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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 1er novembre 2001

• 0912

[Traduction]

Le président (M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)): Bonjour à tous.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous tenons aujourd'hui une séance d'information sur l'énoncé de la Commission canadienne du blé concernant la production et la mise en marché de variétés de blé et d'orge génétiquement modifiées.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins.

Avant de les présenter, j'aimerais signaler certaines choses à l'attention du comité. La greffière et moi-même sommes allés au comité de liaison pour parler de déplacement de notre comité à trois régions: le Québec et l'Ontario; l'ouest du Canada; et la région de l'Atlantique. Nous avons divisé notre budget général en trois parties parce que le comité de liaison était à court d'argent. Suite à notre demande, nous avons obtenu du comité de liaison l'approbation de nous rendre en Ontario et au Québec, étant entendu de mon côté que les leaders à la Chambre accepteraient que nous entamions cette étape de notre déplacement en attendant que la Chambre fournisse plus d'argent aux comités.

On m'a signalé que nous n'avons toujours pas de fonds supplémentaires de la Chambre et que les leaders à la Chambre hésitent à approuver...

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC/RD): Monsieur le président, j'aimerais faire un rappel au Règlement. Je me demande si nous ne pourrions pas en traiter après. Nous n'avons que jusqu'à 11 heures, et peut-être que nous...

Le président: Si vous pouviez m'accorder simplement une minute, je vous en serais reconnaissant, monsieur Borotsik.

M. Rick Borotsik: Nos témoins sont ici, et je ne crois que ce soit le moment ni l'endroit. Il nous restera du temps après la réunion.

Le président: Je tiens à porter cette question à l'attention des membres parce que je ne veux pas que les membres quittent la réunion du comité sans savoir ce qui se passe. Je vous demanderais de bien vouloir faire preuve de patience.

Pour l'instant, nous n'avons pas l'approbation de la Chambre pour nous rendre en Ontario et au Québec.

Nous n'avons pas encore l'argent nécessaire pour nous rendre dans les deux autres régions.

Comme nous avons abordé cette question de façon assez tardive, j'aimerais demander au comité la permission de remettre à plus tard nos voyages en Ontario et au Québec car je ne veux pas que nous allions dans ces régions sans une certaine planification préliminaire. Donc, j'aimerais savoir, Rick, si les membres du comité comprennent la permission que je demande: si nous ne savons pas d'ici les prochains jours si nous avons la permission de voyager et de disposer de fonds suffisants pour convoquer des témoins et procéder selon les normes, nous devrions remettre à plus tard cette activité. Le comité se réunira la semaine prochaine, mais je tenais simplement à ce que vous sachiez que nous ne voulons pas faire les choses à moitié.

Je voulais aussi indiquer, Rick, que j'ai été invité à faire partie de la délégation canadienne qui se rendra à l'OMC. Nous avons des représentants de chaque parti qui participeront à cette mission commerciale. Si les membres du comité ont des questions en particulier qu'ils aimeraient que je présente, j'aimerais que vous me prépariez une brève présentation, peut-être simplement un paragraphe, pour m'indiquer ce que je devrais surveiller car il y a toutes sortes de questions en jeu. L'agriculture occupe une place importante sur la liste à moins que les événements de septembre en aient réduit l'importance. Mais si vous avez des préoccupations particulières, je vous demanderais de bien vouloir me l'indiquer à l'aide d'une brève note pour que je puisse, du moins je l'espère, m'acquitter de mes engagements en tant que président du comité.

• 0915

Toutes mes excuses, monsieur Ritter.

Soyez bref, Howard.

M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Alliance canadienne): La Commission est avec nous jusqu'à 11 h 30 donc ne nous énervons pas. Prenons un instant pour étudier cette question.

Le président: La Commission a jusqu'à 10 h 30 puis nous avons prévu une heure pour Canards Illimités, qui a jusqu'à 11 h 30.

M. Howard Hilstrom: Nous irons donc vite.

Ce que nous sommes en train d'étudier, comme l'indique le rapport provisoire de notre comité, c'est le rôle futur du gouvernement dans le secteur des céréales et des oléagineux. Je crois que notre comité doit se réunir très rapidement pour discuter en profondeur des fonds qui ont été consentis. Je sais que j'ai accepté que l'on accorde une plus grande priorité à l'Ontario et au Québec, mais c'était en partant du principe qu'on nous accorderait tous les fonds demandés. Je ne peux pas imaginer que nous allions en Ontario et au Québec plutôt qu'au sud de l'Alberta ou à l'ouest de la Saskatchewan. La récolte a été nulle là-bas. L'Ontario a réduit sa production d'environ 20 p. 100, et peut-être davantage, et le Québec s'est débarrassé d'un vieux problème sans compter le fait que cette province a le programme ASRA, le coût de production et ainsi de suite.

Je crois, monsieur le président, que nous devons examiner en profondeur ce qui s'est passé à la réunion du Bureau de régie interne, plutôt que de nous contenter des commentaires que nous avons entendus ce matin. Et j'aimerais qu'on ait l'occasion de le faire. Le Bureau de régie interne pourrait finir par décider que c'est tout l'argent que le Comité de l'agriculture va obtenir. Je ne crois pas qu'il serait sage de notre part de ne pas visiter les régions qui sont les plus durement touchées ou qui souffrent le plus de l'absence d'un bon programme de filet de sécurité.

Le président: Madame Tremblay.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Neigette-et-la Mitis, BQ): C'est au sujet du deuxième point que vous avez soulevé. On peut bien dire qu'on va vous fournir des notes ou des renseignements, encore faudrait-il avoir au moins une petite idée de ce que le Canada va défendre au Qatar. On n'en a pas la moindre idée.

J'aimerais bien qu'on tienne une réunion, la semaine prochaine, qui nous informerait au moins des positions que le Canada entend soutenir par rapport à l'agriculture. Quelles sont-elles? Est-ce qu'il vaut la peine qu'on s'arrête pour y réfléchir? Je pense qu'il vaut la peine qu'on en ait une idée. On ne le sait pas du tout.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie. Je prendrai ces deux questions en délibération.

Je voulais effectivement, Rick, obtenir la permission du comité de retarder ces voyages. Notre greffier est malade depuis quelques jours et ne sera pas de retour au travail avant lundi. Je voulais obtenir la permission du comité de remettre cette décision jusqu'à ce que nous obtenions des réponses plus claires.

Je tiens à vous présenter mes excuses, monsieur Ritter, ainsi qu'aux membres de la Commission canadienne du blé.

Nous devons tous parfois travailler à la hâte mais il faut s'assurer que le travail soit bien organisé.

Ken, je vous souhaite à nouveau la bienvenue. Vous êtes bien connu de notre comité. Vous êtes accompagné de deux personnes ce matin. Peut-être pourriez-vous nous les présenter.

Aujourd'hui, nous mettrons principalement l'accent sur les produits génétiquement modifiés.

M. Ken Ritter (président, Conseil d'administration, Commission canadienne du blé): Bonjour monsieur le président. Je tiens à vous remercier de l'occasion de vous entretenir aujourd'hui des biotechnologies et plus particulièrement de l'introduction de variétés génétiquement modifiées d'orge et de blé dans le cadre de la production agricole dans l'ouest canadien.

Je m'appelle Ken Ritter et je suis président du conseil d'administration de la Commission canadienne du blé, constitué de 15 membres, et l'un des 10 administrateurs élus par les agriculteurs. Je suis accompagné de Greg Arason, le président- directeur général de la commission; et de Patty Rosher, de notre service de développement des marchés qui s'occupe plus spécifiquement de la stratégie de la commission en ce qui touche aux biotechnologies. Si vous avez des questions très techniques à poser, Patty est la spécialiste qui pourra y répondre.

Dans la perspective de l'introduction probable de la première variété de blé génétiquement modifié, il est temps que l'industrie du grain et le gouvernement fédéral engagent une discussion franche et approfondie sur les risques et les opportunités qu'offrent les produits dérivés de ce secteur des biotechnologies.

• 0920

Nous avons choisi d'intituler notre présentation d'aujourd'hui «Des producteurs à l'écoute de leurs clients», dans la mesure où, probablement davantage que leurs concurrents sur les marchés du grain dans le monde, les producteurs de l'Ouest canadien sont véritablement à l'écoute de leurs clients. Ils ont de bonnes raisons de le faire étant donné qu'aucune politique protectionniste de leur gouvernement ne les protège des réalités du marché. Les producteurs savent pertinemment qu'ils doivent produire en fonction des besoins de leurs clients.

Greg Arason va d'abord faire un tour d'horizon sur le type de réactions que nous enregistrons de la part de nos clients au sujet du blé génétiquement modifié et puis décrira les initiatives que nous sommes en train de mettre en place pour répondre à ces préoccupations. Je reprendrai ensuite la parole pour vous donner la perspective des agriculteurs et expliquer comment ils souhaitent que le Canada réagisse dans ce contexte.

Greg.

M. Greg S. Arason (président-directeur général, Commission canadienne du blé): Je vous remercie et bonjour.

C'est en 1999 que la Commission du blé annonçait publiquement sa stratégie en matière de produits génétiquement modifiés, suivant les réactions obtenues de clients qui s'inquiétaient de l'arrivée possible d'une variété de blé génétiquement modifié. Nous reconnaissions à l'époque, et c'est toujours notre position aujourd'hui, les avantages que sont susceptibles d'apporter les biotechnologies non seulement à nos clients mais aussi aux producteurs d'orge et de blé de l'Ouest canadien.

L'objectif de la Commission du blé consiste à ce que l'introduction, la production, la manutention et la commercialisation de variétés d'orge et de blé génétiquement modifiées se fassent de telle façon qu'elles répondent aux besoins des clients et entraînent des avantages économiques nets et autres dividendes au bénéfice des producteurs d'orge et de blé de l'Ouest canadien.

Nos clients et près des deux tiers de nos marchés ont exprimé des réserves sur leurs futurs approvisionnements en blé génétiquement modifié. Ces réserves s'exprimaient directement à nos responsables du marketing—et directement à moi également—et le gouvernement réagissait en imposant des moratoires, des restrictions aux importations ou l'étiquetage obligatoire. D'autres clients se sont contentés d'enregistrer sans commentaire les réactions des consommateurs, des gouvernements et de la communauté internationale.

Je n'ai pas le temps de passer ici en revue les réactions de chacun de nos clients; je vais donc me contenter d'indiquer les réactions de nos principaux clients et de vous donner une idée de l'éventail des réactions qui nous sont parvenues.

D'une année sur l'autre, les meuniers canadiens demeurent le principal client des producteurs de l'Ouest canadien. Nos enquêtes sembleraient indiquer que le degré d'inquiétude concernant les OGM n'est pas aussi élevé au Canada que dans d'autres régions du monde. Il n'empêche que bon nombre de ces clients canadiens se trouvent également être exportateurs et une bonne partie de la farine produite au Canada se retrouve expédiée sur des marchés qui ont exprimé un degré d'hostilité plus ou moins élevé aux produits génétiquement modifiés.

Il convient cependant de noter que les discussions au Canada sur l'étiquetage de tout produit alimentaire à base d'ingrédients génétiquement modifiés suscitent beaucoup d'incertitude parmi les marchands de blé au Canada. La CCB s'est prononcée en faveur d'un système d'étiquetage volontaire à partir du seuil raisonnable de 5 p. 100 de tels éléments. Nous estimons par ailleurs que l'étiquetage au pays devrait se limiter aux produits obtenus à partir de plantes transgéniques et ne pas concerner les techniques traditionnelles, comme il a pu être suggéré. Une telle approche alignerait le Canada sur le reste du monde et garantirait que la programmation instituée pour répondre aux normes d'étiquetage au pays correspondrait aux normes internationales en la matière.

Pour que les consommateurs aient toute l'information et les choix qu'ils désirent, il faut à l'industrie canadienne du grain une politique de l'étiquetage bien définie et pertinente. Toute politique aléatoire en l'occurrence rendrait la ségrégation extrêmement difficile et par là compromettrait toute garantie aux transformateurs canadiens de l'intégrité des livraisons de blé qui leur sont faites.

À cette catégorie des débouchés qu'inquiète l'introduction de blé génétiquement modifié, il convient d'ajouter les meuniers américains. Les États-Unis sont en effet un important marché pour les producteurs de l'Ouest canadien. L'Association des meuniers d'Amérique du Nord s'est de fait exprimé dans ce sens, à savoir que les cultures qui n'auraient pas l'aval des marchés ne devraient pas être distribuées commercialement.

Le Japon se situe quant à lui régulièrement au cinquième rang des principaux clients de blé de l'Ouest canadien et constitue un marché où notre produit se vend à un prix supérieur. Personne n'ignore les réserves exprimées par les Japonais quant à l'introduction de blé génétiquement modifié en Amérique du Nord. En public comme en privé, ils nous ont prévenus ainsi que nos homologues américains qu'ils n'achèteraient tout simplement pas de blé génétiquement modifié. Le Japon envisage également une politique d'étiquetage des produits alimentaires qui contiendraient plus de 5 p. 100 d'ingrédients génétiquement modifiés. Notons que ce seuil envisagé est nettement plus raisonnable que les chiffres proposés sur d'autres marchés.

La Chine est également un important client de blé de l'Ouest canadien et s'est régulièrement classée parmi les cinq principaux clients de la CCB au cours des 10 dernières années. Or, la Chine vient d'instituer des restrictions aux importations visant les produits génétiquement modifiés, exigeant une documentation, ce qui rend la tâche plus difficile pour ceux qui exporteraient des produits génétiquement modifiés vers la Chine. Nous sommes conscients des difficultés que connaissent en ce moment les marchands de canola dans ce domaine.

• 0925

La liste complète des clients de blé ayant une politique ou une réglementation en place limitant l'entrée de produits génétiquement modifiés est trop longue pour que je m'y attarde ici. Ce que je peux vous dire, c'est qu'on nous demande régulièrement de fournir l'assurance qu'il n'existe pour l'instant dans l'Ouest canadien aucune variété de blé génétiquement modifié dont la production commerciale soit homologuée.

Il est évident que dans ces circonstances nous ne pouvons nous permettre d'introduire aucune variété de blé génétiquement modifié sur le marché tant que nous ne pourrons pas être assurés de pouvoir répondre, le cas échéant, aux besoins en blé traditionnel non génétiquement modifié.

Il est également fort probable que les chercheurs développent une variété de blé génétiquement modifié comportant certains attributs qui feront en sorte que les clients seront disposés à payer un prix supérieur. Nous voudrons alors un système de ségrégation qui nous permet d'obtenir ce prix supérieur pour notre produit.

L'industrie céréalière toute entière se penche sur la question de la manipulation du grain et sur d'autres méthodes d'envisager la ségrégation du grain qui n'ont rien à voir directement avec la question des OGM. Les prochaines discussions sur le sujet auront lieu lors de la réunion du Comité consultatif de la Commission canadienne du blé sur les cultures génétiquement modifiées, dont Ken vous parlera tout à l'heure.

Pour assurer l'intégrité des livraisons de blé, nous finançons également, dans le cadre de l'initiative d'évaluation automatisée de la qualité, des recherches pour trouver une méthode bon marché, rapide et efficace d'identification du grain. Il s'agit d'un élément essentiel du système de ségrégation non visuelle qui nous aidera à commercialiser aussi bien des produits génétiquement modifiés que des produits traditionnels. Le gouvernement fédéral participe au financement et nous l'encourageons à maintenir son soutien aux différentes initiatives dans ce domaine.

Nous estimons en effet que le gouvernement fédéral est bien placé pour encourager le dialogue et l'échange d'information sur la ségrégation du grain. Cette participation devrait aider le secteur à se préparer aux nouvelles occasions qui se dessinent dans le domaine de la manutention du grain en général.

Le dernier point sur lequel je voudrais m'attarder, c'est celui d'une coordination internationale au niveau des seuils de tolérance ainsi que des méthodes et des protocoles d'échantillonnage. Il existe en effet pour l'instant une grande variété de seuils de tolérance de grains génétiquement modifiés dans une cargaison de grains traditionnels—du seuil zéro, impossible à obtenir, à 5 p. 100, seuil plus raisonnable. À cela s'ajoute le fait que les avis sont partagés quant aux technologies à utiliser pour les tests et pour l'échantillonnage. Tout ceci contribue à faire du marché une zone à risque, comportant beaucoup d'incertitudes.

Nous sommes reconnaissants au gouvernement fédéral d'avoir pris en compte le point de vue du secteur et de s'être forcé de refléter la position de l'industrie dans le cadre du protocole de Carthagène sur la biosécurité. Nous souhaitons en l'occurrence que le gouvernement fédéral encourage la discussion sur l'adoption de seuils raisonnables de tolérance quant à la présence d'organismes génétiquement modifiés, sur l'harmonisation des méthodes de contrôle et d'échantillonnage au sein des différents forums internationaux comme le protocole de Carthagène ainsi que dans le cadre des discussions sur l'étiquetage et l'établissement d'un codex. Ce n'est qu'en adoptant les règlements internationaux indispensables que les producteurs de l'Ouest canadien pourront commercialiser à leur avantage les futurs produits des biotechnologies.

