AGRI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD
COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 9 mai 2001
Le président (M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)): La séance est ouverte. Nous examinons cet après-midi le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la Société du crédit agricole et d'autres lois en conséquence, et notamment tout amendement qui pourrait être proposé.
Je voudrais souhaiter la bienvenue à M. Noiseux et M. Harel. Nous prévoyons normalement entre 10 et 15 minutes pour les remarques liminaires des témoins. Après votre exposé, les députés pourront vous poser des questions.
Nous avons des services d'interprétation simultanée, comme vous le constatez, et nous vous invitons donc à participer à nos travaux en français. Ne pensez surtout pas que nous n'avons pas un bon système au Parlement.
Paul, la parole est à vous.
M. Paul Noiseux (trésorier, Coopérative fédérée de Québec): La parole est à nous?
[Français]
Le président: Oui.
M. Paul Noiseux: Merci beaucoup de votre invitation et de nous donner l'occasion de faire valoir nos idées et commentaires auprès du comité par rapport à la démarche visant à modifier la Loi sur la Société du crédit agricole.
Je m'appelle Paul Noiseux et je suis trésorier et chef de la direction financière de la Coopérative fédérée de Québec. Jean-François Harel est aux affaires corporatives et publiques.
Afin que tout le monde ait une meilleure compréhension de la Coopérative fédérée de Québec, puisque nous croyons qu'il est opportun que vous la connaissiez mieux, M. Harel débutera par une présentation de l'entreprise. En second lieu, nous exposerons directement nos commentaires et nos vues quant à la modification de la Loi sur la Société du crédit agricole, dont il est ici question.
M. Jean-François Harel (secrétaire général adjoint, Coopérative fédérée de Québec): En mon nom personnel, je tiens aussi à remercier les députés membres du comité de nous recevoir aujourd'hui.
La Coopérative fédérée de Québec est essentiellement une entreprise à deux personnalités. C'est la fédération des coopératives agricoles au Québec et c'est une entreprise industrielle et commerciale qui a comme logo l'industrie de la terre. Nous réalisons un chiffre d'affaires de plus de 2 milliards de dollars, principalement dans les secteurs de l'approvisionnement de la ferme et de la transformation des produits de la viande, porc et volaille.
Olymel, qui est une filiale à part entière de la Coopérative fédérée, est le principal exportateur canadien de viande de porc au Canada. Ses ventes à l'étranger atteignent près de 500 millions de dollars.
La Coopérative fédérée est également engagée, par le biais de sa division Sonic, dans la distribution de produits pétroliers, principalement à la ferme mais également dans les marchés régionaux, surtout en milieu rural et non urbain.
La Division de l'approvisionnement de la ferme, qui est notre coeur coopératif, approvisionne 100 coopératives membres, qui elles-mêmes approvisionnent à la base de 25 000 à 30 000 producteurs agricoles.
Donc, par ces deux organismes, la Coopérative fédérée est largement mêlée, en amont et en aval, à la production agricole. C'est un joueur majeur dans l'agriculture du Québec et dans son développement. Elle fêtera cette année son 80e anniversaire. Depuis 80 ans, elle est au service des producteurs agricoles du Québec et dirigée par eux.
Vous avez là le portrait global des activités de la Coopérative fédérée. Elle a donc un double mandat de fédération et d'entreprise; elle a, en amont, un mandat d'approvisionnement des produits de la ferme, et en aval, un mandat de transformation des produits de la ferme.
M. Paul Noiseux: Par rapport à la Coopérative fédérée du Québec et à la Société du crédit agricole, il est clair que la deuxième est engagée, directement ou indirectement, auprès de plusieurs de nos coopératives membres. Je vais plutôt m'attarder sur les échanges et les relations entre la Coopérative fédérée et la Société du crédit agricole, à titre de financier ou de membre de la syndication bancaire de la Coopérative fédérée de Québec.
Les relations, à titre de financier, avec la Coopérative fédérée de Québec ont débuté en 1996, si mes souvenirs sont exacts, par un premier essai concluant de consolidation de l'industrie de la transformation du dindon au Québec, une entente de partenariat avec une autre coopérative, qui est maintenant appelée EXCELDOR, en vue de fusionner et jumeler nos volumes d'abattage de dindon dans une seule usine. Ladite consolidation était nécessaire pour assurer le développement de la transformation et de la production de dindes au Québec.
On a aussi fait appel à la société. On a fait des démarches auprès de la société en 1999, dans la foulée de ce premier financement direct de la Coopérative fédérée, pour savoir si elle pouvait se joindre à notre syndication bancaire.
Une syndication bancaire, compte tenu de la taille de la Coopérative fédérée de Québec, n'est pas quelque chose d'anormal. Au contraire, c'est une chose courante, compte tenu de la taille et des besoins de financement de la Coopérative fédérée de Québec.
Donc, en 1999, comme je vous l'ai dit, la Société du crédit agricole s'est jointe à la syndication bancaire et, à ce titre, comme institution financière pour le financement de ses opérations et le développement de ses affaires.
C'est la trame de fond quant à la relation qu'entretient la CFQ avec la Société du crédit agricole.
On a eu la chance au cours de ces années, à travers des échanges et dans le cadre de rencontres périodiques que l'on a avec nos institutions financières, d'échanger avec la Société du crédit agricole et de faire part de nos vues quant à leur intervention et, certainement, quant à l'importance que pourraient prendre des interventions de même nature dans d'autres industries de l'agroalimentaire, directement et indirectement. UNIDINDON, la première transaction à laquelle j'ai fait allusion, était une transaction conclue dans une filiale de la Coopérative fédérée de Québec. Nous considérons que ce type d'intervention a été un succès pour nous, la Coopérative fédérée de Québec et que ce pourrait être bénéfique aussi pour d'autres entreprises et dans d'autres régions du Canada, pas seulement au Québec. Je dis ceci, ne sachant pas si la société consent des prêts de même nature à d'autres entreprises au Canada. Nos commentaires ne s'appliquent qu'à notre cas.
Au cours de cette période, on a mentionné à de multiples reprises qu'il y aurait un avantage pour les deux parties à ce que le champ d'expertise et la nature et le type des interventions de la société puissent se diriger dans un tel cadre.
En deuxième lieu, par rapport au projet de loi ou aux modifications à la loi qui sont proposées, les objectifs que nous considérons importants sont les éléments relatifs à l'amélioration de l'offre de services de la société.
Les commentaires porteront en premier lieu sur le fait que la loi doit permettre une offre de service en aval et en amont de la production primaire. Comme je l'ai mentionné, nous avons vécu cela.
• 1545
Je pense que pour la société et pour la Coopérative
fédérée de Québec, la relation et la nature des échanges
qu'il y a eu entre les parties ont été bénéfiques de
part et d'autre.
Cela permet de connaître des points de vue, de prendre
connaissance des affaires de l'entreprise, d'être
partie prenante au vécu de l'entreprise et d'avoir
une perspective assez globale et beaucoup
plus intégrée des secteurs de
l'agroalimentaire. Du moins, nous en avons très
certainement retiré un bénéfice, et
des personnes qui oeuvrent à la société
et qui interviennent dans notre dossier abondent aussi dans
le même sens, c'est-à-dire une offre de services en aval et en
amont. Donc, la Coopérative fédérée de Québec est
tout à fait d'accord sur cette direction qui pourrait être
donnée à la Société du crédit agricole.
Le deuxième élément important est celui des investissements sous forme de capital-actions et de capital de risque. À cet égard également, nous avons eu des échanges formels et informels avec des personnes. Je pense que dans la panoplie des outils financiers qu'on offre au mouvement et à l'industrie, c'est une chose qui, sans aller de soi, est très avantageuse pour l'industrie.
