appuyer les décisions et les résultats des votes de ses membres. Le gouvernement devrait également exiger la publication de tous les éléments dont il a été tenu compte dans les prises de décisions dès la publication des recommandations et non des semaines plus tard. Actuellement, nous ne possédons aucune donnée scientifique sur les conséquences de l'administration retardée de la deuxième dose.
Enfin, les données de terrain du Royaume-Uni montrent des différences dans la réponse des individus à la première dose du vaccin de Pfizer-BioNTech, selon leur âge. Certaines mesures biologiques effectuées au Royaume-Uni et provenant soit du laboratoire du Dr Gupta ou de l'étude REACT-2 semblent montrer que la première dose provoque une bonne réaction immunitaire chez les personnes de moins de 69 ans, mais une réaction très différente chez les plus de 69 ans, et qui ne se manifeste que chez 35 % des personnes de plus de 80 ans, alors que la deuxième dose en provoque une chez tous les vaccinés. On s'inquiète donc de l'immunisation des Canadiens de plus de 70 ans qui ne reçoivent actuellement qu'une seule dose.
Je comprends parfaitement que les recommandations obéissent aux principes d'équité, dans un contexte où les réserves de doses de vaccins sont limitées. Mais cette recommandation risque, en fin de compte, de mettre en péril le résultat de la campagne de vaccination pour la population mondiale si l'opinion des experts est fausse. La seule bonne réponse à cette situation est de faire tout ce qui est possible pour assurer l'arrivée, le plus tôt possible, des doses et pour empêcher, entretemps, la propagation de la maladie au moyen de mesures sanitaires.
En guise de conclusion, le message que je voudrais que vous reteniez, est que la politique canadienne de vaccination devrait évoluer en temps réel, mais seulement en se fondant sur les données scientifiques les plus récentes. Fait important à retenir, si les données ne proviennent pas de pays qui sont les chefs de file de la vaccination en masse, le Canada devrait envisager de commander des travaux de recherche pour en produire, pour fonder ses décisions sur la science.
Je vous remercie. Je répondrai à vos questions.
[Français]
en anglais ou en français.
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Merci, monsieur le président, et merci aussi aux membres du Comité.
Bonjour. Je m'appelle Cole Pinnow et je suis le président de Pfizer Canada.
Voilà déjà un an que la pandémie a été déclarée. Depuis, Pfizer et BioNTech ont réussi à mettre au point un vaccin sûr et efficace contre la COVID-19 en un temps record grâce à une nouvelle plateforme technologique. Pour y arriver, Pfizer a investi plus de 2 milliards de dollars à ses propres risques. Nous nous sommes préparés pour la réussite et avons optimisé une chaîne d’approvisionnement très complexe. Celle-ci requiert plus de 280 composantes provenant de 86 fournisseurs différents situés dans 19 pays. Nous avons également établi un système de livraison des plus novateurs pour un produit devant être entreposé à des températures extrêmement basses et nous livrons le vaccin directement à des centaines de centres d’administration au Canada.
Alors que nous sommes réunis ici, trois mois après la vaccination de la première Canadienne, Gisèle Lévesque, j’aimerais vous rappeler une partie importante des efforts qui ont été nécessaires afin d’offrir le premier vaccin aux Canadiens dès que la science l’a permis.
En août, nous sommes devenus le quatrième pays à conclure une entente d’achat préalable pour le vaccin. Nous avons obtenu jusqu’à 76 millions de doses alors que de nombreux autres pays cherchaient également à assurer des engagements en matière d’approvisionnement. En septembre, Santé Canada a lancé le processus de présentation continue, qui nous a permis de présenter les données sur notre vaccin dès qu’elles étaient disponibles. Nous avons déposé notre demande d’homologation en octobre et, à la mi-novembre, nous avions suffisamment progressé pour qu’une décision réglementaire devienne possible début décembre. Ce n’est qu’à ce moment-là que nous nous sommes rendu compte qu’il fallait accélérer le calendrier de distribution initial et la préparation des provinces pour l’administration du vaccin. Ce ne fut pas tâche facile. Pfizer, Services publics et Approvisionnement Canada, l’Agence de la santé publique du Canada et les provinces ont tous travaillé très fort afin de trouver une façon viable d’avancer et de préparer le Canada.
Ainsi, nous sommes devenus le deuxième pays du G7 à recevoir le vaccin après sa mise en marché le 14 décembre, presque deux mois plus tôt que prévu. C’est une réalisation phénoménale à laquelle ont contribué de nombreuses personnes, et nous sommes très fiers de cette avancée majeure. À la suite du déploiement initial, nous avons réduit temporairement la distribution du vaccin pendant trois semaines afin d’optimiser notre usine de fabrication en Belgique. Il est important de noter que cette décision était délibérée. Nous avons choisi de ralentir la production afin d’apporter des améliorations qui nous ont permis d’augmenter notre capacité de production mondiale annuelle de 1,3 milliard à 2 milliards de doses. Réorganiser notre usine en Belgique était la bonne chose à faire: plus de vaccins sont produits, plus de pays les reçoivent, et plus de personnes sont vaccinées.