Je vais maintenant céder la parole à Ken Ritter qui vous présentera le point de vue du producteur.

M. Ken Ritter: Monsieur le président, étant agriculteur moi- même, je peux vous dire que je suis très intéressé par les progrès rendus possibles par le biais de la sélection transgénique. Je cultive déjà du canola transgénique et je suis bien placé pour savoir quels sont les avantages potentiels que cette technologie peut apporter en réduisant mes coûts de production. Mais en tant que producteur, je m'intéresse tout autant à produire des récoltes qui répondront à la demande des marchés. Peu m'importe les avantages agronomiques ou un meilleur rendement si je n'ai pas de client pour mon produit et si mon grain se vend moins cher que celui de mes concurrents.

Je suis très fier de savoir que les cultures que nous produisons ici au Canada sont réputées à travers le monde pour leur qualité supérieure, pour leur régularité, pour leur salubrité et pour leur innocuité.

Et je suis persuadé que le processus en cours d'enregistrement et d'homologation qui permettra de nouvelles variétés d'être écoulées sur les marchés se traduira par un nombre accru de produits alimentaires fiables, ce qui profitera tant aux consommateurs qu'aux producteurs. Le degré de résistance des associations de consommateurs nous a toutefois amenés à réévaluer dans quelle mesure le système actuel nous permet de mettre sur le marché des produits commercialisables. Il arrive aujourd'hui qu'une nouvelle variété réponde à tous les critères de sécurité, de qualité et de rendement optimum, mais qu'elle soit rejetée par les clients en raison des moyens employés pour l'obtenir. Il n'existe actuellement aucune réglementation qui empêche cette variété d'accéder au marché même si son rejet peut se traduire par des pertes se chiffrant à des millions de dollars.

En septembre dernier, la CCB invitait les principales organisations agricoles et les principaux représentants de l'industrie à une réunion stratégique sur le sujet. Cette réunion avait deux objectifs. Le premier objectif consistait à identifier les inquiétudes communes à l'ensemble du secteur en termes de produits génétiquement modifiés. Le deuxième objectif consistait à discuter du problème de l'impact sur les marchés tel que je le définissais précédemment et d'évaluer diverses façons de traiter de la question.

• 0930

En tout, 26 représentants de l'industrie ont participé à cette réunion. Il était surprenant de constater à quel point les participants partageaient les mêmes vues. Certains diront que c'est inhabituel, mais je préfère mettre l'accent sur le fait que ce consensus reflète les circonstances très inhabituelles auxquelles nous faisons face.

Les participants s'entendaient notamment pour considérer qu'au-delà des réflexions sur la sécurité des aliments, sur leur qualité et sur leur performance agronomique, il s'agissait d'étudier le problème de l'impact sur les marchés avant que toute nouvelle culture soit autorisée à sa production commerciale. Nous avons discuté des diverses façons dont cette question pourrait être résolue. L'option d'un moratoire imposé par le gouvernement était généralement rejetée. De fait, l'un des principes sur lesquels nous nous orientions consistait à énoncer le principe que nous ne voulons pas retarder inutilement l'introduction de nouveaux produits, que nous sommes en faveur de l'innovation dans la sélection de nouvelles variétés. Le consensus s'organisait autour d'un processus mené par la filière dans son ensemble, processus auquel les producteurs seraient invités à participer et qui inclurait le plus large éventail de parties prenantes à cette industrie.

Suite aux discussions qui se sont tenues durant cette réunion, la CCB a engagé le processus de constitution d'un comité consultatif sur les cultures génétiquement modifiées. Le mandat de ce comité est, avant tout, d'informer la CCB de toute politique et initiative ayant trait à l'introduction possible de cultures génétiquement modifiées et, dans un deuxième temps, de procéder à l'évaluation rigoureuse et systématique des avantages, des coûts et des risques associés à l'introduction de cultures génétiquement modifiées en particulier. Troisièmement, le comité articulera les conditions qui permettraient à certaines cultures génétiquement modifiées de faire leur apparition sans qu'il y ait lieu pour les clients, pour les producteurs ou pour une autre partie prenante quelconque à ce secteur de s'inquiéter. Le comité prévoit enfin d'énoncer les étapes nécessaires à la mise en place, le cas échéant, d'un système efficace de ségrégation des cultures génétiquement modifiées.

Ce comité consultatif sera représentatif puisqu'il comprendra des producteurs, des clients, des membres de l'industrie de la manutention du grain, des représentants de la Commission canadienne des grains, des chercheurs ainsi que des représentants du gouvernement fédéral dont Agriculture et agroalimentaire Canada et l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Nous espérons que ce groupe consultatif pourra servir de modèle à l'approche décisionnelle sur les cultures génétiquement modifiées dont le groupe réuni le 24 septembre ébauchait l'ambition.

Les réponses que nous avons reçues à ce jour à nos invitations sont encourageantes et nous comptons bien voir le comité commencer ses travaux d'ici la fin de l'année. Quand bien même la communauté rurale ne s'est pas encore arrêtée sur une position commune concernant la question de l'impact sur les marchés des cultures génétiquement modifiées, la CCB estime qu'une approche basée sur le leadership de l'industrie et épaulée par le gouvernement saura au mieux servir les intérêts des clients, des producteurs et de l'économie canadienne.

La CCB estime indispensables des modifications à la réglementation de façon à donner du poids à l'approche sectorielle que nous avons initiée. À vous les membres du comité permanent, nous adressons cette requête spécifique—à savoir aider notre filière dans ce débat en demandant aux services pertinents du gouvernement de se pencher sur toutes les options en matière d'impact de ces cultures sur les marchés, et dans les cas où ils identifieraient des obstacles, de mettre en place les solutions imaginatives qui permettront de surmonter ces obstacles.

Moi-même qui suis producteur de blé, je suis d'avis que je ne pourrais réaliser tous les avantages potentiels des biotechnologies à venir que si l'introduction commerciale de la première variété génétiquement modifiée est une réussite et uniquement si elle s'accompagne de ces outils indispensables que sont un système de ségrégation adéquat, des méthodes de test et d'échantillonnage adéquats et l'établissement de seuils de tolérance raisonnables pour ces cultures. Cette réussite, c'est ce que nous comptons réaliser sur la base d'une collaboration efficace entre le secteur et le gouvernement.

Je tiens à vous remercier de cette occasion de m'exprimer devant vous aujourd'hui. Dans les trousses que nous avons préparées, vous trouverez l'énoncé de prise de position de la CCB en matière de biotechnologies ainsi que les principes qui, nous l'espérons, faciliteront la compréhension de ces questions. Nous nous faisons maintenant un plaisir de répondre à vos questions ou de revenir sur tel ou tel aspect de notre présentation d'aujourd'hui.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci de votre exposé.

Howard, vous avez huit minutes.

M. Howard Hilstrom: Merci, monsieur le président, et bienvenue à vous, Greg, Ken et Patty. Je suis heureux que vous soyez venus nous donner votre point de vue sur cette importante question.

• 0935

Le Parlement et les comités examinent de très près toute la question des cultures et des aliments génétiquement modifiés et nous venons de terminer l'étude d'un projet de loi d'initiative parlementaire de M. Caccia sur le sujet. Si j'ai bien compris, si l'on instaure un bon système de ségrégation, des méthodes de test adéquates et des seuils de tolérance raisonnables, la Commission du blé appuierait la biotechnologie et la venue de blé génétiquement modifié à moyen terme. Est-ce bien cela?

M. Greg Arason: À moyen terme, monsieur Hilstrom, je pense qu'il faudra probablement attendre deux ou trois ans avant que la technologie dont vous avez parlé relativement aux tests et à la ségrégation soit disponible. Il faudra peut-être même attendre plus longtemps avant d'avoir un test sûr et bon marché qu'on pourrait utiliser quand les produits arrivent dans le système. Voilà la technologie qu'il faudra pour lancer des blés génétiquement modifiés. Il faut aussi espérer que ces produits seront mieux acceptés des clients, mais nous devrons de notre côté être en mesure de donner au client ce qu'il veut une fois que nous pourrons identifier ces variétés, les séparer et les traiter dans le système d'une façon qui ne contaminera pas les variétés non génétiquement modifiées pour ceux qui les préféreraient.

M. Howard Hilstrom: La Commission du blé compte s'efforcer de faire en sorte que ces conditions soient remplies pour qu'on puisse introduire le blé génétiquement modifié au Canada et aux États-Unis.

M. Greg Arason: Tout à fait et, comme je l'ai déjà dit, nous avons affecté un budget considérable à cette initiative AQT, qui vise à mettre la technologie au point. Le gouvernement fédéral y a affecté des montants équivalents. Nous encourageons aussi d'autres intervenants à participer à cette initiative, mais nous espérons effectivement mettre ces produits sur le marché et nous sommes en faveur de... Nous ne sommes pas contre la technologie.

M. Howard Hilstrom: Bien entendu, la question nous préoccupe et d'autres entreront dans les détails plus tard, mais il existe un bon nombre d'organismes non gouvernementaux qui ne sont pas d'accord du tout pour qu'on favorise les cultures et les aliments génétiquement modifiés et, bien sûr, qui s'intéressent à ceux qui travaillent de façon positive dans le domaine des aliments génétiquement modifiés, soit pour profiter à l'ensemble de l'humanité à l'avenir. Cela ne fait aucune doute. Bon nombre de groupes s'opposent à tout progrès dans le domaine de la biotechnologie, surtout dans le cas des aliments, mais nous en reparlerons plus tard.

Il y a autre chose qui nous inquiète, soit les aspects commerciaux. Avez-vous la moindre idée de ce que sera la décision rendue ce matin ou cet après-midi aux États-Unis relativement à cette contestation devant les tribunaux? Y aura-t-il des réactions du même genre aux blés génétiquement modifiés ailleurs dans le monde? Qu'en pensez-vous? Qu'arrivera-t-il vu cette décision des États-Unis aujourd'hui?

M. Greg Arason: Nous ne pouvons pas savoir pour l'instant quelle sera la décision préliminaire rendue aux États-Unis aujourd'hui. Nous l'attendons encore, mais au moment de venir à votre comité ce matin, nous ne savions toujours pas ce qui arriverait.

• 0940

M. Ken Ritter: Si vous me le permettez, je vais répondre à vos questions, Howard.

Dans votre première question, vous avez demandé si la Commission du blé appuierait le lancement de blés génétiquement modifiés une fois qu'on aurait le système de ségrégation, les seuils de tolérance et les instruments de test nécessaires.

La réponse est oui, certainement. C'est ce que nous avons supposé depuis le début, soit que si ces trois conditions sont remplies, on pourra lancer un produit génétiquement modifié de façon positive parce que nos clients sauront qu'ils obtiennent exactement ce qu'ils ont commandé. S'ils ont commandé un produit qui n'est pas génétiquement modifié, c'est ce qu'ils recevront.

M. Howard Hilstrom: Ma dernière question est celle-ci: Que fait la Commission du blé pour mieux renseigner ses clients partout dans le monde et venir à bout de leur résistance ou même simplement répondre à leurs questions? Ils disent qu'ils s'inquiètent à propos des OGM et ne veulent pas y toucher à moins d'être rassurés. Avez-vous lancé une initiative particulière pour préparer vos clients à l'acceptation du blé génétiquement modifié?

M. Greg Arason: Nous rencontrons régulièrement nos clients. Nous nous servons de l'Institut international du Canada pour le grain pour faire venir bien des clients au Canada afin de leur montrer nos nouvelles variétés et les méthodes qu'ils peuvent utiliser pour profiter le mieux possible des céréales canadiennes.

Ce que nous faisons, c'est que nous rassurons les clients; nous leur disons que nous sommes sensibles à leurs préoccupations. Nous leur disons également que les céréales canadiennes sont cultivées dans un environnement sûr et qu'ils obtiendront le produit qu'ils ont commandé et pour lequel ils paient. Nous en discutons avec les meuniers et les gens de la première ligne... ceux avec qui nous sommes généralement en contact.

Le problème qui se pose à cet égard, c'est la possibilité que nous avons d'influencer l'utilisateur final, la personne qui achète le pain au supermarché ou à la boulangerie locale. C'est surtout cet aspect qui fait problème puisque le consommateur, bien souvent, ne fonde pas ses choix sur la science ou la technologie, mais plutôt sur des émotions et des impressions. Voilà ce qui représente pour nous un défi encore plus grand—il nous faut chercher à présenter le produit aux consommateurs sous un jour favorable. Quand ces variétés seront sur le point d'arriver sur le marché, il sera très important que nous travaillions avec nos clients pour qu'ils puissent rassurer l'utilisateur final et lui garantir que le produit qu'il achète est sûr et que c'est bien le produit qu'il veut acheter.

M. Howard Hilstrom: J'invoque le Règlement.

Je veux simplement faire savoir aux témoins que je dois partir, et j'invoque le Règlement pour dire que je vais présenter une motion d'adhésion au deuxième rapport que le comité a soumis à la Chambre. Je dois donc partir pour proposer l'adoption de notre rapport provisoire.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Madame Tremblay, je sais que vous avez des problèmes avec l'interprétation. J'ai vérifié, et il semble qu'on perd parfois le son en français. Quoi qu'il en soit...

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: À chaque fois qu'on vient dans cette salle-ci, on a exactement le même problème. Il faudrait que quelqu'un prenne la responsabilité de faire revoir le système d'interprétation parce que moi, je n'ai rien saisi de tous les échanges qui se sont tenus depuis que c'est ainsi. J'ai beau avoir l'écouteur dans l'oreille, ça ne marche pas. On entend quelqu'un nous murmurer quelque chose à l'oreille.

C'est un peu embêtant, et je m'excuse si je vous pose des questions auxquelles vous avez déjà répondu.

Monsieur Ritter, vous avez dit au début de votre exposé que vous étiez un producteur de canola modifié, que vous étiez bien content et très fier de produire cela. J'aimerais savoir quel est le principal avantage que vous en retirez. Est-ce parce que vous faites plus d'argent en travaillant moins? Quels sont les véritables avantages des produits modifiés génétiquement pour le producteur?

[Traduction]

M. Ken Ritter: Madame, tout dépend du produit qu'on cultive. Ainsi, la plupart des agriculteurs des Prairies diraient que c'est une bonne idée de produire du canola Roundup Ready dans des champs où on a des problèmes de mauvaises herbes. On peut s'en débarrasser très facilement grâce à un herbicide très bon marché, le Roundup, qu'on applique deux fois au cours de la saison. On peut ainsi se débarrasser de mauvaises herbes très tenaces. On a ensuite une récolte très propre. Le producteur peut généralement la récolter plus rapidement et plus facilement et il peut notamment compter sur un pourcentage plus faible de graines à l'état vert. D'un point de vue agronomique, c'est donc une culture à laquelle les agriculteurs ont recours dans le cadre de leurs rotations.

• 0945

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: On sait que le gouvernement canadien a fait faire des expériences dans certains champs, mais on n'a pas pu savoir où exactement. Pensez-vous que certains producteurs ont pu être contaminés à leur insu par les expériences du gouvernement canadien?

[Traduction]

M. Ken Ritter: Je ne m'y connais vraiment pas beaucoup, madame, mais je crois savoir que, dans le cas des variétés de canola, on a parfois une pollinisation croisée sur des distances considérables, mais cela est très peu fréquent dans le cas du blé; le pollen ne se déplace pas sur de grandes distances. À ma connaissance, il n'y a pas eu de cas de contamination venue des parcelles d'essai pour ce qui est du blé.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Maintenant, si un pays décidait de faire du dumping de blé transgénique au Canada, est-ce que vous vous opposeriez à ce qu'on importe du blé transgénique, monsieur Arason?

[Traduction]

M. Greg Arason: Ce qui nous inquiète beaucoup à cause de notre proximité aux États-Unis, c'est que, si des variétés transgéniques étaient introduites aux États-Unis, quand bien même elles ne seraient pas homologuées pour la production au Canada, elles pourraient, par inadvertance ou par des moyens détournés, se retrouver au Canada.

Je pense notamment au dossier du maïs Starlink dont beaucoup d'entre vous ont sans doute entendu parler. Même si ce maïs n'était pas en production au Canada, nous en avons retrouvé dans nos approvisionnements canadiens, et c'était un problème. On a mis des mesures en place pour éviter que cela ne se reproduise.