Le troisième point au sujet duquel il y a une modification qui va dans la bonne direction, c'est la capacité et le pouvoir légitime de créer et d'être partie prenante à des structures de financement, qu'elles soient directes, indirectes ou à plusieurs niveaux dans des filiales au lieu d'être directement dans la corporation mère. Cette flexibilité et cette capacité doivent être là si la société veut avoir l'ensemble des outils nécessaires pour oeuvrer à la fois dans le financement et dans le capital-actions et le capital de risque. Je reviendrai sur ce commentaire de façon plus particulière lorsque je parlerai du soutien aux coopératives. Qu'elles soient au Québec ou dans d'autres provinces du Canada, cette ouverture est nécessaire pour appuyer cette branche d'intervenants dans l'industrie.
Un quatrième point est la possibilité de modifier les règles administratives qui limitent la nature du financement et le montant pouvant être investi dans des organisations. Cela doit être transparent dans le projet de loi. Si on veut être cohérent et que les actions suivent le dialogue, c'est un élément qu'on doit aussi prendre en considération.
Fondamentalement, pour nous, qu'est-ce qui est critique et qu'est-ce qui doit demeurer? L'objectif, la mission, la raison d'être de la société doit demeurer le financement et une offre de services pour le soutien et le développement de la production primaire agricole. Cela doit demeurer au coeur de la société. Pour atteindre cet objectif, la société doit se doter des trois éléments que je vous ai mentionnés, qui sont nécessaire pour faire face à l'environnement actuel et à l'évolution future de cet environnement.
Donc, pour l'offre de services en aval, notre organisation croit fermement que le développement rentable de l'agriculture canadienne requiert que l'ensemble de tous les intervenants qui sont impliqués dans la chaîne agroalimentaire aient à leur disposition des outils de financement et de capitalisation. Si l'on veut, à moyen et à long terme, un environnement agricole fort, il faut avoir une perspective globale et s'assurer que chaque maillon de la chaîne de production et de transformation des produits de la ferme ait tous les outils, les ressources et la capacité financière nécessaires pour mettre en marché ses produits. L'industrie tout entière ne peut pas être plus forte que son plus faible maillon.
Par son intervention possible dans tous les secteurs de l'agroalimentaire, la société aura une meilleure compréhension des occasions et des enjeux propres à chacun, acquérant par ailleurs une compréhension beaucoup plus globale et fine de l'industrie et améliorant son expertise et sa capacité de recommander ou de mettre en place des programmes d'intervention mieux ciblés.
• 1550
Il est important que l'industrie puisse avoir accès à
des institutions financières ayant comme mission ou comme
marché premier le secteur agricole. L'évolution à la
fois du secteur financier et des entreprises
agroalimentaires a eu pour effet soit de réduire le
nombre d'institutions financières intervenant dans
notre industrie, soit de réduire le montant de
financement pouvant être accordé à une entreprise.
Or, l'accroissement de la taille des fermes et des agri-entreprises, l'ouverture des marchés et le développement vers la valeur ajoutée et l'exportation requièrent un environnement où des sources de financement multiples et variées soient accessibles.
Pour la plupart des intervenants financiers, des impératifs légitimes de gestion de risque et de portefeuille limitent le montant de financement disponible, cela même si la situation financière de l'entreprise le permet.
La Société du crédit agricole, de par son expertise et sa connaissance du milieu agricole, a été un élément important de la croissance de notre industrie au Québec et au Canada. Cependant, comme toute entité, elle se doit de s'adapter afin de faire face au nouvel environnement, de répondre aux besoins de la production primaire et d'agir comme levier ou catalyseur de développement et de croissance. L'élargissement de son champ d'intervention ne la mettra pas en conflit avec le monde des institutions financières privées mais la rendra complémentaire, répondra à un besoin de divers intervenants de l'industrie et, finalement, contribuera directement au développement de la production primaire.
Les besoins de financement sont grands. Les institutions financières sont de plus en plus restreintes en nombre et celles voulant faire affaire avec l'industrie agroalimentaire sont plus rares, de telle sorte qu'il y a de la place pour un joueur de plus sur le terrain.
Quant à l'investissement sous forme de capital-actions et de capital de risque, la situation au niveau du capital de risque dans l'agroalimentaire est, quant à nous, décevante sous plusieurs aspects. Lorsqu'on l'évalue par rapport au capital de risque total, la part de cette tarte investie dans l'agriculture est bien inférieure à la part de l'agriculture dans l'économie canadienne.
Le développement de l'industrie passe par divers cycles et, à chacun de ceux-ci, du capital de risque est requis. Les intervenants actuels en capital de risque sont limités, tant en nombre qu'en capacité financière. Quant à nous, il serait important et conséquent que, pour réaliser sa mission, la Société du crédit agricole offre ce type de financement. Là aussi, l'expertise et la profonde connaissance de l'industrie de la société lui permettent de bien évaluer le risque sous-jacent à ce type d'investissement et d'être un intervenant important, comme catalyseur, partenaire et expert-conseil dans le développement, pour qu'on puisse passer à travers les divers cycles de croissance et de développement.
Par ailleurs, compte tenu de nos sources, je ne peux éviter, sans que ce soit une mise en garde, de vous faire part du fait que des joueurs importants dans tous les créneaux de l'industrie sont des coopératives. L'intervention devra donc reconnaître les particularités de celles-ci, à la fois dans la forme d'investissement et dans la rémunération du capital de risque ou du capital-actions. La coopérative, au même titre que les autres formes d'organisations, a besoin de capital et ne doit pas se retrouver sur la voie d'évitement à cause de ses spécificités.
Une offre de services globale, qui ait une composante équité, est un ingrédient essentiel pour promouvoir, orienter et soutenir le développement de l'agroalimentaire canadien. L'implication de la Société du crédit agricole dans ce champ d'activité pourrait attirer d'autres groupes, par le biais de partenariats et d'alliances, et ainsi avoir un effet multiplicateur sur le niveau global d'investissement en capital de risque dans l'industrie agroalimentaire.
Dans le même ordre d'idées, nous considérons très favorablement l'entente et le partenariat entre la SCA et la Banque de développement du Canada. En effet, on croit que la synergie des expertises des deux organisations, l'une dans le domaine de l'agriculture et l'autre de la capitalisation des petites et moyennes entreprises, devrait être très favorable au développement des affaires agroalimentaires et à la création d'alliances, de réseaux ou de noeuds de développement de l'industrie.
• 1555
Quant à la capacité de créer et d'être partie
prenante à des structures de financement indirectes et
complexes, une loi ne doit pas nécessairement être en
avant de son temps, mais doit reconnaître les pratiques
d'affaires courantes et promouvoir celles pouvant
faciliter l'atteinte de ces objectifs.
L'essentiel des modifications vise donc à ce que la SCA puisse oeuvrer sur un pied d'égalité, ainsi qu'à lui donner la flexibilité et l'adaptabilité nécessaires à l'environnement actuel et futur de l'agroalimentaire.
Le président: Merci bien, monsieur Noiseux.
[Traduction]
Comme c'est votre province qui est représentée aujourd'hui, Marcel, et étant donné votre expertise dans le domaine de l'agriculture, nous vous invitons à être le premier intervenant cet après-midi.
[Français]
M. Marcel Gagnon (Champlain, BQ): Merci, monsieur le président.
Déshabitué que j'étais d'entendre d'abord le français, j'avais mis mon écouteur un peu trop loin.
Je dois vous dire, monsieur Noiseux et monsieur Harel, que c'est avec un grand plaisir que je vous reçois ici, à Ottawa, et que je vous entends vous exprimer en français. C'est assez rare qu'à ce comité, je ne sois pas obligé de prendre l'écouteur pour avoir l'interprétation, même si on a un très bon service d'interprétation.