Les Canadiens ont également bénéficié de ces améliorations. La complexité de l’optimisation de notre usine de fabrication et de notre chaîne d’approvisionnement mondiale est la raison pour laquelle nous avons insisté pour que nos obligations contractuelles reflètent une distribution trimestrielle. Cette situation n’est pas propre au Canada: Pfizer s’est engagée partout dans le monde à distribuer le vaccin de façon trimestrielle.
Nous comprenons que les Canadiens veuillent savoir quand ils seront protégés contre le virus. Nous sommes allés bien au-delà de nos obligations contractuelles initiales, de deux façons importantes, afin d’assurer la plus grande certitude possible.
D’abord, nous communiquons des prévisions hebdomadaires continues dès que nous sommes certains de leur fiabilité. Aujourd’hui, le public sait à quoi il peut s’attendre jusqu’à la mi-avril.
Ensuite, nous cherchons constamment à accélérer la distribution du vaccin. Les Canadiens recevront maintenant 12,75 millions de doses plus tôt que ce qui est exigé dans notre contrat initial. Jusqu’à maintenant, nous avons fourni plus de 2,5 millions de doses et n’avons jamais raté une prévision hebdomadaire de distribution. Nous demeurons convaincus que nous continuerons de respecter nos prévisions à l’avenir. D’ici la fin de ce mois, nous aurons fourni 5,5 millions de doses. Au deuxième trimestre, nous livrerons 12,8 millions de doses, puis 21,7 millions au troisième trimestre. D’ici la fin septembre, nous aurons fourni 40 millions de doses aux Canadiens.
Bien que nous soyons optimistes quant à ce que cela signifiera à la fin de la pandémie, nous devons également réfléchir à la façon dont nous pouvons mieux nous préparer pour la prochaine. Il y a des pratiques exemplaires et des leçons à retenir. Nous avons une occasion unique de réfléchir posément à la situation précédant la pandémie au Canada et de travailler ensemble afin d’améliorer le secteur des sciences de la vie dans notre grand pays.
Les Canadiens comprennent mieux la valeur d’une industrie biopharmaceutique locale résiliente. Les efforts antérieurs visant à promouvoir le secteur des sciences de la vie ont été sapés par des politiques néfastes des gouvernements fédéraux pendant plus de 10 ans. Si le Canada veut changer de cap et réussir, il doit mettre fin aux consultations unidirectionnelles et engager un véritable dialogue avec notre industrie. Nous sommes prêts à avoir cette conversation si importante et à contribuer à l’avenir du Canada.
Pour terminer, j’aimerais réitérer que ce que nous avons accompli jusqu’à maintenant est extraordinaire. Je remercie sincèrement les 46 000 participants aux essais cliniques, les centaines de chercheurs ainsi que les milliers de scientifiques, de cliniciens et de professionnels de la fabrication de Pfizer et de BioNTech, dont beaucoup ont travaillé jour et nuit, sachant que chaque moment comptait.
[Français]
Je vous remercie.
[Traduction]
Je serai heureux de répondre à vos questions.
:
L'étude à laquelle a participé le Dr De Serres est en fait une seconde analyse de données cliniques qui ont été publiées dans le cadre d'essais cliniques. C'est une façon différente d'analyser les données.
Ils ont procédé en enlevant les données des sept premiers jours de l'essai clinique sous prétexte que, durant cette période, on sait pertinemment que le vaccin n'a pas encore d'effet. Leur analyse a démontré que la première dose avait une efficacité similaire à celle de la deuxième dose.
Par contre, il faut prendre en compte le fait que, dans cette analyse, le nombre de participants qui n'avaient eu que la première dose était vraiment très limité, puisque cette étude visait deux doses. Les données peuvent alors être interprétées sur un tout petit échantillon.
Par contre, comme je le disais tout à l'heure, si on prend les données de la situation réelle, par exemple les données sur le terrain qui nous arrivent du Royaume-Uni, on voit un effet différentiel en fonction de l'âge de la personne qui a reçu cette première dose. Ces données se justifient peut-être avec les données sur le terrain relatives aux personnes plus jeunes. Là où j'ai une inquiétude, ce sont les données relatives aux personnes plus âgées. Cela nous donne un état de l'immunisation, mais cela ne nous donne pas d'information sur l'incidence de la deuxième dose à long terme ou du délai d'attente de la deuxième dose. C'est très différent.
Cette étude nous permet seulement de savoir si les gens commencent à développer une immunisation.