Aussi, nous nous inquiétons effectivement qu'il pourrait y avoir une certaine contamination de la production canadienne qui viendrait de l'extérieur de notre territoire, et il est important que nous ayons des consultations avec les Américains. Je sais qu'ils ont des inquiétudes semblables aux nôtres. J'en ai parlé avec des représentants du secteur du blé et d'autres, et nos préoccupations rejoignent les leurs. Nous avons toutefois une très longue frontière le long de notre zone de production de l'Ouest canadien, et nous avons même des agriculteurs qui cultivent des deux côtés de la frontière. C'est donc une préoccupation pour nous.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Votre position, celle de la Commission canadienne du blé, est très similaire à ce qui était contenu dans le projet de loi C-287. J'aimerais qu'on m'explique, à moi qui ne suis pas une spécialiste en agriculture—ma spécialité était les jardins d'enfants avant d'entrer en politique, ce qui est assez éloigné de l'agriculture—, pourquoi, alors que la position de la Commission du blé était si clairement en faveur du projet de loi C-287, l'Association des producteurs de blé a dépensé autant d'argent en lobbying pour nous inviter à voter contre ce projet de loi C-287.

Pourquoi certains étaient-ils favorables au projet de loi et les autres défavorables? Pourtant ce sont tous des gens qui produisent du blé. Et il y a des producteurs de blé qui sont membres de la Commission canadienne du blé. Pourquoi leurs positions étaient-elles en contradiction? Pour le commun des mortels, dont je suis, la question est de savoir qui a raison. Je ne suis pas en conflit d'intérêts puisque je ne suis pas agricultrice. Qui a raison? La Commission du blé, organisme para-gouvernemental ou l'Association des producteurs de blé, qui représente ceux qui veulent faire de l'argent?

[Traduction]

Mme Patty Rosher (directrice de la programmation, Développement des marchés, Ventes et développement des marchés, Commission canadienne du blé): Il y a quelques éléments de ce projet de loi sur lesquels on s'entendait généralement dans le secteur du blé. Il y avait toutefois deux éléments sur lesquels il y avait des divergences d'opinion—le caractère obligatoire par opposition au caractère volontaire. Ainsi, la CNMA, la Canadian National Millers Association, ne voyait pas d'inconvénient à ce qu'on opte pour un régime volontaire ou un régime obligatoire. Nous préférons pour notre part un régime volontaire parce que nous y voyons un moyen de favoriser le développement des marchés. Le recours à un régime obligatoire ne fait qu'imposer un fardeau financier à tout le monde. Si nous options pour un régime volontaire, nous pourrions repérer des créneaux pour les produits qui n'auraient pas été génétiquement modifiés, et il y aurait vraisemblablement une prime à payer pour l'importation de ces produits.

• 0950

La question du seuil de tolérance préoccupait tous les intervenants du secteur céréalier, car nous savons qu'il serait très difficile de respecter un seuil de tolérance de 1 p. 100. Nous mettons en marché des variétés d'orge de brasserie et des variétés de blé qui s'inscrivent dans des catégories plus vastes. Nous tentons d'atteindre un niveau de pureté de 95 p. 100, ce qui équivaut à un seuil de tolérance de 5 p. 100. Voilà ce que nous semblons pouvoir garantir de façon économique, mais il serait très difficile de garantir un seuil de 1 p. 100.

Les semences qu'on plante sont déjà un peu contaminées. Elles sont produites à partir de plantes qui ont peut-être été soumises à une pollinisation croisée. Le producteur récolte les plantes avec du matériel qu'il utilise aussi pour d'autres cultures, si bien qu'il y a là aussi une certaine contamination, notamment s'il les met dans une benne ayant servi à un autre type de culture. Le tout passe pas un système commercial, un système de manutention et de transport en vrac, par où passe une grande quantité de céréales; les semences pourraient entrer en contact avec la poussière céréalière qui pourrait contenir des OGM ou ne pas en contenir. Nous savons d'expérience qu'un seuil de 5 p. 100 est raisonnable, mais qu'il serait très difficile et très coûteux d'atteindre un seuil de 1 p. 100. Voilà donc un aspect de cette question.

Ce qui fait surtout problème toutefois en ce qui concerne l'étiquetage, c'est la définition qu'il convient d'utiliser, à savoir si elle doit être large ou restreinte. Nos clients s'inquiètent de la technologie ADNr, de la technologie transgénique. Ils ne s'inquiètent pas de savoir si le blé a pu développer une tolérance à un certain herbicide par une mutagénèse spontanée ou s'il l'a acquise naturellement; ils s'inquiètent de l'élément transgénique.

Le projet de loi d'initiative parlementaire se fondait sur une définition restreinte, ce qui était très bien. L'étiquetage volontaire dont il est question à l'heure actuelle se fonde sur une définition large, qui causerait beaucoup de difficultés aux agriculteurs et qui leur occasionnerait beaucoup de dépenses.

Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Paul.

M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Nous parlons ce matin de blé génétiquement modifié. Nous savons qu'il existe sur le marché beaucoup de produits transgéniques.

La science est, bien sûr, affaire de propriété intellectuelle; quelqu'un acquiert un droit de propriété. Le processus visé par ce droit de propriété est-il secret? Qu'essayons-nous d'accomplir par ce processus? Êtes-vous disposés à nous en parler ou êtes-vous en mesure de le faire? Quelle est la mutation que nous cherchons à obtenir grâce au procédé scientifique en cause dans cette modification du blé dont il est question ici?

M. Greg Arason: Il y a des intérêts propriétaux en cause dans cette technologie, cela va sans dire. Les caractéristiques associées à la résistance aux herbicides entraînent manifestement des droits de propriété, et nous avons été témoins ces derniers temps d'efforts pour faire respecter ces droits de propriété, notamment dans le cas du canola. Il y a donc cet aspect-là.

Il y a aussi la question plus générale de savoir s'il serait aussi possible de produire des variétés améliorées du point de vue de l'utilisation finale, et qui auraient par exemple une résistance accrue aux maladies, mais, encore là, cette technologie d'amélioration des plantes se retrouve surtout entre les mains des entreprises de biotechnologie. Les travaux de recherche et d'amélioration du secteur public sont en baisse au Canada, et je pense bien que la technologie sera principalement le fait d'entreprises privées à l'avenir. C'est ainsi que l'industrie évolue.

M. Paul Steckle: Manifestement, les entreprises qui mettent au point ce type de blé s'intéressent aux avantages qu'elles peuvent en retirer, non pas seulement de la vente des semences mais aussi de l'acceptation générale du produit. Se préoccupent-elles aussi de l'industrie en aval, des avantages pour le secteur de la transformation et pour l'utilisateur final, le consommateur?

Je vous parle en tant qu'agriculteur. Je sais où je veux en venir. J'estime qu'il faut poursuivre les travaux scientifiques, mais j'estime aussi qu'il faut savoir qui est aux commandes. Est-ce les entreprises, est-ce le milieu scientifique, est-ce les universités ou est-ce les entreprises privées?

• 0955

M. Ken Ritter: Il semble bien, monsieur, que ce sont les entreprises qui sont aux commandes. Je vous parle moi aussi en tant qu'agriculteur.

Écoutez, c'est un secteur très prometteur. J'ai lu un certain nombre d'articles sur le sujet. Il est question de produire du blé dans le désert de l'Ogaden, dans les plaines salées et je ne sais où encore, d'accroître la teneur protéique, d'obtenir des produits pharmaceutiques, etc. C'est donc un secteur qui est très prometteur.

La difficulté que nous éprouvons à l'endroit d'être les premiers à introduire un blé transgénique, c'est que le seul avantage que nous y voyons, en qualité d'agriculteurs, ce serait de pouvoir pulvériser du Roundup sur la récolte, pour mieux lutter contre les plantes adventices. La compagnie prétend qu'il y aura une meilleure uniformité de la taille du grain et de la teneur en protéines. En ma qualité d'agriculteur, si je m'en tiens à ces caractéristiques, j'estime que les aspects négatifs l'emportent probablement sur les aspects positifs.

Dans le cas du canola, la situation n'est pas mauvaise, parce que, tout d'abord, les produits transgéniques ne se retrouvent pas dans l'huile. C'est donc positif pour le consommateur. En outre, dans le cas du canola, on peut vaporiser toutes les graminées adventices, y compris les blés et tout le reste, mais s'il y a deux types de plantes adventices—c'est-à-dire une dicotylédone, comme le canola, et une graminée adventice, comme le blé—, elles résistent toutes les deux au Roundup, et cela va causer des difficultés aux agriculteurs.

M. Paul Steckle: À quel stade d'élaboration d'une nouvelle souche de blé se situent les Américains ou les Australiens? S'en rapprochent-ils autant que nous? Où en sont-ils?

M. Ken Ritter: Je crois comprendre que la compagnie qui s'intéresse à cette première variété travaille tant en collaboration avec les États-Unis qu'avec nous.

Pour vous répondre, je précise que le professeur Bill Wilson, de la North Dakota State University, a dit dans un article que le premier pays, qu'il s'agisse des États-Unis ou du Canada, qui introduirait un blé transgénique perdrait les deux tiers de ses marchés.

Voilà donc la question principale. Nous examinons la situation et nous nous demandons pourquoi le premier blé génétiquement modifié que l'on prévoit introduire va être un blé de force rouge de printemps plutôt qu'un blé de force rouge d'hiver, variété que l'on cultive principalement aux États-Unis? Nous y voyons très peu d'avantages, et nous semblons être la seule région—la partie septentrionale des États-Unis et les Prairies canadiennes de l'Ouest—où ce blé serait introduit.

M. Paul Steckle: Je sais que nous...

Mme Patty Rosher: Permettez-moi d'apporter des précisions.

Ken signalait que la première variété de blé transgénique en cours d'élaboration est un blé de force roux de printemps. Pour l'instant, on n'envisage pas de modifier le blé rouge d'hiver, qui représente les deux tiers de la production américaine. On ne s'intéresse pas non plus aux variétés australiennes ni européennes. Nous serions donc les seuls essentiellement à nous retrouver avec un blé transgénique pour les quelques premières années.

Le président: Merci, Paul.

Je dois passer à quelqu'un d'autre. Je pourrai probablement revenir à vous un peu plus tard.

Dick, à vous.

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Donc, monsieur Ritter, quelle est la réponse à la question que vous venez de poser? Comment se fait-il qu'on se livre à des expériences sur le blé de force roux de printemps plutôt qu'avec le blé d'hiver, selon vous?

M. Ken Ritter: Je n'ai pas vraiment de réponse à cela. Je crois que c'est la compagnie qui a choisi cette voie. À moins que Patty ou que Greg n'aient quelque chose à dire à ce sujet...

Je ne sais pas précisément pourquoi on a d'abord choisi le blé de force roux de printemps.

M. Dick Proctor: La compagnie dont nous parlons est bien Monsanto?

M. Ken Ritter: Oui.

M. Dick Proctor: Y a-t-il d'autres entreprises semblables à Monsanto? Je suppose qu'il y a d'autres entreprises qui s'intéressent au blé transgénique. Puis-je également supposer que Monsanto est celle dont les travaux sont les plus avancés?

Mme Patty Rosher: Oui, c'est exact. Cette entreprise a une variété qui pourrait être soumise au processus d'homologation en 2003-2004.

Nous avons rencontré d'autres compagnies de biotechnologie, principalement pour leur faire part de nos réactions, comme nous le faisons avec toutes les entreprises de phytogénétique, pour discuter de ce que recherchent les clients. Certaines d'entre elles nous ont répondu qu'elles vont se concentrer sur les caractéristiques d'utilisation finale. Nous savons que Monsanto examine également les caractéristiques d'utilisation finale. Je crois donc qu'il s'agit là de la génération de blé suivante. La première génération sera un blé ayant une tolérance aux herbicides.

M. Dick Proctor: Parfaitement.

Je crois que c'est M. Ritter qui a dit qu'en matière de ségrégation du produit, la Commission canadienne du blé pourrait être prête dans quelques années. Patty vient de dire que Monsanto déclare pouvoir être prête à présenter le premier blé transgénique sous une autre forme qu'à titre d'essai dans la fourchette 2003-2005.

• 1000

Dans quelle mesure ce calendrier correspond-t-il au temps dont la Commission canadienne du blé estime avoir besoin?

M. Greg Arason: Vu ce que je sais de l'initiative Automated Quality Testing dont j'ai parlé, nous en sommes aux étapes initiales du financement de certaines recherches dans ce domaine. D'après ce que je sais du calendrier de l'initiative AQT, il est très peu probable que nous ayons un test de première ligne efficace et peu coûteux dans les délais envisagés.

M. Dick Proctor: Combien d'années de plus...?

M. Greg Arason: Je ne peux pas honnêtement répondre à cela, vu l'état d'avancement de nos recherches. Nous pourrions probablement disposer d'un test d'ADN en laboratoire d'ici là, mais il ne serait pas bon marché; il ne serait pas non plus un test de première ligne. C'est vraiment là que nous avons besoin de la technologie. Je ne peux donc pas vraiment répondre, sinon pour dire qu'il est très peu probable que ce test soit prêt à temps pour 2003-2004.

M. Dick Proctor: Je crois que c'était encore vous, monsieur Ritter, qui avez dit que les deux tiers de vos clients actuels ont dit qu'ils n'en voulaient simplement pas et que le troisième tiers ne s'est pas prononcé.

Y a-t-il des clients qui pensent que c'est une très belle idée?

M. Greg Arason: Je crois que c'est moi qui ai dit cela. En fait, aucun de nos clients ne réclame du blé transgénique. En général, comme je l'ai dit, la plupart des réactions ont été: «Pas maintenant.» La résistance des consommateurs est simplement trop forte pour l'instant. Il y a d'autres agriculteurs qui prennent du recul et surveillent la situation, mais personne n'est venu nous dire: «Nous sommes prêts.»

M. Dick Proctor: Il me semble que le ministère de l'Agriculture a adopté le principe qu'il s'agit là d'une question du domaine des sciences de la vie. Si les données scientifiques sont probantes, nous devrions passer aux actes et commercialiser le produit, quelles que soient les conséquences.

Cela me rappelle ce que dit M. Martin au sujet du fait que les caractéristiques fondamentales de l'économie sont positives: c'est ainsi que l'on se retrouve avec un dollar qui atteint un plancher historique. Je crois que c'est ce risque que nous prenons à vouloir commercialiser ce produit au moment où il y a tant de résistance de la part des consommateurs.

Qu'en pensez-vous?

M. Greg Arason: Je suis en faveur de la recherche scientifique. En général, il est important que nous ayons des moyens objectifs de savoir quel produit est acceptable. C'est ce qui est à la base des échanges commerciaux. Mais il y a actuellement des pays qui refusent complètement d'accepter des produits transgéniques.

C'est un équilibre très délicat qu'il nous faut établir entre les preuves scientifiques et ce que les clients jugent acceptable. Ce ne sera pas un équilibre facile à trouver.

M. Ken Ritter: Nous n'allons pas nous prononcer sur ce que le ministère de l'Agriculture fait à Ottawa. Je vais vous donner un exemple d'une des choses que nous jugeons plutôt essentielles. Il s'agit du protocole sur la prévention des risques biotechnologiques, qui vise à établir les seuils de tolérance. Voilà une question fondamentale, et je crois que c'est une condition préalable au fait que nous nous sentions capables de nous intéresser à un produit de ce genre.

Le président: Merci, Dick.

Je passe maintenant à Murray.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Comme cela a déjà été dit, dans le projet de loi C-287, nous nous sommes intéressés à l'étiquetage. Je crois toutefois que nous devons encore, à force de discussion, trouver un moyen d'organiser l'étiquetage volontaire. C'est ce que réclament les consommateurs, et je crois que c'est notre responsabilité, en qualité de producteurs.

Voici donc ma question: Selon vous, qui devrait s'occuper de ce processus d'organisation de l'étiquetage volontaire? Qui devrait participer aux discussions?

• 1005

Mme Patty Rosher: La composition générale du comité de l'Office des normes générales du Canada est probablement la bonne, parce qu'elle permet que soit représentés les clients, les consommateurs et les céréaliculteurs.

Nous devons peut-être avoir une meilleure idée de ce que les consommateurs pensent de cela. Je crains que nous ne comptions un peu trop sur les membres de ce comité pour savoir ce qu'en pensent les consommateurs.

Je crains également que l'industrie céréalière nous ait insuffisamment informés, car c'est un peu une question de vulgarisation. Le consommateur moyen connaît mal la provenance de ce qu'il mange. Pour parvenir à lui faire admettre qu'il est impossible de garantir la salubrité parfaite d'un chargement de blé... nos chargements contiennent toujours un certain pourcentage de gravillons mais qui n'excède pas un seuil de tolérance. Cela, le consommateur moyen l'ignore, et il faut donc tenir compte de tous ces éléments-là pour avoir une idée de la situation réelle.

M. Murray Calder: Essentiellement, tout le débat entourant les OGM concerne les aliments transgéniques et génétiquement modifiés. Pour être franc avec vous, ce ne sont pas les produits génétiquement modifiés qui posent problème. Les consommateurs n'ont aucune hésitation à manger des nectarines, mais lorsqu'on leur parle d'aliments transgéniques, ils sursautent.