Vous semblez, en général, être assez d'accord sur la nouvelle Loi sur la Société du crédit agricole et vous avez mentionné qu'on vous avait consultés il y a une couple d'années, au début de l'élaboration de ce projet de loi.
Vous parlez aussi de la façon dont la société veut élargir les possibilités, en amont et en aval de l'agriculture, c'est-à-dire réunir le producteur agricole, les industries qui sont à la base et qui sont les fournisseurs de l'agriculteur, et aussi les industries de transformation. Vous avez également mentionné, si j'ai bien compris, qu'il y avait encore un manque de capital de risque. La société vient combler un vide dans ce sens-là, là où il y avait un manque de concurrence, si j'ai bien compris.
Pouvez-vous élaborer là-dessus?
M. Paul Noiseux: Votre question a deux volets, si ma compréhension est bonne. Je veux bien comprendre. Il y a le volet du financement et celui du capital de risque.
Au sujet du capital de risque, je ne pense pas qu'il va y avoir accroissement de la concurrence parce qu'il n'y a à peu près pas de concurrence. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas, mais très peu des intervenants fi secteur du capital de risque ont une vision d'investissement dans l'agroalimentaire, ce qui fait que notre industrie est obligée de se rabattre sur des organismes financiers qui sont centrés sur l'investissement dans l'agroalimentaire. Il n'y en a pas beaucoup, que ce soit dans le domaine privé, dans le domaine public ou dans le domaine parapublic.
Les besoins de l'industrie en matière de capital de risque sont beaucoup, beaucoup plus grands que ce qu'il y a de disponible. Donc, une offre supplémentaire n'entraînera pas un accroissement de la concurrence. Ça ne pourra être qu'un baume sur un mal qui est très important dans l'industrie.
M. Marcel Gagnon: Est-ce que vous trouvez que la société va assez loin? Est-ce qu'il y aurait possibilité d'en faire davantage pour augmenter la disponibilité du capital de risque?
M. Paul Noiseux: Le mandat de la société est de fournir des instruments financiers et des services connexes pour le développement de l'industrie alimentaire. Elle doit faire un pas important. Maintenant, est-ce qu'il doit être majeur? Ce sera au gouvernement ou au législateur de définir les enveloppes budgétaires. Nous ne sommes pas au courant de la répartition de ces enveloppes. Est-ce qu'un arbitrage pourra se développer dans le temps entre le financement et le capital de risque? Cela dit, c'est dans le domaine de la mise en oeuvre, dans le domaine de ce qui sera permis.
• 1600
Pour répondre à votre question, compte tenu de
la situation de l'industrie et du fait que
la société n'est pas
dans le capital de risque, répondre qu'on va
être dans le capital de risque constituerait un grand
pas. Maintenant, est-ce que la société seule pourrait
assumer l'ensemble des besoins en capital de risque?
Je ne le pense pas, et je ne pense pas non plus
qu'il serait souhaitable que tout le fardeau soit supporté
par la société et que tous
les besoins soient à sa charge.
Mais, comme pour beaucoup d'autres choses, on pense qu'avec le temps, ça va avoir un effet d'entraînement et qu'il va y avoir moyen de développer des affaires. Être dans le capital de risque, dans les actions, c'est être au coeur des affaires de l'entreprise. À ce moment-là, comme pour toute chose, c'est à faire des affaires qu'on développe des affaires. C'est notre lecture de la situation. On espère que, dans ce cadre-là, il y aura un effet multiplicateur. Sans dire que ce sera l'effervescence, on espère qu'on aura au moins la preuve que d'autres joueurs auraient intérêt à étudier la possibilité de faire un investissement en capital de risque dans l'agroalimentaire et qu'on pourra croire que c'est une industrie qui est porteuse d'avenir, une industrie qui a la capacité de rentabiliser le capital de risque. Cela ne sera probablement pas, peut-être jamais, au même niveau que d'autres industries, mais le niveau de risque n'est pas le même, et ça doit s'intégrer.
M. Marcel Gagnon: Si je vous comprends bien, ça pourrait inciter d'autres acteurs à s'impliquer davantage dans le capital de risque.
Actuellement, un des gros problèmes du financement des fermes est, entre autres, la venue des quotas de production. Les quotas de production se transigent maintenant à un prix assez fort. Le ministre nous a dit que la société finançait le quota de production sur sept ans. Considérez-vous que le financement des quotas de production sur sept ans, compte tenu du prix des quotas, correspond à ce qu'il vous faut? Est-ce que ça devrait être sur une période plus longue? Qu'en pensez-vous?
M. Paul Noiseux: Au départ, je ne dis pas nécessairement que le fait que ce soit financé sur sept ans ou sur dix ans doit être le seul critère quant au financement des quotas. Dans la réflexion ou dans le montage du financement des quotas, à un moment donné, durant la période de financement—et il y a plusieurs «si»—, ce qui est important, c'est de reconnaître dans le financement que, quand ces quotas continuent à prendre de la valeur, on peut refaire l'étalement sur une période beaucoup plus longue, parce qu'il y a alors une confirmation que cet actif a une valeur et qu'il est porteur d'une valeur pour une période plus longue. Donc, cette réalité qu'est le quota doit être prise en considération.
Il est difficile de dire dès le départ que si dans sept ou dix ans cet actif-là vaut moins cher, effectivement, en mettant une période qui réduit les dettes ou les passifs qui y sont rattachés, il y a un mécanisme qui rembourse. Mais la contrepartie, c'est que si la réalité n'est pas celle-là, on doit permettre l'ouverture pour soulager, parce qu'il y a des faits qui confirment que l'actif a une valeur et donc qu'il est capable de porter une dette, et que cette dette pourrait être étalée sur une période plus longue.
Est-ce que c'est seulement la période de sept ans ou est-ce que c'est l'ensemble de la gestion du financement de ces actifs? Je pense que c'est un tout. Il ne s'agit pas uniquement de dire que c'est sept ans.
M. Marcel Gagnon: C'est l'ensemble de la ferme.
M. Paul Noiseux: C'est...
M. Marcel Gagnon: L'ensemble du capital.
M. Paul Noiseux: C'est l'ensemble du capital, la situation financière globale de la ferme.
Le président: Marcel, non...
M. Marcel Gagnon: C'est déjà fini?
[Traduction]
Le président: Vous aurez un autre tour plus tard.
Garry.
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, AC): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je voudrais tout d'abord remercier nos témoins de leur présence aujourd'hui. Je crois comprendre que vous appuyez le projet de loi, et je voudrais donc susciter votre réaction à une question en particulier.
• 1605
Les objectifs du projet de loi C-25 ne seront peut-être pas
atteints si ce dernier permet à la Société du crédit agricole
d'élargir ses services sans faire l'objet des contrôles qui l'ont
toujours visée jusqu'à présent dans l'exercice de ses
responsabilités. La Société voudra peut-être assurer des services
dans d'autres domaines, alors que le projet de loi ne lui confie
pas vraiment le mandat de continuer à mener les activités qu'elle
a toujours menées jusqu'à présent.
Autrement dit, elle va peut-être prendre de l'expansion dans de nouveaux secteurs et oublier sa vraie raison d'être. Par exemple, elle pourrait commencer à desservir de très gros clients, et même des sociétés transnationales. Ainsi la Société pourrait se fixer comme principal objectif d'enregistrer des bénéfices, et ce faisant, oublier les exploitations agricoles familiales. En fait, je ne crois pas que ces dernières soient même définies dans la loi.