Déjà, grâce à l'Agence canadienne d'inspection des aliments et à la Loi sur les aliments et drogues, les aliments transgéniques doivent obligatoirement être étiquetés comme tels. Si vous vous souvenez, au début des années 90, on avait découvert une nouvelle variété de soja dont la teneur en protéines avait été augmentée grâce à un gène de la noix du Brésil. Cette variété avait été refusée parce que, il faut bien l'admettre, personne n'aurait pu penser que ce soja contenait un gène de noix. Il doit donc s'agir selon moi de l'un des éléments essentiels d'un programme d'étiquetage volontaire.

Le groupe de travail du premier ministre sur les perspectives futures de l'agriculture a fait le tour du Canada et l'une des choses que nous avons entendues à ce sujet, c'est toute cette controverse entre les produits alimentaires classiques et les produits alimentaires organiques, et, dès lors qu'on intègre la notion d'élément transgénique à ce débat, toute la question de la pollinisation croisée surgit aussitôt.

Pourriez-vous nous parler un peu des zones tampons, quelle devrait être leur envergure, doit-il y en avoir et qui devrait en assumer la responsabilité?

M. Ken Ritter: Monsieur Calder, nous aussi, nous avons rencontré à plusieurs reprises les représentants du secteur de la production biologique pour parler de toute une série de choses, et c'est effectivement une des choses auxquelles ils s'opposent vigoureusement. S'il doit y avoir des zones tampons, elles devraient être délimitées en fonction de données scientifiques, et nous ne sommes pas des experts en la matière. Par contre, pour permettre au secteur de la production biologique de conserver son taux de croissance actuelle—un taux de croissance qui, en soi, est un élément très important du taux de croissance de toute l'agriculture au Canada—, il faut absolument tenir compte de ces préoccupations.

M. Murray Calder: Ce sera tout, monsieur le président.

Le président: Merci, Murray.

Rick.

M. Rick Borotsik: Tout d'abord, je voudrais féliciter la Commission canadienne du blé qui a réussi à composer cette formule relativement réaliste à mon sens quant à la façon d'aborder la question des produits génétiquement modifiés sous votre angle à vous.

En disant cela, il faut néanmoins préciser qu'il existe d'autres organismes qui sont peut-être un peu plus avancés que vous. Il est manifeste que les questions de ségrégation et d'analyse demeurent pour vous des préoccupations et d'ailleurs, monsieur Arason, vous dites vous-même que les méthodes de test ne sont pas encore tout à fait au point et ne le seront probablement pas avant quelques années encore.

J'ai ici un rapport de la Commission canadienne des grains qui étudie de très près cette question de la détection et de la ségrégation des produits génétiquement modifiés, en l'occurrence la variété de blé Roundup Ready.

Je vais vous citer un extrait de ce rapport:

    La [Commission canadienne des grains] est en pourparlers en vue de l'acquisition de certains types de propriétés intellectuelles, protocoles, savoir-faire et matériels de référence génétique, afin de mettre au point, à l'intention du système canadien de manutention des céréales, des systèmes de détection de la variété de blé Roundup Ready.

Et il poursuit en disant que ces systèmes seront bientôt au point.

On peut également y lire qu'en raison du savoir-faire de la Commission dans le domaine du soja, du maïs et du canola, elle peut très facilement déceler des teneurs inférieures à 1 p. 100, et même des teneurs aussi faibles que 0,1 et 0,5 p. 100.

Donc d'une part, la Commission canadienne des grains nous dit qu'elle sera prête très prochainement, et d'autre part la Commission canadienne du blé prétend qu'il n'en est rien, que ce qui existe ne suffit pas et que par conséquent, il nous faut écarter tous les progrès réalisés en matière de manipulation génétique du blé.

Travaillez-vous avec la Commission canadienne des grains? Savez-vous ce qu'elle fait?

M. Greg Arason: Oui, monsieur Borotsik, nous travaillons avec la Commission canadienne des grains.

M. Rick Borotsik: Ceci soit dit en passant, le rapport que je vous citais m'a été transmis à titre confidentiel. J'ai du mal à obtenir l'information de la Commission canadienne du blé, mais j'en obtiens facilement de la Commission canadienne des grains. C'était juste un commentaire.

• 1010

M. Greg Arason: Nous serions heureux de vous faire remettre toute l'information dont nous disposons à ce sujet...

M. Rick Borotsik: La question est parfaitement censée.

M. Greg Arason: Tout à fait.

M. Rick Borotsik: D'une part donc, la commission nous dit qu'elle va pouvoir arriver à mettre au point assez rapidement, entre 2003 et 2005, ce système de ségrégation et d'analyse, mais vous nous dites pour votre part que ce n'est pas possible.

M. Greg Arason: La Commission des grains participe à l'initiative de l'AQT et ses représentants...

M. Rick Borotsik: Je vous ferai remarquer que vous n'avez pas parlé de cela dans votre exposé sur la l'analyse automatisée de la qualité.

M. Greg Arason: J'ai dit que je pensais que nous avions de bonnes chances d'arriver à un système utilisable en laboratoire, c'est-à-dire essentiellement, si j'ai bien compris, un mode d'analyse de l'ADN. Je ne suis pas chimiste spécialiste des céréales. J'ai préféré étudier l'économie à l'université. Mais d'après ce que j'ai pu comprendre de la technologie de la Commission des grains, c'est un protocole d'analyse en laboratoire basé sur l'ADN. Ce protocole d'ailleurs est utilisable pour le maïs Starlink. Comme je vous l'ai dit, il est possible de le déceler. Il faut par contre obtenir les données génétiques correspondantes de ceux qui détiennent les droits de propriété afin de pouvoir mettre au point cette technologie. Je pense que c'est ce qu'ils vous ont dit.

Je pense qu'à court terme, nous n'avons pas les moyens d'utiliser cette technologie à l'arrivée aux silos. Je ne pense pas que le producteur agricole puisse facilement maîtriser cette technologie afin de pouvoir ensiler sans problème, etc. La difficulté, c'est que ce protocole d'analyse doit être utilisé au tout début de la filière étant donné que le tri doit se faire au moment de l'entrée dans le système. Une fois que tous les chargements sont mélangés, c'est trop tard, il n'est pas possible de reconstituer l'oeuf à partir de l'omelette.

M. Rick Borotsik: Je ne dispose que de cinq minutes, monsieur Arason, et il y a encore un aspect de la question que je voudrais aborder, si je le puis, et c'est celui de la commercialisation.

Vous avez mentionné dans votre exposé que le Japon et la Chine en particulier ont laissé savoir publiquement comme en privé qu'ils ne voulaient absolument rien savoir du blé transgénique. Vous nous avez dit que ce n'était pas plus compliqué que cela. Pouvez-vous nous montrer un document émanant de votre client japonais, document affirmant à la Commission canadienne du blé qu'il ne veut absolument rien savoir des produits transgéniques et qu'il refuse systématiquement de vous en acheter.

M. Greg Arason: Comme je vous le disais, on nous demande régulièrement de produire des lettres de confirmation attestant que nous ne faisons pas de production commerciale. Cela, c'est un élément. Nous avons par contre...

M. Rick Borotsik: Mais vos clients japonais ou vos autres clients vous ont-ils mis par écrit qu'ils refusaient catégoriquement tout produit transgénique?

M. Greg Arason: L'Algérie est un des pays qui nous ont déclaré...

M. Rick Borotsik: Mais le Japon est un client important.

M. Greg Arason: C'est vrai, et l'Algérie est notre principal marché pour le blé dur. Et l'Algérie a d'ailleurs légiféré à ce sujet.

Nous allons donc faire de notre mieux pour vous communiquer...

M. Rick Borotsik: Lorsque vous nous dites cela, cela revient à nous dire qu'il n'y a aucun débouché pour le blé transgénique. Vous avez bien insisté là-dessus.

Supposons que du blé transgénique Roundup Ready ait été introduit sur le marché canadien. Vous nous avez dit que vous ne pouviez pas l'écouler parce qu'il n'y avait pas de débouché. Si c'est bien le cas, permettriez-vous que ce produit soit écoulé sans l'intervention de la Commission canadienne du blé étant donné que la commission n'a aucun débouché pour ce blé?

Le président: Rick, je vous remercie, mais votre temps de parole...

M. Rick Borotsik: Ce n'est pas une question compliquée. Autoriseriez-vous la vente de ce blé hors du circuit de la Commission canadienne du blé?

M. Greg Arason: La Loi sur la Commission canadienne du blé prescrit que toutes les exportations ou ventes de blé pour la consommation humaine au Canada doit se faire par l'entremise de la Commission. Nous ne pouvons dès lors accorder aucune exemption.

M. Rick Borotsik: Vous n'auriez pas de marché.

Le président: Rick, votre temps est expiré.

M. Rick Borotsik: Bon, je parlerai à Greg plus tard.

Le président: Du côté des libéraux, Rose-Marie, vous avez une question?

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent-Middlesex, Lib.): J'aimerais poursuivre sur la question de Rick. Si quelqu'un souhaite produire du blé génétiquement modifié et qu'une partie du blé produit devrait passer par votre office, si ces gens-là avaient un client, vous les bloqueriez.

En plus de cela, je ne suis pas sûre d'être totalement convaincue, car il y a d'autres régions où le Canada est un leader, mais nous ne sommes pas acceptés dans les pays européens. Mais j'hésite à croire que ces gens-là n'avancent pas plus vite que les Canadiens, et ce sont nos agriculteurs canadiens qui vont finir par être pénalisés.

M. Greg Arason: À propos de la commercialisation, ce qu'on oublie peut-être ici, c'est que le risque pour le marché d'ensemble lorsqu'on fait pousser du blé génétiquement modifié, qu'il y ait un marché ou non, c'est le problème que nous formulons. Une fois qu'on a identifié un marché et qu'on peut en toute sécurité l'isoler, on peut le desservir.

• 1015

M. Ken Ritter: Puis-je aussi répondre à votre question, madame?

Mme Rose-Marie Ur: Très vite.

M. Ken Ritter: Du point de vue de l'agriculteur, comment se passeraient les choses? Premièrement, si l'on mettait sur le marché la variété actuelle de blé génétiquement modifiée, il y aurait sans doute un marché. Ce serait l'industrie de l'alimentation des animaux, qui n'a pas à se préoccuper de ce problème pour l'instant. Il y a donc un marché intérieur pour ce blé, et c'est là qu'il irait vraisemblablement.

La question critique, toutefois, c'est de savoir quelles seraient les répercussions de l'introduction de ce blé au Canada sur les autres agriculteurs. C'est là qu'il y aurait une responsabilité. Ils seraient durement touchés, du simple fait que l'on aurait ce blé qui pourrait éventuellement être mélangé avec les autres produits du blé. Le passif pourrait représenter des centaines de millions de dollars.

Mme Rose-Marie Ur: Dans leurs exposés, Gregg et Ken se préoccupent de leurs clients, mais je crois que notre plus gros problème, ce sont les clients au-delà de leurs clients. Il y a tout le problème de l'éducation au niveau du consommateur. Leurs clients sont probablement au courant de la question, mais les consommateurs ne savent pas s'il s'agit de blé génétiquement modifié ou transgénique. C'est là qu'il faut réussir à mieux faire passer le message, qu'il s'agisse de blé ou d'autres choses, en éduquant mieux le public.

M. Greg Arason: Je suis entièrement en accord avec cela. Je peux vous en donner un exemple. Les boulangeries Warburton en Grande-Bretagne n'utilisent que certaines variétés sélectionnées de blé canadien. Leurs responsables nous ont dit très clairement qu'ils comprenaient parfaitement la technologie, mais que s'il y avait des OGM dans leur pain, les clients n'allaient plus en acheter.

Le fossé à combler, c'est celui de l'acceptation par le client; il faut faire comprendre aux consommateurs que le produit n'est pas dangereux. Mais à cause de ce qui s'est passé en Europe et ailleurs, il y a une méfiance dans l'esprit des gens qu'il faut réussir à faire disparaître.

Mme Rose-Marie Ur: On n'a pas besoin d'aller voir jusqu'en Europe. Il suffit de regarder les nouvelles ici.

Mme Patty Rosher: Nous avons toute une trousse d'information que nous mettons à la disposition des clients pour les informer sur la technologie elle-même, la réglementation au Canada et l'évaluation de la salubrité alimentaire. Nous ne voulions pas que la réaction de rejet de la clientèle soit fondée sur une absence de connaissances. Donc, toutes ces informations sont là et nous sommes prêts à discuter avec les clients. Mais ils ne nous l'ont pas demandé parce qu'ils comprennent la technologie. Nous avons assez peu de possibilités d'aller discuter avec le consommateur dans la rue en Algérie, pour de multiples raisons, mais l'information est là.

Mme Rose-Marie Ur: Vous avez peut-être toutes ces informations scientifiques et tout cela, que des gens comme vous-mêmes connaissez parfaitement, mais le consommateur moyen n'a pas le temps, entre autres, d'approfondir la question.

Je rencontre des gens qui me disent qu'ils sont totalement opposés aux OGM. Je les laisse raconter leur histoire et à la fin je leur dis: «Est-ce que vous acheté du raisin avec des pépins?». Ils me répondent: «Oh non, certainement pas.» Alors je leur dit: «Vous savez quoi?» Ils ne se rendent pas compte que ce sont des raisins génétiquement modifiés. On ne peut pas avoir de raisins sans pépins s'il n'a pas été modifié, n'est-ce pas?

Mme Patty Rosher: Oui, mais ce n'est pas du raisin transgénique.

Mme Rose-Marie Ur: Non, mais c'est quand même une manipulation du produit initial.

Mme Patty Rosher: C'est justement de cela que nous parlons...

Mme Rose-Marie Ur: C'est le genre d'exemples élémentaires qu'il faut utiliser. Il ne s'agit peut-être pas totalement de l'industrie des céréales, mais il faut prendre des exemples qui existent déjà. Les gens ne se rendent pas compte que cela existe déjà. Ils s'imaginent que c'est un nouveau phénomène et qu'il faut réagir tout de suite sinon nous allons avoir quatre oreilles ou quelque chose comme cela. C'est pour ça qu'il faut donner une meilleure information aux consommateurs.

M. Ken Ritter: Je vais répondre très rapidement à votre question.

Le président: Je suis désolé, nous devons continuer.

Mme Rose-Marie Ur: Alors on ne saura jamais.

Le président: David.

M. David Anderson (Cypress Hills-Grasslands, Alliance canadienne): Rose-Marie, ce problème de commercialisation ne concerne pas simplement les OGM, mais aussi bien d'autres secteurs. J'ai eu tout récemment au téléphone quelqu'un qui m'a expliqué qu'il essayait de vendre de l'orge. Il avait téléphoné à la Commission du blé qui n'avait pas voulu discuter d'une éventuelle acquisition de cette céréale. Il a téléphoné à un fournisseur de l'Ontario et lui a dit: «Je me ferais un plaisir de vous fournir ce produit.» Mais quand l'autre lui a demandé d'où il était et qu'il a répondu qu'il était de la Saskatchewan, l'autre a répondu: «Désolé.» Il y a bien des endroits où les gens sont bloqués à cause du système de commercialisation que nous avons.

• 1020

L'un des problèmes qui nous préoccupe ce matin, c'est l'idée—et cela me dérange—que Monsanto agirait à l'encontre des intérêts des agriculteurs canadiens. Monsanto produirait une variété de blé qui ne peut être introduite que dans l'ouest du Canada et, en conséquence, c'est toute la céréaliculture de l'Ouest canadien qui va être détruite. Je trouve cela inacceptable. Monsanto a en fait mis en place un certain nombre de normes qui me semblent au moins égales sinon supérieures aux vôtres.

Permettez-moi de vous en lire quelques-unes:

    Nous présenterons une documentation aux organismes de régie pertinents des pays importateurs de blé de printemps identifiés comme des marchés clés par la Commission canadienne du blé. Il faudra au moins une approbation réglementaire aux États-Unis et au Japon.

C'est plus que ce que vous avez. Deuxièmement:

    Nous collaborerons avec l'industrie céréalière à mettre en place un régime de production, de transport et de transformation fortement contrôlé—sur la base de seuils de tolérance raisonnables et de contrôles normalisés—pour le blé biotechnique.

Là encore, c'est dans la ligne de ce que vous dites. Ils ajoutent:

    Nous reconnaissons que plusieurs gros clients canadiens se sont déclarés préoccupés par la présence d'aspects biotechniques dans le blé. Les marchés d'exportation sont d'une importance capitale pour tous les producteurs canadiens. Nous tenons à souligner énergiquement que [nous sommes] déterminés à collaborer avec l'industrie céréalière [...]

C'est comme pour vous.

    Nous allons travailler à élaborer des normes de qualité internationalement reconnues pour les graines de blé et le commerce des céréales afin d'avoir des normes de qualité et de seuils de tolérance réalistes pour les céréales.