Est-ce que cette possibilité vous inquiète? Quels amendements faudrait-il apporter au projet de loi pour s'assurer que la Société ne perde pas de vue son mandat original, qui est de desservir les producteurs primaires? Je pourrais vous donner d'autres exemples—autant les mentionner tout de suite. Je vais tout vous dire et ensuite vous laisser réagir.
La SCA pourrait décider de devenir propriétaire foncier. D'après ce que j'ai pu voir, ce ne serait pas exclu. Mais l'effet sur les agriculteurs et le prix des terres agricoles pourraient être fort préjudiciables. Le prix des terres pourrait augmenter si la Société se transforme en concurrente. Elle pourrait concurrencer les caisses de crédit ou les caisses populaires au Québec. Ceci pourrait avoir des conséquences très négatives. J'aimerais donc savoir si vous avez des préoccupations à cet égard?
Donc, j'aimerais savoir ce que vous pensez de tout cela et que vous indiquiez s'il faut, à votre avis, que le projet de loi soit modifié pour garantir que la Société continuera de jouer son rôle traditionnel.
M. Paul Noiseux: Pour répondre à votre question, ce qui nous inquiète le plus—et c'est justement une des préoccupations dont je voulais faire part au comité—c'est une situation où la Société, on peut supposer, aurait un certain montant à investir chaque année. Je suppose qu'elle continuerait à faire ce qu'elle fait aujourd'hui, par le biais de ce nouveau service financier élargi, car à notre avis, cela ne change pas vraiment son mandat ou sa mission fondamentale. Il y a diverses façons de remplir cette mission. Il y a moyen de faire les choses indirectement, en plus d'offrir des services directement aux entreprises agricoles.
À mon avis, c'est une observation importante, car l'environnement évolue, et on a besoin d'organismes forts, quelle que soit leur taille. Il y a un effet d'attraction ou d'incitation, selon où l'on se place dans la chaîne.
Mais pour répondre à votre question précise, supposons que le montant que vous ayez à investir pour soutenir la croissance de tous les secteurs au Canada soit le même. Avec ces crédits, vous avez certains choix à faire, si la demande est beaucoup plus forte que les sommes disponibles. C'est là qu'intervient la question de l'arbitrage—ou plutôt du choix. Je ne vais pas parler d'«arbitrage»; je vais plutôt parler de «choix». À un moment donné, cela devient bien plus utile d'investir dans les capitaux. L'organisme jouit ainsi de plus de poids sur le plan financier, et d'un plus grand pouvoir multiplicateur que ne serait le cas s'il faisait cavalier seul.
En même temps, vous tirez davantage profit de ces crédits ou de cet investissement. C'est quelque chose sur laquelle nous insistons beaucoup—c'est-à-dire d'accroître la marge de manoeuvre de la société pour qu'elle puisse moduler selon les besoins, étant donné que certains segments du secteur agroalimentaire ont plus de difficultés que d'autres.
En ce qui nous concerne, c'est très important, parce qu'en fin de compte, on pourrait vouloir tenir compte uniquement du court terme, mais il faut absolument avoir une vision à moyen et à long termes. Quand il s'agit d'investissement de capitaux ou de mesures importantes, il faut une vision à plus long terme qu'il ne le faut si on se contente d'apporter des corrections ici et là ou de viser uniquement le court terme.
• 1610
Pour l'instant, nous n'avons pas d'opinion tranchée sur ce qui
devrait se produire dès lors qu'on permet à ses capitaux d'être
investis et qu'on présente une demande de prêt—on ne sait pas
exactement comment ce serait administré. Mais nous estimons qu'il
y a suffisamment de place pour permettre ce genre de chose. Pour
nous, cette industrie est suffisamment vaste pour permettre à
d'autres intervenants, qui ont des connaissances approfondies de
l'agriculture et de l'investissement—et surtout de
l'investissement des capitaux—de jouer un rôle. En fait, c'est
vrai pour tous les secteurs, que ce soit au niveau de la ferme, de
la distribution ou... Les besoins existent à tous les niveaux.
Le fait qu'il existe des besoins importants à un certain niveau ne veut pas dire qu'il sera plus difficile de satisfaire les besoins moins importants d'autres entreprises ou exploitations agricoles qui ont besoin d'argent. Plus vous montez dans la chaîne, moins il y a d'acteurs. La tendance est la même au niveau des fermes: les fermes deviennent de plus en plus grandes. Nous assistons actuellement à une concentration et à un regroupement, et cela touche même la définition de la ferme ou de la ferme familiale. Il n'y a pas de différence. On ne peut en conclure que du train où vont les choses, tout le monde cherche un intérêt plus important et a donc nécessairement des besoins plus importants en matière de financement.
Le président: Garry, avez-vous d'autres questions?
M. Garry Breitkreuz: C'était la principale question que je voulais poser.
Le président: Je vais donc passer de l'autre côté, et ensuite, ce sera de nouveau votre tour.
Claude, voulez-vous...?
[Français]
Voulez-vous poser une question? Oui?
M. Claude Duplain (Portneuf, Lib.): Puis-je passer tout à l'heure, monsieur le président?
[Traduction]
Le président: C'est votre tour, oui. Vous préférez passer tout à l'heure?
M. Claude Duplain: Oui, tout à l'heure.
Le président: Murray?
M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je suis en train de regarder les questions et réponses. Je suppose que la première question qui me vient à l'esprit est celle-ci: Vu le mandat de la Société du crédit agricole, quelle est la différence entre la SCA et les banques à charte en réalité?
M. Paul Noiseux: J'espère qu'en fin de compte, il n'y aura plus une très grande différence.
M. Murray Calder: Ah, bon. D'accord.
M. Paul Noiseux: Si vous me permettez d'expliquer, je vous dis cela surtout parce que vous parlez des grandes banques. Réfléchissons deux secondes au nombre de grandes banques qui consentent des prêts aux entreprises agricoles et investissent dans le secteur agroalimentaire. En fin de compte, il faut s'assurer que les institutions qui sont à la disposition de la collectivité et des entreprises agroalimentaires sont suffisantes pour répondre à leurs besoins financiers. En ce qui nous concerne, il n'y a pas suffisamment de croissance sur le plan du nombre de banques qui deviennent actives dans le secteur agroalimentaire. En fait, il n'y a pas de croissance du tout. Dans le secteur des banques aussi, une consolidation s'opère à l'heure actuelle.
M. Murray Calder: Très bien. Pour les besoins de mon exploitation agricole, je traite avec la Banque royale. Du point de vue des prêts hypothécaires, etc., je sais que je peux obtenir une hypothèque à un taux inférieur à la Banque royale, comparativement à la Société du crédit agricole. Ma question est donc celle-ci: Si tel est le cas, pourquoi voudrais-je m'adresser à la Société du crédit agricole? Ses services me coûtent plus cher.
M. Paul Noiseux: Mais si vous n'êtes pas en mesure de faire ça...
M. Murray Calder: Oui, d'accord. Il y a donc une différence. Autrement dit, si je ne peux pas m'adresser à la banque, je peux toujours frapper à la porte de la Société du crédit agricole. Si la banque me refuse, pourquoi la Société du crédit agricole...?
M. Paul Noiseux: Ou vous pourriez vous adresser à une autre banque.
M. Murray Calder: Oui, une autre banque.
M. Paul Noiseux: Oui, une autre banque. En fin de compte... pour pouvoir jouer le jeu, la Société devra se conformer aux règles fondamentales, disposer de cartes et de tout ce qui lui permettra de jouer le jeu du financement aux côtés des banques. Cela ne peut pas marcher autrement.
• 1615
Ou encore, comme je le disais il y a quelques minutes, la
banque n'est peut-être pas disposée ou prête à répondre à tous les
besoins qui existent à des taux concurrentiels. On veut surtout
éviter une situation où les gens se trouvent le dos au mur parce
qu'ils n'ont aucun autre choix.