C'est là encore une norme assez semblable à celle que vous énoncez dans votre déclaration sur les produits biotechniques.

Vous avez donc une industrie qui accepte les conditions et qui s'engage à les respecter. Je me demande donc qu'est-ce qui a bien pu vous amener, alors que vous êtes censés représenter les agriculteurs et commercialiser leur grain, à vous jeter dans cette campagne anti-OGM extrêmement tendancieuse sur le plan politique. J'aimerais dans quelques instants parler un peu de certains de vos partenaires dans cette campagne.

M. Ken Ritter: Monsieur Anderson, je commencerais par vous répondre de la manière suivante: Le 24 septembre, nous avons rencontré à Winnipeg les partenaires industriels dont j'ai parlé dans mes remarques d'ouverture. Il y avait là tout le monde, de la Western Canadian Wheat Growers Association au Syndicat national des cultivateurs, en passant par tout l'éventail politique des regroupements d'agriculteurs. La Commission du blé était là aussi, ainsi que l'Association canadienne des producteurs de semences, —comme je vous le disais, il y avait là 26 représentants majeurs de ce secteur. Tous étaient unanimes: les retombées sur le marché sont un aspect fondamental de la mise en place de produits génétiquement modifiés. Sinon, c'est l'agriculteur de l'Ouest canadien qui va être pénalisé. Nous considérons donc...

M. David Anderson: Je vous interromps. Encore une fois, je ne comprends pas très bien pourquoi vous menez cette campagne. Je sais bien que ce n'est pas le gouvernement qui dirige l'agriculture de nos jours, mais c'est une initiative qui devrait venir du gouvernement. Les agriculteurs ont des prix très bas, actuellement, ils ont des rendements très faibles, et encore une fois ils paient la facture pour quelque chose qui n'a pas de rapport direct avec la commercialisation des céréales. C'est la responsabilité du gouvernement, pas celle de la Commission canadienne du blé.

J'ai l'impression que vous avez des compagnons de route un peu douteux. La plupart d'entre nous reconnaissent—et c'est un autre sujet—que les discussions de l'OMC qui vont bientôt avoir lieu vont constituer le dernier espoir pour les agriculteurs canadiens de faire diminuer les subventions. Vous vous êtes placés publiquement aux côtés de groupes de pression comme le Conseil des Canadiens et Green Peace, qui sont radicalement opposés aux OGM et à l'OMC. Le Conseil des Canadiens essaye activement de saborder les entretiens commerciaux qui vont se dérouler au Qatar. Vous risquez de perdre une partie de votre pouvoir à l'occasion de ces négociations commerciales.

Vous êtes censés commercialiser les céréales des agriculteurs. Je me demande ce qui vous donne le droit de vous allier avec des organisations urbaines gauchissantes qui détestent les agriculteurs et tout ce qu'ils représentent. J'aimerais aussi vous demander en quoi cette attitude protège les intérêts des agriculteurs et pourquoi des agriculteurs paient pour cette initiative alors que cela devrait être la responsabilité du gouvernement?

M. Greg Arason: En tant que responsable de la commercialisation, je pense que je serais totalement irresponsable si je ne transmettais pas aux agriculteurs de l'Ouest canadien les signaux que nous envoient nos clients. Or, c'est quelque chose que nos clients disent de façon très claire.

Nous sommes responsables de la commercialisation des céréales que les clients sont prêts à acheter. Je crois qu'il serait irresponsable de notre part de garder le silence et de ne pas dire aux agriculteurs et à tout ce secteur ce que nous disent les clients, et je crois que cette information s'inscrit parfaitement dans notre mandat. Nous discutons continuellement avec nos clients qui veulent avoir des qualités différentes, et nous collaborons avec le secteur de la production pour produire ces qualités. Nous pourrions vous donner toutes sortes d'exemples de récoltes qui ont été élaborées grâce à de bons contacts avec la clientèle et à une bonne compréhension du marché. C'est notre responsabilité.

• 1025

Je vais laisser M. Ritter parler des relations avec les autres, mais c'est important.

M. David Anderson: Faites correctement vos analyses d'ADN si vous voulez faire quelque chose qui sera utile aux agriculteurs.

M. Greg Arason: C'est bien pour cela que la Commission du blé a pris l'initiative d'investir un million et demi de dollars avant n'importe qui d'autre pour entreprendre ce projet.

M. David Anderson: [Note de la rédaction: Inaudible]

Le président: J'ai un problème. David, votre temps est expiré. Je suis désolé, mais votre déclaration initiale a pris beaucoup de temps.

Marcel.

[Français]

Mr. Marcel Gagnon (Champlain, BQ): Merci, monsieur le président.

Je vais peut-être aller à l'encontre de l'interprétation que vient de donner mon voisin. Je m'excuse d'être arrivé en retard et d'avoir peut-être manqué une partie importante de votre déclaration.

J'ai cependant entendu qu'on parlait des aliments génétiquement modifiés et du projet de loi, qu'on a refusé ici, qui exigeait d'identifier les aliments génétiquement modifiés et de les étiqueter dans les cas où ils contiennent plus de 1 p. 100... Vous avez mentionné qu'effectivement cela pourrait coûter un peu trop cher. Au cours de la conversation, on a dit aussi que, finalement, ce qu'on faisait, c'était pour protéger le consommateur et que ce dernier n'était peut-être pas prêt à acheter des aliments génétiquement modifiés.

À mon point de vue, il n'y a pas de meilleures façons pour le préparer à l'avènement de ces aliments que de lui présenter le choix. Pourquoi ne pourrait-il pas choisir l'aliment qu'il désire en exigeant que l'étiquetage lui indique qu'il a le choix entre un aliment génétiquement modifié ou un autre qui ne l'est pas? Pourquoi s'est-on objecté à ce qu'on oblige les compagnies à étiqueter les aliments qu'elles mettent entre les mains du consommateur? Ce serait, à mon point de vue, la meilleur forme d'éducation qu'on puisse donner au consommateur, et par laquelle on pourrait l'amener à choisir les aliments génétiquement modifiés.

Je vais poser deux ou trois questions et je vais vous laisser le temps d'y répondre ensuite. J'ai assisté à une réunion du Comité des ressources humaines où on parlait des pays en voie de développement. On nous a dit que la pire chose qui pourrait leur arriver serait qu'on leur fournisse, afin de les aider, de la semence génétiquement modifiée. De cette façon, on les rendrait dépendants des grosses compagnies, des multinationales, et ils ne pourraient plus s'en sortir. Des expériences dans ce sens ont déjà été faites avec le maïs.

J'ai senti un froid dans le dos quand quelqu'un, l'un de vous trois, a mentionné qu'on pourrait créer un blé qui pousserait dans le désert si on y ajoutait certaines protéines. À mon point de vue, c'est le pire des services qu'on pourrait rendre à ces pays. J'aimerais que vous me disiez pourquoi on fait de telles recherches et qui en fait la demande. Est-ce demandé par les affamés de partout dans le monde ou par les compagnies qui veulent continuer de les affamer?

Ce qui me scandalise par rapport aux OGM, c'est l'obligation qu'on semble faire aux gens d'en manger, l'obligation qu'on semble vouloir leur imposer d'être à la merci de certaines multinationales. J'ai eu l'occasion d'aller en Afrique et de voir pourrir le long des routes, près des aéroports, des machines dont ils n'ont jamais eu besoin de se servir, par exemple des batteuses à grain là où il ne poussait pas de grain. Cela faisait partie de notre aide si généreuse à l'endroit des pays en voie de développement. J'ai vu aussi d'énormes tracteurs, là où on n'avait pas de pétrole à mettre dedans ou de terres à cultiver. Cela aussi était dans le sillage de notre grande générosité envers les pays en voie de développement.

Sommes-nous en train de faire la même chose avec les semences?

[Traduction]

Le président: Merci, Marcel. Je pense que ce sont d'excellentes remarques. C'est paradoxal, les tracteurs sur le bord de la route. Mais vos cinq minutes sont expirées et je suis désolé. Nous pouvons encore prendre quelques questions très rapides.

Garry, vous avez une petite...

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Alliance canadienne): Merci beaucoup.

Rose-Marie Ur a posé à peu près la question que je voulais poser, et je voudrais vous donner 30 secondes pour répondre à sa question sur mon temps—les deux minutes dont je dispose. Je voudrais simplement développer un peu cela.

• 1030

Il y a actuellement dans les Prairies quelques groupes, les coops nouvelle génération qui essayent de s'implanter, qui pourraient vraiment avancer dans ce domaine si nous pouvions transformer et commercialiser ces céréales. Ils pourraient le faire sans avoir à attendre trois ans qu'on mette en place l'analyse automatique de la qualité. Les gens qui font des céréales biologiques peuvent maintenant être présents sur des marchés auxquels la Commission du blé ne peut pas avoir accès.

J'estime qu'on nuit beaucoup aux agriculteurs canadiens des Prairies quand on limite la capacité de ces groupes à élargir certains de ces marchés, ce que vous dites ne pouvoir faire à l'heure actuelle.

J'aimerais bien que vous finissiez votre réponse à la question de Rosemary et que vous me disiez pourquoi certains de ces groupes sont limités dans leur capacité d'agir à cet égard.

M. Greg Arason: Je tiens d'abord à dire que nous n'imposons aucune restriction quant à ce que peuvent produire les agriculteurs biologiques. Nous avons une politique en matière de produits biologiques qui rationalise les procédures afin que ces agriculteurs puissent accéder plus facilement aux différents marchés par le biais de nos programmes de rachat et de l'assistance crédit. Nous travaillons donc avec les agriculteurs biologiques et nous avons un programme pour les aider.

En ce qui a trait à la valeur ajoutée...

M. Garry Breitkreuz: Puis-je vous interrompre?

Bien des gens dans ma circonscription et dans ma province ne seraient pas d'accord avec vous. On leur a imposé des limites. Mais, peu importe, poursuivez.

M. Greg Arason: Nous avons tenu de vastes consultations auprès des agriculteurs biologiques en général.

Le président: Merci.

Larry, vous vouliez poser une courte question?

M. Larry McCormick: Merci, monsieur le président. J'aimerais faire une brève observation.

Je sais que nous sommes censés poser des questions et non pas faire des déclarations, mais je suis certain que nous sommes tous d'accord pour dire que nos prochains témoins sur le sujet des OGM devrait être la Commission canadienne des grains.

En ce qui a trait aux analyses, monsieur le président—je suis désolé d'avoir dû m'absenter, mais c'était pour des raisons de santé—, ce serait bien de pouvoir faire des analyses qui nous permettent de faire la ségrégation des produits. J'aimerais bien savoir quand cela sera possible. Mais tant que nous ne pourrons faire des analyses des pizzas, des flocons de maïs, du pain...

Je suis certain que la Commission canadienne du blé, qui est une grande institution canadienne qui a fait de l'excellent travail pour notre pays, s'inquiéterait de savoir ce qu'il advient de ses produits et de ce que les fabricants de produits alimentaires en font.

C'est une chose de séparer le blé transgénique au départ; la question est de savoir, comment contrôler ce qu'en fait le fabricant? Il n'existe aucune analyse au monde, aucune véritable analyse et je me demande combien...

C'était là la difficulté du projet de loi dont nous étions saisis l'autre jour, et cela restera notre problème demain. Nous voulons progresser sur cette voie, mais une loi qu'on ne peut appliquer est inutile. Il ne sert à rien de prévoir des analyses si ces analyses sont encore impossibles.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci de votre déclaration.

Dick, voulez-vous aussi faire une déclaration?

M. Dick Proctor: Non, j'aimerais avoir une réponse, monsieur le président.

Pourriez-vous nous donner une idée de ce que la commission du blé a l'intention de faire au chapitre de la ségrégation et du mélange des produits?

M. Greg Arason: Cela doit se faire au silo de collecte. On a discuté de diverses méthodes, y compris un programme d'homologation quelconque à la ferme même. À mon sens—et j'ai exploité des silos de collecte—pour que ce soit réalisable, l'analyse doit se faire à l'arrivée afin de permettre à l'exploitant du silo de collecte d'entreposer les céréales dans le casier indiqué et de pouvoir préserver l'identité de ces céréales pendant toutes les étapes de l'expédition, au sein du système ferroviaire en passant par le terminal jusqu'au navire ou à la meunerie. C'est là que ça doit se faire.

Le président: Bob, avez-vous une courte question à poser?

M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.): Monsieur le président, j'ai une question qui s'adresse à vous.

Je suis heureux que les représentants de la Commission canadienne du blé soient venus aujourd'hui. J'aimerais savoir d'où l'on tient ce chiffre de 5 p. 100, mais j'y reviendrai plus tard. Ce que je veux savoir, c'est où nous voulons en venir.

Vous m'excuserez, je ne fais pas partie du comité de direction. Mais comme membre du comité, cette question m'apparaît très importante et mérite d'être explorée par le comité. Il y a toutes sortes d'enjeux différents et si nous ne nous penchons pas sur celui-ci, d'autres comme le Comité de l'environnement ou un comité s'intéressant aux droits des consommateurs le feront et formuleront des recommandations qui ne seront peut-être pas dans l'intérêt des agriculteurs.

Par conséquent, monsieur le président, j'estime que le comité de direction devrait examiner sérieusement cette question.

Le président: Merci, monsieur Speller.

• 1035

Cela met fin à la première partie de notre séance de ce matin. Je remercie les témoins. Je n'ai pas eu la chance de leur poser des questions, mais j'espère que la Commission canadienne du blé ne se contente pas de suivre la situation canadienne à cet égard, mais qu'elle garde un oeil sur nos concurrents pour voir quelle position adoptent les pays étrangers. Nous avons des compétiteurs qui s'attaquent à nos marchés, et il m'apparaît important que les Canadiens surveillent l'Australie, le Brésil et d'autres pays qui s'apprêtent peut-être à lancer sur le marché un produit qui prendrait le devant par rapport au nôtre.

Merci d'être venus. Comme l'a souligné M. Speller, je suis certain que notre comité se penchera sur ce dossier et que nous voudrons en savoir plus.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: C'est au sujet de...

Le président: Madame Tremblay.

Mme Suzanne Tremblay: C'est un prolongement de ce que disait M. Bob Speller. Je crois que la semaine dernière ou celle d'avant, Marcel Gagnon a soulevé la question. Comme les quatre ministres, le ministre de la Santé, le ministre de l'Agriculture, le ministre de l'Environnement et le ministre du Commerce international, ont écrit une lettre conjointe à la présidente du Comité de la santé pour lui demander de commencer les audiences sur cette question, les audiences vont se tenir au Comité de la santé plutôt qu'au Comité de l'agriculture. Elles vont commencer en février et le Comité doit remettre son rapport en juin 2002.

Donc, ce ne sont pas les personnes qui sont ici aujourd'hui qui vont se pencher sur la question, mais le monde de la santé. Cela débutera en février 2002. On devra, en janvier 2002, fournir la liste de tous les témoins qu'on veut faire entendre à ce comité-là. Le but de l'intervention de M. Gagnon était qu'on tente une démarche afin que les témoins ne soient pas entendus par le Comité de la santé, mais par le Comité de l'agriculture.

Toutefois, en relisant les bleus, je me suis rendu compte que cela n'avait pas du tout été écouté, que ce n'avait été qu'un coup d'épée dans l'eau et qu'on était passé à un autre sujet sans débattre de la question. Mais, après ce que Bob Speller vient de dire, cela m'apparaît tellement...

[Traduction]

Le président: Nous semblons vouloir nous engager dans un débat. J'estime préférable que nous suspendions nos travaux et que nous remerciions nos témoins. Dans deux minutes, nous accueillerons les représentants de Canards Illimités Canada.

Merci.

• 1037




• 1041

Le président: Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous reprenons nos travaux.

Notre deuxième groupe de témoins représente Canards Illimités Canada. J'aimerais d'abord dire, très brièvement, qu'il y a peu de temps, M. Turner est venu me voir à mon bureau pour discuter de la position de Canards Illimités au sujet des terres agricoles et des terres humides au Canada. Je lui ai suggéré d'envoyer une lettre au comité, ce que son organisation a fait. Notre comité a accepté de consacrer environ une heure à l'audition des représentants de Canards Illimités.

Étant vous-même un ancien parlementaire, Barry, vous savez comment nous procédons. Barry a été député fédéral dans les années 80.

Nous vous souhaitons la bienvenue, à vous et à votre groupe. J'ignore comment vous voulez procéder. Vous êtes chargé des relations gouvernementales, alors, je vous cède la parole et je vous laisse le soin de présenter vos deux collègues.

Barry, la parole est à vous.

M. Barry Turner (directeur des relations gouvernementales, Canards Illimitées Canada): Monsieur Hubbard, je vous remercie, vous et votre greffière. Le préavis a été plutôt court, mais nous vous savons gré de nous permettre de présenter une de nos initiatives à votre comité.