M. Murray Calder: Êtes-vous en train de me dire que la Société du crédit agricole serait intéressée ou disposée à établir un partenariat avec une banque? Permettez-moi de vous donner un exemple concret. Supposons que mon avoir propre fasse l'objet d'un prêt hypothécaire que m'a consenti la banque et que j'aie besoin d'une marge de crédit. La Société du crédit agricole serait-elle prête à établir un partenariat avec la banque? Autrement dit, vous, vous m'accordez la marge de crédit, et ce partenariat...
M. Paul Noiseux: C'est justement le genre de partenariat qui existe entre la Société et nos banques.
M. Murray Calder: Très bien. Formidable.
M. Paul Noiseux: À mon avis, elle a justement prouvé son désir de collaborer avec un groupe de banques, de se conformer aux règles et de faire le nécessaire pour participer à ce type de partenariat. Il faut nécessairement faire partie d'une équipe du moment qu'on parle de partage des coûts, de partage des risques, et de tout ce qui entoure les services bancaires. C'est ce que je vous expliquais au tout début de la réunion. C'est justement ce genre de relations que nous entretenons avec nos cinq banques, et la Société fait partie des cinq banques.
M. Murray Calder: Très bien. Le mandat confié à la Société au départ, soit en 1959, était de jouer le rôle de prêteur de dernier recours. De toute évidence, la SCA a évolué depuis lors. Dans quelle mesure, est-ce que cela tient toujours? Êtes-vous prêt à assumer plus de risque en consentant un prêt que n'accepterait une banque à charte, ou acceptez-vous les mêmes risques?
M. Paul Noiseux: À un certain moment, les mêmes règles s'appliquent.
Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Ces messieurs ne représentent pas la SCA.
M. Murray Calder: Ah, bon; excusez-moi. Je croyais parler aux représentants de la SCA.
M. Paul Noiseux: Merci d'être intervenue, car je ne comprenais vraiment pas l'objet de la question. Merci beaucoup.
M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Nous n'y comprenons pas grand-chose nous-mêmes.
Des voix: Oh, oh!
M. Murray Calder: Oui. Merci, Rick. Je vais m'arrêter là, monsieur le président. Mes excuses.
M. Paul Noiseux: Je pourrais tout de même répondre. Ça serait de l'argent facile.
Le président: Je ne sais plus qui a les joues les plus rouges, vous ou Rose-Marie.
Dick.
[Français]
M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.
Y a-t-il des aspects du crédit-bail qui le rendent plus avantageux que l'achat pour les agriculteurs? Quelle est l'opinion de votre coopérative à ce sujet?
M. Paul Noiseux: Vous demandez si certaines acquisitions d'actifs seraient mieux financées par crédit-bail que par crédit à terme?
M. Dick Proctor: Oui.
M. Paul Noiseux: Je pense que oui. Cela peut permettre à une entreprise qui n'a pas la capacité financière, compte tenu de son endettement, de se procurer un actif de réagir rapidement et de se le procurer. Le crédit-bail a ses propres institutions financières, ses propres règles, et des intervenants seraient prêts à faire appel à un crédit-bail. Il ne s'agit pas de sociétés ou d'entreprises qui sont en mauvaise situation financière. Tout simplement, les ententes qu'elle ont actuellement avec leurs institutions financières font en sorte qu'elles ont très peu de jeu par rapport au... [Note de la rédaction: inaudible] ...ou à d'autres éléments qui régissent les prêts entre le créancier et l'entreprise. Le crédit-bail est donc quelque chose qui vaut la peine d'être considéré.
• 1620
De temps à autre aussi, il faut
examiner les
conditions financières des crédits-baux,
compte tenu de certains avantages fiscaux, compte tenu
aussi de certaines entreprises qui ont un effet
portefeuille. Comment leur risque est-il perçu
et intégré dans leur portefeuille? Cela
peut être différent du
risque perçu par une banque ou une institution
financière lorsque le prêt est dans l'entreprise.
Ce n'est pas un automatisme, mais il ne faut pas non
plus oublier que, de temps en temps, le crédit-bail
peut être une avenue intéressante de financement.
On sait que ça s'applique surtout à des biens et équipements. À certains égards, ces équipements sont des marchandises qui peuvent être remises assez facilement sur le marché secondaire ou sur le marché de la revente. C'est un marché en soi.
M. Dick Proctor: Dans le reste du Canada, il y a une relation entre CU Lease, les credit unions et la Société du crédit agricole. Est-ce que la situation est la même au Québec? Y a-t-il une relation entre CU Lease...
M. Jean-François Harel: Oui, il y a une relation entre le financement et les coopératives...
M. Dick Proctor: Les caisses populaires?
M. Jean-François Harel: Les caisses populaires, mais les banques aussi. Toutes les institutions sont ouvertes au financement, à l'application de la Loi sur La Financière agricole du Québec.
M. Dick Proctor: Donc, ce sont les deux.
M. Jean-François Harel: Les institutions, les banques et les caisses populaires. Il est évident que les institutions financières au Québec sont fortement impliquées. La Banque Nationale et les caisses populaires sont fortement impliquées dans le financement de l'agriculture à la base. Les autres banques sont plus en amont et en aval présentement.
M. Dick Proctor: Merci.
[Traduction]
Le président: Merci, Dick.
Rick.
M. Rick Borotsik: Merci, j'ai quelques brèves questions à vous poser.
Je suis très heureux de pouvoir vous accueillir tous les deux au comité. Je crois savoir que votre organisme représente normalement non seulement les producteurs, mais les coopératives de la province de Québec. C'est bien ça?
Une voix: Oui.
M. Rick Borotsik: Vous avez parlé d'une centaine de coopératives de tout type, c'est-à-dire allant des agrofournisseurs aux éleveurs de porcins. C'est bien ça?
Une voix: Oui.
M. Rick Borotsik: Très bien. Vous voyez, Murray? C'est à ces gens-là qu'on a affaire cet après-midi, et non pas aux représentants de la SCA.
M. Murray Calder: Que Dieu vous bénisse.
M. Rick Borotsik: J'ai quelques questions à poser. D'après ce que vous avez pu observer chez vous, dans la province de Québec, les banques, disons les banques nationales, s'intéressent-elles moins au capital de risque ou au risque en général dans le secteur agricole? Avez-vous constaté qu'elles prennent un peu de recul? C'est ce qu'elles font dans d'autres secteurs. Sans vouloir vous faire dire des choses, êtes-vous d'avis que les banques sont encore assez disposées à financer les activités agricoles?
M. Paul Noiseux: Écoutez, prenons l'exemple de la Banque nationale. Elle n'est pas très active dans le domaine du capital de risque, mais tout comme les Caisses populaires Desjardins, elles participent très, très activement au financement de tous les secteurs agricoles au Québec.
M. Rick Borotsik: Elles sont très fortes, les caisses populaires.
M. Paul Noiseux: Ce sont les deux principales institutions. Selon l'évolution que nous observons actuellement dans le domaine agricole au Québec, les acteurs deviennent de plus en plus importants à chaque segment de la chaîne de valeur. Quand on pense à tous les différents maillons de cette chaîne, depuis la ferme jusqu'aux produits finis que nous consommons, eh bien, nous constatons que les fermes deviennent de plus en plus grandes...
M. Rick Borotsik: Cela prend énormément de capitaux, oui.
M. Paul Noiseux: ... ou encore constituent des réseaux. Elles essaient de devenir plus grandes grâce à leur organisation structurelle, plutôt qu'à la propriété directe. C'est la même chose au niveau des producteurs primaires et de la valeur ajoutée ou de la surtransformation.