Je porte deux casquettes, monsieur le président. Oui, à titre d'ancien député, je préside l'Association canadienne des ex-parlementaires, mais je ne suis pas ici pour recruter des membres. Je sais qu'un jour, tôt ou tard, vous vous joindrez à notre association.

J'occupe aussi des fonctions à Canards Illimités Canada et c'est à titre de représentant de cette organisation que je témoigne ce matin. J'aimerais que vous modifiiez génétiquement votre attitude pour les minutes qui vont suivre pendant lesquelles je vous décrirai une initiative nationale dont nous faisons la promotion à l'échelle du pays depuis deux ou trois ans. Plus particulièrement, nous avons rencontré les cinq ministères fédéraux chargés des ressources naturelles, des représentants du Cabinet du premier ministre et du Bureau du Conseil privé, toutes les provinces, ainsi qu'un certain nombre de groupes d'industriels qui s'intéressent à ce que nous proposons. En général, nous croyons que vous serez d'accord avec nous pour dire que notre initiative a de grandes répercussions économiques, environnementales et financières pour tous les Canadiens et non seulement pour la communauté agricole.

Je prierais maintenant mon collègue, le directeur des programmes de conservation, M. Brian Gray, de vous donner un aperçu de cette initiative à l'aide d'un petit exposé en PowerPoint. Nous serons ensuite heureux de répondre à vos questions.

Monsieur Gray.

M. Brian T. Gray (directeur des programmes de conservation, Canards Illimités Canada): Merci, Barry. Je fais écho à Barry pour vous remercier de nous avoir invités à vous présenter ce projet très emballant.

Pourquoi avons-nous élaboré cette proposition? J'aimerais d'abord passer en revue brièvement les grandes questions touchant l'intégrité écologique des paysages agricoles. En guise de préambule, je dirai qu'outre Agriculture et Agroalimentaire Canada, il n'y a probablement aucun organisme ou groupe qui collabore plus étroitement avec les agriculteurs du pays que Canards Illimités. Ces cinq dernières années, nous avons signé des accords de gestion avec 2 600 agriculteurs.

Nous ne sommes pas ici pour blâmer qui que ce soit. Nous sommes ici pour faire des observations sur l'état de l'environnement et proposer des solutions. Nous savons par expérience que si les agriculteurs avaient les ressources nécessaires pour adopter des mesures écologiques et si cela n'avait aucune incidence sur les coûts et les profits, ils le feraient. Malheureusement, tel n'est pas le cas. Les agriculteurs ne peuvent adopter de telles mesures. Cela leur coûterait trop cher. Mais c'était mon préambule.

• 1045

Les pratiques dont il est question sont la culture de terres marginales ou de sols très vulnérables à l'érosion, le drainage des milieux humides, le surpâturage des prairies indigènes et des zones riveraines—les zones riveraines étant les zones de transition entre l'eau ou un écosystème aquatique et un écosystème sec ou non submergé; c'est un écosystème unique en soi et très important. Je poursuis: il s'agit aussi de l'enlèvement des zones tampons le long des cours d'eau et en bordure des champs et l'utilisation excessive des engrais et pesticides.

J'aimerais mettre en relief cinq grands points. Tout d'abord, la culture des terres marginales. La culture des terres marginales n'est pas une pratique durable du point de vue écologique. D'ailleurs, dans bien des régions, nous estimons que cette pratique n'est pas durable au point de vue économique non plus. Elle entraîne une augmentation des sédiments et des éléments nutritifs dans les cours d'eau connexes et dans les prairies, plus précisément dans les zones salines, il en résulte une salinisation accrue des terres hautes adjacentes.

La deuxième grande question est celle de la disparition des milieux humides. Lorsqu'un milieu humide est drainé ou rempli, nous perdons une protection contre les inondations et une possibilité d'alimentation des eaux souterraines. Nous perdons des fonctions de filtration et de purification de l'eau, fonctions qui font de l'eau les reins de la terre, en quelque sorte, et nous perdons les bénéfices qu'en tirent la faune terrestre et aquatique et l'être humain.

Troisièmement, il y a la disparition des zones tampons riveraines. Les activités agricoles qui diminuent ou endommagent les zones tampons riveraines ont une incidence sur l'habitat du poisson et de la faune terrestre, l'apport en nutriments et en sédiments dans les cours d'eau adjacents et surtout le débit du ruissellement des eaux de surface, un facteur critique dans l'atténuation des inondations. Tous ces facteurs affectent à leur tour la qualité et la quantité de l'eau.

Le quatrième grand point est la perte de biodiversité. Sans plantes indigènes, les zones tampons en bordure des champs et des cours d'eau et les milieux humides disparaissent et, du coup, nous perdons une part de la biodiversité. Nous créons ainsi une augmentation du nombre d'espèces en péril, ce que personne ne souhaite.

Le dernier point critique que je vais mettre en relief est celui du budget du Canada pour contrer les gaz à effet de serre. La conversion des prairies naturelles en terres cultivées, le labour excessif des terres marginales, y compris les milieux humides, et le drainage des milieux humides mènent tous à la production de gaz à effet de serre, que ce soit l'oxyde nitreux, le méthane, ou le dioxyde de carbone.

Alors, pourquoi sommes-nous ici et pourquoi avons-nous élaboré cette proposition? Depuis quelques années, nous estimons que les avantages que rapporte à la société la conversion des zones riveraines et des terres agricoles marginales en zones de couvert végétal permanent dépassent largement les coûts d'une telle conversion. Je tiens à souligner qu'il s'agit ici de coûts et d'avantages pour la société et non pas seulement pour les exploitations agricoles. Comme je l'ai dit au début de mon exposé, si les avantages dépassaient les coûts, les producteurs agricoles auraient déjà adopté ces pratiques.

Ce dont nous voulons traiter ici, c'est du fait que, dans le passé, les fonctions écologiques n'ont pas été pleinement prises en compte par les marchés commerciaux; nous ne savons pas encore comment comparer les fonctions écologiques aux fonctions économiques ou aux ressources créées par l'homme. Par conséquent, les fonctions écologiques se sont vues accorder trop peu de poids dans les décisions politiques au Canada.

Ce que nous aimerions vous montrer, c'est que nous avons un argument, à savoir qu'une intervention présente des avantages nets réels; c'est l'occasion de donner l'exemple et de prendre les bonnes décisions. Nous espérons vous avoir présenté suffisamment d'information pour piquer votre curiosité et vous amener à passer à l'action.

Qui doit prendre l'initiative dans ce domaine? Évidemment, du fait du renouvellement, nous considérons que c'est à Agriculture et Agroalimentaire Canada d'agir. Mais il ne s'agit pas d'une question strictement agricole. Comme Barry l'a mentionné, nous avons pressenti les cinq ministères fédéraux qui s'occupent de ressources naturelles. Ressources naturelles Canada doit intervenir dans ce dossier, car il est question de piégeage du carbone. Environnement Canada doit intervenir également, à cause de l'intendance de l'environnement, aussi bien en matière de biodiversité que de protection des espèces en danger. Le ministère des Pêches et des Océans doit intervenir également, puisqu'il est question d'habitat du poisson et d'habitat aquatique. Enfin, Santé Canada doit aussi intervenir puisqu'il est question de la salubrité de l'eau, qui nous concerne tous.

Nous devons également faire appel aux homologues provinciaux de ces cinq ministères. Nous sommes intervenus au niveau provincial. Nous avons commencé par les ministres de l'Agriculture. Ensuite, j'estime qu'il faudrait aussi faire appel à des ONG semblables à la nôtre, comme la Fédération canadienne de l'agriculture, l'Institut canadien pour la protection des cultures, etc. Nous avons déjà amorcé les discussions avec eux.

• 1050

Bref, nous considérons deux choses dans ces propositions: la première consiste à protéger ou à restaurer les zones riveraines dégradées. Comme on le voit sur ce schéma, qui permet de visualiser le changement, nous parlons de transformer un système pour le faire passer de ceci à cela, c'est-à-dire un système où le producteur gagne de l'argent en procédant aux changements. Le système ne lui coûte rien. Il n'est donc pas incité à passer à un système comme celui-ci, qui présente des avantages pour la société ainsi que pour l'agriculteur.

L'autre élément—et nous mettons ici l'accent sur les provinces des Prairies—consiste à offrir des incitatifs économiques aux propriétaires pour qu'ils transforment leurs terres agricoles marginales en zones de conservation du couvert végétal. Sur ce schéma, on passe d'un paysage semblable à celui-ci et on le transforme pour obtenir celui-là. En aval, à l'extrémité du paysage, vous voyez une sorte de ville modèle, qui représente la société, à qui profite tout ce qui se passe ici en amont.

Les points essentiels de cette proposition, c'est qu'il s'agit de gérer les terres de façon à améliorer la fourniture de biens et de services environnementaux. Il n'est pas question de verser des subventions ou de réduire la production de certaines matières premières. Ces questions vous intéressent peut-être, mais ici, nous envisageons simplement de payer des producteurs pour qu'ils fournissent ces biens et ces services à la société.

La préservation à long terme est préférable. J'aimerais qu'on aborde ce sujet à l'occasion des questions.

Nous voulons que ces terres ne soient pas utilisées à des fins agricoles. Ce que nous recherchons en définitive, c'est la qualité de l'air, la qualité de l'eau, un habitat pour la faune, un habitat pour les poissons et tous les avantages qu'en retire la société. Voilà les objectifs. Un usage agricole peut être acceptable pour atteindre certains d'entre eux. Rien ne s'y oppose. C'est une valeur ajoutée. Mais en définitive, nous parlons ici de biens et de services environnementaux.

Les analyses utilisées dans cette proposition ont deux origines: il y a tout d'abord une étude de cas approfondie à laquelle j'ai participé, qui a été réalisée par le personnel de Canards Illimités Canada et par Ken Belcher, de l'Université de la Saskatchewan, qui est économiste agricole de formation.

Nous avons aussi considéré trois études de cas, réalisées en Ontario, en Saskatchewan et au Manitoba, ainsi que dans l'Île-du- Prince-Édouard. On y étudiait les coûts-avantages d'une mesure comme celle-ci. Nous n'avons pas produit les données; elles existaient déjà. Nous avons choisi ces régions parce que les données les concernant sont nombreuses, en particulier dans le cas du bassin de la rivière Grand en Ontario.

Par ailleurs, nous voulions savoir la superficie des terres en question, leur emplacement, leur étendue dans chaque province, aussi bien pour les zones riveraines que les terres marginales. Pour ces deux sources, les études de cas approfondies ont donné une estimation des coûts-avantages par hectare, donc à un niveau très détaillé. Les calculs basés sur la terre ont permis d'estimer les superficies en question, de façon qu'on puisse extrapoler les études de cas approfondies au niveau national pour avoir une idée approximative des perspectives, tant du point de vue des terres que du point de vue des coûts-avantages.

Ici, nous avons considéré les terres marginales. Nous nous sommes demandé quelle était la superficie des terres marginales actuellement cultivées dans les Prairies. Nous avons repris la définition d'Agriculture Canada. Il s'agit des terres des catégories cinq, six ou sept de l'inventaire des terres du Canada. Tout le monde reconnaît que ce sont des terres marginales, que ce soit au niveau provincial ou fédéral. Parfait.

Combien y en a-t-il? Environ 2,5 millions d'hectares. Aux fins de cette proposition, si on en supprime la moitié, quels en seront la superficie et les coûts-avantages? Nous avons choisi la moitié parce que cela facilite le calcul. Si vous voulez le quart, divisez ces chiffres par deux. Si vous voulez la totalité, multipliez-les par deux.

Nous avons considéré les zones tampons riveraines dans toutes les régions. Nous avons fait le calcul des zones riveraines dans les secteurs cultivés. Nous estimons qu'il y en a environ 2,3 millions d'hectares. Disons qu'on en supprime la moitié. On obtient ce total de 1,115 million d'hectares. Pour les gens comme moi, vous avez ici la conversion en acres.

Nous avons donc ici un total. Nous parlons d'environ six millions d'acres si l'on supprime environ la moitié des zones riveraines pour en faire des biens et des services, ou la moitié des terres marginales des Prairies.

• 1055

Le document dont j'ai parlé tout à l'heure, qui a pour auteur M. Belcher, Cynthia Edwards et moi-même, a été réalisé pour le groupe de travail sur l'agriculture de la table ronde nationale. Nous envisagions une réforme fiscale écologique. Est-ce qu'on pourrait se servir de programmes fiscaux ou de programmes de dépenses pour favoriser une réforme écologique? Voilà l'origine de ces chiffres. Le total des avantages pour les Maritimes, le Québec et l'Ontario s'établit à 198 $ par hectare et par an. Voilà l'estimation de ces avantages.

La réforme comporte aussi des coûts. Pour l'essentiel, nous avons misé sur la prudence. Nous avons essayé de calculer les coûts annuels, en considérant que l'estimation la plus prudente consistait à déterminer les tarifs de loyer des terres dans chacune de ces provinces. Voici donc la moyenne des tarifs des loyers agricoles par hectare et par an. C'est l'origine de l'essentiel des coûts. Ensuite, nous avons ici le coût total. Quel est le résultat final?

Nous avons estimé que l'avantage net par hectare et par an allait de 108 $ dans les Maritimes à 67 $ en Ontario, essentiellement en fonction des tarifs des loyers. Nous avons considéré le cas particulier des provinces des Prairies. Le total des avantages est estimé à 68 $, avec des coûts d'environ 34 $, compte tenu des loyers annuels, si bien que les bénéfices nets pour les Prairies sont de 34 $.

Au total, nous avons un objectif d'environ 2,4 millions d'hectares. Les bénéfices devraient être de 200 millions de dollars par année. Le coût de ce programme, qui correspond essentiellement au versement d'un loyer annuel, devrait être d'environ 103 millions de dollars par année. Le bénéfice net est donc estimé à 93 millions de dollars par année.

Quelles devraient être les implications d'un tel programme? Il devrait s'agir d'une initiative de la catégorie verte de l'OMC. Nous visons des terres écologiquement vulnérables. Nous ne faisons pas la promotion d'un programme de conversion des pâturages.

Nous sommes convaincus que la protection de l'environnement et la durabilité des pratiques agricoles constituent des objectifs complémentaires du gouvernement du Canada. Ça se confirme dans tout ce que nous avons vu, tout ce que nous avons entendu, et tout ce que nous avons lu.

Enfin, tout à fait dans la même veine, le programme démontre que l'agriculture canadienne est écologiquement responsable, ce qui constitue une formule gagnante, un véritable succès. Si l'on se reporte au discours du Trône de janvier dernier, on peut y lire que l'on encourage l'adoption de normes élevées en matière de protection de l'environnement en milieu agricole. Fait plus récent, lors de la réunion des ministres de l'Agriculture fédéral, provinciaux et territoriaux, un plan d'action a été élaboré et signé par les 10 provinces et un territoire. L'objectif est de faire du Canada le chef de file mondial en matière de salubrité des aliments, d'innovation et de protection de l'environnement. En effet, dans le communiqué de presse émis après la réunion, on peut lire que l'intention est la suivante: «améliorer le rendement du secteur en matière d'environnement par l'adoption accélérée de mesures environnementales à la ferme». Voilà un outil concret qui vient s'ajouter à la trousse d'outils écologiques qu'ils essaient de mettre au point. Récemment, c'était lundi je crois, le Globe and Mail a publié un cahier «C» spécial produit par Agriculture et Agroalimentaire Canada, et à la une de ce cahier on présentait un libellé semblable.

Il y a beaucoup de raisons qui incitent les observateurs à croire que ça ne fonctionnera pas. Ce que nous essayons de faire, c'est d'encourager les gens à en voir les aspects positifs et à participer à sa mise sur pied. Si nous nous concentrons sur les imperfections du programme, nous n'irons nulle part.

Heureusement, Canards Illimités jouit d'une expérience de 60 ans avec les propriétaires terriens. De plus, un programme semblable est en place aux États-Unis depuis 1986. Il s'agit du Conservation Reserve Program, qui a été intégré à quatre lois agricoles. Il est actuellement à l'étude au Congrès en vue de son intégration à la Loi agricole de 2002. De ces 16 années d'expérience, les Américains ont appris à reconnaître les aspects positifs et négatifs du programme.

Il y a donc des leçons à en tirer. Nous avons rencontré Bob Stephenson, gestionnaire principal de ce programme aux États-Unis. Il nous a prodigué de nombreux conseils. Nous lui avons demandé: «Bob, si vous pouviez tout recommencer, que feriez-vous?» Vous voyez que cela provient en bonne partie de notre expérience et de la leur.

Rapidement, j'ajouterai que la participation doit se faire sur une base volontaire avec incitations financières. C'est là un élément clé.

Il s'agit d'une approche centrée sur les terres marginales dans le but d'offrir des bénéfices environnementaux, et non pas pour réduire les cultures rentables. La Loi agricole de 1986 avait commencé par cela. Mais on en a tiré des leçons, et dès 1996, on avait cessé cette pratique. Il n'y a pas d'approches qui conviennent à tous. Les objectifs visés dans les Maritimes peuvent différer de ceux fixés dans les Prairies ou en Colombie- Britannique. Il n'y a pas de solution universelle. Mais il faut maintenir une approche simple. Plus il y a d'approches personnalisées, plus les coûts administratifs sont élevés.

• 1100

Maximisation des avantages environnementaux par rapport aux coûts. C'est ce qu'ils ont fait aux États-Unis. Ils ont un indice qui mesure les bienfaits pour l'environnement. Essentiellement, il s'agit de l'indice qui, aux États-Unis, sert à évaluer les demandeurs pour le Programme de rétablissement des cultures, et à l'heure actuelle il y a une fois et demie plus de candidats que prévu dans le budget du programme.

Les paiements incitatifs devraient être adaptés au marché. Il nous faut encourager l'apport d'organismes de protection de la faune en vue d'identifier les objectifs—et je ne devrais pas dire «faune», mais bien tous les groupes d'intérêts écologiques. Il nous faut limiter la participation par région afin que de grands territoires ne soient pas retirés de la production. Le programme de rétablissement des cultures fixe la limite à 25 p. 100 par comté.

Viser des terres importantes d'un point de vue environnemental ou des terres agricoles marginales. Dans certaines régions, l'objectif est peut-être la protection des espèces fauniques, mais ce n'est pas le cas pour toutes les régions.

Protéger à perpétuité des terres marginales moyennant un paiement unique. Et j'aimerais y revenir lors de la discussion.

Lier les contrats de participation au programme avec l'engagement canadien dans le cadre du Protocole de Kyoto. Nous croyons qu'une industrie primaire qui doit acheter des crédits d'émissions de carbone serait heureuse d'acheter des crédits par l'entremise de ce programme. Ainsi, l'industrie pourrait en fait financer le programme.

Il faut lier le programme, comme je l'ai déjà dit, à la nouvelle Vision pour l'agriculture et unir les cinq ministères fédéraux concernés par les ressources naturelles et leurs homologues provinciaux pour bâtir ce programme. Il faut améliorer l'administration du financement des programmes par l'intermédiaire des ONG. Notre organisation est prête à faire cela, non seulement à fournir les fonds mais aussi le temps de notre personnel. Nous avons près de 400 employés permanents d'un bout à l'autre du pays. Nous avons des bureaux dans chaque province.

Nous disons qu'il faut avoir recours à la gestion adaptée. La recherche de la perfection ne doit pas nous bloquer. Il faut s'y mettre. On n'arrivera pas à la perfection; personne ne va trouver de solution magique cette année. Commençons, faisons de notre mieux et évaluons. Si l'objectif c'est l'eau, donnons-nous un paramètre de la qualité de l'eau. Nous allons commencer ici la première année et nous rendre là la cinquième et si ça ne progresse pas aussi bien que prévu, modifions le programme pour y arriver. Mais on ne peut pas attendre que ce soit parfait avant de commencer, sans quoi on ne commencera jamais. Il faut aussi nous assurer que le programme n'encourage pas la production. Il devra être compatible avec les accords commerciaux comme l'ALENA, celui de l'OMC, etc. Nous pensons que c'est le cas.

Enfin, la chute. Nous n'avons que deux recommandations. Nous voulons que les cinq ministères fédéraux chargés des ressources naturelles collaborent pour mettre sur pied un programme incitatif national de conservation du couvert végétal qui remédie aux problèmes et préoccupations de nature environnementale des ministères associés, comme nous les avons évoqués brièvement dans cette proposition. Deuxièmement, nous voudrions être à la table pour apporter notre aide. Jusqu'à présent, c'est nous qui avons été les architectes de cette proposition. Chacun des cinq ministères visés, que nous avons rencontrés, trouve que c'est excellent, que ça leur plaît mais qu'ils n'ont pas le temps de s'en occuper. Nous sommes sollicités ailleurs. Il y a des crises qui éclatent ça et là mais c'est super, ça nous plaît.

Il faut trouver le moyen d'unir ces protagonistes pour leur confier ce mandat pour une durée déterminée. Lançons-nous. Créons le bataillon.

Enfin, nous sommes prêts à fournir un financement non négligeable si le programme correspond aux objectifs que nous avons énoncés ici.

Il nous reste maintenant un peu de temps pour les questions. Nous serons heureux d'y répondre. Merci.

Le président: Merci, monsieur Gray.

La plupart des députés connaissent sans doute Canards Illimités. Je participe à l'occasion à vos soirées de souscription. Ce qui m'a frappé quand j'ai rencontré Barry, ce sont vos ressources financières et vos budgets annuels et l'importance des sommes que vous pouvez affecter à des programmes de ce genre.

Pour l'information des membres du comité, Barry, pourriez-vous nous dire si vous êtes effectivement une des plus grandes organisations?

M. Barry Turner: Vous avez raison, monsieur le président. Canards Illimités Canada s'occupe de bien davantage que des canards, comme la plupart d'entre vous le savent. Nous sommes la plus grande entreprise de conservation du pays et si vous ajoutez nos ressources—nous allons dépenser environ 80 millions de dollars cette année au pays—à celle de DU Inc. aux États-Unis, il s'agit de la plus grande entreprise de conservation au monde.

Ce que beaucoup d'entre vous ignorent, je crois, c'est que nous obtenons quelque 20 millions de dollars canadiens par année du Congrès américain, et cet argent est envoyé à l'entité canadienne par la société américaine. Il s'agit de la contribution du gouvernement fédéral américain au Plan nord-américain de gestion de la sauvagine, conclu par le Canada, les États-Unis et le Mexique en 1986 et qui a eu des effets non négligeables sur les terres humides, la sauvagine et la faune d'un bout à l'autre de l'Amérique du Nord.

• 1105

Nous recevons également quelque 30 millions de dollars canadiens par année de DU Inc. aux États-Unis. On le sait, la faune du continent, pour l'essentiel, naît au Canada mais hiverne aux États-Unis; c'est une richesse naturelle commune. C'est pourquoi le gouvernement américain contribue de façon importante aux efforts de Canards Illimités Canada.

J'ai discuté avec des législateurs américains concernant le maintien de leur engagement financier à l'égard du Canada. Ils seraient beaucoup plus disposés à trouver des fonds additionnels pour les zones humides, la sauvagine et la santé de nos collectivités si le gouvernement du Canada s'engageait à en faire autant.

C'est ce qu'on nous a dit par l'entremise de DU Inc. à Washington. Dans le cadre de cette initiative, nous tentons d'amener les cinq ministères concernés par les ressources naturelles, le gouvernement fédéral et les provinces à collaborer avec nous pour protéger les biens et services environnementaux des paysages agricoles à l'échelle du pays. Essentiellement, c'est notre situation financière actuelle; nous sommes disposés à consacrer chaque année des millions de dollars à cette initiative.

Le président: Merci, Barry.

Notre temps est limité; je vous prie donc d'être brefs dans vos questions.

David, voulez-vous commencer?

M. David Anderson: Suite à ce que vous venez de dire, j'aimerais savoir qui vous finance. Quelle part de vos fonds provient du gouvernement? Quelle part provient de sources privées? Aussi, comment se répartissent vos actifs?

M. Brian Gray: Pour répondre à la première partie de votre question sur nos fonds, comme Barry l'a expliqué, la North American Wetlands Conservation Act (NAWCA) signée en 1989 par George Bush est une loi du Congrès américain qui stipule... On cherchait une façon de financer le Plan nord-américain de gestion de la sauvagine. C'est le mécanisme que l'on a choisi. Il a été stipulé que jusqu'à 45 millions de dollars américains chaque année pourraient être consacrés à la mise en oeuvre de la Loi américaine sur la conservation des terres humides de l'Amérique du Nord.

Chaque année, la Chambre des représentants et le Sénat américain doivent y affecter des fonds, que ce soit 45 millions de dollars ou moins. Certaines conditions s'appliquent: une somme égale doit être fournie par un organisme autre qu'un organisme fédéral américain—par exemple un État ou une ONG comme Canards Illimités, et 45 p. 100 de la somme totale doit être versée au Canada. Seulement 50 p. 100 des fonds restent aux États-Unis; 5 p. 100 servent au Mexique et 45 p. 100, au Canada. C'est ce que prévoit la loi.

L'ennui, c'est que chaque année, depuis 1991, seulement entre 15 et 18 millions au total ont été affectés au Plan nord-américain de gestion de la sauvagine et nous n'avons pu verser que 45 p. 100 de cette somme.

L'an dernier, il y a eu un problème. Pour une raison ou pour une autre, le Congrès a décidé de verser la somme maximale. J'ignore si c'est parce que M. Clinton partait, mais on a décidé de verser 45 millions de dollars. Nous savons, pour en avoir parlé avec des représentants du Congrès, que le Congrès ne souhaite pas que cela se reproduise parce qu'il estime que le Canada ne fait pas sa part. Les représentants du Congrès se demandent à quoi il sert aux États-Unis de nous verser cet argent si le gouvernement canadien n'en fait pas autant. Par conséquent, si nous pouvions montrer aux Américains que nous mettons en oeuvre un programme comme celui-ci, nous pourrions demander que la somme maximale de 45 millions de dollars soit versée chaque année.

Cette année, donc, notre budget de 80 millions de dollars est donc artificiellement élevé en raison de ce qui s'est produit l'an dernier. Nous avons obtenu 20 millions de dollars américains comme somme forfaitaire équivalente que verse DU Inc. Nous ne croyons pas que les fonds que nous recevons resteront aussi élevés.

Toujours en réponse à votre question, je peux vous dire plus précisément qu'en moyenne, 55 à 60 p. 100 de notre argent provient de DU Inc. et de la somme équivalente que verse le gouvernement fédéral. Le reste, nous le trouvons au Canada en tenant divers événements. Nous tenons environ 600 dîners, tournois de golf, etc. J'espère que vous avez participé à un de ces événements. Sinon, je vous encourage à le faire; ces événements se tiennent dans presque toutes les localités. Les profits sont consacrés à notre programme. Cela équivaut à environ 20 millions de dollars par année. Nous tentons aussi de mettre davantage l'accent sur les dons importants. Nous existons depuis longtemps, mais nous sommes nouveaux dans ce domaine, et nous tentons d'obtenir des dons importants de grandes sociétés ou fondations canadiennes. Nous recevons une subvention du gouvernement du Canada. En moyenne, dans le cadre de ces partenariats, nous recueillons de un à deux millions de dollars chaque année; récemment, nous avons reçu un million de dollars du fonds du millénaire.

M. David Anderson: Est-ce que votre société...

M. Brian Gray: Nous recevons aussi des sommes des provinces.

M. David Anderson: ... possède des terres?

M. Brian Gray: Oui. Nous sommes propriétaires d'environ un quart de million d'acres de terres, pour la plupart en Saskatchewan.

• 1110

Pour revenir à ce que je disais tout à l'heure, la NAWCA prévoit qu'une part des sommes provenant du Congrès et dont le Canada contribue le même montant doit servir au Canada. De plus, on tient à ce que cet argent reste au Canada à perpétuité. Voilà pourquoi on aime bien acheter des terres. On aime aussi les servitudes de conservation qui permettent aux propriétaires de tout conserver sauf la servitude. On confie à Canards Illimités, par exemple, le soin des aspects environnementaux des terres appartenant à un particulier.

Ainsi, plus les mesures sont permanentes, plus nous avons de chances d'obtenir des fonds du gouvernement fédéral américain.

M. David Anderson: Il y a donc une grande différence entre le programme américain de réserves de conservation (CRP) et ce que vous faites.

M. Brian Gray: En effet. Le CRP ne reçoit aucuns fonds aux termes de la NAWCA.

M. David Anderson: Je cède la parole aux autres intervenants.

M. Howard Hilstrom: S'il lui reste du temps, j'aimerais que vous me l'accordiez.

Le président: Il reste 30 secondes.

M. Howard Hilstrom: Barry, Brian, vous me connaissez probablement. Je m'appelle Howard Hilstrom; je suis de la région de Vestfold, le comté où se trouve le projet Stonewall Oak Hammock. Vous nous avez brossé un tableau très positif, mais vous savez fort bien que le projet de Canards Illimités dans la région de Vestfold connaît de graves problèmes provoqués par l'inondation. Canards Illimités n'en est pas entièrement responsable, mais à l'heure actuelle, vous faites partie du problème et non de la solution.

J'ai jeté un coup d'oeil à votre proposition... Je crois que je pourrai l'appuyer, mais je devrai d'abord l'étudier en détail. Je ne voudrais pas que tous les membres du comité tiennent pour acquis que tous les projets de Canards Illimités sont sans problème.

Une des principales difficultés, c'est que Canards Illimités dispose de sommes considérables d'argent et que les petits agriculteurs qui signent des accords avec vous ne peuvent vous obliger, faute de ressources, à respecter les accords en ce qui a trait aux niveaux d'eau et à ce genre de choses. Peut-être pourriez-vous nous dire comment un propriétaire foncier peut traiter avec une organisation aussi grande que la vôtre?

Le président: Merci, Howard. Je suis désolé, mais vos 30 secondes sont écoulées.

Peut-être que les témoins voudront répondre à votre question un peu plus tard.

Je cède la parole à Marcel.

[Français]

M. Marcel Gagnon: Je veux offrir des félicitations à cet organisme parce que chez nous au Québec, la collaboration de Canards Illimités à la restauration des terres humides, entre autres, a été plutôt bonne.

Vous faites deux recommandations, ce qui veut dire que vous avez de la difficulté à atteindre des objectifs et à réunir un certain nombre de ministères. De quelle façon peut-on vous aider à atteindre cet objectif, parce que la restauration que vous faites de l'environnement, c'est extraordinaire?

[Traduction]

M. Barry Turner: C'est une excellente question.

[Français]

Merci beaucoup.

[Traduction]

De quelle façon pouvez-vous nous aider? Eh bien, monsieur le président, ce serait merveilleux si votre comité appuyait unanimement cette initiative et recommandait au ministre de l'Agriculture, au conseil des ministres ou au premier ministre que les cinq ministères concernés par les ressources naturelles collaborent avec nous pour mener à bien ce projet.

J'ajouterai que nous avons rencontré le ministre québécois de l'Environnement,

[Français]

M. André Boisclair. Nous avons rencontré M. Boisclair et ses fonctionnaires qui ont dit qu'en principe et en général, ils trouvaient le projet très intéressant et qu'ils voulaient travailler avec Canards Illimités Canada pour améliorer cette initiative.

C'est très positif au Québec aussi.

M. Marcel Gagnon: Merci. Vous avez déjà du bon travail d'entrepris au Québec.

M. Barry Turner: Merci, monsieur.

Le président: Merci, Marcel.

[Traduction]

Paul, avez-vous une question?

M. Paul Steckle: Oui. Je suis un partisan de Canards Illimités. Dans ma région, des terres agricoles ont été transformées en aire de gestion de l'habitat des canards. Il s'agit de l'aire de gestion de la faune de Hullett.

Je suis tout à fait d'accord avec votre orientation dans cette initiative. Elle m'apparaît tout à fait positive compte tenu de la situation actuelle de la communauté agricole et de son avenir.

Mais quels sont les avantages? Combien d'Américains viennent au Canada et quelle est l'incidence sur notre économie? Je sais que des chasseurs américains viennent au Canada en raison de la présence de sauvagine, peut-être davantage dans l'Ouest qu'en Ontario, mais il importe de le reconnaître. Il faut avancer ce genre d'arguments. C'est une excellente initiative, et je l'appuierais.

• 1115

M. Barry Turner: Monsieur le président, en mai dernier, nous avons témoigné devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, présidé par le sénateur Gustafson. À la fin de notre exposé, la sénatrice Joyce Fairbairn a été la première à intervenir, d'abord en faisant une observation puis en posant une question. Elle a dit que, pendant sa jeunesse à Lethbridge il y a de nombreuses années, il y avait des terres humides partout, une faune très riche, des chasseurs de sauvagine partout, et que les gens de monde entier allaient en Alberta pour chasser le gibier d'eau. Elle a déclaré que les choses avaient bien changé et qu'il ne restait pratiquement rien.

Elle a raison, car au cours des 40 dernières années, nous avons été témoins de l'assèchement et de l'érosion de l'habitat de la sauvagine en Alberta et dans d'autres régions du pays. C'est pourquoi les femmes et les hommes qui allaient chasser dans cette région n'y vont plus, ce qui prive l'Alberta ou le Canada de ces avantages économiques.

En Saskatchewan, la chasse à la sauvagine est encore importante, mais ce qui était vraiment intéressant, c'est de l'entendre dire qu'il ne reste pratiquement rien. Lorsqu'on jette un coup d'oeil aux paysages—nous ne vous avons pas montré, mais nous aurions pu le faire, une photo de Churchbridge, en Saskatchewan, prise en 1956; il s'agit d'une photo aérienne et une autre de 1997. Si l'on compare les photos aériennes prises 40 ans plus tard, on constate que les terres humides ont considérablement diminué. Vous avez donc raison, et merci de cette remarque positive.