Le problème n'est pas qu'elles ne veulent pas en faire partie. C'est qu'elles sont de plus en plus exposées au risque, étant donné que les risques sont concentrés puisqu'il y a de moins en moins d'acteurs, et c'est là que la règle de gestion du risque... Elles doivent bien se rendre compte qu'elles ne peuvent pas nécessairement répondre à tous les besoins d'une société agricole, et c'est là qu'il faut pouvoir s'adresser à plus d'un groupe.
M. Rick Borotsik: D'accord. Je me permets de vous interrompre parce que le président surveille de près mon temps de parole. Votre dernier commentaire m'amène directement à ma prochaine question.
• 1625
Vous avez parlé d'un consortium bancaire qui a travaillé avec
votre organisme. Est-ce bien de ça que vous parlez—c'est-à-dire
d'un consortium bancaire—oui, c'est certainement ça le bon
terme—où les diverses banques partagent les risques que présentent
certains des plus importants projets d'immobilisations?
M. Paul Noiseux: C'est-à-dire qu'elles assurent une partie du financement que requiert notre organisme.
M. Rick Borotsik: À votre avis, la SCA fera-t-elle désormais partie de ce consortium bancaire, étant donné qu'elle aura des pouvoirs accrus et pourra élargir ses services?
M. Paul Noiseux: En ce qui nous concerne, si nous frappons à la porte de la Société—car nous appartenons aux entreprises agroalimentaires et avons de profondes racines dans ce secteur—c'est parce que nous sommes convaincus que la Société peut répondre à certains de nos besoins; c'est pour cela qu'on s'adresse à elle.
M. Rick Borotsik: Oui, je comprends. Je suis entièrement d'accord avec vous.
Cela m'amène donc à ma dernière question. Peut-être que vous pourriez nous donner d'autres précisions à ce sujet. Si je ne m'abuse, vous avez dit qu'en ce qui vous concerne, il pourrait éventuellement y avoir une alliance entre la Banque de développement du Canada et la SCA. Ai-je raison de penser que vous avez fait un lien entre les deux?
M. Paul Noiseux: Il en est question dans les documents, mais je n'étais pas au courant de cette possibilité. Je vais donc me contenter de vous communiquer nos vues sur la question. Hier il nous est venu à l'esprit cette idée-là. Quand on examine la nature des activités des deux organismes, on constate que d'une part, on a l'expertise de la Société, et si cette dernière devient plus active dans le domaine de l'investissement de capitaux, et s'il est possible de s'entendre avec la BDC, qui s'occupe de ce genre d'investissements depuis très longtemps, on se rend compte qu'il serait possible de créer une bonne synergie grâce au regroupement de ces deux types d'expertise—c'est-à-dire l'agroalimentaire du côté de la Société du crédit agricole, et l'investissement dans les petites fermes ou les petites entreprises en général du côté de la BDC. En ce qui nous concerne, il serait possible de les fusionner. Si vous vous y prenez de manière à assurer une bonne stabilité qui en profite aux deux organismes, eh bien, ce sera avantageux pour les entreprises et pour le secteur agroalimentaire.
Le président: Merci. Je ne reviens pas de votre ponctualité—cinq minutes et environ deux secondes. Je constate une grande amélioration.
David, avez-vous des questions à poser?
M. David Anderson (Cypress Hills—Grasslands, AC): Nous savons tous que le secteur agricole a besoin de financement et à quel point ce financement peut être limité, notamment pour les producteurs primaires. Ce projet de loi réoriente les priorités de la SCA de sorte que l'accent sera désormais mis sur les entreprises ayant des activités agricoles, plutôt que sur les producteurs primaires. Malgré ce qu'on peut dire là-dedans, je pense que nous reconnaissons tous que c'est ça l'effet de ce projet de loi. Je crains donc qu'en ce qui concerne le portefeuille de la SCA, là aussi, on mettra désormais l'accent sur les entreprises agricoles, plutôt que sur les producteurs primaires. Un producteur individuel qui cherche du financement s'adresse normalement à une seule institution de crédit, et c'est cette dernière qui lui prête l'argent dont il a besoin. Quand il s'agit de projets de plus grande envergure, il peut y avoir le genre de partenariats dont vous avez parlé tout à l'heure et sur lesquels vous avez voulu insister aujourd'hui, étant donné que cela vous semble particulièrement intéressant.
Ce projet de loi ne me donne pas d'assurances que les producteurs primaires seront protégés. J'aimerais donc savoir si à votre avis, ce projet de loi comporte une protection pour les producteurs primaires—et là, je ne parle pas des grandes entreprises agricoles qui bénéficieront de financement une fois que ce projet de loi aura été adopté.
M. Paul Noiseux: Au début de la séance, nous avons affirmé que la mission fondamentale de la Société doit être et continue d'être le financement des activités liées à la production primaire. Nous sommes fermement convaincus que cette mission doit rester inchangée. Quels contrôles faudrait-il? Quelles mesures devraient être prises? Eh bien, malheureusement, je ne peux pas offrir de réponses à ces questions pour l'instant. Je vous dis simplement que le fait d'élargir ses activités, au-delà de son domaine d'investissement normal, même si ces investissements-là sont aussi importants que ceux dont vous parlez, présente des possibilités très intéressantes. Quand vous mettez tous ces éléments ensemble, vous obtenez beaucoup plus que si vous vous contentiez de faire une seule chose à un seul niveau. Deuxièmement, il s'agit d'administrer les activités de manière à ne pas créer trop d'arbitrage entre les secteurs. Ce que j'essaie de vous dire, c'est qu'entre le financement et les capitaux, il y a l'investissement.
M. David Anderson: Oui, je comprends très bien. Je me rends compte également que les institutions de crédit préfèrent de loin consentir un prêt important de 10 millions ou de 20 millions de dollars, disons, surtout si elles ont d'autres partenaires financiers, que de prêter de petits montants à des producteurs qui auront peut-être du mal à rembourser leurs prêts. Par conséquent, j'ai l'impression que cet élargissement de ses pouvoirs et de ses activités fera que la SCA consentira de plus en plus de prêts pour des projets de grande envergure et prendra donc ses distances par rapport aux producteurs primaires. Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose.
Je n'ai plus de questions à poser.
Le président: Monsieur Hilstrom.
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, AC): Pourriez-vous brièvement me citer un exemple, sans donner de raisons sociales, d'une caisse populaire ou d'une banque qui aurait refusé de participer à un projet commercial d'un membre de votre coopérative? Êtes-vous en mesure de me citer un exemple et de m'indiquer pour quelles raisons le financement demandé a été refusé?
M. Paul Noiseux: Notre propre organisme est un bon exemple.
M. Howard Hilstrom: La coopérative. Très bien. Pour quel projet avez-vous demandé un prêt et quelles étaient les circonstances précises de votre demande?
M. Paul Noiseux: Deux banques qui faisaient partie de notre groupe de financement ont décidé en 1999 de ne plus traiter avec les entreprises agroalimentaires—deux banques—dans un cas, parce que la banque quittait le Canada, ce qui est facile à comprendre, et dans l'autre cas, parce que la banque concernée était d'avis que le secteur agroalimentaire ne correspondait plus à ses priorités commerciales. Donc, nous sommes aux prises avec ce problème. Certaines coopératives sont dans la même situation.
M. Howard Hilstrom: Donc, vous négociez des prêts pour des entreprises qui font partie de votre coopérative? Je ne comprends pas très bien. Vous dites que vous faites des prêts, en collaboration avec ces partenaires?
M. Paul Noiseux: Non, ce sont des banques qui nous consentaient des prêts. Vous m'avez demandé si je pouvais citer des exemples de banques...