M. Paul Steckle: Quelle réaction avez-vous obtenue de la part de ces cinq ministres? Avez-vous rencontré les responsables de ces ministères séparément ou ensemble?

M. Barry Turner: Comme vous le savez peut-être, il est très difficile de réunir des responsables de ministères fédéraux. Il existe ici ce qu'on appelle des «silos», et tous protègent leurs intérêts et leurs territoires, et pour des raisons qui leur sont propres, leurs divers programmes. C'est bien. Il en va ainsi à Ottawa depuis des décennies.

M. Murray Calder: C'est un peu comme rassembler des chats.

M. Barry Turner: Oui, monsieur Calder, rassembler des chats.

Nous réussissons assez bien à rassembler des choses et nous le faisons, et c'est d'ailleurs ce que nous voulons contribuer à faire, comme le prouve notre initiative. Si le groupe de travail sur l'agriculture du premier ministre décidait que les représentants de Canards Illimités et des cinq ministères en cause doivent se réunir avec des responsables d'Agriculture Canada, pour discuter pendant quatre, cinq, ou six mois en vue d'élaborer ce programme, nous serions pleinement satisfaits.

Le président: Merci, Paul.

À vous, Rose-Marie.

Mme Rose-Marie Ur: J'ai une brève question à poser.

Dans votre première diapositive, vous présentez les principales pratiques menaçant l'intégrité écologique des paysages agricoles et, à la fin, vous parlez du recours excessif aux engrais et aux pesticides. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous sur ce point. Je suis convaincue que nos agriculteurs ont admis qu'ils sont de bons intendants de la terre et l'utilisation de pesticide a diminué de 49 p. 100, contrairement à ce que vous dites. Il semble que la tendance soit sur le point de se renverser, et j'ai lu quelque chose à ce sujet cette semaine également.

Je suis une fervente partisane de Canards Illimités également dans ma circonscription de Lambton—Kent—Middlesex, dans le sud-ouest de l'Ontario, et ses responsables sont en communication étroite avec nos bureaux, avec toutes leurs activités, etc.

Ma question est la suivante: dans quelle mesure un propriétaire foncier a-t-il voix au chapitre lorsqu'on propose de réserver certaines terres au sein d'une zone donnée? Qui s'en occupe et dans quelle mesure le propriétaire a-t-il son mot à dire en dernier ressort?

M. Brian Gray: C'est un programme facultatif et qui sera fondé sur des mesures incitatives. Par conséquent, si un propriétaire foncier se porte volontaire, après avoir fait des calculs et déterminé qu'il voulait participer de plein gré à ce programme, il s'inscrit.

Pour décider qui a le droit de s'inscrire, on pourra établir, comme c'est le cas aux États-Unis, un indice des avantages environnementaux. Dans votre coin de terre, il pourra s'agir de la qualité de l'eau plus précisément, et on essaiera donc de voir ce qu'il faut faire sur la terre pour améliorer les critères de la qualité de l'eau. Seules les personnes qui appliqueront un programme susceptible d'atteindre cet objectif auront le droit de participer de plein gré au programme. Il y aura donc des gens qui ne seront pas admissibles parce qu'ils n'auront pas suffisamment de points par rapport à la liste des avantages éventuels liés à ce projet.

Mme Rose-Marie Ur: Que devient l'assiette fiscale, s'il en va ainsi?

M. Brian Gray: Ils continuent de payer l'impôt sur ces terres. Les zones réservées aux fins de conservation continuent d'être assujetties à l'impôt.

Mme Rose-Marie Ur: Elles sont assujetties à l'impôt?

M. Brian Gray: Pour répondre à votre première remarque au sujet de l'utilisation excessive, j'ai oublié d'apporter une précision. Je veux parler de l'utilisation excessive d'engrais sur les terres marginales. L'Institut pour la protection des cultures, en constatant ce phénomène, est d'accord avec nous. Du simple fait qu'il s'agit d'une terre marginale, il faut obtenir un peu plus que s'il s'agissait de terres de qualité. Je ne parle pas de la terre de bonne qualité. Nous sommes tous d'accord avec vous qu'il ne s'agit pas de ce genre de terre.

• 1120

Le président: Merci, Rose-Marie.

Je vais faire un tour de table.

Larry, vous avez la parole.

M. Larry McCormick: Merci beaucoup, messieurs, de votre présence. Votre organisme est formidable.

En tant qu'ancien chef de petite entreprise, j'estime que le choix du moment est crucial pour n'importe quel projet. Nous pensons évidemment que la proposition que vous faites pour ce programme tombe à point nommé.

Je me souviens qu'un soir, nous allions dans la résidence du gouverneur général et j'ai parlé à certains de mes amis du Parti de l'alliance pour savoir ce qu'il en était dans l'ouest et dans les Prairies. Les besoins sont grands dans cette région ainsi que dans toutes les provinces. Mon ami s'appelait Gary et nous avons parlé de la superficie de terre en Saskatchewan.

Et, Dave, c'est merveilleux là-bas.

J'aimerais vous permettre de répondre à M. Howard Hilstrom, car je suis sûr que votre organisme souhaite participer à cette entreprise.

Je vais essayer de lui faciliter la tâche, car c'est d'une grande importance. À mon avis, nous devons unir nos efforts et c'est ce que je vais recommander.

Le président: Murray a une question à poser.

M. Larry McCormick: Est-ce que nous avons le temps d'entendre la réponse?

Le président: Entendu, si vous souhaitez obtenir une réponse.

M. Larry McCormick: Je vais lui permettre de répondre.

Howard, peut-être que... si vous le permettez, monsieur le président?

Le président: Est-ce une question importante?

M. Larry McCormick: Oui. Merci, monsieur le président.

Le président: Le secrétaire parlementaire s'occupe de tout le monde, je le suppose, et donc, Howard...

M. Brian Gray: Monsieur Hilstrom, je sais qui vous êtes et malheureusement nous ne nous sommes jamais rencontrés. Je suis heureux de vous voir.

Je prends vos remarques très au sérieux, et je ne vais pas vous contredire, car je ne connais pas la situation. J'aimerais beaucoup que vous, ou votre source, me communiquiez le dossier, pour que je puisse l'examiner.

Ce que je prends très au sérieux, c'est notre intégrité et nous ne sommes pas parfaits. Lorsqu'on a 400 employés, on ne peut pas atteindre la perfection. Les mesures que nous prenons à l'égard du paysage agricole nous obligent à être équitables, honnêtes, car dès l'instant où l'on cesse de l'être, on ne trouve plus d'intendants pour nous aider, et on ne trouve plus personne pour participer volontairement au programme.

Je ne vais donc pas vous contredire, car je n'ai pas les faits en main, mais j'aimerais vous me les communiquiez et je prendrai les mesures qui s'imposent.

Le président: Merci.

Murray, je vous prie de m'excuser.

M. Murray Calder: En fait, ce programme est très intéressant, à mon avis. Je pense qu'il serait utile de le mettre en vigueur dès à présent pour les agriculteurs qui se débattent avec leurs problèmes sur les terres marginales. Ils ont tous les intrants à payer et, au moment où ils vendent le produit, s'ils ont de la chance, ils font un bénéfice tandis que vous allez venir jeter un coup d'oeil à cette terre. Si vous réussissez à conclure une entente avec l'agriculteur, ce dernier n'aura pas besoin de faire tout cela car il obtiendra directement des recettes calculées selon la superficie de la terre. C'est donc nettement un avantage.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

J'examine sérieusement une autre chose. L'an dernier, nous avons connu la crise de Walkerton en Ontario, ville qui se trouve à environ 25 milles de là où j'habite. À l'heure actuelle, l'Ontario est en train de préparer un train de mesures législatives concernant le secteur agricole.

Je crois que les zones tampons dont il a été question dans votre exposé cadrent avec le programme que compte mettre en oeuvre l'Ontario. Je crois d'ailleurs que c'est la solution qu'on adoptera à l'échelle du pays puisque l'approvisionnement en eau concerne toutes les régions. Je me demande si vous avez discuté de la mise en oeuvre de cette loi avec le gouvernement de l'Ontario ainsi qu'avec les agriculteurs.

M. Brian Gray: Nous avons été invités à témoigner dans la phase deux des audiences de Walkerton et nous l'avons fait. Nous avons présenté un rapport au juge O'Connor. Le rapport, intitulé Beyond the Pipe (Au-delà des tuyaux), est maintenant public. Nous avons fait valoir devant la Commission qu'il fallait effectivement se préoccuper des épurateurs et des tuyaux, mais qu'il fallait aussi se préoccuper de l'aménagement des terres. Si les terres peuvent être aménagées de façon à servir de filtre et à nettoyer l'eau et l'air, nous n'aurons pas à nous préoccuper autant de cette deuxième ligne de défense.

Prenons l'exemple de New York. La plus grande partie de l'eau de New York provient des montagnes Catskills. Cette eau non traitée provient directement des rivières et des lacs.

• 1125

Il y a dix ans, on a constaté un niveau de bactéries élevé dans cette eau ainsi que de l'azote et du phosphore. Dans un délai d'un an ou deux, la ville a dû concevoir un immense système de nettoyage. Les meilleurs ingénieurs de New York ont estimé que la construction d'une infrastructure de traitement de l'eau coûterait entre six et huit milliards de dollars.

On s'est ensuite intéressé à l'aménagement des terres, ce cadeau de Mère Nature. Les ingénieurs se sont dit qu'il fallait protéger les zones riveraines, modifier la largeur des zones tampons, des pratiques agraires ainsi que le comportement des propriétaires de chalets. En faisant appel à l'aide de Mère Nature, le coût des travaux est tombé à un milliard de dollars. Il s'agit du même type de programme.

Malheureusement, on ne sait souvent que trop tard ce qu'on aurait pu économiser en comptant sur la nature. Nous nous proposons d'intervenir avant qu'il ne soit trop tard.

Vous m'avez aussi posé une question au sujet des incitatifs. J'ai une remarque à faire à ce sujet. Pour reprendre l'exemple de New York et des zones riveraines... il est difficile d'établir le coût des investissements nécessaires parce qu'il n'est pas toujours facile de chiffrer tous les facteurs dont on doit tenir compte. Prenons cependant l'exemple des investissements que nous consentons dans la construction des autoroutes, des ponts et des hôpitaux. Il s'agit d'investissements en capitaux. Il s'agit d'investissements qui sont essentiels, qu'ils soient repayés sur une période d'un an ou sur une période cinq ans. Il faut absolument remplacer les ponts. Il s'agit d'un nouvel investissement de 100 p. 100.

Nous parlons d'un investissement en capital non répétitif. Si cet investissement est consenti maintenant, il ne sera pas nécessaire de réinvestir dans ce domaine de nouveau parce que Mère Nature va faire sa part pendant des milliers et des milliers d'années. Nos arrières-petits-enfants nous remercieront de notre sagesse aujourd'hui parce qu'ils n'auront pas eux à faire cet investissement pendant leur vie.

M. Barry Turner: Monsieur le président, puis-je répondre à l'autre partie de la question? Nous avons rencontré deux fois le ministre de l'Agriculture de l'Ontario, M. Calder, et nous comptons rencontrer très bientôt les ministres des Ressources et de l'Environnement de l'Ontario.

Le président: Je vais maintenant redonner la parole à David qui a une brève question à poser.

M. David Anderson: Qu'est-il advenu des producteurs en amont dans les montagnes Catskills lorsqu'on a décidé de protéger les zones riveraines? Quelle incidence cette décision a-t-elle eue sur les producteurs?

M. Brian Gray: Deux choses sont survenues. La ville de New York a acheté volontairement 100 000 acres. La ville n'a pas eu à acheter toutes les terres agricoles, mais seulement un certain pourcentage. Les terres ont été achetées aux enchères. Si je ne m'abuse, la ville n'a pas eu à exproprier des terres. Ces terres ont été achetées de la façon normale. La ville s'est ensuite rendu compte qu'il lui fallait davantage de terres—je ne peux cependant pas vous fournir de chiffres à brûle-pourpoint—, et on a prévu des servitudes de conservation sur des terres appartenant toujours à des propriétaires privés. Dans d'autres cas, on a simplement demandé aux producteurs de changer leurs méthodes. On a aussi demandé à certains propriétaires de chalets de changer l'emplacement de leurs fosses septiques qui avaient été installées trop près de l'eau.

En bout de ligne, les producteurs ont été très satisfaits.

M. David Anderson: Je m'inquiète un peu lorsque j'entends parler de «terre marginale». Je viens de la Saskatchewan et certains organismes agricoles de la province qui réclament un programme de rétablissement des cultures voudraient que les terres marginales cessent d'être cultivées et cessent d'être admissibles à certains programmes.

Je viens de l'une des régions où il n'existe pas véritablement de problèmes de ruissellement ou d'érosion. Les agriculteurs essaient de réduire l'épandage de pesticides. On soutient depuis des années qu'on devrait réensemencer ces terres en herbe, mais elles ont cependant donné de bons rendements parce que les agriculteurs ont pris certaines bonnes initiatives.

Votre proposition m'inquiète donc. Je sais que le programme que vous proposez est volontaire, mais lorsqu'il s'agit de terres marginales, on semble toujours penser qu'il s'agit des terres de quelqu'un d'autre. Moi, je vis dans ces régions. Ces producteurs se tirent pas mal d'affaire maintenant et c'est en partie parce qu'ils vivent sur place.

Je pense qu'il faut donc éviter d'isoler les producteurs.

Le président: Je vous remercie, David.

[Français]

Suzanne.

Mme Suzanne Tremblay: Moi, j'ai une courte question qui pique ma curiosité. Les tableaux de coûts et bénéfices que vous nous présentez font état de paiements aux producteurs qui sont de 32 $ dans les Prairies et de 129 $ en Ontario, ainsi que de 80 $ au Québec et de 87 $ dans les Maritimes. Qu'est-ce qui explique ces différences? Pourquoi tout le monde n'est-il pas payé de la même façon?

• 1130

[Traduction]

M. Brian Gray: Je répondrai à cette question. Si vous prenez cette diapositive, on voit que le paiement n'est pas le même dans les Maritimes, au Québec et en Ontario. Nous avons cependant estimé que le programme présente les mêmes avantages dans ces régions, c'est-à-dire dans les deux provinces du Québec et de l'Ontario et dans les trois provinces des Maritimes. Ce qui varie, c'est le coût de mise en oeuvre du programme.

Comme nous évaluons les coûts-avantages de façon annuelle, nous nous servons du loyer annuel. C'est ce qui explique l'écart dans les paiements. Dans les Maritimes, les terres se louent 87 $ l'hectare. En Ontario, les taux de location sont plus élevés. Les avantages nets réels sont donc moins élevés parce que les loyers annuels des terres agricoles de cette région sont moins élevés.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Est-ce à cause du marché dans cette province-là? Est-ce le marché qui détermine ces prix?

[Traduction]

M. Brian Gray: Oui.

Le président: Marcel, avez-vous une question à poser?

[Français]

M. Marcel Gagnon: Je voulais vous parler brièvement de l'expérience du lac Saint-Pierre. Je ne sais pas si vous savez où il est. C'est près de Trois-Rivières. Il se posait un problème très important quant aux intérêts de l'agriculture, de l'écologie, des pêcheurs etc. Grâce à la collaboration de Canards Illimités Canada, autour des les années 1980 si je m'en souviens bien, on a pu établir un point de rencontre pour tous ces besoins. J'invite les membres du comité, quand ils viendront au Québec, si l'occasion leur en est donnée, de visiter les alentours du lac Saint-Pierre. Vous y verrez plusieurs installations qui satisfont les besoins des agriculteurs tout en respectant les objectifs écologiques et en assurant la sauvegarde de l'environnement de façon, à mon point de vue, assez exemplaire.

C'est le message que je voulais vous transmettre.

[Traduction]

M. Barry Turner: Monsieur le président, nous aimerions vous remercier de nous avoir invités à ce rallye de Canards Illimités Canada ici à Ottawa. Les propos que nous avons entendus aujourd'hui nous ont encouragés.

Nous nous réjouissons de collaborer avec vous et vos collègues ainsi qu'avec le gouvernement fédéral afin de protéger nos terres agricoles plus efficacement.

Le président: Barry, j'aimerais vous remercier ainsi que vos collaborateurs d'avoir comparu devant le comité. Je pense que la séance a été fort intéressante. Quelques commentaires négatifs ont été faits, mais je n'en dirai pas plus à ce sujet.

J'aimerais signaler aux membres du comité que je suis prêt à recevoir une motion sur cette question dont nous pourrions traiter à une réunion subséquente ou que nous pourrions transmettre à la Chambre des communes ou, par lettre, à d'autres comités permanents.

La séance est levée.

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