M. Howard Hilstrom: Oui.
M. Paul Noiseux: ... qui auraient abandonné ce secteur? Ce que j'essaie de vous dire...
M. Howard Hilstrom: Qu'aviez-vous l'intention de faire avec ces fonds et de quelle somme s'agissait-il?
M. Paul Noiseux: C'était moi qui devais de l'argent; ce n'est pas moi qui donnais l'argent aux autres.
M. Howard Hilstrom: Ah, bon.
M. Paul Noiseux: Deux banques qui nous avaient accordé une marge de crédit ont décidé de se retirer de notre secteur d'activité.
M. Howard Hilstrom: Et le cas précis...
M. Paul Noiseux: De plus, certaines banques ont progressivement diminué le montant qu'elles étaient prêtes à nous accorder sous forme de prêts. Certaines coopératives qui sont membres de la Coopérative fédérée de Québec se sont retrouvées dans la même situation.
M. Howard Hilstrom: Avez-vous déjà demandé à la SCA d'intervenir, et a-t-elle accepté de le faire?
M. Paul Noiseux: Non. Dans ce cas précis, quand cela s'est produit en 1999, nous avons examiné la question des institutions de crédit aux banques qui pourraient faire partie d'un éventuel regroupement, car nous nous adressons à plus d'une banque pour satisfaire nos besoins, et c'est là qu'il nous est venu à l'idée d'envisager d'incorporer la SCA dans ce groupe pour assurer une partie de notre financement.
M. Howard Hilstrom: Permettez-moi de vous expliquer ce dont je parle, pour que ce soit bien clair. Si je vous ai posé cette question, c'est parce que les représentants de la SCA sont venus nous dire que leurs prêts doivent faire l'objet d'une garantie raisonnable, tout comme pour une banque. C'est pour cela que nous nous demandons en quoi ce serait avantageux que la Société du crédit agricole élargisse ses activités bancaires, étant donné qu'elle fait déjà essentiellement la même chose, applique les mêmes taux, exige les mêmes garanties et refuse de prendre plus de risque? Ils nous ont déjà expliqué l'histoire du partenariat, mais je voulais que vous compreniez pour quelle raison je vous avais demandé des exemples.
M. Paul Noiseux: Mais quand nous négocions avec la SCA ou avec d'autres banques, c'est toujours la même chose. Autrement dit, à mon avis, elle est obligée de suivre les mêmes règles. Du moment qu'on fait partie d'un groupe, on doit...
Le président: Merci.
M. Howard Hilstrom: Merci, monsieur le président.
Le président: Il n'est pas rare que les banques décident de se spécialiser dans certains secteurs, comme l'expliquait M. Noiseux. Et une banque peut très bien décider qu'elle n'a plus envie d'investir davantage ou d'accorder plus de crédit dans tel secteur, telle province, ou telle région. Je suppose que vous parlez surtout de crédit de fonctionnement, plutôt que d'hypothèques et d'actif, n'est-ce pas?
M. Paul Noiseux: Je parle des deux.
Le président: Des deux.
M. Paul Noiseux: Je parle de crédit financier, ou de crédit à terme, qui peuvent englober le financement d'actifs, d'hypothèques ou de terrains.
Le président: Monsieur Noiseux, le point que vous soulevez est très pertinent pour le comité, car moi-même j'ai connu des situations de ce genre, où la banque décide d'écrire un jour au responsable d'une entreprise pour lui annoncer que son secteur d'activité ne l'intéresse plus et qu'elle compte réduire ses activités dans sa région. Évidemment, l'entreprise a encore besoin d'argent pour poursuivre ses activités et se trouve dans l'obligation de chercher ailleurs pour obtenir ce financement.
[Français]
Claude, êtes-vous prêt?
M. Claude Duplain: Bonjour, messieurs. Ça fait plaisir de voir des gens de Québec. Si j'ai bien compris, vous semblez être en faveur du projet de loi, surtout en matière de capital de risque. On sait que les besoins en capital dans le milieu agricole sont très importants.
J'ai deux questions. Pourquoi le capital de risque n'est-il pas lui-même attiré par le milieu agricole? Comment la Coopérative fédérée de Québec voit-elle la Société du crédit agricole par rapport à la Financière agricole du Québec? S'agit-il d'un rôle complémentaire ou concurrent?
M. Paul Noiseux: Quelle était votre première question?
M. Claude Duplain: Pourquoi le capital de risque n'est-il pas attiré par le secteur agricole? Il y a beaucoup de capital de risque, mais ce n'est pas un secteur...
M. Paul Noiseux: L'expression «capital de risque» l'exprime bien: fondamentalement, le capital de risque vise les situations où existe un risque accru ou un risque qui doit être assumé par le biais d'un investissement en capital. Ce risque doit être énuméré au même titre que le financement d'une entreprise en difficulté, entreprise qui va probablement requérir un coût de financement ou des taux d'intérêt plus élevés. Donc, en matière de capital de risque, la règle ou l'équation de base est la suivante: pour un risque donné, il faut s'attendre à un retour, à un rendement élevé, puisque dans l'ensemble des investissements effectués, certains ne seront pas récupérés.
Par le biais de ses investissements dans l'ensemble des secteurs industriels ou d'autres secteurs, l'industrie du capital de risque a certes des attentes. Les paramètres sont fixés selon un taux de retour sur le capital qui, dès le départ, est difficilement atteignable dans l'industrie agroalimentaire, surtout dans le secteur de la production primaire et de la transformation primaire, et même dans celui de la transformation secondaire. Dans bien des cas, les exigences et les attentes de rendement sur ce capital de risque excluent dès le départ l'investissement dans ce type d'industrie. En contrepartie, lorsque comparés à d'autres investissements dans d'autres industries à risque plus élevé, ces risques sont, à certains égards, de beaucoup inférieurs.
M. Claude Duplain: C'est cela.
M. Paul Noiseux: Mais les institutions à capital de risque, elles aussi, n'ont pas un capital illimité. Alors, je présume qu'elles font la réflexion et prennent la décision...
M. Claude Duplain: Mais, au Québec, on dit qu'il y a un surplus de capital de risque.
M. Paul Noiseux: ...d'investir dans des industries porteuses de rendement.
M. Jean-François Harel: Pas en agroalimentaire.
M. Paul Noiseux: Mais pas en agroalimentaire.
M. Claude Duplain: Comment voyez-vous la SCA par rapport à la Financière agricole du Québec?
M. Paul Noiseux: Ce sont deux institutions complètement différentes. Par rapport aux producteurs agricoles, donc à la production primaire, est-ce que ça peut être extrêmement différent ou pas différent? C'est difficile à dire parce qu'on ne connaît pas encore grand-chose de la Financière. On sait qu'elle a de l'argent. On sait qu'une partie de cet argent devra être capitalisée pour faire face à la couverture des programmes de protection des revenus. Une partie de ces fonds pourrait être utilisée pour du développement et de l'investissement. On entend dire qu'elle veut investir dans tous les secteurs de l'industrie agricole au Québec. Dans ce sens, cela n'est pas différent du projet de la SCA, l'intervention touchant tous les segments et tous les créneaux de l'industrie agricole. Je pense que ce volet est commun.
• 1640
Quelles seront les règles, quels seront les
les mécanismes que la Financière agricole mettra en
place dans ce
contexte d'investissement? Je
pense que c'est encore en voie développement et que
c'est loin
d'en être rendu à la mise en oeuvre. Quant à moi,
il semble clair que la Financière, elle
aussi, ne pourra pas être beaucoup à côté de ce
qui est offert sur le marché du financement. Je
pense que toute entreprise examine ce
qui est disponible et cherche dans cela
quelque chose qui rencontre
le plus ses exigences et ses attentes. Une de ces
exigences et de ces attentes, c'est assurément le coût
du financement ou, si c'est en capital, ce qui est
requis par rapport à
l'investissement.
Est-ce que ça répond à votre question?
M. Claude Duplain: Oui.
M. Paul Noiseux: As-tu des commentaires à ajouter, Jean-François?
M. Jean-François Harel: J'ai seulement un commentaire à ajouter.
M. Paul Noiseux: Il est plus expert que moi pour ce qui est de la Financière.
M. Jean-François Harel: J'ai vu qu'il y avait quelques inquiétudes par rapport au sous-financement éventuel de la ferme familiale. Je veux porter à l'attention des membres du comité le fait que même si l'on parle au nom la Coopérative fédérée, il s'agit d'un point commun dans l'agriculture canadienne. La présence coopérative est très forte dans le secteur agroalimentaire et de l'agriculture partout au Canada. Les coopératives, essentiellement, sont des entreprises qui appartiennent aux producteurs et qui interviennent en amont et en aval de la production. Donc, le financement est l'extension de la ferme. On appelle ça l'extension de la ferme. Permettre à la SCA d'investir dans l'extension de la ferme, c'est aussi aider la ferme familiale et le producteur qui est au centre de la formule.
C'est tout ce que je voulais ajouter.
[Traduction]
Le président: Merci, Claude.
Marcel, avez-vous...?
[Français]
M. Marcel Gagnon: Je vous remercie, monsieur le président.
Vous avez devancé un peu ma prochaine question.
Une voix: Excusez-moi.
M. Marcel Gagnon: C'est un fait qu'en élargissant le financement agricole... On voit actuellement la grosseur des entreprises agricoles, et c'en est presque apeurant. Quand on voit ce qui se passe en Europe actuellement, par exemple les épidémies de la fièvre aphteuse, entre autres, et que l'on voit l'ampleur de nos fermes, on se demande ce qui arriverait si jamais une maladie comme celle-là entrait ici.
Vous venez de parler de la ferme familiale. C'est un terme qui est presque passé, qui est presque démodé. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'essayer, à l'intérieur d'une loi de financement comme celle-là, de faire en sorte qu'au moins une partie du financement aille au maintien de l'entreprise familiale, de la ferme familiale?
Il y a aussi toute la question de l'environnement. On s'aperçoit de plus en plus que des accidents sont causés par l'immensité des fermes, même des accidents très graves à la nappe phréatique. L'avenir nous fait peur par rapport à cela aussi. Serait-il possible de baliser ces choses dans le financement, de façon à peut-être limiter un peu la grosseur des fermes, ou n'est-ce pas du tout dans le cadre du financement agricole que cela doit se faire?
M. Paul Noiseux: Je ne sais pas à quel point le mécanisme serait efficace pour limiter la grosseur ou la taille des fermes dans la mesure où cela se déroule en fonction d'impératifs économiques. Je dis bien des impératifs économiques.
L'accroissement de la taille des fermes—je ne suis pas un expert—résulte de quelque chose. Est-ce parce qu'il y a de moins en moins de personnes qui sont prêtes à prendre les fermes? Je parle de prendre au sens d'avoir le désir d'oeuvrer au sein de la ferme familiale, de la perpétuer et de s'en charger. Dans ce cas-là, je pense qu'il faudrait qu'il y ait des programmes très précis, très centrés sur le transfert de la propriété, le transfert de la relève. Est-ce que c'est la SCA qui devrait aborder ce question-là ou est-ce un problème beaucoup plus grand qui exige d'autres solutions de rechange et un soutien allant au-delà du financement? Est-ce que cela nécessiterait des mesures fiscales? En tout cas, il y a un ensemble d'éléments dans ce problème-là. Sans en faire le débat, je pense que la croissance de la taille des fermes est un problème de fond.
• 1645
Est-ce que le fait de mettre une limitation
va limiter? Je ne le sais pas et je suis loin de
croire que cela va avoir l'effet recherché.
Maintenant, votre question portait sur les problèmes environnementaux.
M. Marcel Gagnon: En fait, c'est à peu près le même problème.
M. Paul Noiseux: Est-ce le même problème quand on a, sur le même territoire, une grosse ferme ou quatre petites fermes qui ont les mêmes extrants environnementaux? Je n'ai pas la réponse.
M. Marcel Gagnon: On sait qu'une ferme de 10 000 porcs est l'équivalent d'une ville de 15 000 habitants en termes de rejets. C'est un propriétaire ou deux propriétaires qui administrent cette ferme, alors que dans la ville de 15 000 habitants, il y a un maire qui est élu et qui a des comptes à rendre.
Si je vous pose la question, vous allez peut-être me dire que ce n'est pas le rôle du financement, mais la société va aussi faire des plans et des suivis, et aider l'agriculteur à administrer jusqu'à un certain point ou le conseiller. Est-ce qu'il y aurait lieu, quelque part dans ce cadre, d'aider les gens à ne pas faire trop d'abus dans le sens de l'ampleur, de la grosseur?
M. Paul Noiseux: Je peux difficilement vous répondre là-dessus. J'aimerais bien avoir l'ensemble des éléments et la compétence pour...
M. Marcel Gagnon: En somme, ce n'est pas le rôle du financement. C'est à peu près ça.
M. Paul Noiseux: Je pense que c'est clair...
M. Marcel Gagnon: Oui, absolument. D'accord.
M. Paul Noiseux: ...que ce n'est pas le rôle du financement. Le financement est le résultat.
M. Marcel Gagnon: Je vais quand même en profiter pour le souligner, parce que c'est une inquiétude de plus en plus grande dans l'ensemble de la population.
M. Jean-François Harel: [Note de la rédaction: inaudible] ...fait partie de la réflexion avec le secteur agricole, et l'UPA est peut-être l'organisme le mieux placé pour répondre à cette question. Elle est déjà active dans le dossier. Cela implique un ensemble de mesures qui ne sont pas uniquement des mesures de financement.
M. Paul Noiseux: C'est toute l'application des fonds publics. Il y a une réflexion à faire, qui est plus large que celle qu'on peut faire ici.
M. Marcel Gagnon: C'était dans ce sens-là, en fait. Merci.
[Traduction]
Le président: Merci, Marcel.
Nous sommes passés des finances à la philosophie, et la philosophie est parfois un domaine difficile à approfondir en peu de temps.
M. Paul Noiseux: À moins que vous ne parliez de philosophie dans le domaine du financement.
[Français]
Le président: Paul et Jean-François, merci de votre présentation.
[Traduction]
Vos propos stimuleront certainement notre réflexion, et nous espérons que le résultat de tout cela... Si jamais vous avez des suggestions à nous transmettre par écrit, le greffier sera très heureux de les recevoir. Nous comptons faire progresser assez rapidement nos travaux, de manière à faire adopter le projet de loi avant les vacances parlementaires en juin.
Mais quoi qu'il en soit, nous vous sommes reconnaissants pour l'information que vous nous avez apportée au sujet de la situation dans la province de Québec, et pour le travail que vous y accomplissez dans le domaine de l'agriculture. Je passe par le Québec chaque semaine; je sais que l'agriculture est une composante importante de votre culture et de votre économie provinciale, et nous tenons absolument à soutenir cette industrie.
Je vais donc clore cette partie-là de notre réunion. Nous devrions sans doute nous réunir à huis clos brièvement pour examiner les demandes reçues des ministres de l'Agriculture du Manitoba et de la Saskatchewan, et pour examiner nos disponibilités pour organiser une rencontre avec le ministre.
Donc, encore une fois, merci infiniment de votre présence.